Par Louize
On ne dit pas "la" tequila mais "el" tequila! Je ne garantis pas qu'il y ait d'autres informations aussi enrichissantes dans ce blog, mais je vous promets des jeux de mots nuls et des photos potables
Du 5 juin au 31 août 2018
88 jours
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Cet été je quitte encore une fois ma maison tarnaise et ma mif' pour plusieurs mois. Un stage obtenu pour le mois de juillet à Mexico m'offre l'excuse parfaite pour aller valdinguer quelque part dans le monde (au Mexique du coup), loin des fromages français (</3) et près des quesadillas (<3).

Le voyage a débuté avant que je monte dans l'avion de la très low cost compagnie Tui. Avant que je trompe la dame chargée de l'enregistrement qui a essayé de me facturer mes 4 kilos d’excédent de bagage car mon sac à dos dépassait les 10kg et que je n'avais pas de bagage en soute car c'est très low cost.

Ce voyage estival commence au départ de Toulouse, en direction de Strasbourg où l'on a fêté l'Europe pendant 3 jours. Puis au Luxembourg où je suis allée passé une nuit chez Tonton et Tata Gatumel.

Enfin, dans le covoiturage Luxembourg-Bruxelles, où lorsque que je raconte aux covoitureurs que je compte passer la nuit à l'aéroport ils me proposent de venir dormir chez leur pote, pote chez qui ils sont venus faire la fête pendant une semaine.

Après moult frites, les boissons alcoolisées du village Délirium (toute la rue est composée de bars leurs appartenant et tout le monde boit dehors), le dernier métro raté, des covoitureurs en sous-vêtements se battant sur un clic-clac et une courte nuit de sommeil, je pose mon sac devant la porte d'embarquement pour le vol Bruxelles-Varadero-Cancun.

Presque 14h côté hublot, à côté d'un couple de français en voyage d'entreprise annuel qui ont hâte de découvrir Varadero. Je m'extasie devant la nouvelle technologie remplaçant le mécanisme permettant de fermer le hublot: au lieu du petit volet que l'on descend, la vitre change plus au moins de tain selon l'intensité que l'on choisit. Le couple me considère comme fille adoptive après que je les ai aidé à remplir les papiers de la douane cubaine et que je leur ait filé quelques tips sur leur séjour dans les Caraïbes. Du coup ils partagent leurs M&Ms avec moi et je les aime en retour.

Après une escale à Varadero où sans explication aucune l'avion s'éteint et devient l'équivalent d'une grosse boîte métallique au soleil sans clim et sans mécanisme d'obscurcissement de hublot, l'avion reprend sa route vers le Mexique.

L’atterrissage et débarquement se font rapidement, je passe facilement le contrôle de passeport avec les questions habituelles sur la durée et le motif du voyage même si le monsieur derrière le comptoir trouve ça un peu surprenant que je passe 89 jours sur le territoire mexicain seule pour du tourisme (si je dis que je viens pour un stage il me faudrait un visa spécial et j'ai pas le temps pour ça (déjà que je prends à peine le temps pour me vacciner et acheter de l'anti-moustique)). Puis je me dirige vers la sortie. Je passe par la douane où tout le monde doit faire passer ses bagages comme lors d'un contrôle de sécurité. Rebelote les mêmes questions sur la durée et le motif du voyage, et là la douanière me demande avec quel argent je paye un voyage de 89 jours seule, j'hésite à lui exposer clairement les différents apports financiers sur lesquels je me repose (bourse du Crous du mois de juin, caution de mon appartement, économies, l'argent donné gentiment par ma famille-que-j'aime-très-fort-et-qui-lit-ce-blog) avant de lui répondre "l'agent de ma môman": la tentative d'attendrissement ne marche pas et elle me juge avec dégoût (bravo Maman, t'es contente ??). Elle me dit de prendre mon sac et m'emmène vers un guichet où trône un bouton, elle me dit d'appuyer, si le voyant est vert c'est bon je peux passer sans soucis, s'il est rouge on fouille mon sac. Je bug quelques instants devant l'aspect aléatoire de la chose (comment ça marche ? est ce que ça a un sens ? pourquoi c'est pas elle qui appuie ?), j'appuie sur le bouton pour voir le voyant s'allumer de la couleur de mon nez au bout de 5 minutes au soleil (vous devinerez que ce n'est pas du vert hein). Je prends donc mon sac et me dirige vers une table pour qu'un douanier fouille mon sac. Ce dernier me pose les mêmes questions que précédemment, agrégées de "oh Louise...joli prénom", "et tu as un copain ?", j'essaye de le refroidir en ouvrant mon sac de linge sale ("c'est incroyable comment mes chaussettes puent t'as vu") mais au moment où je lui demande si je peux y aller car il semble avoir fini il me dit "je vais juste avoir besoin de ton numéro de téléphone ou ton facebook", ce à quoi je réponds "olala c'est bête je suis justement en break de réseaux sociaux pour me désintoxiquer du narcissisme et de l'égocentrisme ambiant propres à nos sociétés contemporaines !". Je ne sais pas si je l'ai convaincu ou perdu, dans tous les cas je pars vers le bus pour rejoindre la ville sans accroc.

Dans la queue pour le bus je discute un peu avec une jeune mexicaine qui revient du Maroc où elle a étudié un semestre. Elle paraît toute douce et parle de son petit-ami marocain avec beaucoup d'affection. C'est sûrement pour ça que ça m'a surprise qu'elle commence à engueuler une dame qui essayait de nous doubler dans la file pour monter dans le bus à coups de "IL Y A UN ORDRE DANS CETTE QUEUE VOUS GRUGEZ PAS".

J'arrive dans la chaotique Cancun et me rends jusqu'à mon auberge. Celle-ci consiste en un bâtiment où les seules salles fermées sont les dortoirs et les toilettes, tout le reste n'a pas de porte et la vie des lieux se concentre dans la cour centrale où trône une piscine et des hamacs. Une musique reggae retenti partout dans le bâtiment, cela semble coller assez bien avec l'ambiance, entre le réceptionniste totalement stone qui hallucine à chaque fois qu'il jette un coup d’œil à sa montre et un vieux monsieur médite sur le bord de la piscine agitée par des jeunes nicaraguayens qui jouent vivement (voire violemment) au ballon.

Je vais me désaltérer avec eux avant d'aller manger un bon taco au fromage pendant que je fais un tour en ville.

Je me suis fixée comme mission pour ce voyage de savoir différencier les burritos, les fajitas, et les tacos d'ici la fin du voyage sans avoir recours à internet. Pour cela je compte me sacrifier et en manger le plus possible pour en capter les subtilités, ne me remerciez pas.

Je ne vais pas mentir, je m'effondre assez rapidement dans mon lit après que l'on ait allumé la clim et sombre dans un sommeil profond armée de mes boules quiès et de mon masque d'avion #sexy #IwokeUpLikeThis.

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La nourriture et les filtres snap, mes deux passions dans la vie 

Cancun n’est pas un lieu très plaisant, les voitures se bousculent, les magasins diffusent tous une musique qui ampli les rues d’une cacophonie constante et il y a vraisemblablement qu’un seul magasin qui vend des adaptateurs pour prise électrique (ok j’ai oublié d’en apporter un, c’est éventuellement un peu de ma faute aussi).

Du coup, après avoir petit déjeuné l’équivalent de 3 papayes et 2 tortillas dans la cuisine sans murs de l’auberge, je me mets en quête du sacro-saint adaptateur. Pour ceci il faut que je me rende à un centre commercial à 10 minutes en voiture. On m’indique la direction en me disant « c’est tout simple, monte dans un camion et descend à Plaza de las Americas ». Pour ne pas passer pour une européenne un peu quiche (et aussi parce que je suis jet-laguée) je ne sourcille pas à l’énonciation du mot « camion » et fait comme si j’étais habituée à monter dans des poids lourds pour faire des trajets quotidiens. Une fois arrivée sur l’avenue principale je devine que les fameux « camions » sont en fait des mini-bus qui jouent le rôle de transport public. Ils sont un peu inquiétants au premier abord : leur pare-brise est recouvert des noms des arrêts desservis, l’intérieur est composé de banquettes sommaires et de barres fixées au plafond pour s’accrocher et enfin les portes coulissantes s’ouvrent et se ferment à chaque ralentissement et accélération… Mais le trajet revient à 50 centimes donc ça compense carrément les conditions de voyage.

L’aisance en espagnol et l’adoption rapide d’expressions familières qui forment le vocabulaire quotidien font que je me sens assez à l’aise et que je ne dénote pas trop avec le paysage (mis à part le fait que c’est écrit sur mon front que je suis touriste, c’est un détail). Je reconnais beaucoup d’aspects semblables à Cuba qui me servent de repères.

De retour à l’auberge avec un adaptateur je recharge mon téléphone et convient avec moi-même que 11h30 est un horaire de sieste respectable.

En début d’après-midi j’emprunte un bus pour prendre ensuite un bateau rejoignant l’île Mujeres (normalement, même si vous êtes des brêles en espagnol vous n’avez pas besoin de traduction pour ce terme (en plus vous regardez tous la casa de papel donc vous êtes tous bilingues n'est ce pas)). Celle-ci est une île au large de Cancun où l’on circule essentiellement en voiturette de golf et qui a l’avantage d’avoir de jolies plages, bien que trop peuplées.

Après avoir déposé mon sac et avoir mangé un morceau (de quesadilla <3), je vais faire un tour. Je suis dans la partie Nord de l’île, la plus touristique certainement mais aussi la plus charmante : presque tous les murs sont recouverts de graphes et de peintures (comme le portrait d’un certain Emilio Juarez à côté de là où j’ai déjeuné mais dont personne ne paraît savoir qu’il y était), les nombreux restaurants et échoppes animent les ruelles, un peu trop d’ailleurs.

Ici le harcèlement de rue est amené à un niveau supérieur car l’identité « étrangère » (de n’importe où, pas juste les « gringas ») semble déchainer les passions voluptueuses : du classique « t’es belle mademoiselle » et autres compliments accolés au « señorita », au sifflement continu qui ne quitte jamais les oreilles (ou alors c’est juste que l’on dit du mal de moi, allez savoir), on a aussi droit aux déclarations enflammées « déesse », « reine »… C’est quand j’ai entendu un vendeur de souvenirs dire « te quiero » ( = je t’aime/je te veux) que je me suis quand même arrêtée pour approfondir la discussion avec lui : « tu m’aimes vraiment ?! ou alors tu dis ça à toutes les filles ? Parce que dans ce cas j’espère que t’as la tune pour toutes nous entretenir, mois en plus j’aimerais bien que ma mère vienne en vacances avec nous donc ça serait aussi à ta charge », je le vois un peu éberlué pendant qu’un vendeur plus âgé s’étouffe de rire dans sa chaise, le premier vendeur me répond « non mais toi tu es spéciale… », « Ah bon je suis spéciale ? Oh tu me flattes… Mais je sais bien que je suis spéciale, tu veux savoir pourquoi ? », je me penche un peu vers lui et lui souffle « parce que je suis lesbienne ». Son cerveau terrassé par cette dernière info, son regard se perd dans le vide alors que l’autre vendeur manque de s’écrouler de sa chaise en se tenant les côtes.

Je continue tranquillement mon chemin vers la Playa Norte, la plus belle de l’île et 10 minutes à pied, il est 16h mais le soleil tape encore beaucoup trop pour ma délicate peau d’endive, je trouve un petit coin à l’ombre (je ne me rendrais compte qu’après qu’une fourmilière avec eu la même stratégie que moi). L’eau est turquoise et le sable d’un blanc farineux, par contre de nombreux bateaux à moteur type mini yatch jettent l’ancre à 30 mètres de la berge. La cacophonie musicale est donc aussi présente dans l’élément marin, sans compter sur les cris d’individus alcoolisés à bord des dits navires. C’est bien la peine d’avoir un bateau si c’est pour passer la journée à une profondeur où l’eau arrive à la taille.

Vers 18h je regagne mon logement pour décréter qu’il ait l’heure pour la deuxième sieste de la journée. Ouais c’est pas trop le rythme Cancun je sais.


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Par contre matez cet art du maniement du PQ, c'est magique. 


07/06

Je fais connaissance avec Camilo, un uruguayen qui occupe la chambre à côté de la mienne. Il fait un petit tour dans le Yucatan avant de retourner bosser aux Etats-Unis : il est musicien et patineur sur glace pour le Cirque du Soleil, rien que ça.

On décide de louer ensemble le principal moyen de locomotion de l’île pour en faire le tour : une voiturette de golf. Tout monde circule avec ça, il y en a littéralement partout, j’ai vu 5 voitures max pour une île de 10km de long.

On monte donc sur notre bolide (20 km/h max attention, on rigole pas), qui non seulement des problèmes de frein, mais d’accélérateur aussi. Malgré ces petits défauts je suis aux anges, je m’amuse trop.

On croise pas mal d’écoliers qui dont du stop pour rentrer chez eux, on en prend 2. Non seulement on s’amuse mais en plus on a bonne conscience.

On s’arrête à un chiringuito pour manger un morceau, quand on repart Camilo me propose de conduire. J’accepte avec joie en me disant qu’après tout j’ai mon code de la route espagnol et que ça ne peut pas être aussi compliqué à pilote. C’était sans compter l’état pitoyable de l’engin (et éventuellement mon terrible héritage familial en termes de conduite).

J’entame une marche arrière où je ne braque pas assez, on se retrouve donc au milieu de la route, de travers. J’entame une marche avant pour reprendre la route. Et j’emboutis une moto qui tombe par terre.

On le remet sur pied, puis Camilo suggère diplomatiquement de reprendre le volant. Je ne m’y oppose point.

Clairement je ne suis pas la plus dangereuse sur la route 

On arrive à la pointe sud de l’île, puis nous arrêtons sur une petite plage déserter où on galère à rentrer dans l’eau car il y a des rochers partout.

Nous finissons notre petite balade, rendons notre moyen de locomotion, puis allons faire un tour sur la plage Nord. Je m’enduis constamment de crème solaire car je connais ma faiblesse en termes d’UV. Camilo, lui, semble avoir beaucoup trop confiance en ses gênes sud-américain et s’allonge au bord de l’eau, les vagues le faisant bouger comme une étoile de mer géante et barbue.

Je vais nager un peu, passe à côté d’un père qui semble réjoui de voir ses enfants lutter contre le courant et paniquer quelque peu à cause de ça. Je ne tarde pas à rejoindre l’auberge car je sens mon capital soleil du jour arriver à bout.

Je retrouve Camilo plus tard dans la soirée, nous allons manger un morceau dans un petit restau où l’on joue de la musique live. Malheureusement, au moment où l’on commande nos dîners le groupe de blues que l’on aimait bien est remplacé par un groupe au style disons particulier. La batterie est très particulière notamment. Elle sonne affreusement mal. Camilo et sa déformation professionnelle de musicien le font crisser des dents. C’est encore soutenable jusqu’à qu’une américaine s’empare du micro pour chanter dans un mauvais espagnol un hit mexicain qui fait peu à peu fuir les gens.

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08/06

En voyage je suis souvent assez solitaire, ce qui me plaît beaucoup, mais quand j’en vois l’opportunité je deviens facilement un parasite qui sait profiter des avantages des autres voyageurs : Airbnb qu’ils ont déjà réservés et qui peuvent accueillir une personne supplémentaire ou une voiture de location. Camilo fait partie de cette dernière catégorie, d’autant plus qu’il va justement où je souhaitais me rendre après. C’est fou les coïncidences non ?

On prend donc le ferry, puis la voiture en direction de l’île Holbox. Etant dans une voiture de location repérable (c’est pas compliqué, les voitures de location n’ont PAS DE PLAQUES D’IMMATRUCATION), on se fait arrêter par les flics pour un traditionnel soudoiement.

Ils disent à Camilo qu’il roulait à 80 km/h dans une zone à 40 (c’est faux, et puis toutes les voitures autour de nous roulent à 80 km/h, alors qu’on est censé être dans cette supposée zone de ralentissement) et qu’au moment de se rabattre il a attenté à la vie d’un membre du corps policier (le monsieur qui nous arrête et qui nous collait depuis plusieurs centaines de mètres, tiens tiens). Le policier s’enquit de notre destination, puis dit à Camilo qu’il va lui saisir son permis jusqu’à lundi, donc 3 jours, en plus d’une bonne amende des familles. Il devait s’attendre à ce qu’on essaye de marchander, mais on reste très calmes et on accepte les conditions (enfin moi ça m’affecte pas trop, je suis là en tant que parasite). Camilo ayant son vol de retour lundi aprèm, il a le temps de passer le matin à Cancun pour récupérer son permis. Les policiers se trouvent un peu comme des cons car c’est une forme d’arnaque courante et qui marche à presque tous les coups. Un peu dubitatifs ils se concertent à deux, puis reviennent nous voir pour nous rendre le permis de Camilo et les papiers du véhicule. En fin de compte pas de retrait, pas d’amende, juste un « soyez vigilant au volant » lâché d’un ton dégoûté.

On est toujours guillerets de s’en être bien tirés quand on s’arrête dans une cafétéria dans un pueblo paumé sur notre route. Je commande une « torta », ce qui se traduirait par « tarte », pour me retrouver avec un sandwich au poulet, pas vraiment ce que j’avais imaginé. Camilo essaye de comparer les deux plats qu’il a commandé : un burrito et un taco. A première vue aucune différence, à deuxième vue non plus, ça doit être trop subtil pour nous.

Autre subtilité du restaurant (à part passer à fond de la country mexicaine à l’eau de rose où les clips ont comme protagoniste un mec au chapeau de cowboy séduisant une meuf blonde qui représente surement un complexe pour de nombreuses mexicaines), toutes les assiettes sont enveloppées dans des petits sacs plastiques. Niveau flemme de faire la vaisselle on est au-dessus des assiettes en cartons là.

Nous quittons l’autoroute pour monter vers Holbox, les routes sont plutôt en bon état, le seul bémol est l’omniprésence de ralentisseurs presqu’invisibles et pour lesquels il faut vraiment passer au pas. Nous dépassons d’ailleurs un camion qui semble rouler grâce à un miracle quelconque : il ne possède plus de pare-brise, toutes les pièces en métal sont rouillées et celles en bois vermoulues, sans compter les parties du véhicule qui pendent dangereusement sur la route. En bref, on dépasse un tas de ferraille branlant.

Nous arrivons finalement à Chiquila, petit village qui vit uniquement de son ferry pour rejoindre l’île Holbox et de ses parkings pour les gens qui laissent leur voiture pour aller à Holbox. C’est un peu une économie de niche.

On rejoint l’île pittoresque par bateau, c’est beaucoup plus rustique et authentique que Isla Mujeres : les rues et routes sont en sable, étant donné qu’il a plu dernièrement de nombreuses rues se sont transformées en bain d’argile gris. Ici aussi la voiturette de golf prime, mais elle ne sert qu’à quelques taxis, il y a beaucoup moins de touristes et la majeure partie de l’île est sauvage, à l’abri des resorts et autres grandes structures.

On arrive un peu par hasard à l’auberge de jeunesse Tribu, sûrement une des meilleures de l’île. C’est un ensemble de bâtiments colorés reliés par des passerelles en bois avec des balançoires et des hamacs un peu partout. Les gens de l’hostel ont l’air super sympas et l’ambiance y est très bonne.

On va faire un tour sur la plage où l’on peut trouver des hamacs à moitié dans l’eau. L’eau y est turquoise, le paysage est exquis, de plus il n’y a vraiment pas grand monde. En m’enfonçant dans l’eau je croise une jeune fille qui paraît se débattre avec une bêbête aquatique, elle m’informe que c’est un poisson qui la pince sans cesse, je rigole un peu en me moquant gentiment. Le karma la venge et le poisson mordeur s’attaque désormais à ma chair. Je le fuis et vais me poser sur un hamac à moitié dans l’eau, comme si je chillais déjà pas assez.

Le vendredi soir à l’auberge c’est pizza à volonté pour 100 pesos (l’équivalent de 5€), le bar suspendu abrite un concert ce soir-là ainsi qu’une retransmission des matchs de NBA. Camilo repart le lendemain, quant à moi je reste une nuit de plus et j’ai prévu pour le lendemain d’aller voir les requins baleines qui viennent se nourrir pas loin d’ici tous les ans.

Je monte sur le toit de l’auberge pour écrire un peu mon journal, l’air y est frais et il y a peu de moustiques. Je surplombe le four où l’on cuit les pizzas et croit déceler des formes se déplaçant sur un toit en face, au-dessus du four. Je me dis d’abord que ça doit être des chats, mais alors des gros gros chats. Puis l’une des créatures se penche au bord de toit pour loucher sur les pizzas : c’est des ratons laveurs ! Ils complotent à 4 sur un moyen de se procurer de la nourriture, je les vois grimper habilement avec leur gros corps tout poilu sur le balcon d’un hôtel en face, ils se suivent en file et ont des comportements presqu’humains. Je les observe jusqu’à l’abandon de leur mission, ils regagnent leur perchoir et s’en vont les uns derrières les autres.

Je redescends pour aller dormir et je croise un voyageur à qui je raconte le spectacle dont je viens d’être témoin. Il exprime alors une déception teintée de jalousie « oh nooooon ! J’ai trop envie de voir des racoons depuis que je suis arrivé iciiiiii ».


09/06

Je rejoints un groupe d’une dizaine de personnes devant l’auberge au très matinal horaire de 7h, un guide vient nous chercher et nous conduit sur la principale jetée de la plage. Nous montons à bord d’un bateau à moteur et nous voilà partis pour 2h de route. Le bateau croise d’autres modestes navires comme le nôtre qui se dirigent vers les requins baleines, au final j’en compte une vingtaine au total (qui viennent de Holbox et de Isla Mujeres). La saison à commencé le 15 mai et dure jusqu’au 15 septembre, le nombre de touriste est encore raisonnable, en juillet et août le nombre de bateaux peut monter à 200, voire plus.

Nous longeons donc l’île puis sortons de la péninsule du Yucatan pour rejoindre la mer des Caraïbes. Nos deux guides entament une phase de recherche minutieuse où ils scrutent la mer à la recherche des requins. Ils communiquent par radio avec les autres bateaux pour se tenir au courant des avancées et emploient même des mots codés.

On croise une famille de dauphins pépères dans l’eau chaude, puis une fille à bord pointe soudainement quelque chose dans l’eau, le bateau s’approche pour voir une tortue marine. Tout le monde dégaine l’appareil photo avant de se rendre compte qu’il s’agit en fait de deux tortues marines, qui copulent, joyeusement. Quand elles réalisent qu’elles sont observées par 10 personnes elles replongent dans l’eau.

Catégories: public spaces, voyeurism 

On a beaucoup de chance ce jour-là, des dizaines de requins baleine sont venus se nourrir dans le coin. Ils sont totalement inoffensifs et se nourrissent de plancton, ils sont plus proches du comportement de la baleine que du requin, d’où leur nom. Mais le fait de voir leur nageoire caudale remuer à la surface procure tout de même quelques frissons. Nous plongeons deux par deux pour les voir de plus près, à chaque fois accompagnés d’un guide. Il faut suivre le rythme du requin et nager à ses côtés, c’est tout bonnement impressionnant. Les requins mesurent tous autour de 6 mètres et leur immense mâchoire ouverte nous effleure.

Les guides m’expliquent qu’il y a tout un mystère autour de ses requins car personne ne sait où ils se reproduisent et où ils meurent, d’ailleurs il est extrêmement rare de voir un bébé requin baleine, le plus petit qu’ils aient vu ici faisait 3 mètres. Cette espèce de requin vient tous les ans se nourrir de plancton dans la région, mais ça ne fait qu’une dizaine d’années que le tourisme autour de cet événement s’est développé. Auparavant l’île vivait principalement de pêche.

C’est justement ce à quoi s’adonnent nos deux guides alors que l’on quitte la zone des requins, ils pêchent à la ligne pour ensuite nous concocter un ceviche.

Avant de déjeuner nous allons faire un tour dans un récif où l’on côtoie tortues de mer, raies Manta, murènes, pez leon et autres organismes marins. Même si nous sommes loin de la côte l’eau n’est pas profonde et il est possible de descendre en apnée et zigzaguer entre les coraux de feu et les algues. Par moments les autres nageurs s’agglutinent de manière compulsive autour des tortues pour prendre une photo où enregistrer une vidéo, mais il suffit de suivre un peu l’animal pour se retrouver à l’écart et nager tranquillement.

Nous arrivons ensuite à un petit chiringuito en bord de mer, on s’assoit à l’abri du soleil pour une paillote et on partage tous le ceviche frais.

Sur la route du retour nous croisons des flamands roses qui prennent la pause, paisibles.

Puis nous voilà de retour à Holbox. Je fais un tour sur la plage avec d’autres voyageurs puis m’en vais me balader en ville. Dans un petit stand au bord de la place principale je prends une marquesita, c’est une sorte de crêpe sucrée-salée assez populaire dans la région.

Ce goûter causera ma perte 

Vers 19h je vais à Punta Coco avec un autre voyageur, c’est une pointe de l’île constituant un joli point de vue pour le coucher de soleil. C’est paisible et tranquille, mis à part les moustiques qui attaquent sauvagement nos épidermes et qui piquent malgré l’épaisseur du vêtement.

De retour à l’auberge je décline l’invitation d’aller dîner en ville, je n’ai pas trop faim, je me pose tranquillement dans la chambre pour lire et regarder un film.

Je m’endors vers 23h mais ne tarde pas à me réveiller après, je ne me sens pas très bien. Je descends donc de mon lit superposé pour aller prendre l’air. A peine ai-je un pied posé dehors que je vomis tout ce que mon corps a ingurgité dans la journée sous le regard dubitatif du gardien de nuit qui est assis à 3 mètres.

Ce gardien de nuit, du doux nom de Daniel, deviendra mon ange gardien tout court pour la nuit qui suit car je ne vais pas cesser d’être malade. Assez régulièrement mon corps décide de faire un nettoyage complet et c’est Daniel qui va me fournir en serviette de bain, en couvertures, en spray anti-moustique quand je m’endors dans un hamac dehors. Il m’ouvre la cuisine pour que je puisse refaire mes stocks d’eau, il lance une machine avec mes affaires sales, mais surtout, il compatit (bien qu’il ne parle pas beaucoup, il reste assis sur sa chaise de gardien pendant que je comate pas loin dans la cour). Au bout d’une semaine de voyage je fais enfin connaissance avec la turista, cette maladie que choppent les touristes en mangeant/buvant quelque chose pour lequel notre estomac fragile n’est pas prêt.

10/06

Au petit-matin c’est toute l’auberge qui à tour de rôle va me couver et prendre soin de moi alors que je suis dans un état larvique. On me change de lit pour que je ne doive pas grimper au mien (j’ai 0 force), on me laisse la clim toute la journée, on m’attrape ma trousse à médicaments (j’ai vraiment 0 force pour bouger je vous dis), on me remplit mes bouteilles d’eau, on m’apporte une boisson réhydratante, on vient me demander si je veux quelque chose à manger ou à boire, etc. Je passe toute une journée au lit sans manger, Lalie & Liza jouent le rôle d’assistance voyage à distance en me disant ce que je peux ou pas consommer, Liam partage avec moi ses meilleures anecdotes d’intoxications alimentaires et Camille me promets d’allumer des cierges pour encourager mon rétablissement.

11/06

Après 36h de jeûne je m’extirpe de mon lit et arrive à atteindre la cuisine où je me prépare un plat royal de riz nature avec – allez soyons fous – un peu de sel et d’origan. Après cet effort intense je vais me recoucher. Cependant, je reprends peu à peu des forces dans la journée, et en milieu d’après-midi je suis même capable de me rendre jusqu’au port pour prendre le ferry jusqu’à la terre ferme et ensuite un bus jusqu’à ma prochaine destination. Avant cela je remercie tout de même chaleureusement le staff de l’auberge, qui a presque transformé cet épisode en moment chaleureux et familial (c’est surtout leur action conjuguée à celle des 3 grammes de paracétamol que j’ai dans le sang qui fait ça je pense).

#TopChef 

J’informe Camilo, qui est parti deux jours avant, de ma mésaventure, il me raconte à son tour qu’il souffre d’une grosse insolation et qu’il ressemble désormais à une tomate. Je repense à ses paroles « je n’ai pas besoin de crème solaire » et me dit qu’il y a une justice dans ce monde.

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12/06

Me voilà à Valladolid ! J’ai opté pour une auberge vraiment pas chère où je dors dans une chambre de 10, il n’y a pas de clim mais des ventilateurs brassent convenablement l’air et créent une petite brise circulant par les nombreuses fenêtres recouvertes de moustiquaires.

Je suis dans la région des cenotes (se prononce « cénoté ») ou xenotes. Etant donné que les rivières de la région sont principalement souterraines, il s’agit de petites lagunes d’eau douce qui peuvent être très profondes. Il y en a une dans le centre même de la ville !

C’est en songeant à me baigner que je réalise que j’ai oublié mon maillot de bain à Holbox. Je me mets donc en quête d’un nouveau maillot en ville. Pas de chance, non seulement je galère à trouver un endroit qui en vend (je viens même à en penser que je suis tombée dans la seule ville du Yucatan à ne pas vendre de ropa de baño), mais quand j’en trouve c’est des bikinis fluo-léopard agrémenté de strass et de perles multicolores. Tant pis je me baignerais en habits.

Valladolid n’est pas loin de Chichen Itza, LE site maya de la région, un des plus imposant paraît-il. Néanmoins je sais qu’il est pris d’assaut par les touristes et on m’a déconseillé d’y aller car on ne peut plus trop s’approcher des pyramides. J’opte donc pour Ek-Balam, un site pas loin de la ville et moins crowded. Dans le taxi collectif que je prends pour m’y rendre je remarque que les gens parlent tous maya entre eux, j’apprendrai plus tard que dans cette région la langue maya est très riche et couramment parlée par un nombre considérable de personnes. J’apprendrai aussi qu’elle est constituée par plus de 300 sonorités, là où une langue latine comme l’espagnol en possède moins de 50.

A Ek-Balam je me laisse convaincre par un guide de me faire un tour détaillé des lieux, après tout c’est le premier site archéologique maya que je visite et un peu de contexte et d’informations ne peuvent être que enrichissants. Carlos m’explique donc l’histoire de la ville d’Ek-Balam (dont ce n’était pas du tout le nom d’origine déjà) ainsi que l’histoire de la civilisation maya dans les grandes lignes, de l’ère pré-classique jusqu’à l’âge d’or, puis de la délitescence des cités-états du post-classique. Il me traduit des hiéroglyphes mayas et me permet d’imaginer à quoi ressemblaient les lieux au 15e siècle.

Le site est assez petit mais l’expérience est très intéressante. Une fois la visite terminée je demande à Carlos quels cenotes il me recommande de visiter. Le guide me déconseille celui de Valladolid et ceux autour car ils sont très touristiques et l’eau y est polluée par la proximité avec la ville. Par contre, il me propose de m’amener à des cenotes moins connus à quelques kilomètres d’ici en échange d’un petit plein d’essence et d’un pourboire. Ça me semble tout à fait correct et nous voilà en route Carlos, moi et Choco, son chien qui pue assis à l’arrière de la voiture.

Carlos est maya et il a un projet d’auberge écologique au sein des communautés mayas de la région, il me parle un peu de leur culture et de la protection du patrimoine historique local. Il m’explique d’ailleurs que les iguanes sont désormais protégés au nom de ce patrimoine : « Ce qui est dommage parce que c’est super bon quand c’est bien cuit à la braise » me dit-il.

- Tu as déjà mangé des iguanes ?! m’exclamais-je alors.

- Corazon, je suis maya, on mange tout nous.

- Tout ?!

- Ratons-laveurs, tortues, tout ce qui est vivant dans la région enfait.

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Nous arrivons dans un lieu où nous sommes les seuls visiteurs. Carlos connaissait les anciens propriétaires, deux petits vieux qui vivaient là. Il suspecte l’état mexicain de leur avoir pris les terres pour en faire un lieu touristique, nous voyons d’ailleurs des travaux en vue de construire des infrastructures pour accueillir plus de personnes dans ce cenote.

Je suis le guide dans un escalier en colimaçon s’enfonçant dans la terre, les marches débouchent sur une vue époustouflante. Le lac souterrain est éclairé par un trou percé naturellement dans la voûte. Les plantes tombantes s’emmêlent avec les stalactites et la lumière révèle l’aspect turquoise de l’eau. Le lieu est désert et on entend le chant de plusieurs oiseaux qui ont pris refuge dans les grottes murales.

On se baigne dans l’eau fraiche, Carlos me montre une petite île que l’on peut atteindre à la nage et où l’on a pied. Il m’apprend à attraper à mains nues des petits poissons noirs qui semblent pourvus de petites moustaches. Comme je me baigne en robe j’essaye d’utiliser mon habit comme filet mais j’abandonne vite mes projets de pisciculture quand Carlos me souffle « attention au serpents marins quand même ».

Il m’explique que l’eau à des propriétés minérales, tout comme le sable argileux. « Tu peux te faire des gommages, c’est très bon pour la peau, ça pourrait peut-être enlever les boutons que t’as sur le visage ». MERCI CARLOS T’ES SUPER GENTIL.

On regagne la surface, après une autre sympathique remarque sur la qualité de ma peau (« ton visage est plus clair non ? C’est tout le maquillage qui est parti avec l’eau haha ! » *Louise un poil vexée* « Non je me maquille pas wsh ») on regagne Valladolid.

"La même mais en moins cher", c'est poétique les pharmacies mexicaines 

De retour à l’auberge je discute avec un voyageur anglais passionné de skate-board qui tente de m’initier à la portée philosophique de la discipline. Un peu plus tard dans la soirée je vais faire un tour en ville jusqu’à un vieux monastère où tous les soirs a lieu un spectacle de projections de lumières sur la façade, c’est joli.

13/09

Je prends dans la matinée un bus pour Izamal, une petite ville qui n’a pas de grande particularité à part d’être entièrement jaune. En effet, un monastère cité au milieu de la ville, peint dans la couleur chaude du soleil, a déteint sur le reste de la bourgade et tous les bâtiments s’en trouvent colorés de jaune.

Je ne m’y arrête que pour quelques heures, le temps de faire un tour, avant de prendre un bus pour Mérida, une des villes les plus grandes du coin.

Tout est jaune sauf les chevaux. 

Je dépose mon sac à l’auberge – où l’on nous offre un verre de jus de fleur à notre arrivée - et m’en vais faire un tour nocturne dans la ville. L’animation du vieux centre contraste avec le calme paisible des rues moins fréquentées. Je retourne à l’auberge, située à côté de la cathédrale de la ville. Toutes les chambres et dortoirs portent des noms de lieux assez connus dans la région : « Chichen Itza », « Uxmal », « Celestun »… C’est pour ça que, lorsque je vois une porte au-dessus de laquelle il est écrit « Mirador », je me dis que ça doit être un mirador pour admirer la ville (l’auberge étant située dans les étages d’un immeuble ça pouvait paraître logique !). Turns out que non, j’ai juste ouvert de manière enthousiaste la porte d’une chambre double où -heureusement - il n’y avait personne.

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PS de début: Je m'excuse platement de mon absence de rigueur dans la tenue de ce carnet de voyage, j'essaye de rattraper mes 20 jours de retard sous peu!


14/06

Je suis dans un dortoir qui ne compte point de fenêtre extérieure, mais une fenêtre qui donne sur la salle à manger de l’auberge, mon lit est situé pile à son niveau. Je me réveille donc au doux son des couverts s’entrechoquant et de la vaisselle déplacée.

Je m’en vais petit-déjeuner et surtout découvrir ce qui se cache sous les cloches métalliques du buffet. Des fruits (miam), du yaourt et du muesli (oui pourquoi pas), de l’omelette aux épinards (miam miam) et des spaghettis au fromage (quoi ?). De plus ils ont des Fruit Loops, ces céréales multicolores en formes d’anneaux et plein d’ingrédients-chimiques-certainement-cancérigènes que j’adore (en Europe une boîte coûte autour de 10 balles) (oui j’en ai déjà acheté à ce prix).

A 10h20 je pars pour prendre le bus de 10h40 se rendant à Uxmal, une cité maya à une heure de Merida. J’arrive tout pile pour sauter dans le bus et une heure et quelques plus tard j’étouffe dans la chaleur et l’humidité des temples indigènes.

La cité est bien plus grande que celle d’Ex-Balam, mais je suis vraiment sonnée par le soleil écrasant et la transpiration qui semble avoir pris place sur toute ma surface corporelle.

Quand je retourne au centre d’accueil de visiteurs j’ai plus d’une heure à attendre avant le prochain bus pour Merida. J’occupe donc l’espace climatisé réservé par une exposition dédiée au lieu et à l’interprétation des inscriptions mayas. Je mange aussi deux glaces sandwich.

De retour à Merida je dîne puis reste discuter avec d’autres gens de l’auberge. Jessica, étudiante en tourisme à l’université autonome du Yucatan et qui part voyager en Europe l’hiver prochain, et Jason un voyageur sino-canadien qui a quitté son boulot dans l’économétrie il y a 5 mois et voyage depuis.


15/06

Je dors plus longtemps car la chambre s’est vidée tôt ce matin, je profite de la douce brise que me procure le ventilateur accroché au plafond à 50 cm de mon visage.

Je petit-déjeune et prépare mes affaires en vue de mon départ imminent pour Campeche. Jason me demande s’il peut venir avec moi, à priori je suis pas trop partante, puis je me dis que ça compagnie est sympathique, et au pire ce n’est que pour une journée.

Nous prenons donc un trajet en bus où nous alternons les phases de sommeil léger et des moments d’anecdotes de voyage. Il me raconte notamment comment il a passé 10 jours dans une PRISON AU GUATEMALA.

Son histoire relève à la fois de la malchance et de la chance. Malchance : il avait acheté pour la première fois de sa vie de l’herbe, les flics l’ont fouillé et ont trouvé 5 grammes sur lui. Chance : il ne lui ait rien arrivé et il s’est plutôt fait des potes.

Après l’avoir maintenu attaché à une mobylette pendant deux jours, puis avoir passé deux jours dans une cellule d’un poste de police (où il a toujours refusé de signer les papiers qu’on lui présentait en espagnol, malgré l’énervement et les menaces des policiers), il a été transféré dans la prison la plus dangereuse de la région. Il n’y est resté « que » 6 jours parce qu’un autre voyageur de son auberge – un certain Donovan – l’avait vu se faire contrôler par les flics et il s’est inquiété de ne pas le voir les jours suivants. Jason n’a eu droit à aucun coup de fil ou d’avocat. C’est parce qu’un policier lui a dit presque par hasard que Donovan a appris que Jason était en prison.

Il est donc venu le voir et lui a amené de l’argent car autrement il n’avait aucun moyen de subsistance derrière les barreaux. Bien que Jason me décrive la gentillesse et solidarité qu’ont fait preuve les autres détenus (ils ont partagé leurs vivres avec lui) ainsi que les gérants de la prison qui lui ont filé des fringues.

Ainsi au bout de 6 jours de colocation avec des violeurs, tueurs, voleurs, arnaqueurs et supposés terroristes, Jason comparaît devant un juge, entourés de deux interprètes trouvés par Donovan. Il s’en sort avec 3 ans de « probation » au cours desquels s’il commet n’importe quelle infraction il est envoyé en zonzon. Pour fêter la fin de ce court cauchemar, Jason achète des sodas au magasin de la prison et en offre à ses codétenus. L’un d’entre eux lui dit même qu’il viendra le voir au Canada dans un an ! (Ce qui ne risque pas d’arriver m’explique Jason, car il est condamné à 25 ans pour avoir tué et découpé des gens au machete).

Il me montre les photos du tampon « libre » qu’on lui a appliqué sur la main à sa sortie alors que Donovan était venu le chercher (« du coup on est plutôt proche tous les deux depuis cet évènement »). Il conclut l’histoire en me disant qu’il a songé à poursuivre en justice les policiers qui l’ont arrêté pour vices évidents à la procédure, mais vu qu’il est en sursis il préfère faire profil bas.

Damn.


Nous arrivons éventuellement à Campeche, petite ville côtière située à côté de l’état de Tabasco. Nous gagnons la vieille ville, entourée de ses vieilles murailles et dont les trottoirs à parfois 1 mètre de l’asphalte permettent d’échapper aux inondations régulières. Ici comme ailleurs les édifices sont peu élevés, ils ont tout au plus un étage. Des bâtiments administratifs ou plus anciens peuvent atteindre les 2 ou 3 étages mais c’est assez rare. A Campeche, les rues sont colorées par les édifices aux façades bigarrées. Notre auberge n’échappe pas à la règle et l’on se retrouve à déposer nos sacs devant d’hauts murs orange.

Le réceptionniste qui nous accueille me propose d’aller dans le dortoir mixte pour qu’ainsi je puisse rester avec Jason. Je choisis toujours ce type de dortoir plutôt que les dortoirs exclusivement féminins, mais dans ce cas-ci j’avais choisi l’option non-mixte car moins chère. Le réceptionniste me dit que je peux toujours choisir le dortoir féminin, ce qui serait carrément du luxe vu que sur une chambre de 12, nous ne serions que 2 à l’occuper. Je saute sur l’occasion d’avoir un espace un peu plus intime qu’une chambre partagée avec 9 autres mecs. Je me retrouve donc à trainer en vitesse mon sac dans la chambre d’à côté sous les « well, it was nice meeting you » lancés par mes (presque) camarades de lit.

N’empêche que ce petit voyage de 5 heures en bus nous a donné faim avec Jason. Nous partons en quête d’un lieu où satisfaire notre appétit, une fois cela fait nous nous promenons dans la ville, ville qui possède sa promenade en bord de mer nommée « Malecon » (comme à Cubaaa <3). Alors que nous essayons d’observer le soleil couchant derrière les nuages, une touriste hispanique qui se livre à un féroce combat contre les moustiques en écrase un gorgeant de sang sur ma cuisse sans vraiment me prévenir. Devant mon air un peu surpris (franchement pour quelqu’un qui vient de se faire claquer la jambe je réagis plutôt bien je trouve) elle lâche un simple « saloperie de bête » en espagnol.

Alors que l’on continue à se promener, le verre de vin que Jason a bu au déjeuner/dîner lui monte doucement à la tête et il commence à avoir des attitudes surprenantes. Par exemple, à la vue d’un monsieur faisant son jogging quotidien en bord de mer il dit comme s’il se challengeait lui-même « je peux le rattraper si je cours », et le voilà parti en sprint alors qu’il fait approximativement 35°. Plus tard, alors que l’on marche vers une place au pied des remparts et que l’on chante « Barbie Girl » de Aqua, il arrête net notre moment musical pour dire sur un ton très sérieux « je me demande combien de personnes sont mortes ici… ». Ok Jason. Cool. Haha.

Parce qu’il a un mauvais sens de l’orientation, mais aussi parce qu’il m’apprécie certainement un peu également, Jason décide de m’accompagner dans ma mission de trouver un salon de piercing qui puisse changer mon bijou nasal, celui-ci ayant perdu son fermoir et menaçant de compromettre la cicatrisation de mon piercing de gauchiste.

Après avoir acheté un nouveau bijou dans un salon qui ne perce pas en ce moment, on se met en route vers un salon qui perce mais qui ne vend pas de bijoux. Une fois là-bas, le perceur-tatoueur prend une pause dans le dessin d’un lion qu’il effectue dans le dos d’une femme (qui est manifestement venue avec tous ses potes parce qu’on se retrouve à 8 dans le salon). Pendant qu’il m’examine Jason s’affale sur un canapé et se retrouve captivé par un film pour enfants passant à la télé. Le perceur retire le bijou de mon nez et essaye d’y mettre le nouveau, sans succès. Après moults essais il m’informe que mon piercing a été mal effectué car le trou de ma peau n’est pas aligné avec celui de mon cartilage. Me voilà donc repartie pour me refaire percer le nez dans un salon mexicain passant du métal tellement fort que j’entends à peine le perceur me parler. Malgré l’ambiance sonore mon (petit) cri de douleur semble réveiller Jason qui accourt d’un coup, inquiet que l’on porte atteinte à mon intégrité physique pendant qu’il regarde un film sur l’entrée au collège dans une école américaine.

En fin de compte tout est bien qui finit bien, on clôt la journée en buvant des daiquiris à la mangue dans un bar sympa avant que je regagne avec grande joie mon dortoir (presque) privatisé.

Quoi de mieux que ce beau tuning pour clore ce chapitre 
6

16/06

Je dis aurevoir à Jason avant de prendre un bus pour Palenque avec deux autres voyageurs de l’auberge. Le trajet de 5 heures passe lentement, mais nous arrivons éventuellement. Comme il n’y avait plus de place en auberge à Palenque j’ai réservé une place dans une auberge sur Airbnb. Je me mets en route vers l’adresse indiquée, alors que je demande de l’aide à un employé d’un hôtel censé être à côté de mon logement, celui-ci m’informe que l’endroit où je souhaitais dormir est en travaux et que les clients de la plateforme Airbnb sont donc redirigés vers l’hôtel Maya Tulipanes. Un peu circonspecte je me rends néanmoins dans le lobby de l’hôtel, je donne mon nom à la réception, suite à quoi on me donne ma clé et on me montre ma chambre, que je partage avec deux autres personnes.

Pour le prix d’une auberge c’est plutôt chouette d’être dans un bon hôtel, avec une salle de bain, de la clim et une piscine. C’est justement en perspective d’aller faire un plongeon dans celle-ci que je vais dans un supermarché du coin pour tenter de trouver de maillot de bain. Miracle, je trouve un une pièce sans fluo, ni strass, ni fausses perles.

Je profite de ma sortie pour aller faire un tour en ville. Palenque est toutes en collines, et la chaleur est écrasante. J’arrive sur la place principale où se déroule une fête locale pour l’écologie. C’est l’occasion pour annoncer les gagnants d’un concours d’art sur le thème de la protection de l’environnement. Les lauréats viennent des écoles primaires et secondaires, ça serait plutôt mignon comme évènement si les jeunes gagnants ne prenaient pas le micro en disant « cette œuvre se nomme « nous allons tous mourir de la main de l’homme » car nous sommes à la source de la pollution et je pense que ça nous conduire à notre perte imminente ». Awn.

Je me pose pour manger des tamales et boire un jus de grains de café vert et d’épinards (c’est étonnamment très bon je vous assure), puis je rentre à l’hôtel. Je passe dans ma chambre pour ma changer et me mettre en maillot, sur le chemin de la piscine je croise un de mes compagnons de chambre, c’est un gars avec qui j’ai pris le bus depuis Campeche, je ne le trouve pas particulièrement sympathique pour le moment.

Je m’en vais donc pour un petit plongeon. Dans la piscine je croise une fille qui était avec moi dans le bus depuis Campeche, puis je croise la troisième pensionnaire de notre chambre. Cet hôtel est petit.


17/06

Je prends un copieux petit-déjeuner pendant que se joue le match Mexique-Allemagne, l’effervescence est à son comble. Dû au fait du décalage horaire les matchs sont diffusés le matin ici, certains en début d’après-midi mais c’est plus rare. Ce qui laisse donc peu de place aux boissons alcoolisées accompagnant d’habitude les événements sportifs. On peut donc voir à la télévision mexicaine des publicités pour du lait montrant une famille passionnée par un match buvant goulument du lait à flot.

A midi je m’en vais visiter de fameuses cascades de la région, je m’arrête en route pour admirer la cascade de Misol-Ha, avant de gagner la célèbre Agua Azul. Malgré les pluies récentes (désormais quotidiennes en fin de journée) l’eau conserve un beau teint bleuté, bien loin du bleu azur habituel cependant.

Les vacances scolaires commencent bientôt, j’ai bien fait de venir avant car l’endroit est normalement plein de gens. Là, au milieu de l’après-midi, tout est plutôt calme. Il y a plusieurs aires de baignades, délimitées par des cordes auxquelles on peut s’accrocher si on se fait emporter par le courant. L’eau est assez fraiche et je prends mon temps avant d’y plonger.

Par la suite je fais plusieurs tentatives de sauts à l’aide d’une corde accrochée au bord de la berge. J’ai du mal à faire des sauts esthétiques, je pourrais m’en fiche si mes essais n’étaient pas ponctués par le rire du surveillant de baignade. Je verrai par la suite d’autres jeunes personnes se rater lamentablement, à mon image, comme quoi nous autres boulets sommes légion.

Je rentre ensuite, le bus me dépose en centre-ville et je marche jusqu’à l’hôtel. Juste avant d’arriver à destination je décide de m’arrêter dans un café/restaurant pour manger une part de cheesecake (un dessert qu’ils font partout ici sous le nom « pay de queso », je suis aux anges, c’est le paradis). Alors que je commande ma part du gâteau, je croise du regard la jeune femme avec qui je partageais la chambre de 12 à Campeche, qui a pris le même bus que moi pour Palanque et qui s’héberge dans le même hôtel que ma personne. Je lui propose de s’asseoir pour discuter un peu. Nous sommes vites rejointes par l’autre voyageur avec qui nous sommes venus de Campeche, qui loge d’ailleurs dans la même chambre que moi. Pendant que je déguste mon cheesecake ils mangent des tacos à la viande. La vue de leur repas m’ouvre l’appétit au-delà de mon dessert. Je commande donc une soupe maya : soupe au fromage et au légumes légèrement piquante, agrémentée d’avocat frais. L’autre jeune voyageuse demande un cheesecake à son tour. Comme elle ne mange pas de gluten, elle me passe la base du gâteau (la meilleure partie selon) une fois que j’ai fini ma soupe.


18/06

Je profite du calme de l’hôtel et du départ matinal de mes compagnons de chambre pour faire une grasse mat’ à la fraîcheur de la clim. Puis je boucle mon sac que je dépose à la réception au même moment que je fais le check-out.

En début d’après-midi je vais faire un tour dans les ruines de Palenque, celles-ci ont la qualité d’être au milieu de la jungle, et assez gigantesque en somme.

Par contre j’aimerais que l’on m’éclaire sur un mystère à mes yeux : pourquoi lors des visites de ruines préhispaniques il fait terriblement chaud et humide ? Le vent semble prendre congé à l’entrée du site archéologique, tout comme le soleil semble multiplier son intensité en UV.

Malgré le risque d’évanouissement et de déshydratation, le site reste merveilleux.

Je rentre à l’hôtel où je patiente tranquillement à l’ombre des ventilateurs le départ de mon bus nocturne pour la région du Chiapas. Alors qu’ailleurs en Europe je sais à quel point les voyage de nuit sont peu confortables, ici les bus sont carrément mieux que les trains. Sièges qui s’inclinent beaucoup, prises pour ordinateurs et portables, machines à thé et café… Donc mon voyage ne s’annonce pas si terrible.

7

19/06

Au petit matin me voici arrivée à San Cristobal de Las Casas, petite ville montagneuse des Chiapas surnommée d’après Bartolomeo de Las Casas, San Cristobal étant le saint patron des voyageurs. Spoiler alert : je vais adorer cet endroit.

Je gagne une auberge de jeunesse que je suspecte être la meilleure de la ville, Hostal la Isla. Elle est chill et cosy, des coussins et des guirlandes partout, une odeur d’encens, des gens trop sympas et deux chats qui squattent allégrement les lits superposés.

Comme il est assez tôt dans la matinée je me joins à un free tour de la ville qui nous ait fait par Laura, une Costa-Ricaine qui s’est installée il y a quelques années ici. Super détente et buena onda elle transmet rapidement sa joie et son insouciance.

Elle nous montre les points vitaux de la ville, des bâtiments religieux secoués par le séisme de septembre, placettes fraiches, boulangeries hipster, résidence d’artistes… San Cristobal est une ville plus que vivante, elle bouillonne d’activité, cela est notamment dû au fait que beaucoup d’étrangers viennent s’y installer, ils doivent donc imaginer des activités lucratives pour pouvoir rester. Entre les bijoutiers de rue, les marchands ambulants de space-cake, des tresseurs d’atebas, les cuisiniers qui font le tour des auberges pour proposer des pâtisseries et des repas végétariens ou végans, nombreux sont les entrepreneurs improvisés qui sont tombés amoureux de l’endroit. Au bout d’une matinée j’avais déjà le coup de foudre.

Laura nous promène dans les marchés, nous présente l’artisanat local, se faufile entre les stands d’ambre (il y a d’importants gisements dans le coin), nous permet une vue prenante sur une bouchère qui casse des crânes de porc au marteau, nous fait sautiller entre les flaques de sang et, enfin, après quelques centaines de marches, nous présente la ville depuis un beau point de vue.

Avant de clore sa visite en nous faisant goûter du pox, l’alcool local, décliné au chocolat, au café et à la menthe, notre bien aimée guide nous fait entrer dans une boutique d’art zapatiste. Les bénéfices des ventes sont reversés aux communautés autonomes zapatiste de la région qui réclament l’indépendance et qui, aujourd’hui encore, maintiennent un mode de vie en accord avec leurs principes socialistes. On tombe toutes (il y a un seul gars dans le groupe, la majorité l’emporte) sous le charme de cette échoppe aux couleurs chatoyantes et aux dessins naïfs. Alors que c’est certainement le souvenir le moins pratique à transporter, je prends quelques posters aux messages universalistes et porteurs de paix. C’est peut-être niais, mais on le revendique.

De droite à gauche: Sarah, Nina et Naomi 

Pendant cette visite de 3 heures je sympathise avec 3 autres filles qui voyagent elles aussi seules. Sarah l’autrichienne, Naomi la néerlandaise et Nina l’allemande. Au-delà de l’amitié cordiale que l’on peut développer avec des personnes que l’on vient de rencontrer, on s’entend vraiment bien très rapidement. On a entre 19 et 23 ans et j’ai le sentiment d’être sur la même longueur d’ondes avec elles. Je suis dans la même auberge que Sarah, les deux autres nous rejoindrons à la Isla le lendamain.

Nous déjeunons ensemble, puis nous continuons de nous promener.

Le soir, après s’être un peu reposées à l’auberge, on se retrouve pour aller boire des verres dans un bar à vin de la rue principale. Je goûte le pox local mélangé à des diluants pendant que mes nouvelles copines commandent le vin « le moins cher s’il vous plaît ».

Après quelques verres, nous rejoignons un bar réputé pour passer de la musique live et être plutôt sympa. On y reste un peu puis un se met à la recherche d’un autre endroit. Après avoir cherché une boîte de nuit qui n’existe plus depuis le dernier tremblement de terre important, on se met en quête d’un supposé club techno dans le quartier. L’alcool et l’altitude nous montent définitivement à la tête et notre quête se transforme en épopée. Après être passées devant un snack à burrito équipé d’une boule disco nommé « Funky Burrito », Nina ne cessera de demander en boucle si on peut aller faire la fête au Funky Burrito. Pendant ce temps un autre autrichienne, Beth, a rejoint notre groupe. Elle me regarde parfois longuement avant d’éclater de rire. J’avoue que moi aussi je suis pas mal car je ne me rappelle plus dans quel délire étaient Sarah et Naomi.



20/06

Le lendemain point de grasse matinée, à 9h je saute dans un bus pour me rendre un canyon à quelques heures de San Cristobal, c’est possible de monter à bord de bateaux qui en font le tour. Vers midi je navigue tranquillement au milieu des crocodiles.

La balade est très sympa, on a l’occasion d’apercevoir des petits singes, des cascades, une grotte avec une statue de la Vierge de Guadalupe et d’autres crocodiles qui bronzent nonchalamment au soleil.

De retour à l’embarcadère je monte dans un bus pour pouvoir observer le canyon depuis des miradors. Pendant que j’attends le bus de retour assise sur un banc je fais la merveilleuse découverte que les chenilles peuvent sauvagement mordre les fesses d’une jeune fille innocente se trouvant sur leur route.

Je m’endors de tristesse dans le bus, emplie d’incompréhension face à ce règne animal violent.

Je prolonge mon somme de retour à San Cristobal, puis dans la soirée je rejoints mes amies européennes. On se joint à d’autres voyageuses, toujours dans le même bar à vin, d’ailleurs on ne dîne plus, on se nourrit essentiellement de petits chips locaux servis avec nos boissons.


21/06

En fin de matinée, après avoir profité du petit-déjeuner de l’auberge, je me mets en route pour San Juan de Chamula, petit village à 30 minutes de San Cristobal qui a la principale caractéristique d’avoir une église pour le moins particulière. En effet, au sein de l’église de Chamula a lieu un curieux mélange de christianisme et de rites mayas. Le temple ne comporte pas de bancs, des touffes d’herbe sèches font office de siège. De nombreux saints, postés dans des vitrines tout le long des murs, portent des miroirs pour que l’on se reflète dedans. Ici point de confessionnal, on se confie directement à ses saints, les yeux dans les yeux avec nous-même. Autre particularité, les fidèles ont recours aux services de sages, sorte de chamans dotés de dons. En prenant simplement le pouls de quelqu’un ils peuvent en déterminer l’origine des maux, en tant que prescription ils conseillent un certain nombre de cierges à acheter, dont la taille et la couleur dépendent du mal à soigner.

Les photos étant interdites au sein de l'église, voici des photos de Google 

Les rites au sein de l’église prennent donc une forme particulière : la famille qui vient dégage une place entre les herbes au sol, ils y font fondre un peu de cire pour y fixer les dizaines de cierges en rangées, classés par taille. Puis des boissons sont disposées devant cet autel à même le sol. Une quantité non négligeable de sodas sont bénis au-dessus du feu avant d’être ingurgités par les croyants. En effet, étant donné qu’ils font roter, on considère que ça permet d’évacuer les mauvais esprits. Puis, pour guérir des blessures intérieures causées par ces maux, ils boivent alors un liquide transparent stocké dans des petites bouteilles d’eau en plastique, c’est du pox. En effet, quoi de mieux que de l’alcool pour cautériser des plaies ?

Donc oui, tout le monde est plus au moins soûl dans cette église. Pendant que les familles prient et se prêtent au sacrifice d’animaux (des poulets notamment) (je me demandais aussi pourquoi les boîtes en cartons bougeaient autant), les enfants se roulent dans l’herbe sèche ou se promène entre les saints en jouant à cache-cache.

Dans quelques jours aura lieu une fête religieuse ici, non seulement les pétards résonnent partout en ville mais l’église est également en train d’être décorée pour l’occasion. Les sages-chamans supervisent l’accrochage de grosses plantes fleuries à des crochets muraux. J’apprendrai par la suite que ces fleurs prennent 15 ans pour pousser, et qu’on les fait venir d’une région assez lointaine.

Quand je reviens à San Cristobal je vais faire un tour au marché artisanal, puis dans le reste de la ville, où je me perds légèrement.

Comme c’est la fête de la musique aujourd’hui, l’Alliance Française organise une projection de films de George Méliès accompagnés d’un groupe de musique, le tout dans une salle de cinéma d’un café du centre-ville qui organise des projections gratuites tous les jours.

L’ambiance est sympathique, au premier rang des enfants se laissent emporter dans un monde fantastique peuplé de voyages lunaires et d’expéditions sous-terraines, avant de demander à leurs papas musiciens si ce qu’on voit dans les films est vrai. Après une réponse paternelle incertaine, un petit garçon répond « mon papa il sait tout lui ».

Je profite de l’ambiance musicale de la ville avant d’aller manger des lasagnes avec Naomi, qui part plus tard dans la soirée.



22/06

Après avoir prolongé mon séjour ici, j’arrive au dernier jour. Avec Mathias, un allemand tatoueur qui alterne voyage et travail en salon de tatouage où on l’accepte, et Nina, la dernière du groupe de quatre que l’on formait, qui est encore à San Cristobal, on va se promener une dernière fois.

Je repars ce soir, Nina tôt le lendemain. Elle va jusqu’à Antigua au Guatemala pour prendre un vol jusqu’au Nicaragua, elle aurait voulu s’y rendre en bus car c’est moins cher, mais les frontières du pays sont fermées à cause de la situation du pays. Malheureusement elle ne peut point éviter ce transit, son billet d’avion Panama – Amsterdam n’est valable que si elle prend le vol San José – Panama et pas de chance pour elle, elle n’a trouvé aucun aéroport mexicain effectuant un vol vers le Costa-Rica à un prix abordable, il ne lui reste comme possibilité que de partir depuis Managua. C’est PAS DU TOUT LA GALERE.

On s’en va donc marcher sur les collines autour de la ville. Puis nous laissons Mathias pour rejoindre le marché d’artisanat où débute alors une séance shopping souvenirs (c’est pour la façade, j’ai peur que l’on garde une grande partie de ces « souvenirs » pour nous). Après s’être perdues dans les couleurs et les motifs, on va faire un tour au marché alimentaire, semi bazar également. Nous passons du rayon poissonnier à celui des cierges, puis nous trouvons toute une allée avec des lance-pierres (j’ai pensé à t’en prendre un Mamie). Nous repassons par la boutique zapatiste, où l’on n’arrête pas de s’émerveiller. Après avoir acheté des cartes postales et encore d’autres poster (mais stoooop Louise), on retrouve par hasard des amis qui cherchent comme nous où manger un morceau.

La tâche n’est pas aisée, Nina veut manger un taco al pastor, un taco de viande agrémenté d’ananas, alors que moi j’entame un cycle de féculents (mon corps réclame avidement des pâtes et des pizzas). Les autres s’enfichent, heureusement.

Nous finissons par trouver un petit restaurant italien où je partage une pizza avec Beth, une française et une belge musicien. Nina va se chercher son fameux taco avant de venir le manger avec nous.

En cette fin d’après-midi, je retourne à l’auberge où je boucle mon sac puis je me pose sur un tas de coussins au rez-de-chaussée où j’ai l’immense privilège d’entendre le Skype d’une voyageuse française bossant en tant que volontaire dans l’auberge, appel Skype où celle-ci détaille à sa famille ses récent problèmes gastriques, avec moults détails. Youpi.

Heureusement ce calvaire prend fin et j’ai l’occasion de discuter de choses plus intéressantes avec les autres volontaires, avant de monter dans mon bus nocturne à 20h.



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23/06

12 heures après me voici arrivée à Oaxaca, ville dont le nom est difficile à prononcer, je le conçois. L’agglomération a été l’épicentre du dernier séisme important de février, certaines parties de la ville témoignent de ce moment.

Comme ceci 

Je pénètre dans une auberge tranquille, au milieu, un petit patio verdoyant où pendent les hamacs, l’endroit est silencieux, et on entend l’eau s’écouler dans le puits central. Les chambres ne sont pas pleines, et je ne croise pas beaucoup de monde à part deux beaux chats noirs très sociables.

Je profite que la laverie du quartier est encore ouverte dans la matinée (nous sommes samedi), pour aller leur amener presque tout mon stock de petites culottes (je commence à en manquer dangereusement). Puis je vais manger un morceau en ville tout en assistant au match de foot.

Maria Felix, célèbre actrice mexicaine. 

Je continue ma promenade en ville, mais après l’euphorie de San Cristobal, je me sens un peu triste d’avoir quitté ce havre urbain. Je retourne donc lézarder au soleil dans les hamacs, lire, regarder une série. Je débute une métamorphose temporaire vers l’état larvique. D’ailleurs je ne sors que le soir pour aller manger – encore une fois – des pâtes quelques part.


24/06

Ce dimanche est comme tout bon dimanche, essentiellement composé d’une flemme intense qui me maintient entre les murs frais de l’auberge où j’alterne des activités peu couteuses en énergie.


25/06

Je vais chercher mon linge, je découvre des habits que j’ai mis au sale depuis bientôt un mois. Puis je me mets en route vers Hierve El Agua, une source d’eau à 2h de Oaxaca. Pour cela je prends tout d’abord un taxi collectif où le conducteur n’hésite pas à me faire asseoir sur le siège avant passager avec une autre personne pendant qu’il entasse 4 personnes à l’arrière.

Il nous dépose dans un petit bled où je patiente pour que l’on soit un nombre suffisant pour monter dans une sorte de 4x4 avec 7 autres personnes. Je me faufile pour être assise sur une banquette, sinon les autres s’agrippent à l’arrière, dans un compartiment arrière, à l’abri du soleil sous une bâche.

Le chemin est rocailleux et nous rebondissons régulièrement sur nos sièges. Au bout d’un chemin pénible, nous voilà arrivés à destination. Après un petit chemin à pied nous arrivons à Hierve El Agua, source d’eau riche en soufre, à l’origine de plusieurs piscines naturelles d’eau douce aux couleurs rougeoyantes.

L’eau est étonnamment fraiche et les piscines de couleur claire s’avèrent profondes.

Je nage un moment, m’assoit à l’ombre pour lire, puis continue ma promenade dans la montagne.

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26/06

Plutôt tôt dans la matinée je prends un bus pour Puebla, la route de 5 heures est magnifique, nous longeons d’imposantes montagnes, des vallées à couper le souffle. Un trajet à vous faire abandonner toutes activité qui avait pour objectif de faire passer le temps, le paysage défilant suffit à lui-même.

Des cactus et des cactus 

Arrivée à Puebla, qui est de loin une des agglomérations les plus importantes où j’ai été pour le moment après Cancun, je prends un taxi pour gagner mon auberge en centre-ville, car en transport en commun c’est beaucoup trop le bordel.

A la réception je rencontre Ivan, un étudiant qui travaille ici pendant l’été, il me montre ma chambre et les lieux. Je lui demande alors où je peux manger des falafels (mon obsession de féculent m’est passée, maintenant je veux avidement des falafels), ses indications ne m’aident pas énormément mais je finis par trouver un très bon endroit pour en déguster.

Une fois mon désir comblé je reviens à l’auberge où je me pose pour discuter avec Ivan qui me demande si j’ai goûté l’alcool local. Comme je bois rarement de l’alcool by myself pour le déjeuner de midi, il m’invite boire quelques shots dans un bar à côté. Je reste ensuite discuter avec lui, jusqu’à que des amis à lui nous rejoignent dans l’auberge. Je fais connaissance avec une amie qui étudie avec lui et qui nous parle longuement de son crush, puis à ma grande surprise le copain de cette jeune fille arrive également. Il est flanqué d’un pull « Cananda », une casquette « Canada » et un porte clé « CANADA ». Je trouve ça pour le moins particulier, sachant qu’il est mexicain et qu’il n’est jamais allé au Canada, jusqu’à que j’apprenne que sa copine et Ivan ont fait une année d’étude à Vancouver. Elle a donc ramené ces souvenirs pour son copain et elle se vexe s’il ne les porte pas.

Je ne sais pas si c’est le voyage ou l’overdose de feuille d’érable, je vais me coucher plutôt tôt.


27/06

Je petit-déjeune des chilaquiles, sortes de tacos en sauce. Puis je m’en vais visiter le centre-ville ancien, une fameuse bibliothèque coloniale, la cathédrale, je grimpe jusqu’aux forts de la ville, aujourd’hui situés dans un parc surplombant la ville.

Je vais également faire un tour dans la rue des confiseries (juste pour voir bien entendu!).

De retour à l’auberge, je cuisine une soupe maya avec Ivan qui me montre les différentes étapes de la recette. La soupe est assez piquante, on y ajoute des lamelles de tortillas craquantes et des morceaux frais d’avocat.

Une fois notre diner fini, le patron de l’auberge propose à Ivan ainsi qu’à d’autres voyageurs et voyageuses d’aller dans un pub. Nous nous y rendons en voiture, avec Renée, une australienne pétillante, et Basile, un français un peu timide.

Une fois au pub, alors qu’ils commandent 20 litres de bières pour 7, je déguste des whisky-coca. La principale animation de notre soirée consiste en réussir à servir les pintes de bières sans mettre de la mousse partout. Basile le discret semble être le seul à pouvoir maîtriser ce mystérieux pouvoir. On essaye néanmoins chacun notre tour de réussir l’exploit de servir une bière convenablement.

Malgré toute cette agitation je suis assez vite fatiguée, et je rentre avec Basile à pied, l’auberge. Le chemin est simple, une ligne droite, et calme. On apprendra le lendemain que c’est commun de ça craigne un peu à cause des nombreux junkies qui vivent dans le quartier. SYMPA.


28/06

Je me réveille en joie car je sais que le petit-déjeuner d’aujourd’hui c’est pancakes. Après avoir dégusté chaque miette de ces ersatz de crêpes, cependant succulents, je pars avec Renée pour la ville de Cholula. Ce bourgade accolée à Puebla est connue car les colons ont construit une église en haut d’une pyramide maya en partie ensevelie.

L’Australienne est encore plus sympa que la veille, on s’arrête manger des tacos, avant de monter visiter l’église qui offre une magnifique vue sur les montagnes et volcans environnants, qui sont parfois enneigés.

De retour à Puebla je vais chiller dans les aires communes de l’auberge. Puis vers 21h je retrouve Ivan et une autre voyageuse, une italienne étudiante à New York, nous allons chercher un ami d’Ivan et on se rend à Cholula, mais cette fois by night. L’endroit regorge de clubs et de boites car les principales universités de Puebla se situent à Cholula.

Ainsi nous entamons notre soirée avec Irwing, Vitoria, Ivan et moi dans les « containers », un agroupement de bars situés dans des containers. Les cocktails sont à moitié prix et colorés, seul bémol, la musique trop forte. Puis Osvaldo, un cousin de Ivan nous rejoint avant que nous allions dans un bar à tequila où on enchaine les shots et les tequilas pafs agrémentés de citron et de sel.

Une fois joyeusement éméchés on gagne un club pour danser. Oswaldo qui connait bien l’offre en termes de vie nocturne, nous conduit vers un club assez huppé vraisemblablement mais où la musique est bonne (bonne !). En plus l’ambiance est particulièrement ce soir, étant donné que dimanche c’est les élections, à partir du lendemain c’est « ley seca », c’est-à-dire que les bars et boites sont fermés.

Vitoria et moi nous insurgeons de ne pas devoir payer l’entrée, donc on paye en partie l’entrée des garçons. Des serveurs nous attribue un coin canapé-table basse, on commande une bouteille de rhum avec des sodas. Les serveurs nous servent nos boissons pendant qu’on s’enjaille sur la musique. Les mix des DJ sont en effet très bons, par contre les doses servies par les serveurs sont beaucoup trop fortes. On danse à la fois sur des hits de reggaeton et sur des classiques comme les Back Street Boys. C’est parfait, parce que I WANT IT THAT WAY.

Vitoria prend un uber vers 3 heures du matin, nous restons jusqu’à 5h, puis on rentre à notre tour. Irving qui n’a pas bu, nous conduit jusqu’à chez lui. Il n’est pas loin de l’auberge, à 7h Ivan travaille, donc on décide de dormir chez Irving. Entre deux matelas simples on arrive à trouver de la place pour 4 et on s’endort pour une heure de sommeil.


29/06

A 7h moins 10, Ivan me réveille et on prend la voiture jusqu’à l’auberge, je l’abandonne lâchement à la réception et vais me coucher.

Je prolonge ma nuit de plusieurs heures, puis je vais prendre un petit déjeuner. Je retourne me coucher ensuite. Cette alternance constitue le programme de ma journée. J’en profite de la complicité développée avec Ivan pour gratter quelques heures avec le check out.

Je prends des falafels à emporter, commande un taxi et me despido de l’auberge et de mes amis de quelques jours. Puis je me mets en route pour Mexico ciudad.

Le bus prend deux heures, puis j’attends une petite heure un chauffeur de confiance que Marie m’envoie pour me conduire jusqu’à chez elle. On reste un peu coincés dans les bouchons mais nous finissons par arriver dans la nuit chez Marie. Pour ceux qu’on pas suivis, Marie est une amie de mon père qui a vécu à Cuba et qui m’a passé les contacts pour mon stage, en plus de me pistonner légèrement elle m’héberge pendant un mois à Mexico, dans le quartier chic de Las Lomas, la maison est assez impressionnante.

Dans cette immensité, j’ai le luxe d’avoir ma propre chambre (lit king size svp), ma propre salle de bain et dressing.

Marie rentre d’un déplacement professionnel, et il n’y a pas de gaz jusqu’au lendemain, donc pas de douche chaude. Je passe donc directement au dodo.

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30/06

Au bout d’un certain moment d’attente le gaz finit par passer (ils attendaient la fin du match du jour), malheureusement la chaudière ne se met pas tout de suite en marche. Pendant que Marie va nager un peu je range mes petites affaires dans le dressing et prend possession des lieux. (Je fais ça très bien, c'est un peu un don que j'ai)

Je fini tout de même par prendre une douche au bout d’un moment, lorsque l’eau chauffe. Une fois de retour, mon hôte me fait un tour du quartier en me montrant les principaux lieux d’intérêts, j’essaye de développer un sens de l’orientation, mais dans ce quartier ça m’est difficile, car tout se ressemble un peu : des grandes allées boisées, bordées de luxueuses villas. Surtout que les rues portent toutes le nom d'arbres, entre les magnolias, les érables, et de nombreux autres végétaux dont je ne sais traduire le nom vers le français, je me perds encore plus !

On va faire des courses au supermarché. J’essaye de faire le plein de vivre pendant que Marie est là et qu’on utilise la voiture, car elle part en vacances la semaine prochaine.

Après les courses, Marie m’emmène dans un centre commercial non loin de la maison, pour que je le repère, mais surtout pour que je m’achète des pantalons. Car naïve que je suis -je me suis fiée aux dires de ma génitrice, qui pensait que Mexico était une ville plutôt chaude, alors que PAS DU TOUT. Déjà on est à plus de 2 000 mètres d’altitude, mais en plus le climat est d’autant plus frais avec la saison des pluies, c’est-à-dire MAINTENANT. Certes la ville est une cuvette, mais une cuvette à 2 000 mètres de haut, donc pas chaud. Pollué oui, chaud, non.

Donc me voilà à écumer les rayons soldés du Zara à la recherche de quelque chose pour couvrir mes guiboles pour mon premier jour de stage.

Par rapport à la pollution: c'est plutôt rare de voir la vraie couleur du ciel ici, on l'aperçoit à travers une pelicule, ce qui donne l'impression que le temps est toujours légèrement couvert.


01/07

En cette matinée électorale nous faisons une tentative d’activité culturelle en nous pointant à 11h au cinéma pour regarder un Bergman, malheureusement on s’est juste trompé de 3 mois, la projection étant prévue en septembre.

Marie décide d’aller avancer ses achats pour Cuba, on va au Best Buy dans le quartier de Polanco (très chic quartier, avec plein de magasins de luxe) en quête d’un mixeur, on en ressort avec un smartphone en bonus pour Marie et une carte sim avec réseaux sociaux illimités qui venait avec le téléphone pour moi. (C

On s’en va ensuite manger un bout dans le quartier de Condesa, ce sont les quartiers relativement près de la maison, plutôt vivants et abritant de nombreux commerces et retaurants.

Marie et moi dégustant un léger dessert à base de crème, glace et fruits rouges. 

Fun fact : c'est aussi le quartier le plus exposé aux tremblements de terre hihi !

La journée s’achève avec le résultat de ces grandes élections, l’enjeu étant à l’échelle locale comme nationale avec l’élection des députés, sénateurs et président. Celui-ci est AMLO, un candidat de longue date qui est à la fois soutenu par des groupes pro LGBT et à la fois par des groupes chrétiens anti-avortement. Intéressant.

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Ciudad de Mexico 

Semaine du lundi 2 au dimanche 8 juillet.

Il s’agit de ma première semaine de stage, ainsi que de ma première semaine de vie à Mexico DF !


Lundi :

Comme c’est mon premier jour de boulot je suis assez stressée, bien qu’il n’y ait pas de raison, Marie ne cesse de vanter l’organisation où je vais passer un mois, Equis. L'ONG travaille notamment sur le thème de l’accès des femmes à la justice, mais aussi dans les politiques publiques plus égalitaristes et luttant contre l’exclusion de certains groupes plus vulnérables : femmes en prison, femmes trans, travailleuses du sexe, et tout le spectre LGBTQIA de manière générale. Marie les connait justement parce qu’elle travaille dans la coopération internationale dans le cadre de l’Union Européenne et que cette dernière a alloué des fonds à Equis pour mener à bien un projet de formation pour inculquer une perspective de genre dans les tribunaux fédéraux de certaines villes mexicaines.

Je fais le trajet avec Marie jusqu’à la Délégation Européenne où elle travaille. Puis je vais me poster de l’autre côté de l’avenue pour prendre un bus. Je travaille dans la zone près du métro Chapultepec, bien qu’avec Marie on ait fait un repérage en termes de transports communs je demande quand même à quelqu’un qui attend le bus également. C’est un peu complexe au premier abord car les bus que je prends n’ont pas vraiment de numéro, ils ont une petite pancarte sur le devant indiquant où il se rendent et plusieurs bus parcourent les principaux axes de circulation. J’apprendrai par la suite que quitte à demander des indications, autant demander aux conducteurs de bus directement, parce que les gens donnent des indications fausses la plupart du temps. Pour mon plus grand plaisir !

Donc on me dit qu’aucun bus ne va jusqu’à Chapultepec, mais qu’il faut que je descende à Auditorio et que je prenne le métro-bus. Les trajets sont très accessibles, entre 5 et 7 pesos, soit autour de 30 centimes. Une fois à Auditorio je prends donc une carte de déplacement pour les métro-bus et métro de la ville, je la charge avec 100 pesos. J’arrive à quelques rues où je suis censée travailler. Comme je suis très en avance je fais un tour du quartier, je retire de l’argent, puis, comme convenu je me pointe un peu avant 10 heures au bureau.

C’est Rocio, une jeune femme qui m’ouvre la double porte avec caméra des bureaux, elle m’explique gentiment que personne n’est là car tout le monde regarde le quart de finale impliquant le Mexique en bas, au bar. Elle me propose de patienter, mais étant donné qu’ils ne seront pas la avant 45 minutes elle me propose de descendre le regarder avec eux.

C’est ainsi que je fais connaissance avec l’équipe d’Equis, c’est un beau team building que voilà. Même si le Mexique perd ce jour-là, l’ambiance reste très agréable. Artemisa, la responsable de l’aire où je vais travailler au début, l’aire légale, m’explique qu’il y a une autre stagiaire française, mais qu’elle est légèrement malade aujourd’hui. Elle me demande si j’ai envie de travailler sur un sujet de prédilection. En ce moment l’objectif est de faire des rapports sur la transparence judiciaire de pays pour faire pression sur l’état mexicain pour qu’une transparence effective soit mise en place au niveau local.

En une journée je boucle un rapport sur la transparence judiciaire espagnole (qui est très bonne d’ailleurs). Au bout de quelques heures je me sens totalement à ma place dans cette organisation. On me chambre parce que je suis la troisième française du bureau (« ils nous envahissent, comme en 1880 »), mes collègues d’open space sont super sympas. Artemisa, qui peut se montrer très marrante, Fer, fan d’Alizée et qui entretient quotidiennement sa musculature en allant à la salle, puis Viri et Bris, qui ne viennent pas tous les jours mais qui se font entendre lorsqu'elle viennent.

En plus des gens, une table entière et snacks et à disposition, on peut y prendre des chips, des mélanges de fruits à coque, des chocolats, etc. On peut aussi se servir café et thé à volonté <3


Mardi :

Je fais connaissance avec Ludivine, l’autre stagiaire française. Elle est là pour 2 mois et demi, on s’entend bien rapidement, parce qu’on partage un bureau, parce qu’elle vient aussi de Sciences Po (Strasbourg) et surtout parce qu’elle est très sympa.

Je fais aussi connaissance avec la première française du bureau, Natacha, qui est très contente de parler français aussi souvent au travail depuis que l'invasion française s'intensifie.

L’ambiance est toujours haute en couleur, il est commun que Fer se mette à chanter, pendant que Bris lui souffle gentiment de fermer sa gueule. On est clairement l’open space le plus agité de l’étage.

Je fais connaissance avec l’équipe de communication et de politiques publiques, qui sont très gentilles également, surtout Alexa, une femme aux cheveux partiellement teints en violets qui transmet une tranquillité et douceur à toute épreuve.

On me parle aussi des dangers des tremblements de terre à Mexico. Les épicentres étant le plus souvent dans le Pacifique, une alarme sonne, au son de celle-ci il faut compter entre 30 secondes et une minute avant que le séisme ne frappe. Un séisme historique a fait des milliers de morts en 1985 et a détruit une partie de la ville. En septembre, exactement le même jour que ce séisme traumatisant, alors que c’est une journée d’exercice et de sensibilisation, a eu lieu le séisme le plus important depuis des années, ce qui a fortement ravivé le traumatise, même de ceux qui n’ont pas connu 85. Du coup on a tous des casques sur nos bureaux, car en cas d’alarme nous n’avons pas assez de temps pour courir en bas, car nous sommes au troisième étage. Il faut que l’on se réfugie près des murs porteurs et qu’on s’éloigne des fenêtres. Ludivine est là depuis 2 mois et elle a déjà eu droit à un séisme, tout le monde me dit que j’y aurais droit aussi.

Après le boulot je vais me promener dans le centre historique, mais ça me fatigue très rapidement, la chaleur et la foule me donnant le tournis. J’essaye de rentrer entièrement grâce aux bus. Je finis du mauvais côté des collines. Désespérée par mon incompréhension des transports je hèle un taxi dans la rue, alors que tout le monde dit qu’il ne faut surtout pas faire ça, il faudrait uniquement avoir recours aux ubers ou aux taxis situés aux bornes. Mais wallah j’en ai marre. Donc avant que les habituels orages de fin d’aprèm n’éclatent je me fait déposer chez moi par un dangereux taxi de la rue.



Mercredi :

Je boucle un rapport sur la transparence judiciaires en Colombie après avoir essayé de travailler sur celle du Brésil, mais bien que je comprenne les grandes lignes des textes juridiques en portugais, je décide d’opter pour quelque chose d’un tantinet plus simple.

Je vais déjeuner avec Janet, une jeune femme qui m’aidait avec mes devoirs quand j’étais en primaire à Cuba. Depuis elle a épousé un entrepreneur mexicain et elle vit à Mexico avec son mari, son fil et sa famille. Ça me fait très plaisir de la voir, cela fait plus de 10 ans que l’on ne s’est pas vues, je passe vraiment un chouette moment.

Je lui parle de l’idée de Ludivine d’aller passer un weekend à Acapulco, car c’est la plage la plus proche de Mexico. Janet me propose alors d’utiliser l’appartement qu’elle possède là-bas, elle me dit de lui dire quel weekend ça serait, pour prévenir la femme de ménage/cuisinière. Je commence à me dire que j’ai des connaissances avec un patrimoine immobilier intéressant et que j’ai vraiment une vie de luxe.

Des filles du bureau m’ont recommandé de prendre un bus qui serait à priori direct jusqu’à chez moi. Bingo, c’est bon je maitrise les transports de « camiones » !



Jeudi :

Je commence plus tard car je vais rester bosser jusqu’à 20h, en effet je vais assister à la dernière séance de formation de sensibilisation au genre pour les juges et avocats de la cours fédérale de Mexico. Ludivine qui a assisté à toutes les séances m’éclaire un peu sur certaines questions, elle m’informe sur les magistrats sympas et ceux à éviter car relous. C’est très intéressant car une intervenante fait bosser le groupe sur différents cas pratiques, et leur demande de juger dans quelle mesure il faut adopter un point de vue de genre.


Gros petits chiens 


Vendredi :

Marie commence tôt car c’est le dernier jour qu’elle a pour faire les dernières courses avant de partir à Cuba lendemain matin. Je prends donc le bus pour l’aller également, vu que je me débrouille bien, je suis assez fière de moi, d’autant plus que le bus m’amène directement jusqu’à Chapultepec où je n’ai qu’à traverser la station de métro pour me retrouver à quelques rues du bureau. Métro où l’on peut trouver des Macdo, des domino’s pizza et des churros notamment. Le seul désavantage du bus, c’est qu’il coûte 7 pesos, mais si on donne une pièce de 10 on ne rend pas la monnaie, donc soit il faut avoir l’appoint soit on perd des sous-sous à chaque fois. (Bon 7 pesos ça revient à 30 centimes donc je vais peut-être arrêter de me plaindre !)

Ma journée est assez courte, à 15h les bureaux se vident peu à peu. Je vais faire un tour au musée d’anthropologie dont j’ai entendu beaucoup de bien. Comme une partie de celui-ci est en cours de rénovation, le musée est gratuit. J’y passe plusieurs heures à observer des calendriers mayas, des reconstitutions de fresques, de pyramides, à scruter des artéfacts.

Puis vers 20h je retrouve des gens du bureau qui m’ont proposé de sortir. Dans le quartier de Bellas Artes je retrouve Paulina, qui travaille dans les politiques publiques (la seule mexicaine ponctuelle que je connaitrais), Viri qui est ma collègue de thèmes judiciaires et Ludivine. Cette-dernière me raconte que d’autres collègues de Equis l’ont déjà emmené faire la fête, mais juste après le boulot, c’est-à-dire vers 17h. Elle me dit à ma grande surprise que les boites sont déjà bien peuplées à cette heure-là. Ce qui semble un sacrilège pour d’autres hispaniques (sortir avant 21h) est plutôt normal ici, c’est même un bon plan si on veut finir sa nuit de folie à 23h.

Les mexicaines nous conduisent jusqu’à une « cantina », sorte de brasserie populaire où les mexicains se retrouvent pour boire des coups en soirée, et pour manger le reste du temps. L’endroit est plein à craquer mais les serveurs insistent pour nous installer quelques part. Ils nous dégotent une demie-table et en guise de sièges des cartons de bières vides. C’est en effet une table que nous partageons avec deux mexicains très très souls, dont un qui semble vraisemblablement travailler ici mais qui a du mal à garder sa tête au-dessus de ses épaules.

On se trouve une table libre plus tard dans la soirée, malgré notre changement de lieu un relou libidineux continue de nous mater assidument. Etant donné qu’il se trouve dans mon angle de vue ça me soule rapidement de devoir faire attention à ne pas croiser son regard, je décide donc de tenter une technique de repoussement : je fourre ostensiblement mon doigt dans mon nez et fait mine d’y trifouiller pendant quelques instants, instants qui ont dû lui paraitre longs. Je le vois assez décontenancé devant ce spectacle peu sensuel, à ma plus grande satisfaction.

Paulina, moa, Ludivine et Viri. Majestueuses. 

Viri et Pao (c’est ainsi qu’on la surnomme au boulot) nous emmène ensuite dans des rues peuplées de bars et clubs LGBT, à quelques cuadras de la cantina. La musique alterne entre morceaux mexicains classiques (dont les paroles sont faciles à saisir, après un refrain je les chante comme si je les connaissais depuis toujours) et musiques qui nous mettent en joie avec Ludivine : Shakira, reggeaton récent… Je suis d’ailleurs bluffée par les talents de danse de ma collègue française, elle allie son savoir en danse orientale et en mouvements reggeatoneros bien moins fins pour un rendu stupéfiant.

Même si l’ambiance est superbe, la chaleur a raison de moi et je sors de cette boîte étouffante pour rentrer chez moi. J’essaye de commander un uber (car les taxis de rue c’est dangereux n’oubliez pas !) (bon les uber c’est aussi moins cher), mais mon téléphone refuse de fonctionner (lui aussi est victime de la chaleur étouffante du club). Je demande donc de l’aide à 4 filles qui finissent de manger un bout sur le trottoir avant de retourner danser. Elles me prêtent gentiment du wifi et m’escortent même jusqu’à ma voiture, après avoir soigneusement vérifié la plaque d’immatriculation. <3


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Samedi:

Après avoir bouclé ses valises, Marie prend la route de l’aéroport. Elle me confie les clés, la maison et les plantes vertes pour un mois. Bien que le lieu soit sûr (système d’alarme, patrouille du quartier, patrouille de la délégation européenne), j’ai tout de même des moments de frayeur dans la maison immense, notamment dû au fait des bruits des puits de lumière, dont la surface plastique craque régulièrement.

Je profite de ce premier weekend au calme pour…ne rien faire. Juste profiter de mon lit immense.

Modestes patisseries 


Dimanche:

Je retrouve Ludivine dans la matinée, notre projet était de faire un tour en trajinera (bâteau traditionnel) à Xochimilco, un quartier strié de canaux. C'est très populaire pour les mexicains d'aller entre amis ou famille à bord d'un de ces bateaux pour passer quelques heures au fil de l'eau. Néanmoins nous déchantons vite lorsqu'on réalise qu'on essaye de nous arnaquer joliment.

Les discrètes trajineras 

Degoutées, nous remontons vers le quartier de Coyoacan où l'on passe devant l'ancienne maison de Frida Khalo, célèbre pour son pigment bleu. Puis nous faisons un tour dans le marché du quartier, avant d'aller nous rafraichir dans une petite cour autour d'une verre de jus de fruit (orange pour moi, raisin fermenté pour Ludi, comme ils l'appellent ici).

Vers 15h nous nous mettons en route vers la maison de Yanet qui nous a invitées à déjeuner. On y goûte un délicieux fromage à la truffe ainsi qu'une spécialité mexicaine de la région de Oaxaca, le mole. C'est une sorte de sauce que l'on peut mélanger à la viande, composée de plus d'une centaine d'épices et d'ingrédient, y compris le chocolat ! C'est tout bonnement excellent.

Ludivine impresionne nos hôtes (au nombre de 14 tout de même) car elle est arrivée au Mexique il y a deux mois et son espagnol est bien maîtrisé. Avant ce voyage elle avait commencé à apprendre la langue grâce au CNED, mais elle ne l'a jamais appris en cours !

Yanet nous ramène chez nous à la fin de l'après-midi, ce qui conclue une première semaine fort chargée.


On danse à Mexico 
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Semaine du lundi 9 au lundi 16 juillet.

Lundi :

Bien décidée à profiter de Mexico et d’en découvrir certains recoins, je décide d’aller faire un tour au jardin de Chapultepec, non loin du bureau et considéré comme le poumon gauche de la ville. Malheureusement, je suis quelque peu une boloss et le parc, ainsi que tous les musées, sont fermés le lundi.

Comment dit-on boulet en espagnol ?


Mardi :

Après une journée où Ludivine et moi continuons à bosser sur la transparence juridique en Argentine, chose peu aisée étant donné que la moitié de nos mails adressés aux instances officielles nous affichent des erreurs ou juste que l’on ne nous répond pas, nous allons prendre un repos dûment mérité dans un bar en terrasse non loin.

L’endroit est agréable, et bien abrité des quotidiens orages en fin d’après-midi.


Mercredi :

Je me venge de mon échec de lundi et visite enfin ce grand parc devant lequel je passe tous les jours. Je grimpe même jusqu’au fameux château de Chapultepec où les derniers monarques du pays (des belges) ont séjourné quelques mois avant de se faire exécuter par les révolutionnaires locaux.

Si on ne prend pas en compte la chappe de pollution qui flotte au-dessus des arbres, le parc est un bel espace vert. Très fréquentés par les mexicains, ce n’est pas rare de voir des familles tenir leurs enfants avec des sortes de laisses attachées autour de la taille des rejetons.

Je vais me promener dans le parc botanique, petit havre de paix au milieu de tant d’agitation. Entre toutes les variétés de cactus je tombe sur un jardin en recyclage : fleurs en bouchons de plastique, arbres en détritus, ruisseaux peuplés d’animaux inorganiques…


Jeudi :

Notre collègue française, Natacha, nous emmène Ludivine et moi à un marché artisanal du centre-ville épargné par les hordes de touristes et de bien meilleure qualité que ce que l’on a vu auparavant. Enfin, sauf pour ce qui est des petits objets pour ranger les cure-dents, cela relève le plus souvent du plus mauvais goût.

Ludivine cherche des petits bols et cendriers pour ses amis (moi je vous ramène des marques pages, j’ai moins de place ok), mais tout comme moi, elle a peur que sa valise dépasse les fatidiques 23 kg (enfin 10 kg pour moi). A cette crainte, Natacha nous répond constamment « mais ça pèse 100 grammes ça, c’est rien ! ». Ludivine repart donc avec 4 bols et 2 cendriers sous le bras.

Bien que ce soit un ingrédient fondamental de la cuisine mexicaine, je goûte pour la première fois du nopal, du cactus, dans un taco.



Vendredi :

On a enfin réussi à acheter nos billets de bus pour Acapulco après de nombreuses péripéties. Nous avons finalement dû aller dans un Oxxo, sorte de boutique-tabac-presse-mini super marché-cafétéria pour découvrir que les horaires qui nous arrangeaient ne sont plus disponibles. Notre départ est donc prévu pour la nuit à 2h du matin.

La journée laborale est assez courte, après avoir continué à harceler les instances judiciaires régionales de La Pampa (vrai nom de région fédérale) ou de Jujuy (et comment vous prononcez ça vous ?), nous sommes toutes invitées à un barbecue pour l’anniversaire de la cheffe de l’organisation, chez l’une des travailleuses, Artemisa.

Il y a une super ambiance à cette parillada, ça discute paradoxes sociaux féministes, séisme et le vin coule à flots. Askip, Estefania, celle qui supervise la cuisson de la viande et des légumes – qui est aussi la petite amie d’Ana, la cheffe d’Equis (elle est d’origine macédoine d’ailleurs, fun facts), est une référence féministe au Mexique, c’est une des bloggeuses les plus connues en la matière.

Après 7 heures de repas en continu et de discussion, nous rentrons chez Ludivine pour attendre notre bus nocturne. Vers 1 heure du matin nous gagnons la station de bus, puis montons à bord d’un véhicule qui nous parait fort confortable.


Samedi :

Nous nous éveillons au bord du Pacifique, j’ai dormi tout du long grâce à mon merveilleux masque d’avion et grâce aux couvertures prêtées par la colocataire de Ludivine.

Nous arrivons en taxi à la résidence de Janet, la réception est prévenue et nous donne les clés pour notre appartement, qui occupe tout le dixième étage. L’endroit est immense, on se perd entre les 8 chambres et 6 salles de bain. Alors que Ludivine est comblée par les 30° ambiants, je me sens écrasée par la chaleur.

Nous faisons quelques courses, puis ne nous faisons pas attendre pour aller nous rafraîchir un peu. Avant d’aller plonger dans la baie d’Acapulco sur laquelle donne notre immeuble, nous faisons connaissance avec Meche, la cuisinière de Janet qui nous propose des pancakes pour le petit-déjeuner et un ceviche pour le déjeuner.

Nous nageons un peu dans la mer (qui n’est pas la plus propre que l’on ait connue) avant d’aller nous prélasser au bord de la piscine. Embrassant nos privilèges et notre douce existence, nous ponctuons le weekend de soupirs de détente, au milieu du silence régnant au bord de la piscine (malgré le fait que les vacances d’été aient commencé, l’endroit est loin d’être bondé).

En début d’après-midi, quand le soleil commence à taper un peu trop fort, je vais m’allonger pour ce que je pense être une courte sieste. 5 heures plus tard Ludivine me réveille tout de même pour m’éviter une nuit blanche.

En début de soirée nous nous rendons à une fête d’une connaissance de Ludivine, c’est le petit-ami d’une de ses colocataires qui est venu à Acapulco avec une vingtaine de potes, ils ont loué une maison pour le weekend. On débarque dans une villa immense avec une vue sur la baie scintillante. Bien qu’il soit assez tôt, 21h, tout le monde est déjà assez soûl dans la piscine. C’est dire si l’endroit est luxueux : un cuisinier et un barman sont au service de tout ce petit monde, et ce dernier amène des cocktails jusqu’au bord de l’eau. On avait d’ailleurs ramener une bouteille de rhum mexicain dont le goût épicé se marie très bien avec tout diluant, on ne peut que vous recommander ce rhum, le Kraken, en plus c’est pas cher.

Bon on a l’air un peu quiches avec Ludi parce qu’on n’a pas pensé à amener de maillot de bain. Néanmoins une bonne âme nous prête de quoi faire l’affaire et nous allons à notre tour patauger dans l’eau où, par miracle, personne n’a encore vomi.

Une énorme bouée de pégase (que tout le monde appelle licorne alors que c’est pas du tout les mêmes créatures mythologiques) vient se cogner de temps en temps contre le petit groupe que nous avons intégré, bouée prise d’assaut par les individus les plus éméchés qui essayent de tenir à 5 dessus.

Vers 2 heures du matin, après avoir longuement attendu un taxi, nous quittons la villa pour rejoindre notre calme logement.

Dimanche :

Nos alarmes nous réveillent à 10h pour regarder le match de la finale. Avec nos pancakes dégoulinants de sirop d’érable ou de nutella nous suivons les exploits des bleus et fêtons notre victoire comme on peut fêter une victoire à midi un dimanche après avoir dormi 6 heures.

Je ne reste même pas jusqu’à la fin des célébrations et me recouche en début d’après-midi.

Alors que le soleil est plus doux je rejoins Ludivine au bord de la piscine où nous commençons à évaluer les différents cocktails préparés par le petit bar de la résidence. Les soupirs de satisfaction s’enchaînent comme les Piña Coladas.

Pour finir en beauté cette journée nous décidons de profiter d’un des deux jacuzzis de notre appartement, tout en sirotant des petits mélanges de notre fabrique, le plus réussi sera l’horchata-liqueur de café.

Notre existence nous pèse 

Lundi :

Nous continuons de nous prélasser dans la piscine et au soleil jusqu’en fin d’après-midi. Puis, après avoir bondi dans notre bus in extrémis en matière de temps, nous regagnons la capitale dans la nuit.

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Retour à la jungle urbaine 
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Semaine du mardi 17 au dimanche 22 juillet


Rien à avoir avec les tacos mais voici un petit fun fact : lorsque les étudiants de médecine effectuent leur internat ils doivent taper leurs rapports à la machine à écrire pour éviter qu’il fasse de simples copiés-collés. Non seulement ils doivent se procurer la machine à écrire par eux-mêmes, mais en plus ils doivent se la trimballer tout le temps, pour pas qu’on leur vole.


Mardi :

Toujours pour continuer notre recherche sur la transparence judiciaire argentine, je demande à rejoindre des groupes facebook d’étudiants en droit de chaque région. Cette stratégie marche plutôt bien et nous avons rapidement plus de réponses sur ces groupes étudiants que de la part de l’administration argentine. Je suis néanmoins interloquée car lorsque je recherche les mots clés « Buenos Aires » et « derecho » ou « Tierra del Fuego » y « derecho » je trouve des groupes très fournis se nommant « Amigos con derechos [nom de la région] », « Amigos con derechos Chubut » par exemple. Je me dis que ça doit être des groupes d’anciens étudiants en droit peut-être ou des groupes de soutien pour défendre certains droits. Que nenni. Je demande à tout l’open space ce que cette expression signifie, figurez-vous que ça veut dire « sex friend ». En gros c’est des groupes pour trouver des plans cul. Et j’ai demandé à tout l’open space.


Mercredi :

Après notre journée de travail, Ludivine et moi nous offrons une soirée muraliste et allons visiter certains des plus fameux muraux de la ville. Le mouvement artistique muraliste a été très important ici, qu’il soit porté par Riviera, Siqueiros ou Orozco. L’endroit où l’on peut en voir le plus est l’Université Nationale Autonome de Mexico. En effet, une grande partie des bâtiments est recouverte par des peintures d’artistes de renom.

Avec Ludivine nous visitons d’abord le musée du mural le plus connu de Rivera, « Promenade dans l’Almeda », le parc mitoyen. La fresque est immense et on se réfère à des légendes pour identifier les plus de 100 personnages représentés.

Nous continuons notre ballade dans les rues bruyantes et bombées, Ludivine tente de trouver des maillots de l’équipe de foot mexicaine, mais les vendeurs lui proposent un prix double que celui qu’il donne aux mexicains. Nous marchons donc jusqu’à l’ancien collègue San Ildefonso où les galeries, les plafonds et les murs ont été recouverts de peinture également.

L’après-midi touche à sa fin. A cause des nuages occupant le ciel en début de soirée à Acapulco nous n’avons pas pu profiter d’un beau coucher de soleil. On décide donc de prendre notre revanche et d’admirer le soleil couchant, même si le cadre est légèrement moins paradisiaque. Nous montons jusqu’au 41e étage de la Tour Latinoamericana, premier gratte-ciel de la ville, construit dans les années 50 et détenteur pendant de nombreuses années de bâtiment le plus haut du continent d’Amérique Latine. Pendant que l’on fait la queue, on essaye de pas trop regarder les animations indiquant que faire en cas de séisme (ce genre de message apparaît tout le temps, partout, notamment avant un film par exemple), j’apprendrai plus tard que cet immeuble est un des plus résistants aux tremblements, cela est dû au fait que sa base et en partie hydraulique.

Le restaurant-bar fait tout le tour de l’étage sans discontinuer, d’immenses baies vitrées permettent d’apercevoir la ville de n’importe quel angle de vue. De nos places nous admirons le ballet aérien des vols qui atterrissent et décollent, les colonies de feux de signalisation des voitures prises dans des bouchons, on étudie également l’avancement et le déplacement des averses, on saisit aussi l’épaisseur de la couche de pollution.


Vendredi :

Je me réveille malade de l’estomac, maudissant ma fragilité occidentale et intrinsèque (ce n’est pas uniquement la faute des standards d’hygiène européens, je pense être une boloss) je me repose pendant la journée. Ce weekend, une connaissance mexicaine de Ludivine propose de nous emmener dans la région de Querétaro, dont cet ami est originaire. Je n’ai pas envie que mon bidou me gâche ce weekend, donc je décide d’y aller tout de même.

Nous retrouvons Ismaël vers 20h devant son travail, le tribunal électoral, et prenons la route. Je m’assoie à l’avant pour discuter avec lui, pendant que Ludivine pique un roupillon qui durera plus au moins jusqu’à la fin du voyage. Je reconnais que moi aussi je m’endors de temps en temps. Pour sortir de la ville Ismaël emprunte le second étage du périphérique, c’est une voie rapide payante, c’est impressionnant car ainsi nous survolons des kilomètres de bouchons et ralentissements aux couleurs rouge et blanc.


Samedi :

Nous nous réveillons au pied du Bernal, un amas rocheux accroché à une montagne, le 3ème plus gros au monde après Gibraltar et el Pao Azucar de Rio. Nous allons déjeuner dans une cabane dont les murs composés de lattes de bois laissent s’échapper la fumée des cactus cuisants.

Nous partageons un nopal au fromage, et des gorditas, des tortillas à la viande. Bernal organise tous les ans une foire aux gorditas d’ailleurs, un jury très sérieux en goute plusieurs de dizaines pour déterminer la meilleure.

Nous faisons le tour de la ville à bord d’un petit tramway aménagé pour cet effet. Ismaël nous fait goûter des bonbons produits dans la ville, ainsi qu’un fameux pain au fromage qui nous plait fort bien.

En début d’après-midi il nous amène ensuite aux Vendimias, un événement annuel où les producteurs de vin ouvrent leurs portes au public. La région étant composée de nombreux vignobles, c’est tout un flux de personnes qui affluent. On arrive donc sur le vignoble de La Redonda où sont organisés des concerts, des dégustations, on peut se promener entre les épiceries fines et les vignes, ou encore aller écraser des raisins pieds nus.

Avec le ticket d’entrée on nous donne un verre de dégustation, que j’ai vite filé à Ismaël et Ludivine. Ces deux derniers se partagent une partie d’une bouteille de rouge pendant qu’on picore une assiette de fromage.

Moi, posant avec un verre où je tremperai à peine mes lèvres 

Depuis notre table on voit défiler des gens terriblement soûls, des couples qui se soutiennent l’un et l’autre, une fille escortée par la sécurité, une femme portée par un jeune homme dont elle informe tout le monde que « C’est mon petit-fils ! ». Certaines personnes sont allées écraser les raisins alors qu’ils étaient tout de blanc vêtu, d’autres ont glissé et se sont étalé dans la cuve, enfin, certains essayent d’y plonger leur gosse.

On reprend la route vers 19h, Ismaël nous amène dans son petit village pour qu’on fasse connaissance avec sa famille. C’est justement l’anniversaire d’une de ses nièces et ses 7 frères et sœurs sont presque tous là. On goûte aux délicieux tamales de sa mère pendant qu’une ribambelle d’enfants jouent aux échecs. On découvre également une boisson qui nous était inconnue : un mélange d’eau et de chocolat, le tout assez tiède.

Ludivine tente de se débarasser de moi en quittant notre dimension 

Après qu’on ait chanté à Mari-Paz « las mañanitas » et qu’elle ait soufflé ses bougies nous assistons à une tradition mexicaine : plonger le visage du birthday-boy/girl dans le gâteau, s’en relève un visage tout plein de crème. Certaines collègues m’ont raconté comment certaines fêtes se sont abruptement finies lorsqu’il a fallu emmener une jeune fille ou jeune homme à l’hôpital après que trop de crème ait été aspirée dans le nez.

Alors qu’il fait déjà nuit, Ismaël nous emmène à Querétaro, le chef-lieu de la région. On y contemple l’impressionnant viaduc traversant la ville et illuminé par des dizaines de spots. L’aperçu que nous avons de la ville nous dépeint son côté festif et vivant.


Dimanche :

Nous retournons à Querétaro le matin pour petit-déjeuner, puis nous faisons un tous dans ces petites rues colorées.

Sans trop tarder nous nous mettons en route pour San Miguel de Allende, magnifique petite ville dont la cathédrale est un joyau gothique aux inspirations presque gaudiesques.

Avant de repartir pour Mexico nous effectuons une dernière escale auprès de la mère d’Ismaël qui nous cuisine des chilaquiles (des tortillas au poulet) et nous propose une « tuna », le fruit poussant sur le cactus. Ça a le goût d’un concombre un peu sucré et avec beaucoup de petites graines.

Sur la route du retour (oui Ludivine s’est rendormie à l’arrière) je ressens un picotement désagréable sur le bout de la langue, celle-ci va me démanger et me gratter pendant tout le trajet (je ressentirais ce désagrément d’autant plus violemment lorsqu’on restera coincés dans un bouchon 40 minutes). Pour atténuer ma peine je passe plusieurs fois la musique « Ahora te puedes marchar » de Luis Miguel, c’est un peu le Johnny Halliday local, une légende musicale qui affiche encore complet à tous ses concerts et qui a une série Netflix biographique. Cette chanson est souvent passée en boite et c’est un moment de communion émouvant. Je me dis que si je passe la chanson plus de 5 fois passées, Ludivine devrait se réveiller.

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Cette maturité qui règne entre nous, impresionnant. La dernière photo c'est nous avec Luis Miguel <3 
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Semaine du 23 au 29 juillet

Lundi :

Je ne fais rien de particulier si ce n’est envoyer des photos en gros plan de ma langue à Héloïse avec une description précise des symptômes pour qu’elle les montre à Al, son petit ami médecin avec qui elle est en ce moment en Colombie. J’ai bien entendu fait une allergie à ce foutu fruit du cactus. En faisant plus de recherche, cette allergie orale (ou allergie croisée) est dû au fait que la structure moléculaire de la tuna est semblable à celle du pollen, étant allergique à ce dernier, mon corps n’a pas trop fait de différence. Me voilà partie pour une semaine de torture buccale. Franchement, profitez là, tout de suite pendant que vous lisez ceci, savourez votre langue indolore et qui ne vous démange pas.


Mardi :

Ludivine n’est pas là pour la semaine, elle est partie une semaine dans le Yucatan pour travailler sur un projet d’Equis, une formation visant des femmes mayas pour les transformer en promotrices des droits humains au sein de leur communauté, notamment les droits des femmes.

Après le travail je vais faire un tour au musée Tamayo, musée d’art contemporain. J’ai plutôt de la chance car les principaux musées sont à côté du stage et sur le chemin pour rentrer chez moi, en plus ils sont souvent gratuits pour les étudiants.


Mercredi :

Cette semaine j’ai migré de l’aire légale à l’aire des politiques publiques, je suis ravie de découvrir les différentes branches de l’organisation. A mon nouveau « poste » je suis chargée de faire un rapport sur les bonnes pratiques en termes d’insertion laborale et sociétale des femmes pendant et après des peines privatives de liberté, et ce au niveau du continent américain. Je dois également fournir un rapport sur les bonnes pratiques en termes d’alternatives aux peines de prison avec une visée de genre.

Ce nouvel open-space est beaucoup plus calme que mon lieu de travail précédent, en effet dans l’aire légale il est rare que le silence consciencieux règne, c’est plutôt tout l’inverse. Surtout depuis que la directrice de cette branche, Fatima, est rentrée de déplacement. On nous avait raconté beaucoup de choses à son propos (bien que ce n’ai pas été de la médisance), comme par exemple le fait que ce ne soit pas rare qu’elle vienne au bureau en pyjama. Elle nous ait rapidement rentrée dans le lard en nous disant qu’on était trop blanches à son goût, en retour je m’amuse à répondre à ses provocations et ses blagues.



Jeudi :

Cette fois je visite le musée d’art moderne. Il abrite certaines œuvres clés d’artistes mexicains comme la peinture « Les deux Frida » de Frida Kahlo. Ai-je mentionné que celle-ci apparait absolument partout ? Une journée ne peut pas s’écouler sans que je voie un sac, un collier, des chaussettes, un poster, etc à son effigie.

En ce moment le musée propose également une exposition sur Leonora Carrington, dont l’univers fantaisiste emporte le visiteur vers d’autres contrées et réalités.


Vendredi :

Un petit musée, ça vous dit ?

Oui j’ai peut-être attendu la dernière semaine entière à Mexico pour prendre le temps de visiter tous les musées emblématiques. Aujourd’hui ce sera la maison de Frida Kahlo. J’ai particulièrement hâte car, non seulement la maison abrite de nombreuses œuvres de Frida mais aussi des effets personnels qui sont longtemps restés dans les placards de la demeure. Après la mort de l’artiste, Diego Riviera (son conjoint) a demandé à que rien ne soit ouvert, ainsi certains objets ont été découverts il y a peine quelques années.

Bien que je sois partie une heure et demie en avance pour arriver à l’horaire indiqué par mon billet, je dois néanmoins piquer un petit sprint pour arriver à 16h59, limite de validité de mon entrée. Je trouve les lieux absolument charmants. On y ressent la fibre créatrice du couple, l’amour qu’ils se sont porté, tout comme les nombreuses disputes qu’ils ont échangées.

Un poster des stades d’évolution du fœtus humain, ainsi qu’une peinture sur l’avortement illustrent l’intérêt que Frida portait au thème de la maternité. On peut évoluer entre les différents objets de la casa azul : des coussins brodés de mots doux, un chevalet, le lit avec le miroir pour que Frida se peigne alors qu’elle était immobilisée après son terrible accident. Je déambule également entre ses robes, ses jupes et ses châles.


Samedi :

En début de soirée je rejoins Ludivine, Viri, Geras et un ami de ces derniers pour une dernière soirée dans le centre. On prend place dans un bar où les cocktails coûtent autour de 3€ et les bières encore moins.

 Je pose pas ok

On retourne dans le quartier LGBT-friendly où les boites sont sympas. Néanmoins, avant de rentrer dans un club, je suis prise d’une douleur de ventre fulgurante qui me force à m’asseoir par terre (alors que c’est très sale et que je déteste ça). Je sais que je ne vais pas pouvoir profiter de la soirée alors que je suis pliée en deux, je commande donc un uber et point de soirée délurée pour moi. ☹



Dimanche :

Je reste au lit, entre les douleurs de ventre et les vertiges, ma journée n’est point productive (sauf si productif = avancer la série The Office).

En fin d’après-midi les douleurs se calment et je rejoins Ludivine au bar de la Torre Latinoamericana pour sa despedida avec ses amis mexicains. Sont invités Ismael, Lorena (une mexicaine qu’elle a rencontré en France) ainsi que sa coloc et deux amies à elle.

La vue sur la ville reste incroyable, on voit l’évolution de la pluie qui prend possession de la ville avec son ballet d’éclairs. On se partage un plateau de fromage, pendant que l’on profite de ces derniers moments avec Ludivine qui part le lendemain. Un symbole de sa parfaite intégration dans le pays est sa réaction lorsqu’Ismael lui offre le maillot officiel de l’équipe de foot mexicaine, Ludi lâche un « No mames ! », expression très familière au Mexique signifiant une surprise marquée, pouvant se traduire littéralement par « ne suce pas ». Ismael, profondément choqué par notre langage, demande où a-t-elle bien pu apprendre ces expressions peu raffinées. On doit ces tics langagiers à Artemisa, notre responsable qui jure tout le temps de cette manière, bien que ça détonne avec son air très élégant.

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Lundi :

Equis organise un brunch aujourd’hui avec tous et toutes les employé.e.s pour « fêter » les stagiraires, Ludivine, Geras y yo. C’est un moment fort convivial où on échange les anecdotes de ces différents stages, c’est l’occasion de voir une dernière fois certaines personnes, et surtout de prendre des selfies par dizaines.

L’organisation nous donne à Ludivine et moi deux certificats qui prouvent notre engagement dans l’ONG et nous remercie pour notre contribution. Nos noms seront également apposés lorsque les rapports que nous avons produits seront publiés (swag).


Mardi :

Je commence à nettoyer la maison, je passe un coup de balai dans les zones que j’ai principalement fréquentées. J’arrose une dernière fois les plantes, surtout celle que j’ai ramené à Marie de Querétaro, qui a besoin de beaucoup d’eau et qui va devoir survivre quelques jours avant qu’elle arrive. Je lance une machine de mes habits, l’occasion de découvrir qu’un sarouel vert que j’ai acheté dégorge beaucoup.

Je sors toutes les poubelles et commence à faire mon sac.


Mercredi :

J’ai beaucoup de mal à avancer dans mes préparatifs, mes vertiges sont particulièrement pénibles. J’avais demandé à Al (le-petit-ami-d’Héloïse-qui-est-medecin-dont-je-vous-ait-déjà-parlé) si ça pouvait être grave : vu qu’allongée j’ai la tête qui tourne moins, il m’a donc prescript de rester allongée. Etant donné que cette superbe recommandation n’est plus utile, je me décide à aller consulter. Je prends un uber qui profite de mon état pour faire un détour immense, mais je finis par arriver à un centre médical.

Un médecin me reçoit très rapidement et me diagnostique un dérèglement de l’oreille interne. En effet, les cristaux de l’utricule (qui nous permettent d’avoir un sens de l’espace et de l’équilibre) ont décidé de prendre des congés en août et sont allé visiter le reste de mon oreille. Bien que ce ne soit pas très grave, il faut quand même que je fasse attention et que je prenne un certain traitement pour pouvoir me déplacer normalement.

C’est drôle car j’ai les mêmes maux que mon grand-père, alors que plus de 70 ans nous séparent.

Dans la soirée mes malaises s’atténuent et je suis en état de boucler mon sac et de finir les dernières choses que j’ai à faire avant de partir (notamment dire adieu au luxe de mon lit double dans un endroit silencieux, je retourne aux dortoirs des auberges, snif snif).

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Le retour des jeux de mots nuls

Jeudi:

Cacho, l’ami et chauffeur de Marie, passe me chercher vers 9h pour m’emmener à l’aéroport. Nous y sommes une heure et demie après. Avant d’enregistrer mon bagage (c’était inclus dans le billet d’avion, sinon j’aurais trouvé un moyen de le resquiller en cabine) je m’arrête pour qu’on me l’emballe dans du film plastique. Après toutes les histoires que j’ai entendues et les mises en garde sur le fait de voyager avec un bagage en soute en Amérique Latine je préfère ne pas prendre de risque.

Je suis tout de même pas mal en avance, je grignote un déjeuner avant d’embarquer pour mon vol où je pique la première sieste de la journée. Une fois arrivée à Guatemala City je trouve un transport abordable pour Antigua. Sur la route nous croisons les « chicken bus », ces bus scolaires américains transformés en bus pour passagers. Ils sont souvent très colorés et pimpés avec des lumières ou d’autres détails dignes de l’art du tuning. Les gens y sont entassés dedans et les affaires volumineuses sont accrochées avec tant bien que mal au toit du véhicule.

J’arrive à mon auberge où je dépose mon sac. L’endroit compte avec une petite cour intérieure et le staff à l’air super sympa. Je discute un peu avec Diego, le réceptionniste, qui me donne quelques pistes d’endroits à ne pas rater au Guatemala. Il m’indique ensuite un bon endroit où manger, un petit restau trois maisons plus loin qui fait de des mélanges de nourritures indienne, indonésienne et thaï. C’est fort bon.

Je vais ensuite me balader dans la ville. Ses maisons basses colorées, l’entourage montagneux et l’affluence touristique lui donne un air similaire à San Cristobal de Las Casas au Chiapas. Mais la ville a bien entendu ses particularités : les volcans environnants freinent les nuages qui s’emmêlent dans les cimes, de nombreux bâtiments religieux se sont effondré en partie et sont maintenant des couvents ou des églises à ciel ouvert. En effet, la ville a survécu à de nombreuses catastrophes : tremblement de terre, éruptions, inondations…

Ville à trous 


Vendredi :

Après avoir profité du petit déjeuner offert par l’auberge, je m’attèle à la tâche de prévoir mon itinéraire, parce qu’à part réserver deux nuit d’hostel la veille de mon départ, je n’ai rien prévu du tout. Grâce aux conseils de Diego et de ceux du Lonely Plantet, j’élabore un trajet d’un mois me faisant passer par le Belize et me faisant arriver le 31 aout à l’aéroport de Cancun, pour mon vol ce jour-même pour Madrid.

D’ailleurs un de mes stress est le poids de mon sac à dos d’ici là. Comme les vols que je prends sont très lowcost, je n’avais pas de bagage en soute, j’étais donc limitée à 10kg. Déjà au départ mon sac pesait une douz aine de kilos et la dame du guichet m’a embêté pour ça. J’avais réussi à tromper le système à base de mensonges éhonté les yeux dans les yeux. Mais là pour mon retour mon sac avoisine plus les 15 kg. Je sais que je vais me débarrasser de tous les produits de santé, une vieille paire de chaussures, quelques habits en piètre état que ma mère voudrait que je laisse sur ce continent plutôt que je les ramène, etc. Je verrai bien quelle stratégie je mets en place pour le retour.


Fun fact : les limitations de poids pour les vols transatlantiques sont techniquement de 12kg pour le bagage à main et 25 kg pour le bagage en soute malgré les 10kg et 23kg annoncés. C’est Lorena, l’amie de Ludivine, qui a appris ça lors d’un stage au parlement européen. Donc normalement on ne peut pas vous demander de pays si votre équipage ne dépasse pas les 12 et 25 kg !


En fin de matinée je monte jusqu’à El Cerro de la Cruz, un joli point de vue sur la ville, à 20 minutes à pied du centre.

A 14h pour monte dans un bus pour une excursion d’une demi-journée. Après deux heures de route rocailleuse nous enchainons sur deux heures de montée. Nous grimpons le volcan Pacaya, volcan actif qui a connu d’importante coulée il y a deux jours. Pendant notre randonnée nous avons une vue prenante sur le volcan Agua, il porte ce nom car il avait un important lac dans son cratère, avant d’entrer en éruption et de déverser sur Antigua toute son eau. Il était également possible de monter au volcan Acatenango, l’excursion dure 1 jour et demi et les températures tombent en-dessous de 0.

Lors de l’ascension je sympathise avec un français fan de reggaeton qui a fait une année d’études à Cali en Colombie (et qui s’avère connaître une amie qui a également fait son Erasmus là-bas ! « El mundo es un pañuelo » décidemment), une allemande qui vit à Barcelone trop gentille et un espagnol de Madrid très rigolo.

On a un peu de pluie pendant notre ascension avant que les nuages laissent place à un ciel dégagé. La randonnée se complique lorsque que l’on passe de la terre à la roche volcanique. Les petits rochers ne permettent pas un appui solide et en cas de chute ils sont très coupants. Je ne manque pas d’ailleurs de poser le pied sur une saillie qui s’effrite sous mon poids, je fini sur le dos de Jaime, l’espagnol, qui parvient à se maintenir en équilibre sur des cailloux roulants.

On marche sur de la lave relativement fraîche, elle date de deux jours. On s’approche le plus possible du cratère, bien que l’on garde quelques centaines de mètres de distance. En cas d’éruption, étant donné que c’est un volcan strombolien et non pas explosif, on a environ une heure pour ne pas se faire brûler par la lave en fusion. D’ailleurs on aperçoit parfaitement le cratère fumant et ses flancs, dévalés par la lave et des éboulements.

Au-dessus des nuages aight 

Bien que les rochers à nos pieds soient froids, il nous suffit de creuser quelque peu pour sentir la chaleur émanant des roches. Nos guides creusent des petits trous, puis nous font la surprise de sortir des marshmallows. On embroche nos friandises sur des brindilles ramassées au fur et à mesure de la montée, et nous les rapprochons des sources de chaleur. La température avoisine celle d’un bon four et les marshmallows fondent rapidement. Il faut juste faire attention à ne pas les coller à la roche, auquel cas ils ont un petit goût de croquant et sont plus difficiles à digérer.

Nous restons une heure à crapahuter sur les roches chaudes et coupantes, puis nous entamons notre descente. A cette occasion mes chaussures font le plein de poudre, terre, petits cailloux, bref des souvenirs sympas de la journée !

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Samedi 4 août:

Vers 8h30, un minibus à destination du lac Atitlan passe me chercher à l’hostel. Ce trajet de trois heures est le théâtre d’un terrible drame : après 2 mois à l’étranger mon compte Spotify cesse de fonctionner et je ne suis dans l’impossibilité d’écouter de la musique si je n’ai pas de connexion. Mon voisin de siège, Brandon, doit sentir mon désarroi car il me prête un écouteur pour partager sa musique avec moi. J’alterne la musique avec le sommeil léger.

On croise un petit enterrement sur l'autoroute 

Je suis tirée de ce dernier par une altercation entre le chauffeur et un passager assis à côté de lui. Etant donné que le jeune homme ne semble pas maîtriser l’espagnol je me propose comme interprète. Le problème réside dans le fait que ce jeune homme a un ticket Antigua-Panajachel (une ville au bord du lac) alors que le mini-bus va d’Antigua jusqu’à San Pedro (une autre ville du lac). Il semble pourtant que le jeune homme (que j’ai appelé 2 heures José alors qu’il s’appelle Yousef) avait demandé à son auberge un ticket pour San Pedro, de plus il a donné son ticket au chauffeur son ticket dès qu’il est entré dans le véhicule, ce n’est que maintenant que celui-ci s’en rend compte. Le chauffeur lui demande qu’il repaye un ticket alors qu’il a déjà payé un ticket pour le trajet. J’argumente que c’est la faute du chauffeur, c’est son job de vérifier qui monte dans son camion. Le chauffeur appelle alors l’agence de voyage et passe le téléphone à Yousef qui ne pige pas trop à ce qu’on lui dit. On me passe donc le téléphone à mon tour, je commence à m’engeler avec l’agence, non seulement ils réclament le prix d’un nouveau ticket, mais en plus ils menacent de laisser Yousef sur le bord de la route. Je commence à m’énerver et leur dire en espagnol qu’ils sont en tort et que leur service est mauvais, j’entends derrière moi les autres hispanophones du bus exprimer leur soutien à Yousef, tout le monde scande plus au moins le même message « Essayez juste de le laisser sur la route, vous allez voir ! » (je dis « plus au moins tout le monde » parce Brandon ne comprend rien de ce qui se passe et s’est à moitié rendormi). Je raccroche au nez de l’agence de voyage. Le chauffeur est contraint de nous emmener à bon port et le calme revient dans l’habitacle.

J’ai parlé un peu trop vite.

Au bout de quelques instants de calme, une argentine assise derrière moi commence à se plaindre de l’existence du « prix touriste », le prix légèrement gonflé réservé aux étrangers. Je lui réponds que certes parfois c’est de l’abus, mais que la plupart du temps je comprends : si on a les capacités financières de voyager c’est qu’on a des revenus supérieurs à ceux d’ici et qu’on ne va pas se ruiner si les prix sont gonflés de 4 quetzals (50 centimes). Elle me répond que c’est du vol et que le vol est immoral en toute situation. Commence alors un débat où avec une autre voyageuse (une catalane super sympa) on essaye de lui faire comprendre qu’il y a des situations ou le vol est l’unique alternative et juste dire que ça ne devrait pas exister ne résout pas le problème des individus obligés de voler pour survivre. Ce à quoi elle répond que les pauvres n’ont qu’à pas se mettre dans des situations où ils sont obligés de voler, et que pourquoi les pauvres ont autant de relations sexuelles et d’enfants, et qu’ils ont qu’à saisir les opportunités que leur offre la vie… Autant je pensais m’être emportée avec l’agence, autant j’ai du mal à croire que des gens puissent encore tenir ce genre de discours sans prendre en considération les structures de classes et l’absence d’alternatives offertes. Cette femme, qui a pourtant voyagé et connu d’autres réalités, transpire le manque d’ouverture d’esprit. Cela aura au moins eu l’avantage que je fasse connaissance avec la catalane et son amie, Miriam et Ana !

Finalement, après virages et discussions idéologiques, nous voici arrivés à San Pedro, petite ville au bord du lac Atitlan, surplombée par le volcan éponyme auquel on ne peut plus monter car les risques d’attaques sont trop élevés. Rien que la semaine dernière un groupe de touriste se sont fait dépouillés !

On va tous vers des auberges différentes, la mienne est assez calme et je sympathise vite avec Renée, le monsieur qui y travaille. A chaque fois que je le croise il fait une partie de billard pendant qu’il parle à Chiquita, le chien des lieux qui s’apprivoise très vite.

San Pedro de la Laguna, est une petite ville vivant principalement de la pêche et du tourisme, elle est reliée facilement aux autres bleds par voie maritime (entendre, une « lancha » toutes les 15 minutes), mais reste encore un peu loin par voie terrestre.

Tout le Guatemala est très religieux, mais ici c’est particulièrement visible : il n’y a pas un seul tag de rue, à la place il n’y a que des messages religieux évoquant Jésus, la salvation et le fait que nous ne sommes que des pêcheurs tous autant que nous sommes. Autant les messages sur les bus et camions - pour le moins inquiétants - je pouvais comprendre (« Seigneur, je confie en toi » écrit sur l’avant d’un transport en commun ça me rassure pas perso), mais là je suis carrément entrée dans un commerce où un panneau indiquait que le seul patron des lieux était Dieu et que mes interlocuteurs n’étaient que les administrateurs.

Le petit monsieur à droite cache une bière sous son chapeau 

J’arpente donc une des rues principales de la ville, parallèle à la rive du lac, les stands de tortillas cuites « a los tres tiempos » alternent avec les agences de voyage ou des petits stands improvisés ou des voyageurs vendent leurs bijoux fait main. Pendant que je lorgne sur les habits traditionnels (ici comme à Antigua les femmes portent les jupes, les ceintures et les chemisiers traditionnels, c’est vraiment chouette), je croise par hasard l’allemande avec qui j’avais grimpé le volcan Pacaya, Birte ! Elle se joint à moins pour retrouver Brandon et Yousef dans un bar sympa. Ces derniers sont en train de boire une bière pendant qu’ils discutent avec un autre voyageur très américain. C’est Birte qui remarque la première qu’il a un couteau attaché dans le dos, mais genre un gros couteau de chasse. Les gringos font toujours fort.

Avec Birte nous profitons de l’après-midi pour aller faire un tour à San Marcos, autre petit pueblo à 10 minutes en bateau. L’ambiance y est très différente : beaucoup plus calme et moins populaire, l’endroit est propice à la relaxation. D’ailleurs, nous croisons de nombreux hostel qui font aussi centres de méditation.

Nous croisons de nombreux chiens errants, ce qui est monnaie courante au Guatemala. La plupart sont très amicaux et trop choupis, mais il faut tout de même faire attention à pas se faire mordre. Nous faisons une balade dans un parc de San Marco qui recouvre une colline luxuriante en bordure du lac : nous faisons attention car les arbres au bois rouge entremêlent leurs racines entre les pierres du chemin. En suivant un sentier nous débouchons sur une plateforme depuis laquelle les gens sautent dans l’eau, pas moins de 10 mètres de hauteur. Certains s’essayent à des figures, d’autres hésitent de longues minutes, mais ceux qui sont les plus audacieux sont les enfants du coin qui enchaînent les sauts.

Avant de repartir vers San Pedro j’essaye de retirer des sous à un distributeur, sans succès. A San Pedro j’essaye littéralement tous les distributeurs de la ville (bon y’en a 5, c’est pas tant), tous refusent de me donner des billets. Je commence à m’inquiéter, normalement je voyage avec deux cartes, mais j’ai déjà perdu ma visa au Mexique, donc si ma deuxième carte (une mastercard) cesse de fonctionner je vais être dans de beaux draps pour finir mon voyage. Je vérifie sur mon compte que j’ai toujours suffisamment de sous (c’est le cas) et je sais que ma carte fonctionne car je l’ai utilisée le matin même. J’apprends en fait que les mastercard marchent rarement dans la région, et qu’il est recommandé de retirer son cash à Antigua car les distributeurs font souvent défaut.

Je suis désespérée sans toutefois céder à la panique, je fais le tour des bars/restaurants/hôtels pour demander s’il est possible de me faire un cashback : c’est-à-dire que l’établissement me facture avec le terminal bancaire et me donne l’argent sous forme de liquide. Alors que de nombreux endroits avaient pour habitude de faire ça auparavant, aucun ne veut m’aider aujourd’hui, sous prétexte qu’ils n’y gagnent plus autant qu’avant. Je me retrouve donc dans mon pueblo paumé en bord de lac, avec littéralement 0 quetzal, et sans aucun moyen de sortir de la ville.

Pendant que je commence sérieusement à m’inquiéter, je croise Brandon et Yousef qui me proposent d’aller boire un verre. Je leur explique la situation, alors Yousef sort son porte-monnaie et me tend un billet de 100 dollars. Je lui demande comment je vais le rembourser, il me répond « C’est pas grave, on verra plus tard ». Dorénavant, quand je lis un tag religieux sur Le Sauveur, je visualise Yousef.

Je change les dollars en quetzals et fête ce dénouement temporaire en allant passer un peu de temps dans un bar avec les deux américains et l’allemande.

Voyez-vous le profil allongé face au ciel dans cette montagne? 


Dimanche 5 août:

Je me réveille tôt et retrouve Birte sur l’embarcadère à 7h. Nous embarquons sur un bateau jusqu’à Panajachel, ville dont partent la majorité des bus. Là-bas on emprunte un mini-bus pour Chichicastenango. Petite ville qui ne paye pas de mine, mais deux fois par semaine elle se transforme en le plus grand marché d’Amérique Latine. Vers 10h nous arrivons dans Chichi, Birte cherche une auberge pendant que j’interroge les gens sur les distributeurs à billets de la ville.

Après avoir fait 3 hôtels et 3 distributeurs, chacune trouve son bonheur. Je retire donc la moitié de mon compte en banque pour ne pas me retrouver dans les problèmes à nouveau. A partir de là nous commençons à nous perdre dans le marché : habits, légumes, animaux vivants, vendeurs de « baños » (= une bassine en plastique), fleurs par bouquets pour faire des offrandes dans l’église ou au cimetière…

Le cimetière s’avère être aussi une attraction de la ville : les tombes multicolores lui donnent un air très joyeux et festif.

C’est un gros jour d’affluence à Chichicastenango, des chicken bus déversent les passagers par paquets, les klaxons mugissent à tout va et ça crie de partout. C’est donc bien tout naturellement qu’avec Birte nous nous réfugions dans des petites boutiques de temps en temps ! Comme dans d’autres pays de la région, il est commun de voir les femmes porter les enfants dans leur dos, enveloppé dans un tissu qu’elles nouent en bandoulière, de temps en temps le bébé sort un membre ou une tête, ils ont toujours l’air sereins. Pour la première fois je vois aussi des femmes porter des baluchons ou des paniers sur leurs têtes, ou dans un tissu qu’elles attachent à leur front.

Birte dont c’est l’anniversaire aujourd’hui ! Je m’attends à ce qu’elle me dise qu’elle va avoir 27 ans, 28 peut-être. Flattée elle me répond qu’elle va avoir 40 ans. La mâchoire m’en tombe, elle fait tellement jeune ! Je n’en reviens pas. Pour l’occasion je l’invite à déjeuner (maintenant que j’ai des flouz je fais pleuvoir les quetzals (bon c’est pas encore ça non plus)).

Belle Birte à l'aube de sa quarantaine 

Vers 14h je remonte dans un mini-bus en direction de Panajachel, Birte reste quant à elle à Chichi, nous nous disons au revoir en espérant nous revoir bientôt, au Guatemala ou en Espagne.

Vous prendez bien des poussins multicolores ?  Ou des dents en or ?

Lundi :

Je décide de m’octroyer une journée détente à San Pedro pour faire une mise au point quant à mon itinéraire et aussi pour dormir beaucoup. D’ailleurs, à part une excursion en ville pour faire l’acquisition d’un billet de bus pour Coban, je flâne dans le jardin de l’auberge, je caresse l’autre animal résident permanent, un chat, et je vais aussi jouer avec Chiquita pour pas faire de jaloux. Je profite du fait que Renée m’a laissé un dortoir pour moi toute seule, je m’offre une longue sieste dans la torpeur de l’après-midi.

Dans la soirée je m’en vais manger dans un boui boui proposant des plats « orientaux », je prends un « bureka », version orientale du « bürek » des Balkans, sorte de pâte feuilletée aux épinards et au fromage. L’endroit où je m’arrête est géré par des israéliens, il n’est pas rare au Guatemala de voir des devantures affichant de l’hébreu, ça doit être la langue que j’ai le plus vu écrite avec l’espagnol et l’anglais. Pas mal d’auberges, de restaurants, de bars et de services en tout genre sont la propriété de ressortissants d’Israël. Cela créé d’ailleurs des tensions : ayant plus de ressources que les guatémaltèques ils instaurent une concurrence déloyale et mènent à la fermeture de nombreux lieux tenus par des locaux. Mais cette présence répond aussi au tourisme israélien, très développé dans le pays. J’entends néanmoins que ce sont des touristes qui ont très mauvaise réputation, soi-disant très exigeants, pingres et malpolis, ça me fait tout drôle : pour une fois que les français nous ne sommes pas les pires !

Piti chaaaat 

Après mon dîner je retrouve Yousef et Brandon qui ont passé la journée à faire du kayak ensemble (#BFF), une enceinte et un joint leur ont suffi pour passer la journée. Cependant le portefeuille de Yousef a tout de même décidé de rejoindre la cité maya engloutie qui sommeille au fond du lac. Je lui demande, inquiète, s’il a assez de sous pour tenir jusqu’à la fin de son voyage. Très chill, il me répond que ça devrait aller, je lui rends tout de même ses dollars sous forme de quetzals. Ce garçon a un calme à toute épreuve décidemment.

Le lendemain nous partons tous les trois vers Cobán, nous profitons donc de notre dernière soirée pour aller nous asseoir au bord du lac un peu à l’écart de la ville pour admirer les lumières miroitantes danser sur la surface sombre de l’eau.

Et on repart 
18

Mardi 7 août :

Une autre journée où le réveil est bien matinal. A 6h je traverse le lac Atitlan que je commence décidément à bien connaître aux premières lueurs du jour, pour enchainer sur un voyage en bus dans la montagne du Verapaz.

Parfois le chemin est clément, parfois pas du tout. Nos sièges, comme la majorité de tous les sièges de bus ici, s’arrêtent au niveau des épaules, donc nul endroit où reposer nos petites têtes. J’arrive tout de même à dormir la majeure partie du voyage en me tortillant dans tous les sens jusqu’à trouver une position confortable. Nul besoin de vous décrire en détail les particularités d’un voyage ennuyeux : nous faisons halte à Coban, principale ville du Verapaz, où je suis la seule à m’arrêter, le reste des voyageurs se rendant directement à Lanquin. J’ai le cerveau en bouillie et rejoins tant bien que mal mon auberge ici. C’est une espagnole et son conjoint guatémaltèque qui tiennent les lieux, lieux qui étaient auparavant la maison familiale du conjoint.

J’ai bien fait de ne pas continuer le périple directement jusqu’à Lanquin. Tout d’abord parce que je suis épuisée (oui, ne rien faire ça fatigue OK), mais aussi parce que je trouve un ATM qui me permet de retirer assez d’argent jusqu’à la fin de mon voyage. J’en profite aussi de croiser un supermarché pour faire des petites provisions.

Pendant que je vague à mes occupations je fais le tour de la petite ville où il n’y a pas grand-chose à faire. Un groupe de musique se produit sur la place centrale où des gens tiennent des panneaux avec des inscriptions, je n’ai pas pu deviner si c’est une sorte de flash mob étrange, si c’est le nom du groupe ou si c’est lié au fait des retraités asiatiques dansent ensemble sur une chorée précise.

Je dine des tamales en buvant une boisson locale faite à base de chocolat du Guatemala et d’épices.


Mercredi 8 août :

Je mange mes céréales hautement toxiques au petit-déjeuner (mais si vous savez, les Fruits Loops, ces pétites à base de colorant industriel et de gras saturés) avant de me rendre jusqu’au lieu de départ des colectivos pour Lanquin. Je traverse pour ceci le marché local, c’est l’occasion de découvrir les habits traditionnels de la région : ici les femmes portent en majorité des hauts en dentelles colorés très différents de ce que j’ai pu voir avant, ça fait très moderne d’ailleurs.

Deux heures de route plus tard je monte à bord d’une autre voiture à Lanquin pour rejoindre Semuc Champey. Semuc est un parc naturel dont l’accès n’est pas des plus simples, pour plus profiter de mon expérience en pleine montagne j’ai opté pour une auberge près du parc, donc difficilement accessible aussi. Pour y arriver il faut emprunter des 4x4 au coffre aménagé où l’on essaye de tenir en équilibre tant bien que mal en s’accrochant aux rebords en fer. J’expérimente cette performance d’équilibriste en tenant sur un sac de riz de 50 kg pendant qu’un jeune hollandais empêche mon sac à dos de tomber à la renverse. Le tout est d’autant PLUS FUN quand il commence à pleuvoir sur nous.

Je finis par éventuellement arriver à mon auberge, sous une pluie battante, mais le lieu en vaut la peine. Le Green’Gos hostel est situé au milieu des collines, aménagé avec des structures écologiques en bois, l’électricité est disponible à certaines heures, tout comme le wifi. Cependant, il y a des hamacs partout et de très bonnes douches (on apprend à apprécier ça avec le temps).

Dans la soirée, alors que je suis en train d’écrire un peu, un allemand et son pote me proposent de les rejoindre dans une partie de badminton. Ça fait longtemps que je n’en ai pas joué et je les rejoints avec joie. Non seulement ça fait longtemps mais j’ai vraisemblablement oublié la nécessité de s’échauffer, on alterne les binômes et je me donne donc à fond dans la partie, rapidement on est tous en nage. On joue pendant une heure et demie puis vais me doucher. Je commence à sentir les courbature une heure après la fin de la partie, alors que je suis tranquillement dans mon lit, les trois prochains jours seront douloureux.


Jeudi 9 :

J’AI MAL PARTOUT.

Il est donc tout naturel que je reste la matinée à reposer tous les muscles de mon corps, certains d’entre eux que je ne pensais pas existaient.

Mais je suis en bonne compagnie, si pendant la journée l’auberge est vide de gens, les chiens résidents ne bougent pas beaucoup et profitent de l’air frais de la terrasse. Il y en a un peu de toutes les origines, les gérants en adoptent à la pelle, mais mon préféré c’est Schnitzel, un caniche noir qui n’a pas l’air de comprendre qu’il n’est en rien un bulldog ou un berger. Du coup quand les gros chiens se frittent, Schnitzel commence à aboyer frénétiquement alors qu’il est tout potit et tout mignon. Il abandonne souvent sa vie de thug pour venir se faire pouponner par les voyageurs gagas.

Est-ce qu’on peut d’ailleurs revenir sur le fait qu’il s’appelle Schnitzel ? A quel moment tu appelles ton chien avec un nom de plat qui désigne une viande hachée menue ?

Trèves de questionnements existentiels, je m’en vais faire un tour au fameux parc de Semuc Champey. Je marche une dizaine de minutes sur le chemin en pierre, laissant derrière moi quelques maisons éparses où les poules se coursent sous le porche. Il est encore tôt et il n’y a pas grand monde. Je commence par le plus difficile du parc : la randonnée jusqu’au Mirador. Le chemin est boueux et très pentu (la majeure partie de la montée se fait avec des escaliers), je croise des gens en tongs alors que moi-même je galère avec mes sandales. Je sympathise avec 4 espagnoles du Pays Basques et nous continuons notre montée ensemble, suant de concert.

Tout de même, la vue depuis là-haut vaut la peine, on surplombe les lagunes translucides qui s’enchaînent en cascades. La rivière passe en fait à la fois par la surface (les lagunes donc) et par voie souterraine (une grotte sous les lagunes). Les lagunes ne sont pas un endroit dangereux où se baigner, mais un peu plus en aval ça peut l’être.

Pendant que je suis perchée sur le mirador, je fais la connaissance d’un hollandais qui (pour je ne sais quelle raison) parle parfaitement le dialecte local (le quiché peut-être, une dérivée régionale du maya).

J’entreprends d’entamer la descente pour rejoindre une piscine d’eau où je ne me fais pas attendre pour plonger. L’eau est fraîche et bleu turquoise, pas aussi transparente que ça donc il faut faire attention à ne pas se prendre un rocher dans le genou.

Cette capacité qu’elle a d’obstruer la lumière sème d’ailleurs la panique quand un gars fait tomber sa go-pro dans l’eau. Mobilisation générale, un homme avec un masque de plongée prend appui sur la roche et plonge la tête en avant pour la retrouver. Le ridicule prend le dessus quand on voit que les jambes du plongeur dépassent de la surface, l’eau n’étant pas très profonde. La go-pro finit par être trouvée, au soulagement des propriétaires (qui ne sont même pas les maîtres de l’objet, c’est un pote à eux qui leur a prêter).

Que d’émotions fortes.

Je rentre à l’auberge en fin d’après-midi et ne fait pas long feu avant d’aller dormir. Ma tendance à dormir tôt ses derniers jours fait que mes voisines de dortoirs (deux américaines pratiquant beaucoup de yoga) pensent que je suis plus proche de la trentaine que de la vingtaine, elles ont essayé de deviner mon âge en me disant « 26 ? », « 27 ! », je suis vexée comme un poux bonne nuit.


Vendredi 10 :

Je me couche tôt mais me réveille tout aussi tôt figurez-vous ! L’auberge s’éveille vers 6h car tous les transferts vers les autres villes partent à cette heure-là, donc j’ai pas trop le choix que de somnoler jusqu’à 7h30, heure à laquelle mon horloge biologique m’annonce la fin de la grasse matinée.

Je profite du wifi jusqu’à qu’il coupe vers 11h. Je fais connaissance avec les voyageurs chouchou du gérant, Mo (la trentaine) et ses deux jeunes frères, Ahmoud et Aziz (17 et 14 ans). Mo vit aux Etats-Unis mais ses frères vivent encore avec les parents en Arabie Saoudite. Le gérant a pris Aziz en affection et il est désormais courant d’entendre crier « AZIIIIZ » dans le calme des vallons guatémaltèques du Verapaz.

Vers 14h, Aziz et ses frères ainsi que d’autres voyageurs comme moi, nous rejoignons un tour dans une grotte pas loin du parc, la grotte Kan'Ba. C’est une expérience très particulière. Bien que très mal encadrée aussi, c’est potentiellement très dangereux, d’autant plus que les guides n’expliquent RIEN.

Avant d’entrer les deux guides donnent une chandelle à chaque personne (nous sommes une vingtaine) qu’ils allument. Au début je pense que c’est un challenge : garder la chandelle allumée le plus longtemps possible pendant que l’on évolue dans la grotte (elle est pleine d’eau ! Je vous l’avais pas dit ?!). Mais en fait ça sert surtout comme unique source de lumière, la grotte n’est pas éclairée et les guides n’ont pas de lampes frontales, RIEN.

Je prends des images que j'ai trouvé en ligne pour illustrer cette expérience 

Et me voilà entrée dans la grotte, avec mon maillot et mes basquets (je finis d’achever cette pauvre paire de vans). On se suit tous en file, un guide devant, un guide derrière. Nous nous enfonçons dans l’eau lentement, jusqu’à que l’on ait besoin d’avancer en nous accrochant à une corde en nageant ET en gardant la chandelle allumée, nous escaladons des échelles en fer tant bien que mal avec une main occupée à tenir la bougie (les plus badass coincent le cierge entre les dents, comme moi).

Nous marchons délicatement sur des rochers immergés, en faisant attention à ne pas glisser sur la mousse et à ne pas se faire emporter par le courant. On se retrouve parfois dans des conduits où tout notre poids repose sur un agencement de poutres attachées au-dessus de courants particulièrement forts. Ce qui est drôle c’est qu’avec les bougies que tout le monde se trimballe à bout de bras, on voit que certaines cordes retenant les poutres sont rongées peu à peu par le feu. FUN & SAFETY.

A un moment, on arrive à une cascade jouxtant une échelle métallique. Sans rien expliquer, le guide happe l’un d’entre nous sous la cascade, quelques instants plus tard on voit le voyageur émerger de la chute d’eau et remonter la cascade, accroché à une corde et tractant à la force de ses bras et poussant avec ses jambes jusqu’en haut de la cascade. Il nous expliquera que les nœuds sur la corde se font rare plus on monte, alors qu’on en le plus besoin quand le courant se concentre au début de la chute, mais qu’en plus il faut prendre sa respiration avant car on est submergé sous l’eau avec l’impossibilité de sortir la tête avant d’atteindre le sommet, chose qu’il ne savait pas. Un autre gars s’y tente et s’en sort grâce à l’aide du premier challenger. Vient le tour d’une canadienne qui participe bien volontiers, elle parvient à la moitié de la cascade avant qu’elle perde un appui et que ses poumons vides lui fassent perdre son autre prise, elle tombe et disparaît sous les flots de la cascade.

Franchement, ça à l'air facile 

Dans la pénombre et le bruit tonitruant de la chute d’eau tout le monde se met à s’exclamer et à crier d’effroi. On est d’autant plus inquiets que sous la cascade il n’y a pas d’eau, mais de la roche glissante. Son corps jaillit de sous le jet d’eau souterrain, elle glisse un peu sur la roche en tenant son genou ensanglanté avant que des voyageurs l’aident à se relever.

Panique chez les guides qui ne parviennent pas à s’entendre dans tout le brouhaha ambiant, il est finalement décidé que l’un d’entre eux va rentrer avec la canadienne et un autre voyageur (toujours avec des chandelles hein, pas de lampe frontale, c’est trop facile). Le reste du groupe reste avec un seul guide, celui-ci qui parle le moins anglais (et espagnol ! Sinon c’est trop facile je vous dis).

Donc la promenade aquatique continue, entre eaux profondes et cire chaude sur les mains, le moral bien moins en joie depuis que l’on a perdu une des nôtres.

Fun fact : les gens perdent tellement de gopro dans cette grotte que régulièrement, des enfants du coin viennent plonger puis font le tour des auberges avec un carton plein de gopro qu’ils vendent l’équivalent de 30 balles.

La balade se finit sans autres bléssé.es, après askip on a pas fait tout l’itinéraire prévu. J’ai trouvé l’expérience loufoque mais justement un peu trop… j’entends certains voyageurs dire « il faut pas s’attendre à de la sécurité quand tu viens au Guatemala » mais en fait…si. Dès qu’une attraction est ouverte au public on a le droit d’exiger des mesures de sécurités plus au moins stricte selon le degré d’ouverture de l’attraction (si c’est ouvert à tous et toutes ou uniquement aux personnes expérimentées). Nous retrouvons la grande blessée qui a l’air d’aller beaucoup mieux maintenant qu’elle a une bière en main (j’espère que c’est le guide qui lui a offerte franchement), elle a fait un petit bandage autour du genou et la voilà qui gambade de nouveau.

Il est intéressant de noter que le téléphone arabe fera courir la rumeur que la chute de la jeune canadienne a été tellement brutale « qu’on voyait l’os du genou ». Bien sûr.

Après la grotte on nous remonte le moral à coups de bières, puis un guide nous fait longer la rivière jusqu’à une immense balançoire au bord de l’eau. On prend de l’élan depuis un promontoire assez élevé, puis on se balance sur plusieurs mètres avant de lâcher quelques mètres au-dessus de l’eau et essayer de calculer pour ne pas faire un plat.

Aziz se lance vaillamment et effectue un beau piqué, certains tentent des sauts périlleux. Un couple de mamies sexagénaires s’assoit sur la balançoire sans faire montre de la moindre hésitation. Après ce saut je me décide moi aussi à tenter l’expérience, j’effectue une belle descente avant de m’élever dans l’air et quitter la balançoire d’une légère impulsion, puis je tombe dans l’eau après une seconde de chute (un allemand m’a dit qu’il avait enregistré ce moment mémorable avec sa gopro, mais je l’ai toujours pas reçue, désolée maman).

Imagine juste que c'est moi Maman 

Après que tout le monde ait au moins un baptême à son actif, le guide continue de nous faire longer la rivière jusqu’à une grande cascade extérieure, avant de nous faire prendre une bouée énorme en caoutchouc chacun et chacune, puis on se lance tous dans le courant avec nos bouées. On se cogne, on se pousse, on se fait chavirer. Mo échappe à cette agitation mais il perd néanmoins son IPhone X (en même temps quelle idée de le garder dans la poche de son short pendant cette virée).

Tout ce petit monde rentre à l’auberge où l’on se dirige tous vers les bonnes douches chaudes.

Alors que tous les soirs précédents je suis allée me coucher super tôt, ce soir-là je reste jusqu’au bout de la night (donc minuit, après c’est extinction des feux). Chanceuse que je suis c’est le seul soir de la semaine avec beaucoup d’animation, je lie cela au fait qu’un groupe d’italiens débarquent comme des diables de Tasmanie. Alors qu’on buvait tranquillement des coups avec des voyageurs, je rejoins les deux yogis de ma chambre qui papotent avec le gérant qui est totalement torché. Pour lui rendre service je lui subtilise discrètement le verre qu’il commande à un des serveurs qui bosse aussi au niveau de la gestion des lieux (ça va c’est pas du vol, je reste à côté de lui), ses employés mettent carrément la dose dans son cocktail, c’est genre moitié moitié.

Saoûl, il me demande de le prendre en photo avec Azzzziiiizzzz 

Malgré cette subtilisation partiale (je finis par lui rendre à un moment (fun fact : les deux tiers de sa boisson m’ont suffi à être assez pompette)) le gérant continue de se souler gentiment, au point d’offrir une tournée de shots à tout le monde et à distribuer des bières à tous ceux qui dansent sur une table (ce que je fais, non pas pour gagner une bière mais pour le fun de danser sur une table) !

Minuits tapants on prend tous la route des dortoirs, c’est avec joie que je pense au fait de me réveiller à 5h30 le lendemain.

19

Samedi 11 :

L’auberge est aussi vivante à 6h que quelques heures auparavant en pleine soirée. On s’entasse dans le premier pickup pour gagner Lanquin. Je ne le sais pas encore, mais je commence le pire trajet de ma vie.

Après une heure de route sur des cailloux saillants et de rebondissements contre un siège inconfortable, on arrive dans la cohue de Lanquin, bled bien vivant pour une heure aussi matinale. Les mini-bus des transferts s’entrecroisent tous et des crieurs tentent d’orienter tout un chacun. Je trouve mon véhicule pour Rio Dulce, avant de monter à bord je fais le plein en achetant 5 petits pains à la cannelle puis je vais m’asseoir sur une banquette sans repose-tête. Je retrouve d’ailleurs une hollandaise que j’ai croisé au marché de Chichicastenango, assise confortablement devant.

Le mini-bus se met en route, c’est parti pour 6 heures de route caillouteuse sans une once de goudron. Petits virages, routes étroites, beaux paysages (certes), mais c’est surtout le trajet de l’enfer. Ma fenêtre ne cesse de glisser pour se fermer avec tous les cahotements incessants, empêchant l’air frais de rentrer. Nids de poules continus, musique romantique insupportable, enfants travaillants avec des pioches pour combler les trous de la route (ils tendent la main lorsqu’un véhicule passe, en quête d’une rétribution) : c’est vraiment la route de l’enfer.

On arrive FINALEMENT à Rio Dulce. C’est là que je découvre que mon auberge n’est pas dans la ville même, mais sur la rivière. C’est le cas de presque tout le monde à bord du minibus. Notre calvaire n’est pas fini, c’est parti pour une heure de bateau. Pas une promenade tranquille en bateau, non haha, une heure de bateau rebondissant sur les flots, avec du vent nous fouettant nos délicats visages.

Bon, ok, on voit de beaux bateaux dans des marinas privées, yachts, catamarans, majestueux voiliers… On est dans un des seuls endroits où les assurances acceptent de couvrir les bateaux contre les risques d’ouragans dans la région, ce petit coin de Guatemala étant totalement à l’abri de ceux-ci.

Des dames faisant la lessive dans la rivière 

Le bateau débarque une partie d’entre nous au ponton de la Casa Redonda. Le cœur de l’auberge, une grande paillote ronde de plusieurs étages faisant office de réception, cuisine, salle à manger, compte aussi quelques chambres privées et un dortoir au dernier étage : sur une mezzanine ouverte, une dizaine de lits en demi-cercle avec chacun sa petite moustiquaire.

Je fais connaissance avec Jaime le réceptionniste et José le cuisinier, ainsi que Baloo, le chien des lieux. Je vais rapidement tomber amoureuse de l’endroit, l’auberge dispose de plusieurs aires de vie jonchées de hamacs et de canapés, plusieurs pontons se jettent dans l’eau tranquille de la rivière, les bruits de la jungle uniquement interrompus par un bateau à moteur de temps en temps. Bien qu’il y ait plusieurs maisons particulières et hôtels sur le bord de la rivière le lieu reste très peu aménagé, tout est calme et beauté.

La rivière d’eau douce n’a pas de crocodiles, enfin comme dit Jaime « mais non t’inquiètes, ils sont 40 mètres plus haut dans l’eau ». Un des pontons dispose d’une plateforme pour bronzer ou pour se lancer dans l’eau.

Pendant les quelques jours ici je vais m’adonner à une forte activité physique à base de :

- Lecture effrénée d’un thriller prenant (« La Trilogie du Mal » de Maxime Ferrence, c’est vraiment très bien)

- Ecoute attentive des chants d’oiseaux (parfois j’ai du mal à croire que ce soit des sons naturels tellement ils sont hors du commun)

- Diner familiaux tous ensemble autour de longues tables

- Trouver un refuge pour la pluie quotidienne de l’après-midi

Bref, que des activités éreintantes


Dimanche 12 :

Katrina, une hollandaise, parvient à m’arracher de ma lecture frénétique pour m’embarquer sur un kayak à deux places. Nous remontons jusqu’à des eaux thermales bordant la rivière, quelques kilomètres plus en aval. Non sans mal, nous évoluons sur un itinéraire en forme de zigzags, le temps que l’on trouve comment nous coordonner pour pagayer tout droit.

Notre première escale nous permet de déguster des eaux de cocos tout juste fraîches et tombées du cocotier. Je me baigne dans l’eau chaude, la technique c’est de faire des petits brassages d’eau pour ne pas s’ébouillanter.

Nous redescendons en longeant de près la rive sauvage, nous dépassons la clinique mobile pour prendre un affluent de la rivière. Nous croisons des zones plus urbaines, des communautés de villages avec des huttes faisant office d’écoles et d’églises, les gens se déplacent en canoé ou en bateau à moteur collectif.

On passe devant des carcasses de bateaux abandonnées, ainsi que devant la Finca Tatin, un établissement géré par le même propriétaire que la Casa Redonda. Nous finissons notre balade en remontant jusqu’à un ruisseau où la profondeur nous empêche de continuer.

De retour à the Round House, Katrina a les mains pleines d’ampoules et les jambes cramées, je m’en sors mieux. Après un rafraichissement dans la rivière je vais continuer le premier tome de ma trilogie.

Depuis mon arrivée la veille j’ai plus au moins fait connaissance avec une des personnalités des lieux, un écrivain texan qui se soule la gueule toute la journée pendant qu’il écrit un roman prenant place dans la région et mêlant divinités mayas et Baloo le chien des lieux. Il paraît aussi qu’il ronfle tellement fort qu’un groupe de hollandais veulent changer de dortoir pour rejoindre le mien.

Lors du dîner je rencontre un couple adorable de clarinettistes, elle est italienne et lui guatémaltèque, ils vivent à Bâle mais ce sont rencontrés au conservatoire de Nice. Ils parlent donc l’espagnol, l’italien et le français avec une facilité déconcertante. Ils goutent des margaritas pendant que je sirote un mojito délicieux, non seulement Jaime est réceptionniste mais il est fait d’excellents cocktails également.

D’ailleurs le système de paiement dans cette auberge est particulier, chaque hôte a un « compte » dans un livret à la réception et l’on marque ce que l’on consomme pour payer à la fin, c’est en partie basé sur la surveillance du staff mais aussi sur la confiance.

Je vais me coucher après m’être faufilée sous ma moustiquaire, mon sommeil sera uniquement interrompu par un cafard qui a réussi à traverser les mailles de mon bouclier. Pendant que je me débats dans l’obscurité pour le faire dégager, je remarque en effet les ronflements du texan, me parvenant depuis l’autre dortoir, effrayant les jaguars de la forêt.


Lundi 13 :

Comme chaque matin, j’embête José pour qu’il me fasse un petit déjeuner moitié pancakes – moitié omelette. Puis j’embarque pour Livingston, une des seules villes du Guatemala donnant sur la mer des Caraïbes, d’ailleurs Livingston est uniquement accessible par bateau.

Avec Katrina on descend à la même auberge, la Casa Rosada, qu’on a un peu choisi par hasard. On n’a aucune réservation et l’auberge nous propose de dormir dans le même lit deux places. Après avoir négocié une jolie ristourne nous acceptons d’approfondir notre relation d’amitié en partageant les bras de Morphée ensemble.

Vu qu’on est parties pour passer du temps ensemble on décide de se rendre jusqu’aux Siete Altares, une série de cascades et petits lagons d’eau douce.

On peut sentir l’influence caribéenne dans la ville, tout est assez détendu et tranquille. Nous sommes également au berceau de la culture Garifuna, un héritage de la culture créole d’esclaves haïtiens affranchis.

Nous marchons sur la plage au nord de la ville, elle n’est pas très charmante, et pleine de déchets plastiques. Il y a cependant de nombreux pécheurs qui tractent à mains nues leurs filets hors de l’eau chaude et peau profonde. Des pélicans suivent minutieusement les bateaux de pécheurs, tout comme les vautours, ce qui est plus surprenant. Nous continuons de longer des petites habitations en bord de mer, maisonnettes sommaires devant lesquelles sèche le linge, jusqu’à arriver à destinations.

Nous remontons l’eau fraîche en marchant à même l’eau avec nos chaussures (je finis de sacrifier mes sandales), pour nous arrêter devant une grosse cascade. On plonge dans l’eau froide avec une immense satisfaction, je vais même jusqu’à grimper en haut de la cascade pour sauter, en manquant tout juste de faire une mauvaise chute à cause des pierres glissantes.

Images empruntées à l'internet 

De retour en ville nous trouvons une jolie terrasse pour déjeuner, alors que Katrina opte pour des tacos au poisson (la pauvre elle rêvait de manger du poisson depuis 2 semaines) alors que je déguste un riz avec des haricots noirs et des bananes plantains, un plat très traditionnel du coin (à Cuba on l’appelle « arroz con gris »).

Je profite de l’après-midi pour – surprise – LIRE plus, j’en suis déjà au second tome de mon histoire de sérial killer, j’en suis au point de veiller tard grâce au rétro-éclairage de ma liseuse parce que je suis totalement happée par l’histoire. Le soir Katrina me propose d’aller dîner ensemble. C’est une curieuse relation que nous avons, j’ai toujours l’impression qu’elle est très solitaire et très réservée mais elle me propose toujours de faire quelque chose ensemble, c’est entre l’indifférence et la complicité, deux extrêmes bien distincts pourtant. Elle a parfois des moments d’extraversion qui me laissent sans mot, alors qu’elle est taciturne le reste du temps.

Notre dortoir n'a pas de fenêtre, c'est juste des trous dans le mur. 

Pendant qu’elle se prépare je traverse le dortoir pour aller à la salle de bain, et là, surprise. Etant donné que notre lit double est dans un renfoncement de l’étage, je n’avais pas croisé les autres occupants, mais il s’avère que je connais tout le monde !

Je vois d’abord AZZZIIIIZZZ et ses frères, avant que je sois hélée par Phillip (l’allemand qui m’a mis une misère au badminton à Semuc Champey), puis par Michelle (la hollandaise qui était dans le bus avec moi jusqu’à Rio Dulce), et enfin les deux filles faisant beaucoup de yoga de l’auberge Greengos. Nous allons donc tous diner ensemble !

Je profite de l’occasion pour gouter le tapado, une soupe traditionnelle à base de crustacés et de coco absolument délicieuse. Comme pour aller de pair avec mon repas, des petits crabes de terre ne cessent de zigzaguer entre nos jambes.

Miam 

Mardi 14:

La matinée s’écoule tranquillement pendant que je flâne dans la ville, je déguste une glace sandwich (les meilleures) tout en m’imprégnant du courant d’air frais de la mer qui s’ébat au bout du ponton. Pour le déjeuner je mange de délicieuses empanadas à 3 quetzales, je continue de lire assidûment.

Il y a des lavoirs publics pour faire sa lessive, mais aussi pour se laver les cheveux 

Puis vers 14h je remonte dans un bateau direction la Casa Redonda, je vous dis que j’ai adoré l’endroit. Là-bas j’y retrouve Jaime et José, mais aussi Jaime n° 2, l’espagnol avec qui j’ai monté le volcan Pacaya. Ce dernier me raconte ses journées de voyages depuis que l’on s’est vus la dernière fois : il a fait le tour du sud du pays en moto, échappant à des attaques au machete sur les routes cabossées de la côte pacifique et se faisant escorter au moment de faire le tour du lac Atitlan pour éviter les attaques de bandits. Je me rends compte que mon séjour est beaucoup plus tranquille.

On passe une bonne aprèm à discuter, en compagnie d’Alan, un photographe américain qui était déjà là lors de mon précédent séjour. Pour économiser des sous il « campe » dans l’auberge, c’est-à-dire qu’il dort dans un hamac ou un canapé une fois la nuit tomber.

Malheureusement, depuis mon départ l’auberge s’est remplie et on est maintenant une cinquantaine. Jaime et José ont improvisé un dortoir pour 4 personnes dans leur ancienne chambre, en une journée ils ont construit des lits superposés, eux de leur côté s’improvisent des lieux de sommeil derrière le comptoir de la réception. Je partage donc un petit bungalow avec Jaime, une autre voyageuse et le texan-alcoolique-ronfleur.

Pour l’occasion je sors une nouvelle paire de boule quies que j’enfonce jusqu’au tympan. Je commence à comprendre pourquoi j’ai des problèmes d’oreille interne.


Mercredi 15:

On se réveille tout en délicatesse et en douceur grâce à une troupe tonitruante d’italiens voyageant vraisemblablement par troupeau. Après le petit-déjeuner je ne tarde pas à me rendormir dans un hamac. La pluie matinale me sort du sommeil et je m’en vais déjeuner avec Jaime l’espagnol. Nous allons louer des kayaks ensemble bien qu’il insiste pour que l’on prenne des kayaks séparés. Figurez-vous que je m’en sors bien mieux comme ça et je n’avance plus par zigzagues. Nous partons à la recherche d’une grotte que nous ne trouverons jamais.

On s’arrête donc à la Finca Tatin où l’on va faire un tour, jouer à un billard dont il manque une dizaine de boules (elles sont toutes tombées dans l’eau marécageuse entourant les lieux), on passe en revue une bibliothèque où je découvre la délicatesse de Jaime lorsqu’il se met à crier hystériquement à la vue d’une araignée en jurant qu’il n’y a pas ce genre d’insectes de l’autre côté de la rivière, chez nous.

Puis nous nous désaltérons dans la rivière en sautant depuis le ponton et en essayant de remonter une corde accrochée au-dessus de l’eau à la force des bras en compagnie de québécoises qui étaient également avec nous au volcan Pacaya, c’est petit le Guatemala.

Nous rentrons déguster des smoothies préparés par Jaime le nicaraguayen (c’est le barmen parfait, dommage qu’il soit tellement relou à faire des sous-entendus graveleux). Puis je retourne lire dans un hamac, ce que je fais jusqu’à l’heure du dîner.

José nous a fait de délicieuses lasagnes (avec une portion végétarienne pour ceux et celles qui le désirent), bien qu’il ne soit pas satisfait du résultat.

Je retourne digérer en lisant pendant que le groupe d’italiens règle sa note, cela prend un temps fou. Clyde, le petit chaton de la maison vient se blottir contre moi pour échapper à toute l’agitation. Il ne quitte mon sofa que pour aller tourner autour d’un crabe de terre s’étant aventuré dans la salle à manger, il semble totalement éberlué et ne cesse de sauter autour de l’animal pour échapper à ses pinces. Sa maman chat vient éventuellement le chercher pendant que Baloo commence à embêter Clyde.

Les italiens vont se coucher ce qui permet au calme de venir s’asseoir avec nous. Je me joints à un groupe de voyageurs. Un suisse nous fait une énigme où l’on doit sortir un billet de dessous une bouteille de bière sans toucher la bouteille, directement ou indirectement. On galère tous, avant que la solution soit trouvée par le texan, à notre grande surprise. Puis le même suisse essaye de nous apprendre un jeu de cartes super compliqué pour lequel un hollandais essaye de traduire les règles en allemand qu’il trouve en ligne. On ne fait pas long feu non plus. Mais je reste néanmoins avec Jaime le réceptionniste et José le cuisinier pour boire des mojitos. J’ai encore un peu faim, étant donné que José doit préparer du pain pour le lendemain je lui propose de faire des crêpes à la française. J’entreprends donc une recette de tête où je mets beaucoup de bière, puis je lui montre la tradition de la chandeleur de retourner une crêpe d’une main tandis que de l’autre on tient une pièce d’un euro (bon ici un quetzal du coup).

Je vais finalement dormir, pour découvrir que le texan, totalement soûl (Jaime a dû le raccompagner jusqu’à son lit) à laisser le plafonnier de la chambre allumé.

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Jeudi 16:

Me voici repartie ! Je prends un bus pour Flores à Rio Dulce, après que l’on m’ait indiqué que l’arrêt était à 200 mètres alors qu’il était littéralement 20 mètres plus loin. C’est intéressant car le conducteur du bus n’a aucun scrupule à faire monter plus de gens qu’il n’y a de places, j’arrive tout de même à trouver un endroit où poser mon popotin.

Je dors la moitié du trajet, uniquement réveillée par un homme qui monte faire un prêche sur Jésus et Dieu de manière générale. J’arrive en périphérie de Flore, où j’emprunte un tuk tuk avec une autre voyageuse jusqu’à l’île de Flores, petite presqu’île urbaine assez charmante au milieu du lac de Petén.

Vous vous doutez que c'est pas moi qui ait pris cette photo n'est ce pas 

Je fais un tour de la ville après avoir déposé mon sac dans une auberge dont j’avais entendu parler à Atitlan, je rejoins le dortoir le moins cher, une série de matelas sous un toit pas complètement fermé, c’est plutôt sympa. La cour intérieure de l’auberge est très joliment aménagée, en plus d’être la résidence d’un couple de volailles que j’ai du mal à identifier. On dirait des poules d’eau douce, mais au plumage plus coloré et plus petites (donc pas des poules d’eau en conclusion). Elles se promènent en coquetant constamment, effrayées par le moindre être humain, leur ballet sautillant est attendrissant. Il y a également un gros lapin noir qui se balade, j’étais émerveillée quand je l’ai croisé la première fois, je me suis approchée comme une gosse pour le caresser et il a essayé de me MORDRE ce démon.

Je vais faire le tour de l’île, qui est propice aux inondations et dont l’eau environnante est pleine de crocodiles, yay ! Au détour d’une rue je glisse et mon pied fini dans une flaque d’eau croupie due aux inondations. Je continue de trucider mes chaussures en tout tranquillité d’esprit, je pense que je vais abandonner les deux paires de chaussures que j’ai prises avec moi et rentrer en chaussettes.


Vendredi 17 :

Je fais le rapide trajet de Flores jusqu’à El Remate aux côtés d’un conducteur pas du tout relou qui me drague lourdement et à qui je me vois répondre que l’unique activité que j’aime faire c’est lire. Seule. « Tu aimes danser ? » – Non. « Tu aimerais sortir boire un verre ? » - Je n’aime pas boire dehors. « Un lieu plus intime peut-être… ? » - Je n’aime que lire, seule.

Bien que sa conservation m’ait protégé du harcèlement des vendeurs ambulants qui s’asseyaient à côté de moi en espérant que je leur achète quelque chose pour les faire partir, mais moi tant que peux lire je suis imperturbable. Il finit par me lâcher et je suis donc libre d’observer tranquillement le paysage qui défile. Le Guatemala est vraiment un pays plein de poésie, c’est ce que je me dis en passant devant « La Finca Apestosa », soit « La Ferme Puante ». J’adore.

Je descends à El Remate, un pueblo absolument désert, je marche un petit kilomètre jusqu’à mon auberge située au bord du lac. Comme il n’y a pas grand monde on me propose une chambre privée pour le même prix que le dortoir, bien entendu j’accepte. C’est ma petite dose de luxe, d’autant plus agréable au milieu des cris des singes crieurs qui donnent l’impression d’être entourés de jaguars.

Au dîner je fais connaissance avec deux belges sympathiques et avec le gérant du lieu. Ce dernier nous recommande d’aller nous baigner dans le lac le lendemain, je lui fais remarquer qu’il y a un panneau « Attention crocodiles » devant le ponton de l’auberge, il me répond « Mais oui, mais ça c’est pour que les petits gamins du coin ne viennent pas squatter mon ponton ! ». Je ne suis pas tout à fait convaincue quand je remarque une immense araignée velue se promener à un mètre de ma chaise. Son apparition sème quelque peu la panique parmi les hôtes, d’autant plus que le gérant nous informe que c’est une tarentule vénéneuse. Je suis tentée de croire que ce n’est pas vrai et qu’il veut nous faire peur, mais d’un autre côté ça fait des années qu’il vit ici. Je m’en vais dormir l’esprit empli de doutes, de crocodiles et d’araignées.


Samedi 18 :

Je me réveille tôt pour rejoindre un tour pour visiter les ruines de Tikal, certainement les plus belles di Guatemala. Bien qu’il soit 6h, les tours les plus matinaux pénètrent le site archéologique à 4h du matin pour y admirer le lever du soleil.

Dans le mini-bus je retrouve les espagnoles du Pays Basque que j’avais rencontré à Semuc Champey. Comme elles veulent avoir recours aux services d’un guide, je me joints à elles.

Nous trouvons un petit monsieur qui travaille à Tikal « depuis peu » nous dit-il, « 27 ans ! ».

Sa visite est d’une richesse incroyable, elle mêle faune, flore, histoire et archéologie. Il nous fait prendre des sentiers peu pratiqués pour que l’on puisse observer des Quetazles (l’oiseau national qui est très rare, il a donné son nom à la monnaie locale), il nous permet aussi de voir à plusieurs reprise des singes araignées (sautant de branche en branche avec un dextérité époustouflante, ainsi qu’une maman singe qui fait un pont entre deux arbres pour que son petit puisse se déplacer), on s’approche tout près de singes hurleurs (juste en dessous d’eux d’un groupe qui se bat verbalement avec une autre famille à coup de cris). Il nous montre comment les mayas trouvaient les ruches abeilles auparavant, on s’approche d’arbres dont l’écorce est pleine de chenilles aux couleurs vives…

J'ai beaucoup usé de la macro, je le reconnais 

Pour ce qui est de la flore, notre guide nous fait goûter des plantes comme l’arbre du poivrier et de l’anis, ainsi que d’autres feuilles comestibles que je n’arrive pas à situer. Il nous explique comment l’économie locale reposait sur certains végétaux : l’arbre dont l’on tire une substance pour faire des chewing-gum (qui pas du caoutchouc), les palmes utilisées pour construire les toits…

Voici du poivre à l'état sauvage 

Il nous apprend des choses très intéressante mais il profite aussi de notre naïveté pour nous faire croire tout et n’importe quoi !

Les ruines s’élèvent au-dessus des arbres, elles se font face sous un soleil de plomb. Au pied des roches ancestrales les espagnoles partagent leur déjeuner avec moi. Nous repartons absolument ravies !

En partant on assiste justement à un combat épique: araignée versus guêpe. La guêpe a gagné. 
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Dimanche 19 :

Me voici en route pour le Belize ! Nous descendons du bus pour passer la frontière avec nos sacs et nos affaires (enfin presque tous, un couple de françaises n’avait pas compris et avaient laissé leurs affaires au milieu du pont faisant la frontière entre les deux pays et ont dû retourner en courant les récupérer). L’attente dans la chaleur étouffante se fait quelque peu longue mais on reprend rapidement la route pour Belize City. J’ai décidé de ne pas faire d’escale avant de rejoindre les îles au large du pays car il n’y a pas grand-chose à voir à vrai dire.

Donc une fois à Belize City (qui n’est pas la capitale d’ailleurs, la capitale est Belmopan), nous gagnons le terminal maritime, je dis « nous » car presque tout le monde se rend directement dans les îles.

Ainsi nous embarquons pour Caye Caulker, et malgré tout le temps passé là-bas je n’arrive pas à prononcer le nom correctement, car « Caye » se dit [key], et « Caulker » se prononce d’une manière que je n’ai toujours pas comprise.

Petite surprise à laquelle je ne m’attendais pas, tout le monde parle anglais ici, tout le monde refuse même de parler espagnol car il y a un très fort sentiment xénophobe envers les guatémaltèques. Le Belize faisait auparavant partie du Guatemala avant que la Grande-Bretagne en prenne le contrôle il y a de ça quelques siècles. Les rosbifs ont finalement accordé l’indépendance au pays mais le Guatemala ne reconnait pas celle-ci, c’est pour cela qu’au Guatemala il est courant de voir des cartes sans frontière entre les deux pays, le Guatemala n’ayant pas encore digéré d’avoir perdu 90% de son accès à la mer des Caraïbes. Le Belize fait donc partie du Commonwealth, ils ont la Queen sur leurs billets, leur monnaie se démarque des pesos et autres appellations de la région, en effet c’est de dollars du Belize. Mais on peut tout aussi bien utiliser des dollars américains, le taux de change étant fixe entre les deux monnaies.

J’arrive donc à Key Caulker où je trouve tant bien que mal mon auberge, les rues n’ayant pas vraiment de nom dans le coin. Je séjourne à l’Hostel Pause, un établissement faisant également office de refuge pour chat (le mot de passe du wifi est d’ailleurs « Catsrule »). L’homme qui m’accueille ressemble beaucoup à un pirate, il a un bandeau sur le crâne et un peu de maquillage comme Jack Sparrow, je ne comprends pratiquement rien de ce qu’il me dit donc je vais continuer de l’appeler l’homme pirate. J’arrive à saisir qu’il me propose soit un dortoir où je serai tout seule, soit un dortoir avec 5 autres personnes. Quelle décision difficile dites donc. Surtout qu’il fait horriblement chaud.

J’opte évidemment pour le dortoir vide et m’empresse d’orienter tous les ventilateurs vers mon lit.

Je passe le reste de la journée à me détendre sous l’air frais, d’autant plus que je commence à me sentir malade…

Lundi 20 :

JE SUIS MALADE.

J’ai attrapé froid. Comment, je vous le demande. Alors qu’il fait littéralement plus de 30° partout.

Je végète dans mon lit toute la matinée, puis je vais faire un tour dans le jardin de l’auberge, je croise tout plein de chats languissants à l’ombre, occupant des canoés de l’hostel, juste dormant dans les endroits les plus improbables.

Pendant que je continue mon expédition analytique je fais connaissance avec George, un anglais qui réside ici aussi.

Bien que je me sente patraque, il arrive à me convaincre d’aller prendre une glace ensemble, et bien que ses ancêtres aient brûler Jeanne d’Arc, j’accepte.

Il est sur l’île depuis plusieurs jours et connais plutôt bien le coin. Il m’emmène admirer un coin où une famille d’hippocampes a élu domicile. On va également se baigner un peu, l’eau est totalement translucide, et peu profonde : on peut nager quelques centaines de mètres et toujours avoir pied.

Il me propose d’aller faire un tour en canoë, vu que l’on peut les louer gratuitement dans l’auberge. On longe la mangrove jusqu’à une maison au bord de l’eau où il me propose qu’on s’arrête. Il ne me dit pas la raison de l’escale et achète un petit sac d’appât. Il en prend un dans sa main et s’étend au-dessus de l’eau sans la toucher. Tout d’un coup, alors que je pousse un cri d’effroi, surgit un immense poisson qui ne fait qu’une bouchée de la sardine -appât de George. Devant ma surprise l’anglais m’explique qu’on est à un spot où vit une espèce particulière de poissons, caractéristiques par leur taille immense. De ce fait leur pêche est interdite. Je ne m’en remets pas, et j’essaye à mon tour de tendre un appât au-dessus de la surface, mais alors qu’un monstre aquatique s’approche je lâche la sardine dans l’eau en sautant vers le ponton.

« You are so brave »

Ouais bon ça va hein. J’ai un passeport européen moi au moins (aussi étonnant que ça puisse paraître, cette réplique a fait mouche et George a passé 10 minutes à me dire à quel point le Brexit l’inquiétait).

A l’occasion j’ai appris un truc drôle, la France est un des seuls pays qui fabrique les passeports biométriques au niveau européen. Si le brexit se fait sans accord commercial, la Grande-Bretagne sera dans l’incapacité d’importer les nouveaux passeports nationaux. J’adore l’irone de la vie.

Nous continuons donc notre balade, survolant les fonds marins avec une clarté sans pareil. Nous traversons un petit canal pour rejoindre une autre île. Là-bas nous faisons une autre escale pendant laquelle on va jouer sur des jeux gonflables flottants pour enfants. Puis nous remontons à bord de notre vaisseau.

La mangrove est pleine de crocodiles qui sortent la nuit, par curiosité on décide de s’approcher un peu. On arrête de pagayer pour juste profiter du calme de la natureOH MON DIEU C’EST PLEIN DE MOUSTIQUES FUYONS ABANDONNE LE NAVIRE TU EN AS 5 DANS LE DOS [déclaration suivie d’un claquement bruyant sur le dos en question]

Pagayant avec la force du désespoir et de l’adrénaline nous gagnons le large en quelques secondes chrono. Nous prenons quelques instants pour tuer les moustiques qui sont partis avec nous et pour rigoler un peu de la situation. On passe également nos nerfs sur une araignées occupant l’avant du canoë et qui n’a RIEN FAIT POUR NOUS AIDER.

On regagne tranquillement l’auberge. Après avoir rangé notre navire, George me propose d’utiliser le reste des appâts pour aller pêcher. Il m’explique qu’il a loué une canne à pêche il y a plusieurs jours et qu’il comptait la rendre pour partir de Caye Caulker aujourd’hui mais qu’il n’a pas pu. En effet le patron du local où il la loue s’est absenté une demi-heure pour une affaire personnelle. Quelques heures après, on informe George que le mec est en prison car il a acheté un bateau volé, et qu’il est transféré sur une autre île pour le jugement. George avait laissé son passeport en caution de la canne à pêche. Donc pour le moment il reste à Caye Caulker !

On va donc se poster sur un dock au bord de l’eau (où techniquement il y a un panneau interdisant la pêche mais on va dire qu’on n’a rien vu), il me montre comment bloquer le fil de pêche entre ses doigts et comment lancer le poids de manière à aller assez loin. Je m’en sors plutôt bien ! J’ai un peu de mal à sentir quand un poisson mord réellement à l’hameçon et tous nos premiers appâts partent en repas pour poissons.

Éventuellement George en attrape un ! (Ce qui l’aide à se sentir mieux avec sa masculinité fragile me dit-il). C’est un petit poisson, on le relâche parce que ceux de son espèce grandissent beaucoup plus avec le temps (et aussi parce que je suis végétarienne).

Proud faces 

On continue de pêcher un peu en buvant des rhum-coca sur fond de soleil couchant.

On repasse par l’auberge pour que George me donne quelque peu de ses réserves de médicaments et nous allons chercher un endroit où manger.

Il faut savoir que le Belize c’est assez cher comme pays, surtout par rapport aux autres pays d’Amérique Latine. Mais George a repéré un petit restaurant un peu à l’écart des lieux touristiques où l’on déguste un délicieux curry de langouste pour moins de 10 dollars.

On est allés pécher juste dans le petit détroit 


Mardi 21 :

Malgré les médicaments que je prends mon état empire. J’ai passé toute la nuit à transpirer tout ma fièvre malgré les ventilateurs braqués sur moi. Ma gorge me fait de plus en plus mal.

George me retrouve avec plus de médicaments et me propose une journée chill et détente. J’accepte au vu de mon état, mais aussi au vu de mes économies, il me reste 10 jours avant de rentrer et je commence à calculer précisément mes sous.

Après un burrito de petit-déjeuner on va se baigner un peu. Puis on rentre faire une sieste dans les hamacs au milieu des chats. Notre journée est en accord avec l’ambiance bélizienne : partout des panneaux et des tags avec le message « Slow down », les locaux le rappellent assez souvent d’ailleurs, quand quelqu’un marche trop vite où à l’air trop pressé quelqu’un lui rappelle de se détendre et lever le pied.

La fièvre me coupe quelque peu l’appétit donc j’accompagne George déjeuner mais je prends juste un soda pour tout de même ingurgiter du sucre.

En chemin vers un barbecue d’animal mort on passe devant la boutique qui loue la canne à pêche et surprise ! Le proprio est de retour ! La première chose qu’il dit à George est « Where have you been dude ? »

- What?! Where have YOU been mate, you disappeared for two days in prison in another island

- But my daughter had the keys of the local, you could have come get your passport

- WHAT ? But… HOW ? How was I supposed to know where to find your daughter mate?!

- Hahahaha don’t know, not my passport, there you are, take it back.

Un beau dénouement pour George qui ne va pas rester coincé toute sa vie sur Caye Caulker.

Lors du déjeuner il me raconte encore plus d’histoires folles qui lui sont arrivées depuis qu’il a commencé à voyager en Amérique Latine, il y a un an. De tout ce qu’il me raconte je retiens que la Colombie n’a pas été facile pour lui, après s’être fait casser le nez par un hôte Airbnb il s’est retrouvé mêlé à une affaire impliquant une femme qui extorsionnait des hommes grâce à Tinder sans jamais les rencontrer, pour s’en sortir il a dû coopérer avec le service des affaires intérieures colombiennes qui a décidé d’utiliser George pour piéger la femme lors d’une opération coup de filet.

Mes vacances sont vraiment très détentes.

La journée passe doucement entre balade lente et siestes. En fin d’après-midi je me sens avec un fort tournis, on se pose à l’auberge tranquillement. Je fais don d’une brosse à dents à George (j’en ai deux) car la sienne est dans un état absolument déplorable.

Enfin nous allons prendre un dernier repas où je mange quelques bananes plantains pendant qu’il décortique une autre carcasse de poulet.

Pour la nuit l’auberge s’est remplie et George a été changé de dortoir. J’ai donc la chance de l’avoir à quelques lits superposés de moi : je passe une nuit fiévreuse horrible et il vient m’apporter des médicaments et de l’eau pendant que je suis en plein délire maladif.

C'est ici que j'ai abandonné mes vieilles chaussures préférées, il fallait m'en séparer (sinon ma mère me laissait pas revenir)
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J'hésitais entre ce titre et "JE SUIS TOUJOURS MALADE" mais j'ai opté pour la première option

Mercredi 22 :

Je me réveille tant bien que mal et fourre toutes mes affaires dans mon sac sans délicatesse aucune. Je remercie George et lui souhaite une bonne suite de voyage, puis je gagne le petit port de l’île pour monter à bord du bateau de 7h pour Chetumal, au Mexique.

Avant de gagner cette terre de merveilles et de prix nettement plus abordables, nous faisons escale à San Pedro, où nous réglons les frais de douane pour sortir du pays (20 dollars). J’en profite pour changer mes dollars en pesos mexicains, ainsi après une heure de traversée je m’acquitte des frais d’entrée mexicains (20 balles à nouveau).

Pendant que l’on patiente pour passer le contrôle de passeport on voit les chiens chercher de la drogue ou de la nourriture. Ils sont trop mignons ! L’un d’entre eux indique la présence de nourriture dans une poubelle au coin de la salle, en espérant recevoir une friandise pour son odorat développé, trop chou.

Je finis de passer la douane pendant que des employés de la compagnie du bateau tentent d’arnaquer les touristes en leur proposant des transferts vers Bacalar, Tulum et Cancun à des prix exorbitants. Je me fais un plaisir d’informer les autres voyageurs que prendre un taxi collectif est beaucoup moins cher. Je partage donc un colectivo avec d’autres jeunes allemands.

Bien que j’aie encore la tête un peu fraîche je me sens dans un état terrible et la fièvre me laisse aucun répit.

Le taxi me dépose à une maison près de mon auberge, nous atterrissons dans le jardin du voisin, qui n’a nullement l’air surpris. Je me présente donc à mon auberge où je me dépêche de faire mon lit pour m’y jeter. C’est là que je vais passer les deux prochains jours et demi.

Je fais vaguement connaissance avec Félix, un autre voyageur qui occupe ma chambre (vu qu’il y est tout le temps la clim ne cesse jamais de fonctionner ce qui est très agréable) et Ramiro, un mec qui travaille ici. Avant de sombrer dans un coma fiévreux, je demande juste à Felix (qui va aller en ville), de me ramener du paracétamol, ce qu’il fera gentiment.

Je lui en suis reconnaissante mais c’est dommage qu’il m’ait rendu service. En discutant un peu avec lui plus tard dans la soirée je découvre que ce gars s’avère être un nationaliste allemand adepte de la théorie du complot qui pense que le réchauffement climatique n’est en aucun cas lié à l’activité humaine et qui pense que les agressions sexuelles sont la faute des migrants. Une personne fantastique, vraiment.

Il finit de me donner la nausée lorsqu’il me glisse un « tu sais que tu me plais » alors qu’on est clairement dans un débat qui nous oppose et où j’ai abandonné mes arguments rationnels et où je pousse son raisonnement à l’extrême pour lui montrer à quel point il est stupide, le tout en me foutant de sa gueule car ce genre d’abruti ne mérite aucune empathie. Je ponctue la soirée d’une petite réflexion spirituelle à son égard : « Ah oui donc tu déteste les lobbies, surtout les lobbies écologiques et LGBT…ok….mais dis-moi, pourquoi t’alimentes le lobby du tabac en enchaînant les clopes comme un collégien alors ? ».


Jeudi 23 :

Je passe la journée entière au lit. Je m’en extrais pour profiter d’un petit déjeuner plutôt bon mais qui ne me fait malheureusement pas oublier que j’ai mal partout et que ma gorge a cessé de fonctionner.

Mon activité se résume à boire de l’eau, me motiver pour aller prendre une douche éventuellement à un moment et rester sur mon téléphone.

Je reste emmitouflée dans la clim pendant que j’entends les bruits de travaux effectués sur le toit de l’auberge, je pense à la chaleur qu’il fait dehors et me sent encore plus fiévreuse.

Pour couronner le tout, ce mollusque allemand qu’est Félix décide de faire son programme de sport juste à côté de mon alors qu’il a tout un dortoir pour lui.

*Soupir*

Je peux au moins compter sur Ramiro qui cuisine pour lui et moi un riz frit avec une herbe qu’il cueille dans le jardin et qui est censée aider les gens malades. En tout cas c’est bon.


Vendredi 24 :

Je végète toujours tranquillement au lit en épuisant ma réserve de paracétamol. Néanmoins la journée est bien productive étant donné que j’arrive à sortir en ville, où j’en profite pour refaire des stocks de paracétamol. Cependant, au bout de quelques instants je me sens mal et je dois prendre un taxi pour rentrer.

Je passe une partie de la journée au frais, avant que la faim ne se fasse sentir (sensation que je n’avais pas ressentie depuis bientôt 5 jours dans mon corps, chose hors du commun pour moi comme vous le savez). J’essaye d’appeler un restaurant pour leur demander si c’est possible de faire un plat et que j’envoie quelqu’un le chercher (Ubereats n’existe pas ici ok) mais ils se montrent très peu coopératifs et m’envoient un peu balader. Sympa.

Comme la livraison à domicile ne sera pas concluante je prends des forces et vais en centre-ville en taxi. J’y dîne un petit plat de pâtes qui suffit pourtant à combler mon estomac, puis je fais un rapide tour au bord de la lagune avant de regagner mon lit et ma climatisation.

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Samedi 25 :

Je commence à me remettre totalement et je suis en mesure d’attraper juste à temps un bus pour Tulum vers midi.

J’arrive en ville et gagne l’auberge que j’ai repérée en ligne. La ville est beaucoup plus vivante que Bacalar et je me sens beaucoup mieux déjà. Je prends place dans un long dortoir, j’obtiens un lit du fond qui bénéficie d’une pénombre agréable pour la sieste et les grasses matinées.

Je vais faire un tour en ville, en profite pour rafraichir mon undercut, et entame une retraite de quelques jours où ma principale activité va être d’alterner entre lit et hamac pour écrire ce journal de bord, regarder des séries et lire.

De plus mon compte en banque arrive doucement au bout de ses capacités, donc je choisi de ne pas visiter les ruines de Tulum ou les cenotes du coin, sous peine d’être ruinée avant vendredi 31 août.


Dimanche 26, lundi 27, mardi 28 :

Je continue avec mon programme de détente et de réflexion sur ces derniers trois mois de voyages. Le rythme de l’auberge est plutôt posé. Une petite routine s’installe, avant 10h je bénéficie du délicieux petit-déjeuner de l’auberge, puis je vais écrire un peu et aussi m’adonner à des activités plus chronophages. Vers le milieu d’après-midi je mange un morceau, puis je vais passer du temps dans la cours de l’auberge qui est enfin à l’abri de la chaleur écrasante.

Je passe alors un peu de temps avec les gens qui travaillent ici, ils passent la plupart de leur temps à jouer aux échecs. De temps à autres je sympathise avec une voyageuse et on va faire un tour en ville ensemble.


Mercredi 29 :

Après de savants calculs par rapport à mon budget (il me reste une cinquantaine d’euros pour tenir d’ici à mon départ vendredi 31), je me permets une dernière sortie pour apprécier les beautés du Mexique. Je prends un colectivo jusqu’à l’entrée du cenote Dos Ojos. Le colectivo me laisse le long de l’autoroute et je fais un peu de gymnastique pour sauter la barrière séparant les deux voies, à ce moment-là je réduis considérablement mon espérance de vie.

Je paye mon entrée avant que l’on m’explique que l’entrée du cenote est à 3 kilomètres et que le transport jusqu’à là-bas coûte 25 pesos. Certes c’est un euro et quelques mais c’est aussi l’équivalent de deux tacos. Je repère donc un plongeur qui a l’air de bosser ici et je lui demande gentiment de m’amener. La route cabossée soulève des nuages de poussière blanche qui ont imprégné la nature environnante. Je salue Hugo avant de descendre à l’entrée de Dos Ojos puis m’en vais découvrir cet endroit de rêve.

N'ayant pas pris mon appareil photo, je vous montre des photos de l'internet 

Le cenote est un réseau de tunnels plus au moins sous-marins formant un labyrinthe caverneux fascinant. J’ai emprunté un masque et un tuba à un canadien de l’auberge pour faire un peu de snorkeling. Je m’aventure dans les endroits à découvert et où la surface et accessible, l’eau translucide permet de discerner les profondeurs des grottes et le ballet de petits poissons entre les roches. Je fais quelques descentes en apnée, depuis le fond j’observe les plongeurs disparaissant dans l’obscurité avec leurs lampes, sans jamais s’éloigner des fils d’Ariane.

Les différentes lagunes du cenote communiquent entre elles par le réseau sous-terrain, ainsi je recroise les mêmes plongeurs quand je vais nager dans le deuxième « œil » du cenote.

Je rentre très satisfaite de cette expérience. D’ailleurs pour rentrer, pas question de payer un transport jusqu’à l’entrée non plus. Je refais donc un peu de stop en approchant des voitures aux conducteurs pas trop louches. Coup de bol, je tombe sur un certain Hugo (décidemment) qui va jusqu’à Tulum. Il va jusqu’à me recommander un chouette endroit où déjeuner pas cher, où il me dépose.

Après le déjeuner je retourne à l’auberge prendre mes affaires, je salue les joueurs d’échec. Puis je vais prendre un colectivo jusqu’à Playa del Carmen. Ce tronçon de route est l’occasion de réaliser à quel point les ralentisseurs mexicains ne me manqueront pas. Omniprésents et inutiles, je me demande si un quelconque lobby de « topes » sévit dans le pays, et si oui qui sont ces gens, et quels sont leur dessein.

J’arrive à Playa (pour les intimes) et marche jusqu’à mon auberge, située sur le front de mer. Cet été n’a pas été particulièrement bon la région, en effet, des algues en quantité pullulent sur la côte de l’état de Quintana Roo, affectant sérieusement le tourisme. Pour lutter contre des sortes de filets ont été installés non loin des côtes.

L’auberge est simple et plutôt vide, je profite de la terrasse des lieux avant d’aller me faire quelques pancakes. Oh drame, oh désespoir. J’ai acheté de la pâte pour faire des pancakes intégraux, ce qui est quand même un sacrilège.


Jeudi 30 :

La brise marine, les senteurs salines, les mouettes survolant les bâtiments, LES KLAXONS DE BATEAUX. Les joies du quotidien au bord de la mer.

Je vais faire quelques courses pour manger aujourd’hui et demain (des œufs et une mangue, je ne pouvais pas partir sans manger une dernière mangue). La chaleur est écrasante et je m’offre une orangeade avant de me placer stratégiquement devant l’entrée d’un magasin qui dépense la moitié de ses recettes en climatisation pour sûr.

Je profite de la sortie pour faire un tour en ville. Playa del Carmen, comme Tulum, est une destination touristique populaire, mais il n’y a pas grand-chose à voir à proprement parler. Je tombe néanmoins par hasard sur une célébration en honneur d’un rite maya qui se faisait autrefois. Des hommes montent en haut d’un mat assez haut, chacun s’attache une corde autour de la taille avant d’enrouler la corde autour du haut du mat. Le tout accompagné en musique par un cinquième homme tenant en équilibre en haut du mat et effectuant quelques acrobaties impressionnantes. Puis les 4 hommes attachés font doucement tourner le mat avant de se laisser tomber dans le vide de dos. La corde va lentement se dérouler pendant qu’ils tournent autour du mat en descendant doucement, la tête en bas.

La journée se finit dans la tranquillité et la fraicheur des ventilateurs de l’auberge de jeunesse.


Vendredi 31 août :

Me voici arrivée à la fin du voyage, avec encore une vingtaine d’euros en poche, laaaaarge.

Je prends un bus jusqu’à l’aéroport de Cancun où je m’enregistre avant de négocier au guichet de Wamos Air pour garder mon sac à dos avec moi. Normalement j’ai droit à 40 kg de bagage en soute, mais non seulement j’ai la flemme d’emballer mon sac dans du papier cellophane (c’est 10€ eh oh) mais j’ai pas envie qu’un petit bug me retarde alors que j’ai une correspondance à Madrid après.

La dame du guichet n’est pas trop partante étant donné que mon sac pèse 10,5kg et que selon elle le maximum pour un bagage à main avec cette compagnie c’est 8kg.

Ce à quoi je réponds que les réglementations européennes en matière de vols transatlantiques à destination ou d’origine européenne stipulent que le maximum pour un bagage à main est 12kg.

La dame répond que en acceptant les conditions générales de vente j’ai accepté la limitation à 8kg.

Je rétorque que les conditions générales de vente d’une entreprise ne sont pas au-dessus des réglementations européennes que je sache.

Et hop j’ai le droit d’emmener mon sac à dos avec moi en cabine.

Vive l’Europe.


Par contre je comprends pourquoi les vols de cette compagnie sont tellement accessibles. L’avion n’est pas tip top. Les écrans devant les sièges ne marchent pas, le repas et petit-déjeuner sont très sommaires et les membres d’équipage viennent nous retirer les couvertures alors que l’on dort encore pour éviter qu’on les pique avant l’atterrissage.


Samedi 1er septembre :

Après une dizaine d’heures de vol me voici arrivée à Madrid où j’attends mon vol toulousain en discutant avec Richard, un haïtien chef d’orchestre à Pampelune.

Mon périple estival arrive à sa fin, j’ai passé un formidable été. Bien que je n’ai pas réussi à percer le mystère des différences entre tacos, quesadillas, gruinguitas, gordita, et bien d’autre appellations.


Merci de m’avoir lue et suivie !


Besos y abrazos chic@s !