Par Louize
Ma bourse Zellidja en poche, me voici en route pour cet itinéraire à travers l'Europe de l'Est et l'Europe Centrale!
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Étonnamment aucun stress à la veille de mon voyage ! Tout est prêt. Particulièrement fière de mon léger sac à dos de 30 litres, je vérifie les derniers détails avant d'enchaîner les moyens de locomotion jusqu'à Tallinn.

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Le trajet en train se déroule sans retard, sans accroc. Je me focalise sur le paysage, notamment lorsque le train traverse de grandes étendues d'eau entre Narbonne et Perpignan, ça donne un air un peu magique au paysage, faisant penser au film Le voyage de Chihiro. Je suis également surprise par le nombre de voyageurs qui transportent leur vélo sportif dans des caisses ou sacs immenses.

Arrivée à Gérone (Girona) je me dirige vers l'aéroport en bus. J'attends mon vol pendant quelques heures où je lis, regarde des films, et mange bien entendu. Je passe le contrôle de sécurité sans que l'on me confisque mon petit couteau à beurre (c'est le plus proche équivalent d'un couteau suisse que j'ai trouvé chez moi).

Une fois dans l'avion je me colle au hublot pour voir défiler le paysage. D'abord les bords de côte catalans et leurs cités balnéaires, puis après un rapide survol de la Méditerranée des villes côtières françaises. J'observe ensuite une succession de montagnes - pour certaines encore enneigées - lacs et petites villes (et oui, la Suisse en effet), avant de survoler des étendues totalement plates. Nous retrouvons la mer et longeons les côtes lettones puis estoniennes: le ciel est dégagé, des vagues font mousser des plages désertes. Puis à l'approche de Tallinn nous nous enfonçons dans d'épaisses couches de nuages. Il ne fait pas aussi froid que je le pensais.

Sur le parking de l'aéroport je retrouve le couchsurfeur qui va m'héberger pendant mon séjour dans la capitale estonienne: Erasmus. Il vit un peu en périphérie du centre (30 minutes à pied), il me laisse les clés et me montre où sont les cinnamon rolls, tout ne peut que bien se passer.

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Old Town Tallinn 
L'influence russe est très visible: beaucoup d'enseignes et panneaux sont écrits en russe. 

Je marche jusqu'au vieux centre de Tallinn - qui est assez réduit - une fois en dehors de celui-ci la ville est assez moderne, les constructions soviétiques accentuent le contraste encore plus avec les vieilles constructions médiévales. Erasmus m'a expliqué que Tallinn était en expansion depuis quelques années, cela explique l'émergence de quartiers résidentiels et les multiples constructions un peu partout. Au milieu de ces travaux il est surprenant de voir des maisons et immeubles très délabrés, presque abandonnés.

L'ancien "Town Hall" à gauche, une construction massive maintenant abandonnée. A droite une ruelle du vieux Tallinn. 

En opposition à la journée de contemplation d'hier, j'ai marché dans tout Tallinn jusqu'à la fin de l'après-midi. Étonnamment, mon coupe-vent décathlon suffit à me tenir au chaud face aux 13° ambiants (après, tous les estoniens que je croise sont en short et en sandales).

Le temps que la météo m'a dit que j'allais avoir VS le temps que j'ai eu. 

Dans la vieille ville se trouvent notamment la cathédrale Alexandre Nevsky, le parlement estonien, la place de l'hôtel de ville, la porte de Viru, et les deux églises plus connues: Saint-Olaf et Saint-Nicolas. C'est incroyablement touristique, et je dois marcher jusqu'au front de mer pour ne croiser presque personne. Après un détour par le port je marche jusqu'au Château de Kadriorg, qui est entouré d'un grand parc ensoleillé. Je m'assois sur un banc au soleil et mange des tomates cerises et du fromage que je viens d'acheter au super marché local (le Rimi). D'ailleurs pour le fromage j'ai demandé à un autre client de me montrer un fromage estonien, on ne s'est pas compris mais j'ai appris que fromage se disait "juust". J'ai aussi appris après avoir acheté du pain qu'il était justement au "juust". Beaucoup de fromage en une journée.

La cathédrale Alexandre Nevsky - La mer Baltique à Tallinn

Je prends le tram pour me rapprocher du centre-ville (parce que j'ai déjà marché beaucoup hein tout de même), je prépare mes petites pièces pour payer (enfin ma pièce, le ticket est à 1€), mais je ne trouve pas de machine ni de personne pour. Donc après ce trajet gratuit, je descend en centre ville pour me promener d'un côté où je ne suis pas encore allée, puis je marche jusqu'à l'appart d'Erasmus qui arrive pas longtemps après moi.

Il me propose d'aller faire une balade pour trouver une sorte de fort abandonné, même si "I'm not sure how to get there..." On y va en voiture, c'est à l'Ouest de Tallinn, une zone qui s'appelle Kakumae. On prend un sentier boisé qui longe la côte, il est 19h mais il fait encore plein jour. On trouve un ancien complexe militaire perdu au milieu de la forêt, recouvert de graffitis et de tags. Les bâtiments ont l'air immenses à l'intérieur mais on ne s'y aventure pas (heureusement). On retourne ensuite à la voiture en passant dans le quartier résidentiel: il n'y a que de grandes maisons, sans clôtures, entre les d'arbres et aux architectures variées. Il y règne une ambiance très apaisante.

La soirée s'achève avec du thé et des cinnamon rolls.

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Une ville de gagnants 

Je prends le bus pour Pärnu en fin de matinée et arrive plus au moins 2 heures plus tard. La ville est petite et mon auberge de jeunesse se situe dans le centre. Je m'y rends pour déposer mon sac, c'est une ancienne maison avec beaucoup de charme, des escaliers biscornus et des douches introuvables; les chambres ont 5 lits simples tout au plus et tout est très calme. La pièce commune et la cuisine sont en sous-sol, l'ambiance y est tout de même très cosy. J'y croise Diego, un italien qui vit à Budapest, et Pete, un anglais qui travaille la moitié de l'année sur les chemins de fer à Londres et qui passe l'autre moitié à voyager.

La saison touristique ne bat pas encore son plein, ce qui fait que la ville parait à la fois pleine de gens et en même temps vide. Je peux marcher sur des centaines de mètres sans croiser de monde, puis tomber sur une ruelle bondée, je suis passée devant des places vides mais en jetant un coup d’œil dans les bars et café je vois qu'ils sont pleins à craquer. Dans un des principaux parcs, je me suis perdue un moment à la contemplation de la plus grande slackline que je n'ai jamais vu, elle devait faire au moins une centaine de mètres, quand je décide de reprendre ma route quelques instants après je me retrouve entourée de gens qui se promènent aussi, alors qu'il n'y avait personne auparavant. Cet aspect irréaliste est renforcé par la disposition des nombreux parcs et des différentes constructions qui donne l'impression d'être dans un jeu vidéo de réalité virtuelle (comme les Sims) ou dans un décor: tout est bien aligné, on dirait que tout est entretenu constamment, il n'y a presque aucun espace fermé avec des barrières ou des clôtures, ainsi il semblerait que les bâtiments viennent d'être posés là. Le vieux centre est quelque peu différent. Très réduit (une dizaine de rues piétonnes tout au plus), il est composé d'anciennes construction en bois et d'autres en pierre, parfois aux couleurs vives.

Je me dirige vers la plage où il n'y a pas grand monde (avant que plusieurs familles apparaissent tout d'un coup). Je vois néanmoins plusieurs personnes se baigner (ou essayer du moins) alors qu'il fait 18°. Je m'allonge sur un banc au soleil pour lire un peu, puis continue ma ballade. Je trouve un petit supermarché (un Rimi, j'ai des habitudes maintenant) où j'achète des fruit et des rahvapräänik, des gâteaux de la région dont je ne saurai décrire la composition mais qui sont délicieux.

Ladies' Beach, où il y avait effectivement des femmes nues /  Un banc assez confortable /  Un éléphant échappé du zoo local

Après être rentrée à l'auberge me reposer un peu (et manger des rahvapräänik), nous nous retrouvons entre voyageurs dans un pub irlandais du coin grâce à l'application Couchsurfing (application et site web pour dormir gratuitement chez des particuliers, souvent leur canapé, d'où le nom). Il y a Diego de mon auberge, Melissa et Seb deux canadiens qui ont pas mal parcouru l'Europe, Michey un italien qui vit à Pärnu et Vikram, un indien qui vit en Pologne. Nous nous entendons bien, ils commandent tous une bière pendant que moi je touille la chantilly de mon chocolat chaud. Ça parle de voyages, de nos itinéraires respectifs. Nous remarquons qu'à Pärnu les voyageurs vont soit vers le Nord, donc Tallinn (Seb, Melissa et Vikram), soit à Riga, le Sud (Diego et moi), et que ces deux flux se croisent ici: Diego et moi étions à Tallinn et l'autre groupe à Riga juste avant. Il n'y a que Michey l'italien qui vit à Pärnu mais qui n'a pas trop l'air de savoir pourquoi, il est resté suite à un volontariat européen et Seb n'arrête pas de lui faire des blagues sur la ville et son ambiance très posée.

Les serveuses de ce pub (qui était d'ailleurs tellement plein ce soir-là qu'il aurait fallut réserver, donc nous sommes en terrasse) s'emmêlent constamment les pinceaux: elles amènent de mauvaises commandes, oublient quelle bière elles ont sur leur plateau, etc. C'est donc pas très sûre de mon opération que je vais commander un petite assiette végétarienne. Après que Seb m'ai fait un puissant high-five pour mes choix alimentaires, je guette impatiemment l'arrivée de mon plat (j'ai très faim) et je vais même, au bout d'un petit moment, demander si ma commande a été bien prise, ce à quoi on me répond "I don't know, I'll see". La faim se fait d'autant plus tenace que je vois passer pour la table d'à côté de nombreux burgers, plats de poulet fris, assiettes de charcuteries... Puis soudainement je vois une assiette de légumes se diriger vers cette table carnivore. Je me dit que ça ressemble beaucoup à la description du plat végétarien et hésite à interpeller la serveuse. Melissa me prend de court et crie à la table d'à côté "HEY THAT'S NOT YOURS". Le plat nous revient de droit avec les explications de la canadienne: "y'avait trop de viande sur cette table pour un plat qu'avec des légumes et un oeuf" (imaginez l'accent canadien sinon ça perd de son charme), très touchée par son geste je commence à manger. Nous parlons également de l'Amérique du Nord, de l'Inde et de la méthode de logement qu'est couchsurfing, surtout par rapport aux auberges de jeunesse.

En effet beaucoup de voyageurs préfèrent se loger en auberge, bien que le couchsurfing soit accessible et gratuit. Il y a l'avantage de l'indépendance qui est souvent évoqué, le fait de souvent passer la majorité du temps avec l'hébergeur semble en agacer plus d'un, même si Melissa nuance en disant que ça dépend de ce dont on à envie à différents moments du voyage et ce que l'on cherche. Cela m'étonne de voir autant de personnes être d'accord avec cet inconvénient qui n'en est pas vraiment un, mais que j'ai déjà ressenti : c'est un système basé sur l'échange, mais pourtant beaucoup apprécient des moments solitaires où ils ne doivent parler à personne, ou encore l'anonymat d'une auberge. Si voyager est une liberté, être hébergé par quelqu'un que l'on ne paie pas est parfois vécu comme un engagement pesant.

Nous nous quittons vers 23h après avoir échangé nos coordonnées pour d'éventuels conseils et pour se recroiser (surtout Diego qui part à Riga demain comme moi). Bien qu'il fasse meilleur qu'à Tallinn, une fois la nuit tombée le froid se fait terriblement sentir. Nous rentrons donc à nos hébergements respectifs. Après avoir écrit le contenu de ma journée je m'en vais dormir, sous les chants (sûrement grivois) d'estoniens ivres sous ma fenêtre, ça a quelque chose de berçant.

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Au bord de la Daugava 

Avant de prendre mon bus pour Riga dans l’après-midi je vais visiter le Museum of New Art de Pärnu. J’apprends qu’ils ont une exposition temporaire dans le cadre d’un festival qu’ils font chaque année sur le thème de « L’homme, la femme et la mer ». Cette année le sujet doit être abordé au travers du nu. Entre autres il y avait des sculptures colorées aux formes arrondies qui semblent avoir des dizaines de jambes, bras, bouches et yeux ; une longue vidéo d’un couple qui se balance d’avant en arrière et enfin une série de photos de postérieurs en gros plan. D’habitude j’aime bien l’art contemporain, mais là l’ensemble m’apparaît hétéroclite et sans fil conducteur pour une exposition qui a supposément un thème commun. Je me dis que ça doit juste être que cette exposition ne m’inspire pas, je vais donc voir ce que l’autre aile du musée expose. Il s’agit d’une exposition permanente sur un ancien punk criminel converti au christianisme qui transmet désormais sa foi au travers de peintures et dessins naïfs où dieu est représenté comme un roi lion pacifique avec une couronne. Assez dubitative je passe devant différents dessins représentant des policiers-girafes arrêter des zèbres-braqueurs de banque, ou encore l’histoire de la décadence humaine depuis qu’Eve a croqué la pomme jusqu’à la guerre entre les hommes. Il y a 3 étages de ça. Trois.

Ci-dessus un échantillon des œuvres. 

Donc je ne m’attarde pas beaucoup et vais faire un dernier tour en ville. Je me prélasse dans l’herbe d’un square en face de la station de bus en écrivant des cartes postales, puis je prends mon bus pour Riga. Le paysage qui défile est semblable à celui de mon trajet précédant : une alternance entre forêts et étendues d’eaux (j’apprendrais plus tard que les pays baltiques sont composés à 80% de forêts). Je me rends compte pendant le voyage qu’il n’y a pas d’autoroute en Estonie, ni en Lettonie (ni en Lituanie non plus en fait). Nous roulons sur une 2 voies, type nationale. Les véhicules roulent sur les bandes d’arrêts d’urgence pour constituer une troisième voie au milieu lorsque qu’un bus veut doubler un camion (ce qui, selon mon expérience personnelle, arrive 5 fois sur un trajet de 2h) (Maman ne te préoccupe pas, il n’y a surprenamment jamais d’accidents).

J’arrive à Riga en milieu d’après-midi et me rends chez Valery, un couchsurfeur qui vit à 20 minutes à pied de la station d’autobus. Je me perds un peu parce qu’à Riga, les grands carrefours se traversent grâce à un système de couloirs souterrains (un labyrinthe plutôt), mais une fois sous terre il est compliqué de situer dans quel sens on doit aller. Je trouve finalement l’appartement de Valery, y dépose mes affaires et nous partons faire une visite de la ville. Il me montre plein de chouettes endroits sur le chemin de la vieille ville, puis de nombreux monuments de celle-ci, ainsi que des lieux moins connus comme des petits passages, des placettes.

Il s’avère qu’aujourd’hui nous sommes le 23 juin, jour de célébration du solstice d’été dans tous les pays baltiques et nordiques (cela n’a pas forcément lieu tous les ans le même jour, il se célèbre entre le 19 et le 25 juin). Il s’agit d’une fête très importante aux origines païennes : beaucoup de gens vont la fêter à la campagne, il y a de nombreux concerts dans les villes et le jour suivant est férié (Valery me dit que c’est pour que les gens dessoûlent). Toutes les femmes portent des couronnes de fleurs et les hommes des couronnes de feuilles. C’est une drôle de coïncidence que je sois témoin de ces festivités ici et maintenant, car l’année dernière j’ai assisté à cette fête à New York, célébrée par toute la diaspora suédoise de la région.

Nous assistons donc à des danses traditionnelles lettones, à un concert d’un groupe très populaire du pays, puis à l’allumage de grands feux de joie qui brûleront jusqu’au matin.

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Les pieds de quelqu'un, les miens.
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Le lendemain matin Valery va à son cours de yoga pendant que je continue de dormir. Lorsqu’il revient il « petit-déjeune » des brocolis à la vapeur et des graines de sarrasin alors que moi j’ai le nez dans mon bol de cookies crisp à l’huile de palme et aux colorants (bon, accompagnés tout de même de lait de soja). Il a un style de vie très (trop ?) sain : il ne boit pas, ne fume pas, végétarien (jusque-là je n’ai rien à redire), ne mange pas gras ni trop sucré, ne dîne jamais après 18h pour « ne pas alourdir son métabolisme avant de dormir » ; et quand je lui demande s’il veut un de mes petits gâteaux ou des fruits secs, il me répond « Non merci je ne grignote jamais…d’ailleurs ce n’est pas très bon pour le corps… ». Bon. Okay. Malgré le fait qu’il remette en question mon habitude la plus vitale (manger, tout le temps) il est tout de même très sympathique (il m’a proposé du chou-fleur à la vapeur) et il a un chouette projet avec des amis : construire une escape-room dont le thème serait le Steampunk, il me dit que ça devrait être ouvert au public avant la fin de l’année.

Je me promène dans le vieux centre, puis rejoins un tour guidé de la ville gratuit. J’apprends plusieurs anecdotes amusantes comme le fait que la monnaie lettone se traduisait par « ambre » avant l’arrivée de l’euro, car il y a de ça quelques centenaires cela constituait l’équivalent de l’or dans la région, pour cette raison l’artisanat de bijoux en ambre est particulièrement développé. Il nous enseigne également qu’il n’existait pas de nom de famille dans le pays avant que le tiers-état soit libéré des nobles, il y a à peine quelques siècles, les habitants du pays ont donc dû choisir des noms de famille, pour cette raison les noms les plus courant signifient « pomme », « poire », « bouleau », « arbre », etc. Le président actuel s’appelle « vent », on en tire les conclusions que l’on veut. Le guide nous montre aussi une rue où a été tournée la version soviétique de Sherlock Holmes, la Baker Street balte.

La Tour Eiffel locale / The Great Guild / Le vieux Riga / Une librairie perdue dans un passage souterrain 

Il commence à pleuvoir légèrement, je prends donc la ligne de tramway 11, puis la ligne 4 parce que le guide nous a dit que leurs trajets étaient équivalents à ceux des bus touristiques qui font des tours en ville, en plus les transports en commun sont gratuits aujourd’hui à l’occasion de la célébration de la veille.

Vers 16h je retrouve Valery, en voiture nous nous rendons à Jūrmala, petite ville balnéaire à 20 kilomètres de Riga. C’est un lieu extrêmement fréquenté dans la région et l’immobilier atteint des prix astronomiques (plusieurs millions pour une maison) alors qu’il doit y avoir 20 jours de soleil par an.

La majorité des constructions sont d’anciennes maisons en bois, souvent magnifiques, classées comme patrimoine. Il est donc interdit de les modifier ou de les détruire. Valery me raconte que certains propriétaires payent des sans-abris pour y mettre le feu et ainsi pouvoir construire quelque chose de nouveau. Le même schéma s’applique aux arbres, eux aussi sont classés comme patrimoine. Les constructions doivent donc se faire en fonction de ceux-ci, je trouve que c’est d’ailleurs une des caractéristiques les plus charmantes de la ville : beaucoup d’espace sont boisés, la présence de végétation partout donne un côté reposant et naturel. Les propriétaires qui veulent se débarrasser d’arbres sur leur terrain guettent les tempêtes et profitent de celles-ci pour endommager leurs arbres et obtenir par la suite des permis pour les abattre.

La dernière photo est celle d'un complexe immobilier à plusieurs millions...inhabité car trop cher. 

Face à tant d’absurdité nous allons nous promener au bord de la mer. Quelques téméraires tentent de s’y baigner malgré le temps couvert. Des familles pique-niquent, des jeunes jouent au volley, d’autres au foot. Valery me dit qu’il a l’habitude marcher au moins une heure ou deux quand il vient ici, après avoir marché toute la journée je lui explique que ça ne va pas être possible pour moi. En plus j’ai faim.

A droite: un magasin ambulant de bijoux d'ambre, il y en a partout! 

Pour dîner nous allons dans un endroit qu’il affectionne tout particulièrement : Lido. C’est une chaîne de restaurants traditionnels de la région, aux pris très accessibles. Il me conseille de prendre des pancakes, une spécialité lettone. Il y en a au jambon, au fromage, j’en prends aux épinards avec une soupe de légumes, autre spécialité.

Le lendemain je pars assez tôt, nous nous disons au revoir avant qu’il ne se rende à son cours de yoga, puis je vais au marché central de Riga. Le marché se situe dans 3 grands hangars qui abritaient auparavant des zeppelins. Je fais un tour à l’intérieur, et à l’extérieur aussi où les étals se prolongent sur plusieurs rues.


Cornichons everywhere. C'est aussi la première fois que je vois un marché aux fleurs...en plastique! 

Après une dernière promenade dans Riga, je m’installe dans un salon de thé où l’on peut s’asseoir sur de gros coussins par terre et profiter de la vue au travers des murs et du plafond vitré. C’est d’ici que je vous écris, en attendant mon bus pour Vilnius !

Une photo du salon de thé provenant de leur site web. 

PS : Je pense qu’il est temps de faire un point musique dans ce voyage.

Autant je comprends que la première chanson que j’ai entendue en Estonie soit « Súbeme la radio » d’Enrique Iglesias, puis « Despacito », la mondialisation et le rythme latino allant de pair. J’avoue avoir été surprise par la musique japonaise qu’écoutait Erasmus, puis un peu plus par le zouk retransmis en Bluetooth chez Valery. Mais entendre Mylène Farmer sur Rétro FM en Lettonie était de loin le plus inattendu.

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Mon nouveau moyen de transport ne prend que 8 jours pour faire Riga-Vilnius. 
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Je suis arrivée à Vilnius vers 18h30 le dimanche 25 juin, je marche de la station de bus jusqu'à chez Dovilė, une lituanienne qui s'est inscrit il y a peu sur Couchsurfing. Elle est juste adorable et fantastique, mais nous y reviendrons plus tard. Nous allons faire un tour dans le centre de Vilnius qui est à moins de 20 minutes à pied de chez elle. Elle me montre quelques rues et lieux qui forment le cœur de la ville: les ruines de l'ancienne muraille, des églises de carte postale, les allées où festoient habituellement les étudiants, des jardins rénovés... Elle m'emmène également dans une rue où il y a deux célèbres oeuvres de street art: l'une représente le gouvernement actuel du pays sous forme de braqueurs, et l'autre un baiser entre Trump et Putin qui a été modifié quelque peu.

Nous allons dîner dans un petit restaurant muy muy barato où les plats dépassent rarement les 5€, elle me conseille de commander en boisson une sorte de thé qui a goût de jus de fruit chaud, boisson traditionnelle dont je ne retrouve plus le nom. Puis nous faisons une dernière promenade digestive sous la pluie jusqu'au monument des "Troix Croix" qui offre une belle vue de la ville.

Non seulement Dovilė a un chat fantastique, une voiture décapotable d'occasion qui transpire le swag, elle a aussi couru des ultra-marathons, repris des études pour un master qu'elle vient de finir sur le Big Data après avoir été diplômée en mathématiques et elle a de superbes lunettes de soleil en bois très design.

Le lendemain je marche jusqu'en ville, je m'arrête en chemin acheter des "magija", des barres fourrées d'un fromage lituanien qui se traduit en anglais par "white cheese" et enrobées de chocolat. Il en existe de plusieurs saveurs: vanille, chocolat, fraise, etc.

Chat et magija 

Il commence à pleuvioter légèrement, puis le doux climat se transforme en tempête passagère. Je me réfugie dans la Bibliothèque Nationale en attendant l’accalmie. Je poursuis alors ma ballade: charmantes placette, vieilles rues, château de Vilnius. La légende raconte que cette forteresse (qui se transformera quelques siècles après en Vilnius) a été fondée après qu'un noble local qui faisait la sieste au sommet de la colline n'entende un loup hurler, il su immédiatement qu'il fallait fonder une ville là. (Peut-être que Dieu lui a parlé aussi, je ne suis plus sûre, je ne vois pas vraiment de corrélation).

Vers 18h je retrouve Dovilė qui me propose d'aller en voiture à Trakai, petite ville à une vingtaine de kilomètres où il y a un très beau château au milieu d'un lac. Cet endroit est assez connu car c'est une des rares forteresses en pierre de Lituanie; la majorité étant en bois, il n'en reste plus aujourd'hui. La construction de Trakai a d'ailleurs été rénovée pour la conserver. Sur les rives du lac il y de nombreux voiliers et catamarans arrimés, illustrant le côté touristique de l'endroit. Mais nous sommes chanceuses, il n'y a pas grand monde et le lieu reste paisible.

Mardi 27 juin je visite une république enclavée dans Vilnius. La République d'Uzupis est une invention des habitants du quartier d'Uzupis, quartier très artistique et bohème (vous pouvez accéder à la page Wikipédia en cliquant ci-dessus). L'idée originaire était d'encourager les courants artistiques et la bonne entente, mais aujourd'hui un des objectifs du mouvement est de défendre le lieu face à la gentrification. La constitution de cette micro-nation est affichée en 18 langues différentes sur de grandes plaques métalliques, ainsi qu'un plan de la République et son calendrier. Au bord de la Vilnia des bancs et balançoires ont été construits sous le regard bienveillant d'une statue de Jésus avec un sac à dos de backpacker. Dovilė trouve cette initiative symbolique de la jeune génération lituanienne qui cherche encore sa place entre son pays et l'international.

Comme la veille, je retrouve mon hôte en début de soirée. Cette fois nous allons dans le Parc Régional Pavilniai où nous faisons une petite ballade jusqu'à une plateforme qui permet de voir toute la nature environnante.Sur le chemin nous passons devant la lugubre entrée d'un bunker où il est tagué "Free Hugs" à l'entrée, quelques instants plus tard les cool kids du coin y rentreront par petits groupes. Depuis la plateforme nous voyons donc une partie du parc et de sa rivière. Il y a quelques maisons habitées dans le parc, dont une qui nous surprend vraiment. Etant donné que c'est un espace protégé il est interdit de construire du moderne. Un propriétaire d'une vieille maison a pourtant reçu l’autorisation pour construire une structure en verre entourant les ruines de sa propriété!

Nous nous dirigeons vers un restaurant du parc, derrière lequel sont garés plusieurs 4x4 limousines, "des touristes russes" me dit Dovilė. Je goûte deux autres spécialités lituaniennes: du gira (une boisson fermentée non-alcoolisée qui pourrait être désignée sous le nom de "limonade au pain") et des pancakes à la pomme de terre, encore un repas très léger et diététique.

Vers 21h45 ma formidable couchsurfeuse me dépose à la station de bus où je pars pour Varsovie à 22h15. Le voyage dure 9 heures, avec le décalage horaire j'arrive en Pologne à 6h. Je vous écris actuellement depuis un café dans la gare centrale, attendant que la pluie s'arrête, ce qui selon mon appli météo ne devrait pas tarder!

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28/06

Kasia, une jeune étudiante qui vient de finir le lycée, me retrouve à la gare, elle m’hébergera pour une nuit. Après avoir déposé mon sac chez elle, elle me fait une première visite de Varsovie, sa ville préférée de Pologne. Le centre moderne côtoie la ville historique. En sortant de la gare je ne vois que des gratte-ciels dont les sommets sont camouflés par des nuages pluvieux. Les avenues sont larges et bondées de voitures, tramways et bus. Au milieu de ces constructions de verre et d’acier où la pluie vient s’étaler, trône le Palais de la Culture et de la Science, tour immense, relique de l’ère soviétique. Ce contraste, un des symboles de la ville, illustre la juxtaposition des styles architecturaux que l’on retrouve dans toute la ville.

Empire State soviétique  (je ne sais pas prendre des photos droites)

La pluie fine laisse sa place à un soleil légèrement voilé et à une chaleur accablante et d’autant plus écrasante à cause de l’humidité. Kasia m’emmène vers le centre historique, pour cela nous prenons une des rues principales : Nowy Swiat. Célèbre avenue qui longe entre autres l’Université, le Palais présidentiel (qui reçoit d’ailleurs le chef d’état d’Arabie Saoudite ce jour-là), les principaux bâtiments religieux et l’ancien Palais royal. Nowy Swiat débouche sur une esplanade qui marque le début de la vieille ville aux façades multicolores. Quelques ruelles plus tard nous voici en plein vieux centre, sur une place investie par des terrasses de restaurant et des boutiques de souvenirs. Sur celle-ci trône la statue de la sirène de Varsovie. Emblème de la ville, elle symbolise l’union de Wars et Sawa, qui forment Warzsawa, le nom de la capitale en polonais.

Que de couleurs et de chaleur 

D’ailleurs, la capitale précédente de la Pologne n’était autre que Cracovie, ce qui aujourd’hui encore mène à des rivalités triviales, portant notamment sur l’obtention du titre de plus belle ville de Pologne, que chaque cité revendique.

Toujours dans la vieille ville, mon hôte me montre plusieurs endroits ayant survécu au temps et à la modernité actuelle, elle me traduit des noms de rue, me conseille des plats traditionnels, me parle un peu d’elle, de son amour pour Londres et de son rêve inexplicable de devenir dentiste.

Vers le milieu de l’après-midi elle me laisse car elle prépare un voyage-surprise à Venise pour l’anniversaire de mariage de ses parents. Je me rafraichis un peu à l’ombre, et alors que je comptais me diriger vers un charmant parc, je rejoins par hasard un groupe qui visite la ville : un de ces fameux « Free Tour » qui apparaissent aujourd’hui dans toutes les villes européennes. Celui d’aujourd’hui porte sur l’histoire des Juifs à Varsovie, depuis leur accueil jusqu’au tristement célèbre Ghetto de la Seconde Guerre Mondiale. La visite nous emmène dans les anciennes rues du quartier juif, totalement détruit par les nazis avant la fin de la guerre, au pied des mémoriaux commémorant la révolte du Ghetto.

Après ce voyage dans le temps dont aucune trace ou presque ne subsiste, je me dirige vers le sud de Varsovie, vers les quartiers moins anciens mais tout autant historiques. Sur le chemin je trouve une statue de Charles De Gaulle, qui a vécu quelques années ici ; mais plus surprenant, Le Général face un palmier, le seul de Varsovie, un immense faux palmier en plastique. C’est la pluie soudaine qui va me ramener chez Kasia, où nous passerons une soirée tranquille à écouter de la musique, à discuter et à manger des pierogi (une spécialité polonaise : des gros raviolis qui peuvent être fourrés à la viande, aux champignons et même au chocolat !).

Le Général, le palmier. 

Le lendemain nous grassons matinéons sous une légère brise avant de nous préparer pour aller de l’autre côté de la Vistule. En route une averse torrentielle nous cueille entre deux stations de tram. La tempête ne va pas tarder à passer, en attendant Kasia me montre sa bibliothèque préférée, grande structure minimaliste qui s’étend en hauteur jusqu’à un toit en verre sous lequel sont disposés des transats. Nous nous rendons dans le quartier de Praga, concentration assez pauvre fortement touchée par l’alcool. Cette addiction étant un grave problème sanitaire en Pologne, il est interdit de boire en public (du moins à Varsovie) sous peine d’amende. Il est aussi possible de se prendre une amende si l’on traverse lorsque le feu piéton est rouge, ce qui va à l’encontre de mon réflexe de traverser lorsqu’il n’y a juste pas de voiture, rouge ou pas.

Dans ce quartier nous tombons sur le Musée du Néon, qui comme son nom l’indique retrace l’histoire de l’allumage néon, notamment en Pologne, de nombreuses fameuses enseignes lumineuses sont disposées dans ce petit musée qui vibre au rythme du ronronnement des lumières. Après avoir déjeuné et mangé une délicieuse glace (dont un cornet deux boules revient à 1,20€, quel fantastique pays) nous faisons une dernière ballade dans les vieux quartiers.

La Sirène en néon, une église câblée

Je récupère mon sac et me rend vers une station de bus (non sans péripéties car la ligne de tram qui devait m’y amener n’existe plus pour le moment !) pour me rendre à Łódź, petite ville entre Varsovie et Cracovie (son nom se prononce d’ailleurs plus au moins comme ceci : Woutss).

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J'aurai aussi pu nommer cette étape: "Louise et son incapacité à parler polonais prennent le train"

Après une nuit fort reposante en auberge de jeunesse, je me promène dans cette cité industrielle qui possède la rue la plus longue de Pologne : la rue Piotrkowska, 3,5 km. La principale attraction de la ville est la Manufaktura, ancien complexe industriel abritant aujourd’hui un centre commercial, des restaurants, un terrain de beach volley et le musée d’art moderne de Łódź. Je visite ce dernier, puis je me rends dans une des nombreuses petites gares de la ville pour y prendre un train pour Katowice. Un léger retard de 45 minutes me conduira à tenter de communiquer avec un jeune homme responsable de la sécurité de la gare (je le sais parce qu’il est habillé tout en noir avec des accessoires de commando GIGN tels qu’un gilet pare-balle, des bottes de ranger…). La gare en elle-même n’est composée que d’un minuscule hall et de deux toilettes, c’est donc compréhensible que personne ne parle anglais. Le seul moyen qu’il a de me faire comprendre quel train je dois prendre c’est de me faire des grands signes de « NON » avec les bras depuis l’autre bout du quai à chaque fois qu’un train s’arrête. J’attends donc en cuisant doucement sous le soleil de 15h jusqu’à qu’il me crie un « YES » accompagné d’un pouce levé.

Le train m’emmène à Katowice, ville située au sud de la Pologne, à 1h de Cracovie (où je suis supposée dormir ce soir). Je passe un peu plus de 2h à Katowice entre mon train et mon bus.

C'est une belle escale ! Je trouve la ville rayonnante ! La douce lumière de fin d’après-midi éclaire chaudement le centre-ville au style hétéroclite.

Le contraste moderne-ancien donne une certaine dynamique à la ville je trouve 

Un petit festival avec une scène unique est organisé sur la place centrale, des groupes s’y succèdent pendant que les spectateurs commandent nourriture et boissons aux nombreux stands les entourant.

Ambiance fort sympathique 

Je m’éloigne un peu du centre pour découvrir aux détours des carrefours d’imposantes constructions communistes ou à l'inspiration soviétique.

Sympa de faire son shooting photo de mariage sous un rond-point.

Alors que Łódź ne m’avait aucunement inspirée, je trouve Katowice tellement vivante et photogénique.


Vers 21h je monte dans le bus pour Cracovie.

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Petit point langues vivantes : comme tout voyageur/touriste, j’ai pour habitude d’apprendre quelques expressions rudimentaires de politesse lorsque je suis quelque part. Salam Alikoum, boa noite pour des salutations ; Jesús, bless you pour les éternuments ; nasdrovia ou skoll pour la santé ou encore gavé et taquet selon si je suis à Toulouse ou Bordeaux. Mais je ne parviens pas du tout à retenir quoique se soit en polonais, sauf curva qui est une insulte gravissime dont je me souviens pour sa traduction en courbe en espagnol. Plusieurs personnes ont essayé de m’enfoncer dans le crâne comment dire « bonjour », « merci », on a tenté de m’apprendre a prononcer les lettres, les groupes de lettres. Ça ne veut pas.

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Comme autre idée de titre j'avais "Cracovie à vie".


01/07

L’auberge où je vais rester 5 nuits est située sur la place du marché principal de Cracovie, Rynek Główny, c’est un vieil immeuble étroit qui s’élève sur 4 étages dont les pièces sont chaleureuses et l’ambiance conviviale.

La vue depuis mon auberge / La place centrale / La tête coupée d'Eros, parce que l'amour "fait perdre la tête"

Je vais sûrement vous surprendre en vous disant que je suis près de mes sous (eh si, c’est vrai), ma passion du voyage économique me conduit donc actuellement à partager ma chambre avec 17 autres personnes, 17. Etant donné que c’est la chambre « budget » (c’est d’ailleurs le seul dortoir de cette envergure, les autres chambres de l’auberge vont de la chambre individuelle à celle avec 8 lits) nos fenêtres donnent sur une cour intérieure, celle du restaurant au pied de l’immeuble. Plusieurs kilogrammes de verre sont déversés toutes les heures dans une benne prévue à cet effet, ce qui cause un doux bruit cristallin qui se superpose à celui de la soufflerie des cuisines, léger ronronnement continu dont les effluves de fritures de viande nous transportent toute la journée (#euphémismes). Néanmoins, tout ceci ne me dérange point et mes sommeils sont profonds (les bouchons à oreille et le masque d’avion aidant). De manière générale les autres voyageurs sont respectueux, et nous nous réveillons tous plus au moins au même moment pour aller prendre le petit-déjeuner gratuit (#GraveBonPlan).

Vendredi matin je fais un tour de la vieille ville de Cracovie et en découvre des anecdotes rigolotes. J’ai notamment la chance de pouvoir découvrir le monument voté en 2010 comme « la construction architecturale moderne la plus moche » : une fontaine avec une petite pyramide en verre. Sur la place principale il y a une basilique magnifique (la Basilique Sainte-Marie) dont l’asymétrie donne un air féerique, l'intérieur l'est tout autant. D’ailleurs tous les jours, à toutes les heures (pile), un membre du corps d’élite des pompiers joue une mélodie traditionnelle à la trompette 4 fois, une vers chaque point cardinal. Ce n’est pas une chanson enregistrée, mais un vrai humain. Les quarts ont lieu toutes les 24 heures, le pompier de garde ne peut donc pas dormir plus d’une heure entre deux récitals. Cette contrainte a causé plusieurs fois des retards parce que le joueur de trompette ne s’était pas réveillé, alors que des figures politiques importantes de visite en Pologne attendaient au pied de la tour pour assister au traditionnel concert.

Il était interdit de prendre des photos à l'intérieur, en voici une du site web de la Basilique 

Je me rends à Wawel, une colline dont le nom signifiait originellement « endroit surélevé par rapport aux marécages ». Le château de Cracovie est perché en son sommet, son intérieur est du style renaissance italienne. La cathédrale qui y est accolée est elle-même le résultat d’un patchwork de styles gothiques, romans, orthodoxes, etc. L’explication est qu’à l’époque des constructions il n’y avait pas assez d’argent pour tout détruire et reconstruire depuis zéro, donc les différentes parties se sont greffées les unes aux autres. A l'entrée du bâtiment religieux, pendent des os dont une côte de baleine et un os de mammouth, les chaînes qui les retiennent ont intérêt à tenir car si elles cassent, cela signifirait que c'est l'heure de l'apocalypse... Au pied de Wawel il y a le célèbre dragon de Cracovie (le nom de la ville a sa racine dans le mot « dragon ») qui ne se nourrissait que de moutons, de chèvres, ou de jeunes vierges. La légende raconte qu’il a été pourfendu par un berger, mais on dit ici que de toute manière il n’aurait pas pu survivre jusqu’à aujourd’hui, car à Cracovie cela fait longtemps qu’il n’y a plus de moutons, de chèvres, et de vierges…

Le dragon crache même du feu toutes les 5 minutes

Je marche un peu au bord de la Vistule avant de tomber sur un walk of fame polonais où l’on peut notamment voir les mains de Roman Polanski, Luc Besson, BENEDICTH CUMBERBATCH. J’ai donc collé ma main sur la marque de la sienne, chopant au passage sûrement tous les germes et saletés de la ville, mais c’était totalement worth it. <3.

Je m’arrête déjeuner dans un milk bar. Vous ai-je parlé des milk bars ? Ce sont des cantines auparavant communistes dont les prix défient toute concurrence, un plat complet avec viande ne coûte jamais plus de l’équivalent de 5€. Par contre c’est rustique, et tout est écrit en polonais, les touristes se font vite repérer.

Je continue de vadrouiller l’après-midi, puis en début de soirée je retrouve Ricardo, un couchsurfeur. Nous devions retrouver un autre groupe de surfeurs (tout ceci grâce à l’application de la plateforme) pour boire un verre/nous promener/manger. Mais évidemment, comme il arrive souvent dans ce genre de situations, le groupe ne répond plus, ils sont sûrement déjà tous soûls dans une cave d’un bar polonais (les bars sont souvent en partie souterrains). Je passerai donc la soirée avec Ricardo, jeune portugais de 25 ans qui a acheté et rénové une ferme dans les montagnes polonaises avec sa compagne. Nous allons dans un bar très fréquenté où les plats sont à 2€ et les boissons à 1€. Je goûte donc de la vodka locale en shots (vous avez vu comment je m’intéresse à la culture locale) pendant que nous avons de grandes discussions à propos de la production de fromage, le sphinx roumain (cliquez pour voir), les relations humaines… Ricardo m’apprend notamment une chose très importante : la vraie vodka, la bonne, sort du frigo, si ce n’est pas le cas : hérésie. En échange je suis le GPS du duo, en effet je me repère plutôt bien dans la ville ! Je propose d’aller au festival de culture juive qui se finit aujourd’hui, c’est le plus grand d’Europe. En chemin il n’arrête pas de me dire de mettre « the first gear » (comprenez, « passer en première vitesse ») parce que je marche vite (merci maman de cette habitude), nous rigolons beaucoup, lui en me disant qu’il aime bien le rap français, surtout celui de Fatal Bazooka (il essaiera même de chanter pour me montrer), moi en imitant l’accent français en parlant anglais. Sur le chemin du quartier juif, Kazimierz, nous sautons au hasard dans un bar où le jeune portugais demande « un shot dessert » qui s’avèrera délicieux.

Nous arrivons à une place du quartier autour de laquelle gravite toute la vie nocturne du coin : des jeunes musiciens jouent assis aux fenêtres des bâtiments, les foules des nombreux bars se mélangent, ça parle polonais, anglais, russe, espagnol. Nous rentrons au hasard dans un bar dont le style nous avait interloqué, en effet des crocodiles empaillés pendent du plafond, la lumière vert bouteille y est tamisée et la tapisserie en velours absorbe le son. Nous ne consommons rien, Ricardo se rend en fait aux toilettes, d’où il ressort presque immédiatement en me hâtant de venir. Il me demande si je suis prête à voir le sens de ma vie basculer, si je suis prête à être bouleversée jusqu’à l’os. « Yeah sure ». Il ouvre alors soudainement une des portes de WC…qui donne en fait sur un mur, en briques. L’illusion nous émerveille pendant plusieurs (trop) de minutes, puis nous repartons vers notre objectif culturel premier.

Sur la place principale du quartier juif s’est dressée une scène immense où des styles de musiques se succèdent, aux consonances orientales, indiennes ou arabes. Rythmées ou douces. Les gens dansent, écoutent, se meuvent doucement. Nous y restons un certain temps, avant que la faim ne nous gagne et que nous avalions un zapiekanka, une spécialité polonaise qui s’approche de la bruschetta aux champignons et au fromage et avec du ketchup.

C'était plus au moins ça l'ambiance 

Vers 1h30 je regagne mon auberge et mon lit superposé, où une douce brise m’endort dans cette mer de gens endormis.


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Une riche architecture, de l'alcool à toute heure, des artistes de rue surprenants,Jean-Paul II partout: Cracovie en quelques mots
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02/07

Dimanche matin je visite le quartier juif où la vie diurne est assez différente de la vie nocturne. Mes pas me portent dans différents lieux de tournage du film « La liste de Schindler » de Spielberg, dans le ghetto de Cracovie, devant plusieurs synagogues, puis jusqu’à l’ancienne usine de Schindler, rendue célèbre grâce au film éponyme. J’apprends que la réalité, différant souvent de la fiction, est ici drastiquement éloignée. Oscar Schindler était d’abord un espion nazi qui a vu dans cette usine l’opportunité d’employer des juifs du ghetto sans devoir les payer et ainsi faire plus de profit. La fameuse liste de travailleurs qu’il aurait constituée pour les « sauver » a en fait sûrement été rédigée par les travailleurs puis signée par Schindler. La plupart de ces ouvriers ont été sauvé certes, mais Schindler s’est exilé en Argentine à la fin de la guerre « au cas où ». Dans son voyage il a abandonné femme et enfants, puis une fois ruinée en Amérique du Sud il a réclamé des aides financières aux individus qu’il a « sauvé » et leurs descendants. Ceux-ci l’ont aidé, et Schindler a reçu le titre honorifique de « Juste parmi les nations » après la diffusion du film hollywoodien, titre accordé par l’Etat d’Israël à ceux qui ont (cf explication). C’est d’ailleurs l’objet d’une polémique, le titre est accordé à ceux qui ont aidé sans rechercher de contrepartie (contrairement à ce qu’a fait Schindler), et aujourd’hui il est le seul nazi à être enterré dans le cimetière de Jérusalem.

Sculptures et  tags suspendus

Après m’être fait trempée par la pluie je rentre déjeuner à l’auberge, puis je lis tranquillement à l’abri du mauvais temps. Je sympathise avec mon camarade de chambre, un canadien qui a passé la journée à dormir. Puis je sors un peu profiter du festival de Jazz de Cracovie, avant de m’asseoir à la terrasse d’un café pour écrire le récit de mes aventures.

A l’heure où je vous écris ces lignes, je suis témoin d’une conversation très animée (à ce stade on peut dire altercation) entre une vieille femme nettoyant le trottoir devant chez elle et un groupe d’homme dépassant tous les trentaine/quarantaine qui sirotent leurs bières. Ça se chambre en polonais, parfois d’une manière assez explicite pour que je comprenne qu’ils s’engueulent carrément.

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03/07

Visiter Auschwitz représente un business ici, dans le centre de Cracovie beaucoup d'agences proposent de vous y emmener pour 99 zlotys (l'équivalent de 24€), alors que le visite de l'ancien camp de concentration et d'extermination est gratuite, et que des bus vous laissent devant l'entrée du musée pour 3€. L'été il y a foule dans les allées qui séparent les blocs abritant il y a encore 72 ans prisons, dortoirs, infirmerie, archives, bureaux des SS. J'ai donc pris le bus pour Oświęcim en fin de journée afin d'éviter le bain de foule polyglotte.

Auschwitz est en fait le nom allemand donné à la ville d'Oświęcim, où pendant la seconde guerre mondiale les nazis ont créé 3 camps: Auschwitz I, Auschwitz II et Auschwitz III. Ce complexe concentrationnaire se trouvait également sur la commune de Brzezinka (Birkenau). Il s'agissait d'anciennes prisons ou d'infrastructures déjà existantes auparavant.

Mon choix d'horaire s'avère judicieux car il n'y a pas beaucoup de visiteurs, à part quelques familles avec poussettes et une colonie de vacances qui se prend en selfie devant chaque bâtiment.

Un grand travail de conservation a été fait et est toujours en cours: certaines constructions ont été recouvertes de tentes géantes il y a plusieurs années pour permettre leur "rénovation" (les reconstruire en partie pour leur redonner leur forme originelle). Au sein de plusieurs blocs il y a des expositions sur des thèmes différents mais bien entendu lié au lieu: les juifs de Hongrie (et la trahison du pays envers eux), les juifs du Pays-Bas, le processus de nazification de la Pologne, le processus d'entrée dans le camp (photo, tatouage, uniforme)... Dans un bloc nommé "Les traces du crime" sont exposés les possessions que les prisonniers avaient amené avec puis volées par les nazis. Derrière des vitre on voit des montagnes de chaussures, une piscine de casseroles et ustensiles, des fossés de brosses.

Dans un autre bloc ont été conservées presque intactes les cellules où étaient enfermés les condamnés à mort par famine.

Au-dessus des allées vertes, le ciel est bleu sans un nuage, ce qui paraît inimaginable en ce lieu. Pour voir ce qu'il reste du camp d'extermination, les visiteurs passent dans un large passage taillé dans les fils barbelés.

Cette partie d'Auschwitz a été presque entièrement détruite avant que l'armée rouge ne libère le camp. Ainsi les travaux de conservation ont aussi eu pour rôle de reconstruire partiellement les chambres à gaz et les fours crématoires. Là, plus personne n'esquisse un bruit, à peine un geste.

En me dirigeant vers la sortie j'entends une famille espagnole regretter de ne pas trouver les rails de train: "on ne pourra pas faire la super photo typique c'est dommage".


C'est la fin de la journée et le parking est vide. Vide jusqu'au lendemain car le bus que je devais prendre pour Cracovie est parti 5 minutes avant que je ne sorte, et c'était le dernier de la journée. Il est 19h50. Je commence à paniquer au fur et à mesure que je comprends qu'il n'y a ni trains, ni autres bus, ni covoiturage avant 3h22 du matin. Il n'y a même pas de moyen de rejoindre une ville un peu plus grande pour trouver un autre moyen de transport. Je rencontre un couple dans la même situation que moi et je leur propose de prendre un taxi tous ensemble et ainsi diviser les frais, cela nous reviendrais à 25€ chacun. Ils refusent sous prétexte qu'il faudrait faire moitié-moitié étant donné qu'ils sont ensemble et moi toute seule. J'envoie donc balader ces deux débiles qui ne pensent former qu'un seul organisme et m'en vais faire du stop. Rapidement une voiture s'arrête. Le conducteur, Marcin, propose de me rapprocher d'une ville un peu plus grande qui se situe sur l'axe Katowice-Cracovie. Je passe une partie du trajet collée sur mon téléphone à chercher tous les moyens de déplacement possible pour revenir à mon auberge, il n'y en a aucun qui prenne moins de 4h (et j'apprendrais par la suite que l'unique bus qui me faisait arriver à 3h du matin était de toutes manières plein). J'essaye donc d'appeler ma mère sans perdre mon calme (non) et en gardant la tête froide (c'est faux), elle ne répond pas. J'appelle donc Liam qui croit d'abord que je lui fait une blague, avant de commencer à paniquer avec moi. Cet appel hoquetant aura au moins eu comme effet d'attendrir mon conducteur qui me conduira jusqu'à Cracovie en me répétant de "chill out".

Tout se finit donc bien (bien étant "ne pas dormir à Auschwitz) et j'arrive à Cracovie vers 21h30. Le temps de rejoindre le centre ville, les restaurants ferment tous leurs portes. Je vais donc commander un wrap végétarien dans un kebab du centre, le cuisinier ayant pitié de mes choix alimentaires, m'offre une assiette de frites. Donc oui, tout se finit bien.

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04/07

Mes visites d'aujourd'hui sont bien plus légères que celle de la veille.

Je profite que le mardi l'entrée est gratuite pour une galerie d'art du centre, dont les locaux ont été construits en s'inspirant de l'architecture des bunkers. Après cette petite dose de culture je vais à l'auberge préparer mon sac car je pars le lendemain matin.

Puis l'après-midi je prends le train pour Wieliczka, petite ville à 20 minutes de Cracovie qui s'est spécialisée depuis le Moyen-Âge dans l'exploitation minière du sel. La mine est aujourd'hui visitable et c'est d'ailleurs devenu une attraction touristique majeure de la région: chaque année plus d'un million de personnes s'y rendent. Comme pour Auschwitz, j'ai pris mon entrée (dont le prix n'est pas salé du tout. lol) pour la fin de journée afin de ne pas me retrouver dans un groupe de 50 personnes. Car les visites se font en groupes et sont guidées: la mine s'étend sur 9 niveaux, 300 km de galeries et 300 mètres de profondeur. Il vaut mieux ne pas s'y promener tout sel (ça va durer pour toute la description de la visite je vous préviens). C'est non seulement intéressant, c'est surtout magnifique.

Par manque de matériel et de temps mes photos ne captent pas la beauté de l'endroit, j'utilise donc celles de leur site web. 

Entre une succession de couloirs sans fin, où le vent souffle jusqu'à nous bousculer parfois (c'est l'aération de la mine), s'élèvent des chapelles et des autels majestueux, entièrement taillés en sel. Sur la photo ci-dessus, la chapelle Saint-Kiga, nous pouvons apercevoir le sol taillé dans le sel, les escaliers, ainsi que les fresques religieuses sur les côtés taillées en relief. Les chandeliers sont en cristaux de sel. C'était tellement époustouflant que je n'ai pas pensé à prendre une sel-fie!

La Cène dans la chapelle St-Kinga où se célèbrent encore des messes régulièrement.

J'ai fait la visite avec un groupe francophone assez réduit, le guide, un plombier qui a travaillé plusieurs années en France n'a cessé de nous faire des calembours et de nous raconter des anecdotes historiques, sur la mine, mais surtout sur les relations franco-polonaises.

La descente s'est effectuée par les escaliers, comme du temps des mineurs, d'ailleurs les escaliers que nous empruntons sont ceux qu'utilisaient les derniers mineurs, authentique. Les tunnels que nous empruntons sont entièrement taillés dans le sel et consolidés par du bois (un des rares matériaux que le sel n'attaque pas, mais au contraire fortifie). Le sel a cette couleur sombre car il est mélangé à de l'argile, de la terre, mais aussi parce qu'il est très compact. Notre guide nous encourage à "goûter" les parois, nous restons un peu septiques vu le nombre de visiteurs qui nous ont précédés et qui ont du promener leur doigt mouillé pour y goûter le sel, mais finalement pour le faisons (en essayant de trouver le recoin qui a peut-être été épargné par la bave humaine). (Mon système immunitaire ressortira fortifié de cette visite)

Nous nous enfonçons toujours plus dans les profondeurs en empruntant des escaliers qui longent des chutes d'eaux, des lacs et des ruisseaux où la concentration en sel dépasse celle de la mer morte. Des patients viennent d'ailleurs dans la mine faire des cures pour les problèmes respiratoires car la qualité de l'environnement est exceptionnelle et la température est toujours entre 16° et 14°, donc supportable en toute saison (autant au sel-ciste d'hiver qu'au sel-ciste d'été).

On peut aussi voir les machines originellement utilisées pour faire remonter le sel, actionnées grâces à des chevaux (qui passaient leur vie dans la mine) ou des hommes (qui eux ont toujours été libres, il n'y a jamais eu de prisonniers ou esclaves dans les mines polonaises de sel m'apprend-t-on). Le métier de mineur de sel était très valorisé et très bien rémunéré car le sel était alors une richesse et une monnaie, l'exploitation du sel était et est toujours un monopole d'état.

Il y a même une salle de fête dans la mine, ainsi qu'un restaurant sel-service (le plus profond du monde).

La visite se termine et nous prenons un ascenseur minuscule à 4 étages dont les parois ne sont pas complètement closes, on sent l'air s'y engouffrer pendant que l'on remonte vers la surface dans l'obscurité presque totale.

Je prends mon train pour Cracovie: oui, cette fois j'ai vérifié les horaires.

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Dernières photos pas droites : Krakow by night 
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05/07

Après 3 heures de bus où je roupille sur mon sac j’arrive à Wroclaw, la « Venise de Pologne » (comme Bruges est la Venise de Belgique ou Hambourg la Venise de l’Allemagne, bonjour l’originalité).

Des canaux, une rivières, et des îlots sont la cause de l'appellation vénitienne.

C’est Kasia, étudiante en ingénierie qui m’accueille dans un appartement un peu délabré (c’était auparavant des bureaux) en plein centre-ville. « Mais attention il y a plein de rats la nuit dans la rue, là ça va ils dorment le jour ». Je dépose rapidement mon sac chez elle et elle repart bosser.

Ce logement est situé à quelques pas de la place principale, les immeubles colorés l’entourant rappellent un peu Varsovie. Wroclaw est une ville très étudiante qui a longtemps appartenu à l’Allemagne, mon hôte m’explique que cela se remarque dans le comportement des gens.

Alors que je me promène, l’étouffant soleil cède sa place à une pluie interminable. Commence alors pour moi une visite de toutes les églises de la ville pour me mettre à l’abri. Surtout qu’étant donné la chaleur j’ai laissé mon k-way chez Kasia et j’ai revêtu mon t-shirt le plus léger et sûrement le moins adapté à la visite de bâtiments religieux.

Ci-dessus: construction religieuses où j'ai cherché abri. 

Grâce à une légère accalmie, je cours jusqu’au marché central et je repère un milk bar pour déjeuner. L’endroit est épargné par les touristes, l’inconvénient est que personne ne parle anglais. Je me dis que ce n’est pas très grave, je commande des « pierogi » (ces raviolis aux champignons), ça ne demande pas beaucoup de communication. La serveuse m’adresse quelques phrases en polonais, je ne comprends que le mot « pierogi », j’acquiesce donc à coups de « tak tak » (« oui oui », vous avez vu je me suis améliorée en vocabulaire). Je récupère une assiette pleine de pierogi !...roses. Je me dis que soit les champignons ne sont pas très frais, soit ils sont au saumon. J’en goûte un. Ils sont à la fraise. Des pâtes à la fraise.

J’arrive difficilement à manger la moitié de mon plat, puis je continue à déambuler entre pluie et soleil.

Je rejoins Kasia vers 17h, je fais également la connaissance de sa colocataire Déborah, une italienne qui est restée après son erasmus. Entre elles, elles s’appellent piccolina à tout bout de champ ("petite" en italien), Kasia se cuisine des pâtes dans une poêle d’avant-guerre pendant que Déborah m’explique comment elle fait pour se déplacer en vélo tout en fumant et en parlant au téléphone (l’énorme croûte sur son genou m’avertit tout de même que la technique est perfectible).

Vers 18h30 des amis de Kasia l’appellent pour lui proposer de sortir boire un verre. A 18h55 nous sommes tous dans un bar en train de boire nos premiers shots. Il y aura 5 autres rounds avant 19h30. Les amis de Kasia, un couple qui étudie avec elle, connaissent tous les barmen des 3 bars où l’on se rend (le tout en moins de 40 minutes), ils commandent des mélanges qui ne sont pas dans le menu : certains shots nous sont servis en feu, d’autres avec un marshmallow dedans, certains sucrés, d’autres salés. Après que tout le monde ait payé une tournée aux autres (une tournée ne coûtant pas plus de 4 euros), nous prenons le tram jusqu’à un parc où des fontaines colorées s’agitent en musique. Puis nous longeons un canal jusqu’à un quartier assez calme et résidentiel. C’est dans une de ces charmantes maisonnettes que vit donc le dealeur de Kasia ! Cette dernière prend les commandes du petit groupe, et ressors de la maison quelques instants plus tard, son soutien-gorge rembourré d’herbes naturelles et homéopathiques.

C’est assis au bord du canal que les joints commencent à se rouler et que débutent les conversations philo-sociologiques. Le soleil se couche et les moustiques n’attaquent pas encore.

Le retour se fait calmement, uniquement perturbé par Déborah qui s’évanouit dans le tramway, ce qui provoque une effusion de « PICCOLINA PICCOLINA ». Elle revient à elle rapidement et nous rentrons à l’appartement où Kasia lui fait un sandwich à l’houmous-charcuterie-beurre. Nous allons nous coucher avant minuit. Mes deux hôtes travaillent le lendemain et j’ai mon bus dans la matinée pour Prague dans la matinée.

Il y a des statuettes de nain comme ça dans toute la ville, ma préférée: celle avec un tractopelle.  
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Charle's Bridge et les pédalos 

06/07

Mon auberge à Prague se situe à 20 minutes à pied du vieux-centre ville, dans l'arrondissement Prague 2. Bien que le personnel des lieux soit un peu effrayant (2 vieilles dames qui ronchonnent tous le temps, qui soupirent lorsqu'on pose une question et qui vous crient qu'il ne faut pas faire de bruit dans la cour devant l'entrée), l'hostel est accueillant. Bon, quelqu'un va quand même me voler deux soirs de suite des pêches que j'avais mis au frigo alors qu'il y avait plein d'autres fruits à prendre, mais c'est devenu une sorte de blague au sein de l'auberge.

Ma chambre sent un peu les chaussettes (sales) et je prends une initiative qui ne semble jamais avoir été prise avant: ouvrir les 3 fenêtres pour aérer. Après cette entreprise titanesque, un de mes camarades de chambre me demande à quelle heure ferme la bibliothèque technologique, au même moment ma deuxième roommate s'écroule sur son lit et nous fait subtilement comprendre de nous taire en nous informant qu'elle se lève à 3h du matin le lendemain. Je ne tarde pas à m'échapper de la chambre pour aller faire un tour en ville.

07/07

Il y a un moyen assez simple de reconnaître les monuments importants à Prague, ils se détachent du paysage par leur noirceur. En effet, le Charle's Bridge, les tours de la vieille ville, le château de Vyšehrad et quelques autres monuments semblent avoir échappé à un détartrage architectural.

La Cathédrale de Vyšehrad et son cimetière.

J'apprends aussi autre chose: Prague est la ville des statues...particulières. Les deux qui m'ont le plus marqué sont le cavalier à cheval sur un cheval à l'envers et les bébés rampants un peu partout dans la ville. La première représente Saint Wenceslas chevauchant un cheval retourné et attaché comme s'il venait d'être capturé. Elle se situe à l'intérieur d'une galerie marchande. L'on raconte que le jour où la République Tchèque sera gouvernée par des individus vertueux et que la population sera satisfaite de ceux-ci, le cheval sera dans le bon sens. Cela fait 17 ans que la statue est là! Pour ce qui est des bébés géants présents dans le parc Kampa et sur l'immense Tour de transmission de Žižkov, je ne sais pas ce qu'ils sont censés symboliser (ci ce n'est le malaise et l'incompréhension), mais caresser ou embrasser leur popotin porterait bonheur. Toujours dans la catégorie sculpture, nous avons la statue de Franz Kafka: une énorme tête recouverte de miroirs, dont les différentes parties bougent presque continuellement.

08/07

Le matin je rejoins un free tour que je croise par hasard. Cela me permet de découvrir des anecdotes historiques ou non sur la ville. Notamment sur l'horloge astronomique, une immense horloge datant du 15ème siècle qui non seulement donne l'heure, le moment de la journée, la position de la lune et celle des signes astrologiques, mais aussi à chaque fois que c'est l'heure pile, des marionnettes s'agitent grâce à des fils invisibles. Le guide nous en explique la lecture, il nous apprend également qu'il s'agit du 2ème monument considéré comme le plus décevant, après la Joconde! Lors de cette visite je rencontre également des gens fort sympathique avec qui je déjeune par la suite: entre les espagnoles parties en interrail après le bac, les mormones qui font du bénévolat en Roumanie, 2 australiens qui malgré les 25 années qui les séparent entretiennent un lien patriotique surprenant et une jeune américaine diplômée de biologie mais qui ne veut surtout pas approcher un microscope.

C'est d'ailleurs avec cette dernière, Lina, que je passe le reste de l'après-midi. Nous traversons la Vltava pour monter jusqu'au château de Prague (le plus grand d'Europe!), puis nous continuons à grimper pour arriver au sommet de la colline de Petrin. On peut y trouver une imitation de la pointe de la Tour Eiffel (assez crédible à mon avis), et de par son emplacement, elle est techniquement plus haute que la Tour Eiffel par rapport au niveau de la mer. "Nous aimons beaucoup les compétitions stupides" me confie un tchèque alors que j'essaye de comprendre la raison de la construction.

En redescendant vers les bords de la rivière, nous passons devant le John Lennon Wall. Depuis les années 80 ce mur est recouvert de citations et John Lennon et de lyrics des Beatles, aujourd'hui plusieurs centimètres de graffitis se superposent dans ce temple du selfie et de la mise en scène pour nouvelle photo de profil. Après avoir été temporairement emportées dans ce flux humain, Lina et moi nous posons sur les berges en écoutant de la musique live en sirotant des boissons fraîches.

Du coup j'ai essayé de prendre une selfie de nous deux, échec flou. 

De retour à l'auberge je croise mes 2 camarades de chambres suédois fort sympathiques (et sains d'esprit) avec qui j'ai dîné la veille. Erik et John sont adorables, pendant que l'un me demande si je suis au courant des dernières victoires de Malmö au football, l'autre m'explique une étrange pratique semi-nationaliste semi-satirique propre à la région de Scanie (Skåne en suédois), comté à l'extrême sud du pays, jouxtant le Danemark. Avec comme objectif de se détacher de la Suède, les skåningar (les habitants de la région) creusent régulièrement avec des pelles sur les frontières de la région pour se détacher du pays, et ainsi devenir une île et une nation entre le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède. Bien que tout ceci soit une blague, il arrive que l'on voie des gens creuser de temps en temps.

Après m'en avoir autant appris sur leur pays il ne peuvent que m'inviter à passer la soirée avec eux et avec un couple d'amis qui vient d'arriver à Prague. Bien que j'avais pour intention de chiller j'accepte l'invitation et me joins à ce quatuor de grands blonds souriants et enthousiastes où je vais légèrement tâche avec mes cheveux bruns non-coiffés. Je sympathise rapidement avec la jeune fille et le jeune homme, en même temps il faut avoir beaucoup de mauvaise volonté pour ne pas sympathiser avec ce groupe. Bien que je sois la seule à ne pas parler suédois, ils parlent tout le temps anglais, même entre eux, pour pas que je me sente exclue (<3). Je leur parle du projet que je mène sur l'identité européenne et cela les mène à avoir un grand débat sur leur identification personnelle, ponctué régulièrement de blagues. Nous sommes assis sur un quai au bord de la rivière, et dans un faux mouvement je fais tomber à l'eau la tablette de chocolat que je venais d'acheter, ce qui provoque une plainte générale et une grande compassion envers ma personne. Malgré ce dramatique événement le reste de la soirée se déroule très bien et nous avons l'occasion de tester le système de tramway de nuit de Prague pour rentrer. Avant de partir, je salue les deux voyageurs sur rails, je leur tends pudiquement ma main (j'ai compris qu'on était pas trop dans le contact physique), mais ils font fondre mon cœur en me prenant chaleureusement dans leurs bras. <3 <3 <3


09/07

Alors que le centre de la ville est situé à l'ouest de mon auberge, je vais plutôt explorer l'est ce jour-là. Après avoir enchaîné quelques parcs je me retrouve au pied de l'antenne-aux-bébés-terrifiants et décide de la laisser dans mon dos et d'aller vers le nord industriel de la ville.

L'horreur en deux images. 

Dans ce quartier presque pas touristique je découvre plusieurs chouettes endroits, comme un café où l'on ne paye qu'en bitcoins (tu peux cliquer sur le mot pour voir la page wikipédia Mamie chérie, mais pour résumer grossièrement, il s'agit d'une monnaie virtuelle qui possède son cours tout comme n'importe qu'elle autre money). Il y a aussi un imposant parc d'où l'on a une belle vue sur la ville et au sein duquel se trouve le "Beer Garden" (où le Paradis pour certains).

Je rejoins en début de soirée le groupe international que j'ai connu la veille. Les australiens choisissent un restaurant abordable où les espagnoles s'emportent contre une serveuse qui leur facture des bières supplémentaires. Tout ce petit groupe loge dans la même auberge, non loin de la mienne, et ils m'y invitent pour continuer la soirée, car à 22h presque tous les restaurants ferment ici, et nous n'avons guère envie de dépenser tous nos sous dans des bars. Je passe une bonne partie de la soirée à parler de féminisme et de cinéma avec 2 espagnoles, les australiens et un canadien rejoignent la discussion (discussion qui part un peu dans tous les sens à partir de 2h). Après avoir évoqué Freud la majorité du groupe abandonne ses facultés intellectuelles et s'en va dormir, ne reste plus qu'une espagnole, le canadien et moi. Etant donné qu'il est 4h30 je propose qu'on aille voir le lever de soleil dans un parc non loin de là. Puis je rentre à l'auberge vers 6h30 pour petit-déjeuner et dormir quelques heures.

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10/11

Vers 11h je vais me prélasser et lire sur un îlot au milieu de la Vltava, avant de me rendre à l'Institut Français où j'ai rendez-vous à 14h30 avec Amandine, chargée de la coopération universitaire, et qui a fait son mémoire sur l'identité européenne et le cinéma. Après une heure de discussion et prise de notes, je me considère assez en forme pour aller écrire à la Bibliothèque Nationale. Bon il s'avère que j'ai été trop ambitieuse et je rentre dormir quelques instants après.

Moi qui cherche ma sortie dans un tunnel de livres. 
13
La faune locale 

11/07

Je descends du train en fin de matinée, il est bientôt midi et Milan, le tchèque qui m'héberge pour une nuit, m'a donné rendez-vous à 13h pour que je laisse mon sac dans sa voiture. Au lieu de me fatiguer à porter 9kg sur le dos en faisant le tour de la ville, je m'assois pour lire pendant une petite heure. A l'heure convenue, je retrouve mon hôte, il a des obligations jusqu'à 16h30, donc je vais me balader seule.

Pour Brno il existe une carte use-it, ce sont des cartes de villes européennes faites par des locaux ou des jeunes voyageurs, elles se trouvent gratuitement dans de nombreux endroits comme les offices de tourisme ou les centre use-it (il y en avait un à Prague, je les ai dévalisés d'une dizaine de cartes faisant partie de mon itinéraire). Cette carte m'indique une ballade des principaux endroits du centre de la ville et leurs particularités surprenantes! Par exemple il y a plusieurs panneaux de signalisation parsemés dans la ville dont la tige métallique est aussi un tuyau ayant pour fonction d'évacuer la vapeur résultant des canalisations d'eau chaude. On peut donc croiser des panneaux qui "fument", ils les appellent en anglais les "smoking pipes".

Sur la place principale, dans un coin se dresse un imposant monolithe sombre dont les différentes parties tournent doucement. Les locaux le désignent sous le doux nom de "cock clock" (horloge bite, charmant n'est ce pas) à cause de sa forme. J'ai par la suite demandé à Milan comment on pouvait y lire l'heure, il m'a répondu que personne savait, pas même le créateur qui un jour a donné une explication qui ne colle pas.

Il y a également une statue d'un cavalier assis sur un cheval aux pattes démesurées. Lors de son inauguration les gens faisait la queue pour admirer les organes génitaux de l'animal, que le sculpteur avait mis en évidence.

Heureusement qu'au milieu de tout ça subsiste de la culture! Brno a notamment été la résidence du compositeur tchèque Leoš Janáček, ce nom sonnera peut-être à l'oreille de certains. Personnellement je l'ai reconnu car sa Sinfonietta est évoqué de manière récurrente dans la trilogie 1Q84 de Murakami.

Quand je retrouve Milan nous prenons la voiture pour qu'il me montre d'autres endroits aux alentours de Brno. Il suffit de faire quelques kilomètres pour trouver une forêt ou la campagne. Entre deux beaux points de vue pour prendre des photos il me montre l'ancien stade de football aujourd'hui abandonné. L'entrée est assez facile et bien que les gradins soient envahis de végétation, le terrain est entretenu: c'est un lieu d'entraînement pour quelques équipes. Et il y a moins d'un an, une célébrité du foot local a fait son match d'adieu dans ce stade, qui avait été presque remis à neuf par des bénévoles et par la municipalité.

Puis nous allons chez Milan. Il vit en périphérie, dans une rangée de maisons avec vue sur les champs de blés. La maison d'à côté est occupée par ses parents et ses 2 petits frères. Pendant qu'il me fait un tour rapide de son logement, une petite tête blonde déboule justement dans la cuisine, c'est Jacob, 10 ans. Totalement fan du Real Madrid il me détaille ses joueurs préférés et leurs derniers et futurs matchs, le tout dans un anglais très correct pour son âge.

Milan m'avait dit qu'il aimait bien jardiner, mais je n'aurais pas imaginé qu'il avait un jardin immense! Il m'en détaille toutes les cultures et son petit frère, comme un écho plus aigu, répète les noms des fruits et légumes. Pédagogique que je suis, je les répète au petit frère en espagnol. Ils me font également la visite guidée du jardin des parents à côté, entre les poules et la piscine j'ai ainsi l'occasion de goûter les fraises, framboises, abricots, tomates cerises...

Milan a invité Rob, un ami qui étudie à Prague mais qui est originaire de Brno. Milan, qui étudie le droit, prend mon projet très à cœur et il a voulu que je rencontre son pote le plus au point en termes de politique et d'histoire. Mais avant de nous lancer dans de grandes discussions et débats, il nous faut préparer le dîner. Milan a prévu un plat traditionnel de la région: des courgettes frites, du poulet, des pommes de terres à l'eau, accompagnés avec des tomates et des carottes, assaisonné de persil. A part le poulet, tout vient du potager familial!

Après l'atelier épluchage/rapage/presque-coupage-de-doigt-pour-Louise nous laissons Milan gérer la friteuse. (Oui, nous nous entourons de victuailles saines et locales, pour ensuite les baigner dans l'huile, nous savons). Alors qu'ils profitent des deux caisses de bières qui trônent dans le frigo, je bois du thé froid, provenant lui aussi d'herbes de jardin. Jacob est toujours dans le coin, et pendant que j'épluche des patates il m'énumère toutes ces connaissances d'anglais: ce qu'il aime, ce qu'il n'aime pas, son plat et sa couleur préférés, quelles sont les marques de voiture de la famille, ses jeux vidéos, les nouvelles fonctionnalités de FIFA 17, son sponsor préféré (je ne savais même pas qu'on pouvait en avoir un). Milan me raconte qu'une fois alors qu'ils regardaient un match de hockey, il a donné à son petit frère une bière light à 7% pour qu'il goûte, Jacob a tout bu en quelques instants et cela aurait causé une colère maternelle terrible.

Miam miam (à partir de là les photos sont prises avec mon téléphone, je ne voulais pas trop m'éloigner pour chercher l'appareil) 

Le repas est délicieux et nous resservons tous deux fois. Alors que Rob m'explique les différences culturelles entre la Bohème et la Moravie, Milan prépare son célèbre mojito aux blueberries. Je découvre qu'il a un talent caché pour la mixologie quand il enchaîne sur un mojito aux framboises. Avant de passer à la Piña Colada, Rob et lui me montrent une oeuvre dont ils sont fiers: la cave. Dans une des salles souterraine se trouve une table de ping-pong, mais non pas pour s'adonner au sport de salle, sinon pour des parties de beer-pong. Et tout autour, sur les 4 murs sans fenêtres de l'endroit, des centaines de capsules de bière forment le blason de la ville et le blason de Brno, ils ont aussi écrit le nom de la ville (Chrlice) et le numéro de bus qui y amène (63), enfin ils ont recouvert tout un mur du nombre "46" qui est leur porte bonheur à tous les 2. Ils me montrent aussi une salle que Milan voulait transformer en salon de thé, nous y découvrons 2 panneaux de signalisation: un arrêt de bus et une interdiction de stationnement. Milan est le plus surpris de nous 3 et se demande ce que ça fait là, avant de comprendre: c'est son petit frère de 18 ans qui les a piqué avec des potes et qui est venu les planquer ici. Morte de rire je lui demande comment ça se fait qu'il n'ait rien remarqué! Il me répond qu'il avait bien vu des jeunes démonter des panneaux, mais qu'il n'avais pas pensé que son frère en aurait fait partie... Je rigole devant l'absurde de la situation pendant encore de longues minutes.

Je reviens à mon rôle de testeuse de cocktails pendant que les deux tchèques me montrent des vidéos du journal télévisé national où le chef du gouvernement en visite en Russie est visiblement soûl et à deux doigts de vomir. On enchaîne sur une vidéo où il dit à Poutine qu'il faudrait liquider les journalistes alors qu'ils sont en chemin pour une conférence de presse, même Poutine a l'air gêné d'entendre ça.

Admirez le talent 

Vers minuit Rob repart chez lui, en espérant que le panneau d'arrêt de bus dans la cave n'est pas celui qui aurait dû lui servir à rentrer chez lui. Je ne tarde pas à aller dormir, pour être reposée avant de partir pour la Slovaquie le lendemain.

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12/07

Après être arrivée à mon auberge je traîne un peu sur l'ordinateur, je regarde où j'en suis par rapport au journal de bord, j'écris des cartes postales, je regarde combien de cartes j'ai envoyé et à qui (ceux qui ne les ont pas encore reçues, elles arrivent), je finis mon livre, avant de me décider à sortir.

Je monte jusqu'à un monument commémoratif de la Deuxième Guerre Mondiale d'où la vue sur la ville me permet de voir l'immense nuage de pluie qui s'avance doucement vers le quartier où je suis. Je continue néanmoins tranquillement ma balade en redescendant et j'arpente quelques rues et avenues avant de rentrer à l'auberge.

Je propose à mon camarade de chambre d'aller dîner quelque part, lorsque je lui dis mon prénom il devine ma nationalité qui est la même que la sienne, je suis surprise que l'on ait pas capté avant que l'on était français, nos accents ne sont pas si terribles que ça en fin de compte! Je mange donc une pizza avec Gaëtan, qui à partir de septembre compte partir voyager un peu partout. Il est à Bratislava depuis la veille mais il n'aime pas trop la ville, je lui dis que le vieux centre est au moins charmant et il me répond qu'il ne l'a pas vu. Il me montre les chemins qu'il a pris pour se balader et nous remarquons en effet qu'à chaque fois il a totalement évité le centre ville sans faire exprès. Sur ce, je lui montre le chemin le plus court pour arriver jusqu'aux rues historiques et tant qu'on y est nous prenons une glace, que nous mangeons sous un porche en attendant que la pluie passe, "super ton idée" me dit-il en rigolant.

Une (grosse) erreur s'est glissée dans ce compas, saurez-vous la voir? 

13/07

Je me fais une vraie balade en centre-ville de plusieurs heures. En tournant dans une rue touristique je tombe sur une statue d'un bonhomme sortant d'une bouche d’égout. Beaucoup de gens se prennent en photo avec et lui touchent le casque pour porter bonheur (les femmes peuvent également s'y asseoir et selon la légende elles tomberont enceinte dans l'année). Un panneau à côté de la statue préviens les camions et les voitures de faire attention. Cette statue n'a pas vraiment d'histoire si ce n'est d'attirer les touristes. Cela a été un besoin pour la ville et le pays, car il y a plusieurs années un film d'horreur sur des backpackers qui se faisaient couper en morceaux se déroulait fictivement à Bratislava, causant une chute de 71% dans le tourisme de backpackers. Le film était tchèque et aucun des producteurs n'avait mis les pieds dans la capitale slovaque.

Autre attraction qui gagnerait à être plus connue: une fontaine. Mais une fontaine qui les jours de célébration de couronnement (souvent fin juin) déverse 2 000 litres de vin rouge gratuitement. La vin slovaque d'ailleurs! Le pays a une production équivalente à celle d'un pays 3 fois plus grand, pourtant il n'y a presque pas d'exportation, le vin est consommé localement et réputé comme excellent! (Prochaines vacances Maman tkt)

Entre une statue de Napoléon accoudé à un banc, un boulet de canon de son armée qui est resté figé dans le mur d'une église et un groupe de croyants du culte Hare Krishna qui déambulent dans toute la ville en chantant, j'apprends une coutume locale qui a lieu le lundi de Pâques. La veille de ce jour férié les femmes cuisinent un gâteau traditionnel et les hommes partent dans la forêt tailler des petites branches (bon aujourd'hui ils vont les acheter au supermarché) (#DivisionSexuelleDuTravail). Puis le lundi matin, les hommes sont censés réveiller les femmes en leur balançant de l'eau froide dessus, "pour conserver leur beauté", et ensuite les fouetter avec les branches pour "leur montrer qu'elles sont belles, intelligentes, généreuses et au cœur bon", ensuite ils s'attablent et mangent le gâteau qu'elles ont cuisiné la veille et boivent un shot d'une liqueur traditionnelle. Tout se petit monde doit supposément aller à l'église ensuite. Mais les lundi de Pâques ressemblent plus à une journée où cette pratique se répète quelques dizaines de fois. Souvent on ne s'en tient pas qu'à une femme aspergée et chatouillée au bois, on essaye d'en fouetter le plus possible ! (si si) Et comme souvent le jour d'après les monsieurs ne se rappellent plus trop (fouetter quelqu'un = 1 shot), ils prennent des rubans aux madames pour le lendemain pouvoir compter combien de rubans ils ont. On m'explique que si on se fait mouiller et fouetter par plein de personnes, cela signifie qu'ils veulent que l'on reste belle et qu'ils nous trouvent gentille, intelligentes, au cœur bon, etc. "En fait c'est trop mignon"... En théorie on ne fait que cela aux femmes que l'on connaît, mais il y a déjà eu des cas où des touristes voyageant seules se sont retrouvées entourées d'une demi-douzaine de jeunes (et pas seulement) hommes qui l'aspergent d'eau et lui collent des coups avec des branches; déboussolées elles accourent vers les forces de l'ordre qui leur expliquent en rigolant que c'est une tradition #PayeTaThérapie. On remarque tout de même que chaque année autour du lundi de Pâques de nombreuses femmes disparaissent pour passer un weekend en Italie et ne reviennent que le mardi ou mercredi.

Après en avoir appris tant sur la culture Slovaque je déjeune avec Nick, un jeune étudiant britannique qui se baladait seul lui aussi: à 13h les amis avec qui il voyage dorment toujours. Je goûte des dumplings accompagnés de miel et de noix et je rentre écrire mon journal de bord.

L'église bleue de Bratislava (je trouve qu'on dirait un gâteau avec plein de crème) 

Le soir je traverse le Danube et découvre par hasard un festival en plein air sur l'autre rive. La vue sur Bratislava pleine de lumières est magnifique.

Qualité de téléphone pardon 

PS: Plein de personnes confondent Slovaquie et Slovénie (ça m'arrivait avant de commencer ce voyage), au point où certains touristes se promènent parfois avec le guide du mauvais pays en se demandant pourquoi ils ne trouvent pas le château de Ljubljana à Bratislava !

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Pour ceux qui n'ont pas le référence du titre cliquez ici.

14/07

J'arrive à Vienne avec un bus matinal et je me rends vers l'adresse du Airbnb où Liam et moi allons séjourner pour deux nuits. La zone où notre logement se trouve est le quartier de Neubau, pas totalement centrique mais très vivant et épargné par les nombreux touristes. L'appartement est très beau: haut de plafond, lumineux, on sent la bonne ambiance qui a régné entre les 4 colocataires dont 2 seulement sont présents, Delia et Joe. Un mur sert de tableau géant où est inscrit l'agenda de soirée et fêtes, sur un autre il n'y a que des snapchats drôles et inventives affichées, le tout couronnés de crânes de chevreuils dans des styles différents. Dans la salle de bain, toutes les brosses à dents usagées et non utilisées sont fixées dans un motif régulier au mur, et aux WC une grosse tarentule en plastique vous descend sous le nez lorsque l'on ferme la porte pour y entrer, alors que sur le mur du fond il y a une montagne de rouleau de PQ finis.

Donc il semblerait que le 4 juillet Joe ait fait une baignade. 

Je me rends au centre ville (10 minutes en métro) où je retrouve Gaëtan qui vient visiter la ville pour la journée. L'application Google Maps n'affiche pas le réseau de métros et bus ici, le jeune français avait donc commencé à marcher de la station de bus jusqu'à la ville (ce qui est bien plus d'une heure de marche) avant que je lui dise qu'il pouvait prendre le métro et ainsi s'épargner quelques kilomètres (ça faisait déjà 40 minutes qu'il marchait quand je lui ait dit).

Nous marchons un peu dans le vieux centre avant de s'attabler dans une taverne rustique mais abordable. Je commande une salade à 3€50 toute légère pour ensuite pouvoir prendre comme dessert une assiette de pancakes à la confiture (c'est des crêpes en fait #LesBretonsOntToutInventé). Après ce repas équilibré nous continuons notre balade en nous faufilant entre les multiples musées du Museumsquartier (qui du coup porte bien son nom n'est ce pas) et en nous réfugiant dans la Cathédrale Saint-Étienne de Vienne pendant qu'il pleut. Dès que le soleil pointe le bout de ses UV nous allons chiller au château de Schönbrunn.

Vers 18h30 Gaëtan manque de rater son bus, de mon côté de m'en vais retrouver Liam à l'aéroport. Son avion étant arrivé en avance, je suis celle qui arrive en retard. Nos retrouvailles sont pleine de joie et de cinnamonrolls.


15/07

Un des endroits que je souhaitais plus le voir pendant ce voyage est le Prater de Vienne: Stephan Zweig l'évoque dans de nombreuses nouvelles et romans. Ainsi le matin nous prenons directement le métro pour nous y rendre. L'endroit est très différent que ce que j'imaginais (en même temps si je l'imaginais tel qu'il l'étais dans la première moitié du 20e siècle c'est normal): c'est aujourd'hui en partie un parc d'attraction. Nous slalomons entre les stands de barbe-à-papa et de tirs à carabine avant que je ne convainque Liam de faire les petites chaises volantes avec moi. "Petites chaises", "petites chaises", il s'agit tout de même de l'attraction la plus haute du parc et je reconnais que mon enthousiasme a laissé place a un léger vertige une fois au sommet de la structure.

C'est haut. 

Alors que la tête me tourne encore pendant de longues minutes, nous nous rendons dans la partie boisée du parc, celle qui se rapproche le plus de ce que ce cher Stefan décrivait. Puis nous rejoignons le centre en passant par une pépite architecturale nommée Hundertwasserhaus, petite surprise inattendue qui détonne.

Dans le centre plus ancien nous enchaînons les placettes à statue, les placettes à fontaine, les ruelles étroites et les avenues de marques. Autre petit joyau: le passage Freyung. Que du marbre entre les cafés chaleureux.

Le temps manquait pour les musées (nombreux), surtout qu'ils ne sont pas abordables: il faut compter entre 15 et 17€ l'entrée pour certains.

Malgré la fine pluie nous marchons jusqu'à notre logement. L'ambiance de la ville me rappelle beaucoup Berlin, certainement que la langue joue pour les similitudes (surtout que tout comme à Berlin c'est Liam qui interagit à chaque fois qu'il faut parler avec un(e) serveur(se), un(e) commerçant(e), etc.

Le soir nous allons dîner dans un petit restaurant viennois discret à quelques mètres de l'appartement, recommandé par le voisin du dessous qui est venu prendre une douche parce qu'il n'a plus d'eau chaude et qui m'a interrompu alors que j'essayais de traduire les différents modes de lavages en allemand pour faire une lessive. Le repas est délicieux et le serveur, adorable, nous réapprovisionne même en sauce au poivre. Liam arrive à me convaincre de prendre un apfelstrudel (accompagné d'une boule de glace à la vanille et de crème fouettée) alors que c'est vraiment pas mon genre de manger lourd et en grande quantité...

Quand nous rentrons au logement, la soirée organisée par un des locataires semble bien partie. Il y a bien une vingtaine de personnes, bière à la main, qui papotent, avec une musique de fond techno. Ils sont presque tous habillés dans des tons foncés et motifs unis (j'apprendrais par la suite qu'il y a une tradition pour les étudiants d'architecture de s'habiller exclusivement en noir tout le temps, et il s'avère qu'une des coloc étudie l'architecture). Joe nous colle des bières dans les mains (je prétendrais de boire la mienne avant de la passer à Liam) et nous restons dans la cuisine à saluer les nouveaux arrivants. Un jeune homme nous aborde, il est suisso-turc ou turco-suisse et il échange quelques instants en suisse-allemand avec Liam pendant que je m'évertue à savourer de la bière autrichienne avant de me rendre à l'évidence que je n'aime toujours pas ça. Ils switchent à l'anglais pour m'inclure dans la conversation et le jeune homme nous apprend que beaucoup d'invités montent leur propre start-up et que lui-même va lancer la sienne bientôt. Sa bi-nationalité et son parcours me semblant intéressants j'essaye de l'interroger un peu sur son ressenti par rapport à l'Europe, surtout depuis son point de vue turc. Mais je comprends vite qu'il me calcule pas-du-tout et qu'il est trop focalisé à regarder longuement Liam dans les yeux et à se rapprocher de lui pour lui parler. Je les laisse donc discuter sur la Suisse et ses particularités, ils arrivent même à ne pas être d'accord sur certains points, c'est un peu drôle (surtout dans il dit à Liam qu'il trouve les suisses trop stricts et pas assez détendus).

Mine de rien il est déjà minuit et on est bien fatigués nous deux. Je vais me laver les dents alors que désormais ça carbure à l'alcool fort et je me mets en pyjama dans la chambre. La musique étant principalement composée de "POUM POUM POUM", ça vibre dans les murs et dans les oreilles. Cela n'a pas l'air d'être parti pour se finir au vu des variations de son: un coup la musique porte jusqu'au bout de la rue, à un autre moment ça s'en tient à l'appartement. Je mets mes fidèles bouchons d'oreilles et alors que l'on somnole Joe rentre dans la chambre sans prévenir pour nous demander si nous voulons aller clubber avec eux. Pas besoin que l'on réponde, il devine que nous sommes pas trop chauds. Pourtant ils vont tarder à partir, car nous nous endormons alors que la musique tonne toujours.


16/07

Nous nous réveillons dans un appartement silencieux (heureusement) et alors que je souhaite préparer mon sac pour ne pas avoir à le faire plus tard je réalise que mon linge sèche dans la chambre de Délia, et pour le moment elle dort, profondément.

Vers 10h nous sortons dans le quartier, petit-déjeuné un sacher cake, spécialité viennoise. Puis nous allons au château de Schönbrunn où nous dérivons dans les jardins fleuris.

Schönbrunn en 3 partie et du gâteau. 

Nous regagnons le quartier de Neubau pour déjeuner puis nous retournons à l'appartement. Délia est réveillée et pressée, nous la croisons alors qu'elle descend des cartons de bouteilles de bière vide. Elle a un train à prendre et elle a déjà préparé la chambre pour les prochains guests. Elle a même plié mon linge propre pour ranger l’étendoir.

Nos sacs bouclés nous partons du logement en croisant un Joe en pleine gueule de bois. "I hope we were'nt too loud yesterday" NON PAS DU TOUT.

Sur le seuil de la station de métro, Liam et moi nous quittons (y'avait ni joie ni cinnamonroll), puis je me dirige vers la station de bus à quelques pas de là, pour continuer mon périple vers le sud.

Bonjour il fait beau. 
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16/07

J'arrive à Graz en fin d'après-midi. Je suis censée dormir chez Floriant, un couchsurfeur, celui-ci étant parti randonner j'attends son retour en arpentant les rues de cette petite ville.

Je ne sais même pas trop pourquoi je me suis arrêtée ici. Je pense que je voulais voir autre chose de l'Autriche que Vienne, étant donné que Salzbourg et Innsbruck n'étaient pas sur mon chemin j'ai opté pour ce qui est quand même la 2ème plus grande ville du pays.

Je grimpe sur la colline où se dresse le château de Graz. J'essaye de lire ma carte use-it tout en faisant en sorte que mon sac à dos ne m'écrase pas les vertèbres, je rate donc logiquement une marche et mes genoux vont passionnément embrasser le sol (du coup maintenant mes bleus se mêlent à mon bronzage, c'est plutôt joli). Après qu'un gentil monsieur m'ait rapatrié mes lunettes de soleil et le cache de mon appareil photo qui s'étaient barrés pour aller vivre leur vie sur le pavé, je continue ma balade en hauteur.

Je croise un groupe de personnes pratiquant des danses autrichiennes traditionnelles, pendant qu'un autre groupe de personnes assis autour d'une chicha les regardent. Puis dans un autre parc je découvre une pratique locale: le Lazy Sunday, les dimanches des groupes locaux se succèdent sur la scène du kiosque du parc, l'ambiance est très familiale et multiculturelle.

Je me rends chez Florian, qui ne vit pas bien loin. Il vient d'emménager et ses colocataires sont en vacances. Nous préparons une salade et nous posons sur le petit bout de jardin qu'ils ont. Mon hôte est actuellement en stage chez Caritas où il fait de l'assistance juridique pour les migrants arrivés en Autriche. Il me parle des incongruités du système de traitement des demandes d'asile et de refuge: par exemple, l'organisation étatique qui rencontre les migrants et qui décide de leur sort dans un premier temps est constituée d'anciens salariés de la poste ou des forces de l'ordre, ils ne reçoivent aucune formation sur le sujet, parfois leurs décisions sont incompréhensibles, et certains des travailleurs sont connus pour ne jamais avoir donné un avis positif. Il m'explique que la législation par rapport à la migration en Autriche est répartie en 23 lois qui font référence les unes aux autres constamment, rendant la lecture extrêmement complexe. Selon lui l'Autriche est le pays où le processus d'accès au statut de réfugié est le plus difficile. Nous évoquons tout un tas d'autres thèmes comme la binationalité, le fait de se sentir appartenir à un pays VS le fait de ne pas être perçu comme tel. Puis nous rentrons dans la cuisine boire du thé et manger du chocolat noir quand il commence à faire un peu frais.

L'appartement a plein de détails surprenants: un lampadaire sponsorisé par une marque de bière, au moins 5 poubelles différentes pour le tri sélectif, un poster de Jésus devant les WC qui dit "You must be guilty of something".

Je vais dormir au moment où le tramway cesse de rouler, me permettant de trouver le sommeil sans que des vibrations emplissent la chambre.


17/07

Florian m'avait recommandé de prendre des céréales typiques d'Autriche qu'ils avaient à l'appart pour le petit déjeuner. C'est un mélange de muesli et de petits bouts de gaufres, c'est complètement addictif.

Je pars à 10h30 et m'en vais prendre un bus, qui aura 45 minutes de retard, mais c'est normal sachant que le billet était le plus cheap que j'ai trouvé.

17

17/07

Ljubljana est une petite capitale dont on sent déjà l'influence méditerranéenne. Les vélos se croisent en tintant dans les ruelles biscornues et entre les larges terrasses de restaurant. Comme dans presque toutes les bourgades européennes, un château est perché sur un point plus ou moins surélevé. Je m'y rends, en essayant de ne pas me gameler à nouveau.

Après avoir fait le tour de la propriété, je m'assois pour écrire quelques cartes postales, puis mon regard tombe sur un ensemble modulaire représentant nos (peut-être) futures habitations écologiques. On peut en visiter l'intérieur. On accède aux étages avec des échelles en bois, c'est très apaisant d'être dans une grosse boîte en bois avec vue sur la ville.

Sur une des places centrales de la vieille ville, un système d'irrigation placé en hauteur fait pleuvoir sur un cercle de quelques mètres de diamètres. Les enfants s'amusent à sauter entre la zone sèche et la zone humide, des gens à vélo y passent rapidement pour se rafraîchir et des panneaux entourent la zone pour prévenir que c'est une "zone pluie".

La rivière Ljubjlanica passe sous une série de ponts qui relient les parties du centre. C'est dans cette rivière que l'on aurait trouvé la pluie vieille roue au monde. C'est bien la peine de découvrir la roue si c'est pour la jeter dans l'eau! La ville a également un beau parc, le Parc Tivoli. Malgré le nom celui-ci n'a rien à voir avec le parc de Copenhague éponyme.

La nuit un des ponts piéton s'illumine de LED, ce qui a comme particularité d'attirer tous les moucherons/moustiques/bêtes-qui-volent, tout ce petit monde se retrouve coincé sur des toiles d'araignées savamment tissées. Il n'en reste pas moins que c'est un peu le pont de l'horreur by night.

Le dragon, symbole de la ville, que Jason aurait pourfendu. 

A chaque coin de rue il y a un musicien ou un groupe ambulant qui joue. Dès qu'on s'éloigne d'une source de son, au moins 2 autres viennent empiéter sur le brouhaha ambiant.

18/07

Vers 9h je prends le bus pour Bohinj où il y a un des plus beaux lacs du pays. Le trajet dure 2 heures, et sur le chemin le bus fait un arrêt à Bled, où il y a également un lac. Celui-ci est tellement populaire que l'endroit s'est transformé en cité balnéaire.

Bohinj se trouve dans le parc naturel de Triglav. Plein de randonnées parcourent l'endroit et j'en choisis une après avoir bouquiné un peu au bord de l'eau. Il y a du monde sur les rives, mais ce n'est pas une foule. Des parapentes survolent les baigneurs, parfois agrémentés de quelques cris lorsque les moniteurs font faire des piqués au parachute.

Après avoir demandé à 4 groupes différents si j'étais bien sur le bonne voie pour faire la randonnée des gorges de la Voje, je traverse le petit village de Stara Fuzina jusqu'à arriver au début d'une montée. Je me suis peut-être légèrement trompée 2-3 fois de chemin mais je fais la randonnée sans soucis. Je longe et passe au-dessus de cours d'eau cristallins, je marche au milieu de pâturages déserts à l'exception de petits chalets en bois dont on entend parfois de la musique sortir.

J'arrive jusqu'à une cascade, c'est la fin de la randonnée. Au retour je m'arrête lorsque je trouve un accès à la rivière. Il fait très chaud et je rentre dans l'eau sans trop de difficultés, mais au bout de quelques instants je réalise qu'elle complètement est glaciale et me dépêche d'en sortir. Une famille belge me félicite de mon courage, je souris et essaye de ne pas montrer que le froid me pique les membres, j'ai une réputation bretonne à tenir.

Épuisée par la balade de plusieurs heures je vais à l'arrêt de bus. De retour à mon auberge je prends une douche et je m'assois dans un des canapés de la salle commune, en attendant 1h15 du matin, l'heure à laquelle mon bus pour Sarajevo part. Entre écriture du carnet de bord et discussions avec d'autres voyageurs je vois un petit garçon de 5 ou 6 ans errer nu dans le couloir. Il nous parle en allemand et on comprend qu'il est un peu perdu. Je me lève pour l'emmener à la réception, histoire de trouver son tuteur, là-bas on me répond "So there is a naked german kid lost in the hostel haha ? I don't know to whom he belongs". Devant tant de mobilisation je l'emmène dans la cuisine, la laverie, la terrasse et le jardin, puis je me décide à trouver un germanophone. Le premier qui me tombe sous la main est un espagnol qui vient d'arriver avec sa mère (la sienne, pas celle du gamin) garée en double file devant l'auberge. Il prend tout de même le temps de lui demander dans quelle chambre il est. J'y emmène le petit garçon, qui devant la chambre vide et plongée dans le noir commence à fondre en larmes. Ne sachant pas trop quoi faire je m'assois par terre en le regardant et en essayant de dire des mots qui sonnent doux en français (comme "mon petit chat", "poutiou poutiou"). Puis, sortie de nulle part sa maman arrive et le prend dans ses bras, elle me congédie avec un "thanks". Je ne pense pas qu'elle se doute que son fils a traversé l'hostel en long et en travers tout nu et en crocs.

18

19/07

1h15: j'embarque dans le bus qui m'amène à Sarajevo, le voyage durant 11h je me dis que je pourrais tout de même dormir la majeure partie du trajet. Je m'installe avec mes écouteurs en guise de bouchons d'oreilles, mon masque d'avion sur les yeux (je suis ce genre de voyageuse sexy), une écharpe pliée comme coussin, un petit gilet gris sur les épaules pour ne pas avoir froid et mon kway sur les jambes comme couverture. Je m'endors facilement...

3h30: Je suis tirée du sommeil par le chauffeur du bus qui passent en criant dans l'allée centrale du bus pour nous réveiller. Je ne comprends pas ce qu'il dit étant donné qu'il ne parle pas anglais, puis il s’exclame "PASSEPORT PASSEPORT". Je prends le mien et je rejoins les autres passagers qui sont descendus du bus. Nous marchons jusqu'à un premier poste de douane de la frontière Croate où les douaniers nous scrutent longuement. Je suis légèrement jalouse d'une voyageuse Sud-Africaine car elle a droit à un tampon dans son passeport et pas moi. Nous discutons un peu, nous avons un point commun crucial pour ce voyage: nous sommes les deux seules du bus qui ne parlent pas bosnien/croate/slovène.

3h45: Nous remontons dans le bus. Je remets mon attirail "sommeil". 10 minutes plus tard le bus avance de quelques mètres avant que le chauffeur fasse une annonce au micro (incompréhensible pour moi et la Sud-Africaine, Robin). Nous voyons les autres passagers redescendre donc nous faisons de même. Et rebelote un autre contrôle.

4h: Une fois tout le monde à bord, le bus repart et je me rendors comme je peux.

5h55: De nouveaux des cris et remontrances pour ceux qui prennent trop de temps pour mettre leurs chaussures et descendre du bus (moi notamment). Nos passeports en main nous marchons jusqu'au poste de frontière bosniaque, où un douanier demandera à Robin qu'est-ce qu'elle vient faire dans le pays, quand celle-ci répond qu'elle vient en vacances il lui demande "but...why?".

6h10: Je me rassois, un peu blasée par la brutalité de ces passages de frontières. Quelques minutes plus tard, les policiers nationaux montent dans le bus pour re-vérifier les documents d'identité. Ils prennent celui de Robin et repartent avec, avant de lui ramener quelques instants plus tard. Tant bien que mal, je trouve le sommeil.

8h20: Je me réveille sachant que je n'arriverai pas à me rendormir. Je lis un peu, écoute de la musique, essaye désespéramment de me connecter au wifi du bus (surtout pour demander à mon couchsurfeur où vit-il).

9h: Un des chauffeurs du bus vient me voir parce que j'ai mon billet de bus sur mon téléphone, et non pas imprimé, et qu'il a besoin que je lui envoie le PDF. Vu qu'il ne parle pas anglais, une voyageuse joue l’interprète. Je suis un peu saoulée parce que j'ai déjà pris cette compagnie pour faire d'autres trajets auparavant dans ce voyage et qu'on ne m'a jamais embêtée avec ça. J'essaye par SMS, puis par Bluetooth, ça ne marche pas. Il n'y a pas d'adresse mail à laquelle je peux l'envoyer, je propose de l'envoyer par whatsapp, le chauffeur veut que je lui envoie par Viber. Je demande à l’interprète improvisée de traduire qu,e vu que l'on n'est plus dans l'Espace Economique Européen, je me prend des frais de roaming et que, non, je ne vais pas me prendre du hors forfait pour télécharger son application. Finalement je l'envoie par whatsapp à un numéro qu'il m'indique, qu'il appelle par la suite pour confirmer la réception du billet. Il ira embêter Robin pour la même raison, mais celle-ci s'économise les essais bluetooth/SMS/mail.

11h15: Nous arrivons en avance à Sarajevo. Avec Robin nous cherchons la station de tramway, elle pour aller en centre ville et moi pour aller à Ilidza, quartier en banlieue où vit Farud, le couchsurfeur qui m'héberge pour la nuit. Nous trouvons un arrêt où attendent 2 autres voyageuses. Quelqu'un leur a dit que le tram n°1 passait par là, et qu'il emmenait au centre-ville. Nous avons aucun moyen de vérifier car les arrêts n'ont pas de panneaux ou de plans des transports de la ville (c'est comme ça partout, même en centre ville). Les 2 jeunes filles ont déjà fait le tour des cafés et lieux publics pour trouver du wifi, sans succès. Et personne ne parle anglais.

Je retourne à la gare routière pour trouver un accès à internet et regarder sur Maps comment arriver à ma destination. Je fais des captures d'écran et me mets en route pour trouver le tram n°3. Celui-ci arrive rapidement, et c'est parti pour un voyage dans le temps: les trams ont plusieurs décennies pour sûr et tremblent dans tous les sens quand ils se mettent en marche.

12h15: J'arrive dans le quartier de Farud et j'essaye de capter de la wifi quelque part pour le contacter (mes récit vont dorénavant comporter beaucoup de moments où je cherche une connexion internet). Il prend du temps pour me répondre pendant que je jongle avec 5 réseaux différents, avant de m'indiquer le lieu où je dois me rendre: le restaurant Dingospo. J'ai assez de wifi pour envoyer des messages mais pas pour voir l'itinéraire sur maps, je demande donc à Liam de me trouver le chemin et de me l'envoyer: en parfait Operations Center il me l'envoie quelques instants plus tard.

L'itinéraire n'est pas bon car maps s'est trompé dans la localisation du restaurant. Je demande donc à d'autres restaurateurs où se trouve-t-il. Dans toutes ses pérégrinations j'ai l'occasion de visiter le quartier populaire qu'est Ilidza: entre ses boutiques de voiles et les marchants ambulants qui étalent à même le sol jouets pour enfants, slips pour hommes et livres d'histoire.

12h40: FINALEMENT j'arrive au lieu de rendez-vous, je trouve Farud qui m'explique que c'est le jour d'ouverture du restaurant qu'il tient avec son meilleur ami, il me propose de m’asseoir et d'attendre mon plat car il m'offre le déjeuner. La playlist des lieux est composée à 75% de reggeaton donc je ne me sens pas trop dépaysée. Farud vient me demander si je préfère du poulet ou de la viande, ce n'est pas le moment d'affirmer mes convictions alimentaires.

13h: Farud arrive avec un plat de poulet épicé au fromage que nous partageons tout en buvant du thé turc. Puis il m'amène un bol de soupe. Tout est très bon! Mon hôte m'explique que c'est son colocataire qui a les clés de leur appartement et qu'il ne rentrera qu'en fin d'après-midi. Moi qui rêvais d'une douche je me contente de me laver les dents et mettre mes lentilles dans les toilettes du restaurant. A partir de 14h Farud accroche son tablier de cuistot pour aller travailler dans son salon de coiffure qu'il ferme à 21h. Je prends donc quelques affaires et je vais faire un tour dans Sarajevo.

Hhhmm la bonne qualité téléphone. Le bol à gauche c'est une boisson faite de yaourt et d'eau! 

14h: Un féroce mal de ventre me prend alors que je suis dans le tram pour aller au centre-ville. J'imagine que c'est l'effet de la chaleur, de la nourriture épicée et du fait que je n'avais rien mangé depuis le déjeuner de la veille. En attendant que ça passe je me fais passer pour une cliente d'une auberge de jeunesse située dans le vieux centre pour squatter leur salle commune, leur wifi et leur eau fraîche.

15h: Je fais la connaissance de Sheriff, un jeune new-yorkais digital nomad qui est en conférence téléphonique avec ses collègues, il mute son micro pour discuter avec moi et n'écoute la conversation professionnelle que d'une oreille, dès que son nom y est prononcé il réactive son micro pour lâcher un "yeah sure". Il m'avoue que personne à son boulot ne sait qu'il est en voyage, ils le croient tous à Manhattan, et vu que son boulot dans la finance requiert une dizaine d'heure de travail hebdomadaire il se permet plusieurs fois par an de faire des voyages de plusieurs mois. Un ami à lui arrive, Richard, un étudiant en bio-chimique qui veut se réorienter vers le commerce du vin. Il me propose de venir à un free tour de la ville débutant à 16h. Me sentant mieux j'accepte.

Comment savoir s'il fait trop chaud à Sarajevo ? Personne ne joue aux échecs géants. 

16h-18h: La balade est très intéressante et instructive. Nous en apprenons beaucoup sur l'assassinant de l'archiduc François Ferdinand (en anglais Franz Ferdinand, comme le groupe, je n'avais jamais fait le rapprochement), sur le siège de Sarajevo, mais aussi sur la cohabitation de cultures différentes entre musulmans, orthodoxes et juifs. Une belle histoire: pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors que les nazis détruisaient les témoignages de la culture juive dans le pays, le rabbin de Sarajevo avait demandé à l'imam de la ville de cacher l'Haggadah de la synagogue, un texte religieux vieux de plusieurs siècles, celui-ci accepta et l'Haggadah passa plusieurs années rangé entre deux corans dans une bibliothèque musulmane de la région.

La visite nous emmène entre le vieux centre et le nouveau, dans la cour d'une mosquée, et sur les traces de la guerre qui a duré 3 ans. Le guide nous montre ce que l'on appelle les roses de Sarajevo: ces traces d'obus sur le sol peintes en rouge. Il a grandit pendant les affrontements et il est capable de nous dire de quelle direction est venu l'obus qui a fait telle marque, et il nous montre l'effet des shrapnel sur la chair humaine en nous désignant rapidement ses cicatrices. Il nous raconte les anecdotes liées au couvre-feu, aux rationnements, à la consommation du café et la manière dont on le prépare traditionnellement.

Dans la lumière de l'après-midi, entre la fumée des cuisines et les senteurs de chichas, la ville m'apparaît comme merveilleuse. Dans les ruelles piétonnes, les bars et cafés ont leurs bancs recouverts de coussins, il faut slalomer entre les tables basses et les petites boutiques touristiques.

18h: Je continue de me promener après la fin de la visite, me sentant très inspirée en photographie.

19h30: Je regagne l'auberge pour profiter de la connexion internet et préparer la suite de mon périple: réservations d'auberges, tickets de bus. J'ai même le culot de demander à un gars de la réception s'il peut m'imprimer mon ticket pour le lendemain!

21h: Après avoir discuté avec d'autres voyageurs (dont Robin qui séjourne ici) je rentre chez Farud car je suis exténuée. Celui-ci vient de finir sa journée et me présente sa sœur adoptive, une joueuse de foot qui n'a pas la langue dans la poche, et ses 2 colocataires. Ils m'invitent à sortir avec eux mais après avoir pris une douche je n'ai qu'une envie: dormir.

22h: Après leur départ je regarde le premier épisode de la nouvelle saison de Game of Thrones, puis je m'endors dès que mon ordinateur s’éteint.

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20/07

Après mon réveil et ma toilette je retrouve Farud au restaurant. Il m'invite à manger avec son associé et ses amis. Nous sommes 5 autour du petit-déjeuné turco-kurde, nous piochons dans les différentes assiettes, directement avec du pain. Farud et son ami avec qui il tient le restaurant sont turcs, mais avant d'arriver en Bosnie Farud a vécu en Irak. Quand je lui demande ce qu'il préfère à Sarajevo il me répond que tout, car comparé à l'Irak tout est beaucoup mieux ici.

Vers 11h Farud a rendez-vous avec leur avocate pour un thème lié au restaurant, il me dépose donc en centre-ville. Je me rends à la mairie, qui est aussi en partie un musée. Il y a une exposition sur l'artiste Mersad Berber et sur l'histoire de Sarajevo depuis 1914. Les œuvres s'apprécient d'autant plus que le lieu est magnifique.

Un peu après 13h je marche un peu dans la ville puis je m'assoie sur une de ces banquettes moelleuses, à l'ombre, qui invitent au repos, pour écrire mon journal.

Je vous ramène des souvenirs ? 

PS: Je poste une carte postale de tous les endroits où je vais, sauf à Sarajevo, il n'y avait aucune carte qui retranscrivait réellement la beauté de la ville.

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20/07 :

A 16h je prends le bus pour Mostar depuis la gare routière de Sarajevo. La chaleur ambiante me fait sentir que je suis bien au sud. Après un peu moins de 3h de route nous arrivons à Mostar, à la descente du bus je vois une vieille femme tenant une pancarte « Hostel Dada », celui-là même où je dors cette nuit. La dame s’avère être la gérante des lieux, Dada, et comme il est ardu de trouver son auberge, elle vient chercher les gens à la station de bus. Et pour cause, son hostel est en fait son appartement donc elle transformé 2 chambres en dortoirs. Je me dis que en même temps pour 6€ la nuit petit-déjeuner inclus, ce n’est pas surprenant. D’ailleurs le petit-déjeuner est à 9h, « tous ensemble » me dit-elle, j’avoue c’est choupi.

Je vais donc faire un tour dans Mostar, dont le centre-ville et son fameux pont sont à 10 minutes à pied de mon logement. Dès que l’on arrive dans les antiques ruelles biscornues, l’on est happé par le flot de touristes qui convergent tous vers le pont. Sans compter sur les groupes qui se forment autour des glaciers et des échoppent vendant des foulards garantis Louis Vuitton ou Burberry.

A part le pont principal (dont la liste de donateurs est fièrement affichée sur un muret, et dont la liste de non-donateurs est répétée régulièrement par les locaux), Mostar est composé de bâtiments bien conservés qui s’entassent autour de petits cours d’eau rejoignant la Neretva et dont les terrasses forment une mille-feuille de restaurants et cafés. Mais à l’écart de ces rues aux pavés lisses et glissants, de grandes constructions en ruines, envahies par la végétation, côtoient les cimetières du centre-ville dont les tombes sont presque toutes marquées de l’année 1993.

C'est une tradition de sauter du pont (une vingtaine de mètres de hauteur en été), et on peut y voir des slips de bain accrochés. 

Alors que je me reposais à l’ombre près de la version miniature du pont Stari most, je sympathise avec une jeune australienne, Phoebe, et un jeune américain, Nonoi, ils me proposent de dîner avec eux et j’accepte volontiers. Nonoi a besoin d’imprimer un document avant le lendemain, je les accompagne donc à leur auberge qui est assez centrique. En attendant qu’il fasse fonctionner l’imprimante, je vais m’assoir dans la cour intérieure de l’hostel avec Phoebe. Je me connecte au wifi des lieux pour regarder ce que je souhaitais voir à Mostar, lorsque je reçois un mail m’indiquant que mon trajet pour Kotor du lendemain a été annulé dû au fait qu’il n’y avait pas assez de voyageurs. Bon je panique un peu parce que ce que j’avais réservé était un transfert, c’est-à-dire un véhicule pouvant transporter une dizaine de personnes qui relie Mostar à Kotor en 4h, alors que les lignes privées de bus régulières prennent…9 heures. Pour 190km de distance. En plus ces bus partent à 7h du matin, donc c’est un peu rapé si je veux découvrir un peu la ville et la région. Les transferts sont aléatoires, ils dépendent du nombre de personnes intéressées, de la saison, de l’horaire qui convient le plus, etc. Je demande à la gérante de l’auberge où je suis si elle connait des plans de transfert pour le lendemain, elle contacte quelqu’un de son réseau et me conseille d’aller tout de même voir à la station de bus s’il n’y a pas des lignes spéciales ou qui partent à d’autres heures. Elle me prête son vélo et me voilà en train de pédaler à contre-sens dans les pentes de Mostar alors qu’il fait 33°. C’est presque si je ne déboule pas en bicyclette dans les guichets de la gare routière, pour que l’on ne m’apprenne que ce que je sais déjà. Je repars rendre le vélo et me dépêche jusque devant une agence de tourisme en pleine rue bondée où j’avais cru apercevoir un panneau indiquant des horaires de transfert pour le Monténégro. Je monte précipitamment les marches menant au bureau, situé à l’étage d’une petite maison dont le rez-de-chaussée est une boutique de magnets et cartes postales. J’explique ma situation au trentenaire, Emir, qui est de [] jusqu’à 21h30. Il semble sincèrement désolé pour moi, surtout en m’annonçant que leur transfert pour le lendemain est plein… Il contacte néanmoins un de ses contacts tout en m’apprenant que l’entreprise qui devait faire mon transfert n’a pas de licence et est complètement illégale en Bosnie. Bon, c’est déjà ça. Il me dit de revenir dans 15 minutes le temps que son contact sache combien de personnes sont intéressées. Je vais donc prendre quelques photos de Mostar de nuit en essayant de ne pas trop me prendre la tête avec cette histoire.

De retour à l’agence, Emir me dit que je devrais avoir la réponse avant minuit et il me met en contact avec sa connaissance. Il m’apprend aussi qu’il y a un bus qui fait le trajet, certes en 9h, mais qui part à 16h, donc ça me permet de profiter un peu plus de la ville et ses alentours. Il est très embêté que l’on m’ait fait faux bond comme ça, et alors que je lui demande où me recommande-t-il de dîner ou juste un endroit sympa pour se détendre, il me demande si fumer un joint avec vue sur la vieille ville me conviendrait. Ma foi oui.

Il est 21h30 et il roule tranquillement son spilt en m’expliquant que c’est la meilleure qualité du coin, puis il ferme l’agence. Nous éteignons les lumières pour que les gens ne nous voient pas, car il semblerait qu’autant fumer de l’herbe est totalement toléré en hiver, c’est formellement interdit en été. Assis sur le comptoir on aperçoit directement les vieilles tours et les minarets des mosquées. Il est musulman et je lui demande si l’énorme croix de 33 mètres de haut érigée sur une des collines de Mostar ne l’offense pas trop. Etant donné que les religions cohabitent ensemble ça ne me semble pas très correct pour l’une d’entre elle d’afficher un symbole sans que les autres puissent le faire. Il me répond que sa famille est un tiers musulmane, un tiers orthodoxe et un tiers catholique, donc que pour lui ce n’est pas trop un problème. Nous continuons de discuter et je découvre qu’en plus d’être très fan de son pays (le meilleur au monde selon lui, avec de superbes montagnes et plages (le pays a environ 4 km d’accès à la mer)), il est également adorateur du communisme : d’ailleurs il part en vacances uniquement dans des pays ayant eu un passé non-capitaliste. Après presqu’une heure de discussion sur la politique et la religion, la faim l’emporte et il m’indique un bon restau abordable avant de nous dire au revoir.

Après mon dîner, je m’offre une glace et je vais m’assoir en contrebas du pont, sur de grandes marches en pierres où les gens ont l’habitude de traîner. Je déguste mon ananas-Ferrero rocher quand un homme me demande s’il peut s’assoir à « côté » de moi, côté étant à 2 mètres de moi. Nous échangeons sur les saveurs de nos glaces et il devine à mon accent que je suis française (damnit). Je vois au sien qu’il est d’un pays hispanophone mais ne saurait deviner lequel, lorsqu’il me dit je bondis presque de surprise : Cuba ! C’était en effet un voisin de la bodeguita del medio avant de s’installer à Oslo il y a 10 ans. Je lui raconte brièvement mon voyage à Cuba en avril et nous dérivons sur l’histoire de la Bosnie-Herzégovine. Mon compagnon de glace m’apprend que le niveau de vie en Yougoslavie était comparable à celui des pays occidentaux, avec peut-être même plus de services assurés par l’état. Et que l’habilité de Tito a justement été de ne se déclarer ni du bloc Ouest ni du bloc Est. Un peu avant minuit nous rentrons dans nos auberges respectives.


21/07/17

Je me réveille avec le son des œufs battus pour en faire des omelettes. C’est Dada qui fait les petit-déjeuners et nous discutons autour de la table entre voyageurs. Avant 10h je vais à la station de bus, acheter mon billet pour Kotor et aussi pour prendre le bus pour Blagaj, une petite ville à une vingtaine de minutes. Je demande à 2 personnes du coin où se prend se bus et l’on me répond que « oui oui, il va arriver ». Ce n’est que la 3e personne à qui je demande qui me dit qu’il faut prendre ce bus à un autre endroit. Le bus est à 10h et il est 9h59.

Mon sprint matinal me fait arriver à temps et quelques instants plus tard je descends à Blagaj. L’endroit est surtout connu pour une maison de Dervish datant du Moyen-Age, surplombant la source de la rivière machin, dont l’eau et si pure que l’on peut la boire à même le ruisseau.

L’endroit a quelque chose de bucolique, et lorsque je fini la visite je m’assoie au bord de l’eau pour lire en attendant le prochain bus.

De retour à Mostar je fais une balade, diurne cette fois, avant de manger une salade, attablée à côté d’un groupe de colombiennes qui parlent en criant. Mon bus étant dans 2 heures, je dépense mes derniers sous en monnaie locale en timbres et en sorbet citron, puis je rentre préparer mon sac et prendre une douche chez Dada.

Depuis tout à l’heure je suis sur la route pour Kotor, nous tournons sans cesse sur les routes de montagnes aux vues imprenables. L’aride et la forêt se succèdent entre nos escales dans des bleds paumés où je suis incapable de trouver un sandwich à grignoter.

Je n’y suis pas encore, mais je vais tout de même écrire que nous arrivons à Kotor à 1h du matin (en espérant que ça soit le cas) (mise à jour: oui je suis arrivée à 1h).

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22/07

Je suis arrivée vers 1h30 du matin dans mon auberge située dans le vieux centre de Kotor, une petite ville sur la côte du Monténégro. Au moment où j’arrive à la réception je suis témoin d’une altercation entre un des employés et un voyageur, ça se crie dessus et ça se menace de mettre en ligne des mauvaises appréciations sur l’endroit. Le client part en claquant les portes et le réceptionniste se met en tête de m’expliquer la situation et en quoi l’autre a tort alors que clairement je m’en moque royalement et j’ai juste envie de dormir.

Une fois qu’il m’ait scrupuleusement montré où se trouvaient mon casier, ma serviette, mon lit, les toilettes, les douches et la cuisine, je m’écroule dans mon lit. Il faut une chaleur pesante, celle qui fait transpirer alors que l’on ne bouge pas et qui fait dormir sans draps.

Je me lève vers 10h et m’en vais à la recherche d’un super marché pour m’acheter de quoi petit-déjeuner. La vieille partie de la ville est charmante et il ne fait pas encore trop chaud pour profiter de la balade. Je reviens avec des céréales et une petite brique de lait, je m’attable à côté de danois qui mangent leur muesli avec du yaourt bio et saupoudré de morceaux de fruits frais. Ils regardent d’un air curieux mon paquet de « Mini-Cini » : des petits carrés de céréales noyés dans le sucre et la cannelle. Devant tant d’émerveillement je leur en propose pour goûter et m’amuse devant leur surprise lorsqu’ils les mangent (ils ont sûrement du diabète maintenant, les pauvres).

Je ne reste qu’une nuit dans l’auberge donc je dois faire le check-out avant 11h. Je me douche et prépare le petit sac que je vais utiliser la journée. Je demande à la réception s’ils ont un endroit où l’on peut laisser les sacs, une des filles me répond positivement en me demandant 3€ pour le service. Je les lui donne avant de voir que leur « luggage room » est en fait la table dans le couloir de l’auberge. Ah.

Je suis prête à partir lorsque je croise John et Erik, les suédois de Prague ! Même si on savait qu’on allait se recroiser, on est super joyeux et les embrassades sont au rendez-vous. Je les accompagne acheter de quoi manger, puis ils me suivent jusqu’à un arrêt de bus pour aller à Perast, un village à 30 minutes de Kotor. Dans le bus nous rencontrons deux hôtesses de la compagnie Emirates en vacances, elles sont absolument adorables et je passe tout le trajet à parler avec elles. La chaleur est étouffante et je vérifie de temps en temps que mes deux compagnons ne regrettent pas de m’avoir suivie.

Quand nous descendons du bus nous savons que les 40 minutes de four sur roues valaient la peine. Le petit village au bord de la mer offre une vue sur les montagnes formant la baie des Bouches du Kotor et l’on peut accéder à la baignade sans être entassés les uns sur les autres. Les hôtesses partent d’un côté et notre trio d’un autre, nous trouvons ce qui s’avère être le meilleur spot pour profiter de la mer : une terrasse au bord de l’eau qui s’étend sur quelques dizaines de mètres, où l’on peut étendre nos serviettes à l’ombre. Après quelques minutes où l’on met nos maillots sous nos serviettes tant bien que mal, nous plongeons tous les trois. L’eau est trop bonne et on est comme des mômes à s’extasier sur sa température, sa clarté et sa teneur en sel.

Un paquebot passe dans la baie pendant que nous mangeons des sandwichs au vache-qui-rit régional. Chacun prend ensuite son livre et s’y plonge pendant une heure ou deux. Vers 15h nous allons nous promener dans Perast. Depuis les quais on peut apercevoir deux îles très proches où se trouvent un monastère et un musée. Puis nous attendons le bus qui devait supposément passer à 16h et qui arrivera une heure en retard.

De retour à Kotor, je monte seule jusqu’à la forteresse de la ville. La montée est bien plus difficile qu’elle n’en a l’air, mais elle offre une belle vue sur la baie et l’on peut flâner librement dans les ruines. Je redescends prendre une douche à l’auberge et manger un morceau. Je salue les suédois, nous nous croiserons sûrement en Albanie. Un peu avant 20h je prends le bus pour Budva, autre cité balnéaire, à 40 minutes de Kotor.

Une fois à destination je retrouve Dmitry, un couchsurfeur qui m’accueille pour la nuit. Tout de go il me demande si je suis fatiguée (non), et si je suis partante pour une soirée (oui).

Nous allons donc en taxi à Tivat (autre localité prisée en été) pour fêter l’anniversaire d’un ami kazakh. Dmitry est biélorusse, les autres invités sont du Monténégro, d’Israël ou de Russie, mais ils parlent tous russes la majorité du temps. Je discute néanmoins en anglais avec quelques-uns. Dmitry est tatoueur et il me raconte les pires tatouages qu’on lui demande souvent, il ne tarit pas d’éloges envers le Monténégro et la ville de Budva précisément. J’échange aussi avec un jeune homme de Tivat (dont j’ai oublié le prénom) qui apprend le français depuis quelques semaines et qui est trop content de me montrer ce qu’il sait dire (« Je ne comprends pas », « je mange du pain »).

Un peu après minuit nous rentrons et j’ai l’occasion de rencontrer les 5 autres personnes qui vivent dans le même logement que le couchsurfeur. Il y a deux jeunes hommes nommés Nikita et deux jeunes filles nommées Anna (au moins c’est facile pour se souvenir), tous les colocataires sont russes. Vu qu’il n’y a que 2 chambres, les 3 invités dorment sur la terrasse, ça a l’air de leur aller très bien. Pour ma part Dim (comme on l’appelle ici) me laisse son lit et s’en va dormir sur un canapé.

23/07

Budva (photo de site web) 

Après avoir été réveillés par la chaleur, Anna et Dim me font un petit tour de la ville. Nous allons d’abord nager à la plage puis ils m’emmènent petit-déjeuner/déjeuner dans un restaurant grill qu’ils adorent. Après le repas ils s’arrêtent acheter deux bouteilles de vin tandis que je prends une bouteille de jus de fruit, puis nous prenons un taxi jusqu’à un endroit isolé de la ville et légèrement en hauteur dans les montagnes environnantes. Un lieu à moitié-restaurant à moitié-ferme marque l’accès d’un court sentier pour arriver jusqu’à une petite cascade naturelle où l’on peut se baigner. L’eau y est très froide et Dim m’affirme que n’importe qu’elle personne bourrée dessoûle une fois dedans. Je découvrirai que c’est faux. Car mes deux guides se font une bouteille de vin chacun en 1 heure, et malgré leurs baignades successives ils restent tout aussi soûls. Je retourne au restaurant, non loin de la cascade lorsqu’Anna se jette langoureusement sur Dim (en faisant tomber une table et une chaise au passage), l’alcool révélant vraisemblablement l’attirance qu’elle entretien envers lui.

Une fois au restaurant, je cherche désespérément une connexion internet. Pour ceci je m’approche d’un des gérants, assis tranquillement à une table avec un guide touristique belge. Je m’assoie avec eux pendant que j’essaie les différentes combinaisons de mot de passe que l’on me donne (personne ne semble trop savoir comment se connecter ici). Pendant ce temps le gérant m’interroge sur mon pays d’origine, ce que je fais de ma vie, sur mon voyage. Il me demande où je me loge et je lui réponds qu’en ce moment je fais du couchsurfing, c’est difficile de lui faire comprendre qu’il n’y a aucun échange financier, que tout est gratuit. Le belge me donne un coup de main pour définir le concept, mais ça reste flou pour le gérant.

Dim et Anna se pointent au restaurant, lui soutenant la jeune fille, elle toujours plein d’affection envers le jeune homme. Nous prenons un taxi pour redescendre en ville, je surveille du coin de l’œil Anna, qui est tout sourire et qui me tombe dans les bras à chaque virage prononcé. Arrivés près de leur logement, nous achetons de quoi grignoter, puis nous commençons l’ascension de la colline où vit la colocation russophone. Déjà que c’est fatiguant en temps normal, en soutenant une russe joyeuse et soûle, c’est un autre niveau.

Une fois la montée interminable achevée, nous nous affalons tous sur le clic-clac rafistolé de la terrasse et mangeons nos victuailles. Vu qu’il n’y a pas d’internet dans l’appartement et que j’ai besoin de regarder les horaires des bus pour le lendemain, Anna me propose de partager son wifi grâce à une fonctionnalité de son téléphone. Cet éclair de lucidité se termine avant qu’elle n’ait pu activer le partage, et je me retrouve à traduire les paramètres de son smartphone du russe au français. Grâce au bon sens et aux signifiants j’y parviens, pendant que Dim s’excuse pour l’épisode alcoolique de sa complice. A peine lui ai-je dis que ce n’était pas grave, Anna reprend ses étreintes entreprenantes et se jette sur lui. Je vais donc dans le salon pour consulter tranquillement les horaires pour me rendre à Podgorica. Une fois que j’ai repéré la combinaison de bus que je dois prendre jusqu’en Albanie, je discute par messages et je lis un peu dans la chambre où je dors.

Vers 23h j’entends un des Nikita rentrer et éclater de rire, je sors dans le salon voir qu’est ce qui suscite autant d’amusement. Sur le clic-clac de la terrasse Anna et Dim se sont endormis, Anna écrasant complètement son partenaire, ils ronflent bruyamment en rythme. Nikita a les larmes aux yeux et son rire me contamine un peu.

24/07

Je me réveille vers 8h20 pour prendre le bus de 9h pour Podgorica. Après l’avoir attendu à la station de bus/zoo de Budva (accolés à la station il y a des enclos avec des lapins, des cerfs, des chèvres), mon bus me dépose dans la capitale du Monténégro. Là-bas je patiente pour mon bus albanais qui m’amènera à Tirana en fin d’après-midi. Evidemment nous poireautons à la frontière pendant plus d’une heure, je passe ce temps à discuter avec Martin, un néerlandais que j’avais croisé à Sarajevo, puis Mostar.

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24/07

La station de bus où j’arrive à Tirana est en fait un vaste parking. Eridiol, un couchsurfeur m’y retrouve et après déposé mon sac chez lui, il me fait un tour du centre-ville.

Le centre n’est qu’immenses bâtisses en angles, il y a même une pyramide, héritage du passé communiste du pays. Des drapeaux albanais sont accrochés à tous les coins de rue et dans tous les commerces. Je nous offre des glaces alors que nous marchons dans le parc principal de la ville.

Eridiol travaille dans les bureaux d’une entreprise de paris sportifs de matchs de foot. Il recalcule les côtes, remets à jour les sommes jouées, etc. Pendant la période estivale il travaille de minuit jusqu’à l’aube. J’apprends en effet que malgré le décalage horaire, il y a des paris depuis l’Albanie sur des matchs se déroulant en Asie ou en Amérique Latine. Ce soir, la Colombie jouant contre le Venezuela, il me raccompagne chez lui avant de partir travailler. Avant d’aller me coucher je joue quelques instants avec Fluffy, un chaton qu’il a recueilli en bas de chez lui. Affamé comme il était, le petit chat est tout sauf « fluffly », mais il n’en reste pas moins adorable.

25/07

Le lendemain Eridiol m’emmène déjeuner dans un quartier du centre rénové il y a peu par le maire, mais où se côtoient aussi des bâtiments relativement vieux. L’ambiance y est presque hipster entre deux magasins vendant des pièces détachées de voitures et de machines à laver.

Puis nous regagnons la gare routière pour que je prenne mon bus vers la Macédoine. Je regrette de ne pas avoir plus vu du pays, surtout que Tirana est considéré comme un des endroits les moins beaux (j'ai néanmoins trouvé cette escale sympathique). Je n'avais pas vraiment prévu de passer en Albanie et visiter le pays m'aurait pris du temps que je comptais consacrer à d'autres endroits. Les multiples retours positifs que j'ai eu d'autres voyageurs m'ont fait culpabiliser pas mal! Mais l'on ne peut pas tout voir je suppose...

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25/07

A 13h je monte dans un minibus qui emmène le petit groupe dont je fais partie jusqu’à Ohrid, ville macédonienne se situant au bord du lac portant le même nom. 3 heures plus tard nous arrivons à destination.

Située en hauteur sur la colline de la ville, l’auberge de jeunesse où je séjourne a une agréable ambiance, accentuée par les hamacs dans le jardin et les larges canapés. Je dépose mon sac dans le petit dortoir que je partage avec 4 autres personnes et je vais marcher un peu. Les petites rues pentues où se situe l’auberge débouchent sur la rue piétonne principale. Ohrid est une petite ville où l’antique et le moderne se jouxtent. La cité où a été inventé l’alphabet cyrillique est aujourd’hui assez touristique et balnéaire. Mais cela n’enlève rien du charme de l’endroit : les allées du vieux centre s’emmêlent jusqu’au rivage du lac, certains passages se faufilant entre les maisons mènent jusqu’à des points de vue d’où l’on surplombe la ville.

L’objet des cartes postales, une vieille église construite au bord d’une falaise, se trouve sur un chemin faisant le tour de la colline. Autour de l’édifice religieux, des terrasses en pierres offrent une belle vue sur le lac et ses alentours.

Je rentre à l’auberge et rejoint un groupe discutant dans le jardin : néerlandais, française, espagnoles, péruvienne, irlandais… Ça rigole bien, et pour éviter de faire trop de bruit nous partons en petits groupes vers un bar de jazz où il y a de la musique live à partir de minuit. Je discute surtout avec un néerlandais en sarouel vert pomme qui est fasciné par les arbres. Il fixe et fait d’ailleurs plusieurs fois le tour de l’arbre millénaire de la ville. Je discute aussi avec son ami et compagnon de voyage, un autre néerlandais, un certain Luit qui a toujours l’air super heureux et qui sait dire 2 choses en français : « il y a une vache dans ma piscine » et « je suis un pot de yaourt ». Il m’explique très rationnellement que ces phrases sont fort utiles, imaginez-vous un jour métamorphosé en pot de yaourt dans un supermarché français, ou alors louer une maison en Belgique et se retrouver avec une vache dans la piscine. Après cette riche conversation, je rentre dormir vers 1h30.

Dans le salon/réception je crois un néerlandais, Yuri, aussi blanc que le linge mouillé qu’il a sur le front. Le pauvre est en train de faire une intoxication alimentaire et il a failli s’évanouir dans les escaliers. Je suis pleine de compassion, mais surtout fatiguée. Avant d’aller au lit je lui demande ce qu’il a mangé, histoire de pas commettre la même erreur. Je n’ai pas le temps d’avoir ma réponse que le jeune homme part vomir aux toilettes.

26/07

Nous nous retrouvons tous pour le petit-déjeuner de l’auberge sur la terrasse de la cuisine. Entassés autour de la table basse en bois, nous nous passons le pot de pâte à tartiner, les pains au fromage et les infusions de camomille, sauf Yuri qui boit de la soupe. Deux australiens me proposent de goûter la pâte marron-foncé qu’ils étalent sur leur pain. Contrairement au goût chocolaté auquel je m’attendais, je grimace en me disant que ça ressemble à du vinaigre durci.

Nous partons nous balader avec les néerlandais, l’irlandais et la française. Nous montons jusqu’à la forteresse de la ville, puis redescendons en passant par un vieil amphithéâtre. Lorsque viens l’heure de déjeuner nous allons au Dr. Falafel, restaurant dont le menu propose trois plats : falafels, humus ou falafel + humus. Rien ne dépasse les 3€ et c’est délicieux.

Je quitte le groupe pour aller lire sur la plage, en chemin je m’arrête devant un bar à smoothies où je commande un mélange de miel-gingembre-banane-ananas-chocolat noir-noix de cajou. Avant de repartir le lendemain j’aurai déjà rempli la carte fidélité d’un tiers. Ma boisson à la main je contourne la colline centrale pour gagner une plage coincée entre 2 falaises. L’endroit est rocailleux mais presque vide. Je m’assois sur ma serviette en microfibre qui manque cruellement d’épaisseur au moment de s’en servir comme coussin.

En début de soirée je retourne à l’auberge où je retrouve les autres voyageurs. Le néerlandais au sarouel vert a passé une partie de son après-midi à chercher où acheter un slip de bain Panthère Rose, il semble déçu de ne pas l'avoir trouvé.

Le gros sujet de discussion de la soirée semble être l’opium. Selon un dépliant touristique trouvé dans l’auberge, la Macédoine serait le pays où l’opium est de meilleure qualité (devant le Pakistan qui n’a que la 2e place). Le groupe de personnes est globalement sympa, à part un slovène que je soupçonne d’être légèrement raciste et la française qui coupe constamment la parole. Nous allons dîner au Dr Falafel (cette fois j’ai pris du humus pour changer), puis je rentre avec un italienne. Sur le chemin nous avons une petite envie de dessert, nous nous arrêtons dans une pâtisserie commander deux parts de baklava. La gérante n’a pas de monnaie à nous rendre, elle nous fait donc confiance pour que nous passions payer le lendemain.

2,5€ c'est magnifique 

27/07

Même si je me suis couché tôt je suis la dernière à sortir du lit. Je retrouve le groupe habituel sur la terrasse, comme s’ils n’avaient pas bougé depuis la veille. Le néerlandais au sarouel vert-pomme a finalement grimpé dans l’arbre millénaire, il est resté au sommet pendant au moins une heure me dit-on. Il n’a pas trop le temps de me raconter l’anecdote car il repart pour l’Albanie dans la matinée avec Luit. Ils sont descendus depuis Amsterdam dans une Citroën DS qui a au moins 50 ans et qui leur donne beaucoup d’allure. Ils comptent même traverser l’Adriatique avec et remonter toute l’Italie. Luit m’apprend avec un grand sourire qu’elle est assurée tous risques.

Yuri s’est remis de son intoxication et se prépare à sa première sortie dans Ohrid, en effet le pauvre était trop malade pour se promener avant. Je propose de le rejoindre et 2 australiennes font de même. J’en profite d’être en ville pour payer mon dessert de la veille, acheter une carte postale et m’offrir un smoothie cannelle-cacao-lait-fraise-menthe-épinard-flocons d’avoine.

Vers 14h je retourne au Sunny Lake Hostel pour préparer mon sac avant de partir. A 15h je monte dans mon bus pour Skopje.

J'ai vraiment eu un coup de cœur pour cet endroit, l'ambiance "ville balnéaire-lieux de rencontre entre voyageurs qui vont en Albanie et ceux qui vont en Macédoine-retraire spirituelle" convient à tout le monde. On peut voir en Ohrid les vacances que l'on souhaite.


PS : Mes compagnons de voyage m'apprennent que le nom des montagnes en Albanie est...les Alpes. Oui oui, leur massif montagneux s'appelle les Alpes albanaises. A rajouter sur la liste aux côtés des Alpes suisses, allemandes, françaises, italiennes...

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Skopje, ville où il y a 10 drapeaux du pays au mètre carré. 

27/07

J’arrive à Skopje et de point wifi en point wifi je retrouve Viktor, un couchsurfeur macédonien. Il est 20h et nous prenons la voiture pour rentrer chez lui. Il vit en banlieue de la capitale, dans une petite maison accolée à celle de sa famille. Notre arrivée se fait sous des aboiements joyeux : la famille de Viktor a 2 chiens qui aboient dès que quelqu’un arrive. Les molosses sont 2 grosses boules de poils blancs d’origine sibérienne (oui je suis nulle pour les races de canidés) qui sont réduits à l’état de masses inertes dès qu’on commence à les caresser. Il y a une femelle, Mila, et un mâle, au nom très complexe car c’est un vrai chien de race, et que tout le monde appelle Bébé. Mon hôte m’apprend – avec un ton quelque peu pompeux- que Bébé est gagnant de concours de beauté dans les catégories junior et senior en Grèce, Bulgarie et Albanie. Mais Bébé est aussi le premier chien végétarien que je rencontre : à cause d’un problème au foie il ne consomme plus de viande. Mais il s’avère être complètement hipster en fait, il est le chouchou de Viktor, ce dernier partage presque toute sa nourriture et ses boissons avec lui ; le chien boit donc de la bière, des smoothies, mange du fromage, de la salade, des biscuit apéros… Le fromage d’ailleurs, Viktor m’apprend que le meilleur fromage produit en Macédoine et presque exclusivement exporté en France, et qu’ici on doit se contenter d’un fromage de moins bonne qualité.

Accrochés au mur du salon il y a les portraits de toute la famille, sur plusieurs photos apparaît une jeune fille en costume traditionnel. Il s’agit de la petite sœur de Viktor participant à des célébrations folkloriques macédoniennes. Chaque année le gouvernement tire au sort un couple qui pourra bénéficier d’un mariage traditionnel tous frais payés, et la petite sœur de Viktor y a été « figurante » à plusieurs occasions.

C’est d’ailleurs dans la chambre de cette dernière que je dors, car elle vit désormais aux Etats-Unis. Sa chambre est toute rose, sur les étagères s’amassent les coupes des concours de beauté canins ainsi qu’une bouteille de Jägermeister coincée entre deux poupées Barbie. Dans un coin il y a même un immense pot de pâte à tartiner de spéculoos jamais ouvert.

Personne ne laisse Bébé dans un coin. 

28/07

Viktor me laisse en ville un peu avant 8h45 pour que je prenne un bus à destination du lac Matka. L’étendue d’eau se trouve dans le canyon éponyme. Comme j’arrive tôt j’entreprends de commencer une randonnée pour longer le lac. Le chemin se fait à l’ombre des arbres, ce qui s’avère problématique car des chenilles pendent accrochées à leur fil. Tous les 5 mètres je me prends une toile qui s’emmêle dans mes cheveux et je dois régulièrement m’épousseter pour enlever des petites chenilles sur mes bras. Je laisse passer un randonneur devant moi, histoire qu’il déblaie le sentier. Je le vois s’agiter pour enlever les fils lui aussi, mais même lorsque je passer après lui je ne peux échapper aux petits insectes.

Je rebrousse chemin et me trouve une petite plateforme de bois pour lire au-dessus de l’eau. Je lève les yeux de temps à autres pour scruter les familles faisant du kayak ou les mariés faisant des shootings photos. L’été étant souvent la saison des mariages, depuis le début de mon voyage à chaque fois que je me rends dans un endroit un peu touristique, urbain ou champêtre, je croise de longes robes blanches, des costards, les parapluies de photographes, des maquilleurs, et surtout une jeune femme galérant en talons haut sur les lattes d’un pont en bois ou sur les escaliers en pierre d’une forteresse. Parfois je ne vois pas les mariés, mais je les entends. Au début je croyais que les villes où je me rendais étaient propices aux bouchons de circulation, j’ai ensuite compris que les klaxons à répétition étaient plutôt utilisés pour célébrés les unions. Il y a bien une fois où bouchon et mariage allaient de pair : les mariés étaient dans une calèche tirée par des ânes.

Pour déjeuner je m’achète 2 épis de maïs à la braise, puis je reprends le bus pour Skopje. Je décide d’y visiter l’ancien quartier du bazar. Bazar aujourd’hui remplacé par un immense marché couvert où les allées sont regroupées par catégories : il y a le couloir des chaussures de sport de contrefaçon, la zone des fruits secs, l’allée des chaises en plastique. Une fois dans la partie consacrée aux fruits et légumes le brouhaha ambiant cesse doucement, il faut du silence pour peser les raisins et se tendre les pastèques.

Autour du marché s’étendent des rues piétonnes où l’on trouve exclusivement 2 types de commerces : les boutiques de robes de mariées et les magasins de bijoux cliquants en or. Alors que je lève mon appareil photo vers la rue, je vois du coin de l’œil deux jeunes vendeuses qui machinalement se recoiffent et prennent la pose alors qu’elles ne sont clairement pas dans mon champ de vision.

Angela Merkel: pâtisserie locale 

Je m’assoie dans un salon de thé, faute de place je m’attable aux côtés de 2 polonaises qui font un volontariat européen à Skopje. Cela fait plusieurs années qu’elles vivent ici et elles adorent la ville. Elles connaissent tous les commerçants du quartier et me recommandent de prendre un gâteau au lait et au caramel en plus de mon thé.

Je vais me reconvertir en photographe alimentaire. 

Je finis mon goûter et je pars visiter la mosquée principale de la ville.

Je redescends ensuite vers la place principale de la ville en passant par la forteresse de Skopje. Je traverse enfin le pont en pierre - célèbre parce qu’il est une des seules constructions anciennes de la ville- et débouche sur le square central. La capitale grouille de statues représentant ce que les polonaises appellent « fake history » (comme toutes les statues d’Alexandre le Grand alors qu’il ne serait pas originaire de la région), mais représentant aussi tout et n’importe quoi : un cireur de chaussures, une femme en robe, etc. Viktor me dit que les statues servent au blanchiment d’argent, mais aussi à créer une façade de nouveauté dans la ville.

J’en apprends un peu plus sur les rapports qu’entretien la Macédoine avec sa voisine la Grèce lorsque je vois des plaques d’immatriculation de voitures immatriculées en Macédoine revenant de Grèce : les douaniers grecs recouvrent au scotch noir l’indicatif du pays « Macédoine » (MK sur les plaques) car la Grèce ne leur reconnait pas leur indépendance et considère le pays comme une de ses régions. C’est aussi la Grèce qui use son veto à chaque fois que la Macédoine fait une demande pour rejoindre l’Union Européenne.

Je finis ma promenade en ville en me disant que le plagiat est clairement assumé ici : entre deux bus rouges londoniens je passe sous un arc de triomphe, version modèle réduit français.

Je retrouve Viktor qui finit de travailler. Une fois chez lui je profite de sa machine à laver pour laver mes habits, et de sa douche pour me laver moi. C’est ensuite au tour des toutous d’être propres, Viktor me montre comment les brosser et dans quel ordre utiliser les différentes brosses : d’abord l’une pour enlever les saletés, puis l’autre pour donner du volume au pelage et qu’ils soient « fluffy ». Mine de rien ça prend du temps, surtout pour moi qui n’ait aucune autorité naturelle sur les animaux, je dois bloquer Bébé de tout mon corps pour pas qu’il aille se rouler dans la terre.

La promenade nocturne est l’occasion pour les chiens de montrer leur splendeur, et c’est l’occasion pour moi de m’entraîner au ski nautique en ne me faisant pas emporter par Mila et sa laisse. J’apprends d’ailleurs qu’un des surnoms du chien est « Drama », parce qu’elle aboie à tout le monde, essaye de poursuivre tous les chats, tente d’aller dans les buissons ou les fourrées… Au bout d’un moment je parviens à contrôler la bête. J’en profite pour observer Skopje de nuit, se démarquent surtout un croissant de lune jaune et la Croix du Millénaire, une croix chrétienne immense construite sur une colline environnant la ville. La colline se fondant dans l’obscurité de la nuit, on dirait que la croix lumineuse lévite au-dessus de la capitale.

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29/07

Avant que j’aille prendre mon bus, Viktor s’arrête dans une minuscule boulangerie pour que l’on s’achète des burek. J’en ai déjà mangé en Albanie et j’en mangerai beaucoup dans la suite de mon voyage : c’est une sorte de pâte feuilletée fourrée soit au fromage, aux épinards, à la viande, ou à toute fantaisie du cuisinier. Une part coûte souvent l’équivalent de 50 centimes et suffit pour un déjeuner.

Après cette étape gastronomie Viktor me dépose à la gare routière de Skopje et m’accompagne acheter mon ticket pour Pristina. Il fait bien de venir car une de mes cartes bancaires ne voulant pas effectuer la transaction je me retrouve à vider la moitié de mon sac à dos pour trouver la deuxième. Viktor se retrouve à porter dans ses bras une bonne partie de mes affaires dont mon sac de linge sale, ma trousse de toilette et mon chargeur d’ordinateur. Une fois la carte trouvée et le paiement effectué, je fourre tout dans le sac en tassant un peu, tout rentre parfaitement et je me demande pourquoi je m’embête à rouler et plier mes habits en temps normal.

J’arrive à Pristina vers 13h. Avant de prendre ma correspondance pour Prizren (il y a des bus toutes les 15 minutes) je décide de visiter la capitale kosovare.

Newborn ?  / Un festival qui plairait à beaucoup d'entre vous

Trouver le centre-ville n’a rien d’évident : tout n’est qu’immeubles et avenues. Sur les cartes de la ville aucune zone se démarque comme plus touristique ou ancienne. Je trouve finalement une large allée piétonne qui connecte 2 squares : les lieux sont peuplés de restaurants et de vendeurs ambulants. La majeure partie de ces derniers vendent une gamme de jouets que l’on retrouve chez tous les vendeurs ambulants des balkans, comme s’ils marquaient la tendance : petits chiens mécaniques et hand-spinner. Les autres vendeurs tiennent des stands dédiés à l’Albanie : tatouages, drapeaux, t-shirt, chaussettes, combinaisons, déguisements, bijoux, etc. Il est parfois difficile d’être sûr que l’on n’est pas en Albanie. D’autant plus que leur diaspora est tellement présente au Kosovo que tout le monde parle albanien.

Le motif albanais dans le dos ça vous dit ? 


Vers 14h je prends le bus pour Prizren, à l’ouest du Kosovo. J’arrive 2h plus tard, je me rends à mon auberge pour y déposer mon sac. Bien que le centre-ville soit réduit, l’endroit à tout de suite plus de charme que Pristina.

Je monte jusqu’à l’ancienne forteresse de la ville. Le réceptionniste de l’auberge m’avait dit que ça prenait 10 minutes. Je me demande si le staff des hostels retournent de temps en temps dans les lieux qu’ils indiquent aux touristes ou s’ils y sont juste allés une fois il y a 10 ans : leurs indications horaires sont toujours sous-estimées, tout comme la facilité de l’accès. Le chemin de la forteresse de Prizren est tellement pentu que les coins des dalles de la route forment des appuis pour les pieds, les familles avec enfants en bas-âge font rouler leur poussette bras tendus au-dessus de leur tête. Je fais des pauses tous les 100 mètres en repensant au type qui m’a dit que ça prenait 10 minutes d’y aller.

Une fois en haut je m’assois lire pour au moins 2 heures, pas question que je redescende avant. J’assiste au coucher de soleil sur la ville, bien plus étendue que je ne le pensais.

Les ruines de la forteresse sont bien entretenues et l’on peut accéder à divers points de vue en se faufilant entre des murailles et des tunnels.

De nombreuses familles en vacances viennent faire leur séance photo « coucher de soleil » dirigée par les cris du photographe attitré de la famille qui indique aux membres de sourire, se baisser, sauter, ne pas fermer les yeux. Je m’interroge également sur les capacités physiques incroyables du corps humain lorsque je vois que des femmes ont fait l’escalade jusqu’ici en talons hauts.

Je redescends vers la ville, sur le chemin je passe devant des panneaux en bois où sont agrafées des fiches de décès. C’est une coutume présente dans tous les pays des Balkans, l’équivalent de notre rubrique dans le journal. Les fiches ont toutes le même modèle : photo de la personne, dates de naissance et mort, symbole religieux, ainsi qu’un texte écrit certainement par la famille. Ces lieux d’affichage sont éparpillés partout dans les villes, cela peut être des colonnes, des murs, des portes… Il est habituel de voir, au moment où les gens vont faire leur marché, des personnes faire le tour des colonnes et lire chaque fiche ou passer en revue en petit groupe les derniers morts.

J'ai trouvé ma boutique. 

Je monte sur la terrasse de l’auberge pour prendre quelques photos de nuit. A peine ai-je passé la porte qu’un coup de vent la referme derrière moi. Il n’y a aucune lumière ni interrupteur, j’allume la lampe poche de mon téléphone et je découvre qu’il n’y a pas de poignée extérieure à la porte, on ne peut l’ouvrir que de l’autre côté. Commence alors une série de coup de téléphone qui va durer une heure avant que l’on vienne me libérer.

Le premier numéro de téléphone que je trouve pour l’auberge a un indicatif slovène, je me dis que ça ne doit pas être ça. Le deuxième numéro que je trouve semble être le bon. Après 13 appels sans réponse j’en conclus qu’ils ne vont pas me répondre. J’essaye d’appeler une autre auberge pas loin mais le numéro que google m’indique est une ligne à Monaco. Après avoir toqué contre la porte de la terrasse pendant le loooongues minutes j’arrive à la conclusion que les chambres de l’étages ne doivent pas être occupées.

Je suis au 5e étage, donc trop haut pour attirer l’attention des gens. En dernier recours j’appelle un hôtel du centre-ville et j’explique la situation au réceptionniste qui trouve la ligne personnelle du gérant de l’auberge. Ce dernier arrive 5 minutes plus tard et m’explique qu’en plus de travailler à l’auberge il gère également le parking à côté. Pour toute réponse je lui affiche mon visage blasé, surtout quand il me demande si j’ai déjà payé ma chambre.

Je sors acheter de quoi dîner et profite du fait que j’ai une chambre de 4 lits pour moi toute seule pour passer une soirée tranquille dans mon lit.


30/07

Malgré la ventilation de la chambre, la chaleur me réveille. Je descends prendre le petit-déjeuner proposé par l’auberge. Il s’agit de pain sur lequel on peut étaler de la confiture, du fromage style vache qui rit, ou une pâte orange légèrement épicée.


A 10h je monte dans un bus pour Peć ou Peja ou Pejë (le nom serbe, kosovare et albanais). Petite ville formant avec Prizren les lieux considérés comme « à voir » au Kosovo. Je suis pourtant étonnée de voir qu’à Peja il n’y a qu’une auberge de jeunesse ! Je m’y rends pour y prendre un lit pour ce soir et découvre l’auberge la plus charmante de mon voyage.

C’est une grande maison au sol couvert de tapis et où tout le monde marche pieds nus. Les chambres sont fraîches et silencieuses, le jardin est animé par les miaulements de 5 chatons et leur maman. On peut se prélasser sous les arbres fruitiers dans les hamacs, ou dans les fauteuils moelleux de la pièce à vivre.

J’y rencontre Laura, une étudiante de Sciences Po Lille qui était au Kosovo pour son mémoire sur l’entreprenariat social dans les milieux ruraux, et Junior, un brésilien qui est photographe lorsqu’il voyage et qui travaille dans le management lorsqu’il retourne chez lui à Curitiba.

Ils me proposent de les rejoindre pour une randonnée. La ville étant entourée de montagnes il y a plein de promenades à faire en pleine nature. Nous déjeunons rapidement un burek et nous mettons en marche. Nous avons un peu du mal à nous y retrouver par moments car l’itinéraire que nous a donné la gérante de l’auberge ne semble pas suivre les sentiers de randonnée.

Nous faisons un arrêt dans un ranch offrant un beau point de vue sur la ville. Laura nous quitte car elle doit se rendre dans une autre ville le soir même.

Avec Junior nous continuons la randonnée. Nous essayons de suivre l’itinéraire donné que l’on a téléchargé sur nos téléphones, mais à chaque fois que l’on vérifie notre position le GPS nous indique que nous sommes trop à l’Est ou trop à l’Ouest. Le chemin est censé longer les montagnes et faire une sorte de demi-cercle, mais le sentier que nous suivons ne fait que grimper et s’enfoncer dans la forêt. Le chemin est particulièrement difficile : pentu et rocailleux, nous glissons régulièrement.

Une fois que l’on comprend que l’on a traversé une montagne sans trouver l’itinéraire prévu nous redescendons vers la ville. Sur le chemin du retour nous croisons une cabane abandonnée, des près aux hautes herbes ainsi que des chevaux qui broutent paisiblement l’herbe d’un plateau.

Nous nous écroulons dans les hamacs de l’auberge et nous nous laissons une heure pour nous laver et ensuite partir dîner.

Après avoir pris ma douche j’attends Junior en discutant autour d’une table du jardin avec d’autres voyageurs. Un couple que j’ai croisé dans la station de bus de Podgorica me reconnaît, 15 minutes plus tard 2 espagnoles d’Ohrid m’appellent par mon prénom.

Junior a envie de pizza, moi de pâtes, l’option restaurant italien s’impose facilement. 2€ pour un plat immense de pasta aux légumes et 1,5€ pour une pizza végétarienne, nous célébrons en silence les prix du pays. Pour le dessert ma gourmandise réclame une crêpe, la gourmandise de Junior m’imite.

Les rues sont animées et bondées. Des groupes familiaux ou d'amis se mélangent, tout le monde fait la fête jusqu'à pas d'heure.

De retour à l’auberge nous nous asseyons dans le jardin, les chatons curieux jouent à cache-cache autour de nous. Junior me parle de méditation et des croyances bouddhistes pendant que les félins lui grimpent tranquillement dessus. Je le laisse se transformer peu à peu en montagne de chats et vais me coucher.

Il faut bien regarder avant de traverser 
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31/07

L’objectif de la journée était d’arriver à Užice, dans l’Ouest de la Serbie. J’avais néanmoins calculé que pour cela il fallait que je parte avec le bus de 9h30 de Pejë. Sauf que lorsque j’arrive à 9h à la gare routière on me dit que ce bus n’existe pas. J’ai beau leur montrer leur panneau où sont affichés les horaires, dont un bus en partance à 9h30, on me répond que mon prochain bus est à 10h.

Je sais déjà que je rate les correspondances qui m’aurait amenée jusqu’à Užice, je me dis que je vais passer la nuit à Novi Pazar du coup, une ville au sud de la Serbie. Pour aller en Serbie je suis obligée de passer par un autre pays car à cause des problèmes de reconnaissance du Kosovo (la Serbie ne reconnaît pas le pays et le considère comme une de ses régions) je ne peux pas passer directement leur frontière commune sans avoir d’abord été en Serbie. Serbie-Kosovo-Serbie : possible. Autre pays-Kosovo-Serbie : pas possible.

Je prends donc à 10h un bus pour Rožaje au Monténégro, qui doit supposément y arriver à midi. Nous sommes dans une zone montagneuse et frontalière, les bus ne vont pas très vite. Nous arrivons avec 40 minutes de retard et je prends un ticket à destination de Novi Pazar pour 13h15, ce qui me laisse le temps de manger un morceau. Je vais dans une cafétéria où les serveurs parlent serbe, albanais et allemand, mais pas anglais. Je me fais comprendre en désignant ce que je veux du doigt, et avec l’aide d’un vieux monsieur parlant italien.

Pour me donner du courage je prends une pâtisserie dans une petite boutique où les vendeurs vont chercher leur enfant de 8 ans pour qu’il joue l’interprète. Puis quand je leur dis que je viens de France commence une séance « photos de vacances en France » fort amusante.

A 13h15 arrive mon bus serbe. Au moment de monter je vois que le bus passe par Kraljevo, une ville dans le centre du pays. Je regarde rapidement sur mon téléphone si je peux trouver une correspondance pour Užice, c’est en effet possible, en passant par l’intermédiaire de Čačak. Mais mon ticket n’est que pour Novi Pazar, et je n’ai pas assez d’argent liquide pour acheter le ticket pour Kraljevo à bord du bus. Je parie donc sur le fait que celui qui s’occupe d’arpenter le bus pour composter les billets des nouveaux arrivants ne se rappelle pas des destinations de tous les voyageurs (ça peut sembler évident qu’il ne s’en rappelle pas, mais dans d’autres bus il est arrivé que l’on me rappelle où je devais descendre).

Je fraude donc le bus pour 2h et descends à Kraljevo vers 17h15.

Le bus pour Čačak étant à 17h30, j’ai tout juste le temps de changer 4€ en dinars et je monte dans le bus le plus pourri de la région pour un voyage de 40 minutes. Les vitres sont opaques, les sièges défoncés et il n’y a aucune aération.

J’arrive à Čačak et à 10 minutes près je rate mon bus pour Užice. J’ai 1h30 à tuer, je vais dans le supermarché le plus proche, le « Hong Kong City Shoping Center », pour trouver une boisson fraiche et quelque chose à grignoter. La gare routière est pleine à craquer de serbes qui attendent un bus pour le Monténégro où, au vu des innombrables valises et parasols, ils passent leur été.

Quand tu sais plus dans quelle ville tu es, ni quel pays 

Un peu avant 20h le bus pour Užice arrive. Une heure plus tard j’y suis. Bien entendu le périple n’est pas fini. Le couchsurfeur qui m’accueille pour la nuit vit dans un village en dehors de la ville. Je prends donc un taxi et à 21h30 j’y suis enfin, pour de vrai.

Milijove m’attend et me conduit jusqu’à la maison familiale. Nous sommes entre 2 champs de framboises, il n’y a pas un bruit ni une lumière. Je fais la connaissance de sa mère et sa sœur avec qui je passe un peu de temps.

Mil est très fan du PSG et il entreprend de me montrer sa collection d’écharpes de supporter. Il apprécie aussi beaucoup la musique française comme Indila et Black M. Très motivé pour me faire écouter ses morceaux préférés, le sommeil m’emporte heureusement avant.

Mais ça valait le coup, regardez ! Un passeport Yougoslave! 
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C'est pas dégueulasse 

01/08

Je dors 11 petites heures et en regardant par la fenêtre au réveil je vois que la maison est dans une petite vallée, entourée de végétation champêtre.

Je vais me laver dans une douche dont la moitié de l’espace est occupé par le chauffe-eau, puis nous allons marcher un peu dans le coin. Nous passons devant la maison d’amis de Mil et ils nous invitent à boire le café (donc pour moi un jus de fruit). C’est un couple dans le début de la trentaine dont le petit garçon arbore fièrement un t-shirt « Vive la France ». Celle qui parle le mieux anglais est Anna, dont c’est l’anniversaire aujourd’hui. Nous discutons tous ensemble dans un mélange d’anglais et de serbe, puis ils apportent une bouteille de Rakja, l’alcool de la région. Le mari d’Anna m’en sert un shot alors qu’il est 11h30, voyant que j’ai du mal à tout boire il m’amène un verre d’eau.

Anna a un rendez-vous chez le dentiste à 13h et elle me propose de profiter de la voiture pour me rendre en ville. Je prends mon sac avec moi et avant sa consultation elle s’improvise guide touristique en me montrant les principaux axes de la ville et les bâtiments importants. Elle commande pour moi une spécialité locale, dont je ne retrouve plus le nom, du pain avec de l’œuf, assorti comme partout dans la région d’une petite bouteille de yaourt. Je suis surprise qu’un plat traditionnel ne comporte pas de viande et m’en réjouit en mangeant mon déjeuner devant un hôtel soviétique abandonné en plein centre-ville. Puis je comprends au goût que le pain est enduit de graisse animale.

Dans l’après-midi je prends un bus pour Zlatibor, ville dans les montagnes à 40 minutes d’Užice. C’est un lieu très prisé des serbes, en été comme en hiver. L’ambiance y est à la fois touristique et authentique. Tout est boisé de pins et l’air y est le plus pur de toute la Serbie dit-on.

J’ai un peu du mal à trouver le logement Airbnb, censé se situer au n°2 de la rue du Silver Snowflake (Rue du Flocon d’Argent, le nom original est en serbe donc je ne vous l’écris pas). Une famille serbe me vient en aide, pendant que le père appelle le propriétaire la mère me demande d’où je viens, quand je lui réponds « France » les 2 filles de la famille poussent un gémissement en portant leurs mains devant leurs visages et en écarquillant leurs yeux. Si elles avaient eu le temps de me demander quelle ville j’aurais sûrement répondu Paris pour ne pas briser leur mythe.

La maison 

La maison du Airbnb ne se trouve pas loin de là et je retrouve Nikola, un serbe de 45 ans qui loue 3 chambres sur la plateforme depuis 10 jours. Il a un grand jardin et une chienne joueuse qui dès qu’elle peut me lèche le mollet.

Nikola coupe des tranches de pastèque qu’il me propose, alors qu’on discute dans le jardin en goûtant il me tend un joint qu’il vient de rouler. Il a quelques courses à faire en ville et me propose une petite visite guidée du coin.

Team chaise pliante VS Team banc 

Zlatibor est construit au-dessus d’importantes nappes phréatiques et il y a des sources disséminées dans toute la ville. Il me monte la plus importante, un jet d’eau qui surgit au milieu d’une pelouse sans arbres et où les gens font la queue pour remplir leurs bombonnes en plastique. Plus loin il désigne un endroit où l’énergie est supposée se concentrer, selon lui il y a quelques dizaines d’endroits comme celui-ci en Serbie. Nous y restons quelques instants, le temps pour la chienne de s’allonger un peu à l’ombre. Après l’église orthodoxe, Nikola me montre le centre-ville, qui dans quelques heures sera submergé de touristes. Je m’achète quelques jus de fruit pendant qu’il fait ses courses, puis nous rentrons en empruntant un itinéraire différent.

De retour à la maison je fais connaissance avec une autre locataire, une vieille dame de Novi Sad, qui me parle (ou crie, c’est selon la tolérance en décibels de chacun) en serbe malgré Nikola qui lui explique que je ne comprends pas la langue. Pour échapper à la mamie a-serbe (lol vous l’avez), je vais faire une promenade jusqu’au sommet d’une colline depuis laquelle j’assiste à un joli coucher de soleil.

De retour Nikola me tend une assiette où il a mis de côté une part de tarte au fromage qu’il s’est cuisiné. Cela fait 8 ans qu’il vit à Zlatibor, il était à Belgrade auparavant. Son anglais a gagné en aisance depuis le début de la journée et il m’explique qu’il vit de la location d’appartements dans Zlatibor. Cela ne lui ramène que 400€ par mois mais ça lui suffit, il n’a ni voiture, ni crédit, ni enfant et est propriétaire de sa maison. Il me raconte que la semaine dernière son frère est venu lui rendre visite avec sa femme et leurs 9 enfants, il pâlit rien qu’en évoquant le chiffre.

Il a commencé Airbnb il y a une dizaine de jours pour se faire un revenu complémentaire, mais aussi pour rencontrer des voyageurs d’ailleurs. Je lui demande si ça marche pour le moment et il m’avoue que sa maison est bookée pour tout le mois de septembre par des mamies des 4 coins de la Serbie.

Une fois la soirée entamée je descends dans le centre pour voir l’animation nocturne des lieux et pour acheter des billets pour le parc national Tara, à quelques kilomètres d’ici. Alors que dans la journée la place principale est plutôt paisible, c’est tout le contraire maintenant. On dirait que la population locale quadruple une fois le soleil couché. Des échoppes alimentaires ont ouvert tous les 2 mètres, les enfants sont juchés sur des voiturettes électriques ou sur des peluches d’animaux à pédales loués pour la demi-heure. Des manèges de 3D, 5D et 9D ( ?) essaient d’attirer les touristes pendant qu’un monsieur en costume traditionnel joue d’un instrument à vent local.

J’achète ma place pour une excursion au parc national. Entre 2 stands de crêpes je trouve un stand de gaufres dont je rêvais depuis quelques jours. Je mange mon dessert à l’euro-krem, l’équivalent du nutella serbe, assise au bord du lac central.

02/08

Je me réveille tôt car l’excursion pour le parc de Tara part à 8h45. Nous sommes un groupe de 6, 2 couples de serbes, une chinoise et moi.

Le guide nous fait passer par des petits villages et des chemins de montagne, les points de vue sont éblouissants.

Voyant que j’aime bien la photo, le guide s’arrête souvent pour m’indiquer des endroits propices pour capturer la beauté du paysage. Dès que je crapahute sur les rochers ou au bord des falaises il s’agite et il commence à dire « No Louise ! Not Safe ! Louise ! ». La chinoise, Sissi, s’y met aussi, elle m’appelle pour aller dans un sentier ou pour monter quelque part prendre une photo. Mon prénom est ce que l’on aura le plus entendu dans la journée.

Attention aux ours surtout 

La rivière Drina marque la frontière avec la Bosnie.

Nous descendons jusqu’au lac Perućac, puis le guide emmène le groupe au bord de la rivière Vrelo, fameuse dans la région car sa longueur est de 365 mètres pile. Avec Sissi nous remontons jusqu’à la source pendant que les serbes s’attablent dans un restaurant non loin. L’eau est terriblement froide, la cascade à la source cause une température aussi fraîche que s’il y avait une climatisation géante devant nous.

Notre dernière étape est la maison au milieu de la rivière, très célèbre depuis qu’elle est apparue en couverture du National Geographic. Elle est située du côté serbe de la rivière et appartient à un particulier. Depuis sa construction elle a été emportée 5 fois par les crues et les tempêtes, mais son propriétaire la reconstruit à chaque fois.


Je retrouve Nikola assis devant la maison, il essaye de dresser un peu la jeune chienne pour qu’elle n’aille pas courir sur la route. Il me propose du sirop de framboise produit localement dilué dans l’eau. Pas trop fan de la framboise je deviens pourtant addict à la boisson.

Il y a toujours de la musique dans la maison, de tous les styles, même s’il y a une prédominance de rock et reggae. Nikola m’apprend qu’à une époque Radio Nostalgie était diffusée en Serbie, et qu’il l’écoute toujours en ligne de temps en temps. Je lui montre le site web de la radio FIP, il a un coup de foudre pour la station et je n’entendrais que les sons diffusés par celle-ci jusqu’à mon départ.

Etonnamment, la musique omniprésente contribue à l’atmosphère apaisante (ça et la drogue je suppose). Nikola souhaitait transformer la maison en auberge de jeunesse, mais le gouvernement local lui a refusé car il est originaire de Belgrade. C’est dommage car ce serait la première auberge de la ville, le charme de l’endroit en séduirait plus d’un. Le grand jardin est parsemé de pins et tous les soirs Nikola arrose ses plantes et ses fleurs en pots. Il réapprovisionne régulièrement la mangeoire à oiseaux qu’il a fabriqué à partir d’une bouteille en plastique. Un jour je me promets de revenir avec mon permis de conduire pour louer une voiture et qu’il me montre tous les endroits magiques de la région.

03/08/17

Après une grasse matinée et une bonne douche je m’assois dans le jardin pour faire mes comptes et écrire mon journal de bord. Je fais des photos du jardin pour étoffer l’annonce Airbnb des lieux, ainsi qu’une carte maps où je localise la maison pour aider les futurs locataires à la trouver.

Un peu après midi Nikola revient d’Užice et il commence à cuisiner un déjeuner qu’il partage avec moi. Je boucle mon sac et m’attable autour d’un plat croulant sous des pommes de terre fondantes.

Vers 15h30 nous partons vers le centre pour que je prenne mon bus pour Belgrade. En chemin nous croisons la mamie serbe qui reprend son souffle au bord de la route et qui nous violemment crie des salutations. Nous passons devant un immeuble en construction, propriété d’un dealeur connu. Je suis étonnée qu’il n’y ait pas plus de maisons et immeubles pour un endroit aussi touristique, mais je me doute bien que ce ne sont pas les projets d’investissement qui manquent. Parmi l’équipe de construction un homme hèle Nikola et lui parle quelques instants. C’est justement son dealeur, c’est ironique de constater que les petits dealeurs travaillent toujours les plus gros. Au moins la consommation de cannabis de Nikola a d’éthique qu’elle est bio et locale.

Je prends mon bus un peu plus tard que prévu. Bien que nous ne soyons plus dans une zone de parc national les paysages restent estomaquant. A côté de moi prend place une dame à l’air grincheux qui fait des mots croisés, elle partagera avec moi tout son paquet de petits biscuits.

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03/08

Vers 21h30 je descends de mon bus dans la gare routière de Belgrade. Pour me loger j’ai, comme d’habitude, créé un voyage public sur Couchsurfing pour lequel j’ai reçu plusieurs réponses de personnes proposant de m’héberger. Lorsque j’ai contacté les hôtes potentiels plusieurs avaient finalement prévu d’autres plans et l’un d’entre eux n’avait encore jamais hébergé personne et n’avait aucune review. C’est ainsi que je me retrouve dans l’Airbnb de Florian, un français qui passe un mois en Serbie et dont le logement était initialement prévu pour lui, sa sœur et son père, qui ont dû annuler leur voyage au dernier moment.

L’appartement est situé en centre-ville, au milieu d’une avenue bruyante dont les façades sont sombres de pollution et poussière. Je laisse mon sac à côté du canapé où je vais dormir, idéalement situé sous la clim du salon.

Un des symboles de la ville: un monsieur tout nu sur une colonne 

Florian est là depuis 2 jours, il me fait donc une visite des alentours. Les principales rues piétonnes où s’emmêlent dans une cacophonie commerciale les musiques des différents restaurants mitoyens. La forteresse reconvertie en parc, où trône un des symboles de la ville : une statue dénudée brandissant une épée. Dans les jardins il y a également un monument en honneur à la France, pour son soutien lors de la 1ère Guerre Mondiale. Le monument est aujourd’hui entouré d’affiches dénonçant le rôle de la France dans les bombardements que l’OTAN a effectué en Serbie.

Il me montre également ce que les guides dénomment « le Montmartre de Belgrade » : des rues pavées où entre les restaurants et hôtels, des groupes de musique ambulants font claquer les cordes des contrebasses et enfoncent les touches des accordéons.


04/08

J’aurais dû me méfier de la climatisation, ou du moins ne pas la mettre à 20° alors qu’il fait minimum 33° dehors : je me réveille bien évidemment avec un léger mal de gorge.

Après deux bols de céréales nous nous mettons en route pour la Cathédrale Saint-Sava, la plus grande construction orthodoxe d’Europe. A l’arrivée nous sommes quelque peu déçus de constater que l’intérieur des lieux est…en béton armé. Nous en concluons que l’endroit est en rénovation mais il s’avère qu’en fait la cathédrale n’a jamais été finie. Pour trouver des dorures et des icônes dans le style orthodoxe il faut se rendre dans la crypte, seule pièce décorée de l’enceinte religieuse.

Toujours sous une chaleur écrasante (autour de 36°) nous parcourons les 7 kilomètres entre le centre de Belgrade et la Grande île de la Guerre accessible en été par une digue érigée par les militaires. L’île est entièrement recouverte de végétation, et une partie au nord a été aménagée en plage. Juste après la digue il y a un « camp militaire » qui ne doit pas faire plus de 50m carrés : en gros c’est une zone camping entourée de de filets camouflages pour pas que l’on voit les soldats boire des bières et jouer aux cartes.

On a même vu des faisans 

Nous empruntons ce qui semble être une petite route que des véhiculent empruntent régulièrement vu les marques au sol (quels véhicules, comment, pourquoi ? autant de questions qui resteront sans réponse). Au bord de cette route nous découvrons des habitations, croisement entre cabanes dans les bois et squats. Bien que délabrés les lieux ont l’air habitables, mais définitivement pas en hiver : certains murs sont en draps, d’autres en tôle. En face de ces maisonnettes s’étalent jardins et potagers parfaitement entretenus. Nous ne croisons pas grand monde, à part un groupe de vieillards jouant aux cartes et un couple arrosant leurs fruits.

Nous faisons une pause dans l’herbe suite à ma demande (a.k.a. je m’écroule à l’ombre en buvant toute l’eau tiède de ma bouteille). Heureusement qu’en ville les fontaines à eaux sont fréquentes sinon on ne compterait plus les victimes de déshydratation.

Avant de nous remettre en route un chat vient se frotter à nous en nous réclamant de la nourriture. Pragmatique Florian le nomme « le chat » alors que moi je penche plutôt pour le dénommer « pois-chiche ».

Au bout d’un moment il n’y a plus de mystérieuses maisons au bord de la route, et uniquement de la forêt. Nous arrivons à la pointe Sud de l’île en nous disant qu’on va pouvoir faire de belles photos de la ville. Déception : les lieux sont recouverts de déchets et je suis persuadée qu’il y a des rats. En plus la vue est pas terrible. Nous repartons dans l’autre sens.

C’est déjà la fin d’après-midi et nous n’avons pris qu’un petit-déjeuner (ouais je sais ça vous choque venant de moi). La chaleur coupant l’appétit, dès que ça se rafraîchit (quand il fait 32° quoi) la faim m’assaillit. Nous déjeunons/goûtons/dînons dans un restaurant où l’intérieur est divisé en zones où il est interdit de fumer et en zones où c’est autorisé. En discutant avec Florian je découvre qu’il a lui aussi bénéficié d’une bourse Zellidja il y a 4 ans pour faire un voyage dans les pays Baltes. Nous échangeons nos impressions sur la fondation et son fonctionnement.

Alors qu’il commence à faire nuit nous marchons un peu dans le quartier de Zemoun. C’était auparavant une ville détachée de Belgrade qui fait maintenant partie de sa périphérie depuis que la ville s’agrandit.

Pour rentrer nous prenons un bus où le chauffeur a refusé qu’on le paie. Nous retrouvons la fraîcheur de l’appartement avec beaucoup de joie.

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Qui veut un t-shirt Poutine? 
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05/08

On frôle les 40° dès le matin, je me détache tant bien que mal de la climatisation et transpire toute l’eau de mon corps après 10 minutes de marche.

Nous songeons logiquement aux musées. Nous tentons le Musée National, essai qui s’avère être un échec car les lieux sont en rénovations depuis 2003. On se rabat sur le musée Nikola Tesla, pour lequel il faut marcher une grosse demi-heure. En chemin nous testons toutes les fontaines à eau en vue, nous faisons même une pause dans un parc à l’ombre, sur un banc qui vraisemblablement fait partie du terrain de foot car le ballon nous manque de quelques centimètres régulièrement.

Le musée Tesla est petit en soi, mais on y trouve des objets personnels et des maquettes d’inventions authentiques. Nous y admirons les 3 paires de gants que portait l’inventeur, ainsi que sa montre de poche géante, et ses cendres reposant dans une urne en forme de sphère. Nikola Tesla avait la double nationalité Etats-Unis – Serbie, et c’est un peu fierté nationale ici : il apparaît sur les billets de 20 dinars, sur les timbres et sur de nombreux autres supports. Pourtant il est originaire d’un village qui est géographiquement en Croatie aujourd’hui.

L'aspect pratique du truc 

Maintenant que l’on évoque la monnaie, un billet de 10 dinars vaut approximativement 12 centimes, il est commun d’en voir traîner par terre dans la rue ce qui surprenant quand l’on vient d’un pays où un billet quel qu’il soit à toujours de la valeur. Du coup on se retrouve avec des billets de 100, 200, 1 000, 2 000 voire 5 000. En plus des billets il y a bien entendu des pièces : 1, 2, 5 ou 20, elles coûtent surement plus cher à produire que leur valeur fiduciaire. Par contre il n’y a pas de centimes, mais certains prix ne sont pas ronds, surtout en supermarché : donc on ne nous rend pas la monnaie dans ces cas-là. Exemple totalement fictif : un pot de glace à 399,99 dinars, je paye 400 et le centime va dans la poche du commerce. Evidemment ce centime ne vaut rien, mais autant mettre 400 comme prix dès le début.

Revenons au musée. En plus des effets personnels il y a aussi les inventions originales du génie, encore en marche. Il est d’ailleurs possible de participer à des expériences ou de voir le fonctionnement du premier objet télécommandé à distance. Une des employées du musée demande joyeusement qui est volontaire pour recevoir un demi-million de volts dans le corps, au moins 10 personnes lèvent précipitamment la main. Elle rassure les spectateurs en nous expliquant un principe physique qui s’applique à ces expériences : le courant ne reste qu’au niveau de la peau et n’atteint pas les organes. Néanmoins elle montre des gestes à ne pas faire, « otherwise you’ll die, no kidding ».

Des gens heureux de risquer leur vie

Personne ne meurt et nous continuons la visite. C’est la fin d’après-midi et non il ne fait pas moins chaud au contraire, mais au moins le soleil ne tape plus aussi fort. Nous profitons de la lumière chaude (lol) pour faire des photos de la ville depuis la forteresse.

Pour avoir survécu à cette journée je propose de nous récompenser en mangeant des falafels et du houmous. Enfin je dis « propose » mais ce n’était pas trop négociable. Mon corps et mon esprit réclamaient du pois-chiche sous toutes ses formes.


06/08

Je ne vais pas revenir sur la chaleur, vous avez compris je pense.

En fin de matinée nous faisons une tentative de musée qui s’avèrera fermé, et un deuxième introuvable. Nous commençons une ballade depuis le centre-ville jusqu’à une île sur le Danube reconvertie en petite station balnéaire.

Les bords du fleuve sont joliment aménagés près du centre, c’est le projet « Belgrade Waterfront » qui a pour but de reconvertir les berges d’habitude occupées par des restaurants/clubs/discothèques/salles de fêtes flottantes et délabrées en lieu moderne et gentrifié. La promenade est très agréable jusqu’au point où les travaux sont encore en cours, là on se retrouve à marcher dans des zones industrielles entourés de montagnes de gravats, moins charmant.

Encore moins charmant : une zone d’habitations flottantes à la limite du bidonville. L’eau y est verte et stagnante avec des bouteilles en plastique qui y reposent comme si c’était du solide.

Super restaurant, je recommande 

Nous arrivons tout de même sur cette presqu’ile où toutes les familles de Belgrade semblent passer leur dimanche. Heureusement que l’on arrive en fin de journée et que beaucoup de gens rentrent chez eux, car même comme ça certaines zones sont bondées.

L’eau est plus propre et sa température assez douce, à peu près toutes les 4 minutes le maître-nageur siffle pour empêcher une noyade.

Nous parcourons une bonne partie de la plage et nous nous arrêtons dîner dans un grill épargné par la foule et la musique tonitruante. Déjà que ce n’est pas facile d’être végétarien dans la région, parfois c’est juste impossible, comme ici : nous commandons chacun un plat traditionnel qui s’apparente à des lasagnes au poulet et au fromage.

Pile quand nous payons l’addition, le petit train qui fait le tour de l’étendue d’eau s’arrête à quelques mètres de nous, je perds directement 10 ans d’âge mental et hâte Florian pour qu’on monte dedans. Nous revenons ainsi vers l’entrée des lieux en passant par un autre chemin, en nous reposant et gratuitement car le conducteur ne nous demande pas de payer.

Le petit traiiiin de BG

Une fois à l’arrêt de bus nous en prenons un au hasard, chanceux que nous sommes il nous dépose dans le centre près de l’appartement. C’est à ce moment-là que se déclenche l’orage qui guettait la ville depuis plusieurs heures : le vent soulève toute la poussière de la capitale, créant un brouillard épais, puis la pluie fait retomber ce blizzard à coup d’éclairs.

Une fois dans l’appartement nous faisons nos sacs pour le lendemain avant d’aller dormir.

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07/08

Vu que nous comptions tous les deux partir pour Novi Sad aujourd’hui, nous choisissons d’y aller ensemble (je prolonge ainsi mon couchsurfing en squattant l’Airbnb que Florian a pris dans la ville). D’habitude je prends le bus plutôt que le train, car je trouve plus facilement les horaires en ligne et parce que j’associe encore l’idée que le train est plus coûteux, alors que dans la région c’est parfois peut-être moins cher. Florian prend toujours le train car il a une réduction de 50% dans toute l’Europe géographique, son père était cheminot, et qu’il trouve ça plus authentique. (Pourquoi tu n’as pas ça Laureen ?!?). Il me raconte que certains contrôleurs, à la vue du sigle SNCF, ne regardent même pas son ticket, « c’est la famille ».

Nous passons le trajet d’1h30 à échanger sur son domaine d’études, le droit numérique, et sur une de ses obsessions, les pigeons roux, et une de ses peurs les plus profondes, les chiens errants. Les gares où le train s’arrête n’ont parfois pas de quai, la gare peut être entourée de champs ou de wagons rouillés abandonnés, mais à chaque fois la cheffe de gare sort coiffée de son képi (pour le moment je n’ai vu que des femmes), formelle comme au premier jour de poste.

A Novi Sad nous retrouvons la propriétaire du Airbnb, une russe qui a déménagé il y a 4 ans en Serbie. Pendant que nous marchons je lui pose les questions d’usage, à chaque fois elle me répond évasivement, j’en conclus qu’elle doit faire partie d’une mafia quelconque.

Le logement se situe au 10ème étage d’un immeuble, la décoration intérieure relève du catalogue design : papier peint hypnotique, rappels de couleurs, affiches vintages de films encadrées aux murs.

Un film légèrement érotique s'est caché parmi ces 4 affiches, saurez-vous devinez lequel ? 

Il y a deux chambres, mais la clim n’est présente que dans le salon (tristesse absolue), pour le moment la chaleur est soutenable, depuis la veille on a perdu 15°. Comme nous sommes au dernier étage nous n’avons à monter qu’un escalier supplémentaire pour être sur le toit et avoir une belle vue sur les alentours.

Le centre-ville est à 15 minutes à pied, nous nous y rendons pour déjeuner. Alors que l’on sort de l’immeuble une dame s’adresse à moi en serbe, Florian répond « izvini, ne govorim srpski », signifiant « désolé je ne parle pas serbe » (j’essaye d’apprendre à prononcer cette formule magique mais je n’y arrive pas). A peine quelques mètres plus loin un homme me débite une autre phrase en langue locale, je regarde Florian avec le regard du « dit ta phrase de touriste stp », ce à quoi l’homme répond en anglais qu’il m’avait prise pour une voisine de l’immeuble. Je comprends pourquoi on s’adresse à moi depuis 5 minutes. Pendant ce temps le voisin s’enquiert de savoir d’où sommes-nous (enfin je dis « nous » mais il n’a même pas jeté un regard à Florian). Je commence à dire que nous sommes de Paris et de Toulouse, mais avant d’avoir pu prononcer la deuxième ville le serbe s’exclame « Ah Pariiiis ! », lorsqu’il m’entend dire que je viens de Toulouse il s’exclame alors « Ah Toulouuuuse ». J’aurais pu dire Berck Plage il aurait répété « Ah Berck Plage ! ».

Le centre de Novi Sad est composé de nombreuses églises, restaurants, bars et magasins. L’ambiance y est jeune et décontractée.

Partout sont affichées les trombinoscopes des promos de l'année, leur style permet parfois de deviner la matière. 

Après déjeuner nous marchons jusqu’à la forteresse, de l’autre côté du Danube. Danube où défilent de longs bateaux mouches à l’étendard français, serbe ou suisse (de Bâle plus précisément, ils arrivent loin de nos jours !).

Nous faisons le tour de la forteresse en évitant d’être sur les photos de shootings de mariage. Alors que l’on débat sur la race des oiseaux qui volent en formation au-dessus de nos têtes, nous entendons un tonitruant « EH VENEZ, J’AI TROUVE DES FRANÇAIS ». Nous sommes vraiment partout.

Le guide de Florian (« Petit Futé 2015 » attention ça rigole pas) indiquait une plage au bord du fleuve. Nous pensons savoir où elle est et nous y rendons. Nous trouvons certes l’équivalent serbe du « chiringuito » (les vrais se rappellent des cours d’espagnol du collège) mais l’endroit est désert à part quelques pêcheurs à la ligne et au filet.

Nous empruntons un pont pour traverser et rentrer vers le logement. On se perd un peu entre des rues défoncées à l’écart des lieux touristiques quand tout à coup surgissent de derrière un grillage des chiens aboyant méchamment. Florian m’avait prévenue quelques secondes auparavant qu’il y avait des chiens mais mon cerveau a vraisemblablement ignoré l’information pour pouvoir me faire sursauter de peur. Ironiquement, je taquinais Florian sur sa peur des chiens errants (il est capable de citer les pays en Europe où il y en a et où il n’y en a pas), mais à ce moment-là c’est moi qui était super flippée #Karma.

Heureusement que je peux continuer à le taquiner sur le fait que mon téléphone se connecte sans difficulté au wifi de l’appartement alors que son Iphone refuse.

Après tant d’émotions nous rentrons, dînons, dormons.


08/08

Alors que les serbes mangent leur burek du matin (ou pizza selon) nous prenons le train pour Sremski Karlovci, une petite ville à 15 minutes de Novi Sad. En soi il n’y a pas grand-chose à voir, mais ça nous permet de voir la campagne Voïvodine, seule région qui n’avait pas cherché à se détacher de la Yougoslavie après la mort de Tito.

Je profite du bureau de poste local pour acheter des timbres, j’en demande 3 et je comprends qu’ils impriment directement les timbres dans l’édifice et que je dois lui laisser mes cartes postales qui seront postées plus tard. Je lui tends donc mes cartes et il y jette un coup d’œil, il s’arrête devant ma carte du Kosovo (si vous avez suivi, Serbie et Kosovo pas copains copains), je lui demande s’ils vont quand même la poster et il me répond d’un hochement de tête peu convaincant. Je ne l’ai pas jouée très fine je reconnais, surtout qu’avant d’entrer dans le bureau j’ai mis dans la boîte aux lettres une carte portant un timbre de la Bosnie, avec qui la Serbie ne s’entend pas non plus.

Sremski Karlovci est principalement composé d’une place centrale et de vignes. Les bâtiments autour de la place sont surtout religieux comme l’indique le doux nom de « Place du Patriarche ».

Lorsque nous cherchons où manger on nous apprend qu’il n’y a que 2 restaurants dans la ville, pour éviter les prix de cet oligopole on se rabat sur un boui-boui où sont servis des plats « viande pain légumes graisse », repas traditionnel.

Puis nous retournons à la gare où nous attendons une petite heure pour le prochain train, l’heure est à la sieste. De retour à Novi Sad je goûte l’équivalent local de la glace Ben & Jerry’s pendant que Florian s’essaye au vin de Sremski Karlovci, ça n’a pas l’air de le convaincre.

Dans la soirée nous nous motivons pour aller jusqu’à une plage au bord du Danube, la volonté nous emmènera jusqu’au centre-ville, la flemme nous arrêtera pour manger des crêpes.


09/08

Je me réveille tôt pour prendre un train à 9h37, je continue mon voyage vers le Nord et la Hongrie. A la gare j’apprends à ne pas me fier aux horaires affichés sur le site officiel du réseau ferroviaire serbe car le train est à 10h27.

J’arrive vers 13h à Subotica, petite ville au Nord de la Serbie. J’y passe quelques heures avant de prendre le train pour Budapest. L’endroit a un charme que je ne trouvais pas à Novi Sad. Certains bâtiments ont une architecture s’apparentant à Gaudi, les rues sont bordées de larges arbres et pavées de dalles jaunes sur lesquelles je glisse régulièrement.

Ouh les belles photos du téléphone! 

Mon train pour Budapest a 40 minutes de retard et une fois à bord les passages de frontières sont terriblement lents.

29

09/08

Vers 20h mon train arrive à la gare internationale de Budapest, Keleti Pályaudvar. Je regarde sur l’application HostelWorld qu’est-ce qu’il y a comme disponibilités dans le centre. Je trouve une auberge qui a l’air sympa et me met en route.

Une fois sur place le réceptionniste (qui plane clairement au niveau de la station spatiale internationale) m’apprend que le lit que je convoite n’est libre que pour une nuit, et que le lendemain il faudra que je trouve un logement ailleurs. Ça ne me dérange pas de changer d’auberge, Liam arrive le 11 août et nous avons pris un Airbnb pour 3 nuits, en attendant je peux bien faire du tourisme de sommeil.

Après avoir déposé mon sac au pied de mon lit, je m’en vais vite profiter de la ville, de nuit. Je suis agréablement surprise de voir qu’il n’y a pas autant de monde que ce que je pensais. A Prague par exemple certaines rues et places étaient bondées et on ne pouvait profiter qu’en s’en éloignant. Ici c’est plus paisible.

Je profite du fait que j’ai retrouvé mon forfait de téléphone pour appeler chez moi à Rabastens, puis Liam, Alexia et Lalie. Pendant ces quelques heures de discussion je longe les berges du Danube, admire les bâtiments illuminés et traverse les 3 ponts principaux. Parmi ces ponts il y en a deux très semblables en chaines de métal vert, l’un est le « pont du chill » où tout le monde monte sur la structure, les gens flânent tranquillement et des concerts de rues s’improvisent ; l’autre sera rebaptisé par Liam le « NOPE bridge » dû au fait qu’il pullule d’araignées qui ont tissés leurs toiles sur toute la structure.

10/08

Après mon réveil je me mets en quête du réceptionniste de l’auberge pour payer ma nuit mais je ne le trouve nulle part. Je prends un looong petit-déjeuner en attendant son retour, je scrute la carte Use-it que j’ai de la ville et papote avec une voyageuse de Seattle. Il réapparaît enfin au détour d’un escalier, je règle et m’en vais dans l’auberge où je dors ce soir et j’y laisse mon sac.

De là je commence une balade dans le Sud de la ville, je traverse le Danube pour rejoindre ce que les locaux appellent une plage. C’est en effet une aire de baignade accolée au côté gauche du fleuve, au sein d’un parc un peu en périphérie de la ville.

Je remonte à pied la berge jusqu’à l’Université de Technologie et d’Economie où je commence à chercher un endroit où déjeuner. Par curiosité je rentre dans un lieu nommé ExZOOtic Café, quelle n’est pas ma surprise de découvrir à l’entrée un petit enclos où 2 suricates se courent l’un après l’autre. L’endroit est en fait un restaurant où en attendant son « African Burger » on peut aller caresser des petits kangourous ou s’enrouler des boas autour du cou.

Je fais un tour dans les lieux, curieuse et un peu dégoûtée par le fait que les animaux ne doivent pas être super épanouis à toujours passez de main en main. Puis je pars précipitamment lorsque je vois le vivarium destiné aux araignées vide, et ouvert. Quelques mètres plus loin je m’attable au « Hummus Bar », une chaîne locale dont la limonade faite maison est délicieuse.

Comme balade digestive j’entreprends de monter à la Citadella, forteresse en hauteur entourée d’un parc offrant de jolies vues. L’ombre des arbres est rafraîchissante et permet d’échapper quelques instants à la surchauffe.

Toujours du côté de Buda (oui car Budapest est composé des villes Buda et Pest, qui sont respectivement la rive Ouest et Est du Danube), j’entreprends la montée de Várhegy, la colline où se trouve le château royal du 13ème siècle.

C’est toute une ville fortifiée qui s’est développée autour du château et de la Église Notre-Dame-de-l'Assomption de Budavár, à la toiture flambante de couleurs.

On peut flâner dans les jardins de Hunyadi, admirer la vue depuis la terrasse Savoyai, autour de laquelle on trouve la National Gallery, ou s’extasier devant la finesse néo-gothique du Fisherman’s Bastion.

Les lieux sont d’autant plus beaux que les rayons de soleil aveuglants ont cédé la place à une lumière plus douce et diffuse.

C’est décidemment la journée de l’escalade car après m’être reposée dans le Millenial Parc où j’ai mangé un pain au chocolat, j’enchaîne avec la Colline aux Roses. Jardin presque confidentiel coincé en pente entre des maisons biscornues.

Je regagne le plat pour me rendre sur l’île Margaret (Margitsziget). En plus de comporter un SPA, quelques restaurant et un complexe sportif, l’endroit est surtout un immense parc très prisé des hongrois. On peut y accéder par pont ou bateau, ceux arrivant à pied par le Sud sont accueilli par une fontaine multicolore chanteuse.

Je parcours l’île dans toute sa longueur, j’y découvre le petit jardin japonais et le restaurant dont la scène live enflamme le dancefloor. Ces jours-ci c’est également le FINA World Championship : se tiennent à Budapest des compétitions internationales liées à la natation. Pour l’occasion, le complexe sportif de Margitsziget est investi de stands liés à l’évènement, et plusieurs concerts ont lieu sur la grande pelouse du terrain central.

Interdit d'entrer avec du PQ et des opinions politiques. 

Alors que la soirée est déjà bien avancée, je prends le tramway jusqu’à l’auberge où je discute un peu avec une tunisienne en doctorat d’agronomie qui est venue faire un stage de 5 mois ici et qui vit dans l’auberge. Puis je m’écroule dans mon lit, en une journée j’ai littéralement marché la moitié de la ville.

11/08

Le lit au-dessus du mien grinçait affreusement, et son occupante changeait de position environ toutes les 4 minutes 30. Mon sommeil n’a pas été aussi réparateur que je le souhaitais et je sens que je ne vais pas pouvoir marcher autant que la veille. Je prends mon petit déjeuner et je laisse mon sac dans la luggage room de l’auberge.

Vu que la veille j’ai exclusivement visité Buda, aujourd’hui je vais à la découverte de Pest (pour le moment rien de transcendant dans mon raisonnement).

Je commence par le marché central où les touristes côtoient les locaux.

Après les étals de fruits je me perds entre les ruelles du centre avant de me retrouver devant la plus grande synagogue d’Europe.

J’explore les rues piétonnes du quartier juif et ses friperies, puis je grignote un bagel devant la Basilique Saint-Etienne de Pest J’emprunte l’avenue Andrassy, après être passée devant l’opéra je rentre dans une confiserie digne de Willy Wonka où je trouve tous les goûts de Jelly Beans.

Vers 15h je pars pour l’aéroport pour retrouver Liam. Bien entendu je suis en retard, il fait trop chaud pour aller vite. Après être passés récupérer mon sac à l’auberge (ce sac ne fait que être déposé et ramassé) nous nous rendons dans notre Airbnb. C’est une petite chambre avec un ventilateur dont le câble fait approximativement 20 centimètres de long. Mais c’est tout ce dont nous avons besoin pour nous reposer au frais.

En plus de venir passer le weekend Liam avait également une mission de ravitaillement : il me prête un sac de voyage pour remplacer le mien qui commence à se déchirer et il refait mes stocks de chocolat/produit à lentilles/bouchons d’oreilles/cotons tiges.

Assez rapidement vient l’heure du diner, notre choix est légèrement orienté par le fait que je répète toutes les 10 minutes « on va manger des sushiiiis ». Donc on mange des sushis. Puis des gauffres en dessert : chocolat-banane pour Liam, glace vanille-brownie pour ma part.

Nous digérons en marchant au bord du Danube, puis vers 22h30 nous allons aux thermes de Rudas. Budapest est en effet populaire pour ses bains, le weekend ceux-ci ont des horaires nocturnes (22h-4h) et ils sont mixtes ; sinon le mardi est habituellement réservé aux femmes et le reste des jours aux hommes.

Nous passons un excellent moment ! Après avoir laissé nos affaires dans des casiers qui s’ouvre grâce à des montres magnétiques que l’on nous distribue, nous commençons la baignade.

La première salle que nous découvrons est composée de 5 bassins aux températures variables : 42°, 26°, 33°, 32°, 28°. Au début j’ai un peu de mal à rester dans celui à 42°, puis je m’y habitue. Nous changeons régulièrement de bassin avant d’essayer le sauna et le hammam. Leurs températures vont de 50° à 70°, on y sue à grosses gouttes en silence.

Photos du site web. 

C’est très relaxant et agréable, surtout le fait de se verser un seau d’eau froide dessus ou d’aller directement après dans un bassin à 14° dans une salle à côté. Nous répétons plusieurs fois le cycle bain-hammam/sauna-eau froide, puis nous allons explorer le reste des lieux.

Nous sommes dans des thermes qui, malgré leur situation idéale au bord du Danube, ne sont pas trop touristiques. Chacun a la place pour flotter, on n’est pas trop serrés.

Vers minuit nous trouvons la piscine déserte, pour quelques instants nous l’avons pour nous seuls. Nous faisons quelques longueurs en silence puis une petite compétition d’apnée.

Vu que les bains ne sont pas mixtes en semaine, les gens y viennent sans maillot. Je me dis que ça doit être sympa de nager tout nu, sans se faire du souci pour la pudeur.

Après la piscine nous trouvons la zone SPA au bout d’un couleur. Ici aussi il y a des bassins de différentes températures, mais l’ambiance ressemble plus à celle d’une piscine. Petit plus : il y a des jets d’eau massants à certains endroits.

Nous empruntons un escalier menant à une terrasse où l’on peut se réfugier dans l’eau chaude en admirant la ville et ses lumières. Le petit bassin circulaire est légèrement bondé par moments, mais la sensation de chaleur dans tout le corps alors que le vent frais frôle nos visages vaut la peine.

Nous partons vers 2h du matin et l’on marche jusqu’à l’appartement. Il y a du vent, il fait froid, nous avons les cheveux mouillés.

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Suite au prochain épisode 
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12/08

Nous louons des vélos à 14€ pour 24h, c’pas cher. Nous arpentons les rues du centre-ville, le quartier juif, puis nous remontons jusqu’au parc Városliget en passant devant un match de waterpolo. Au sein du parc nous passons devant un petit château très charmant, assistons à un concours canin avant de nous poser un peu dans l’herbe. Nous voyons également des thermes très touristiques avec des groupes de touristes faisant la queue. Mais des photos que j’ai vues, c’est très beau à l’intérieur.

Vous vous doutez que les photos ne sont pas de moi vu que je ne suis même pas entrée 

On remonte en selle et reprenons l’avenue Andrassy. Nous passons devant des rues interdites à la circulation car un film d’époque est en tournage. Tous les figurants ont des costumes du siècle passé (ou même celui d’avant, je ne sais pas) et tout le monde s’active dans une chorégraphie très précise lorsque le directeur scande « akció!».

Nous rejoignons un square central qui selon la carte Use-it a été le théâtre de tous les événements importants de la ville. Au sud de la place trône un monument commémorant l’invasion nazie, le monument est fortement contesté, comme en témoignent le monument alternatif dressé en face l’officiel : des photos de victimes juives et des autels en leur mémoire. Il y a débat car la Hongrie était alliée de l’Allemagne lors de la 2nd Guerre Mondiale, on ne peut donc pas parler d’annexion dans ce cas-là.

Quelques centaines de mètres plus loin nous descendons de nos vélos pour voir le monument en mémoire des victimes de la Shoah. Il est composé de chaussures en métal fixées sur le quai du Danube.

Juste derrière ce lieu de mémoire se trouve le Parlement de Budapest, le 3e plus grand au monde, dont la taille imposante est la même que celle de l’église Budavár de l’autre côté du fleuve. A l’époque c’était pour symboliser l’égalité entre le pouvoir politique et religieux. Vers 16h nous déjeunons à l’Elysée, un restaurant situé sur la place.

Depuis l'autre rive / Des impacts de balles 

Après avoir repris des forces nous reprenons la route pour l’île Margaret où nous faisons une pause au Hippie Island, un endroit coloré où nous nous rafraîchissons à coup de limonades à la framboise et à la mangue, puis dégustons un cheesecake au limoncello, what a hard life…

J'ai trouvé le spot selfie de l'île 

L’île me semble encore plus conviviale que la veille. C’est le week-end et l’on vient fêter les anniversaires dans le parc entre amis ou en famille, on se prélasse à l’ombre ou au soleil en plein pique-nique.

Nous avions comme projet de rejoindre Szentendre, un village à une vingtaine de kilomètres de Budapest. Finalement on s’arrête à mi-chemin car on évalue que l’on sera trop fatigués si on rajoute 15 kilomètres à notre journée (et nous avons eu raison, très raison). Nous allons donc jusqu’à une zone aménagée en petite plage au bord du Danube, au nord de la ville. Nous attachons les vélos et profitons à pied du chemin boisé longeant les petits restaurants d’un côté et la berge de l’autre. Sur la plage de gravier sont disposés des sièges et des tables colorés. Ça semble être un lieu de sortie pour les familles le week-end.

Sur le fleuve devant moi j’aperçois soudain la péniche de Bâle croisée à Novi Sad.

Même si nous n'allons pas jusqu'à Szentendre, nous passons par Óbuda, ville accolée à Budapest et qui offre un contraste entre son aspect village et ses immeubles HLM.

On redescend vers le centre de la ville en faisant à vélo toute la berge de Buda. Je pourrais me vanter un tantinet en précisant que Liam avait du mal à suivre mon rythme cycliste, mais je devrais après préciser que le soir il était beaucoup moins fatigué que moi (et contrairement à moi il ne disait pas « j’ai maaaal » toutes les 2 minutes).

Néanmoins il mérite votre compassion car je m’arrêtais tous les 500 mètres pour prendre des photos de la ville dans la lumière du soleil couchant.

/!\ Attention beaucoup de rose à l'horizon /!\

Nous arrivons jusqu’au pont du chill, coupé à la circulation pour le week-end ! Nous nous asseyons sur la structure qui retrouve sa structure avec la disparition du soleil. Voulant avoir un point de vue plus élevé je grimpe sur le pont jusqu’à une barrière qui empêche d’aller plus haut.

Coucou maman je grimpe sur un pont! 

Sur le pont les gens ont amené des couvertures pour prendre l’apéro, d’autres dessinent à la craie, des groupes de musiques font danser les passants. Fatigués, transits par la fraîcheur et les muscles qui commencent à protester, nous rentrons.

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13/08

Le jour du Sziget festivaaaaal !

Nous petit-déjeunons des gaufres (oui, nous n’aurons mangé que des gaufres et des sushis) après avoir préparé nos sacs que nous laissons au Airbnb. Puis nous achetons 2 petits paquets de chips pour avoir quelque chose à grignoter pendant les concerts.

Le Sziget Festival a lieu sur « l’île de la liberté », au nord de l’île Margaret. Nous prenons un métro puis un train urbain (sorte de RER). Nous devons descendre un arrêt avant l’entrée du festival car un camping-car a déboulé sur les voies, passant outre les barrières en béton et les grillages.

Après avoir croisé au moins 453 policiers, deux contrôles d’identité et un contrôle de sécurité nous entrons dans le festival.

Le contrôle d’identité est quelque chose de nouveau cette année, l’organisation du festival n’explique pas cela pour des raisons liées au terrorisme, mais pour « intercepter les individus recherchés par mandat international et par Interpol ».

A l’entrée des lieux nous prenons chacun un passeport de festivalier : on peut le faire tamponner dans différents lieux du festival, on y a des plans de l’endroit et les programmes de chaque scène et endroit. On peut y écrire nom, prénom, surnom nocturne (= facile à prononcer en étant soûl) et ancienneté par rapport au festival. Si on patiente à « l’office d’immigration de Sziget » on peut même y coller une photo d’identité officielle.

Téma le maquillage de festivalière 

Tout se déroule donc sur une île, une île immense. En plus d’une quarantaine de scènes musicales qui regroupent presque tous les styles musicaux (classique-opéra, reggae, rock, techno, pop, etc) il y a des théâtres, des tentes de cirque, des lieux où l’on peut assister à des Tedtalk, une multitude de workshops, des zones entières dédiées à la peinture, la couture, la sculpture, la coiffure, le maquillage, les jeux de société (il y a même une double tente pour les tournois d’échecs) … En plus des magasins où l’on peut acheter du merchandising du festival, des bijoux phosphorescents ou des salons de tatouages, des centaines de stands dédiés au miam miam offrent un spectre de consommations allant du burger vegan jusqu’au seau de plage rempli de mojito. Bien sûr, qui dit concerts jusqu’à 6h du matin, dit endroits où dormir. En plus des océans de tentes où il semble impossible de nager sans se prendre les pieds dans les sardines, on tombe régulièrement sur des lieux propices à sieste. Des coussins disposés sous les arbres, des constructions plus élaborées : des cocons en bois, des champignons géants sous lesquels l’on dort à l’ombre. On a aussi des zones sponsorisées par des marques : lounges, discothèques ambulantes, salons de coiffure, DJ. Il y a un colisée entièrement fabriqué en palettes.

Cliquez ici pour voir l'aftermovie du festival de l'année dernière, je vous préviens...ça donne envie d'y aller.

Toute une partie de l’île est dédiée au sport : volley, ping-pong, saut à l’élastique, parcours de l’impossible. Ou pour ceux qui aiment les sensations mais pas trop, il est possible de boire sa bière perché à 20 mètres du haut les pieds dans le vide. Entre deux statues de dragon faites en plastique recyclé on peut tomber sur l’ambassade d’Italie, sur des ONG comme Amnesty International ou sur les scouts hongrois.

Nous faisons un tour pour (essayer de) nous familiariser avec les lieux. Puis vers 15h30, après avoir fait un peu d’appropriation culturelle en participant à un cours de danse du ventre égyptienne (enfin juste moi, Liam me regardait de loin) nous nous plaçons tout devant la scène principale pour voir Metronomy à 16h.

Ce premier concert est fantastique, et je ne dis pas que ça parce que je suis tombée amoureuse d’Anna, la batteuse ! Ils ont joué des morceaux parmi leurs meilleurs chansons. Toute l’esplanade s’est remplie de monde en quelques minutes. Le chanteur principal du groupe est particulièrement éloquant : « it’s Sunday afternoon…in case you didn’t notice », « people on the sun, don’t forget to put sunscreen ».

Je suis agréablement surprise de vois que peu de gens filment avec leur téléphone ! (tmtc le struggle de ne pas voir la scène parce que quelqu’un te cache la vue avec son écran).

Après ce concert nous allons visiter le « Luminarium », une construction gonflable cousue à la main composée de plusieurs salles aux couleurs différentes. Les gens s’allongent pas terres, enlacés ou seuls.

A 18h30 nous nous dépêchons pour aller voir Oh Wonder, groupe que l’on affectionne particulièrement. Nous sommes bien placés dans le public, heureusement car des centaines de gens viennent voir ce groupe qui n’est pourtant pas très très connu, la foule présente nous surprend tous les deux.

Quelle qualitey 

Les chanteurs et musiciens, Anthony et Josephine, ont énormément de présence sur scène, ils font bouger le public. On est aux anges avec Liam car ils jouent nos morceaux préférés, Liam a même dansé, c’est pour dire.

Quand ils quittent la scène 1 heure plus tard, nous avons déjà fini nos 2 petits paquets de chips, nous nous mettons en quête de trouver un dîner. Deux burritos et deux donuts plus tard nous traversons la zone reggae pour aller voir l’Orchestre National de Barbès sur la scène internationale. Le groupe franco-algérien fait danser le public (sûrement tous les français du camping) à l’aide d’accordéons et de contrebasses.

En parlant de français, j’ai vu au moins 5 drapeaux français au cours de la journée. Nous sommes partout héhé.

Nous essayons d’assister à un spectacle de cirque mais c’est complet. Nous allons donc nous allonger sur des poufs pour écouter de la musique classique hongroise, sur le chemin nous croisons une fête foraine miniature avec une roue de 3 mètres de haut.

Beaucoup de gens sont déguisés, ceux qui m’ont marqué sont un groupe de Power Rangers et un duo de gars se faisant passer pour des profils Tinder et demandant aux filles de quel côté elle swiperaient.

Par hasard nous voyons un spectacle de percussion en plein air, enfin « plein air », les musiciens sont enfermés dans des cages pendant que des acrobates montent de descendent en synchronisation le long de câble au-dessus d’une grande pelouse.

Liam entreprend ensuite d’utiliser des connaissances en ingénierie pour remplir la bouteille d’eau dans une fontaine qui ne semble pas du tout prévue à cet effet, mais c’est une des seules fontaines d’eau potable des lieux. Pendant ce temps je reste bouche bée devant le meilleur duo de danse que je n’ai jamais vu. Ils sont sûrement très soûls mais leurs mouvements sont hypnotisants, surtout quand le gars tourne en rond autour de la fille en faisant la licorne avec sa bouteille en plastique sur le front.

L’esplanade principale étouffe de gens venus pour voir les Chainsmokers, la moitié de festival doit être là. Je me sens comme une mémé parce que je connais pas du tout et je ne comprends pas pourquoi tout le monde aime. Nous y restons jusqu’à 22h puis nous allons voir The Pretty Reckless sur une autre scène. Clairement la chanteuse est pas là pour être chaleureuse, mais elle en jette. Ils jouent leur premier morceau et un des plus connus : Make me wanna die. Le public s’emporte, chante, les spectateurs portent des gens au-dessus de la foule, commencent un pogo. Tout le monde s’enjaille, sauf une meuf pas loin de nous qui s’est assise par terre et qui fait défiler son feed instagram en vraisemblablement boudant.

Vers 23h nous nous rendons sous un chapiteau portant le doux nom de « miroir magique ». Nous étions rentrés par hasard plus tôt, en pleine projection d’un court métrage sur le clitoris. Cette fois on y retourne pour voir le spectacle d’une troupe australienne, Limbo. Ils sont à la fois orchestre, danseurs (de claquettes plus spécifiquement), gymnastes et chanteurs. C’est époustouflant de voir une acrobate cracheuse de feu avaler une lame enflammée jusqu’à la garde ; et c’est hilarant d’assister à un strip-tease masculin comique. Le spectacle se passe au sol, toujours accompagné par de talentueux magiciens joueurs de tuba, harmonica, batterie et trompette. Je vous mets en lien une bande-annonce de leur spectacle : ici.

Une fois le show fini, vers 00h30, nous décidons de nous mettre en route pour la plage de l’île. Mais en chemin…qu’est-ce que j’entends ? Mais…MAIS C’EST DU REGGAETON. Je force Liam à me suivre sur la piste de danse du DJ latino, il est totalement dans son élément (il se peut que j’exagère) pendant que je chante de tout mon cœur les paroles de Shakira ou d’Enrique Iglesia.

Plus loin nous assistons à la fin d’un concert d’un groupe hongrois rendant hommage aux Doors.

Toujours sur la route de la plage (on s’en dévie pas mal) nous rentrons dans un petit supermarché Aldi monté pour le festival où la musique passe à fond (compassion pour les caissiers et caissières). Les festivaliers débutent des chorégraphies endiablées entre 2 rayons.

Enfin nous atteignons la plage, lieu de chill par excellence avec des banquettes, poufs, coussins et shishas à disposition. Nous nous reposons un petit moment sur une banquette, profitons de la musique, des lumières colorées mais douces.

Après ce repos mérité nous retournons vers le centre de l’île. Après un arrêt par curiosité au colisée en palettes où l’on ne passe que de la techno, nous tentons d’autres DJ, mais sans que ça nous emporte.

Nous tentons de prendre un bateau pour rentrer à Budapest, mais ces salauds chargent beaucoup plus que prévu et l’on n’a pas assez de liquide sur nous. Du coup nous allons jusqu’au train urbain, qui étant donné l’heure (autour de 3h je crois), est « gratuit », tout comme le tram (comprenez, il n’y a pas de contrôleurs).

Nous rentrons à l’Airbnb et essayons d’avoir quelques heures de sommeil avant le matin. Liam se lève vers 6h pour prendre son avion partant à 8h30, je me réveille pour lui dire au revoir, puis je m’extirpe à mon tour du lit à 7h pour aller prendre un bus pour la Roumanie à 8h.

Océan de tentes, mer de guirlandes lumineuses. 
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14/08

Le bus traverse la frontière roumaine sans soucis. Jusqu'à Cluj-Napoca se succèdent des champs, des collines et des maisons aux architectures surprenantes.

J'arrive donc à Cluj-Napoca, Cluj pour les intimes. Je marche de la station de bus jusqu'au centre-ville.

C'est la deuxième ville de Roumanie, selon mon couchsurfeur c'est la plus "développée" car il y a moins de corruption quand dans d'autres municipalités: les trams fonctionnent bien, les parcs sont entretenus et il n'y a pas de scandale financier majeur.

Je me rends chez Adrian, le roumain qui m'accueille dans son appartement en plein centre. Je fais connaissance de sa copine qui vit avec lui ainsi que d'un couple d'amis et de leur fille, Maria, de 2 ans et demi. Le groupe a passé la journée dans un lac salé non loin de la ville et ils semblent tous éreintés, sauf Maria qui touche à tout, s'accroche aux anneaux qui pendent au milieu du salon, me parle en roumain, ou encore prend une tranche de pastèque pour en croquer un bout avant de reposer le fruit dans l'assiette.

Adrian a été ingénieur naval pendant plusieurs années, il a mis assez d'argent de côté pour acheter des logements qu'il loue aujourd'hui et se permettre de ne plus travailler et voyager la moitié de l'année. Sa compagne, Raleca, fait des illustrations, une de ses œuvres trône dans le salon: un dessin rendant hommage au film Totoro de Hayao Miyazaki.

Ils vivent d'habitude avec un colocataire qui n'est pas là et dont ils me passent la chambre.

Après que Maria et ses parents soient partis, Adrian me propose de faire un tour en ville. Nous passons d'abord par le parc derrière l'immeuble où ils vivent. Adrian m'indique tous les arbres et arbustes où je peux cueillir baies en tout genre. Elles sont toutes mûres et délicieuses.

Le STADE 

Il me montre ensuite la vue de la ville depuis une terrasse en hauteur. Depuis là on aperçoit l'église réformiste, la cathédrale catholique et la cathédrale orthodoxe.

Dans les rues de la ville on sent que le lendemain est férié : tous les jeunes et les familles sont de sortie. De plus commence bientôt un festival de culture hongroise et de nombreux stands sont prêts à ouvrir autour de la place principale où des opéras en plein air vont se jouer ces prochains jours.

Petite devinette pour vous fidèles lecteurs: quel est l'accessoire le plus trending chez les jeunes de Cluj en ce moment ?

...

LE BILBOQUET.

Si si. Ils en ont tous un, entre les mains ou autour du coup quand ils ont les mains occupées. Ils font des figure et tout.

Nous rentrons à l'appart où Raleca a cuisiné une pizza vegan. Le couple est vegan depuis 3 ans. Ils me montrent comment faire la poudre qu'ils utilisent en substitut au parmesan et me passent des articles sur la B12.

Je fais la vaisselle pendant qu'Adrian allume le retro-projecteur et déroule la toile sur laquelle on va regarder le dernier épisode de Game of Thrones.

Après cette séance télévisuelle je vais dormir une dizaine d'heures pour rattraper le sommeil que je n'ai pas eu au festival de Budapest.

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15/08

Pour le petit déjeuner nous faisons gonfler des céréales dans l'eau chaude, nous y rajoutons des noix et raisins en petits morceaux, Raleca y met de nombreuses épices dont je reconnais le gingembre, la cannelle et l'anis. Le tout donne une mixture chaude qui a assez bon goût, surtout si l'on y rajoute des morceaux de chocolat noir.

Après ce repas méga consistent je continue de rattraper ma fatigue en somnolant dans mon lit. Puis en début d'après midi j'emprunte un VTT au ménage qui a prévu d'aller visiter un petit village avec les parents de Maria et celle-ci.

Je voulais visiter un musée ethnologique avec des maisons roumaines mais c'est bien entendu fermé. Du coup je continue en vélo jusqu'à la forêt Hoia, située aux abords de la ville.

Je me démène sur quelques sentiers cabossés et réussis à ne pas dévaler les champs environnants (surtout que les freins fonctionnent à peine). Je crois quelques familles venues faire des barbecues pour profiter du jour férié dans la nature.

Je pédale dans la forêt, réputée pour être la plus hantée de Roumanie, il y a même un documentaire qui y a été filmé. Cette visite s'inscrit logiquement dans la continuité après la visite de la maison la plus hantée de New York avec Laureen l'été dernier.

Je trouve un coin tranquille où l'on entend que les oiseaux taper du bec sur les troncs. J'attache le hamac que Adrian m'a prêté et m'allonge lire quelques heures. Pour me dégourdir les jambes j'irai aussi me perdre un peu entre les arbres espacés où le sol craqué sous les pas.

Je reprends le vélo pour redescendre en ville, quand les routes sont trop pentues je dois marcher à côté du vélo car je ne fais pas confiance aux freins.

J'accroche le VTT dans le parc central de Cluj. Je vais m'acheter un drap de falafel et les déguste en assistant aux concerts de musiques traditionnelles en plein air destinés aux enfants. Le parc grouille de gens endimanchés, il y a une certaine ambiance de kermesse renforcée par les cabanons où l'on peut acheter à boire et à manger.

Deuxième devinette : quel est le deuxième objet trending chez les jeunes de Cluj et sans lequel ils ne vont pas au parc ?

...

LE HAMAC.

Tout le monde en a un ! Les couples s'y bécotent, les groupes d'amis les accrochent en cercle, les mystérieux s'y allongent à l'écart. C'est surprenant mais super malin quand on y pense.

Les gens cool de Cluj 

Je rentre en fin d'après-midi et retrouve Adrian et Raleca. Je prends une douche pour enlever les traces de graisse à moteur que la chaîne du vélo m'a étalé sur les chevilles. Puis Adrian me propose d'aller assister à quelques événements culturels célébrés ce soit.

Nous allons donc voir un groupe d'adolescents jouant dans une ancienne synagogue. Ils sont très doués et ont un style marquant. Pendant qu'ils jouent un gars fait des effets avec de l'eau savonneuse au microscope à l'aide d'un projecteur.

Adrian le fait également une visite nocturne du Nord de la ville, les anciennes murailles et le conservatoire d'où provient une mélodie jouée en boucle avec application. Nous croisons un hérissons pressé qui se dandine sur toute une rue ainsi qu'une sauterelle perdue sur la route. Nous passons devant des pompes funèbres nommées « Carpe Diem », je trouve ça drôle.

Nous rentrons et dînons du maïs que le couple a "récolté dans un champ appartenant à des bourgeois capitalistes" pendant qu'Adrian essayé de me convaincre que le gouvernement d'un pays ne sert à rien et que nous ne devrions pas payer d'impôts.

Je m'en vais dormir non convaincue par son argumentaire.

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16/08

Le bus faisant Cluj-Sibiu est bondé, au point qu'un groupe de jeune français doivent s’asseoir par terre les uns derrière les autres. Pour ma part je suis assise non loin d'un couple d'espagnols qui ne cessent de se plaindre. Beaucoup de gens parlent français en Roumanie, car c'était la langue apprise à l'école à la place de l'anglais. D'autres voyageurs roumains tapent la causette aux lyonnais assis par terre, j'apprends que ceux-ci rentrent le lendemain en France, en bus. 40 heures de trajet.

Nous sommes interrompus par une panne à 20 minutes de notre destination. Nous avons une petite heure pour profiter de la tranquillité des bords d'autoroute roumains, puis un autre bus nous récupère.

Arrivée à Sibiu je cherche un endroit où manger à 16h, faute de trouver quelque chose d'abordable dans le centre, je me rabats sur Domino's Pizza. Pendant que j'attends ma pizza végétarienne je remarque que sur le plafond des lieux il y a des extraits de fresques révélées par des fouilles archéologiques, c'est assez incongru, ces peintures coincées entre deux publicités pour une pâte fourrée au fromage et 50% de réduction sur les pizzas à emporter le samedi soir.

Toujours mon sac sur les épaules, je parcours la place principale de la ville et ses alentours. Puis je vais m'asseoir dans un parc écrire des cartes postales.

Salut, pardon 

Vers 18h30 je retrouve Ovidius, un couchsurfeur roumain, ingénieur en forêt. L'adresse qu'il m'a indiqué est celle d'un petit studio, je me dis qu'on va être serrés. Je ne comprends que longuement après qu'il me laisse ce studio qui est en fait son bureau, pendant que lui vit dans son appartement, j'ai donc un logement pour moi toute seule.

Nous buvons un thé puis allons faire un tour en ville où il me montre différents bâtiments historiques ainsi que le walk of Fame du festival de théâtre annuel de Sibiu, il y a des noms roumains bien entendu, mais également français, anglais et japonais !

Vers 20h nous nous rendons sur la place principale pour assister à un concert de l'orchestre philharmonique de Sibiu. 3 chanteurs d'opéra de renommée interprètent des classiques comme des passages des Noces de Figaro, Don Giovanni ou Sole Mio. Les maîtres de cérémonie ont la même prestance que s'ils étaient aux Oscars et peu à peu une foule se forme autour de la scène en plein air. (Vous pouvez d'ailleurs voir en direct ce qu'ils s'y passe en cliquant ici).

L'orchestre interprète des genres différents : de la marche impériale de Star Wars jusqu'à Caravan de D'une Ellington en passant par une reprise plus légère de Beethoven.

Le chef d'orchestre a 90 ans et il semble être une figure importante du monde musical roumain. Sa vieillesse est éclipsée par sa vivacité : alors que toute la foule claquait des mains en rythme avec Caravan il s'est levé pour se dandiner sur scène, acclamé par les rires et applaudissements. Plus tard l'orchestre a joué une chanson traditionnelle roumaine et il s'est retourné pour guider le public qui chantait.

Les 2h de spectacle s'achèvent dans une cérémonie en honneur au monsieur à la baguette : prix, bouquets, discours et même chant de reconnaissance qu'entame tout le public d'une seule voix.

Sur le chemin du retour Ovidius s'arrête acheter une pastèque dont il me passé la moitié, puis il m'aide à faire le lit du studio, avant de partir chez lui.

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17/08

Je fais une grasse matinée en songeant à la pastèque fraîche qui m'attend dans la cuisine.

Vers 11h je pars vers la forêt au sud de la ville. Le chemin est agréable car il peut se faire au travers de parcs et d'espaces verts. Après une petite heure de marche je visite le musée ethnologique de la ville. C'est une immense parc où on été reconstruites des bâtisses de différentes régions et époques roumaines. Écoles, églises, moulins, maisons ou jardins, l'endroit est très intéressant.

Pour rentrer j'emprunte le même chemin, sous les bois d'abord puis dans les parcs. Je reste un peu dans le studio pour écrire mon journal puis Ovidius vient le chercher pour m'emener voir des lacs salés non loin.

Nous mangeons du poisson péché dans les rivières des montagnes environnantes puis mon hôte va nager un peu.

De jour les lieux sont bondés et payants, mais le soir il n'y a presque personne et c'est gratuit. Chaque lac est assez petit mais leur profondeur peut atteindre 100 mètres ! Entre eux se trouvent des monticules que les enfants escaladent et dévalent à tout va.

Alors qu'il commence à faire très frais nous rentrons à Sibiu où je nous offre des glaces de chez Super Mamma, un fast food local très apprécié des habitants.

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18/07

Je quitte le studio d’Ovidius vers 11h après avoir caché les clés dans une boite aux lettres tellement rouillée que je vais sûrement faire un rappel du tétanos. Puis je marche jusqu’à la gare pour prendre un train pour Sighişoara.

Daniel, un couchsurfeur est censé m’héberger là-bas. Mais il m’explique par messages qu’il n’y a plus d’eau courante dans sa maison, et il m’invite à m’arrêter à Danes, un village à 10km de Sighişoara où vivent ses parents, la gare précédant le terminus.

Dans le train je m’installe dans une cabine occupée par un monsieur roumain qui s’adresse régulièrement à moi (en roumain donc), je lui réponds avec des sourires et de temps en temps il me tend des bonbons. Un autre homme s’installe, il a un look de rappeur de 35 ans et je suis assez surprise quand il me dit qu’il fait un doctorat en théologie orthodoxe. Alors qu’une vendeuse ambulante passe dans le compartiment, il lui achète un bracelet en fausses perles orné d’une croix chrétienne qu’il me tend ensuite. Je me sens un peu gênée par le cadeau car ça doit bien la première fois de ma vie que je porte un symbole religieux.

Je descends à Danes, dans quelque chose qui ne ressemble pas trop à une gare. J’essaye de ne pas marcher dans le ciment frais qui sèche au soleil pendant que je demande à Daniel son adresse. Ce dernier me répond : « c’est la maison 277 ». Et c’est tout. Pas de nom de rue, aucune autre indication. RIEN. De toutes manières, en zoomant sur la carte maps de la ville je vois qu’aucune rue ne porte de nom, et pour le moment je n’ai vu que des gens en charrette. Okay, donc ça c’est la vraie campagne roumaine.

Je marche jusqu’à l’unique hôtel du coin (vu que le village n’est pas bien grand, rien n’est très loin) pour leur demander des indications, mais les employés ne sont pas de Danes et montrent assez peu de motivation pour m’aider. J’essaye d’appeler Daniel plusieurs fois mais je tombe sur une voix roumaine, m’expliquant sûrement que le correspondant que je cherche à joindre n’est pas disponible. J’envoie donc un dernier message à mon hôte indiquant où je suis puis m’assoie pour lire sur les marches de l’hôtel.

15 minutes plus tard une voiture s’arrête à mon niveau, c’est Daniel ! Il m’explique qu’il était allé couper du bois et qu’il n’avait pas son téléphone sous la main. En effet, des branches dépassent des fenêtres et le frein à main et recouvert d’une bûche. Nous faisons 5 minutes de voiture puis nous arrivons dans la cour de la maison familiale.

Daniel me présente à ses parents, à peine ai-je salué son père qu’il apporte déjà une bouteille de rakia. Il me fait aussi un tour de la propriété : chèvres, poules, dindes, cochons et le chien le plus peureux du monde qui s’enfuit dès que je m’en approche.

Nous déchargeons le bois qu’il coupera pour l’hiver puis nous déjeunons des galettes de pommes de terre et des tomates. Daniel est pompier, il a auparavant travaillé sur des bateaux de croisière en tant que serveur et rêve de retourner aux Bahamas. Il a aussi un appartement à Sighişoara qu’il loue sur Airbnb, il doit d’ailleurs y accueillir un couple de touristes plus tard dans l’après-midi.

Des futurs saucissons / Moi avec le képi des pompiers roumains 

Après le déjeuner nous prenons la voiture pour déposer le père de Daniel près d’un enclos de moutons qu’il doit surveiller l’après-midi. Je dis voiture mais c’est plutôt une boîte en plastique à roues, toutes les pièces sont rafistolées avec du scotch et Daniel la pousse à une main pour la faire bouger dans la cour de la maison. Je suis donc surprise de voir qu’elle tient le coup lorsque nous empruntons des sentiers champêtres, Daniel conduit l’épave comme un 4x4 et il arrive même à prendre des pentes abruptes sans trop caler.

Nous déposons le père de Daniel au milieu des moutons, puis nous nous mettons en route pour Sighişoara. Alors que la voiture tremble de partout sur les chemins rocailleux, Daniel me demande si j’ai mon permis, je lui réponds que pas encore, il me propose donc généreusement de m’entraîner à la conduite au milieu des champs roumains. Je décline son offre en me disant qu’il ne manquerait plus que je me retrouve à payer une voiture neuve pour remplacer celle-ci.

Nous retrouvons les occupants du Airbnb à la gare de Sighişoara, après les avoir déposé dans leur logement, Daniel me montre la maison où il vit habituellement et qui n’a plus d’eau pour le moment. Puis nous allons vers le vieux centre de la ville, à 5 minutes à pied de chez lui.

Lieu de naissance de Vlad Dracul !...on se rapproche des vampires... 

Il connaît la ville comme sa poche et me fait une visite digne d’un guide touristique. Il semble connaître tout le monde car il est salué partout, il s’adresse aussi familièrement à ses connaissances qu’aux inconnus.

Elle est pas trop mimi la mariée avec ses converses rose fluo ?! 

Ces jours-ci se déroule à Sighişoara un festival « inter-ethnique » de danse et chant. Des bulgares, des russes, des tziganes, des hongrois et encore beaucoup d’autres se retrouvent sur scène pour promouvoir leur culture et échanger les uns avec les autres.

La team Russia. 

Nous écoutons un chœur roumain de petites filles, dansons avec des russes et assistons à des rondes hongroises.

Il y a aussi un petit chien qui cherche à se faire caresser par tout le monde, et qui se met sur le dos dès que l'on s'y met.

Les danses et chants traditionnels font ensuite place à un concert de musique juive où une des chanteuses est une actrice roumaine archi connue, la meilleure actrice du pays selon Daniel (elle a notamment joué dans un film avec Mel Gibson).

Après 2 heures de musique, la scène se transforme en théâtre et nous décidons de rentrer à Danes.

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C'est comme à Hollywood 

19/01

Après avoir remercié Daniel et sa famille pour leur hospitalité, je marche jusqu’à la gare pour prendre un train pour Sighişoara qui doit supposément passer à 9h37. Il s’avère que non, il passe en fait à 14h. Comme mon train pour Brasov part à 13h30 de Sighişoara je me dit que je vais faire du stop. En passant devant le fameux hôtel de la ville j’interpelle un groupe de 4 touristes qui chargent une voiture. Ce sont deux couples d’allemands qui acceptent joyeusement de me déposer à destination.

Ils sont adorables, l’un d’eux parle même français. Il s’y est mis suite à une déconvenue avec la police française : après un vol Bordeaux-Troie en avion de tourisme il a été arrêté et accusé d’avoir survolé une centrale nucléaire aux abords du bassin d’Arcachon. Toute l’histoire était en fait un malentendu et lors du jugement (car oui il y a eu jugement), la partie civile était terriblement gênée pour le pilote allemand car non seulement était-il innocent, mais en plus il avait fait appel aux service d’une interprète qui s’est avérée particulièrement incompétente car personne ne parlait anglais. Il me raconte l’anecdote tout sourire, très fier de ses progrès en grammaire.

La voiture bavaroise me dépose près de la gare où je patiente pour mon train en lisant et écrivant mon journal. Je fais de même dans le train.

J’arrive à Brasov et marche une quarantaine de minutes jusqu’au vieux centre où se situe l’auberge la moins chère des environs. J’en avais vérifié la disponibilité sur l’appli HostelWord quelques heures avant. Quelle n’est pas ma surprise quand Adrian, le réceptionniste, m’apprend qu’ils n’ont plus de lits libres. Zuuuut.

Je commence à regarder les autres auberges en ligne pendant qu’Adrian passe un coup de fil. Alors que je m’étais décidée pour le « Rolling Stones Hostel », ce dernier me propose de séjourner dans la chambre des employés pour le tarif le moins cher de l’auberge. J’accepte joyeusement, et ce malgré les cartons de pizza qui trainent sur le lit au-dessus de mien. Adrian va tout de même me chercher des draps sentant bon et une serviette de bain. Ils ne leur en restent que des minuscules mais il m’en passe une à lui (propre), de taille convenable. Nous sommes trois dans la chambre : Adrian, un ami à lui et moi. Pendant la période scolaire cet endroit est un foyer étudiant (où vit Adrian qui est étudiant en informatique), transformé l’été en auberge de jeunesse.

Je vais me balader un peu dans Brasov, ville au milieu des montagnes. Je fais le tour de l’Eglise Noire (Black Church), elle porte ce nom car un incendie intérieur a teinté les murs de noir. J’arpente des rues fréquentées, et d’autres qui le sont moins : comme la ruelle la plus étroite d’Europe.

Je retourne à l’auberge pour faire une machine à laver. Lorsque je demande à Adrian combien ça coûte, celui-ci me répond avec un air sincèrement désolé que c’est 30 lei, ce qui fait 7€ : abusé. « I don’t make the prices I swear ! ». Je le taquine en lui demandant si c’est gratuit si on ne met pas de lessive, et pas d’eau. Le pauvre, il s’en veut de me faire dormir dans une chambre qui pue légèrement et en plus de me faire payer trop cher pour une lessive. Pour se faire pardonner il me propose d’utiliser le sèche-linge gratuitement (alors que son usage est en principe prohibé). En sortant mon short de la machine (celui-là même que tu veux que je jette à la poubelle maman), je découvre mes écouteurs dans une des poches, ainsi pour 30 lei j’ai aussi eu droit à un lavage électronique, mais heureusement le son est clean (lol xd). Vu que c’est normalement interdit d'utiliser le sèche-linge, on descend discrètement avec ma bassine de linge humide jusqu’à la cave, où trône la machine au milieu d’un bordel sans nom.

A 23h Adrian finit sa journée et me propose d’aller faire un tour en ville vu que le lendemain il ne travaille pas. Il me montre des endroits que je n’avais pas encore vu, comme le parc où est célébré l’Oktoberfest local : « tons of meat and beer ! », yay great. En ce moment à Brasov a lieu le festival international du film, nous passons devant un cinéma en plein air où est projeté un film français, tous les groupes ont amené des couvertures pour s’allonger par terre.

Il me montre son pub préféré et pendant qu’on commande quelque chose à boire, nous voyons passer une mariée habillée pour la cérémonie. Je demande à Adrian qu’est-ce que fait une mariée tirée aux 4 épingles dans un pub en sous-sol qui ne passe que du rock. Il m’explique une tradition locale, celle d’enlever la mariée pendant le mariage, puis après de négocier sa libération. Le ravisseur peut réclamer de l’argent, de l’alcool, de la nourriture, à peu près n’importe quoi. Il me raconte qu’il a lui-même séquestré sa cousine à son mariage, en échange d’un demi-paquet de cigarettes et d’une bouteille de whisky. Devant mon air surpris il me demande qu’est-ce qu’on fait en France pour s’amuser pendant un mariage. J’avoue être penaude et ne pas savoir quoi répondre : on danse sur des musiques parfois beaufs ? On fait des chenilles ? On porte des toasts ?

Nous rentrons à l’auberge où je m’endors en quelques instants, ça ne sent plus trop la pizza peppéroni.


20/08

Je me réveille un peu après 9h et vais prendre le petit-déjeuner. Je croise Adrian en train de discuter avec sa collègue qui travaille aujourd’hui, il m’avait avoué en être assez effrayé et j’ai l’impression que lorsqu’il lui parle il prend sa voix la plus douce et garde une distance de sécurité avec elle.

Celle-ci part inspecter une chambre et j’en profite pour demander à Adrian quand pourrais-je récupérer mon linge propre (mon stock de culottes propres touche dangereusement à sa fin). Il me fait signe de parler moins fort et me dit qu’il faudra attendre que sa collègue parte ce soir, car si l’elle apprend il craint une colère démoniaque. Bon à défaut d’avoir des habits propres je lui demande comment me rendre jusqu’à Bran, village non loin de Brasov. Il me propose qu’on y aille ensemble car il veut profiter son jour de repos et qu’en plus il n’y ait jamais allé.

Nous croisons des reconstitutions de batailles, ils ont l'air d'avoir chaud 

Nous nous rendons donc jusqu’à la gare routière où nous mangeons des feuilletés à la citrouille en attendant notre bus. Puis après 45 minutes de route nous arrivons à destination.

Vue aérienne du château de DRACULAAAA 

Le château de Bran a été la résidence de Vlad Dracul, l’homme ayant inspiré les légendes du comte Dracula. La cause de celles-ci semble être la tendance qu’avait Vlad Dracul à empaler ses ennemis autour du château pour intimider ses adversaires. Mais dès 1920 le château est devenu une résidence de la famille royale roumaine, son intérieur est de ce fait très luxueux.

Ya des lamas sur le four! 

Nous visitons la magnifique bâtisse. En plus d’être le théâtre d’un mythe aujourd’hui international, l’architecture et la décoration des lieux est charmante et s’inscrit dans le pur style transylvanien.

La ville est fortement influencée par la légende des vampires: fontaines, restaurants, maisons d'hôtes, etc.

La fontaine du château, qui n'a pourtant pas d'eau, est pleine de flouz 


Sur le chemin de retour à Brasov nous nous arrêtons à Rasnov pour en visiter la forteresse.

Le funiculaire et l’entrée coûtent 6 lei chacun quand on est étudiant, mais il semblerait que j’ai perdu ma carte étudiante quelque part dans les Balkans, c’est donc 12 lei pour moi. Pour s’économiser le funiculaire, le duo de radins que nous sommes prenons les escaliers. A chaque fois qu’il a des réductions Adrian m’agite son carnet d’étudiant sous le nez pour me narguer. Alors que nous faisons la queue pour les tickets de la forteresse, je lui prends des mains pour en regarder le contenu, il ne me laisse pas le feuilleter car ses notes y sont écrites. Je lui demande si elles sont si mauvaises que cela, c’est en fait le contraire, il n’a que des 9 et 10 et il a honte d’être aussi nerd.

Nous faisons du stop pour retourner à Brasov, rapidement nous montons dans une camionnette qui nous dépose à la gare routière. De là nous allons jusqu’à un restaurant dans le centre où pour 10€ nous mangeons tous les deux.

Adrian veut que l’on fasse une randonnée d’une heure jusqu’aux lettres écrivant « BRASOV » dans la montagne car la vue y est magnifique. Je réclame d’abord une sieste à l’auberge, nous rentrons donc pour nous reposer.

Ma sieste d’initialement 40 minutes se transforme en sommeil profond de 2h et au réveil je ne suis toujours pas d’attaque pour une randonnée, encore moins avec la lumière faiblissante. Le projet randonnée se transforme donc en projet « parc au sommet d’une petite colline ».

Nous croisons un autre cinéma en plein air sur la place principale, nous nous asseyons regarder un film français sur Dalida tout en mangeant des oréos. Puis vers 23h nous rentrons à l’auberge. Nous récupérons enfin mon linge, AMEN.

Je fais connaissance avec notre troisième colocataire de dortoir, qui en plus de ronfler est fort rigolo. Il discute avec nous pendant qu’il joue à Euro Truck Simulator, pour ceux qui ne connaissent pas c’est un jeu de simulation où l’on peut devenir un routier et conduire des camions sur des axes de transports (c’est pas une blague), pour avoir un aperçu cliquez ici (cliquez ça vend du rêve). Le gars a même les extensions Scandinavie et a réussi les missions « Convoi extrême » où il faut transporter des pièces d’avions ou des bateaux. On peut même y jouer à plusieurs en ligne !

Je m’en vais donc dormir, bercée par le bruit du camion mordant l’asphalte, le bruit de l’aventure.


21/08

Les châteaux vus du ciel 

Je quitte Brasov pour Bucarest dans la matinée. En chemin je descends du train pour quelques heures à Sinaïa, petite ville accrochée aux montagnes et encerclée par la forêt. En hiver c’est une station de ski très fréquentée, le reste de l’année les visiteurs se pressent pour visiter le château de Peles, résidence d’été convertie aujourd’hui en musée.

L’on peut aussi visiter un fameux monastère, faire des randonnées, prendre le petit train touristique ou encore monter dans une télécabine pour s’extasier devant la vue qu’offre la hauteur. Mais je n’ai point eu le temps de faire ces activités, je remonte dans mon train vers la capitale.

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21/08

Après le rituel arrivée-auberge-dépôt du sac, le gérant de l’auberge de jeunesse me prête un vélo pour l’après-midi, malheureusement sans cadenas. Je comprends vite que ce n’est pas trop une ville pour pédaler et me retrouve à quelques reprises à insulter en français des conducteurs qui semblent avoir une déficience visuelle et ne voient pas les cyclistes.

Je descends du vélo pour traverser la place centrale de Bucarest, qui est aussi le plus gros carrefour de la ville. La capitale est comme je l’imaginais : bruyante, agitée mais surtout vivante ! Dans tous les quartiers l’on trouve des endroits « alternatifs » : bar d’artistes, cours ouvertes pour projets innovants, ancienne fabrique réhabilitée…

Je prends une série d’avenues dangereuses et de rues calmes, par curiosité je m’arrête devant un lieu nommé « Acuarela ». J’entre dans un jardin où des tables et chaises colorées sont disposés sous des guirlandes de parapluies. Sur chaque table des pinceaux et de la peinture. C’est en fait un restaurant-café où l’en entendant sa consommation l’on peut faire tranquillement des aquarelles. Le lieu donne envie de s’asseoir et de profiter de l’ambiance reposée, coupée de l’agitation extérieure. C’est donc ce que je fais, à l’aide d’une limonade au melon et d’un crumble à la cerise.

Les toilettes des lieux ont été élus "toilettes plus cool de Bucarest" 

D’un dernier coup de pédale je rentre à l’auberge. L’hostel s’appelle « Zen Tribe » et il a ouvert il y a un mois. L’endroit est agréable et je sympathise avec un des réceptionnistes, un informaticien danois qui semble un peu paumé. Il a travaillé entre le Japon et le Portugal en passant par la Finlande, maintenant il semble reprendre des forces en prenant des bains de soleil dans la cour en écoutant de la musique.

Je me fais une soirée cosy où après une bonne douche je m’allonge pour regarder le dernier épisode de Game of Thrones. Puis je mets mes boules quiès et mon masque d’avion pour m’assurer un sommeil ininterrompu.


22/08

Je ne traîne pas trop, et après avoir petit déjeuné je pars en ville. Je marche dans le centre, puis en début d’après-midi j’arrive au Palais du Peuple. Monument datant du communisme, projet surdimensionné des Ceausescu, c’est le plus grand bâtiment d’Europe, le deuxième au monde après le Pentagone.

Pendant la visite j’apprends qu’il compte 1 100 pièces, il faudrait des semaines pour toutes les voir. Après 1h30 de visite et 1,5km parcouru, je n’en ai vu que 3%. Certaines pièces ont des plafonds de 19 mètres, les tapis pèsent 2 tonnes, les chandeliers 5. Plus d’un million de mètres cubiques de marbre ont été utilisés, cette matière, tout comme les décorations, proviennent toutes de Roumanie, en terme de volume l'endroit est plus grand que la pyramide de Khéops. La facture d’électricité s’élève à 3 millions d’euros par an. L’endroit est le siège du Parlement et du Sénat, des conférences y ont lieu, certaines salles peuvent se louer pour des mariages, fêtes, etc. (La plus grande salle ne coûte que 20 000 euros la journée). Bref, l’endroit est impressionnant. D’autant plus que l’architecte qui a mené le projet avait 20 ans ! Elle a été sélectionnée par Ceausescu suite à un concours national où des dizaines de projets étaient présentés.

La guide nous montre des peintures de Sabin Bălașa, peintre officiel de la famille du dictateur. Après la révolution de 1989, l’artiste s’est révélé être en opposition avec le régime communiste. Et l’on peut le voir dans ses peintures, pourtant destinées au couple de tyrans. Il représente les membres d’une société communiste idéale, sans visage. Selon la guide s’était pour dénoncer le fait que sous le communiste les gens ne pouvaient pas exprimer ce qu’ils ressentaient car ils étaient opprimés.

Pendant la visite je fais la connaissance de Marco, un péruvien qui vit à Madrid. Nous allons déjeuner ensemble dans le vieux centre de Bucarest. Il connaît mieux le quartier que moi et me montre une église orthodoxe qui apparaît sur de nombreuses cartes postales.

Entourée d’une cour fraîche et boisée, Marco m’apprend que le bâtiment religieux n’a pas toujours été situé ici. En effet elle a été originellement construite 800 mètres plus loin, mais elle a dû être déplacée car elle était menacée d’effondrement. Le déménagement a eu lieu au début du 20ème siècle, et non pas par morceaux, mais tout en même temps : ils ont fait rouler l’église sur des rondins !

Vroum vroum l'église tout terrain 

Vers 17h Marco rentre préparer ses affaires car il prend un vol pour Madrid le soir-même. De mon côté je flâne encore un peu avant de sortir du vieux quartier.

Les gens écrivent leurs malheurs sur des feuilles que lit ensuite à voix haute un prêtre orthodoxe 

C'est fou à Bucarest il y a des salons de massage partout, par contre c'est bizarre ils ne font que des "hot massages" alors qu'il fait déjà très chaud ! Curieux n'est-ce pas ?

J’essaye de trouver l’entrée de ce qui est désigné comme la « Mecque du street art » (je faisais ça pour toi Laureen), située dans un ancien bâtiment de la principale avenue de la ville. Malheureusement l’endroit semble désormais fermé au public, pour rénovation de la bâtisse ou sa destruction.

Je passe également devant une sculpture qui a suscité de vives réactions en Roumanie, vous pouvez la voir ci-dessous: un homme tenant un chient-serpent. Censée représenter l'oppression du communisme, une foule considérable était présente pour son inauguration, les roumains la trouvent tellement bizarre qu'ils en ont fait des memes.

La ville a 2 particularités qui m'ont surprise: il y a des caméras de surveillance partout, et de nombreux bâtiments situés en plein centre sont abandonnés et en ruines.

Et les gens aiment faire des guirlandes de parapluies 

Une forte envie de me reposer dans mon lit me prend, je rentre donc à « Zen Tribe » et me met à lire dans le dortoir. Je discute un peu avec un tchèque qui m’invite dans la cour de l’auberge pour boire un verre avec les autres voyageurs. Je finis mon chapitre et rejoins un groupe formé par deux hollandais, un polonais et un français.

Ils sont plutôt sympas (sauf le tchèque qui s'avère être insupportable) et nous passons un bon moment. Un des hollandais étudie les sciences environnementales et se fait vanner sur son amour pour les arbres toutes les 5 minutes ("have you considered doing a tree-some?"). A chaque fois qu'ils vont racheter de la bière je leur demande de ramener des nachos, mais comme ils oublient à chaque fois ça devient un running gag:

"Can you bring some nachos this time ?

- I think she said cigarettes, right ?

- NACHOS

- I swear I heard cigarettes"

Vers 2h les hollandais prolongent la soirée en ville, j'avoue que c'est quelque peu flou dans mes souvenirs mais je suis sûre les avoir vu débattre sur quel Uber prendre jusqu'en boîte. Le français et le polonais restent tranquillement à l'auberge où ils écoutent un peu de musique. De mon côté je vais m’enfouir sous ma couette et dormir.

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23/08

Je mange 2 petites gaufres dans le train pour essayer d'adoucir l'humeur de mon estomac. Puis la première chose que je fais, arrivée à Constanta, après être passée par mon auberge, est de me jeter sur un déjeuner pour 2.

Constanta est une ville balnéaire au bord de la mer noire, à part la plage je ne lui trouve pas grand-chose. Je marche sur la promenade du Cazino, où il y avait un ancien Casino (SI JE VOUS JURE C'EST FOU FALLAIT DEVINER), aujourd'hui abandonné.

Le gérant de l’auberge, Florentino, me raconte qu’il a déjà croisé des touristes qui croyaient être à Istanbul et qui cherchait l’église-mosquée Sainte-Sophie. Comment est-ce possible de se tromper de 700 km ? Parce que ces touristes pensaient que Constanta était le diminutif de Constantinople. Erreur qui aurait pu être compréhensible, il y a 80 ans.

Florentino a plein d’autres anecdotes sur des voyageurs de passage à Constanta, notamment parce qu’il a été à la tête du « Backpackers search and rescue » : un véhicule ayant pour mission d’aller chercher les voyageurs fêtards s’étant perdu dans la ville, happés par la vie nocturne saisissante du coin.

Convoi spécial glace 

Je prends aussi le bus jusqu'à Mamaia, bras de terre où il n'y a qu'hôtels, restaurant et discothèques. Je me baigne un peu sans trop m'éloigner de mon sac. Puis je lis tranquillement au soleil.

Je retourne à l'auberge en fin d'après-midi, une boîte de cookies acheté à l'épicerie du coin. Je me prépare une soirée coconning (on sent que je commence à être un peu fatiguée par tant de pérégrinations ?).

Après un douche prise dans une salle de bain n'ayant pas de bac à douche, juste des toilettes et un évier avec un pommeau de douche (on se lave donc au milieu de la petite pièce carrelée en mettant de l'eau partout), j'enfile un sarouel et un t-shirt puis me glisse dans mon lit.

L'auberge est sympa, les chambres et la cour s'inscrivent dans le thème nautique, et chaque lit a des petits rideaux que l'on peut tirer pour être tranquille. Ce que je fais.

Ya aussi un ptit chien trop mimi 

Après quelques épisodes de Twin Peaks je m'endors, et ne me réveille que 11h plus tard.


24/08

Je comptais me rendre à Vama Veche, un village à la frontière bulgare réputé pour être un lieu hippie de fête. Le patron de l'auberge s'y rend aujourd'hui et me propose à moi et à d'autres voyageurs de nous y emmener pour moindres frais.

À Vama Veche je retrouve Florian, un français croisé à Bucarest (c'est pas le même que la Serbie, ils ont le même nom et ils viennent tous les deux de Meaux mais ce sont bien 2 individus différents). Il voyage en stop et il plante sa tente où il peut. Il m'avait proposé de camper une nuit à Vama Veche, ça doit bien être la première fois qu'une offre faite pendant une soirée alcoolisée en auberge de jeunesse se concrétise !

On s'assoit au bord de la mer et on n'y trempe que les pieds car il fait un peu frisquet. Plus tard dans l'après-midi nous allons faire du repérage pour camper : nous longeons la plage jusqu'à trouver un emplacement idéal, au bord d'une falaise au-dessus du sable et des vagues. D'autres gens campent pas loin, malgré le panneau interdisant le camping-car c'est une zone frontalière.

On a trouvé un pur spot 

En effet! Alors que nous marchons toujours en longeant la mer nous tombons sur la voiture des gardes frontaliers qui nous informent que nous allons devoir faire demi-tour, si on veut passer la frontière bulgare on doit aller un peu plus dans les terres et traverser au poste frontière comme les voitures.

Après cette rencontre Florian me raconte les fois où il a traversé des frontières à pied : il s'intercalait entre 2 voitures (car il n'y a pas de passage pour les piétons) et il faisait semblant de tenir un volant imaginaire en imitant les tressautements d'un moteur. Il me fait encore plus rire quand il me raconte que s'il est avec un pote celui-ci prend la place du passager et ils tendent les passeports à travers d'une vitre invisible, en enlevant au préalable leur ceinture inexistante.

Vama Veche est célèbre pour son ambiance musicale : dans tous les bars et restaurants il y a des musiciens qui jouent, des groupes sur la plage de dorment autour d'une guitare pendant que des gens tentent de faire décoller des lampions.

Nous grignotons du poisson frit tout en observant tous les gens assis dans la rue qui proposent de faire des atebas et des dreadlocks aux passants. Ceux qui n'ont pas le matériel proposent juste un câlin ou un sourire en échange d'un lei (un quart d'euro).

Il fait déjà bien nuit lorsqu'on retrouve notre emplacement de camping. J'aide Florian à monter la tente : "elle a l'air spacieuse mais t'enjaille pas", indeed on y rentre pile à deux. Comme je n'ai pas de matelas de sol, Florian me passe son duvet (il a des draps en soie) sur lequel je rajoute ma serviette de bain, comme oreiller j'entasse une écharpe et un gilet, puis je me glisse dans mon duvet décathlon. Il est super équipé pour camper: il a appris des déconvenues avec la tente 2 secondes ("ce truc intransportable que tu te manges dans la gueule dès qu'il y a du vent"), du sac de 80 litres et de 20 kilos, du mauvais matériel et des randonnées mal préparées.

Quand j'ai rencontré Florian il voyageait avec un Polonais, Fradiek, qui a dû rentrer chez lui car sa grand-mère est malade. Florian me raconte que ce gars était obsédé par les gitans (gipsies!) et qu'il voulait toujours planter la tente dans un endroit caché et dormir avec son sac dans la tente (là on les laisse dans "l'entrée" de la tente, entre la première tenture et la deuxième). Je rigole quand il me raconte les anecdotes, mais on se cache néanmoins quand des gens passent avec des lampes torches.

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25/08

J’hésitais entre ce titre et « Pétition pour faire don de TGV à la Roumanie »

Bon alors notre spot de camping était fantastique, tellement qu’on avait le soleil qui se levait pile devant nous. C’est beau un lever de soleil. Mais c’est tôt, et c’est brûlant. Surtout dans une tente d’alpinisme faite pour conserver la chaleur.

Nous : deux français suffocants admirant la mer calme et les hippies-lève-tôt qui ramassent des coquillages.

On enlève les sardines, enroule les sacs de couchage, dégonfle le matelas de sol, secoue l’intérieur de la tente, puis allons petit-déjeuner. Je bois une limonade naturelle pendant que Florian commande un irish coffee (nous avons des styles de vie différents) (les connaissances que ce jeune homme a sur les drogues dures sont assez étonnantes : saviez-vous que la Roumanie est le premier producteur d’exctasy ?).

J’avais pour objectif de me rendre à Varna, la plus grande ville de la mer noire, située en Bulgarie. Florian ne savait pas trop où aller donc il voulait bien venir avec moi. On se tâte pour passer la frontière à pied et faire du stop. Mais la route passant par Vama Veche est en fait assez peu fréquentée et on ne veut pas se retrouver à poireauter sous le soleil au bord d’une route déserte.

Nous remontons donc en bus jusqu’à Mangalia. Là-bas je me mets à la recherche d’une compagnie dont internet m’indique des départs pour la Bulgarie toutes les heures. Surprise, internet m’a menti. Il est déjà midi et je ne suis pas sûre de trouver des bus partant de Constanta pour Varna, et je sais qu’il n’y a pas de trains. Je me résigne à retourner à Bucarest avec Florian, de là je suis sûre de trouver un moyen pour aller en Bulgarie, en plus le train pour la capitale part à 12h15.

Comme on est justes au niveau du temps et que les guichets de la gare sont inaccessibles sans faire 30 minutes de queue, nous montons dans le train sans ticket, en espérant pouvoir en acheter un à bord.

A bord règne autant d’ordre et d’entente que que dans une tranchée aux abords de Verdun. La moitié des tickets n’ont pas de places attribuées donc nous sommes beaucoup à s’asseoir sur nos sacs où l’on peut, certains voyagent avec une animalerie, d’autres avec 2 glacières par personne. Avec Florian on est au bout d’un wagon, à côté de la porte où les passagers montent et descendent du train, porte qui reste ouverte. Le courant d’air créé est fort agréable, surtout que l’odeur nauséabondes des toilettes arrive parfois à se faufiler jusqu’à nous. Nos pieds sont presque dans le vide, si nous tendons le bras nous pourrions chourer des épis de maïs directement des champs. Des végétations différentes s’étendent au-dessous de nous : lorsque le train emprunte un pont nous surplombons des rivières ou des forêts. Le voyage en devient presque agréable.

Petite vue panomarique 

C’est tellement le bordel dans le train que le premier contrôleur vient à notre rencontre à la moitié du trajet. Je lui explique donc que l’on voudrait acheter des tickets pour Bucarest, chose qu’il n’a pas l’air d’apprécier. Il nous énonce le prix : 94 leis par personnes. C’est excessivement cher, le trajet coûte une cinquantaine de leis normalement. D’autres passagers roumains s’insurgent du prix et prennent notre défense, le contrôleur essaye d’argumenter qu’il y a des frais spéciaux car nous ne les avons pas achetés en gare. Il s’énerve et je lui réponds que de toutes manières nous n’avons pas 188 leis. Alors que l’on discute aidés de 3 traducteurs de fortune depuis 10 minutes, le train ralentit en approchant d’une gare. Le contrôleur nous ordonne soudainement de descendre immédiatement, nous attrapons nos sacs et sautons du train. On se retrouve un peu penauds coincés entre 2 rails dans une gare à 1h30 de notre destination.

Heureusement moins d’une heure après un autre train peut nous emmener jusqu’à destination, cette fois nous achetons notre ticket en gare.

Nous arrivons enfin vers 18h30, pour la nuit nous trouvons une superbe auberge à côté de la gare parmi les moins chères de la ville. Avant de nous y rendre, je demande au guichet international de la gare comment me rendre en Bulgarie : je dois prendre l’unique train qui s’y rend, le lendemain à 12h45. Je regarde quelle correspondance je devrais prendre pour gagner Veliko Tarnovo, ville au milieu du pays. Le train reliant Bucarest – Sofia passe juste à côté donc ça ne devrait pas être compliqué. Sauf que le train prend 6 heures pour parcourir 176km. Une fois à l’auberge je demande à la réceptionniste roumaine si elle ne connait pas d’autres moyens de gagner ce lointain pays frontalier à une heure de voiture. Elle me dit que les horaires des bus sur internet sont la plupart du temps faux. Elle appelle la gare routière : il n’y a que 2 bus par jour, en partance pour Sofia et qui passent par un itinéraire m’éloignant de ma destination. Ce sera donc une demie-journée de train.

Assez démoralisée de passer au total 2 jours dans les trains les plus lents d’Europe, j’essaye de me réjouir de prendre une douche (la dernière était il y a 2 jours) et de me laver les cheveux (je ne sais plus quand était la dernière fois, j’assume). Puis Florian me remonte le moral en me m'emmenant dans le meilleur kebab au monde, selon lui.

En chemin il ne se sent pas bien. Il m’avoue ne pas se sentir au meilleur de sa forme depuis plusieurs heures. Il a du mal à respirer, une douleur thoracique et un engourdissement au bras gauche. Ça m’inquiète car c’est les mêmes symptômes qu’une crise cardiaque, je vois d’ailleurs sur un site médical français que contrairement à ce que je pensais, une crise cardiaque peut s’étendre sur plusieurs heures. On s’arrête de marcher et il prend une aspirine, il fait la suggestion de prendre un whisky pour mieux fluidifier son sang, chose que je lui interdis.

Il me dit avoir déjà eu des douleurs intercostales, et que ça pourrait en être une version aggravée. J’en vérifie les symptômes sur l’internet mondial (on a bien essayé une pharmacie, mais le personnel ne parlait pas anglais). Soulagés, on apprend que les douleurs intercostales peuvent avoir des effets semblables aux signes avant-coureurs d’une crise cardiaque. Alors qu’il a toujours du mal à respirer, Florian insiste pour qu’on aille quand même au fameux kebab.

Je prends des falafels au lieu de la viande et mon camarade de route pas-encore-mort un shaorma. Les shaormas ou shawarma sont l’équivalent local du kebab. On part dans un comparatif entre les variantes et l’on est d’accord sur le fait que le shaorma est bien meilleur que le kebab car il y a plus de légumes (et une sauce à l’ail qui rend Florian fou). Moi je commence à en avoir légèrement marre de manger des falafels et des pitas aux légumes depuis plusieurs semaines. Alors que l’on discute toujours sur les subtilités grec/kebab/shaorma, un couple de roumains assis à la même table commence à parler avec nous. Ils travaillent tous les deux dans le tourisme et nous discutons un peu de leur pays. La jeune femme s’emporte presque lorsqu’elle évoque les touristes américains se rendant en Transylvanie à la recherche de « vrais » vampires. Le couple rêve d’aller à Paris, ils bombardent Florian de questions même s’il leur précise « I’m not from Paris Paris, but just around, Meaux, Meaux ».

Après que le couple soit parti et que nous ayons fini de dîner, Florian me montre l’Eden Parc. C’est un lieu super agréable : au pied d’une vieille maison – sûrement classée - en bon état mais qui ne semble pas utilisée, se trouve un vaste parc transformé en bar. Entre les arbres il y a des tables, des poufs, des hamacs. Trois bars en plein air proposent des types de consommation différentes et des petites lumières créent une ambiance posée et chaleureuse.

Auparavant l’endroit comprenait aussi une zone de club en sous-sol, mais suite à un accident survenu dans une autre boîte, l’accès y est fermé pour le moment. Florian commande une bière et roule un sitck (« avec du shit roumain ! c’est super rare ») pendant que je m’enfonce de plus en plus dans un pouf moelleux à souhait.

Vers minuit nous rentrons tranquillement à pied jusqu’à l’auberge. Florian se sent un peu mieux mais pas en forme encore, nous allons directement dormir.


26/08/17

Je vais me faire un thé et traîne un peu au lit, vu que mon train est à 12h45 j’ai le temps. Florian n’a presque pas dormi de la nuit, il avait trop mal pour s’allonger. Il compte néanmoins continuer son voyage sur encore 3 semaines, même s’il ne sait pas encore où : Hongrie ? Ukraine ? Slovaquie ?

Le petit-déjeuner est offert par l’auberge et je vois des étoiles dans les yeux du baroudeur lorsqu’il aperçoit une motte de beurre dans la cuisine. « C’est de la margarine mais ça m’avait manqué putain ».

Florian reprend la route en fin de matinée, je ne pars pas longtemps après lui.

J’achète mon billet au guichet international et monte à bord du train à destination de Sofia. Je m’assoie dans un compartiment où me rejoint un lycéen roumain participant à un projet en Turquie. Car je suis dans le train faisant Bucarest – Sofia – Istanbul, un voyage qui doit durer plus de 24 heures. Du coup il y a également des douches dans notre wagon !

Je suis fascinée par les couchettes du compartiment (c’est la première fois que j’en voie, laissez-moi mes yeux d’enfant). Le jeune voyageur fait son lit pour faire la sieste et s’amuse de mon étonnement, il y a même une petite échelle que l’on peut apposer contre le lit pour monter !

C’est le train le plus luxueux que j’ai eu l’occasion de visiter en Roumanie, le bruit n’est pas tonitruant et il y a même la climatisation !

Je passe mes 6 heures de route à écrire mes cartes postales, écrire mon journal, lire et discuter avec le roumain qui est super impressionné que je voyage seule à 19 ans…alors qu’il part en Turquie à 18 ans.

Nous arrivons surprenament à temps à Gorna Oryahovitsa (oui à mes souhaits je sais), ville d’où je dois rejoindre Veliko Tarnovo. Ce train est normalement le dernier que je prends de ce voyage ! (aucun regret pour ça)

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27/08

Je séjourne dans une auberge à Veliko Tarnovo qui a été désignée plusieurs années de suite comme le meilleur hostel de Bulgarie, et ça s’avère totalement mérité ! L’endroit est vaste et chaleureux, tout est en bois et on peut s’allonger sur de gros coussins dans la salle commune.

Je dis oui 

La ville, qui était la capitale du pays à l’ère médiévale, est accrochée aux collines (un quotidien italien l’a d’ailleurs nommé plus belle ville de cette catégorie). Certaines rues peuvent donc être très pentues, en plus d’être pavées et glissantes.

Les habitants de Tarnovo passent leur temps à me dire que cette ville est bien mieux que la capitale, et ils ont de nombreux arguments : on peut y trouver le premier parlement bulgare, l’université où a été inventée l’écriture cyrillique, au Moyen-Âge l’endroit était déjà cool car il ne comptait pas moins que 70 auberges… Ils ont même une colline sainte qui s'appelle, en anglais, Hollywood!

On m’apprend également que tous les pays de la région : Roumanie, Bulgarie et Balkans se battent gentiment pour revendiquer l’origine de la rakkia (un alcool local), mais aussi pour l’origine de certains plats comme le shawarma dont je vous parlais déjà à Bucarest.

Deux choses surprenantes ici : les mouvements de tête pour dire « oui » et « non » sont le contraire de ce que l’on fait en France. Du coup les gens me disent « yes » en faisant « non » de la tête. Je suis perturbée. Deuxième chose : tout est écrit en cyrillique, et c’est compliqué de déchiffrer le nom des villes sur les panneaux d’affichage des gares.

Voilà voilà 

Je visite la forteresse de la ville (attraction n°1 on TripAdvisor attention) où l’on peut trouver une église…qui ne ressemble pas du tout à une église. En effet, sa décoration date de l’époque communiste, où le pouvoir était pas méga fan de la religion. Alors au lieu de décorer l’intérieur comme une église classique, on peut y voir des fresques modernes, de l’art presque contemporain !

En parlant de fresque, un peu partout en Bulgarie il y a ce qu’on appelle le « street art communiste ». Mais il y a aussi étonnamment plein de street art, plus "classique".

A ma surprise la ville entière ronronne de chats errants, on en trouve partout : certains montent sur les genoux de gens qui dinent en terrasse, d’autres piquent un roupillon sur les bancs des parcs.

Ce chat est aussi en forme que moi 

Le soir je déniche un restaurant charmant, bien que caché et accessible par un escalier plongé dans l’obscurité. Les plats sont à 4€ et l’on a une vue sur la ville depuis une petite terrasse.

Je mange super léger comme vous voyez 
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28/08

Dans mon dortoir de 10 j’étais la première à être allé dormir la veille, je suis pourtant la dernière à me réveiller. Ok je commence peut-être à fatiguer un peu. Je me sors donc tant bien que mal du lit pour aller prendre le bus pour Sofia, trajet pendant lequel je prolonge mon sommeil.

J’arrive à mon auberge à Sofia où je végète un peu dans ma chambre (OK il se peut que je sois très fatiguée). Je fais la connaissance de mes camarades de dortoir : 2 italiennes qui me font la causette pendant que l’une épile les jambes de l’autre à la cire. Le spectacle a quelque chose de fascinant et d'amusant. Elles s'épilent chacune leur tour, mais arrivent à maintenir une conversation sans paraître distraites du tout. Tout de même, un petit cri de temps en temps rappelle la torture barbare à laquelle elles s'adonnent.

Vers le milieu d’après-midi je trouve l’énergie d’aller marcher un peu en ville. Je tombe par hasard sur un Free Tour que je rejoins énergiquement (enfin j’essaye). Le guide est super sympa et nous fait bien rire.

Qui veut des souveniiirs? 

Il nous montre une statue de Sainte-Sophie, commandée par le maire de la ville en 2000 car il croyait que le nom de la capitale venait de cette sainte, alors que pas du tout : le nom de Sofia vient de la basilique de Sainte-Sophie, la plus vieille basilique orthodoxe de la ville et du pays. Non seulement le maire s’est trompé sur l’origine du nom de la ville qu’il est censé diriger. Mais en plus il a demandé à ce que la statue soit affublée de symboles de divinités grecques, comme le hibou de la déesse Athéna. Sauf que Sainte-Sophie est le symbole des persécutions subies par les chrétiens à l’époque où cette religion était interdite. Elle a été martyr car elle a refusé de suivre les rites païens. Des rites païens comme la croyance en la mythologie grecque. Vous comprenez l’ironie de la situation ? Dans tous les cas ce maire ne fut pas réélu.

Sofia n’a pas de vieux centre historique, enfin si mais pas à proprement parler. La ville a de ce fait plusieurs épaisseurs ou couches. C’est en descendant au niveau de l’entrée d’une station de métro que l’on s’en rend compte : les anciennes ruines romaines s’étalent à quelques mètres de la « surface ». On retrouve cet aspect particulier de la ville dans plusieurs endroits : au milieu de la cour intérieur du bâtiment présidentiel on peut voir un peu en contre-bas la plus vieille église de la ville.

Nous visitons aussi la cathédrale Alexandre-Nevski de Sofia, qui était la plus grande bâtisse orthodoxe d’Europe jusqu’à il y a quelques années. Ça s’est joué à 2 mètres près entre la cathédrale de Sofia et celle de Belgrade. Je suis un peu désolée pour les bulgares parce que celle de Serbie n’est pas encore finie et pour le moment son intérieur est en béton armé, ce qui rend le charme moindre.

La visite touche à sa fin, et pour nous faire une brève histoire du pouvoir politique en Bulgarie, le guide demande des volontaires pour jouer les différents représentants politiques ayant marqué le pays. Ainsi parmi les acteurs principaux de l’histoire bulgare nous avons : un prince allemand importé car la Bulgarie n’avait plus de famille royale après l’occupation ottomane, des nobles italien et autrichien, un roi de 6 ans exilé en Espagne qui deviendra premier ministre 35 ans plus tard et le parti communiste qui se transforme tout d’un coup en parti socialiste après la chute du régime. Tout ceci est très bien mis en scène comme vous pouvez le voir ci-dessous.

Je vais me coucher vers 21h30. Les italiennes me proposent d’aller dîner avec elles, mais je suis déjà en pyjama sous mes draps avec mon ordinateur et un film.


29/08 J-1 avant le (deuxième) départ

C’est mon dernier jour, et ce n'est pas plus mal car je suis épuisée. Et car je rêve de manger du comté.

Je me sors du lit dans la matinée pour aller petit-déjeuner. Je résiste à la tentation de me recoucher et m’habille (bon il se peut que je me soi recouchée un peu pour me donner du courage).

Je vais me promener dans la ville alors qu’il se met à pleuvoir. J’essaye de me diriger vers des zones abritées mais il y a des travaux dans toutes les rues principales, je me retrouve coincée entre une tractopelle et une bétonneuse avant de trouver une sortie percée dans un grillage.

J’arrive sur le Square de la Tolérance quand la pluie s’arrête. Cette place se nomme ainsi car à quelques centaines de mètres il y a la majeure église orthodoxe (où le roi de Bulgarie, Boris, a échappé à un attentat en arrivant en retard à un enterrement (c’est donc devenu une habitude d’être en retard en Bulgarie en hommage à l’évènement)), une basilique catholique romaine, la mosquée la plus importante de la ville et la deuxième synagogue d’Europe !

L'intérieur de la synagogue 

Non loin de ce square se trouvent les anciens thermes de la ville, construits au-dessus d'une source d'eau minérale. Autour du bâtiment l'on peut trouver de nombreuses fontaines. Je crois que les gens ont clairement compris l'idée de "fontaine publique" étant donné qu'ils arrivent avec des dizaines de bidons à remplir.

Je marche un peu puis je m’arrête déjeuner une petite soupe au yaourt. Je m’offre, quelques mètres plus loin, ma dernière glace des vacances. Puis je rentre à l’auberge écrire mon journal de bord, préparer mon sac et imprimer mon boarding-pass.

Ces yeux <3 

Je discute un peu avec Cheryl, une autre camarade de dortoir, qui me propose d’aller dîner ensemble. C’est une américaine qui a 40 ans mais qui pourrait en avoir 25 tellement elle paraît jeune. C’est sûrement le repas le plus intéressant et enrichissant que j’ai de tout mon voyage. Cheryl incarne ces histoires inspirantes dont on lit parfois la synopsis entre 2 post facebook. Elle est drôle et relax, mais pousse à la réflexion intense, le tout en étalant de la tapenade sur un toast, tout un talent. C’est un merveilleux moment pour marquer la fin du périple.

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Le métro de Sofia emmène directement à l'aéroport. Mais ça serait trop pratique n'est ce pas ? Du coup les réseaux de transports publics ont concocté un plan incompréhensible alors qu'il n'y a que 2 lignes. Deux. Avec des couleurs et tout mais ça reste compliqué. Surtout que les couleurs du plan et celles utilisées dans le métro sont inversées. Et que c'est uniquement écrit en cyrillique dans les rames. ☺️

Dans quel sens va la ligne bleue ? MYSTERE ET BOULE DE GOMME 

Monter à bord de l'avion est une aventure beaucoup plus facile. Et distrayante: entre les panneaux d'affichage en cyrillique et les pubs pour entreprises aux méthodes non-conventionnelles j'attend mon embarquement.

Ok ok pas de corruption 

J'arrive à Milan où j'ai mon transfert. La fatigue s'allie à mes habitudes de voyages: pendant ce périple j'avais pour coutume de confirmer l'endroit où j'étais avant de descendre d'un bus ou d'un train, et ainsi ne pas me retrouver perdue quelque part. Par réflexe avant de descendre de l'avion j'ai demandé au stewart si on était bien à Milan. Je crois qu'il a pensé que j'étais profondément stupide.

Il s'avère juste que je dois prendre un bus pour changer de terminal mais j'ai le temps de le faire avec tranquillité. J'ai juste peur que l'on jette à la poubelle la bouteille de vin que j'ai acheté au Duty free de Sofia pour ma moman chérie. La bouteille est dans un sac spécial avec son ticket de caisse, mais un agent de la sécurité m'informe qu'il y a aussi une question de temps : si j'ai bien compris il faut que l'achat ait été fait il y a moins de 3 heures (really?) (Comment ils comptent avec le décalage horaire?) (Qu'est ce que ça change?) (Est ce que le vin est si bon que ça ?). Bon dans tous les cas ça passe \o\

Vous vous rappelez de Geromino Stilton ?  

Je patiente donc un peu dans ce terminal presque exclusivement de la compagnie easyJet où je m'interroge sur les motivations des gens qui veulent monter les premiers dans l'avion. J'ai envie de me retourner et de leur murmurer "just chill". J'essaye d'envoyer de bonnes ondes à l'enfant qui crie littéralement depuis 25 minutes mais vu que ça ne marche pas j'abandonne et monte le volume dans mes écouteurs.

Dans l'avion j'ai normalement la place à côté du hublot mais lorsque j'y arrive il y a déjà une petite fille qui y est assise. Voulant être gentille et sympa je lui laisse ma place et m'assoie côté couloir, à côté de sa mère. Grave erreur la gentillesse: de l'autre côté du couloir il y a le reste de la famille (le père et deux autres enfants) et ils passent tout. le. vol. à. se. passer. des. trucs. (téléphone, bouffe, ma patience). Derrière moi j'ai également un papa et ses deux rejetons qui musclent leurs jambes juvéniles sur le dossier de mon siège. J'envie la tranquillité de la rangée devant la mienne où un père et ses deux filles jouent tranquillement au Uno.

Enfin nous atterrissons et je me fait bousculer par la mère à ma droite qui veut à tout prix être debout dans le couloir de l'appareil alors que l'on a pas encore commencé à sortir de l'avion. Après qu'elle m'ait écrasé les pieds avec ses innombrables valises je prends le temps de ranger mon ordinateur dans mon sac et de sortir sans me presser jusqu'au contrôle de passeport. Bien que je ne me sois pas dépêchée je me retrouve devant cette famille insupportable. CHEH. Dans cette file d'attente je suis également témoin d'un gars faisant flipper son amie/compagne en lui faisant croire qu'elle va se faire arrêter par les policiers car elle aurait vraisemblablement une page de son passeport à moitié déchirée : "MAIS TROP PAS TU RACONTES QUE DES CONNERIES". Ce voyage est pa-ssio-nant.

ENFIN je sors dans le hall de l'aéroport où m'attend...personne. Parce que ma mère est en retard. Du coup je m'assoie et j'attends. Super chaleureux ce banc.

Bon éventuellement elle arrive et on se fait un câlin et des bisous débordant d'amour maternel et l'on prend la voiture pour Rabastens. Là-bas ma grand-mère m'attend sur le pied de guerre, persuadée que je ramène des punaises de lit. Donc à l'heure où je vous écris, la moitié de mes affaires est dans un tiroir du congélateur et l'autre moitié à 60° dans la machine. Ce n'étaient pas les retrouvailles auxquelles je m'attendais, je dois le reconnaître. Néanmoins j'ai pu manger du comté donc tout va bien.


C'est la fin d'un long périple, j'ai le sentiment d'en avoir autant appris sur moi-même que sur les lieux où je me suis rendue. Si je peux tirer une conclusion de toutes ces aventures c'est la suivante : la mer Baltique et froide, la mer Noire, moins.

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Merci à vous mes chers lecteurs et à tous ceux qui ont suivi mon aventure estivale ! J'espère que j'en aurais beaucoup d'autres à vous raconter à l'avenir. J'espère également que les fautes n'étaient pas trop nombreuses, mes blagues pas trop douteuses et l'écriture pas trop redondante.

Plein de bonnes choses à tous!



Louize