Après un réveil à 5h pour attraper un bus matinal et quitter définitivement l'Argentine, on se rend confiants au terminal de bus. Il y a manifestement du retard mais on ne s'inquiète pas, c'est loin d'être la première fois. Après 40 minutes d'attente et aucune information de la part de la compagnie, on se renseigne et on nous apprend que l'un des deux conducteurs est malade donc le bus est annulé. C'est le seul bus de la journée, le départ est donc reporté au lendemain à la même heure ! Évidemment, on a déjà utilisé toutes nos devises locales et chaque retrait d'argent coûtant une petite fortune en frais bancaires, on se met en recherche d'un hôtel prenant la CB (pas très fréquent ici), chargés comme des baudets comme d'habitude.
Une deuxième mésaventure vient s'ajouter à la première lorsqu'on découvre avec étonnement un nombre impressionnant de piqûres sur nos jambes, bras, dos et cou. Bref, nos corps entiers sont couverts de boutons qui démangent terriblement. Mais voilà, on n'a croisé que très peu de moustiques récemment... Le spectre des punaises de lits, planant sur tout voyageur longue durée, se serait-il abattu sur nous ? Les alignements de piqûres par 3 nous donnent la réponse... C'est la panique, on sait à quel point il est difficile de s'en débarrasser. Ne quittant finalement Salta que le lendemain, on sillonne la ville avec nos gros (énormes?) sacs, bien décidés à trouver une laverie. Le lavage à 60 degrés semble éradiquer les vilaines suceuses de sang. Seulement, on est Dimanche... Une seule laverie est ouverte et elle lave à l'eau froide ! Pas le choix, on compte sur le séchoir puissance max pour faire le taff...
On finit par s'installer dans un autre hôtel puis on entame une journée entière d'extermination des punaises. C'est la guerre, on combine les techniques et toutes nos affaires y passent : sèche-linge, spray insecticide, congélateur... On est obnubilés par l'idée qu'une seule survivante pourrait élire domicile dans nos affaires.
Les punaises n'ont pas peur des poils - Phill cherche ses puces Après cette journée passionnante, on revient au terminal de bus tôt le lendemain et cette fois-ci c'est la bonne ! Adios Argentina
Des paysages variés défilent sous nos yeux somnolents, entre autres les immaculées Salinas Grandes. Une fois de plus, on traverse la frontière entre Argentine et Chili très facilement : quelques minutes d'attente et 2 coups de tampon dans le bureau d'immigration perdu au milieu des montagnes, et nous voilà changés de pays.
Salinas Grandes aperçues par la fenêtre du bus On arrive desséchés dans notre auberge à San Pedro de Atacama, c'est le désert le plus aride du monde et on le sent ! Il fait très chaud et sec la journée, frais la nuit. Après une bonne nuit de sommeil, on passe notre première journée à découvrir ce petit village aux maisons en terre et à faire le tour des innombrables agences de tourisme. Le village est entièrement dédié aux excursions pour visiter les merveilles du désert d'Atacama. A part des agences et des restaurants, il n'y a pas grand chose et on croise très peu de locaux dans cette foule de touristes. Plusieurs marchés proposent une étonnante abondance de fruits et légumes, on n'aurait jamais cru pouvoir se cuisiner des pâtes aux brocolis et manger de succulentes mangues en plein désert ! Le contraste entre la chaleur sèche du jour et la vue sur les lointains sommets enneigés est surprenant.
San Pedro de Atacama, oasis dans le désert Le village en terre - Agences de tourisme - Terrain de foot - Toiture en cactus On choisit rapidement une agence recommandée sur internet et on réserve trois excursions.
Le lendemain, on part pour une belle journée de découverte des lagunes altiplaniques. On commence tôt le matin par la laguna Chaxa, entourée de sel cristallisé dans des formes incroyables et occupée par des flamants roses. Moment magique que de contempler ce paysage blanc et rose baigné de la douce lumière matinale qui le réveille du froid nocturne. Pour l'anecdote, les volatiles passent 16 heures par jour la tête dans l'eau à becqueter de minuscules crevettes roses qui donnent cette si belle couleur à leur plumage.
Laguna Chaxa au petit matin Après le petit-déjeuner, on reprend la route. Les volcans enneigés, les nandous (petites autruches sauvages), les troupeaux de vigognes (sortes de petits lamas sauvages) et tout simplement l'immensité du paysage sont autant d'excuses pour s'arrêter.
Pauses sur la route Puis on arrive au Salar d'Aguas Calientes, à 4200 m d'altitude, où souffle un vent glacial à écorner les bœufs. On voit d'ailleurs au loin que le bas des montagnes est recouvert de sel à cause de ces bourrasques continues. La vue est superbe !
C'est aussi là qu'on devra se contenter de deviner un des endroits phares de la région : les Piedras Rojas. Cette fameuse étendue de pierres rouges éclatantes bordant le Salar a été souillée de graffitis par des touristes narcissiques et écervelés, entraînant la fermeture du site pour une durée indéterminée.
Salar d'Aguas Calientes sous un vent glacialLe déjeuner arrivant, on se pose devant les magnifiques lagunes de Miscanti et Miniques, chacune surplombée par le volcan du même nom. Ici d'ailleurs, pas de promenade hors sentier, on suit des chemins très balisés. Au départ, on est un peu frustré de ces restrictions, mais on se dit qu'elles nous permettent de profiter d'un paysage non pollué par le passage de milliers de touristes (dégradations volontaires ou naturelles, selfies durant des heures...). Les animaux se sentent aussi plus confiants, on peut observer des vigognes assez facilement.
Lagunes de Miniques et Miscanti Sur le retour, on s'arrête au croisement entre notre route et le Tropique du Capricorne ! Ça vaut bien une photo sous le panneau, quelle originalité. On passera également par le village de Toconao où le bois de cactus est très utilisé, comme partout dans cette région.
Passage sur le Tropique du Capricorne - Eglise de ToconaoAntoine, notre excellent guide cynique et intarissable, nous abreuve toute la journée d'anecdotes passionnantes et parfois désespérantes. Le Chili, grâce au désert d'Atacama, est le pays qui dispose de la plus grande quantité de Lithium au monde. Cette ressource est aujourd'hui extrêmement convoitée car elle permet de fabriquer les batteries de nos précieux appareils électroniques. Pour l'extraire, des quantités faramineuses d'eau et de produits chimiques sont nécessaires. Vous l'aurez compris, au milieu du désert, l'eau est une ressource rare que les industriels peu scrupuleux pillent de manière obscure avec la complicité des locaux.
La belle lagune Chaxa perd « étrangement » un peu plus d'eau chaque année, entraînant la fuite des flamants roses vers des lagunes plus profondes et étendues. L'eau des rares rivières souterraines, dont les propriétaires sont pourtant des familles andines, est vendue à ces industriels à prix d'or au détriment de l'environnement.
Antoine conclut : «Le respect de la Pachamama (la Terre Mère), ce n'est plus que du folklore. Tout a un prix.» On a peur d'imaginer ce que deviendront certains sites de la région dans quelques décennies...
La nuit venue, on s'offre une excursion astronomique avec l'agence d'observation d'étoiles la plus cotée de la ville. Le patron Alain (encore un français !) nous accueille dans son centre d'observation en dehors de la ville. Après un court trajet, on pénètre toutes lumières éteintes dans l'observatoire. Difficile de décrocher le regard de ce ciel étoilé. La voie lactée est incroyablement belle. Équipé d'un laser pour pointer les étoiles, il nous fait une visite guidée de la voûte céleste à l’œil nu avec une impressionnante maîtrise. D'un air décontracté et sarcastique, il réfutera par des faits scientifiques nombre de croyances et de théories sans aucune retenue : religions, astrologie, rencontres extraterrestres, mythologies... On imagine facilement certains clients apprécier moyennement. De notre côté, on l'écoute fascinés et hilares. Mais surtout, on ne s'est jamais senti aussi minuscules. Les échelles de temps, de distances et de tailles dont il nous parle sont au-delà de la compréhension.
Après cette session passionnante, on se dirige vers les 11 télescopes fixes. Certains d'entre eux sont si imposants qu'on doit monter sur une grande échelle pour y accéder. On observera tour à tour des planètes, des constellations et des étoiles. Notre œil amateur a du mal à apprécier le visuel que nous offre la lentille tant ce que l'on perçoit paraît abstrait et dénué d'échelle. On est loin des images colorisées de la NASA (dans les télescopes il n'y a pas de couleurs). On découvrira après la visite, au gré des recherches sur internet, que notre guide est une vraie star des étoiles ! L'astro-physicien Alain Maury a même découvert plusieurs astéroïdes dont une porte son nom.
Observation des étoiles et planètes On démarre la journée suivante par un petit-déjeuner devant l'imposant volcan du Licancabur et son compère le Lascar, seul volcan actif de la région qui émet des fumerolles tous les jours.
Petit déj au pied du Licancabour Puis très vite, on quitte la route goudronnée pour rejoindre des pistes tracées par les 4x4. Le guide nous fait comprendre que ça va secouer et qu'il se peut qu'on dérape, mais qu'il maîtrise la situation. Après un vrai parcours de rallye, on fait un premier arrêt où il nous montre des cailloux noirs. Il s'agit d'obsidienne, du verre volcanique utilisé pour fabriquer toutes sortes d'objets, notamment des lames tranchantes. Il nous explique alors que l'énorme plateau sur lequel nous nous trouvons est en fait le cratère de l'ancien supervolcan Vilama, large de plusieurs kilomètres. Le terme de supervolcan nous laisse médusés. Lorsque ce type de volcan entre en éruption, comme le Vilama il y a des millions d'années, il se produit une explosion tellement intense que des milliers de kilomètres cubes de débris sont projetés dans l'atmosphère, causant des dégâts cataclysmiques à l'échelle d'un continent, voire de la planète entière. La Terre peut rentrer dans un hiver volcanique où elle ne voit plus le soleil, ce qui engendre des baisses de température pendant des années ! (le plus connu des supervolcans est probablement celui de Yellow Stone)
Perdus en plein désert - Obsidienne Plus loin, comme pour illustrer la puissance de ces phénomènes, on se retrouve à côté de grosses roches pyroclastiques projetées par un volcan Bolivien sur des centaines de kilomètres. L'eau et le vent ont peu à peu érodé ces pierres, leur donnant des aspects très singuliers et inspirant des noms imagés.
Les Cathédrales Les moines de Pacana - L'Indien On déjeune au Salar de Tara où on peut de nouveau admirer de nombreux flamants roses dans un décor de montagnes enneigées.
Salar de Tara Dernier arrêt à la Laguna Kepiaco où un troupeau de vigognes se repaît et se chamaille gentiment.
Laguna Kepiaco et ses vigognes Le lendemain, on attendra le milieu d'après-midi pour se rendre à pieds à la Pukara de Quitor. La chaleur, moins étouffante qu'à midi, est tout de même bien oppressante. Après s'être acquitté du droit d'entrée, on entame l'ascension de la colline. On passe devant les ruines d'un village puis on atteint le mirador au sommet. La vue est très belle, on reprend notre souffle dans les bourrasques de vent puis on redescend sans trop traîner, le site ferme bientôt !
Pukara de Quitor en fin de journée Dernière excursion de notre séjour dans le désert d'Atacama : la Vallée de la Lune. Certains courageux font cette visite en vélo, cette fois-ci on s'est laissé emporter par la fénéantise et on est parti en colectivo avec d'autres touristes. On a fait plusieurs arrêts près de différentes formations rocheuses, il faut toujours pas mal d'imagination pour comprendre les noms donnés : les Trois Maries sont un peu fatiguées ! (d'autant plus depuis qu'un touriste a cassé une des pierres en grimpant dessus pour se faire prendre en photo...)
Formations rocheuses dans la Vallée de la Lune - Les Trois MariesLa vallée de la Lune est probablement l'endroit le plus fréquenté du désert, on a donc croisé énormément de touristes. Mais les paysages rouges saupoudrés de sel de cette « petite » cordillère en valaient vraiment la peine. Le clou du spectacle a certainement été le point de vue final, quel panorama incroyable !
Lumières du soir sur la Vallée de la Lune Après ces magnifiques excursion, nous voilà fin prêts pour partir le lendemain matin en road trip de trois jours à travers le Sud Lipez jusqu'au Salar d'Uyuni. Mais le destin en voudra autrement... La suite au prochain épisode !