En sortant de mon hébergement, je me dirige vers l’hippodrome voisin, visiblement à l’abandon depuis longtemps. Pourtant, la balade en vaut la peine : un berger à cheval guide tranquillement son troupeau sur les restes de la piste, avec les montagnes en toile de fond. Une scène paisible, presque hors du temps.
Je me rends ensuite à la « gare routière » – un terme bien généreux pour décrire ce modeste arrêt près du bazar. Après une vaine tentative pour obtenir des informations sur un trajet vers le Kazakhstan, je saute dans un minibus en direction de Tüp, un village situé à 30 km au nord de Karakol.
Arrivé au croisement entre la route nord du lac et celle que j’avais suivie depuis le départ, je tente ma chance pour l’autostop. Deux véhicules s’arrêtent, mais les prix demandés sont exorbitants. Je préfère patienter… et j’ai bien fait !
Quelques minutes plus tard, une voiture s’arrête : à bord, une femme de 72 ans et sa fille de 52 ans. Cette dernière parle un peu anglais et facilite les échanges. Elles sont adorables et me déposent 15 km plus loin. Alors que j’essaie de les remercier avec un peu d’argent, la fille refuse, et la grand-mère m’invite dans ce qui semble être son restaurant.
Elle m’offre un café et un repas, refusant toute compensation. Les clients qui entrent viennent l’embrasser et lui murmurer quelques mots. Je comprends alors qu’elle vient de perdre son mari et l’une de ses filles. Touché par sa générosité malgré son chagrin, je repars le cœur serré, infiniment reconnaissant.
Un nouveau véhicule me prend en charge pour une trentaine de kilomètres avant de me déposer devant leur village. Là, un militaire interpelle un conducteur parlant un excellent anglais, qui accepte de m’emmener jusqu’à la frontière kazakhe.
La route traverse le Kirghizistan profond : petits villages, chevaux galopant librement, troupeaux bloquant la chaussée… Un dépaysement total.
Je franchis la frontière à pied, sur une petite route de montagne à peine goudronnée. Je suis le seul voyageur présent. Un militaire kirghize vérifie mon passeport avec méfiance.
Un véhicule approche alors, et je profite de l’intervalle entre les deux postes-frontières pour demander au conducteur s’il peut me prendre une fois la douane kazakhe passée. Il accepte avec bienveillance.
Lui et sa femme ne parlent pas anglais, mais ils sont d’une grande gentillesse. Ils me déposent dans leur village, le premier après la frontière, et négocient pour moi un taxi vers la prochaine étape. Problème : pas de distributeur de billets ! Alors que le conducteur propose de payer pour moi, je refuse catégoriquement. Ils convainquent alors le taxi de m’emmener jusqu’à un ATM dans le village suivant.
Une fois le taxi réglé, je cherche un minibus pour Almaty afin de poursuivre mon plan initial étant de rejoindre le Canyon de Charyn à pied, situé à 12km au bord de la route principale puis de camper sur place.
Le temps manque, mais la chance me sourit : un conducteur s’arrête et me propose, après négociation, de m’emmener au canyon, m’y attendre 2 heures, puis de me conduire à Almaty (à 300 km !) pour un prix raisonnable. J’accepte.
Malgré la barrière de la langue, nous discutons via nos traducteurs. La visite du canyon est magnifique : paysages grandioses, falaises rougeoyantes, et même quelques rencontres animales (spermophiles, aigles, outardes…).
Sur le reste de la route, nous évitons de justesse un accident, mais j’arrive finalement sain et sauf à Almaty, marqué par cette journée riche en émotions et en paysages.