Carnet de voyage

France - Cambodge sans avion

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Septembre 2023
120 jours
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Jour 1 : 5 septembre 2023


Ça y est ! Après 6 mois de préparation, me voilà enfin sur la route. Cela me donne une sensation bizarre : je n'ai pas vraiment l'impression de partir pour 10 mois. Pourtant je suis assez stressée en rejoignant mon premier spot de stop. Je prends le RER A de la Défense à Bussy Saint-Georges. Cette banlieue a l'air assez tranquille et agréable.

Là je crois que c'est un signe : mon tout premier conducteur en stop est d'origine cambodgienne et vietnamienne ! Maxime, une trentaine d'année. Il me dépose à 500 mètres de l'entrée de Disneyland, avec vue sur le château de la Belle au bois dormant. C'est assez insolite. Ici c'est au tour d'un jeune homme de me conduire au péage de l'A4. La route est très large donc je ne parviens pas à me faire bien voir des voitures mais un gros camion s'arrête.

Jean-Pierre, environ 50 ans. Il revient du Mans avec son gros cametard à vide. Il va prendre des marchandises à Reims puis rentrera chez lui dans les Ardennes. Il est très bavard et m'explique la vie de routier. Son évolution depuis 20 ans, les contraintes mais surtout le bonheur selon lui qui est d'aller à un endroit différent chaque jour. Dans sa jeunesse il a conduit partout en Europe. Maintenant il ne fait que la France mais il m'assure que chaque département a ses propres paysages et que la partie préférée de son métier est tout simplement d'être sur la route. Il me fait penser à Ivan, routier rencontré en Croatie. Il me parle aussi beaucoup de la solitude. Célibataire sans enfants, il n'a pas pris de vacances depuis 2 ans parce que déjà qu'il est seul chez lui et dans son camion, il ne se voit pas seul au restaurant ou à l'hôtel.

À Reims, je quitte l'autoroute pour rejoindre Châlons-en-Champagne avec Fatimazora et Jérôme. Elle est marocaine et il est français. Ils se sont rencontrés en ligne pendant le COVID et se sont mariés juste après. Elle est installée en France depuis presque un an et est enceinte ! Elle va accoucher en décembre et elle est super heureuse que ça soit un garçon parce qu'elle n'a que des soeurs et des nièces alors "c'est nouveau" pour elle. Elle a mis des supers musiques dans la voiture et semblait tellement heureuse que je lui parle de la mosquée Hassan II de Casablanca.

De Chalon à Gérardmer, je fais un long bout de chemin avec Antoine, un jeune de mon âge qui a choisi de vivre en vagabond. Il est de Rouen mais il va rendre visite à son oncle dans les Vosges. Il fait aussi beaucoup de stop. C'est rare qu'il se déplace avec sa voiture. Il se qualifie lui-même de parasite de la société, ce qui est assez comique. Je découvre avec lui les magnifiques paysages des Vosges, les vignes, les vallées, les petites montagnes, les jolis villages.

De voiture en voiture, j'arrive enfin à Busach, la frontière entre la France et l'Allemagne. Je sens qu'il est temps d'accélérer un peu donc je prends un TER jusqu'à Fribourg, puis un tram pour sortir de la ville. Et là...il fait déjà nuit. Je tente quand même le stop sous les lampadaires et par miracle une jeune femme s'arrête et mon conduit une cinquantaine de kilomètres jusqu'à une gare où je prends un autre TER jusqu'à ma destination : Villingen Schwenningen, la ville principale de la Forêt Noire.

Après 600km pour cette première journée, j'arrive enfin. Exténuée. Les parents de Bastian m'attendent. Un copain de Bordeaux qui est allemand. Ils m'accueillent à bras ouverts dans leur grande maison et me trouvent le meilleur trajet pour le lendemain. Je tombe dans les bras de Morphée très très rapidement. La fin de journée était dure. La perspective de ne pas arriver alors que des inconnus m'attendent à bras ouverts, l'idée de prendre des trains dès le premier jour. Peu importe. Au final j'ai encore battu mon record de distance en stop en une journée.


600 km : 9 voitures, 1 camion, 2 trains régionaux et 1 tram

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Publié le 8 septembre 2023

Jour 2 : 6 septembre 2023.


Le seul objectif de la journée est d'arriver moins tard que la veille. Je rigole. Arriver en Autriche serait pas mal non plus. La maman de Bastian me dépose à un endroit stratégique après un petit dej allemand pain/fromage durant lequel on a discuté avenir, orientation et perspectives de vie. J'ai pas mal de chance puisque un fourgon m'amène directement à Singen, près du lac Constance. Sur la station service, je mets à peine 5 min à convaincre Michael et Katarina de me prendre. Ils sont en vacances avec la famille de Michael qui est dans une autre voiture. On ne fait pas beaucoup connaissance mais j'admire le lac et les vignes pendant un bon bout de temps.

En sortant de l'autoroute, j'ai l'impression d'être Heidi à nouveau. C'est magnifique. Les prairies vertes pomme, les collines, les maisonnettes bavaroises. Bon, par contre j'avance à un rythme de tortue, de saut de puce en saut de puce, de village en village. Jusqu'à ce que le routier Steeve et son camion s'arrêtent. Il est canadien. Je ne comprends pas comment il a atterri ici et il répond en rigolant à mes questions. Il a plein d'objets farfelus sur son tableau de bord : des peluches, des figurines de camion, un attrape rêve, des drapeaux, un rouleau de PQ, bon. Il fait un détour pour m'avancer ce qui n'est pas de refus.

Tout s'accélère quand je rencontre Nina. Jeune prof d'anglais en lycée technique. Elle a séjourné en Virginie aux États-Unis donc elle me raconte la grande culture g des Américains, surtout quand ils lui demandent si elle aime Hitler et la guerre. Je suis alors entre Munich et Salzbourg. C'est Claudia qui va me faire passer la frontière. Une dame d'une soixantaine d'années absolument adorable. Super dynamique, solaire, expressive, souriante, heureuse de m'aider, heureuse d'aller voir sa fille à Salzbourg. J'ai passé un très joli moment avec elle. Elle me dépose sur le périph si je puis dire. Un dernier monsieur m'amène finalement dans les montagnes autrichiennes, le village de Pfarrwerfen. Lui, c'est le parfait allemand avec ses lunettes hypervitesse, sa BMW et sa grosse bière à la main.

Ce soir, je loge dans un hôtel qui m'avait déjà accueilli gratuitement sur la route de l'Albanie. Je fais plus ample connaissance avec le propriétaire qui est un jeune homme tout timide. Il m'explique qu'avant il aurait beaucoup aimé voyager mais il n'avait pas l'argent pour se payer l'hôtel et le restau. Donc maintenant il aide les jeunes à le faire. Il m'offre accès à sa cuisine où je me fais un gros plat de pâtes aux poivrons. Avec la vue sur les montagnes, un vrai petit bonheur.


560km : 11 voitures, 1 fourgon et 1 camion

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Publié le 8 septembre 2023

Jour 3 : 7 septembre 2023

Je comprends à quel point la vue que l'on a depuis sa fenêtre influe sur le bonheur personnel. Je me réveille toute guillerette à 7h30, c'est dire. Vue sur les montagnes. La route est magnifique. L'Autriche, ce sont des sapins à perte de vue. En une seule voiture, j'arrive à Villach, au sud du pays. Il y a le plus gros rassemblement de Harley Davidson au monde. Quel bazar. J'en vois passer au moins 200 à mon spot de stop.

Je fais la connaissance de Gerald. Un père de famille autrichien qui travaille à l'ambassade hollandaise de Vienne. On discute diplomatie, orientation, stages. Il me donne plein de conseils avisés. Il me raconte l'aventure de sa vie : il a été casque bleu à Chypre et a tellement aimé cet endroit qu'il y est resté plus de 10 ans. Il m'explique alors la crise économique et financière qui a touché l'île en 2010. Un homme passionnant. Il m'amène jusqu'à Graz.

Je fais une pause déjeuner dans le centre ville charmant. Puis, pour mon dernier trajet jusqu'en Slovénie, je rencontre Tibor un routier qui me pose énormément de questions sur ma façon de voyager et de rencontrer les gens.

J'arrive alors à Sentijl, le village slovène où vivent mes cousins, presque à la frontière autrichienne. Je suis arrivée vers 15h, ce qui est fort appréciable. J'ai eu le temps de flâner en attendant Marko. Nous sommes allés en ville à Maribor boire une bière avec ses amis. C'était très sympa de rencontrer d'autres slovènes. La fin de journée a été assez douce : dîner familial orchestré par Ivanka et son grand sourire.


370km : 3 voitures et 1 camion

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Jour 4 : 8 septembre 2023


Ce matin, Ivanka et Marjan mes hôtes slovènes partent aussi en voyage à moto jusqu'en Croatie donc tout le monde a le nez dans les bagages. Je leur dis au revoir après le petit-déjeuner et Marko leur fils me conduit à un point stratégique, Lenart. Aujourd'hui fût plus que chanceux, j'ai mis quasiment le même temps de trajet que si j'avais une voiture.

Matej, un de mes conducteurs, me conduit jusqu'à la frontière hongroise. On discute ensemble de ce que les médias veulent bien montrer de la réalité. Il m'explique aussi que depuis qu'il a des enfants il découvre beaucoup plus sa région, au lieu de partir en voyage lointain. J'ai toujours cette idée de tour de France en stop dans un coin de ma tête.

A la station service de la frontière, j'aborde ce bonhomme impressionnant qu'est Marco. Un père de famille italien qui s'avère très rigolo et sympathique. Il va jusqu'à Budapest pour le travail ! Donc la fin du trajet est assurée. Il me raconte ses folles histoires d'autostop quand il avait 15 ans, la fois où il est allé en Libye pour le travail, son voyage en Chine et combien il adore lire du San Antonio en français. Oui, je découvre au bout d'une heure de trajet que monsieur parle très bien français mais qu'il préfère converser avec moi en anglais.

J'arrive à Budapest à midi. De mieux en mieux. Je dépose mon sac chez un étudiant Erasmus qui s'est proposé de m'héberger sur Instagram. Je pars en balade dans cette ville que j'adore. Les rues piétonnes, les grands boulevards, le Danube, le Parlement, la Basilique. Il fait super beau. Je mets à jour mes notes de voyage en me prélassant à l'ombre dans des parcs. Et je rejoins mon hôte Jérémy en fin d'après-midi. Il fait des études d'ingénieur mais son rêve est d'ouvrir une brasserie et de faire sa propre bière. Il est originaire de Saint-Nazaire. Ce soir, c'est l'ouverture de la Coupe du monde de rugby, France - Australie. Alors ses copains français viennent à l'appart regarder le match. Je serai en terrain connu pour une soirée.

350km : 3 voitures

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Publié le 9 septembre 2023

Jour 5 : 9 septembre 2023

Ce matin, mon hôte Jérémy part pour son week-end d'intégration d'erasmus donc on se laisse tous les deux relativement tôt pour un samedi. Avant mon départ, on m'a beaucoup averti sur le stop en Hongrie qui ne serait pas facile et commun du tout. Et comme hier c'est un italien qui m'a fait la route, je ne suis toujours pas rassurée. Donc je décide de prendre un train pour m'avancer de 100km.

Là c'est folklorique. Déjà le train a la même configuration que le Poudlard Express dans Harry Potter. Dans ma cabine, nous sommes 4, personne ne parle comme des personnes assez normales dans un train. Débarque alors un homme d'une cinquantaine d'années tout tatoué avec un énorme chien. Un vrai moulin à paroles, je ne comprends rien mais il s'installe avec nous. Et surtout, il met une serviette de plage sur un des sièges sur lequel trône son toutou. Il est adorable mais pas du tout discipliné et grimpe partout.

Après ça je commence enfin le stop. Et je me mords les doigts d'avoir encore une fois prêté attention à des "on dit que" puisque évidemment, 3 voitures s'arrêtent en moins de 5 minutes. Je crois que le stop a bien plus à voir avec la bonté humaine, le coeur que la nationalité ou la religion.

Au bout d'une heure je tombe sur un routier qui va à ma destination ! Sauf que je me sépare quand même de lui à la frontière Hongrie - Roumanie parce que la queue pour passer les frontières pour les camions fait 2km. En effet, la Roumanie n'est pas dans l'espace Schengen donc il y a des contrôles.

Au final, c'est tant mieux ! Je découvre la ville qui se trouve à la frontière côté Roumanie, Oradea. C'est super joli, toutes les façades sont colorées et fraîchement peinturées. Après cette petite halte sous 30° et 15kg sur le dos, je continue.

Je rencontre alors Abraham Youssef, un drôle de personnage. Il est père de famille et ouvrier. On se retrouve alors à parler d'identité de genre et de transexualité, sur fond musical digne de la playlist Belles Chansons de mon père. Bref, encore une fois très improbable.

Concernant les paysages, je dois dire que la Hongrie est un plat pays. Le long des routes je n'ai vu que des champs. Par contre, la Roumanie était magnifique. C'est vallonné, vert, avec la lumière du soleil qui descend.

J'arrive en fin de journée à Cluj Napoca, la 2e ville de Roumanie, située en Transylvanie. J'aimerais crier sur tous les toits que la Roumanie est largement sous-côtée parce que, encore une fois, le centre ville est splendide. Tous les bâtiments valent une photo. Cela me fait penser à l'architecture des villes slovènes, en plus sophistiqué. J'ai de la chance : il y a une sorte de festival/fête avec des concerts, des enfants absolument partout et des artistes de rue. Je ne sais plus où donner de la tête.

Je finis tout de même par aller à la rencontre de mon hôte de ce soir : Any. Une femme d'une trentaine d'années qui m'a cuisinée un délicieux gratin. Dégusté autour d'une discussion de voyageuses.


407 km : 1 train, 2 camions, 2 fourgons, 1 voiture

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Publié le 11 septembre 2023

Jour 6 : 10 september 2023


Au-revoir Cluj, une longue route m'attend aujourd'hui. C'est déjà une belle galère pour sortir de cette ville qui n'est pourtant pas grande. Je prends donc un bus. Même après ça je peine à trouver une voiture.

Jusqu'à la merveilleuse Andra. Pour vous dire : elle arrête sa voiture à 200 mètres de moi, donc le temps que je la rejoigne, elle fait des sauts et danse à côté de son véhicule. C'est une manière très sympa d'aborder les gens. Géologue, elle est en week-end et part faire une randonnée. Elle me pose plein de questions. Elle aussi adorait vagabonder étant plus jeune. Elle a sillonné la Roumanie en train pendant des années, et à l'époque sans téléphone, il fallait se trimballer un livre épais comme un annuaire qui répertoriait les lignes de train et les horaires.

Ensuite, pour "finir" le trajet, je rencontre Konstantin. Ces guillemets parce qu'il me reste 250km pour 4h de route le long d'une rivière. Assez fou qu'il n'y ait pas d'autoroute entre les deux plus grandes villes du pays. Konstantin a une soixantaine d'années et conduite le petit camion d'une entreprise de pains et brioches. Il ne parle vraiment pas anglais donc on discute peu mais il sourit beaucoup. J'en profite pour me reposer. On fait une halte dans un bled où il décharge et recharge le camion. J'assiste à la manoeuvre. On traverse ensemble une région absolument magnifique. Des maisonnettes toutes semblables constituent les villages qui bordent cette rivière située au milieu de la forêt.

Konstantin me dépose aux abords de Bucarest. Eh oui, il va à l'entrepôt. Je prends alors le métro pour rejoindre le centre. J'en prends plein les yeux. C'est quoi ce Parlement ??? Il est colossale : le 2e plus grand bâtiment administratif au monde, après le Pentagone de Washington. Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi massif. L'architecture est remarquable mais n'oublions pas que c'est l'argent du contribuable qui a permis un tel chantier, grâce au dictateur Nicolae Ceaușescu à la tête du pays de 1965 à 1989.

J'entame une grande balade dans le centre de Bucarest qui est, je dois dire, très agréable. Beaucoup d'églises orthodoxes riches, l'architecture est impressionnante a tous les coins de rue : le musée national, le Panthéon romain. Et c'est surtout très vivant. Il y a du monde partout, les terrasses sont pleines et les chichas sont de sortie.

Je rejoins mon hôte du jour : Craig. Il est californien et visitait l'Europe en 2019 et 2020 jusqu'au premier confinement pendant lequel il s'est retrouvé à Bucarest, et est resté ! On a parlé football américain et rugby, voyages, différences culturelles entre la France et les US. Mais aussi différences culturelles au sein des US. Un bonhomme super souriant, mais qui, tel un vrai américain, n'a rien dans son frigo. Donc ce soir, c'est pizza !


450km : 3 voitures, 1 fourgon, 1 métro

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Publié le 12 septembre 2023

Jour 7 : 11 septembre 2023


Cette journée est la première avec autant de rebondissements ! Ce matin, je quitte la Roumanie. Premier pays dans lequel je n'avais jamais mis les pieds auparavant, premier pays hors espace Schengen de ce périple, première heure de décalage horaire avec la France. Je prends un bus pour sortir de Bucarest, et je trouve rapidement un van qui m'amène à la frontière bulgare.

Vali, le chauffeur, est super bien sapé. En effet c'est un van pour les groupes de touristes. Il va chercher un groupe d'américains qui vient de finir leur croisière sur le Danube. Il parle très bien anglais, et il a vécu quelques mois à Paris donc on discute beaucoup. Il m'explique l'évolution de Bucarest depuis la chute du communisme en 1989. Une vraie libération de bandits en tous genres. "Bucarest was kind of a jungle at the time." Et malheureusement, ces malfaiteurs sont arrivés jusqu'en Europe de l'Ouest pour faire plus d'argent grâce aux trafics. Cela me rappelle l'histoire albanaise. Et avec cette vague de migration, il y a eu les gitans aussi bien sûr. Que l'européen occidental se complaît à confondre avec les Roumains. Je ressens depuis deux jours une légère animosité envers les gitans de la part de certains de mes conducteurs d'ailleurs.

Dans le bus, j'avais vu plusieurs enfants avec des bouquets de fleurs dans les mains. Je questionne Vali : c'est la rentrée des classes et la coutume est d'offrir un bouquet aux professeur.es. Je trouve cette tradition adorable.

Une fois à la frontière bulgare, c'est la galère. Je vais devoir marcher entre la sortie de la Roumanie et l'entrée en Bulgarie qui sont espacées de 3km. Je prends mon mal en patience et je traverse donc le large Danube qui constitue la frontière entre les deux pays.

Me voilà de nouveau en Bulgarie ! Ce pays où j'ai passé quatre mois lors de mon semestre d'Eramsus. Que de beaux souvenirs. Un routier roumain tout sourire nommé Marjan me conduit pendant 50 km. Puis un homme nommé Janko m'ouvre son fourgon mais comme il ne parle pas anglais, il appelle au téléphone son beau-père qui habite à Valence et qui m'explique donc en français son itinéraire. Toute une histoire !

Bref, Janko me dépose à Veliko Tarnovo, une magnifique petite ville où j'étais partie en week-end avec mes amis d'Erasmus.

Le plan initial de cette journée était de dormir à Haskovo (une ville bulgare sans grand intérêt mais qui me semblait idéale en termes de kilométrage (345km de Bucarest). Mais étant à Veliko à 13h, il me semble plus stratégique de pousser vers la Turquie qui n'est pas si loin.

En chemin, je passe un moment avec Ilya un routier de 50 ans extrêmement soucieux de mon voyage. On communique avec Google Traduction. On parle de nos familles et de nos occupations. Comme il va en Grèce, quand nos chemins se séparent, il s'arrête sur l'autoroute et fait arrêter un autre camion (entre routiers, il avait plus de chance d'en arrêter un que moi) qui va à la frontière turque.

Ça y est ! La Turquie ! Une grosse étape dans ce beau voyage pour moi. Je suis très heureuse d'y être arrivée aussi rapidement, même si ça m'a donné plus qu'envie de mieux connaître l'Europe. À la frontière, j'étais simplement en train de marcher, et non pas de faire du stop, quand Veysel me propose son aide, me voyant chargée comme un mulet. Pour communiquer, il appelle sa fille qui parle bien anglais. Je leur explique que mon plan est de dormir à Edirne et que demain j'irai à Istanbul. Ils habitent à mi-chemin ! Donc ils me proposent de m'accueillir pour la nuit, comme ça, ma route sera moins longue le lendemain matin. C'est la première fois que cela m'arrive. Je suis stupéfaite de tant de générosité.

Avant de prendre la route, nous faisons une pause à Edirne. Veysel m'invite à manger de l'agneau (frit je crois) avec des crudités, du pain et un espèce de lait très épais. J'avoue que l'agneau a un goût très fort, mais je m'en débrouille avec les tomates. Puis une de ses amies nous rejoint pour boire un thé dans un endroit magnifique. Une espèce de terrasse dans une cour ornée de lanternes, avec palmiers en bonus.

Nous rentrons finalement chez lui, à une heure de route, au bord de la mer de Marmara : Tekirdag. Sa femme et sa fille qui s'appellent toutes les deux Elif m'accueillent tout sourire. Elles sont absolument adorables et nous passons un long moment à discuter en caressant leurs deux chatons. Elles me disent que oui, Veysel est une personne très extravertie et généreuse donc elles sont habituées à ce qu'il appelle pour dire qu'il aide quelqu'un pour ceci ou cela. Leur appartement est très grand, avec un balcon aménagé comme un salon, vue sur la mer. Leur famille est belle : Elif fille a une relation très mignonne avec ses parents, beaucoup de tendresse et de taquineries en même temps. Elle m'explique qu'elle est en terminale et qu'elle stresse beaucoup pour ses examens pour intégrer l'université l'année prochaine. Elle veut faire des arts plastiques, mais elle a peur que cela ne soit pas reconnu.

Je suis extrêmement reconnaissante de la bonté de toutes les personnes qui ont croisé ma route aujourd'hui. Cela leur paraît si naturel. Prendre soin des gens. Je m'endors sur le canapé lit dans la chambre d'Elif, complètement sereine. Elle m'a fait un dessin dans mon carnet et m'a offert un petit oiseau en céramique qu'elle a fait elle-même. Des souvenirs à jamais.


566km : 1 bus urbain, 2 vans, 3 camions, 1 fourgon, 2 voitures

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Publié le 13 septembre 2023

Jour 8 : 12 septembre 2023


Ce matin, Elif mère part au travail de son côté. Veysel, Elif fille et moi partons ensemble. On dépose Elif au lycée et je lui dis au revoir, son père nous prend en photo, ce qui l'agace, telle une vraie ado. Puis on va au travail de Veysel. Oui oui, moi aussi ! Je n'ai pas très bien compris ce qu'il fait précisément mais c'est une sorte d'entrepôt. Il m'installe à son bureau. Tous ses collègues me scrutent avec étonnement.

Veysel devait juste faire acte de présence pendant une demi-heure. Nous allons ensuite dans le centre de Tekirdag. Il tient à m'aider pour l'achat de ma carte sim turque. Il me facilite grandement la tâche et m'évite même l'arnaque à touristes. En plus de tout ce qu'il a déjà fait pour moi, il insiste pour me mettre dans un bus direction Istanbul pour que je n'ai pas à faire de stop. Difficile de lui expliquer le principe de mon voyage et que, si j'avais tout fait en bus ou en train, je ne l'aurais jamais rencontré. Je n'insiste pas.

Au milieu des deux heures de trajet, la police arrête le bus et contrôle tous les papiers d'identité. Évidemment, mon passeport français fait rallonger le processus.

J'arrive à Istanbul dans cette immense gare routière parfaitement effrayante. C'est une ville à part entière avec ses quartiers, ses commerces, ses moyens de transport à l'intérieur même de la gare et sa grouillante population. À côté de ça, Châtelet-les-Halles est bien ridicule. Je dois prendre le métro pour rejoindre mon hôte de ce soir qui vit à Kadikoy (l'Est d'Istanbul, la partie asiatique). Entre l'achat de la Istanbulcard et le quai de mon métro, deux personnes différentes viennent spontanément m'aider. C'est sûr que je fais tâche avec mon immense sac à dos, je suis visible de loin. Je retrouve alors Usar, un jeune homme d'environ 35 ans plein de pêche. Il a deux chambres dans son appartement mais une est louée cette semaine sur Airbnb par un couple américain-russe, donc je dormirai sur le canapé. Après avoir posé mon sac et discuté avec Usar de mon programme, je repars vers le métro pour me balader sur la rive européenne, Karakoy.

J'avais passé une semaine entière à Istanbul il y a deux ans et demi, et j'étais tombée amoureuse de cette ville, comme beaucoup de touristes en mon genre je suppose. Donc en cet fin d'après-midi, je me fais plaisir et je me balade auprès des plus beaux monuments, dans le quartier le plus touristique. La mosquée Sainte-Sophie et la mosquée bleue sont toujours aussi belles. Je traverse le Grand Bazar dans l'espoir de trouver des lunettes de soleil en forme de coeur identiques aux miennes mais c'est un échec. Je passe aussi par le bazar égyptien simplement pour rejoindre la mosquée de Süleyman le Magnifique. Ces deux bazars sont définitivement devenus des attrapes touristes assez horribles... J'adore l'esplanade de la mosquée de Süleyman. La vue sur la rive moderne est très belle. Les touristes se disputent le meilleur spot photo parce que le soleil commence à décliner. Je descends vers les quais où se disputent toutes les compagnies de croisière sur le Bosphore et j'emprunte le pont Galata qui mène à la rive européenne dite moderne. Dans les ruelles qui grimpent, je m'offre ce pain aux graines en forme de bretzel que j'aime tant, et un jus d'oranges pressées. J'arrive à la Tour Galata. Je serais bien montée pour le coucher du soleil mais il y a une queue monstre. Je continue donc ma balade jusqu'à cette chouette esplanade où les stanbouliotes admirent sur des marches l'autre rive, le Bosphore et le coucher de soleil.

Puis il est temps de rentrer. À l'appart, Usar m'attend avec un énorme plat de penne aux légumes et au poulet. Il est adorable, on discute voyages et il m'aide beaucoup à faire mon choix de visites pour le lendemain. Soudain, sa meilleure amie iranienne débarque ! Elle lui fait une surprise, ils ne se sont pas vus depuis un mois. "I should run a hostel! I'm the only Turkish guy in this crazy flat!" Je m'endors sur le canapé, lovée contre ses deux chats.


164km : 1 bus, 1 métro

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Publié le 14 septembre 2023

Jour 9 : 13 septembre 2023


Aujourd'hui j'aimerais découvrir une partie d'Istanbul que je ne connais pas. La dernière fois que j'étais venue, c'était l'hiver et ça n'était pas l'idéal. Il s'agit des Îles aux Princes, au large d'Istanbul dans la mer de Marmara. Elles sont quatre mais je ne vais en découvrir que deux. L'adorable Usar m'amène à la station de bateau-navette avant de partir travailler. J'ai le temps de m'attraper un petit-déjeuner avant de monter sur le bateau. La traversée dure 45 min donc j'en profite pour tenir à jour mon journal et mes stories Instagram. En s'éloignant, on se rend évidemment compte de l'étendue démesurée d'Istanbul. C'est immense. Et plus on s'en éloigne, plus la vue sur les îles est jolie.

Je passe la matinée sur Heybeliada. En arrivant, je comprends immédiatement ce qu'a voulu me dire Usar : "You will feel so peaceful on these islands." ("Tu vas te sentir tellement apaisée sur ces îles.") Les véhicules motorisés y sont interdits, ce qui rend la balade très agréable. Les locaux se déplacent avec des espèces d'engins électriques que je croyais utilisés seulement par les personnes à mobilité réduite. Il y a aussi beaucoup de vélos. En effet, cette île est une colline. Plus on va dans les terres, plus ça grimpe. Les ruelles sont magnifiques, avec des maisons très colorées. Il y a un petit marché et un chien me suit pendant une demie-heure, la langue pendante de soif. Je grimpe au sommet, ce qui m'offre une vue absolument magnifique sur l'île, la mer et au loin Istanbul. Je continue ma balade en redescendant près de la mer, au milieu des pins.

Au moment où je pensais être perdue, je tombe sur quelque chose d'inattendu, une sorte de café/bar au beau milieu de la forêt de pin : une cabane en bois et des chaises et des tables dispatchées autour. La vue sur la mer est absolument magnifique donc j'achète une bouteille d'eau à ce brave monsieur pour pouvoir m'installer. Il est ravi car il n'y a absolument personne d'autre à part quelques chiens. Ravi à tel point qu'il m'offre un thé et des sortes de nems tout chauds. C'est royal. J'en profite pour faire une pause.

Il est temps de retourner vers le ferry pour aller à la découverte de l'autre île : Burgazada. Peut-être est-ce parce qu'il est plus tard, mais il y a beaucoup plus de monde sur les quais ! J'ai besoin de rafraichissement donc je m'arrête à la première petite plage. Les retraités sont de sortie. Ça papote de tous les côtés. Je fais chuter la moyenne d'âge drastiquement. Après quelques brasses et une petite bronzette, je repars en balade. Il y a beaucoup plus de spots de baignade sur cette île. Ce qui est assez magique c'est qu'il n'y a absolument aucun touriste. Ce sont tous des locaux vivant sur ces îles ou bien venus d'Istanbul pour la journée. Je suis allée jusqu'à deux autres petites plages.

Mon bateau de retour m'amène dans le quartier central de Kadikoy (la rive Est dite asiatique), où la vie bat son plein. Un monde fou flâne sur les quais après le travail ou l'école, en écoutant les différents artistes de rue.

Je passe la soirée avec Usar et ses deux chats. On joue à un jeu de vocabulaire en anglais, ce qui est assez cocasse, mais on apprend tous les deux des choses. On discute relations amicales, mais aussi beaucoup de cinéma et musique. Il a plusieurs références françaises : Gaspar Noé, Noir Désir, Marie Laforêt. Je lui fais découvrir Aznavour et France Gall.


Transports du jour : voiture d'Usar et bateau-navette.

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Publié le 15 septembre 2023

Jour 10 : 14 septembre 2023


Il est temps pour moi de quitter Istanbul. Cette ville que j'aime tant. C'est que la Turquie est très large et que j'en suis qu'au début ! Usar m'accompagne jusqu'à l'entrée de l'autoroute. Je réussis à le convaincre de ne pas rester à attendre que j'ai une voiture. Mais je crois qu'il n'aurait pas attendu longtemps, puisque la toute première voiture qui me croise s'arrête immédiatement. Et ils vont à Ankara ! Un miracle. Il s'agit d'un couple d'environ 65 ans. Ils ne parlent absolument pas anglais mais ils appellent leurs enfants ou neveux, je ne sais pas bien, pour me traduire tout ça.

Les Turcs sont vraiment fous de thé. Tasiu mon conducteur en boit en conduisant et sa femme Kule m'en sert aussi une tasse ! Ça m'embarrasse totalement parce qu'en plus de ne pas en être fan, j'ai peur de me brûler au moindre coup de frein. Pour continuer sur cet élan d'hospitalité, on fait une pause sur la route et ils m'invitent à déjeuner avec eux dans un restaurant ! Je vais retrouver ces ingrédients dans beaucoup de repas turques : tomates, concombres, olive, sorte de fêta, de la crème à mettre sur du pain avec du miel. Il y a une boutique dans ce restaurant. Kule s'achète un parfum et m'en offre un petit flacon aussi. Je ne sais à nouveau plus où me mettre devant tant de gentillesse.

On finit la route pour Ankara en grignotant des quartiers de pommes et mes nouveaux amis/grands-parents me déposent directement à mon adresse.

Qui est le lycée de mon hôte d'Ankara ! Elle n'est pas lycéenne mais professeure d'anglais. C'est l'ancienne prof d'une fille que j'avais rencontré à Sofia lors de mon Erasmus, donc elle nous a mis en contact.

Chez Reyhan, je rencontre son mari, ses deux fils, sa soeur et ses deux nièces.

Je pars pour une balade dans le quartier moderne du centre d'Ankara. Ça fourmille de partout. Les gens sortent du bureau. Je trouve quelques rues piétonnes avec des centaines de restaurants. Les façades lumineuses des grands immeubles font penser aux villes asiatiques.

Pour le dîner, je mange avec Reyhan et sa famille de la viande hachée en sauce, du boulgour et des légumes. Avec du melon en dessert.

Puis nous repartons en ville avec Reyhan, sa soeur et ses nièces pour une soirée entre filles. Nous allons nous balader à Hamamonü, un quartier bien spécifique d'Ankara où sont organisées dans des salles de réception et des restaurants la cérémonie des veilles de mariages. Ils l'appellent "la nuit du henné". Cela ressemble au principe de l'enterrement de vie de jeune fille. C'est une soirée qui met à l'honneur la future mariée. Toutes ses amies et les femmes de sa famille proche sont conviées. Le futur marié également mais il reste en retrait. Reyhan se débrouille pour nous faire entrer dans l'une de ces salles de réception donc j'assiste avec une immense chance à cet évènement familial traditionnel. Les filles dansent tantôt sur des musiques traditionnelles, tantôt sur de la pop internationale. Elles ont toutes des robes très colorées plus jolies les unes que les autres. Je suis comblée de pouvoir assister à ça.


450km : 2 voitures

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Publié le 16 septembre 2023

Jour 11 : 15 septembre 2023


Ce séjour à Ankara est riche en expériences ! Après un excellent petit-déjeuner turc. Reyhan, mon hôte qui est prof d'anglais, insiste pour que je vienne avec elle au lycée, pour discuter avec ses élèves. Au départ, c'est un peu intimidant. Même sans mon gros sac, les gens me toisent dans les couloirs. Je n'ai pas l'air d'ici. Mes grosses chaussures de rando me trahissent sans doute. Reyhan, surexcitée, me présente à tous les profs qu'elle croise.

J'ai passé deux heures dans sa classe d'élèves de terminales à faire une sorte de conférence de presse. Ils m'ont posé des tonnes de questions sur des sujets divers et variés : mon voyage, l'autostop, mes peurs, le Cambodge, mes études, mon futur, la France, ma famille, mes hobbies, la nourriture française, la nourriture turque, le sport, la musique, le cinéma, le théâtre, mes motivations, mes rêves.

C'était très attendrissant. Reyhan m'a dit que pour la plupart, c'était la première fois qu'iels voyaient une personne non-turque et non-arabe. Les élèves m'ont évidemment toustes demandé mon Instagram. Certaines jeunes filles sont carrément venues me faire un câlin à la fin du cours, me souhaiter bon courage et me dire qu'elles rêvaient de réussir à faire quelque chose de similaire. Je leur souhaite grandement !

Je laisse Reyhan et ses élèves tranquilles pour le reste de la journée. Je vais me balader dans le centre d'Ankara.

Je commence par visiter une magnifique mosquée construite récemment. J'ai l'impression que chacune d'entre elles est une œuvre d'art. Je rencontre alors quatre hollandaises d'une cinquantaine d'années. Elles sont à Ankara pour un mariage.

Ensuite je marche vers la vieille ville. Chaque rue est pleine de surprises. Ankara, contrairement à Istanbul, n'est pas du tout touristique. C'est vraiment la grande ville des Turcs et de leur vraie vie. Je traverse des rues entières de marché de vêtements.

Je mange mon premier kebab en Turquie. La viande est plus forte qu'en France.

Puis j'ai crapahuté autour de la citadelle, là où trois boutiques à souvenirs se disputent la dizaine de visiteurs étrangers.

Sur les terrasses, les coupes de thé sont de sortie, une fois de plus. Je prends pour traverser la ville et m'amener vers le très célèbre (en Turquie) Mausolée d'Atatürk. De son vrai nom Mustafa Kemal, Atatürk (qui signifie "le père des Turcs") est le héros national. On peut voir son portrait dans tous les bâtiments officiels et aussi très souvent dans les commerces et chez les gens. Il est le vainqueur des forces alliées pendant la Première guerre mondiale, le fondateur de la République de Turquie. Les Turcs le glorifient principalement pour avoir modernisé la Turquie. Il a par exemple inscrit la laïcité dans la Constitution, remplacé l'alphabet arabe par l'alphabet latin et donné le droit de vote aux femmes en 1936 (10 ans avant la France) ! Physiquement, le Mausolée est imposant. Il abrite aussi un musée sur Atatürk. J'assiste à une parade militaire assez effrayante. Ça crie très fort.

En cette fin d'après-midi, je décide de rentrer à pieds. C'est tout de même une heure de marche. Je traverse le jardin boisé qui longe le Mausolée. Arrivée dans un autre quartier, je tombe sur une sorte de marché tout en musique, avec des allées. On dirait une fête des voisins. Il y a des jeux de fléchettes, des barbes à papa, plein de stands de nourriture.

Le soir, chez Reyhan, on discute politique. Elle m'explique à quel point elle déteste Erdogan. Qui serait tout l'inverse d'Atatürk. Il est en train d'islamiser la République, d'opprimer les médias opposés à son opinion et de prôner des idées très conservatrices à propos du rôle de la femme. Reyhan est très heureuse de pouvoir travailler et de s'habiller comme elle le souhaite. Elle adore les courtes robes à fleurs, mais le soir ça ne l'empêche pas de prier en portant un hijab et une abaya. Elle a peur que Erdogan ne s'inspire de l'Iran en termes de droits de l'homme, par exemple. Et il a très bien compris comment s'attirer les votes des populations moins éduquées, on appelle ça le populisme.

Plus tôt dans la journée, un élève m'a demandé ce que je préférais manger en Turquie. J'ai répondu les Lahmacun (galettes garnies de viande hachée et de légumes) et les baklavas. Je vous laisse deviner ce qu'a préparé Reyhan pour mon dernier repas à Ankara.

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Publié le 17 septembre 2023

Jour 12 : 16 septembre 2023


Reyhan m'aura donc reçue aux petits oignons jusqu'à la fin du séjour. Ce matin, elle m'amène voir sa boulangerie préférée et dévalise tout. Une partie pour le petit-dej, et une partie pour moi sur la route. On petit-déjeune avec sa soeur et elles m'expliquent une tradition turque féminine. Environ une fois par mois, les groupes d'amies s'invitent les unes chez les autres pour un grand dîner avec beaucoup de plats traditionnels. Les convives n'ont rien à préparer mais elles offrent un bijou en or à leur hôte. Cette réunion permettrait la socialisation des femmes (ce qui est extrêmement limité si cela n'arrive qu'une fois par mois, à mon humble avis...).

J'ai une longue route à faire jusqu'à Sivas. Décidément, les Turcs ne parlent absolument pas anglais dès qu'ils ont au dessus de 20 ans. La grand aventure du jour fut la moto ! Trois motards s'arrêtent pour m'aider. L'un me conduit, le second porte mon gros sac et le troisième me prête un casque et des vêtements coupe-vent. C'était la première fois que je montais sur une moto, et ce pour 300km ! C'était génial. On a déjeuné tous ensemble sur la route. Ils tiennent un restaurant de barbecue à Istanbul et s'offrent actuellement des vacances sur les routes turques.

Je leur dis au revoir une fois arrivés à Sivas. Je fais une pause au soleil sur la place centrale de cette ville qui contient une très belle mosquée, une scène avec des musiciens et un parc.

Puis je rejoins Engin, mon hôte. Encore un prof d'anglais ! Il est beaucoup moins exubérant que Reyhan d'Ankara, c'est le moins qu'on puisse dire. Une personnalité très calme, serviable et un sourire discret mais toujours présent. On resort directement pour aller pique-niquer avec ses cousins. Moment très sympa, je goûte encore une fois à une multitude de plats locaux et maison. Nous sommes ensuite allés dans un grand hôtel-café magnifique pour boire un thé. Ses cousines me posent une tonne de questions sur ma vie en France.


450km : 1 camion, 1 fourgon, 2 voitures, 1 moto

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Publié le 17 septembre 2023

Jour 13 : 17 septembre 2023


Quelle matinée... à base de pain blanc, bananes, Coca et riz blanc, si vous voulez ce que je veux dire. La tourista m'a eue toute la nuit. Je suis HS et il n'est pas question de repartir en stop ce matin. Heureusement que mon hôte est adorable et me laisse me reposer sur son canapé. Il joue du piano, écoute des musiques très douces et cuisine des choses que je ne peux pas manger. Il est très patient.

En début d'après-midi, j'ai besoin d'air frais donc nous partons nous balader dans Sivas. Cette ville est vraiment agréable : un équilibre entre calme et vie. Elle contient de très beaux monuments historiques et n'est pourtant absolument pas mentionnée dans les guides. Bizarre. L'ancienne mosquée "Ciel" (nommée ainsi d'après sa couleur) est maintenant un musée sur l'histoire de Sivas. C'est gratuit et merveilleux à l'intérieur. Engin connaît tout par coeur. Il a étudié la littérature anglaise mais il a l'air aussi très calé sur l'histoire de l'Europe. Il m'amène voir le marché, les cafés les plus typiques, les mosquées. Ça me change grandement les idées.

Ce soir, je vais prendre un bus de nuit pour me rendre à Trabzon, une ville sur la mer noire. Je devais déjà y être rendue en stop, mais je ne me sens toujours pas le courage de faire ce trajet demain.

Après ces 10 jours sans pépin, il a fallu que ça tombe sur mes intestins !

380km : 1 bus de nuit

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Publié le 19 septembre 2023

Jour 14 : 18 septembre 2023


Je me réveille dans le bus, soulagée, j'ai dormi absolument toute la nuit. Au réveil, je vois la mer Noire qui est d'ailleurs très bleue. Je suis à Trabzon, sur la côte Nord de la Turquie, dans l'Est du pays. C'est une grande ville, à flan de collines. Cette région est magnifique, d'un côté la mer, de l'autre la montagne. Reyhan mon hôte d'Ankara m'avait prévenue : "so nice, only blue and green".

L'histoire du logement que j'ai trouvé est encore une fois rocambolesque : un de mes copains de Paris m'a mise en relation avec deux de ses amis d'université (l'ESSEC en l'occurrence) parce qu'ils vont de Paris à Singapour en vélo, dans le cadre d'un projet similaire au mien. Donc je suivais les aventures de ces deux cyclistes sur Instagram, sans les connaître personnellement. Jusqu'à ce qu'ils m'envoient un message pour me dire qu'ils vont loger dans un monastère de bonnes soeurs à Trabzon aux mêmes dates que moi et qu'il y aura aussi un lit pour moi. Ils sont scouts, donc assez habitués à ça, mais pour moi c'est inédit !

Je les rejoins donc au monastère où ils m'indiquent ma chambre. Il y a ici un prêtre italien, trois bonnes soeurs (une brésilienne, une argentine et une égyptienne) et des familles iraniennes et afghanes persécutées dans leur pays. Une auberge de jeunesse quoi !

Nous partons avec Jacques et Joseph, ainsi qu'un jeune turc bénévole dans ce monastère pour aider tout ce beau monde à apprendre le turc. Nous allons prendre un bus qui nous amène au lac Uzungöl. Ça monte sans cesse, on s'enfonce dans les montagnes et on se rend compte petit à petit qu'on aurait été bien éclairé de prendre des pulls. Une fois au lac, le seul moyen de se réchauffer est de marcher. Et tant mieux, c'est magnifique. On fait une pause déjeuner. Le tour du lac est beau sous tous les angles.

Ça fait du bien de parler français. Jack et Joe sont super sympas, et la communication est fluide, ça change du baragouinage en turc-anglais. Pour le retour à Trabzon, je les initie au stop ! On fait deux équipes. La mienne arrive une heure avant l'autre. Bon je suis fille, il parait que c'est plus simple.

En revenant à Trabzon, je vais me balader le long de la mer. La balade est très bien aménagée et le soleil se couche progressivement.

Nous avons un libre accès à la cuisine, donc comme nos deux cyclistes reprennent la route demain, on se fait des pâtes aux tomates. Nous dînons avec Janbert le jeune turc et un monsieur iranien qui nous raconte son histoire, assez intense je dois dire. Il est né dans une famille musulmane mais a commencé à s'intéresser à la Bible vers l'âge de 14 ans. Après avoir comparé maintes fois avec le Coran, il s'est progressivement reconnu dans le christianisme, tout en se culpabilisant fortement de s'éloigner de l'Islam. Sa famille l'a mis dehors avant ses 18 ans. Il a réussi à travailler en Italie, puis est venu s'installer à Istanbul quelques temps avant de venir à Trabzon. Depuis qu'il est en Turquie, il travaille avec des associations qui accueillent les familles chrétiennes venues d'Orient, souvent d'Iran et d'Afghanistan.

Et après le dîner, Janbert tente de nous expliquer son projet d'études, ce qui est incompréhensible mais la scène est très drôle. Il nous fait comprendre qu'il veut nous filmer en train de présenter nos projets de voyage respectifs. On accepte avec grand plaisir et pour la "mise en scène", il nous fait enfiler des gilets jaunes. Allez savoir pourquoi. Bref, on rigole beaucoup.


200km : 1 minibus, 3 voitures


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Publié le 20 septembre 2023

Jour 15 : 19 septembre 2023


Réveil paisible au couvent. On part assez rapidement en excursion à nouveau avec Jack et Jo. Le bus est une galère sans nom donc on fait du stop. Nous nous rendons au monastère Sumeila qui est dans les terres, construits au IVe siècle dans la roche, perché en haut d'une petite montagne. C'est très impressionnant vue d'en bas. Cela me fascinera toujours la capacité des humains à réaliser des prouesses techniques, architecturales, artistiques, avec pour unique motivation la foi. Le monastère est accessible après une très longue marche bien pentue. On arrive en faut complètement trempés. Il est orthodoxe donc les couleurs sont au rendez-vous.

Après cette belle découverte, on rentre tant bien que mal en minibus, juste à temps pour déjeuner avec le prêtre, les trois religieuses, le jeune Janbert, une dame iranienne et une dame géorgienne. Tout le monde se marre à table, c'est très sympa. Après le café, l'ambiance est aux au-revoirs, chacun s'échange son numéro, s'envoie les photos prises pendant le séjour, embrassades et promesses de se revoir un jour.

Jacques et Joseph préparent leurs vélos avec minution. Je me suis attachée à eux. C'est chouette de croiser des personnes avec la même passion de découvertes que moi. Il faut dire que les personnes que je croise ne comprennent souvent pas mon envie de voyager de cette manière. Avec eux, c'était plus simple. Je leur dis au-revoir en sachant que je les reverrai sûrement en Géorgie ou en Asie du Sud-Est.

Et me revoilà sur la route ! Je pars vers 15h, mon départ le plus tardif de ce voyage. Bon, je rencontre très vite Yassin, un conducteur adorable qui me dit que je ferai mieux de venir chez lui et sa femme, qu'ils peuvent m'accueillir et que je reprendrai la route demain. Donc je n'ai avancé que de 100km mais tant pis parce qu'ils sont très chaleureux. Yassin et sa femme Nihal. Leurs filles adolescentes Zümra et Almina et le petit Mustafa qu'ils surnomment Moustik, ce qui me fait beaucoup rire. Par ailleurs, leur aspirateur automatique qui se balade tout seul dans le salon s'appelle Sébastien, ce que je trouve amusant aussi, surtout quand Almina débarque en criant "euh je me brosse les dents et Sébastien vient toquer à la porte !! Il attendra pour prendre sa douche !".

On partage tous ensemble un dîner parfaitement adapté à mon régime alimentaire, je me repose en écrivant mes histoires et je m'endors très tôt.


200km : 1 bus urbain, 1 fourgon, 6 voitures

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Publié le 21 septembre 2023

Jour 16 : 20 septembre 2023


Je dis au revoir à cette charmante famille et je commence le stop de bon matin. Beaucoup de route en vue aujourd'hui ! L'objectif est d'arriver en Géorgie ce soir. Je ne le sais pas encore, mais je vais voir une variété de paysages différents incroyable ! Tout d'abord, la mer Noire, que je longe quelques temps. De l'autre côté de la route, les villes à flanc de collines, au milieu de la verdure. En m'enfoncant dans les terres, je découvre une région minière. C'est très impressionnant. Il y a un contraste fou entre la nature environnante très belle et les horribles engins et infrastructures de l'être humain. Dans la même veine, cela m'attriste que plusieurs de mes chauffeurs jettent leurs déchets par la fenêtre...

De fil en aiguille et après deux rigolos qui faisaient de leur mieux pour me parler anglais et une voiture déjà pleine à rabord qui s'arrête quand même pour m'aider, j'atterris dans une région absolument magnifique. La forêt noire, oui oui, comme en Allemagne. D'abord la route le long d'une rivière et au milieu des arbres, puis des collines magnifiques avec des fermes à perte de vue. Après ma pause déjeuner dans la cantine d'une gare routière, je continue la route vers la Géorgie qui monte progressivement. Je suis sur un plateau et j'atterris à 2500m d'altitude. Il neige ! J'aurais tout eu comme météo aujourd'hui. C'est la première fois depuis mon départ que je sors le poncho.

C'est un routier qui m'amène jusqu'à la frontière géorgienne. Il est super jeune, environ 25 ans et il regarde les Tortues Ninja sur sa tablette. À la frontière, les camions font la queue pendant au moins 3h donc je lui dis au revoir et je passe à pied. Les policiers sont comiques. À la fois celui qui contrôle mon passeport et celui qui contrôle mon sac font les cowboys avec un air autoritaire. Et une fois qu'ils comprennent que je ne suis ni espionne, ni trafiquante de drogues, j'ai le droit à un immense sourire accompagné d'un "Welcome in Georgia".

Je rencontre à la frontière deux monsieurs Kazakh qui acceptent de m'amener dans la ville où je veux séjourner. Ils viennent de passer des vacances sur la côte turque. Ils m'offrent un sandwich et ont une physionomie particulièrement gentille. Je regrette de ne pas avoir pris leur contact pour pouvoir peut-être les recroiser quand je serai dans leur pays.

Une page se tourne ! Au-revoir la Turquie que j'aime tant. Ce pays si chaleureux où je reviendrai plus tard à coup sûr. J'ai encore mille merveilles à y découvrir. Mais place à la Géorgie ! C'est un saut dans l'inconnu : nouvel alphabet, nouvelle langue, nouvelle religion, nouvelle culture. J'avoue que j'y vais un peu sans aucun renseignement. D'ailleurs pour dormir ce soir, aucun Couchsurfing ne m'a répondu, et je ne vais pas compter sur mes amis Kazakh qui rentrent chez eux. Donc j'arrive dans la ville de Akhaltsiké sans Internet et sans argent. J'ai seulement l'adresse d'un petit hôtel très bien noté, donc ce soir, c'est grand luxe ! Je paye ma chambre !


350km : 11 voitures, 2 fourgons

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Publié le 22 septembre 2023

Jour 17 : 21 septembre 2023


Première journée en Géorgie, et pas des moindres ! J'en ai pris plein les mirettes ! Je suis partie de bonne heure en stop dans la campagne pour aller voir Vardzia, un site troglodyte. Il s'agit d'une ville entière creusée dans la roche, assez en hauteur. Il y a tout un tas de grottes reliées par des couloirs. C'est immense ! Et il ne faut pas être claustrophobe. La voiture qui m'y amené à la fin conduit un touriste chinois de 75 ans, Xi, et son guide Géorgien pour la journée. Je fais la visite avec eux et malgré son âge, Xi crapahute à toute vitesse. La région est splendide. C'est vallonné, vert et rocheux à la fois. Ces grottes donnent une impression d'enchantement, comme dans un film. Cet endroit est photogénique. Sur le retour, le guide s'arrête aux meilleurs spots photos. Puis retour en ville.

Je prends le contact de Xi qui veut m'envoyer des recommandations pour mon voyage en Chine.

Après-midi très paisible. Je flâne dans cette ville. Et surtout je visite la forteresse et le château Rabati qui datent du IXe siècle. Elle a été reconstruite sous l'Empire Ottoman depuis. C'est assez étonnant d'ailleurs comme mélange des genres. À l'intérieur de la forteresse, il y a un château donc, une mosquée et une église orthodoxe. Le tout avec des jardins très bien entretenus et une vue imprenable sur la ville et les montagnes qui l'entourent.

Au final, ce voyage me réserve de très beaux moments au-delà de la Turquie. Cet avant-goût de la Géorgie m'en a largement convaincue.


120km : 2 voitures, 1 camion

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Publié le 22 septembre 2023

Jour 18 : 22 septembre 2023


Ce matin, je reprends la route ! Je quitte ce petit coin de paradis et je me rends rapidement compte que le stop est d'une facilité aberrante dans ce pays. Je lève à peine le pouce qu'une voiture s'arrête. C'est très chouette parce que je ne passe ainsi pas beaucoup de temps sur la route.

Je fais la rencontre d'Édouard, un monsieur de quarante ans qui réalise des documentaires sur la cause sociale en Géorgie. Super intéressant ! Mais il s'intéresse aux gens aussi au-delà des frontières puisqu'il a sillonné les États-Unis en stop étant plus jeune ! Son père travaille dans le tourisme donc il m'a indiqué plusieurs spots à aller voir.

Aujourd'hui j'ai rejoint Kutaisi, la deuxième plus grande ville de Géorgie après la capitale. Elle se situe à peu près au milieu du pays, à mi-chemin entre la côte de la mer Noire et la capitale. Un point stratégique.

Je rencontre alors Yevgeniy, mon hôte de ce soir au prénom absolument imprononçable. Je pose mon sac chez lui pour pouvoir aller visiter la ville et me balader. Il fait 30°, c'est plus agréable sans le sac à dos. Je découvre alors une ville très agréable. Plusieurs espaces verts permettent de l'air frais. Une rivière traverse la ville et les quelques ponts offrent des points de vue très chouette. On se croirait presque à la campagne ! J'emprunte le touristique funiculaire datant de l'époque soviétique. L'engin est tout tremblotant, il ne faut pas avoir peur. La vue y est magnifique ! Je prends un grand bain de culture locale en entrant dans le marché couvert. Il y fait sombre et humide, les marchants ont tous plus de 50 ans. Ambiance très particulière mais les étales d'épices et de légumes bizarroïdes sont très jolis.

Le clou du spectacle, c'est la cathédrale de Bagrati, qui règne sur la ville. Elle est sur une colline, excentrée donc je marche sous le soleil quelques temps. Mais ça vaut amplement le coup. Elle est vraiment belle. La lumière aussi puisque il est déjà 17h. En dessous de la cathédrale, une étendue d'herbe offre une belle vue sur la ville. Quelques passants prennent des photos, des enfants jouent. Des vieilles s'occupent de l'église. À l'intérieur, c'est très bizarre. Un monsieur lit une prière à toute vitesse dans une micro et à côté de lui, quelqu'un porte le même vêtement que la faucheuse. Heureusement qu'il y a d'autres touristes dans l'église pour me rassurer, ça ferait presque film d'horreur. En revanche, les icônes sont splendides. Je me repose quelques temps au soleil avant de rentrer.

Yevgeniy est parti courir parce qu'il prépare le semi-marathon de Tbilissi qui a lieu le week-end prochain. À part ça, il est prof de maths particulier mais ne travaille qu'à distance. Il est russe et s'est installé ici depuis un an pour fuir le régime. Une vie pas simple. Mais beaucoup de ses amis ont fait comme lui en Géorgie ou ailleurs, souvent au Monténégro, donc c'est plus facile pour se serrer les coudes.

On va dîner en ville dans un restau typique géorgien où je suis très heureuse d'avoir un vrai repas à une heure normale. Je goûte une spécialité à base de pommes de terre et de viande de porc. La sauce était très originale.


170 km : 4 voitures

19
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Publié le 24 septembre 2023

Jour 19 : 23 septembre 2023


Quand je me réveille ce matin, mon hôte russe dort encore. Je me prépare donc à partir en excursion à pas de velours. Je me balade dans un quartier résidentiel de Koutaïssi, très apaisant. On voit que c'est le week-end. Je fais du stop sur quelques kilomètres pour sortir de la ville et arriver au départ d'une courte randonnée qui doit me mener à un monastère réputé. Courte randonnée, certes, mais bien pentue ! Trop chouette de transpirer autant dans des vêtements propres que j'ai pu laver hier... Partout dans ce pays, les animaux fermiers sont rois. Il y a au milieu des routes et des chemins des vaches, des cochons et des chevaux très régulièrement. Je peux vous dire que à pieds, Lisa la petite parisienne ne fait pas la maligne.

Je finis par arriver en haut de cette colline. Le monastère est magnifique, mais une partie est en travaux. C'est un endroit très apaisant. Quelques moines profitent du soleil. Je prends de belles photos et fais une pause pour lire un peu. Puis je fais du stop pour rejoindre un autre monastère. C'est tellement facile ! Ce qui m'étonne beaucoup c'est que même les taxis avec des touristes ou les voitures conduites par des guides et baladant des clients s'arrêtent. Donc je monte à l'avant du véhicule et sur la banquette arrière, il y a des gens qui payent pour ce trajet !

Le second monastère est plus touristique, il y a un groupe de touristes asiatiques. Mais surtout il y a un mariage ! J'ai encore l'air drôle avec mon short kaki et mes sandales waterproof au milieu de tous ces gens sur leur 31. Je réussis à passer une tête dans l'Eglise. C'est étonnant : le prêtre récite une prière en tournant en rond autour de son pupitre, les mariés le suivent de près en tenant des bougies et deux autres personnes les suivent aussi en tenant une couronne et un diadème. Pourquoi pas après tout. Après cette épisode folklorique, je veux rentrer en ville et devinez qui me prend en stop ! Les meilleurs potes des futurs mariés ! Donc musique à fond dans la voiture, vous imaginez bien.

J'ai une faim de loup alors je vais dans un petit restau manger une spécialité : cela ressemble à des raviolis servis dans un bouillon avec plein de fromage. C'est super bon !

Il fait très chaud donc je suis rentrée chez mon hôte faire une pause. En fin d'après-midi, il m'a amené dans les alentours de Koutaïssi où se trouvent plusieurs anciens bâtiments soviétiques toujours présents mais complètement à l'abandon. Donc un immense hôtel thermal. Ça fait drôlement bizarre de se balader à l'intérieur. À part nous, il n'y a que quelques groupes d'adolescents en train de prendre des photos pour Instagram.

La soirée est très calme : j'appelle un copain pour son anniversaire, je regarde une série, je commence un nouveau livre.


Quelques km et 4 voitures

20
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Publié le 25 septembre 2023

Jour 20 : 24 septembre 2023


J'ai une longue journée devant moi ! Aujourd'hui, l'objectif est d'aller dans la région montagneuse de la Svanetie, qui a l'air superbe. Mestia, la ville, où je vais n'est qu'à 270km de Koutaïssi mais c'est 5h de route. Je pars donc tôt le matin mais je galère quand même un peu, chaque voiture ne m'avancant que de quelques kilomètres. Je rencontre entre autre Irakli, un jeune prof de fitness basé à Tbilissi qui se rend à l'anniversaire de sa soeur. Il m'explique absolument toutes les spécialités culinaires que je dois goûter. Ça a l'air très important.

Arrive le moment où mes sauveurs Ziv et Oshrat s'arrêtent au bord de la route. C'est un couple d'israéliens de 50 ans. Ils ont loué une voiture pour leurs vacances en Géorgie et ils vont à Mestia ! Mais tout d'abord, ils souhaitent s'arrêter pour voir un canyon qui est sur la route. Avec grand plaisir !

On a donc fait une promenade à pieds autour du canyon, puis en bateau à l'intérieur. C'était assez magique je dois dire. Eau bleue turquoise, verdure autour. On se serait cru dans Avatar.

Un peu plus loin, après que j'ai eu le temps de faire une bonne grosse sieste, on s'est arrêté non loin d'un gigantesque barrage assez laid. Ziv et Oshrat m'ont invitée à déjeuner. C'était l'occasion de faire plus ample connaissance : il est architecte et elle est éducatrice en crèche. Ils m'ont expliqué le fonctionnement des kibboutz en Israël. Oshrat a grandi dans l'un d'eux. J'observe par ailleurs qu'ils sont tous les deux complètement fous de chiens.

Arrivés à Mestia, ce village situé dans la région montagneuse de la Svanetie, ils me déposent gentiment à mon auberge de jeunesse. C'est en fait un chalet avec les parties communes au rez-de-chaussée et un grand dortoir à l'étage. Le propriétaire n'est absolument pas souriant mais je me fais tout de suite des amis. Deux allemands, une australienne, un hollandais, un chinois, un indien, un estonien et un français. Je discute avec le jeune chinois de mon voyage à venir dans son pays. Et surtout j'ai fait la connaissance de Myriam, l'allemande et de Ott, l'estonien. On sympathise, Myriam voyage aussi en stop et en solo donc on a plein d'anecdotes à se raconter. On partage un dîner tous ensemble, avant de tomber dans les bras de Morphée.


270km : 4 voitures

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Publié le 26 septembre 2023

Jour 21 : 25 septembre 2023


Cette journée est une belle performance sportive ! J'ai réussi la rando à la journée la plus dure de la région. Je suis partie le matin avec un touriste hollandais rencontré dans mon auberge, Rens. La rando consiste à rejoindre les lacs Koruldi, en partant du bourg de Mestia. Donc globalement, toute la première moitié était de la montée, et la deuxième de la descente. À l'aller j'en ai bavé en terme de cardio, et au retour j'en avais plein les pattes. Fini le bureau des plaintes ! On veut les chiffres : 16km de marche pour 1400m de dénivelé positif, réalisé en 6h30, sans compter les pauses.

C'était absolument magnifique du début à la fin. Des paysages vraiment impressionnants à perte de vue : forêts de sapins, pans de montagne rouges, oranges, marrons, les glaciers, etc. J'ai pris au moins 50 photos, et non, ça n'était pas toujours une excuse pour faire une pause. On en a fait une bien longue une fois rendus la haut, auprès d'un des lacs. Même s'il faisait assez froid : on était à 2700m d'altitude.

La descente a été l'occasion de faire plus ample connaissance avec Rens. Il voyage à temps plein. Il vient d'une famille protestante très conservatrice : obligation d'aller à l'église tous les dimanches, interdiction de jouer au foot le dimanche par exemple. Et c'est un conflit assez récurrent avec ses parents puisqu'il n'est plus pratiquant. Par ailleurs, une de ses soeurs souffrent d'instabilité mentale, ce qui peut faire ressentir beaucoup de culpabilité quand on est loin de sa famille en permanence. Des discussions très touchantes.

À la fin de cette rando, je suis complètement à plat. Je n'ai absolument rien pu faire d'autre que de m'acheter à manger et glander à l'auberge pour récupérer des forces. Mais j'y ai rencontré deux personnages hilarants : Evelyne, 33 ans, londonienne, super marrante et franche ; et Johnny, 30 ans, mongole vivant entre Hong-Kong et Dubaï, très à l'aise avec la vodka et les gens. J'ai bien rigolé.

22
22
Publié le 28 septembre 2023

Jour 22 : 26 septembre 2023


Journée détente et glandouille ! Après une grosse nuit de sommeil réparatrice, je vais faire quelques courses et échanger du cash, ce qui est une démarche assez complexe en Géorgie.

Puis j'ai fait une très jolie balade autour de Mestia : églises, tours médiévales. C'est un coin vraiment charment.

Et surtout, j'ai traîné plus de deux heures sur une étendue d'herbe avec une jolie vue : lecture, écriture, bronzette, planification de la suite du voyage. De quoi me remettre de ma rando d'hier.

En rentrant à l'auberge, il y avait plein de nouveaux ! Un australien, encore un allemand mais aussi une allemande d'une cinquantaine d'années. C'est chouette de rencontrer des femmes plus âgées qui voyagent toutes seules, et en auberge de jeunesse !

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Publié le 28 septembre 2023

Jour 23 : 27 septembre 2023


Me voilà repartie sur les routes géorgiennes. Beaucoup d'hésitation jusqu'au dernier moment concernant le moyen de transport de cette journée.

Soit le bus, 11h de trajet jusqu'à Tbilissi, uniquement de jour parce qu'aucun bus de nuit. Donc un peu une journée flinguée, mais l'assurance d'arriver à destination.

Soit le stop, plus challengeant mais aussi potentiellement plus compliqué et fatiguant parce que c'est tout de même 460km. J'ai fini par partir en stop et j'ai tellement bien fait !

J'ai quand même cogité toute la nuit donc je n'étais pas bien réveillée du tout. Mais la première voiture que j'ai croisée sur cette petite route de montagne allait....à Tbilissi ! Oui j'ai énormément de chance. Vado, le conducteur d'une cinquantaine d'années, était un taiseux. Je crois qu'on a échangé dix phrases à tout casser en 7h de trajet. Ça n'était pas pour me déplaire puisque j'ai bien somnolé. La route en Svanetie était magnifique.

On a quand même fait une petite pause déjeuner à base de khachapuri : juste du pain fourré au fromage. C'est une spécialité au fromage. Alors une part pour l'apéro c'est délicieux mais là j'avoue que pour un repas entier, en n'ayant rien mangé avant, ça m'a un peu pesé sur l'estomac.

Avec mon conducteur Schumacher je suis arrivée à Tbilissi à 15h. Je n'aurais jamais pu espérer arriver si tôt. Je vais loger quelques jours chez Sarah, une camarade avec qui j'étais en classe à Sciences Po cette année. Elle fait aussi une année de césure, donc quatre mois de volontariat dans une association pour les jeunes à Tbilissi. Je vais donc poser mes affaires chez elle. Son appart en coloc lui est fourni par l'asso. Elle n'est pas encore revenue du travail donc je vais me balader dans son quartier. La vie bat son plein. Ça me change de la montagne. C'est la sortie des bureaux et les grandes avenues grouillent de monde. Il y a de très beaux bâtiments. Mais je sens que je ne suis pas dans le quartier le plus charmant.

Je retrouve Sarah et elle m'amène dans le vieux Tbilissi. Il fait nuit mais c'est quand même très agréable. On s'achète à boire et à manger pour aller se poser en hauteur avec une vue magnifique sur la ville, la rivière, la montgolfière touristique et la cathédrale illuminée. Elle me raconte son amour pour la Géorgie, leur histoire compliquée avec la Russie. La relation qui en découle entre les deux pays mais surtout mais entre les populations.


460 km : 1 voiture

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Publié le 30 septembre 2023

Jour 24 : 28 septembre 2023


Me voilà donc à Tbilissi pour me reposer quelques jours. J'ai pris un peu de retard dans ce journal donc mes explications seront très brèves. J'ai profité de cette première journée pour me balader dans le centre historique, de jour cette fois-ci. Je suis montée à la forteresse qui offre un magnifique point de vue sur la ville. Très étendue ! C'est immense. Et les distances à pieds d'un quartier à l'autre sont souvent très longues. La vieille ville est très mignonne. Ça monte et ça descend beaucoup à travers plein de ruelles pavées. Mais dès qu'on sort de ce quartier, c'est une ville très moderne. La circulation est déboussolante et presque fatiguante. Cela me rappelle Sofia en Bulgarie dans le sens où la ville est clairement plus pensée pour les automobilistes que pour les piétons, ce qui est vite agaçant. Barrière empêchant de traverser la route sur parfois 500 mètres, souterrains obligatoires pour traverser à certains endroits, feux interminables, beaucoup de bouchons donc se déplacer en bus est aussi irritant. Il y a tout de même de jolis parcs agréables et plusieurs marchés aux puces où l'on vend des objets assez amusants de l'ère soviétique.

En fin d'après-midi je retrouve mes deux copains cyclistes rencontrés à Trabzon en Turquie ! Jacques et Joseph sont aussi à Tbilissi pour quelques jours. On se rejoint à un endroit très sympa, une sorte d'écosystème underground qui fait auberge de jeunesse, bar, skate parc, lieu de graffitis et d'exposition. Cela me rappelle Darwin à Bordeaux. Ils sont avec Thibault, un camarade de classe de l'ESSEC qui fait un stage à la Chambre de Commerce et d'Industrie française de Tbilissi. Globalement, ils aident les entreprises françaises à s'implanter à Tbilissi. Sarah nous rejoint. Grandes retrouvailles françaises autour de bières géorgiennes ! Deux amis de Sarah se joignent à nous. Janosch, allemand volontaire dans la même association que Sarah et Georgi, un géorgien rencontré via l'asso aussi. Ils nous parlent de la culture underground de Tbilissi qui est un peu le Berlin de l'Est : beaucoup de musique techno et de graffitis notamment. Ce moment est une grande bouffée d'air frais pour moi : parler français et parler anglais avec des gens qui parlent vraiment bien anglais. Avoir de vraies conversations et connexions. Je rencontre beaucoup de monde sur la route mais ça n'est pas toujours évident de s'entendre avec tout le monde.

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Publié le 30 septembre 2023

Jour 25 : 29 septembre 2023


J'ai 22 ans à Tbilissi ! Pour fêter ça, Sarah et sa coloc Myriam font des pancakes au petit déjeuner. Sarah est en coloc avec quatre autres volontaires de l'asso. Myriam, Victor et Sophia sont allemands. Kati est estonienne. Victor a un quotidien plein de péripéties, il est toujours de bonne humeur, pourtant il lui arrive une catastrophe chaque fois que je le vois. Hier soir il a fait une indigestion et a passé la soirée à vomir. Ce matin, il se fait une énorme entaille dans le doigt avec le mixeur. Du sang partout dans la cuisine, il a failli tourner de l'oeil.

Je vais prendre l'air et me balader dans la banlieue de Tbilissi autour d'un lac très sympa. Des promeneurs prennent le soleil, et moi aussi. Pour y accéder, il faut prendre un funiculaire donc encore une fois une très belle vue sur la ville.

Je retrouve tous mes nouveaux amis en début de soirée. On se balade dans le centre ville en quête d'une idée pour cette soirée. Au final c'est parfait : il y a sur une petite place de la verdure et des tables de pique nique, avec en fond musical un bar dansant juste à côté. Donc on achète à boire et à manger. Joseph et Jacques ont même acheté des choux à la crème pour le dessert pour que je puisse souffler mes bougies. Je passe une merveilleuse soirée, arrosée et tardive.