Carnet de voyage

France - Cambodge sans avion

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Dernière étape postée il y a 273 jours
Je voyage de la France au Cambodge sans prendre l'avion pendant 4 mois, principalement en stop ! Dans ce journal je raconte mes visites, mes rencontres, mes coups de coeur.
Septembre 2023
120 jours
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Jour 1 : 5 septembre 2023


Ça y est ! Après 6 mois de préparation, me voilà enfin sur la route. Cela me donne une sensation bizarre : je n'ai pas vraiment l'impression de partir pour 10 mois. Pourtant je suis assez stressée en rejoignant mon premier spot de stop. Je prends le RER A de la Défense à Bussy Saint-Georges. Cette banlieue a l'air assez tranquille et agréable.

Là je crois que c'est un signe : mon tout premier conducteur en stop est d'origine cambodgienne et vietnamienne ! Maxime, une trentaine d'année. Il me dépose à 500 mètres de l'entrée de Disneyland, avec vue sur le château de la Belle au bois dormant. C'est assez insolite. Ici c'est au tour d'un jeune homme de me conduire au péage de l'A4. La route est très large donc je ne parviens pas à me faire bien voir des voitures mais un gros camion s'arrête.

Jean-Pierre, environ 50 ans. Il revient du Mans avec son gros cametard à vide. Il va prendre des marchandises à Reims puis rentrera chez lui dans les Ardennes. Il est très bavard et m'explique la vie de routier. Son évolution depuis 20 ans, les contraintes mais surtout le bonheur selon lui qui est d'aller à un endroit différent chaque jour. Dans sa jeunesse il a conduit partout en Europe. Maintenant il ne fait que la France mais il m'assure que chaque département a ses propres paysages et que la partie préférée de son métier est tout simplement d'être sur la route. Il me fait penser à Ivan, routier rencontré en Croatie. Il me parle aussi beaucoup de la solitude. Célibataire sans enfants, il n'a pas pris de vacances depuis 2 ans parce que déjà qu'il est seul chez lui et dans son camion, il ne se voit pas seul au restaurant ou à l'hôtel.

À Reims, je quitte l'autoroute pour rejoindre Châlons-en-Champagne avec Fatimazora et Jérôme. Elle est marocaine et il est français. Ils se sont rencontrés en ligne pendant le COVID et se sont mariés juste après. Elle est installée en France depuis presque un an et est enceinte ! Elle va accoucher en décembre et elle est super heureuse que ça soit un garçon parce qu'elle n'a que des soeurs et des nièces alors "c'est nouveau" pour elle. Elle a mis des supers musiques dans la voiture et semblait tellement heureuse que je lui parle de la mosquée Hassan II de Casablanca.

De Chalon à Gérardmer, je fais un long bout de chemin avec Antoine, un jeune de mon âge qui a choisi de vivre en vagabond. Il est de Rouen mais il va rendre visite à son oncle dans les Vosges. Il fait aussi beaucoup de stop. C'est rare qu'il se déplace avec sa voiture. Il se qualifie lui-même de parasite de la société, ce qui est assez comique. Je découvre avec lui les magnifiques paysages des Vosges, les vignes, les vallées, les petites montagnes, les jolis villages.

De voiture en voiture, j'arrive enfin à Busach, la frontière entre la France et l'Allemagne. Je sens qu'il est temps d'accélérer un peu donc je prends un TER jusqu'à Fribourg, puis un tram pour sortir de la ville. Et là...il fait déjà nuit. Je tente quand même le stop sous les lampadaires et par miracle une jeune femme s'arrête et mon conduit une cinquantaine de kilomètres jusqu'à une gare où je prends un autre TER jusqu'à ma destination : Villingen Schwenningen, la ville principale de la Forêt Noire.

Après 600km pour cette première journée, j'arrive enfin. Exténuée. Les parents de Bastian m'attendent. Un copain de Bordeaux qui est allemand. Ils m'accueillent à bras ouverts dans leur grande maison et me trouvent le meilleur trajet pour le lendemain. Je tombe dans les bras de Morphée très très rapidement. La fin de journée était dure. La perspective de ne pas arriver alors que des inconnus m'attendent à bras ouverts, l'idée de prendre des trains dès le premier jour. Peu importe. Au final j'ai encore battu mon record de distance en stop en une journée.


600 km : 9 voitures, 1 camion, 2 trains régionaux et 1 tram

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Publié le 8 septembre 2023

Jour 2 : 6 septembre 2023.


Le seul objectif de la journée est d'arriver moins tard que la veille. Je rigole. Arriver en Autriche serait pas mal non plus. La maman de Bastian me dépose à un endroit stratégique après un petit dej allemand pain/fromage durant lequel on a discuté avenir, orientation et perspectives de vie. J'ai pas mal de chance puisque un fourgon m'amène directement à Singen, près du lac Constance. Sur la station service, je mets à peine 5 min à convaincre Michael et Katarina de me prendre. Ils sont en vacances avec la famille de Michael qui est dans une autre voiture. On ne fait pas beaucoup connaissance mais j'admire le lac et les vignes pendant un bon bout de temps.

En sortant de l'autoroute, j'ai l'impression d'être Heidi à nouveau. C'est magnifique. Les prairies vertes pomme, les collines, les maisonnettes bavaroises. Bon, par contre j'avance à un rythme de tortue, de saut de puce en saut de puce, de village en village. Jusqu'à ce que le routier Steeve et son camion s'arrêtent. Il est canadien. Je ne comprends pas comment il a atterri ici et il répond en rigolant à mes questions. Il a plein d'objets farfelus sur son tableau de bord : des peluches, des figurines de camion, un attrape rêve, des drapeaux, un rouleau de PQ, bon. Il fait un détour pour m'avancer ce qui n'est pas de refus.

Tout s'accélère quand je rencontre Nina. Jeune prof d'anglais en lycée technique. Elle a séjourné en Virginie aux États-Unis donc elle me raconte la grande culture g des Américains, surtout quand ils lui demandent si elle aime Hitler et la guerre. Je suis alors entre Munich et Salzbourg. C'est Claudia qui va me faire passer la frontière. Une dame d'une soixantaine d'années absolument adorable. Super dynamique, solaire, expressive, souriante, heureuse de m'aider, heureuse d'aller voir sa fille à Salzbourg. J'ai passé un très joli moment avec elle. Elle me dépose sur le périph si je puis dire. Un dernier monsieur m'amène finalement dans les montagnes autrichiennes, le village de Pfarrwerfen. Lui, c'est le parfait allemand avec ses lunettes hypervitesse, sa BMW et sa grosse bière à la main.

Ce soir, je loge dans un hôtel qui m'avait déjà accueilli gratuitement sur la route de l'Albanie. Je fais plus ample connaissance avec le propriétaire qui est un jeune homme tout timide. Il m'explique qu'avant il aurait beaucoup aimé voyager mais il n'avait pas l'argent pour se payer l'hôtel et le restau. Donc maintenant il aide les jeunes à le faire. Il m'offre accès à sa cuisine où je me fais un gros plat de pâtes aux poivrons. Avec la vue sur les montagnes, un vrai petit bonheur.


560km : 11 voitures, 1 fourgon et 1 camion

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Publié le 8 septembre 2023

Jour 3 : 7 septembre 2023

Je comprends à quel point la vue que l'on a depuis sa fenêtre influe sur le bonheur personnel. Je me réveille toute guillerette à 7h30, c'est dire. Vue sur les montagnes. La route est magnifique. L'Autriche, ce sont des sapins à perte de vue. En une seule voiture, j'arrive à Villach, au sud du pays. Il y a le plus gros rassemblement de Harley Davidson au monde. Quel bazar. J'en vois passer au moins 200 à mon spot de stop.

Je fais la connaissance de Gerald. Un père de famille autrichien qui travaille à l'ambassade hollandaise de Vienne. On discute diplomatie, orientation, stages. Il me donne plein de conseils avisés. Il me raconte l'aventure de sa vie : il a été casque bleu à Chypre et a tellement aimé cet endroit qu'il y est resté plus de 10 ans. Il m'explique alors la crise économique et financière qui a touché l'île en 2010. Un homme passionnant. Il m'amène jusqu'à Graz.

Je fais une pause déjeuner dans le centre ville charmant. Puis, pour mon dernier trajet jusqu'en Slovénie, je rencontre Tibor un routier qui me pose énormément de questions sur ma façon de voyager et de rencontrer les gens.

J'arrive alors à Sentijl, le village slovène où vivent mes cousins, presque à la frontière autrichienne. Je suis arrivée vers 15h, ce qui est fort appréciable. J'ai eu le temps de flâner en attendant Marko. Nous sommes allés en ville à Maribor boire une bière avec ses amis. C'était très sympa de rencontrer d'autres slovènes. La fin de journée a été assez douce : dîner familial orchestré par Ivanka et son grand sourire.


370km : 3 voitures et 1 camion

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Jour 4 : 8 septembre 2023


Ce matin, Ivanka et Marjan mes hôtes slovènes partent aussi en voyage à moto jusqu'en Croatie donc tout le monde a le nez dans les bagages. Je leur dis au revoir après le petit-déjeuner et Marko leur fils me conduit à un point stratégique, Lenart. Aujourd'hui fût plus que chanceux, j'ai mis quasiment le même temps de trajet que si j'avais une voiture.

Matej, un de mes conducteurs, me conduit jusqu'à la frontière hongroise. On discute ensemble de ce que les médias veulent bien montrer de la réalité. Il m'explique aussi que depuis qu'il a des enfants il découvre beaucoup plus sa région, au lieu de partir en voyage lointain. J'ai toujours cette idée de tour de France en stop dans un coin de ma tête.

A la station service de la frontière, j'aborde ce bonhomme impressionnant qu'est Marco. Un père de famille italien qui s'avère très rigolo et sympathique. Il va jusqu'à Budapest pour le travail ! Donc la fin du trajet est assurée. Il me raconte ses folles histoires d'autostop quand il avait 15 ans, la fois où il est allé en Libye pour le travail, son voyage en Chine et combien il adore lire du San Antonio en français. Oui, je découvre au bout d'une heure de trajet que monsieur parle très bien français mais qu'il préfère converser avec moi en anglais.

J'arrive à Budapest à midi. De mieux en mieux. Je dépose mon sac chez un étudiant Erasmus qui s'est proposé de m'héberger sur Instagram. Je pars en balade dans cette ville que j'adore. Les rues piétonnes, les grands boulevards, le Danube, le Parlement, la Basilique. Il fait super beau. Je mets à jour mes notes de voyage en me prélassant à l'ombre dans des parcs. Et je rejoins mon hôte Jérémy en fin d'après-midi. Il fait des études d'ingénieur mais son rêve est d'ouvrir une brasserie et de faire sa propre bière. Il est originaire de Saint-Nazaire. Ce soir, c'est l'ouverture de la Coupe du monde de rugby, France - Australie. Alors ses copains français viennent à l'appart regarder le match. Je serai en terrain connu pour une soirée.

350km : 3 voitures

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Publié le 9 septembre 2023

Jour 5 : 9 septembre 2023

Ce matin, mon hôte Jérémy part pour son week-end d'intégration d'erasmus donc on se laisse tous les deux relativement tôt pour un samedi. Avant mon départ, on m'a beaucoup averti sur le stop en Hongrie qui ne serait pas facile et commun du tout. Et comme hier c'est un italien qui m'a fait la route, je ne suis toujours pas rassurée. Donc je décide de prendre un train pour m'avancer de 100km.

Là c'est folklorique. Déjà le train a la même configuration que le Poudlard Express dans Harry Potter. Dans ma cabine, nous sommes 4, personne ne parle comme des personnes assez normales dans un train. Débarque alors un homme d'une cinquantaine d'années tout tatoué avec un énorme chien. Un vrai moulin à paroles, je ne comprends rien mais il s'installe avec nous. Et surtout, il met une serviette de plage sur un des sièges sur lequel trône son toutou. Il est adorable mais pas du tout discipliné et grimpe partout.

Après ça je commence enfin le stop. Et je me mords les doigts d'avoir encore une fois prêté attention à des "on dit que" puisque évidemment, 3 voitures s'arrêtent en moins de 5 minutes. Je crois que le stop a bien plus à voir avec la bonté humaine, le coeur que la nationalité ou la religion.

Au bout d'une heure je tombe sur un routier qui va à ma destination ! Sauf que je me sépare quand même de lui à la frontière Hongrie - Roumanie parce que la queue pour passer les frontières pour les camions fait 2km. En effet, la Roumanie n'est pas dans l'espace Schengen donc il y a des contrôles.

Au final, c'est tant mieux ! Je découvre la ville qui se trouve à la frontière côté Roumanie, Oradea. C'est super joli, toutes les façades sont colorées et fraîchement peinturées. Après cette petite halte sous 30° et 15kg sur le dos, je continue.

Je rencontre alors Abraham Youssef, un drôle de personnage. Il est père de famille et ouvrier. On se retrouve alors à parler d'identité de genre et de transexualité, sur fond musical digne de la playlist Belles Chansons de mon père. Bref, encore une fois très improbable.

Concernant les paysages, je dois dire que la Hongrie est un plat pays. Le long des routes je n'ai vu que des champs. Par contre, la Roumanie était magnifique. C'est vallonné, vert, avec la lumière du soleil qui descend.

J'arrive en fin de journée à Cluj Napoca, la 2e ville de Roumanie, située en Transylvanie. J'aimerais crier sur tous les toits que la Roumanie est largement sous-côtée parce que, encore une fois, le centre ville est splendide. Tous les bâtiments valent une photo. Cela me fait penser à l'architecture des villes slovènes, en plus sophistiqué. J'ai de la chance : il y a une sorte de festival/fête avec des concerts, des enfants absolument partout et des artistes de rue. Je ne sais plus où donner de la tête.

Je finis tout de même par aller à la rencontre de mon hôte de ce soir : Any. Une femme d'une trentaine d'années qui m'a cuisinée un délicieux gratin. Dégusté autour d'une discussion de voyageuses.


407 km : 1 train, 2 camions, 2 fourgons, 1 voiture

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Publié le 11 septembre 2023

Jour 6 : 10 september 2023


Au-revoir Cluj, une longue route m'attend aujourd'hui. C'est déjà une belle galère pour sortir de cette ville qui n'est pourtant pas grande. Je prends donc un bus. Même après ça je peine à trouver une voiture.

Jusqu'à la merveilleuse Andra. Pour vous dire : elle arrête sa voiture à 200 mètres de moi, donc le temps que je la rejoigne, elle fait des sauts et danse à côté de son véhicule. C'est une manière très sympa d'aborder les gens. Géologue, elle est en week-end et part faire une randonnée. Elle me pose plein de questions. Elle aussi adorait vagabonder étant plus jeune. Elle a sillonné la Roumanie en train pendant des années, et à l'époque sans téléphone, il fallait se trimballer un livre épais comme un annuaire qui répertoriait les lignes de train et les horaires.

Ensuite, pour "finir" le trajet, je rencontre Konstantin. Ces guillemets parce qu'il me reste 250km pour 4h de route le long d'une rivière. Assez fou qu'il n'y ait pas d'autoroute entre les deux plus grandes villes du pays. Konstantin a une soixantaine d'années et conduite le petit camion d'une entreprise de pains et brioches. Il ne parle vraiment pas anglais donc on discute peu mais il sourit beaucoup. J'en profite pour me reposer. On fait une halte dans un bled où il décharge et recharge le camion. J'assiste à la manoeuvre. On traverse ensemble une région absolument magnifique. Des maisonnettes toutes semblables constituent les villages qui bordent cette rivière située au milieu de la forêt.

Konstantin me dépose aux abords de Bucarest. Eh oui, il va à l'entrepôt. Je prends alors le métro pour rejoindre le centre. J'en prends plein les yeux. C'est quoi ce Parlement ??? Il est colossale : le 2e plus grand bâtiment administratif au monde, après le Pentagone de Washington. Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi massif. L'architecture est remarquable mais n'oublions pas que c'est l'argent du contribuable qui a permis un tel chantier, grâce au dictateur Nicolae Ceaușescu à la tête du pays de 1965 à 1989.

J'entame une grande balade dans le centre de Bucarest qui est, je dois dire, très agréable. Beaucoup d'églises orthodoxes riches, l'architecture est impressionnante a tous les coins de rue : le musée national, le Panthéon romain. Et c'est surtout très vivant. Il y a du monde partout, les terrasses sont pleines et les chichas sont de sortie.

Je rejoins mon hôte du jour : Craig. Il est californien et visitait l'Europe en 2019 et 2020 jusqu'au premier confinement pendant lequel il s'est retrouvé à Bucarest, et est resté ! On a parlé football américain et rugby, voyages, différences culturelles entre la France et les US. Mais aussi différences culturelles au sein des US. Un bonhomme super souriant, mais qui, tel un vrai américain, n'a rien dans son frigo. Donc ce soir, c'est pizza !


450km : 3 voitures, 1 fourgon, 1 métro

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Publié le 12 septembre 2023

Jour 7 : 11 septembre 2023


Cette journée est la première avec autant de rebondissements ! Ce matin, je quitte la Roumanie. Premier pays dans lequel je n'avais jamais mis les pieds auparavant, premier pays hors espace Schengen de ce périple, première heure de décalage horaire avec la France. Je prends un bus pour sortir de Bucarest, et je trouve rapidement un van qui m'amène à la frontière bulgare.

Vali, le chauffeur, est super bien sapé. En effet c'est un van pour les groupes de touristes. Il va chercher un groupe d'américains qui vient de finir leur croisière sur le Danube. Il parle très bien anglais, et il a vécu quelques mois à Paris donc on discute beaucoup. Il m'explique l'évolution de Bucarest depuis la chute du communisme en 1989. Une vraie libération de bandits en tous genres. "Bucarest was kind of a jungle at the time." Et malheureusement, ces malfaiteurs sont arrivés jusqu'en Europe de l'Ouest pour faire plus d'argent grâce aux trafics. Cela me rappelle l'histoire albanaise. Et avec cette vague de migration, il y a eu les gitans aussi bien sûr. Que l'européen occidental se complaît à confondre avec les Roumains. Je ressens depuis deux jours une légère animosité envers les gitans de la part de certains de mes conducteurs d'ailleurs.

Dans le bus, j'avais vu plusieurs enfants avec des bouquets de fleurs dans les mains. Je questionne Vali : c'est la rentrée des classes et la coutume est d'offrir un bouquet aux professeur.es. Je trouve cette tradition adorable.

Une fois à la frontière bulgare, c'est la galère. Je vais devoir marcher entre la sortie de la Roumanie et l'entrée en Bulgarie qui sont espacées de 3km. Je prends mon mal en patience et je traverse donc le large Danube qui constitue la frontière entre les deux pays.

Me voilà de nouveau en Bulgarie ! Ce pays où j'ai passé quatre mois lors de mon semestre d'Eramsus. Que de beaux souvenirs. Un routier roumain tout sourire nommé Marjan me conduit pendant 50 km. Puis un homme nommé Janko m'ouvre son fourgon mais comme il ne parle pas anglais, il appelle au téléphone son beau-père qui habite à Valence et qui m'explique donc en français son itinéraire. Toute une histoire !

Bref, Janko me dépose à Veliko Tarnovo, une magnifique petite ville où j'étais partie en week-end avec mes amis d'Erasmus.

Le plan initial de cette journée était de dormir à Haskovo (une ville bulgare sans grand intérêt mais qui me semblait idéale en termes de kilométrage (345km de Bucarest). Mais étant à Veliko à 13h, il me semble plus stratégique de pousser vers la Turquie qui n'est pas si loin.

En chemin, je passe un moment avec Ilya un routier de 50 ans extrêmement soucieux de mon voyage. On communique avec Google Traduction. On parle de nos familles et de nos occupations. Comme il va en Grèce, quand nos chemins se séparent, il s'arrête sur l'autoroute et fait arrêter un autre camion (entre routiers, il avait plus de chance d'en arrêter un que moi) qui va à la frontière turque.

Ça y est ! La Turquie ! Une grosse étape dans ce beau voyage pour moi. Je suis très heureuse d'y être arrivée aussi rapidement, même si ça m'a donné plus qu'envie de mieux connaître l'Europe. À la frontière, j'étais simplement en train de marcher, et non pas de faire du stop, quand Veysel me propose son aide, me voyant chargée comme un mulet. Pour communiquer, il appelle sa fille qui parle bien anglais. Je leur explique que mon plan est de dormir à Edirne et que demain j'irai à Istanbul. Ils habitent à mi-chemin ! Donc ils me proposent de m'accueillir pour la nuit, comme ça, ma route sera moins longue le lendemain matin. C'est la première fois que cela m'arrive. Je suis stupéfaite de tant de générosité.

Avant de prendre la route, nous faisons une pause à Edirne. Veysel m'invite à manger de l'agneau (frit je crois) avec des crudités, du pain et un espèce de lait très épais. J'avoue que l'agneau a un goût très fort, mais je m'en débrouille avec les tomates. Puis une de ses amies nous rejoint pour boire un thé dans un endroit magnifique. Une espèce de terrasse dans une cour ornée de lanternes, avec palmiers en bonus.

Nous rentrons finalement chez lui, à une heure de route, au bord de la mer de Marmara : Tekirdag. Sa femme et sa fille qui s'appellent toutes les deux Elif m'accueillent tout sourire. Elles sont absolument adorables et nous passons un long moment à discuter en caressant leurs deux chatons. Elles me disent que oui, Veysel est une personne très extravertie et généreuse donc elles sont habituées à ce qu'il appelle pour dire qu'il aide quelqu'un pour ceci ou cela. Leur appartement est très grand, avec un balcon aménagé comme un salon, vue sur la mer. Leur famille est belle : Elif fille a une relation très mignonne avec ses parents, beaucoup de tendresse et de taquineries en même temps. Elle m'explique qu'elle est en terminale et qu'elle stresse beaucoup pour ses examens pour intégrer l'université l'année prochaine. Elle veut faire des arts plastiques, mais elle a peur que cela ne soit pas reconnu.

Je suis extrêmement reconnaissante de la bonté de toutes les personnes qui ont croisé ma route aujourd'hui. Cela leur paraît si naturel. Prendre soin des gens. Je m'endors sur le canapé lit dans la chambre d'Elif, complètement sereine. Elle m'a fait un dessin dans mon carnet et m'a offert un petit oiseau en céramique qu'elle a fait elle-même. Des souvenirs à jamais.


566km : 1 bus urbain, 2 vans, 3 camions, 1 fourgon, 2 voitures

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Publié le 13 septembre 2023

Jour 8 : 12 septembre 2023


Ce matin, Elif mère part au travail de son côté. Veysel, Elif fille et moi partons ensemble. On dépose Elif au lycée et je lui dis au revoir, son père nous prend en photo, ce qui l'agace, telle une vraie ado. Puis on va au travail de Veysel. Oui oui, moi aussi ! Je n'ai pas très bien compris ce qu'il fait précisément mais c'est une sorte d'entrepôt. Il m'installe à son bureau. Tous ses collègues me scrutent avec étonnement.

Veysel devait juste faire acte de présence pendant une demi-heure. Nous allons ensuite dans le centre de Tekirdag. Il tient à m'aider pour l'achat de ma carte sim turque. Il me facilite grandement la tâche et m'évite même l'arnaque à touristes. En plus de tout ce qu'il a déjà fait pour moi, il insiste pour me mettre dans un bus direction Istanbul pour que je n'ai pas à faire de stop. Difficile de lui expliquer le principe de mon voyage et que, si j'avais tout fait en bus ou en train, je ne l'aurais jamais rencontré. Je n'insiste pas.

Au milieu des deux heures de trajet, la police arrête le bus et contrôle tous les papiers d'identité. Évidemment, mon passeport français fait rallonger le processus.

J'arrive à Istanbul dans cette immense gare routière parfaitement effrayante. C'est une ville à part entière avec ses quartiers, ses commerces, ses moyens de transport à l'intérieur même de la gare et sa grouillante population. À côté de ça, Châtelet-les-Halles est bien ridicule. Je dois prendre le métro pour rejoindre mon hôte de ce soir qui vit à Kadikoy (l'Est d'Istanbul, la partie asiatique). Entre l'achat de la Istanbulcard et le quai de mon métro, deux personnes différentes viennent spontanément m'aider. C'est sûr que je fais tâche avec mon immense sac à dos, je suis visible de loin. Je retrouve alors Usar, un jeune homme d'environ 35 ans plein de pêche. Il a deux chambres dans son appartement mais une est louée cette semaine sur Airbnb par un couple américain-russe, donc je dormirai sur le canapé. Après avoir posé mon sac et discuté avec Usar de mon programme, je repars vers le métro pour me balader sur la rive européenne, Karakoy.

J'avais passé une semaine entière à Istanbul il y a deux ans et demi, et j'étais tombée amoureuse de cette ville, comme beaucoup de touristes en mon genre je suppose. Donc en cet fin d'après-midi, je me fais plaisir et je me balade auprès des plus beaux monuments, dans le quartier le plus touristique. La mosquée Sainte-Sophie et la mosquée bleue sont toujours aussi belles. Je traverse le Grand Bazar dans l'espoir de trouver des lunettes de soleil en forme de coeur identiques aux miennes mais c'est un échec. Je passe aussi par le bazar égyptien simplement pour rejoindre la mosquée de Süleyman le Magnifique. Ces deux bazars sont définitivement devenus des attrapes touristes assez horribles... J'adore l'esplanade de la mosquée de Süleyman. La vue sur la rive moderne est très belle. Les touristes se disputent le meilleur spot photo parce que le soleil commence à décliner. Je descends vers les quais où se disputent toutes les compagnies de croisière sur le Bosphore et j'emprunte le pont Galata qui mène à la rive européenne dite moderne. Dans les ruelles qui grimpent, je m'offre ce pain aux graines en forme de bretzel que j'aime tant, et un jus d'oranges pressées. J'arrive à la Tour Galata. Je serais bien montée pour le coucher du soleil mais il y a une queue monstre. Je continue donc ma balade jusqu'à cette chouette esplanade où les stanbouliotes admirent sur des marches l'autre rive, le Bosphore et le coucher de soleil.

Puis il est temps de rentrer. À l'appart, Usar m'attend avec un énorme plat de penne aux légumes et au poulet. Il est adorable, on discute voyages et il m'aide beaucoup à faire mon choix de visites pour le lendemain. Soudain, sa meilleure amie iranienne débarque ! Elle lui fait une surprise, ils ne se sont pas vus depuis un mois. "I should run a hostel! I'm the only Turkish guy in this crazy flat!" Je m'endors sur le canapé, lovée contre ses deux chats.


164km : 1 bus, 1 métro

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Publié le 14 septembre 2023

Jour 9 : 13 septembre 2023


Aujourd'hui j'aimerais découvrir une partie d'Istanbul que je ne connais pas. La dernière fois que j'étais venue, c'était l'hiver et ça n'était pas l'idéal. Il s'agit des Îles aux Princes, au large d'Istanbul dans la mer de Marmara. Elles sont quatre mais je ne vais en découvrir que deux. L'adorable Usar m'amène à la station de bateau-navette avant de partir travailler. J'ai le temps de m'attraper un petit-déjeuner avant de monter sur le bateau. La traversée dure 45 min donc j'en profite pour tenir à jour mon journal et mes stories Instagram. En s'éloignant, on se rend évidemment compte de l'étendue démesurée d'Istanbul. C'est immense. Et plus on s'en éloigne, plus la vue sur les îles est jolie.

Je passe la matinée sur Heybeliada. En arrivant, je comprends immédiatement ce qu'a voulu me dire Usar : "You will feel so peaceful on these islands." ("Tu vas te sentir tellement apaisée sur ces îles.") Les véhicules motorisés y sont interdits, ce qui rend la balade très agréable. Les locaux se déplacent avec des espèces d'engins électriques que je croyais utilisés seulement par les personnes à mobilité réduite. Il y a aussi beaucoup de vélos. En effet, cette île est une colline. Plus on va dans les terres, plus ça grimpe. Les ruelles sont magnifiques, avec des maisons très colorées. Il y a un petit marché et un chien me suit pendant une demie-heure, la langue pendante de soif. Je grimpe au sommet, ce qui m'offre une vue absolument magnifique sur l'île, la mer et au loin Istanbul. Je continue ma balade en redescendant près de la mer, au milieu des pins.

Au moment où je pensais être perdue, je tombe sur quelque chose d'inattendu, une sorte de café/bar au beau milieu de la forêt de pin : une cabane en bois et des chaises et des tables dispatchées autour. La vue sur la mer est absolument magnifique donc j'achète une bouteille d'eau à ce brave monsieur pour pouvoir m'installer. Il est ravi car il n'y a absolument personne d'autre à part quelques chiens. Ravi à tel point qu'il m'offre un thé et des sortes de nems tout chauds. C'est royal. J'en profite pour faire une pause.

Il est temps de retourner vers le ferry pour aller à la découverte de l'autre île : Burgazada. Peut-être est-ce parce qu'il est plus tard, mais il y a beaucoup plus de monde sur les quais ! J'ai besoin de rafraichissement donc je m'arrête à la première petite plage. Les retraités sont de sortie. Ça papote de tous les côtés. Je fais chuter la moyenne d'âge drastiquement. Après quelques brasses et une petite bronzette, je repars en balade. Il y a beaucoup plus de spots de baignade sur cette île. Ce qui est assez magique c'est qu'il n'y a absolument aucun touriste. Ce sont tous des locaux vivant sur ces îles ou bien venus d'Istanbul pour la journée. Je suis allée jusqu'à deux autres petites plages.

Mon bateau de retour m'amène dans le quartier central de Kadikoy (la rive Est dite asiatique), où la vie bat son plein. Un monde fou flâne sur les quais après le travail ou l'école, en écoutant les différents artistes de rue.

Je passe la soirée avec Usar et ses deux chats. On joue à un jeu de vocabulaire en anglais, ce qui est assez cocasse, mais on apprend tous les deux des choses. On discute relations amicales, mais aussi beaucoup de cinéma et musique. Il a plusieurs références françaises : Gaspar Noé, Noir Désir, Marie Laforêt. Je lui fais découvrir Aznavour et France Gall.


Transports du jour : voiture d'Usar et bateau-navette.

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Publié le 15 septembre 2023

Jour 10 : 14 septembre 2023


Il est temps pour moi de quitter Istanbul. Cette ville que j'aime tant. C'est que la Turquie est très large et que j'en suis qu'au début ! Usar m'accompagne jusqu'à l'entrée de l'autoroute. Je réussis à le convaincre de ne pas rester à attendre que j'ai une voiture. Mais je crois qu'il n'aurait pas attendu longtemps, puisque la toute première voiture qui me croise s'arrête immédiatement. Et ils vont à Ankara ! Un miracle. Il s'agit d'un couple d'environ 65 ans. Ils ne parlent absolument pas anglais mais ils appellent leurs enfants ou neveux, je ne sais pas bien, pour me traduire tout ça.

Les Turcs sont vraiment fous de thé. Tasiu mon conducteur en boit en conduisant et sa femme Kule m'en sert aussi une tasse ! Ça m'embarrasse totalement parce qu'en plus de ne pas en être fan, j'ai peur de me brûler au moindre coup de frein. Pour continuer sur cet élan d'hospitalité, on fait une pause sur la route et ils m'invitent à déjeuner avec eux dans un restaurant ! Je vais retrouver ces ingrédients dans beaucoup de repas turques : tomates, concombres, olive, sorte de fêta, de la crème à mettre sur du pain avec du miel. Il y a une boutique dans ce restaurant. Kule s'achète un parfum et m'en offre un petit flacon aussi. Je ne sais à nouveau plus où me mettre devant tant de gentillesse.

On finit la route pour Ankara en grignotant des quartiers de pommes et mes nouveaux amis/grands-parents me déposent directement à mon adresse.

Qui est le lycée de mon hôte d'Ankara ! Elle n'est pas lycéenne mais professeure d'anglais. C'est l'ancienne prof d'une fille que j'avais rencontré à Sofia lors de mon Erasmus, donc elle nous a mis en contact.

Chez Reyhan, je rencontre son mari, ses deux fils, sa soeur et ses deux nièces.

Je pars pour une balade dans le quartier moderne du centre d'Ankara. Ça fourmille de partout. Les gens sortent du bureau. Je trouve quelques rues piétonnes avec des centaines de restaurants. Les façades lumineuses des grands immeubles font penser aux villes asiatiques.

Pour le dîner, je mange avec Reyhan et sa famille de la viande hachée en sauce, du boulgour et des légumes. Avec du melon en dessert.

Puis nous repartons en ville avec Reyhan, sa soeur et ses nièces pour une soirée entre filles. Nous allons nous balader à Hamamonü, un quartier bien spécifique d'Ankara où sont organisées dans des salles de réception et des restaurants la cérémonie des veilles de mariages. Ils l'appellent "la nuit du henné". Cela ressemble au principe de l'enterrement de vie de jeune fille. C'est une soirée qui met à l'honneur la future mariée. Toutes ses amies et les femmes de sa famille proche sont conviées. Le futur marié également mais il reste en retrait. Reyhan se débrouille pour nous faire entrer dans l'une de ces salles de réception donc j'assiste avec une immense chance à cet évènement familial traditionnel. Les filles dansent tantôt sur des musiques traditionnelles, tantôt sur de la pop internationale. Elles ont toutes des robes très colorées plus jolies les unes que les autres. Je suis comblée de pouvoir assister à ça.


450km : 2 voitures

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Publié le 16 septembre 2023

Jour 11 : 15 septembre 2023


Ce séjour à Ankara est riche en expériences ! Après un excellent petit-déjeuner turc. Reyhan, mon hôte qui est prof d'anglais, insiste pour que je vienne avec elle au lycée, pour discuter avec ses élèves. Au départ, c'est un peu intimidant. Même sans mon gros sac, les gens me toisent dans les couloirs. Je n'ai pas l'air d'ici. Mes grosses chaussures de rando me trahissent sans doute. Reyhan, surexcitée, me présente à tous les profs qu'elle croise.

J'ai passé deux heures dans sa classe d'élèves de terminales à faire une sorte de conférence de presse. Ils m'ont posé des tonnes de questions sur des sujets divers et variés : mon voyage, l'autostop, mes peurs, le Cambodge, mes études, mon futur, la France, ma famille, mes hobbies, la nourriture française, la nourriture turque, le sport, la musique, le cinéma, le théâtre, mes motivations, mes rêves.

C'était très attendrissant. Reyhan m'a dit que pour la plupart, c'était la première fois qu'iels voyaient une personne non-turque et non-arabe. Les élèves m'ont évidemment toustes demandé mon Instagram. Certaines jeunes filles sont carrément venues me faire un câlin à la fin du cours, me souhaiter bon courage et me dire qu'elles rêvaient de réussir à faire quelque chose de similaire. Je leur souhaite grandement !

Je laisse Reyhan et ses élèves tranquilles pour le reste de la journée. Je vais me balader dans le centre d'Ankara.

Je commence par visiter une magnifique mosquée construite récemment. J'ai l'impression que chacune d'entre elles est une œuvre d'art. Je rencontre alors quatre hollandaises d'une cinquantaine d'années. Elles sont à Ankara pour un mariage.

Ensuite je marche vers la vieille ville. Chaque rue est pleine de surprises. Ankara, contrairement à Istanbul, n'est pas du tout touristique. C'est vraiment la grande ville des Turcs et de leur vraie vie. Je traverse des rues entières de marché de vêtements.

Je mange mon premier kebab en Turquie. La viande est plus forte qu'en France.

Puis j'ai crapahuté autour de la citadelle, là où trois boutiques à souvenirs se disputent la dizaine de visiteurs étrangers.

Sur les terrasses, les coupes de thé sont de sortie, une fois de plus. Je prends pour traverser la ville et m'amener vers le très célèbre (en Turquie) Mausolée d'Atatürk. De son vrai nom Mustafa Kemal, Atatürk (qui signifie "le père des Turcs") est le héros national. On peut voir son portrait dans tous les bâtiments officiels et aussi très souvent dans les commerces et chez les gens. Il est le vainqueur des forces alliées pendant la Première guerre mondiale, le fondateur de la République de Turquie. Les Turcs le glorifient principalement pour avoir modernisé la Turquie. Il a par exemple inscrit la laïcité dans la Constitution, remplacé l'alphabet arabe par l'alphabet latin et donné le droit de vote aux femmes en 1936 (10 ans avant la France) ! Physiquement, le Mausolée est imposant. Il abrite aussi un musée sur Atatürk. J'assiste à une parade militaire assez effrayante. Ça crie très fort.

En cette fin d'après-midi, je décide de rentrer à pieds. C'est tout de même une heure de marche. Je traverse le jardin boisé qui longe le Mausolée. Arrivée dans un autre quartier, je tombe sur une sorte de marché tout en musique, avec des allées. On dirait une fête des voisins. Il y a des jeux de fléchettes, des barbes à papa, plein de stands de nourriture.

Le soir, chez Reyhan, on discute politique. Elle m'explique à quel point elle déteste Erdogan. Qui serait tout l'inverse d'Atatürk. Il est en train d'islamiser la République, d'opprimer les médias opposés à son opinion et de prôner des idées très conservatrices à propos du rôle de la femme. Reyhan est très heureuse de pouvoir travailler et de s'habiller comme elle le souhaite. Elle adore les courtes robes à fleurs, mais le soir ça ne l'empêche pas de prier en portant un hijab et une abaya. Elle a peur que Erdogan ne s'inspire de l'Iran en termes de droits de l'homme, par exemple. Et il a très bien compris comment s'attirer les votes des populations moins éduquées, on appelle ça le populisme.

Plus tôt dans la journée, un élève m'a demandé ce que je préférais manger en Turquie. J'ai répondu les Lahmacun (galettes garnies de viande hachée et de légumes) et les baklavas. Je vous laisse deviner ce qu'a préparé Reyhan pour mon dernier repas à Ankara.

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Publié le 17 septembre 2023

Jour 12 : 16 septembre 2023


Reyhan m'aura donc reçue aux petits oignons jusqu'à la fin du séjour. Ce matin, elle m'amène voir sa boulangerie préférée et dévalise tout. Une partie pour le petit-dej, et une partie pour moi sur la route. On petit-déjeune avec sa soeur et elles m'expliquent une tradition turque féminine. Environ une fois par mois, les groupes d'amies s'invitent les unes chez les autres pour un grand dîner avec beaucoup de plats traditionnels. Les convives n'ont rien à préparer mais elles offrent un bijou en or à leur hôte. Cette réunion permettrait la socialisation des femmes (ce qui est extrêmement limité si cela n'arrive qu'une fois par mois, à mon humble avis...).

J'ai une longue route à faire jusqu'à Sivas. Décidément, les Turcs ne parlent absolument pas anglais dès qu'ils ont au dessus de 20 ans. La grand aventure du jour fut la moto ! Trois motards s'arrêtent pour m'aider. L'un me conduit, le second porte mon gros sac et le troisième me prête un casque et des vêtements coupe-vent. C'était la première fois que je montais sur une moto, et ce pour 300km ! C'était génial. On a déjeuné tous ensemble sur la route. Ils tiennent un restaurant de barbecue à Istanbul et s'offrent actuellement des vacances sur les routes turques.

Je leur dis au revoir une fois arrivés à Sivas. Je fais une pause au soleil sur la place centrale de cette ville qui contient une très belle mosquée, une scène avec des musiciens et un parc.

Puis je rejoins Engin, mon hôte. Encore un prof d'anglais ! Il est beaucoup moins exubérant que Reyhan d'Ankara, c'est le moins qu'on puisse dire. Une personnalité très calme, serviable et un sourire discret mais toujours présent. On resort directement pour aller pique-niquer avec ses cousins. Moment très sympa, je goûte encore une fois à une multitude de plats locaux et maison. Nous sommes ensuite allés dans un grand hôtel-café magnifique pour boire un thé. Ses cousines me posent une tonne de questions sur ma vie en France.


450km : 1 camion, 1 fourgon, 2 voitures, 1 moto

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Publié le 17 septembre 2023

Jour 13 : 17 septembre 2023


Quelle matinée... à base de pain blanc, bananes, Coca et riz blanc, si vous voulez ce que je veux dire. La tourista m'a eue toute la nuit. Je suis HS et il n'est pas question de repartir en stop ce matin. Heureusement que mon hôte est adorable et me laisse me reposer sur son canapé. Il joue du piano, écoute des musiques très douces et cuisine des choses que je ne peux pas manger. Il est très patient.

En début d'après-midi, j'ai besoin d'air frais donc nous partons nous balader dans Sivas. Cette ville est vraiment agréable : un équilibre entre calme et vie. Elle contient de très beaux monuments historiques et n'est pourtant absolument pas mentionnée dans les guides. Bizarre. L'ancienne mosquée "Ciel" (nommée ainsi d'après sa couleur) est maintenant un musée sur l'histoire de Sivas. C'est gratuit et merveilleux à l'intérieur. Engin connaît tout par coeur. Il a étudié la littérature anglaise mais il a l'air aussi très calé sur l'histoire de l'Europe. Il m'amène voir le marché, les cafés les plus typiques, les mosquées. Ça me change grandement les idées.

Ce soir, je vais prendre un bus de nuit pour me rendre à Trabzon, une ville sur la mer noire. Je devais déjà y être rendue en stop, mais je ne me sens toujours pas le courage de faire ce trajet demain.

Après ces 10 jours sans pépin, il a fallu que ça tombe sur mes intestins !

380km : 1 bus de nuit

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Publié le 19 septembre 2023

Jour 14 : 18 septembre 2023


Je me réveille dans le bus, soulagée, j'ai dormi absolument toute la nuit. Au réveil, je vois la mer Noire qui est d'ailleurs très bleue. Je suis à Trabzon, sur la côte Nord de la Turquie, dans l'Est du pays. C'est une grande ville, à flan de collines. Cette région est magnifique, d'un côté la mer, de l'autre la montagne. Reyhan mon hôte d'Ankara m'avait prévenue : "so nice, only blue and green".

L'histoire du logement que j'ai trouvé est encore une fois rocambolesque : un de mes copains de Paris m'a mise en relation avec deux de ses amis d'université (l'ESSEC en l'occurrence) parce qu'ils vont de Paris à Singapour en vélo, dans le cadre d'un projet similaire au mien. Donc je suivais les aventures de ces deux cyclistes sur Instagram, sans les connaître personnellement. Jusqu'à ce qu'ils m'envoient un message pour me dire qu'ils vont loger dans un monastère de bonnes soeurs à Trabzon aux mêmes dates que moi et qu'il y aura aussi un lit pour moi. Ils sont scouts, donc assez habitués à ça, mais pour moi c'est inédit !

Je les rejoins donc au monastère où ils m'indiquent ma chambre. Il y a ici un prêtre italien, trois bonnes soeurs (une brésilienne, une argentine et une égyptienne) et des familles iraniennes et afghanes persécutées dans leur pays. Une auberge de jeunesse quoi !

Nous partons avec Jacques et Joseph, ainsi qu'un jeune turc bénévole dans ce monastère pour aider tout ce beau monde à apprendre le turc. Nous allons prendre un bus qui nous amène au lac Uzungöl. Ça monte sans cesse, on s'enfonce dans les montagnes et on se rend compte petit à petit qu'on aurait été bien éclairé de prendre des pulls. Une fois au lac, le seul moyen de se réchauffer est de marcher. Et tant mieux, c'est magnifique. On fait une pause déjeuner. Le tour du lac est beau sous tous les angles.

Ça fait du bien de parler français. Jack et Joe sont super sympas, et la communication est fluide, ça change du baragouinage en turc-anglais. Pour le retour à Trabzon, je les initie au stop ! On fait deux équipes. La mienne arrive une heure avant l'autre. Bon je suis fille, il parait que c'est plus simple.

En revenant à Trabzon, je vais me balader le long de la mer. La balade est très bien aménagée et le soleil se couche progressivement.

Nous avons un libre accès à la cuisine, donc comme nos deux cyclistes reprennent la route demain, on se fait des pâtes aux tomates. Nous dînons avec Janbert le jeune turc et un monsieur iranien qui nous raconte son histoire, assez intense je dois dire. Il est né dans une famille musulmane mais a commencé à s'intéresser à la Bible vers l'âge de 14 ans. Après avoir comparé maintes fois avec le Coran, il s'est progressivement reconnu dans le christianisme, tout en se culpabilisant fortement de s'éloigner de l'Islam. Sa famille l'a mis dehors avant ses 18 ans. Il a réussi à travailler en Italie, puis est venu s'installer à Istanbul quelques temps avant de venir à Trabzon. Depuis qu'il est en Turquie, il travaille avec des associations qui accueillent les familles chrétiennes venues d'Orient, souvent d'Iran et d'Afghanistan.

Et après le dîner, Janbert tente de nous expliquer son projet d'études, ce qui est incompréhensible mais la scène est très drôle. Il nous fait comprendre qu'il veut nous filmer en train de présenter nos projets de voyage respectifs. On accepte avec grand plaisir et pour la "mise en scène", il nous fait enfiler des gilets jaunes. Allez savoir pourquoi. Bref, on rigole beaucoup.


200km : 1 minibus, 3 voitures


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Publié le 20 septembre 2023

Jour 15 : 19 septembre 2023


Réveil paisible au couvent. On part assez rapidement en excursion à nouveau avec Jack et Jo. Le bus est une galère sans nom donc on fait du stop. Nous nous rendons au monastère Sumeila qui est dans les terres, construits au IVe siècle dans la roche, perché en haut d'une petite montagne. C'est très impressionnant vue d'en bas. Cela me fascinera toujours la capacité des humains à réaliser des prouesses techniques, architecturales, artistiques, avec pour unique motivation la foi. Le monastère est accessible après une très longue marche bien pentue. On arrive en faut complètement trempés. Il est orthodoxe donc les couleurs sont au rendez-vous.

Après cette belle découverte, on rentre tant bien que mal en minibus, juste à temps pour déjeuner avec le prêtre, les trois religieuses, le jeune Janbert, une dame iranienne et une dame géorgienne. Tout le monde se marre à table, c'est très sympa. Après le café, l'ambiance est aux au-revoirs, chacun s'échange son numéro, s'envoie les photos prises pendant le séjour, embrassades et promesses de se revoir un jour.

Jacques et Joseph préparent leurs vélos avec minution. Je me suis attachée à eux. C'est chouette de croiser des personnes avec la même passion de découvertes que moi. Il faut dire que les personnes que je croise ne comprennent souvent pas mon envie de voyager de cette manière. Avec eux, c'était plus simple. Je leur dis au-revoir en sachant que je les reverrai sûrement en Géorgie ou en Asie du Sud-Est.

Et me revoilà sur la route ! Je pars vers 15h, mon départ le plus tardif de ce voyage. Bon, je rencontre très vite Yassin, un conducteur adorable qui me dit que je ferai mieux de venir chez lui et sa femme, qu'ils peuvent m'accueillir et que je reprendrai la route demain. Donc je n'ai avancé que de 100km mais tant pis parce qu'ils sont très chaleureux. Yassin et sa femme Nihal. Leurs filles adolescentes Zümra et Almina et le petit Mustafa qu'ils surnomment Moustik, ce qui me fait beaucoup rire. Par ailleurs, leur aspirateur automatique qui se balade tout seul dans le salon s'appelle Sébastien, ce que je trouve amusant aussi, surtout quand Almina débarque en criant "euh je me brosse les dents et Sébastien vient toquer à la porte !! Il attendra pour prendre sa douche !".

On partage tous ensemble un dîner parfaitement adapté à mon régime alimentaire, je me repose en écrivant mes histoires et je m'endors très tôt.


200km : 1 bus urbain, 1 fourgon, 6 voitures

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Publié le 21 septembre 2023

Jour 16 : 20 septembre 2023


Je dis au revoir à cette charmante famille et je commence le stop de bon matin. Beaucoup de route en vue aujourd'hui ! L'objectif est d'arriver en Géorgie ce soir. Je ne le sais pas encore, mais je vais voir une variété de paysages différents incroyable ! Tout d'abord, la mer Noire, que je longe quelques temps. De l'autre côté de la route, les villes à flanc de collines, au milieu de la verdure. En m'enfoncant dans les terres, je découvre une région minière. C'est très impressionnant. Il y a un contraste fou entre la nature environnante très belle et les horribles engins et infrastructures de l'être humain. Dans la même veine, cela m'attriste que plusieurs de mes chauffeurs jettent leurs déchets par la fenêtre...

De fil en aiguille et après deux rigolos qui faisaient de leur mieux pour me parler anglais et une voiture déjà pleine à rabord qui s'arrête quand même pour m'aider, j'atterris dans une région absolument magnifique. La forêt noire, oui oui, comme en Allemagne. D'abord la route le long d'une rivière et au milieu des arbres, puis des collines magnifiques avec des fermes à perte de vue. Après ma pause déjeuner dans la cantine d'une gare routière, je continue la route vers la Géorgie qui monte progressivement. Je suis sur un plateau et j'atterris à 2500m d'altitude. Il neige ! J'aurais tout eu comme météo aujourd'hui. C'est la première fois depuis mon départ que je sors le poncho.

C'est un routier qui m'amène jusqu'à la frontière géorgienne. Il est super jeune, environ 25 ans et il regarde les Tortues Ninja sur sa tablette. À la frontière, les camions font la queue pendant au moins 3h donc je lui dis au revoir et je passe à pied. Les policiers sont comiques. À la fois celui qui contrôle mon passeport et celui qui contrôle mon sac font les cowboys avec un air autoritaire. Et une fois qu'ils comprennent que je ne suis ni espionne, ni trafiquante de drogues, j'ai le droit à un immense sourire accompagné d'un "Welcome in Georgia".

Je rencontre à la frontière deux monsieurs Kazakh qui acceptent de m'amener dans la ville où je veux séjourner. Ils viennent de passer des vacances sur la côte turque. Ils m'offrent un sandwich et ont une physionomie particulièrement gentille. Je regrette de ne pas avoir pris leur contact pour pouvoir peut-être les recroiser quand je serai dans leur pays.

Une page se tourne ! Au-revoir la Turquie que j'aime tant. Ce pays si chaleureux où je reviendrai plus tard à coup sûr. J'ai encore mille merveilles à y découvrir. Mais place à la Géorgie ! C'est un saut dans l'inconnu : nouvel alphabet, nouvelle langue, nouvelle religion, nouvelle culture. J'avoue que j'y vais un peu sans aucun renseignement. D'ailleurs pour dormir ce soir, aucun Couchsurfing ne m'a répondu, et je ne vais pas compter sur mes amis Kazakh qui rentrent chez eux. Donc j'arrive dans la ville de Akhaltsiké sans Internet et sans argent. J'ai seulement l'adresse d'un petit hôtel très bien noté, donc ce soir, c'est grand luxe ! Je paye ma chambre !


350km : 11 voitures, 2 fourgons

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Publié le 22 septembre 2023

Jour 17 : 21 septembre 2023


Première journée en Géorgie, et pas des moindres ! J'en ai pris plein les mirettes ! Je suis partie de bonne heure en stop dans la campagne pour aller voir Vardzia, un site troglodyte. Il s'agit d'une ville entière creusée dans la roche, assez en hauteur. Il y a tout un tas de grottes reliées par des couloirs. C'est immense ! Et il ne faut pas être claustrophobe. La voiture qui m'y amené à la fin conduit un touriste chinois de 75 ans, Xi, et son guide Géorgien pour la journée. Je fais la visite avec eux et malgré son âge, Xi crapahute à toute vitesse. La région est splendide. C'est vallonné, vert et rocheux à la fois. Ces grottes donnent une impression d'enchantement, comme dans un film. Cet endroit est photogénique. Sur le retour, le guide s'arrête aux meilleurs spots photos. Puis retour en ville.

Je prends le contact de Xi qui veut m'envoyer des recommandations pour mon voyage en Chine.

Après-midi très paisible. Je flâne dans cette ville. Et surtout je visite la forteresse et le château Rabati qui datent du IXe siècle. Elle a été reconstruite sous l'Empire Ottoman depuis. C'est assez étonnant d'ailleurs comme mélange des genres. À l'intérieur de la forteresse, il y a un château donc, une mosquée et une église orthodoxe. Le tout avec des jardins très bien entretenus et une vue imprenable sur la ville et les montagnes qui l'entourent.

Au final, ce voyage me réserve de très beaux moments au-delà de la Turquie. Cet avant-goût de la Géorgie m'en a largement convaincue.


120km : 2 voitures, 1 camion

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Publié le 22 septembre 2023

Jour 18 : 22 septembre 2023


Ce matin, je reprends la route ! Je quitte ce petit coin de paradis et je me rends rapidement compte que le stop est d'une facilité aberrante dans ce pays. Je lève à peine le pouce qu'une voiture s'arrête. C'est très chouette parce que je ne passe ainsi pas beaucoup de temps sur la route.

Je fais la rencontre d'Édouard, un monsieur de quarante ans qui réalise des documentaires sur la cause sociale en Géorgie. Super intéressant ! Mais il s'intéresse aux gens aussi au-delà des frontières puisqu'il a sillonné les États-Unis en stop étant plus jeune ! Son père travaille dans le tourisme donc il m'a indiqué plusieurs spots à aller voir.

Aujourd'hui j'ai rejoint Kutaisi, la deuxième plus grande ville de Géorgie après la capitale. Elle se situe à peu près au milieu du pays, à mi-chemin entre la côte de la mer Noire et la capitale. Un point stratégique.

Je rencontre alors Yevgeniy, mon hôte de ce soir au prénom absolument imprononçable. Je pose mon sac chez lui pour pouvoir aller visiter la ville et me balader. Il fait 30°, c'est plus agréable sans le sac à dos. Je découvre alors une ville très agréable. Plusieurs espaces verts permettent de l'air frais. Une rivière traverse la ville et les quelques ponts offrent des points de vue très chouette. On se croirait presque à la campagne ! J'emprunte le touristique funiculaire datant de l'époque soviétique. L'engin est tout tremblotant, il ne faut pas avoir peur. La vue y est magnifique ! Je prends un grand bain de culture locale en entrant dans le marché couvert. Il y fait sombre et humide, les marchants ont tous plus de 50 ans. Ambiance très particulière mais les étales d'épices et de légumes bizarroïdes sont très jolis.

Le clou du spectacle, c'est la cathédrale de Bagrati, qui règne sur la ville. Elle est sur une colline, excentrée donc je marche sous le soleil quelques temps. Mais ça vaut amplement le coup. Elle est vraiment belle. La lumière aussi puisque il est déjà 17h. En dessous de la cathédrale, une étendue d'herbe offre une belle vue sur la ville. Quelques passants prennent des photos, des enfants jouent. Des vieilles s'occupent de l'église. À l'intérieur, c'est très bizarre. Un monsieur lit une prière à toute vitesse dans une micro et à côté de lui, quelqu'un porte le même vêtement que la faucheuse. Heureusement qu'il y a d'autres touristes dans l'église pour me rassurer, ça ferait presque film d'horreur. En revanche, les icônes sont splendides. Je me repose quelques temps au soleil avant de rentrer.

Yevgeniy est parti courir parce qu'il prépare le semi-marathon de Tbilissi qui a lieu le week-end prochain. À part ça, il est prof de maths particulier mais ne travaille qu'à distance. Il est russe et s'est installé ici depuis un an pour fuir le régime. Une vie pas simple. Mais beaucoup de ses amis ont fait comme lui en Géorgie ou ailleurs, souvent au Monténégro, donc c'est plus facile pour se serrer les coudes.

On va dîner en ville dans un restau typique géorgien où je suis très heureuse d'avoir un vrai repas à une heure normale. Je goûte une spécialité à base de pommes de terre et de viande de porc. La sauce était très originale.


170 km : 4 voitures

19
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Publié le 24 septembre 2023

Jour 19 : 23 septembre 2023


Quand je me réveille ce matin, mon hôte russe dort encore. Je me prépare donc à partir en excursion à pas de velours. Je me balade dans un quartier résidentiel de Koutaïssi, très apaisant. On voit que c'est le week-end. Je fais du stop sur quelques kilomètres pour sortir de la ville et arriver au départ d'une courte randonnée qui doit me mener à un monastère réputé. Courte randonnée, certes, mais bien pentue ! Trop chouette de transpirer autant dans des vêtements propres que j'ai pu laver hier... Partout dans ce pays, les animaux fermiers sont rois. Il y a au milieu des routes et des chemins des vaches, des cochons et des chevaux très régulièrement. Je peux vous dire que à pieds, Lisa la petite parisienne ne fait pas la maligne.

Je finis par arriver en haut de cette colline. Le monastère est magnifique, mais une partie est en travaux. C'est un endroit très apaisant. Quelques moines profitent du soleil. Je prends de belles photos et fais une pause pour lire un peu. Puis je fais du stop pour rejoindre un autre monastère. C'est tellement facile ! Ce qui m'étonne beaucoup c'est que même les taxis avec des touristes ou les voitures conduites par des guides et baladant des clients s'arrêtent. Donc je monte à l'avant du véhicule et sur la banquette arrière, il y a des gens qui payent pour ce trajet !

Le second monastère est plus touristique, il y a un groupe de touristes asiatiques. Mais surtout il y a un mariage ! J'ai encore l'air drôle avec mon short kaki et mes sandales waterproof au milieu de tous ces gens sur leur 31. Je réussis à passer une tête dans l'Eglise. C'est étonnant : le prêtre récite une prière en tournant en rond autour de son pupitre, les mariés le suivent de près en tenant des bougies et deux autres personnes les suivent aussi en tenant une couronne et un diadème. Pourquoi pas après tout. Après cette épisode folklorique, je veux rentrer en ville et devinez qui me prend en stop ! Les meilleurs potes des futurs mariés ! Donc musique à fond dans la voiture, vous imaginez bien.

J'ai une faim de loup alors je vais dans un petit restau manger une spécialité : cela ressemble à des raviolis servis dans un bouillon avec plein de fromage. C'est super bon !

Il fait très chaud donc je suis rentrée chez mon hôte faire une pause. En fin d'après-midi, il m'a amené dans les alentours de Koutaïssi où se trouvent plusieurs anciens bâtiments soviétiques toujours présents mais complètement à l'abandon. Donc un immense hôtel thermal. Ça fait drôlement bizarre de se balader à l'intérieur. À part nous, il n'y a que quelques groupes d'adolescents en train de prendre des photos pour Instagram.

La soirée est très calme : j'appelle un copain pour son anniversaire, je regarde une série, je commence un nouveau livre.


Quelques km et 4 voitures

20
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Publié le 25 septembre 2023

Jour 20 : 24 septembre 2023


J'ai une longue journée devant moi ! Aujourd'hui, l'objectif est d'aller dans la région montagneuse de la Svanetie, qui a l'air superbe. Mestia, la ville, où je vais n'est qu'à 270km de Koutaïssi mais c'est 5h de route. Je pars donc tôt le matin mais je galère quand même un peu, chaque voiture ne m'avancant que de quelques kilomètres. Je rencontre entre autre Irakli, un jeune prof de fitness basé à Tbilissi qui se rend à l'anniversaire de sa soeur. Il m'explique absolument toutes les spécialités culinaires que je dois goûter. Ça a l'air très important.

Arrive le moment où mes sauveurs Ziv et Oshrat s'arrêtent au bord de la route. C'est un couple d'israéliens de 50 ans. Ils ont loué une voiture pour leurs vacances en Géorgie et ils vont à Mestia ! Mais tout d'abord, ils souhaitent s'arrêter pour voir un canyon qui est sur la route. Avec grand plaisir !

On a donc fait une promenade à pieds autour du canyon, puis en bateau à l'intérieur. C'était assez magique je dois dire. Eau bleue turquoise, verdure autour. On se serait cru dans Avatar.

Un peu plus loin, après que j'ai eu le temps de faire une bonne grosse sieste, on s'est arrêté non loin d'un gigantesque barrage assez laid. Ziv et Oshrat m'ont invitée à déjeuner. C'était l'occasion de faire plus ample connaissance : il est architecte et elle est éducatrice en crèche. Ils m'ont expliqué le fonctionnement des kibboutz en Israël. Oshrat a grandi dans l'un d'eux. J'observe par ailleurs qu'ils sont tous les deux complètement fous de chiens.

Arrivés à Mestia, ce village situé dans la région montagneuse de la Svanetie, ils me déposent gentiment à mon auberge de jeunesse. C'est en fait un chalet avec les parties communes au rez-de-chaussée et un grand dortoir à l'étage. Le propriétaire n'est absolument pas souriant mais je me fais tout de suite des amis. Deux allemands, une australienne, un hollandais, un chinois, un indien, un estonien et un français. Je discute avec le jeune chinois de mon voyage à venir dans son pays. Et surtout j'ai fait la connaissance de Myriam, l'allemande et de Ott, l'estonien. On sympathise, Myriam voyage aussi en stop et en solo donc on a plein d'anecdotes à se raconter. On partage un dîner tous ensemble, avant de tomber dans les bras de Morphée.


270km : 4 voitures

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Publié le 26 septembre 2023

Jour 21 : 25 septembre 2023


Cette journée est une belle performance sportive ! J'ai réussi la rando à la journée la plus dure de la région. Je suis partie le matin avec un touriste hollandais rencontré dans mon auberge, Rens. La rando consiste à rejoindre les lacs Koruldi, en partant du bourg de Mestia. Donc globalement, toute la première moitié était de la montée, et la deuxième de la descente. À l'aller j'en ai bavé en terme de cardio, et au retour j'en avais plein les pattes. Fini le bureau des plaintes ! On veut les chiffres : 16km de marche pour 1400m de dénivelé positif, réalisé en 6h30, sans compter les pauses.

C'était absolument magnifique du début à la fin. Des paysages vraiment impressionnants à perte de vue : forêts de sapins, pans de montagne rouges, oranges, marrons, les glaciers, etc. J'ai pris au moins 50 photos, et non, ça n'était pas toujours une excuse pour faire une pause. On en a fait une bien longue une fois rendus la haut, auprès d'un des lacs. Même s'il faisait assez froid : on était à 2700m d'altitude.

La descente a été l'occasion de faire plus ample connaissance avec Rens. Il voyage à temps plein. Il vient d'une famille protestante très conservatrice : obligation d'aller à l'église tous les dimanches, interdiction de jouer au foot le dimanche par exemple. Et c'est un conflit assez récurrent avec ses parents puisqu'il n'est plus pratiquant. Par ailleurs, une de ses soeurs souffrent d'instabilité mentale, ce qui peut faire ressentir beaucoup de culpabilité quand on est loin de sa famille en permanence. Des discussions très touchantes.

À la fin de cette rando, je suis complètement à plat. Je n'ai absolument rien pu faire d'autre que de m'acheter à manger et glander à l'auberge pour récupérer des forces. Mais j'y ai rencontré deux personnages hilarants : Evelyne, 33 ans, londonienne, super marrante et franche ; et Johnny, 30 ans, mongole vivant entre Hong-Kong et Dubaï, très à l'aise avec la vodka et les gens. J'ai bien rigolé.

22
22
Publié le 28 septembre 2023

Jour 22 : 26 septembre 2023


Journée détente et glandouille ! Après une grosse nuit de sommeil réparatrice, je vais faire quelques courses et échanger du cash, ce qui est une démarche assez complexe en Géorgie.

Puis j'ai fait une très jolie balade autour de Mestia : églises, tours médiévales. C'est un coin vraiment charment.

Et surtout, j'ai traîné plus de deux heures sur une étendue d'herbe avec une jolie vue : lecture, écriture, bronzette, planification de la suite du voyage. De quoi me remettre de ma rando d'hier.

En rentrant à l'auberge, il y avait plein de nouveaux ! Un australien, encore un allemand mais aussi une allemande d'une cinquantaine d'années. C'est chouette de rencontrer des femmes plus âgées qui voyagent toutes seules, et en auberge de jeunesse !

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Publié le 28 septembre 2023

Jour 23 : 27 septembre 2023


Me voilà repartie sur les routes géorgiennes. Beaucoup d'hésitation jusqu'au dernier moment concernant le moyen de transport de cette journée.

Soit le bus, 11h de trajet jusqu'à Tbilissi, uniquement de jour parce qu'aucun bus de nuit. Donc un peu une journée flinguée, mais l'assurance d'arriver à destination.

Soit le stop, plus challengeant mais aussi potentiellement plus compliqué et fatiguant parce que c'est tout de même 460km. J'ai fini par partir en stop et j'ai tellement bien fait !

J'ai quand même cogité toute la nuit donc je n'étais pas bien réveillée du tout. Mais la première voiture que j'ai croisée sur cette petite route de montagne allait....à Tbilissi ! Oui j'ai énormément de chance. Vado, le conducteur d'une cinquantaine d'années, était un taiseux. Je crois qu'on a échangé dix phrases à tout casser en 7h de trajet. Ça n'était pas pour me déplaire puisque j'ai bien somnolé. La route en Svanetie était magnifique.

On a quand même fait une petite pause déjeuner à base de khachapuri : juste du pain fourré au fromage. C'est une spécialité au fromage. Alors une part pour l'apéro c'est délicieux mais là j'avoue que pour un repas entier, en n'ayant rien mangé avant, ça m'a un peu pesé sur l'estomac.

Avec mon conducteur Schumacher je suis arrivée à Tbilissi à 15h. Je n'aurais jamais pu espérer arriver si tôt. Je vais loger quelques jours chez Sarah, une camarade avec qui j'étais en classe à Sciences Po cette année. Elle fait aussi une année de césure, donc quatre mois de volontariat dans une association pour les jeunes à Tbilissi. Je vais donc poser mes affaires chez elle. Son appart en coloc lui est fourni par l'asso. Elle n'est pas encore revenue du travail donc je vais me balader dans son quartier. La vie bat son plein. Ça me change de la montagne. C'est la sortie des bureaux et les grandes avenues grouillent de monde. Il y a de très beaux bâtiments. Mais je sens que je ne suis pas dans le quartier le plus charmant.

Je retrouve Sarah et elle m'amène dans le vieux Tbilissi. Il fait nuit mais c'est quand même très agréable. On s'achète à boire et à manger pour aller se poser en hauteur avec une vue magnifique sur la ville, la rivière, la montgolfière touristique et la cathédrale illuminée. Elle me raconte son amour pour la Géorgie, leur histoire compliquée avec la Russie. La relation qui en découle entre les deux pays mais surtout mais entre les populations.


460 km : 1 voiture

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Publié le 30 septembre 2023

Jour 24 : 28 septembre 2023


Me voilà donc à Tbilissi pour me reposer quelques jours. J'ai pris un peu de retard dans ce journal donc mes explications seront très brèves. J'ai profité de cette première journée pour me balader dans le centre historique, de jour cette fois-ci. Je suis montée à la forteresse qui offre un magnifique point de vue sur la ville. Très étendue ! C'est immense. Et les distances à pieds d'un quartier à l'autre sont souvent très longues. La vieille ville est très mignonne. Ça monte et ça descend beaucoup à travers plein de ruelles pavées. Mais dès qu'on sort de ce quartier, c'est une ville très moderne. La circulation est déboussolante et presque fatiguante. Cela me rappelle Sofia en Bulgarie dans le sens où la ville est clairement plus pensée pour les automobilistes que pour les piétons, ce qui est vite agaçant. Barrière empêchant de traverser la route sur parfois 500 mètres, souterrains obligatoires pour traverser à certains endroits, feux interminables, beaucoup de bouchons donc se déplacer en bus est aussi irritant. Il y a tout de même de jolis parcs agréables et plusieurs marchés aux puces où l'on vend des objets assez amusants de l'ère soviétique.

En fin d'après-midi je retrouve mes deux copains cyclistes rencontrés à Trabzon en Turquie ! Jacques et Joseph sont aussi à Tbilissi pour quelques jours. On se rejoint à un endroit très sympa, une sorte d'écosystème underground qui fait auberge de jeunesse, bar, skate parc, lieu de graffitis et d'exposition. Cela me rappelle Darwin à Bordeaux. Ils sont avec Thibault, un camarade de classe de l'ESSEC qui fait un stage à la Chambre de Commerce et d'Industrie française de Tbilissi. Globalement, ils aident les entreprises françaises à s'implanter à Tbilissi. Sarah nous rejoint. Grandes retrouvailles françaises autour de bières géorgiennes ! Deux amis de Sarah se joignent à nous. Janosch, allemand volontaire dans la même association que Sarah et Georgi, un géorgien rencontré via l'asso aussi. Ils nous parlent de la culture underground de Tbilissi qui est un peu le Berlin de l'Est : beaucoup de musique techno et de graffitis notamment. Ce moment est une grande bouffée d'air frais pour moi : parler français et parler anglais avec des gens qui parlent vraiment bien anglais. Avoir de vraies conversations et connexions. Je rencontre beaucoup de monde sur la route mais ça n'est pas toujours évident de s'entendre avec tout le monde.

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Publié le 30 septembre 2023

Jour 25 : 29 septembre 2023


J'ai 22 ans à Tbilissi ! Pour fêter ça, Sarah et sa coloc Myriam font des pancakes au petit déjeuner. Sarah est en coloc avec quatre autres volontaires de l'asso. Myriam, Victor et Sophia sont allemands. Kati est estonienne. Victor a un quotidien plein de péripéties, il est toujours de bonne humeur, pourtant il lui arrive une catastrophe chaque fois que je le vois. Hier soir il a fait une indigestion et a passé la soirée à vomir. Ce matin, il se fait une énorme entaille dans le doigt avec le mixeur. Du sang partout dans la cuisine, il a failli tourner de l'oeil.

Je vais prendre l'air et me balader dans la banlieue de Tbilissi autour d'un lac très sympa. Des promeneurs prennent le soleil, et moi aussi. Pour y accéder, il faut prendre un funiculaire donc encore une fois une très belle vue sur la ville.

Je retrouve tous mes nouveaux amis en début de soirée. On se balade dans le centre ville en quête d'une idée pour cette soirée. Au final c'est parfait : il y a sur une petite place, de la verdure et des tables de pique nique, avec en fond musical un bar dansant juste à côté. Donc on achète à boire et à manger. Joseph et Jacques ont même acheté des choux à la crème pour le dessert pour que je puisse souffler mes bougies. Je passe une merveilleuse soirée, arrosée et tardive.

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Publié le 1er octobre 2023

Jour 26 : 30 septembre 2023


Sans surprise, je ne fais pas grand chose de la journée. Grasse matinée, salade de pâtes et découverte d'un nouveau parc où je lis et rattrape mon retard dans ce journal.

En Géorgie, il y a des chiens errants absolument partout. Mais il y a une grande différence avec la Turquie : ces chiens sont appréciés des géorgiens qui déposent des croquettes à tous les coins de rue et traitent ces chiens véritablement comme des voisins de quartier. La grande majorité des chiens sont vaccinés et amenés chez le vétérinaire régulièrement. Ils ont tous un marquage à l'oreille de couleur verte, jaune ou rouge indiquant globalement s'il est risqué de toucher ce chien ou non.

Ce week-end a lieu le Tbilisoba, un festival annuel célébrant la diversité et l'histoire de Tbilissi. Une chance d'y être à ce moment là ! Donc je rejoins Joseph, Jacques et Thibault en fin d'après-midi à un spot où se concentrent les animations principales de la ville. Une fanfare joue sous un kiosque ! Je suis aux anges. Ils jouent Final Countdown et Kids Aren't Alright, que je joue aussi avec ma Banda. Les gens dansent, certains sont habillés en tenues traditionnelles. Il y a des dizaines et des dizaines de stands de nourriture mélangeant street-food et cuisine traditionnelle. L'ambiance est super ! On déambule à travers les stands d'artisanat. Et plus tard, le match de la coupe du monde de rugby commence : Géorgie - Fidji. Génial d'assister à ça parce que la foule est en délire au pied de l'écran géant.

En rentrant, je discute avec Sarah qui n'a pas encore décidé ce qu'elle allait faire de son deuxième semestre, après son volontariat à Tbilissi. Peut-être viendra-t-elle voyager en Asie du Sud Est et nous nous reverrons. Je retrouve le magnet (que je croyais avoir perdu depuis trois jours...) que m'a donné John, le touriste chinois rencontré à Mestia. Je l'échange donc avec Sarah contre un tot-bag de son association.

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Publié le 3 octobre 2023

Jour 27 : 1er octobre 2023


Au-revoir Tbilissi ! Je pars relativement tôt ce matin. Sortir de cette ville prend un certain temps, à cause de son étendue et de son réseau de transports chaotique. Aux abords de la ville, il y a un site touristique que je voulais voir depuis un moment. Le monastère de Djvari, il n'a pas un grand intérêt en soit mais il est construit sur une colline et offre une vue à couper le souffle sur la ville de Mtskheta (imprononçable, imaginez en stop) et la rivière qui se sépare en deux bras. C'est en effet super touristique, Mtskheta où je vais me balader ensuite l'est aussi. Les ruelles sont très jolies et sont toutes articulées autour de la cathédrale. Je déjeune assez tôt pour repartir sur la route.

Le stop est toujours aussi facile, une seule voiture m'amène directement à destination : Stephantsminda, un village montagnard dans la région de Kazbegi. Elle tient son nom du Mont Kazbek haut de 5000 mètres. C'est tout près de la frontière russe.

Mes conducteurs sont donc Sophia et son papa dont je n'ai pas réussi à capter le prénom. Ils ont dansé et chanté pendant toute la route, ce qui était très agréable pour passer le temps. Les géorgiens font tous et toutes systématiquement trois signes de croix d'affilée dès qu'ils passent devant une église. Alors au tout début quand un de mes conducteurs en stop l'a fait, j'avoue que j'ai eu peur pour ma vie. Ils ont absolument tous ce réflexe.

Sur la route, ils s'arrêtent à une église dans la montagne pour prier. J'avoue que je ne sais pas vraiment où me mettre mais je fais tout comme eux.

Arrivée à Stephantsminda, il fait encore jour donc je fais une balade. L'environnement est absolument magnifique. Ce midi comme ce soir, je goûte aux dernières spécialités géorgiennes : des champignons fourrés au fromage et une sorte de calzone végé, avec une tonne de fromage.

La Géorgie va me manquer, c'est une super découverte. Les paysages sont à couper le souffle, la cuisine est délicieuse dans toutes les régions, les jeunes rencontrés à Tbilissi étaient tous très intéressants et chaleureux. Ce pays en a beaucoup bavé et en bavent encore à cause de l'occupation russe, mais il y a énormément de choses à y découvrir.

Je raconte mes aventures d'anniversaire à mes six copines de lycée avec qui on organise un appel groupé. Ça fait un bien fou.


160 km : 1 métro, 1 bus urbain, 4 voitures

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Jour 28 : 2 octobre 2023


Cette fois, il est vraiment temps de quitter la Géorgie ! J'avoue que je suis vraiment stressée ce matin. C'est clairement une des deux frontières que je redoute dans ce périple. Je me répète que j'ai le visa et qu'il n'y a aucune raison que ça se passe mal. Un camion m'amène jusqu'à la frontière. Sortir de Géorgie se fait très simplement. Puis 5 kilomètres séparent la sortie de la Géorgie de l'entrée en Russie. Donc un russe m'amène au deuxième poste. Là ça se complique. Les deux policières me demandent quinze fois pourquoi je vais en Russie, pourquoi je vais au Kazakhstan, où est-ce que je dors, pourquoi je suis seule, si je n'ai pas peur, etc etc etc. Évidemment entre temps, le russe qui m'avait conduit là est parti, sûrement par flemme d'attendre quelqu'un avec qui il ne peut même pas communiquer. La technique, c'est de ne surtout pas répondre sèchement ou avec un air agacé mais de faire un sourire timide et débile constamment et de manger un ourson au chocolat qui traîne au fond du sac pour se donner un air encore plus innofensif.

Les flics finissent par me faire monter dans un taxi après deux heures de contrôle. Il est gratuit, c'est juste pour m'éviter de faire du stop. J'avoue ne pas réussir à les considérer "gentils" pour autant. Pour les rassurer, je leur avais dit qu'une fois à Vladikavkaz, la grande ville la plus proche de la frontière, je prendrai un bus. Donc mon cher taximan qui me parle en allemand me dépose à la station de bus. Vladikavkaz est l'archétype de la ville anciennement soviétique qui fait peur et qui rend triste. J'aurais bien fait du stop jusqu'à la côte de la mer Caspienne mais quand je vois qu'il y a un bus 15 minutes plus tard pour Astrakhan, la ville la plus proche du Kazakhstan, j'avoue que je saute sur l'occasion, même si ça me coûte tout l'argent russe que j'ai en liquide (l'équivalent de 20€, relativisons).

Le gros soulagement de la journée fut de rencontrer Arthur et Daria en montant dans le bus. Un couple de 25 ans qui parle anglais, qui revient de leur vacances en Georgie et qui rentre à St-Petersbourg. Ils font tous les deux de l'audit. Ils sont absolument adorables avec moi : ils me traduisent les infos importantes du trajet, m'offre un thé, un gâteau et de la monnaie pour aller aux toilettes vu que je n'ai plus un rond russe, et me font des partages de connexion. Et surtout, quand, au beau milieu de nulle part, on s'arrête à un check-point militaire dans la nuit, que je fais tout comme tout le monde mais que évidemment avec mon passeport étranger je finis dans la salle d'interrogatoire, Arthur négocie pour venir avec moi faire la traduction. Et j'avoue que c'est un gros soulagement, non seulement de comprendre ce qu'ils me disent et de savoir qu'ils comprennent ce que je dis, et aussi de savoir que le bus ne va pas partir sans nous.

Bref, au bout de 9 heures de bus nous arrivons à Astrakhan où mon hôte Couchsurfing m'attend à la gare routière. Marc est photographe, un peu un baba cool version russe. Il me paye un kebab, ce qui est le deuxième soulagement de la journée. Et on finit cette longue journée en regardant Slumdog Millionaire.


640km : 1 camion, 1 taxi payé par les autorités russes, 1 bus

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Jour 29 : 3 octobre 2023


Alors là j'ai rarement fait une telle grasse mat durant ce voyage. Petit-déjeuner composé de pain et salami, poridge (euh c'est dégoûtant ce truc, je l'ignorais), thé et muffin au chocolat. Après ça nous partons nous balader avec Marc.

Le centre d'Astrakhan est joli principalement grâce au kremlin, typique de l'architecture orthodoxe. Très très luxuriant, doré, coloré. On se promène aussi le long de la fameuse Volga, plus fleuve d'Europe, mais le temps est très moyen. Marc tente de me décrire au mieux sa ville et son pays mais la barrière de la langue rend nos conversations assez comiques et laborieuses. Il me montre un antiquaire spécialisé en curiosités de l'ère soviétique.

Cette journée a pris un tout autre tournant quand j'ai dit à Marc que je jouais de la flûte traversière et du saxophone. Il se trouve qu'il est sorti, à une époque, avec une technicienne de l'opéra d'Astrakhan et qu'il a donc toujours des amis y travaillant. Il passe un coup de fil et me demande si je souhaite aller à un concert de musique classique gratuit dans l'après-midi. Gratuit pas vraiment, sauf pour moi quoi. Évidemment j'accepte ! Encore une opportunité assez exceptionnelle. L'opéra est également magnifique, à la fois dehors et dedans. Je me retrouve donc à assister à un concert de harpe, accompagnée tour à tour d'une flûte, d'un violon, d'un violoncelle et d'un trombone. C'est super chouette d'avoir cette chance.

Après être rentrés, on dîne ensemble du poulet et des pommes de terre sautées, on discute, on regarde Kill Bill 1 et il est temps d'aller faire dodo. Marc m'a clairement réconciliée avec la Russie.

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30
Publié le 5 octobre 2023

Jour 30 : 4 octobre 2023


Marc m'a gentiment accompagnée jusqu'à la prochaine ville, plus proche de la frontière kazakh. Mais il doit s'arrêter à l'entrée de la ville marquée par un fleuve et un pont dont il faut payer le passage. Le pont a l'air extrêmement précaire et fragile et je ne suis pas super rassurée que ce soit un minibus qui s'arrête pour m'amener de l'autre côté. Le bus est composé uniquement de femmes qui papotent toutes entre elles, l'ambiance est très rigolote. Elles sont évidemment interloquées de me voir.

J'arrive enfin à la frontière. Autant vous dire que les russes m'ont laissée sortir de leur territoire bien plus facilement qu'ils ne m'ont laissée entrer. L'entrée au Kazakhstan est également une formalité. Avant de passer la frontière, j'ai rencontré mon conducteur pour le reste de la journée. Il se rend aussi à Atyrau, la grande ville la plus proche de la frontière russe dans cette région. De toutes façons, il n'y a absolument rien entre la frontière et Atyrau, si ce n'est 300km de désert. Le désert au Kazakhstan, ce sont les steppes : de vastes plaines à perte de vue. On voit des chameaux sur la route ! Et des toilettes une seule fois, dans un piteux état. Littéralement un box au milieu de nulle part. Baurzhan, mon conducteur, a une playlist très drôle composée de Rihanna, Jessie J, Kygo et j'en passe, malgré ses 40 ans. Il m'amène jusqu'au point de rendez-vous fixé avec mon hôte pour cette nouvelle ville.

Serzhan m'a contactée sur Instagram, il apprend le français par lui-même sur Internet depuis deux ans et est tombé sur mon compte donc il m'a proposée de m'aider pour mon séjour à Atyrau. Il a 23 ans, a étudié à Almaty et cherche maintenant un travail. Il est originaire de Atyrau. Il me retrouve à la gare routière avec un grand sourire et m'amène directement dans un restaurant. L'occasion de rentrer dans le vif du sujet et de goûter aux spécialités locales : des sortes de raviolis dans un bento en bois, une salade délicieuse et du pain à l'ail. La chose qui me frappe en premier chez Serzhan est son niveau de français vraiment impressionnant. Il parle largement mieux français que moi allemand, mais genre de loin. Et comme il a appris en regardant des youtubers, il parle le vrai français, avec les abréviations.

Après avoir fait plus ample connaissance, il m'est d'une aide précieuse pour me procurer une carte sim. Il m'explique que le soir même il va aller avec ses amis à une soirée quizz dans un bar. Un événement auquel ils vont régulièrement, il y a une vingtaine d'équipes qui s'affrontent pendant deux heures sur des questions de culture générale. C'est en kazakh mais évidemment j'accepte de venir, trop curieuse de voir de quoi il s'agit.

En arrivant au Kazakhstan, la physionomie change radicalement, passant d'un type caucasien à un type plus asiatique. Donc dans la salle du quizz, tout le monde me scrute, pensant que je suis russe ou ukrainienne. Eh oui, pour eux, on se ressemble tous. Le quizz en lui-même, je n'y comprends rien mais l'ambiance est géniale. Les gens crient, s'applaudissent. La musique est très forte et le micro de l'organisateur encore plus. Serzhan me traduit les questions auxquelles je pourrais être utile. Laissons cette phrase au conditionnel parce que je n'ai pas vraiment aidé. Les pauses me donnent l'occasion de discuter avec les trois amis de Serzhan, curieux de mon projet et très sympathiques. Le clou du spectacle, c'est que l'équipe de Serzhan gagne ! Grosse annonce au micro, on doit tous les cinq aller sur la scène pour la remise des prix. Euh oui, même moi qui n'ai rien fait, j'étais rouge de gêne. Mais l'ambiance était très chouette.

En cette fin de soirée, Serzhan m'amène chez une de ses amies qui peut m'héberger dans son studio. Albina, une de ses anciennes collègues. On boit un énième thé tous ensemble avant d'aller dormir.


360 km : 3 voitures et 1 bus sur le pont tout fragile

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Publié le 6 octobre 2023

Jour 31 : 5 octobre 2023


Matinée tranquille : planification de mes prochains jours de voyage (eh oui, ça prend parfois du temps, je n'improvise pas tout), et détente devant des documentaires. À l'heure du déjeuner, je commence à me dire qu'il faudrait que j'aille faire un tour dans un supermarché, quand Serzhan m'envoie un message : j'arrive dans 10 minutes je t'apporte à manger. Il a été d'une gentillesse sans égale du début à la fin. Il m'offre donc un déjeuner russe paraît-il : une soupe, du pain et une boisson.

Puis nous prenons la route pour explorer les alentours d'Atyrau (la ville en elle-même n'a absolument aucun intérêt). Nous partons en direction d'un site archéologique. On discute beaucoup et je suis de plus en plus admirative de son niveau de français. Je lui fais découvrir mes musiques françaises préférées. On se questionne mutuellement sur les différences de mœurs entre nos deux pays : consommation d'alcool, mariages et divorces, relations sexuelles hors mariage, amitié entre hommes et femmes, etc. C'est très intéressant pour nous deux je crois. Il a plutôt peur de me choquer sur certains points. La tendance à retenir, c'est que quand le Kazakhstan faisait partie de l'Union soviétique, la religion n'avait pas lieu d'être, donc depuis la chute de l'URSS et l'indépendance du Kazakhstan, la pratique de l'Islam est vraiment croissantes, et cela s'accompagne d'une vision très patriarcale des relations entre hommes et femmes.

Le musée qu'on est venu voir explique l'histoire de la région et les fouilles archéologiques qui ont permis d'en savoir plus sur les peuples nomades et les différentes influences de la région. On voit de nouveau des chevaux et des chameaux le long des routes. Il va falloir que je m'habitue. Serzhan aurait aimé m'amener faire de l'équitation mais impossible de trouver un centre équestre ouvert.

On rentre donc à Atyrau bredouilles et on va retrouver Albina qui sort du travail. C'est l'heure de goûter un met particulièrement raffiné et local : Burger King. Albina en meurt d'envie. Nous passons le reste de la soirée tous les trois à nous balader sur les quais : ils me forcent à faire une séance de tir à la carabine ! Je ne m'en sors pas trop mal.


Environ 100km : une seule et unique voiture, celle de Serzhan

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Publié le 7 octobre 2023

Jour 32 : 6 octobre 2023


Albina est partie au travail très tôt ce matin mais elle m'a une fois de plus laissé les clés de chez elle en totale confiance pour que je dorme un peu plus longtemps. Je lui ai donc dit ai revoir avec, comment dire ? La tête dans le cul. Puis Serzhan est venu me chercher pour le grand départ. Il m'accompagne sur le bon axe pour faire du stop, après m'avoir une fois de plus acheté à manger pour le trajet. Comme à chaque fois, les au-revoirs sont heureux mais j'ai quand ce pincement au coeur. Je suis très heureuse de l'avoir rencontré : intéressant, curieux, profondément gentil et respectueux, que de choses qui donnent envie d'apprendre à connaître d'autres kazakh.

Au Kazakhstan, tout le monde fait du stop au bord de la route, sauf que les gens payent une petite somme au conducteur, c'est une sorte de BlaBlaCar sans le site Internet. Donc quand je réussis à arrêter une voiture, Serzhan lui explique ce que je fais et que ça sera sans contrepartie financière. Il m'aura aidée jusqu'au bout ! Mon conducteur nommé Islam est professeur de fitness et de boxe, il a même été à Bangkok, Istanbul et Moscou pour des championnats. Il est adorable : un fois rendus dans sa ville 100 kilomètres plus loin, il me conduit jusqu'à un bon spot, arrête une voiture et lui explique tout comme l'a fait Serzhan.

Aujourd'hui, je ne sais pas vraiment jusqu'où je vais : la prochaine étape serait la grande ville d'Aktau, au bord de la mer Caspienne mais c'est à 900 kilomètres d'Atyrau. Donc j'ai repéré une ville à mi-chemin sans Couchsurfing mais avec quelques petits hotels si jamais. Or j'arrive dans cette ville à 15h, donc je continue le stop mais je dois marcher à travers cette petite ville. Je passe devant une supérette et un monsieur me demande d'où je viens. Fin de la conversation, je continue mon chemin. Il me rattrape quelques minutes plus tard tout simplement pour m'offrir une bouteille d'eau fraîche. Ça fait partie des petits bonheurs quotidiens ce genre d'attention.

Un camion me conduit jusqu'à Aktau. C'est littéralement mon record absolu de distance en stop. C'est possible uniquement au Kazakhstan où toutes les villes sont espacées de centaines de kilomètres dans certaines zones. J'occupe mon trajet comme je peux : siestes, écriture, lecture, photo d'un magnifique canyon rose et blanc qu'on traverse et du coucher de soleil sur les steppes. Le camion me pose à 4 kilomètres de l'adresse de mes hôtes donc je marche d'un bon pas dans la nuit et une voiture me propose son aide. C'est sûrement un taxi mais j'accepte quand même, me disant que ça ne sera pas cher. Alors non seulement ce monsieur voulait juste m'aider gratuitement, mais en plus il s'arrête pour m'acheter un IceTea ! Décidément les Kazakh ont vraiment le coeur sur la main.

J'arrive à destination à 22h avec une faim de loup. Mon hôte Couchsurfing s'appelle Zhanarys, il habite avec sa femme Rafsangul, ses deux filles Saya et Kuralai et son fils Magzhan. Il est prof d'anglais et ses deux filles vont le devenir aussi ! C'est Saya qui s'occupe de moi à mon arrivée. Ils habitent une maison avec de grandes pièces couvertes de tapis. Il n'y a aucun lit, le soir, ils sortent des futons et des traps des placards.


900 km : 3 voitures, 1 camion

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Publié le 8 octobre 2023

Jour 33 : 7 octobre 2023


Paisible samedi matin au sein de cette famille kazakh. Chacun vaque à ses activités. Je me fais un petit-déjeuner pendant que Saya fait un grand ménage de printemps dans toute la maison. Kuralai est partie travailler. Magzhan et son papa sont en train de bricoler sous la voiture dans la cour. Je les regarde, amusée. Ils m'expliquent que c'est la "retro car", une voiture qui date de l'Union soviétique. Rafsangul a décidé de faire du pain maison en mon honneur. Je la vois pétrir la pâte et surtout préparer un grand feu dans le four extérieur dans la cour.

Je découvre qu'ils ont un cheval. L'équitation est une passion de Zhanarys, le papa. Il prépare son fidèle destrier pour l'amener en balade.

Puis vient l'heure du déjeuner. On se réunit tous autour d'une table basse dans le salon. On mange assis sur des tapis et des futons. J'ai la place des invités, en bout de table. C'est délicieux : des pâtes aux légumes et à la viande hachée, le pain maison tout chaud, une grande salade de crudités.

Puis nous partons Saya et moi au bord de la mer Caspienne ! Ils habitent en banlieue d'Aktaou dans une petite ville, et Aktaou se situe au bord de la mer. Quel bonheur ! Je n'avais pas vu la mer depuis mon séjour à Trabzon en Turquie, et c'était la mer Noire. On fait une grande balade, on s'installe sur de gros cailloux au bord de l'eau pour regarder les vagues, l'horizon, discuter et prendre des photos. Saya a 19 ans, elle étudie l'anglais pour devenir professeure. Au Kazakhstan, c'est une profession très respectée et bien payée, comme médecin. Saya adore l'anglais mais elle ne se voit pas du tout devenir prof. Sa vraie passion, c'est faire des gâteaux et elle rêve d'ouvrir un jour sa boutique. Elle me parle des autres voyageurs qu'ils ont accueillis auparavant dans leur famille, ils sont habitués. Et elle me pose plein de questions sur ma vie en France. J'ai l'impression qu'accueillir des touristes est un peu son échappatoire. Ça lui donne une excuse pour quitter la maison et aller faire un tour en ville ou au bord de la mer. Elle a l'air très heureuse d'être là. Dans la maison, je l'ai plus vue faire le ménage que faire des gâteaux ou se détendre pour l'instant.

Il est l'heure de rentrer. On affronte le bus en heure de pointe aux milieux des travailleurs et d'un groupe de pré-ado particulièrement agaçantes. Saya m'amène au supermarché pour que je m'achète un pique-nique pour mon excursion du lendemain. Sur la place principale, des gens sont en train de monter une yourte. Il paraît qu'il y aura une fête demain. Je passe quelques appels et c'est l'heure de boire du thé en famille. On grignote du pain avec du yaourt et du miel. Fin de la soirée.


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Jour 34 : 8 octobre 2023


Alors ce matin j'ai eu honte. J'ai rendez-vous à 8h45 dans le centre ville avec une agence pour partir en excursion toute la journée dans les alentours d'Aktau. Donc je mets la veille mon réveil à 7h20 consciencieusement. Quand je me réveille, la maison est très calme. Seul Zhanarys le père est réveillé. Je grignote du pain-beurre, je me prépare. Je dois prendre un taxi pour aller au point de rendez-vous donc je m'apprête à partir. Zhanarys vient me dire qu'il est très tôt et que je vais être très en avance, que je ferai mieux de prendre un plus gros petit-déjeuner. J'essaye de lui expliquer que je ne veux pas arriver en retard, le temps d'attraper un taxi, etc. Il insiste et moi aussi, c'est presque gênant. La mère est réveillée, elle ne parle pas anglais mais me voyant prête à partir, elle réveille Saya. Encore à moitié endormie, elle vient également me dire que je pars trop tôt, en me montrant sa montre : il est une heure plus tôt ! Allez savoir pourquoi mon téléphone s'est mis à l'heure d'Almaty et pas à l'heure d'Aktau ! Ils ont dû me prendre pour une psychopathe de la ponctualité à me réveiller à 6h20...je me confonds en excuse en leur montrant mon téléphone et j'enrage dans ma tête d'avoir perdu une heure de sommeil.

Me voilà partie une heure plus tard en excursion dans un minibus avec une famille parents et enfants russo - kazakh, un groupe de femmes kazakh, un homme seul kazakh nommé Nurbek, un homme seul russe nommé Konstantin et le seul touriste occidental avec moi, William le londonien. Notre guide Zhaina a l'air d'avoir mon âge tout au plus. Elle met l'ambiance au micro. Chacun doit se présenter successivement. Ça parle beaucoup russe et kazakh, forcément. Nurbek est adorable et nous traduit tout. Il est ingénieur dans une boîte qui fait des outils d'aide aux enfants en situation de handicap. Il est originaire d'Astana et est récemment installé à Aktau.

Notre première visite est une mosquée souterraine très étonnante. Elle date du XIIe siècle et il y aurait un réseau de 300 mosquées creusées sous le sol toutes reliées entre elles dans la région d'Aktau, qu'on appelle d'ailleurs le Mangystau (la région). Rituel habituel : les ablutions en non-mixité, je me couvre la tête, on retire les chaussures et on descend par un escalier dans cette mosquée-cave. Ce lieu est particulièrement sacré : beaucoup de personnes notables y sont enterrées. La mosquée est composée de trois galeries : une salle de prière, une salle de classe et une salle où l'on n'entre pas par respect pour les morts.

Il est l'heure de déjeuner. Il semblerait que l'on soit accueilli par la communauté qui prend soin de ce lieu sacré. On mange dans une salle tout à fait typique : tapis au sol, tables basses recouvertes de pain, de friandises et de pilaf : du riz frit avec des légumes et du boeuf. On mange en tailleur autour de cette longue table. Je suis vraiment agréablement surprise : en passant par ce genre d'agence à touristes, je m'attendais à ce qu'ils distribuent un sandwich.

Le clou du spectacle est réservé à l'après-midi. Nous allons voir le canyon Ybyk. Ça me rappelle beaucoup Antilope Canyon de l'Ouest américain. C'est très difficile à décrire à l'écrit donc je me contenterai de mettre une photo. On a passé un super moment. L'escalade de certains passages a donné des moments collectifs très comiques. On a pris respectivement des dizaines et des dizaines de photos du canyon et ses ornements sous tous les angles. Concernant mes compagnons de route, Konstantin est originaire de Saint-Petersbourg. Il est foncièrement opposé à la guerre en Ukraine et n'en peut plus de Vladimir Poutine. Cela fait un an qu'il a quitté la Russie. Il a vécu à Tachkent et est maintenant installé à Almaty. Je lui ai parlé des nombreux tags anti-russes que j'avais vu à Tbilissi en Géorgie, en protestation contre l'occupation russe de certains territoires géorgiens. Il m'a expliqué que de toutes façons, ces tags étant écrits en anglais (exemple : Russans fuck off = dégagez les russes), seuls les Russes parlant anglais, donc étant ouverts à la culture occidentale, opposés à la guerre et respectant les souverainetés ukrainiennes et géorgiennes comprendront les tags. Konstantin a l'air particulièrement touché par cette situation.

William le londonien est prof de langues. Je n'en ai jamais autant croisé de ma vie que ces dernières semaines. Il a enseigné le français et l'allemand à Londres mais ces dernières années il était prof d'anglais à Berlin. Il est fou de cette ville, et surtout le métier de prof est mieux rémunéré qu'à Londres et la vie y est bien moins chère. Il n'aura pas de rentrée des classes cette année puisqu'il a quitté son travail pour faire un très long voyage : aller d'Allemagne jusqu'au Japon en train !

Après cette belle journée, nous sommes de retour en ville vers 17h et je rentre à la maison. Je discute avec Zhanarys de mon parcours, mes études. Il y a les infos à la télé donc je le questionne sur la position des Kazakh par rapport à la guerre en Ukraine. Évidemment ils y sont fermement opposés. Le russe est la deuxième langue nationale du pays, pratiquement tout le monde le parle couramment mais depuis la guerre, une très grande partie de la population a choisi d'arrêter de le parler, que ce soit dans le cadre professionnel ou personnel. Zhanarys, lui, ne regarde plus de films russes ou de programmes russes à la télé.

La soirée approche et on s'apprête à partir pour l'anniversaire de la belle-sœur de Zhanarys. Il y a une vingtaine de convives, en comptant beaucoup d'enfants de tous âges. Il y a au moins deux fois trop à manger mais c'est délicieux : des petites parts de pizzas, des mini-wraps, du pilaf, des salades. Pour le dessert, c'est Saya qui a fait des magnifiques gâteaux, dont un particulièrement délicieux. Ils ne chantent pas de Joyeux Anniversaire mais chacun leur tour prononcent des voeux assez développés et personnels qui peuvent concerner la santé, la vie familiale, les accomplissements personnels. Un des garçons de onze ans semble être un petit génie parce qu'il me parle dans un anglais assez correct, et c'est bien le seul. Sa petite soeur de quatre ans vient sans cesse me faire des câlins. Encore une journée bien remplie !


200km en minibus

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Publié le 10 octobre 2023

Jour 35 : 9 octobre 2023


En termes de paysages, laissez-moi vous présenter la plus belle journée de ce voyage. Je passe par la même agence que la veille pour explorer une autre partie du Mangystau, la plus réputée.

Nous voyagerons avec le même minibus mais nous serons seulement cinq touristes à bord (hier on était 15). Je retrouve William le prof londonien au point de rendez-vous. Les trois autres touristes sont des femmes kazakh de la région d'Almaty venues en vacances ici. Notre guide du jour s'appelle Batyrbek et est accompagné du chauffeur, qui ne parle pas anglais mais a l'air d'être un sacré rigolo. Batyrbek, lui, se débrouille assez bien en anglais, en même temps il est étudiant pour devenir prof de langues. Il fait ce job de guide à côté de ses études quand il a le temps. On a beaucoup de route à faire mais cela passe très vite : on discute pour se présenter, on s'arrête boire un thé à une supérette sur la route, j'écris, Batyrbek nous explique l'histoire de la région.

Aktau est une ville très récente, construite dans les années 1960, après qu'on ait découvert son potentiel en uranium, puis en pétrole. Globalement, toute l'économie du Kazakhstan repose sur le pétrole.

L'objectif du jour est d'aller sur trois sites particulièrement magnifiques du désert du Mangystau. Les deux premiers sont à Bozzhyra, un plateau qui, avec l'érosion, s'est transformé en un véritable décor de l'univers Star Wars. On en prend plein la vue. On se croirait sur une autre planète. L'air est très pur donc on voit très très loin. Le panorama est magnifique. Il y a un vent de malade, par moment on ne peut même plus marcher.

Batyrbek et notre chauffeur sont hilantants : tout le temps en train de faire des blagues, de rire à gorge déployée et de chercher la petite bête. Batyrbek nous dit que c'est son frère d'une autre mère. Leur relation est très chouette. Ils réussissent par je ne sais quel miracle à lancer un feu dans ce vent à décorner les boeufs pour faire du thé. Ils installent une table de pique-nique, des sièges et le déjeuner dans ce cadre idyllique. Au menu : bon comme hier, il fallait s'y attendre, du pilaf, du pain, de la salade et du thé. C'est toujours aussi bon, encore même meilleur avec cette vue.

On profite encore un peu de cet endroit en prenant des centaines de photos, en méditant et en observant le sol car on y voit de nombreux fossiles de crustacés et des gros insectes que je ne saurais nommer.

On reprend la route sur les chemins de terre qui secouent notre véhicule dans tous les sens. Petite pause très sympa en chemin pour s'approcher d'un troupeau de chameaux. Et nous arrivons au dernier spot de la journée : Tiramisu Canyon. Oui, oui, et on comprend vite pourquoi. Des rayures oranges, roses, blanches et marrons à perte de vue sur de nombreuses collines. En plus de ça, le sol est légèrement mou : on se croirait vraiment sur un gâteau. J'ai l'impression d'être sur Mars. C'est fantastique. On se balade tout le long des couleurs, admirant les différentes facettes du paysage. Cette journée est vraiment magique. Et Batyrbek et William y contribuent beaucoup. Ils sont très drôles et font les fous.

Alors on a quand même droit à un petit moment de flip : le seul autre véhicule de touristes est sur le site en même temps que nous et un des touristes nous appelle pour que Batyrbek fasse la traduction avec leur chauffeur kazakh. Le touriste ne sent plus la partie gauche de son corps, bras et jambe, et doit aller aux urgences le plus vite possible. Je ne saurai jamais s'il va mieux mais ils sont partis une minute après que l'information ait été traduite.

Sur le trajet du retour, Batyrbek a encore et toujours une énergie débordante. Il met la musique à fond et danse, nous entraînant avec lui. Heureusement que la circulation n'est pas dense et que le risque d'accident est très faible parce qu'il est inarrêtable.

Je dis au-revoir à cette équipe de choc à regret. J'ai passé une merveilleuse journée. Ils m'ont même déposée devant chez ma famille d'accueil pour ne pas que j'ai à prendre un taxi.

Soirée tranquille : je raconte ma journée à Saya et Zhanarys autour d'un bon repas et je refais mon sac. C'était ma dernière journée ici !


400km : 1 minibus

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Publié le 12 octobre 2023

Jour 36 : 10 octobre 2023


Il est temps de dire au-revoir à cette famille d'accueil. Saya est adorable et m'offre un petit échantillon de parfum comme cadeau de départ.

Aujourd'hui, je veux rejoindre la ville kazakh la plus proche de la frontière avec l'Ouzbékistan : Beineu. Cela s'avère être une tâche assez facile. De toutes façons, il y a peu de villes dans cette zone, mes conducteurs m'aident forcément sur de longues distances. Le premier d'entre eux a les dents complètement dorées, et ce n'est pas la première fois que je vois ça chez les Kazakh. Le second est accompagnée d'une petite choupette de trois ans très rigolote. Il fait des yeux tout ronds quand je parviens à lui faire comprendre que je suis venue de France en stop. Mon troisième et dernier véhicule est un sept places occupé par six hommes qui ont littéralement tous fait la sieste pendant les trois heures de trajet, sauf le conducteur heureusement. Je n'ai pas du tout réussi à comprendre ce qu'ils fabriquaient tous ensemble.

La ville de Beineu est assez petite et n'a absolument aucun intérêt. Très compliqué d'y trouver un commerce ouvert. Je prends le premier hôtel venu, vraiment miteux. Pas d'eau chaude, frigo et placard cassés, crasse, puanteur, matelas à ressorts qui te transperceraient le dos. Je préférais franchement les futons de la chambre de Saya.

Je pars faire un tour en ville, je meurs de faim. Je trouve le seul restau ouvert qui fait littéralement tout : pizzas, kebab, burgers, mais aussi sushis et cuisine locale. Mon plat de craquage habituel c'est bien évidemment la pizza. Je profite de cette atmosphère plus sympa qu'à l'hôtel pour lire, écrire, repérer la route du lendemain (si je savais réellement ce qui m'attend...). Journée transfert en somme.


460 km : 4 voitures, 1 camion

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Publié le 12 octobre 2023

Jour 37 : 11 octobre 2023


À bientôt le Kazakhstan ! J'ai passé une semaine fantastique, et je compte bien revenir dans ce pays. Ce sera après l'Ouzbékistan, pour explorer la région du Sud-Est cette fois-ci. Je fais donc du stop de bon matin à Beineu. Un taxi s'arrête et propose de m'amener gratuitement à la frontière (qui est quand même à 70 km), allez comprendre. J'accepte évidemment.

Commence alors un épisode assez marquant de ce voyage, pas forcément dans le bon sens du terme. À la frontière, les voitures doivent passer le contrôle seulement avec le conducteur à bord. Les passagers et les bagages doivent passer le contrôle à un autre endroit. Cela ne me change rien personnellement mais je me retrouve au milieu de centaines de personnes avec au moins cinq ou six bagages chacune. Les gens sont complètement à cran, se poussent à moitié, c'est assez horrible. Ambiance Calais, j'étais la seule touriste j'en suis certaine. On fait deux queues interminables, une pour sortir du Kazakhstan et une pour entrer en Ouzbékistan. Tout ce manège dure au moins deux heures, dans un froid et un vent glacial. Les gens sont emballés dans des couvertures, un monsieur se protège de la pluie avec un sac plastique sur sa tête. Tout le monde pousse et essaye de doubler donc on est complètement serrés les uns contre les autres. Mon miracle arrive quand un militaire hurle de laisser passer toutes les femmes devant. Alors là pour enjamber tout ce monde et ces bagages c'est folklorique. Mais j'y parviens et cette manœuvre me raccourcit le calvaire glacial d'au moins trois heures je pense, parce que nous n'étions que 10% de femmes. Pour patienter, j'envoie un message à Serzhan pour lui demander s'il a une idée de ce qu'est ce flow de personnes : ce sont des citoyens ouzbek qui vont travailler durant des mois en Russie ou au Kazakhstan parce qu'il n'y a pas assez de travail dans leur pays. Là en l'occurrence ils reviennent chez eux. D'où le volume des bagages et l'ambiance pesante.

Une fois en Ouzbékistan, j'ai eu le temps de congeler complètement. Je rajoute des couches de vêtements et je continue le stop dans le vent et la pluie. Évidemment, toutes les voitures qui passent sont pleines à craquer de bagages et de personnes. Un camion finit par s'arrêter. Kulmamat, 53 ans, tout sourire. Je comprends vite pourquoi mon GPS indiquait huit heures de trajet pour 300km. La route, ou plutôt le chemin, est jonchée de trous et recouverte de gadoue. Et dans l'Ouest de l'Ouzbékistan, c'est le désert, il n'y a pas d'autre option. Alors autant vous dire qu'en camion, c'est très très très lent. Je n'arriverai pas à destination ce soir. Difficile de s'occuper à cause des nombreuses secousses dues aux trous dans la route. Kulmamat ne parle pas anglais mais on arrive à se communiquer les informations capitales, genre les pauses pipi. Il conduit de 13h à 20h30 dans cette gadoue sans fin, ça a l'air éprouvant. Et on s'arrête une heure au milieu de nulle part pour changer une roue. Heureusement son collègue d'un autre camion est là pour aider. Ma maigre contribution à cette manœuvre aura été de prêter ma lampe frontale. Je dors sur la couchette du camion, Kulmamat roule jusqu'à 3h du matin (comment est-ce possible ?) puis dort à son tour sur la deuxième couchette (une sorte de lit superposé).


350 km : 2 voitures, 1 camion

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Publié le 14 octobre 2023

Jour 38 : 12 octobre 2023


Au petit matin, on repart. Cela fait 36h que je n'ai pas mangé autre chose que quelques chips et biscuits, une semaine que je n'ai pas pris de douche chaude. J'ai déjà été en meilleure forme. Kulmamat me dépose à 100km de Nukus. Je redécouvre alors un plaisir très simple qui est celui de marcher après avoir été immobile pendant tant d'heures.

Mes hôtes Couchsurfing sont Timur et son fils David de 12 ans. C'est David qui m'accueille, son père lui a bien appris l'anglais ! Il est aux petits soins et me fait visiter, me sert un thé, m'explique comment marche la télé. Quand soudain, il débarque avec un sac plastique qu'il met au congélateur en me disant, tout fier, "c'est de la viande de chien !". Ah d'accord... Ça m'a fait bizarre j'avoue. Après tout, au Kazakhstan ils mangeaient bien du chameau et du cheval.

La journée fut très tranquille : quête d'un bon repas, grande balade dans Noukous, découverte d'une jolie mosquée, repos. Noukous est une grande ville pas très jolie, avec des rues très larges dénuées de tout charme. Il pleut et les parcs sont oranges, jaunes et rouges : j'avais presque oublié que l'automne est arrivé. Difficile de me faire comprendre des locaux : ça n'est absolument pas touristique et personne ne parle anglais. La scène du restaurant et celle du taxi pour rentrer furent donc très longues. Dans la mosquée, une petite fille de trois ans est toute agitée et ne cesse de me parler mais je ne comprends rien et lui réponds en sourires.


170 km : 1 camion, 1 voiture

39
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Publié le 15 octobre 2023

Jour 39 : 13 octobre 2023


Et je repars en stop une fois de plus ! En Ouzbékistan, c'est quand même assez compliqué parce que la plupart des gens se déplacent aussi en "stop" en rémunérant leur conducteur comme un taxi partagé. Imaginez moi essayer d'expliquer en anglais à des gens qui ne le parlent pas que moi, euh en fait bah je suis une touriste et que je voyage écolo et économique donc euh bah je paye pas ! Spoiler : j'ai pas essayé d'expliquer. Donc j'ai lâché un petit billet à la fin du trajet. Je suis arrivée à Khiva, une ville carrefour de la route de la soie.

Je trouve un burger absolument délicieux non-loin de mon hôtel et je pars rejoindre.....mon grand-père Robert !

Ça c'est un hasard assez exceptionnel. Il avait prévu ce voyage en Ouzbékistan depuis trois ans, en passant par une agence. Mais avec les péripéties de notre ami COVID, Pépito se retrouve en Ouzbékistan précisément la même semaine que moi. Il est contraint par un programme, un guide et un groupe, mais cet après-midi il a quartier libre !

Je pénètre alors dans la vieille ville de Khiva qui est un véritable musée à ciel ouvert. Nous grimpons en haut d'une tour carrée pour accéder à un chouette point de vue, et la photo envoyée à toute la famille s'impose. Mon grand-père et moi-même sommes aux anges de se retrouver dans ces conditions. Nous sommes allés boire un café et déguster un dessert en terrasse panoramique pour se donner les nouvelles. Pour la soirée, il réussit à m'incruster aux activités de son groupe. Donc je me retrouve sur le roof top de son hôtel, avec vue sur les monuments de Khiva d'une part, et sur le coucher de soleil d'autre part. L'apéro est servi aux anciens : vin rouge ou vodka servie avec du jus d'orange ou bien du jus de cerise. Ah la vodka ! Ce vestige de l'ex URSS. Nous avons droit à un chouette spectacle de musique et de danse : l'équivalent des maracasses, tambourin et mandoline, ainsi que deux danseuses avec de magnifiques costumes. À la fin, elles entraînent les spectateurs dans leur danse. Donc on rigole bien. Pépé va guincher, ainsi que Germaine, une dame de 97 ans assez impressionnante et vaillante.

Pour le dîner, nous sommes reçus dans un belle salle où il faut enlever ses chaussures. Ça fait râler les vieux évidemment. Je discute avec des retraités randonneurs de compétition. Et je découvre la bonne soupe ouzbek.


170 km : 3 voitures

40
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Publié le 16 octobre 2023

Jour 40 : 14 octobre 2023


Drôle de réveil ! Mon père qui toque à ma chambre d'hôtel à 7h du mat ! Voilà encore autre chose ! Oui oui, je vais avoir droit à toute ma famille en Ouzbékistan. Cette venue là était prévue depuis moins longtemps. Mon papa vient passer huit jours de voyage avec moi, pendant ses vacances.

Au programme de la journée : exploration de la vieille ville de Khiva. Elle n'est pas très étendue mais il y a un certains nombres de monuments à voir ! Mausolées, mosquées, musées, écoles coraniques, caravansérails, palais, remparts, on fait tout !

On sort même légèrement des sentiers battus en longeant les remparts puisqu'on se rend vite compte qu'il n'y a plus de touriste. Ils sont tous concentrés aux mêmes endroits ! Pour le déjeuner, on opte pour un plat traditionnel ouzbek : le plov, du riz pilaf sauté dans l'huile avec des légumes, du boeuf et des aromates.

Selon la légende, Khiva fut fondée par l'un des fils de Noé, Sem, qui y creusa le puit Keivah il y a 2500 ans. C'était alors un royaume perse. Les arabes ont conquis Khiva en 712 en y apportant l'Islam et leur architecture. Mais les splendides monuments qu'on admire aujourd'hui ne sont pas d'époque. La ville a été dévastée par les Mongols en 1221. Et les reconstructions ont eu lieu sous l'ère soviétique grâce au travail de l'architecte Alla Kouli Khan. Ça se voit légèrement.

Les bâtiments sont splendides et très bien conservés, les couleurs sont superbes.

Mais je trouve quand même que ça fait très, voir trop, musée à ciel ouvert. Ça me fait surtout un tel choc de propreté, de calme et d'esthétique par rapport à ce que j'ai vu de l'Ouzbékistan jusque là.

Les bâtiments les plus récents se fondent parfaitement dans le décor, ce qui est très agréable. À Khiva, les rues sont plutôt étroites, sauf quelques esplanades devant les bâtiments les plus grandioses. Donc courent tout le long des rues des stands de souvenirs et d'artisanat. Les plus jolis sont évidemment les marchands de tapis, qui font une véritable décoration des rues. Parmis les curiosités locales, des énormes chapka qui ressemblent parfois à des perruques afro, les marionnettes qui sont un art de rue populaire ici, et les vêtements en poil de chameaux.

Les locaux sont adorables, très faciles, discutent facilement. Les enfants ont à coeur de nous lancer des grands "Hello !" et plusieurs femmes me demandent d'où je viens, puisque j'aurais apparemment la physionomie ouzbek.

Plus le soleil décline, plus la lumière est belle et met en valeur les monuments. C'est le moment parfait pour monter en haut du minaret le plus élevé de la ville. L'ascension est sportive : les marches sont super hautes et irrégulières. Mais la vue vaut le coup.

Enfin, nous assistons à un spectacle de funambulisme dans la cour d'un bâtiment historique. Cette tradition de cirque n'est pas nouvelle, nous avons vu la même scène sur une photo d'une exposition dans un des musées. Le numéro est assez impressionnant. Je ne m'attendais absolument pas à voir ça ici.

La journée touche à sa fin. Nous organisons notre excursion de demain et cherchons où manger ce soir. Ce n'est pas chose aisée parce que bizarrement, les restaurants sont très rares à Khiva. Je profite du temps calme de l'apéro pour appeler mon frère qui est en week-end avec nos amis de la fanfare. Au menu : des nouilles vertes, une spécialité de Khiva et des brochettes kebab au barbecue. Le soir, la ville est magnifiquement illuminée. On se croirait vraiment dans un conte des Milles et une nuits.

41
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Publié le 16 octobre 2023

Jour 41 : 15 octobre 2023


Ce matin, nous quittons Khiva pour aller voir trois forteresses très impressionnantes, situées au milieu de nulle part, dans les alentours d'Ourgench. Nous avons un chauffeur pour toute la journée. Oui oui, mes habitudes de voyage changent énormément quand je suis accompagnée. Notre chauffeur ne parle pas du tout anglais mais il est aux petits soins. Les trois forteresses sont assez différentes : la première date du IVe siècle et est très massive de l'extérieur. Nous sommes seuls au monde à la visiter. Elle serait reliée par un souterrain à la deuxième alors qu'elles sont séparées de plusieurs dizaines de kilomètres en voiture ! La seconde forteresse est déjà en cours de visite par un groupe de retraités français et belges qui sont amusés de nous voir voyager en solo. On profite des explications de leur guide. Tous les guides francophones que nous parlons parlent extrêmement bien français, en ayant jamais mis les pieds en France. C'est franchement impressionnant. La troisième et dernière forteresse est vraiment placée sur une colline. Ça grimpe un peu pour y accéder. De là-haut, on a une super vue sur les steppes. On se croirait dans un western. Cette dernière date du IVe siècle avant J-C ! Au pied de celle-ci se trouvent une petite dizaine de yourtes prêtes à accueillir les touristes pour le déjeuner. On se laisse évidemment séduire par l'expérience. À l'intérieur, la décoration en tapis et en lampes est chargée, c'est très cozy. On déjeune par terre sur des tapis autour d'une table basse. C'est super bon : une salade pâtes à l'anneth et des poivrons en entrée, du pot-au-feu en plat et j'ai sorti le comté que mon cher papa m'a ramené de France ! On discute avec un couple de touristes canadiens, dont le monsieur est syrien et a quitté son pays à 27 ans. Ils ont fait le circuit en Ouzbékistan en sens inverse du notre.

Après ces très chouettes découvertes, on reprend la voiture. Notre chauffeur nous amène à Boukhara, la deuxième étape. On a six heures de trajet. Les endroits qu'on traverse nous laissent admirer des champs de coton, des stations service avec 500 mètres de queue, et quelques villages un peu tristounes. La route est dans un sale état et il y a des radars à tout va, on n'avance pas bien vite. Je dors pendant la moitié du trajet, à croire que j'en avais besoin. Puis, pour passer le temps, je mets des musiques sur mon téléphone et je chantonne, ce qui semble divertir notre chauffeur, qui, de temps à autres, se laisse aller à un petit mouvement d'épaule.

Nous sommes arrivés à Boukhara pour l'heure du dîner. Grand changement d'ambiance par rapport à Khiva : la ville est bien plus animée le soir. On dîne dans le premier restau venu. La table voisine est constituée d'un groupe de retraités russes, surtout des femmes, qui chantent une dizaine de chansons festives. Cela me rappelle l'ambiance des grands repas de famille en Slovénie. Après le dîner, on va rendre visite à mon grand-père qui est avec son groupe à Bukhara ce soir aussi.


530 km : 1 voiture

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Publié le 17 octobre 2023

Jour 42 : 16 octobre 2023


Si j'avais un peu peur que les trois villes de la route de la soie en Ouzbékistan se ressemblent beaucoup, cette journée à Boukhara m'a rapidement prouvé le contraire. Rien à voir avec Khiva ! Les monuments font partie intégrante de la vraie ville, où les locaux sont beaucoup plus nombreux. C'est assez étendu, le nombre de choses à voir est impressionnant.

Située sur la célèbre Route de la Soie, Boukhara est l'une des plus anciennes villes d'Asie Centrale. Elle a été façonnée au fil des siècles en fonction des intérêts stratégiques qu'elle représentait : Alexandre Le Grand, invasions arabes, mongoles, perses, Union soviétique. Étonnamment, les monuments semblent figés dans le temps, et représentent à merveille l'architecture islamique du XVIe siècle, pour la plupart.

La grande balade qu'offrent tous ces monuments est fantastique : bazars couverts sous des bâtiments à coupoles, écoles coraniques à profusion, mosquées, un mausolée du XXe siècle, un minaret de 46 mètres de haut qui surplombe toute la vieille ville tel un phare. Même les bâtiments récents se fondent dans le décor.

Près de notre hôtel se trouve un véritable lieu de vie : un parc et un étang entourés de terrasses de restaurants et de stands de souvenirs. L'ambiance y est toujours musicale. Sur cette même place, le Madrasa Nadir Divan Divanberg (école coranique), se remarque par son incroyable entrée ornée de deux immenses oiseaux fantastiques au plumage bleu et vert aux couleurs flamboyantes. Et la représentation concrète de choses est très inhabituelle dans l'art islamique.

Pour le déjeuner, on s'aventure hors du centre ville et tombons sur un marché à tout et n'importe quoi. Vêtements, nourriture, électroménager, jouets, etc. Il y a au milieu de ce bazar, un petit restau où les marchands viennent se fournir chaque jour. C'est parfait : du poulet et des frites.

L'après-midi, on continue d'arpenter la ville et de prendre des centaines de photos. C'est beaucoup plus aménagés pour les touristes qu'à Khiva. Et le nombre de stands de souvenirs n'a rien à voir. On cherche des choses sympas à ramener à la famille. Je me trouve un joli foulard en soie, acheté sur la route de la soie. Papa s'extasie devant des pins de l'ère soviétique et des ciseaux.

Aussi, on voit plus souvent des chiens et des chats de rue dans cette ville. Ils sont tout mignons, les chiens sont parfois timides mais les chats sont très demandeurs de câlins.

Après une session photos de nuit autour du très haut minaret, on va dîner et je retrouve le khachapuri, le pain au fromage géorgien.

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Publié le 19 octobre 2023

Jour 43 : 17 octobre 2023


Ce matin, après un petit-déjeuner encore délicieux, nous sortons un peu de Boukhara pour aller visiter le Palais d'été. Un taxi nous y amène. C'est l'ancienne résidence des émirs de Boukhara qui l'ont fait construire dans les années 1910. Logiquement, les bolcheviks s'en sont emparés en 1920. Et aujourd'hui, il s'agit du musée des arts décoratifs.

C'est un style super different de tout ce qu'on voit par ailleurs en Ouzbékistan. Évidemment, ça n'est pas de l'art islamique. Les couleurs sont très vives et le bois est beaucoup utilisé. On est tout de suite mis dans le bain par le magnifique portail d'entrée. On découvre les jardins où sont installés des vendeurs d'étoffes et une dizaine de paons qui se baladent ! Puis le Palais : le Versailles local, à peu de choses près. Bon ok, en beaucoup plus petit. Mais franchement, les décorations intérieures sont magnifiques. On se marre à observer un couple de touristes d'environ 50 ans : seule la femme prend en photo l'homme, toutes les deux minutes. Et il tire une tronche...il se prend très au sérieux.

Nous rentrons ensuite dans le centre de Boukhara pour visiter notre dernier monument de cette ville : une école coranique à quatre minarets. Pour le déjeuner : le traditionnel pilaf.

Cet après-midi : on prend le train de Boukhara à Samarcande. C'est seulement mon deuxième train depuis le début du voyage ! Le premier était en Hongrie. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les trains sont bien plus modernes ici. Nous sommes à côté de locaux et de deux couples de touristes italiens. Pendant le trajet, des vendeurs de fruits mais aussi de friandises, de sandwichs ou de boissons passent dans les allées, tout sourires.

En arrivant à Samarcande, c'est la folie ! On ressent tout de suite les un million d'habitants ! Cette ville est beaucoup plus grande et agitée sur les grands boulevards. On va passer le début de la soirée au Registan, le site le plus célèbre de Samarcande, que l'on découvre donc de nuit. Trois écoles coraniques gigantesques, installées l'une en face de l'autre. Le Registan, ça veut dire la place de sable. Bon, aujourd'hui c'est dallé mais il faut imaginer. On en prend plein les yeux. Les trois medersa sont assez différentes l'une de l'autre et sont magnifiques. Je vagabonde dans ce grand site. Les marchands de souvenirs sont sur leur fin de journée. Les touristes les plus passionnés de photographie sont au rendez-vous pour admirer les éclairages qui mettent vraiment bien en valeur les couleurs des façades. Je tombe absolument amoureuse de l'intérieur d'une mosquée intégralement décorée de bleu et d'or. Je reste béate un bon moment.

Il commence à se faire tard donc on cherche un petit restau dans cette zone. On atterrit dans un truc qui ne paye pas de mine mais qui nous régale de brochettes et de sortes de raviolis. On rencontre alors deux personnes qui mangent à la table d'à côté et qui se sont elles-mêmes rencontrées au Registan une heure avant. Abdulwahab, un ouzbek d'une trentaine d'années qui parle anglais avec un super accent british. Et Saskia, une hollandaise d'une quarantaine d'années qui voyage seule, principalement en train, des Pays-Bas jusqu'en Nouvelle Zélande ! C'est une très chouette rencontre, on discute voyages.


270km : 1 train

44

Jour 44 : 18 octobre 2023


On se réveille avec la ville la plus connue du pays à visiter ! Rien que ça, le programme est chargé. Nous commençons par le mausolée de Tamerlan. Alors ce cher bonhomme a littéralement fondé la ville de Samarcande et tous ses magnifiques monuments au XIVe siècle. C'était un dirigeant et conquérant turquo-perse, considéré comme l'un des chefs militaires les plus brutaux et meurtriers au monde. L'estimation du nombre de victimes dues à ses conquêtes va de un million à dix-sept millions de personnes, soit 5% de la population mondiale à l'époque. Sympa.

En tout cas, son mausolée est magnifique. L'intérieur me rappelle la mosquée d'hier soir, bleue et dorée. Il y a beaucoup de touristes des pays voisins.

On continue cette belle matinée en retournant au Registan, le même endroit qu'hier soir. Mais de jour, rien à voir ! On découvre de nouveaux détails décoratifs sur les façades. L'une des trois medersas (écoles coraniques) arbore deux gros tigres courant après une biche chacun. À l'époque, ces medersas accueillaient les élèves des plus riches familles. Ils avaient entre 3 et 21 ans, étaient une dizaine par classe et apprenaient le Coran, la littérature, la philo, les maths, les sciences, l'histoire-géo. Aujourd'hui, c'est le lieu le plus touristique de la ville la plus touristique du pays. Toutes proportions gardées. Parce que compte tenu de la beauté des lieux, il n'y a vraiment pas grand monde.

Dans les alentours du Registan, on découvre une zone piétonne franchement très agréable ! Ça change des grandes artères. Sauf qu'il se met à pleuvoir... De toutes façons, c'est l'heure du déjeuner donc on va s'abriter dans un restau où on reste finalement au moins trois heures à cause du mauvais temps. On y mange des nouilles avec du bœuf et des légumes. On est installé face à la baie vitrée donc j'observe le spectacle de la sortie des classes (oui, on a déjeuné tard), et tous les passants. Fait assez rigolo : depuis une semaine, au moins six personnes différentes m'ont dit que j'avais un visage ouzbek, en s'étonnant que je sois française.

Suite à cette très longue pause, nous sommes allés voir un monument absolument colossal, sans doute le plus imposant jusque-là : la mosquée qui porte le nom d'une des femmes de Tamerlan. Sa construction aurait nécessité 500 ouvriers, 200 architectes, artisans et maçons, et 95 éléphants indiens. Voilà. Juste à côté, il y a un marché couvert. On est arrivé sur la fin donc beaucoup de stands avaient fermé boutique mais il était immense ! Et on pouvait y trouver franchement de tout. Mon père s'achète des cacahuètes, pour changer.

Il fait maintenant vraiment nuit mais rien ne nous arrête ! On visite encore une mosquée aux couleurs très vives, et un ensemble de mausolées tous concentrés au même endroit. Même si les éclairages ne sont pas très flatteurs, on imagine la splendeur des lieux.

Pour le dîner, on retourne dans le quartier de notre hôtel : papa a repéré un restaurant très bien noté. Commence alors le sketch du menu : il est sur une tablette, sous forme de photos dans la galerie de l'appareil. Mais tout est en russe ! Donc certes, c'est numérique, mais impossible à traduire puisque c'est sur une photo. Pour résoudre le problème, je prends une pizza.

45

Jour 45 : 19 octobre 2023


Nouvelle excursion sous le soleil de retour à Samarcande. Première étape de la journée : redécouvrir le Registan avec un ciel bleu. Puis on part en quête d'un taxi partagé pour aller à Chakhrisabz pour la journée. C'est la ville où est né Tamerlan. Pour le taxi, c'est folklorique, et presque gênant : les chauffeurs se disputent notre course en baissant les prix. Puis il faut trouver deux autres passagers pour remplir le véhicule donc notre chauffeur se met à alpaguer toute la rue pendant une bonne demie-heure.

Nous faisons donc la connaissance de Sabrina qui a 17 ans et de Nilbar qui en a au moins 60. Ce qui est très amusant c'est qu'au bout de 10 minutes de trajet, ils sont tous meilleurs amis dans cette voiture. Je veux dire que ça donne l'impression qu'il s'agit de la grand-mère et de sa petite fille et qu'elles se connaissent, alors que pas du tout. Avec le chauffeur, ils se marrant. Je ne sais pas quelle nationalité est le plus l'attraction de l'autre.

On fait une pause sur la route pour aller admirer un magnifique point de vue sur une colline et Nilbar grimpe aussi ! Elle tient à être sur les photos. On en prend d'ailleurs quelques-unes à côté d'un énorme rocher en forme de coeur. La scène est assez lunaire : il y a une énorme balançoire face à la vue, un monsieur habillé en indien d'Amérique (je ne sais pas pourquoi), un cheval. Bref, ils se sont crus au far West. Et le chauffeur de taxi qui pousse Sabrina sur la balançoire, c'est comique. Nilbar et Sabrina sont vraiment trop mignonnes et veulent des photos avec nous et me font des câlins.

En arrivant à Chakhrisabz, nous découvrons un immense parc où se trouvent les différents monuments à admirer. À seulement deux ou trois endroits dans le parc se trouvent quelques groupes de locaux ou de touristes. Sinon, c'est vraiment désert. Très bizarre parce que le parc est propre, agréable et bien aménagé. On commence par le mausolée de Tamerlan (oui oui, le mec a deux sépultures) et son immense statue. Les couples de mariés font des photos. D'ailleurs, les mariées ont bien souvent une épaisse couche de maquillage assez affreuse qui leur pâlit la peau et leur donne un air fantomatique. Aussi, leur faculté à tirer la tronche sur les photos me laisse perplexe.

On continue notre balade en quête d'un peu plus d'animation. Sur notre plan, il est indiqué un marché. En réalité, que nenni. Simplement deux grands bâtiments avec ce qui semblerait être une boutique de tissus à l'intérieur. Je remarque qu'il s'agit en fait d'un atelier dans lequel une dizaine de femmes travaillent sur des métiers à tisser ! Alors on observe timidement et elles nous invitent à entrer. Le spectacle est magnifique. Deux rangées de femmes travaillant minutieusement. Ce travail est extrêmement précis, les dessins qu'elles tissent sont très fins et le nombre de fils est impressionnant. Le décor de cette scène : des tapis de toutes les couleurs. Des enfants en bas âge jouent au milieu de l'atelier et sont trop heureux de nous dire bonjour et nous faire coucou. Une des femmes me fait asseoir à ses côtés pour m'apprendre à faire un point sur son ouvrage. Je suis toute gênée et j'ai peur de faire n'importe quoi. Dans le bâtiment d'en face, des femmes font de la broderie ou travaillent sur des machines à coudre. Elles sont assises sur des tapis autour d'une table basse et se servent du thé. Les couleurs sont encore une fois flamboyantes. Nous sommes vraiment bien accueillis partout où nous allons.

On va déjeuner dans le seul restau ouvert aux alentours de ce parc. C'est vraiment étrange qu'il y ait si peu de commerces dans cet endroit. On prend une soupe et des raviolis, une spécialité locale.

Encore quelques visites autour de ce parc puis il est temps de rejoindre notre chauffeur de taxi qui nous attend, à l'affût. Il se charge de trouver deux nouvelles passagères pour rentrer à Samarcande. Les négociations sont agitées. L'une d'elle s'appelle Deldora et a 20 ans. Elle parle un peu anglais et m'explique qu'elle fait des études de philosophie et de langue russe pour devenir prof. Par ailleurs, elle est complètement fan de K-pop. On passe par des paysages magnifiques, avec la lumière de fin de journée. Montagnes, vallées, collines, champs. On passe même un col.

Devinez où on va traîner pour prendre des photos en arrivant à Samarcande. Oui, bien joué, le Registan, pour la quatrième fois. En même temps, ce lieu est le plus impressionnant de tout le pays. Et c'est toujours le forum des ouzbek. Ils viennent ici traîner, dater, parler aux touristes pour améliorer leur anglais. C'est ainsi que trois lycéens viennent se présenter à nous et nous demander une photo. Un peu plus tard, un étudiant et une fille qui l'accompagne viennent s'asseoir avec moi pour discuter. Diyorbek étudie l'informatique et parle assez bien anglais, uniquement grâce au Registan et ses touristes me dit-il. On discute de la situation à Israël et en Palestine, de la guerre en Ukraine, de l'Islam en France. La jeune fille est encore en terminale et ne parle pas anglais mais russe. Ils se sont rencontrés il y a trois semaines ici même et n'avaient pas le contact l'un de l'autre jusqu'à aujourd'hui. Donc Diyorbek venait tous les jours dans l'espoir de la voir. Trop mignon. Quand papa a fini de prendre pour la 200e fois la même photo (je plaisante), nous marchons un long moment pour rentrer dans le quartier de l'hôtel et aller dîner. Dernier soir à Samarcande.


170 km : 1 taxi


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Publié le 21 octobre 2023

Jour 46 : 20 octobre 2023


L'hôtel est tenu par une famille adorable. Ils nous font une remise sur la chambre parce qu'on ne prend pas notre dernier petit-déjeuner. Nous avons un train assez tôt pour Tashkent. Et un membre de leur famille nous dépose à la gare en voiture ! Le train est encore plus confortable que le précédent qu'on a pris, presque l'équivalent d'une première classe en France. Nous passons toute la matinée dans le train qui est assez lent : j'écoute de la musique, j'écris, je regarde vaguement l'émission Boliwood qui passe sur les écrans.

En arrivant à Tashkent, on se rend alors compte que Samarcande n'était peut-être pas une si grande ville que ça. Tashkent est bien plus développée économiquement. On trouve un endroit où manger et surtout poser nos bagages. Je suis aux anges parce qu'ils passent sur une télé des clips que j'adore : Stromae, Dr. Dre, Rihanna.

Notre hôte Couchsurfing est toujours au travail donc on va, péniblement avec nos sacs, visiter la plus belle mosquée de Tashkent. Elle est toute neuve mais le bâtiment est très grand et minutieusement décoré. Et de gros panneaux électroniques indiquent les heures de prière. Charmant. On dépose nos bagages près d'un monsieur qui vend des chapelets pour se soulager un peu. À peine une minute après mon entrée dans la mosquée, un monsieur me déloge gentiment. Je comprends quelques instants plus tard lors de l'appel du muezzin : c'est l'heure de la prière, et je n'ai pas exactement la dégaine d'une fidèle. On se balade dans le parc autour de la mosquée puis nous allons récupérer nos sacs à la fin de la prière. Il est temps de marcher en direction de l'appartement de notre hôte. Nous passons par un grand cimetière. C'est super intéressant : les tombes vont du simple tas de terre, sans même le nom du défunt, à la sépulture couverte des intempéries par un habitacle de marbre habitant une sculpture taille réelle de la personne concernée. Tout ça en passant par des tombes de taille plutôt classique, avec parfois le portrait de la personne gravé sur le marbre !

Nous rencontrons enfin Shozeh, une quarantaine d'années. Un monsieur très gentil et content de nous accueillir. On fait connaissance autour d'un thé : il est iranien mais cela fait huit ans qu'il vit à Tashkent parce qu'il déteste le régime iranien et le dit clairement. Il a pourtant une fille de 10 ans en Iran, qui vient passer ses étés avec lui. Shozeh nous explique aussi qu'il n'est d'aucune religion. Il rêve de liberté en Iran et nous fait écouter une très belle musique dont les paroles seraient au sujet des femmes opprimées en Iran. Par ailleurs, il est patron d'une boîte qui fait des ascenseurs.

Pour le dîner, Shozeh passe une cuisine, une de ses passions. Il nous fait deux sorte de purée froide (même texture que du houmous) : une aux aubergines et noix, une à la grenade. À manger avec du pain délicieux et de la coriandre ou de la menthe. On se régale. Ma tâche fut de couper les noix en miettes.

À la fin du repas viennent les shots de vodka ! On écoute de la musique et Shozeh nous dit qu'un bar dansant juste en bas de chez lui nous plairait beaucoup. Et comment ! Il y a un groupe de musique live, la piste de danse est endiablée. Ils jouent à la fois des musiques russes, ouzbek et des tubes internationaux comme du Britney Spears, Black Eyed Peas, Gangsta's Paradise. Shozeh danse comme un fou. C'est génial ! Une super soirée.


310 km : 1 train et 1 métro.

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Publié le 22 octobre 2023

Jour 47 : 21 octobre 2023


Pour bien commencer la journée, on prend un délicieux petit-déjeuner avec Shozeh et Riza, un de ses amis et collègues iranien qu'il héberge et qu'il a employé dans sa société. Pain tout chaud délicieux, beurre, confiture de fraise, comme à la maison quoi ! Avec du thé noir au safran, une subtilité iranienne.

La grande attraction de Tashkent, c'est le bazar Chorsu. Il est vraiment grand, étendu à la fois en plein air et sous différentes halles. C'était un moment génial : déambuler au milieu de tous ces marchands de thé, épices, fruits et légumes, pain, oeufs mais aussi vêtements, cosmétique, à peu près tout en fait. Les couleurs sont très variées, les odeurs aussi. Et surtout les commerçants sont sympas comme tout ! La plupart nous font des grands sourires ou des signes de la main en nous voyant prendre des photos. L'un d'entre eux m'invite même à venir poser avec lui avec derrière son stand. Et en prenant les photos, nous rencontrons trois jeunes touristes kazakh venus voir un concert à Tashkent. Ils sont du Mangystau, la région où j'ai vu les splendides canyons, donc je leur raconte évidemment. On continue notre grande balade et mon père achète un bob brodé de motifs typiquement ouzbek pour mon frère Alexis (je sais qu'il ne lira pas ces lignes cet idiot, pas de risque de gâcher la surprise). Il achète aussi du thé aux fruits rouges. Et moi un gobelet plein de framboises à consommer tout de suite ! On ne peut pas dire qu'on a coulé sous les fruits dernièrement.

En périphérie du marché se trouve le plus joli monument de Tashkent, paraît-il. Une medersa qui n'a rien à envier ni à Khiva, ni à Boukhara ni à Samarcande mais c'est vrai qu'elle est jolie. L'originalité est son jardin très fleuri dans la cour intérieure. Et elle est toujours en activité : nous croisons des lycéens qui vont en cours à l'intérieur.

Pour le repas du midi, nous nous engouffrons à nouveau dans le marché. Au milieu de celui-ci trône un stand de restauration. Grillades de poulet et de boeuf, salade de tomates et d'oignons, pain, thé. Après cette pause, papa veut s'acheter un ultime souvenir de ce beau pays : un magnet. Se déroule alors une scène absolument incroyable. Un jeune homme français vient me parler, me dit qu'il m'avait vu au stand en train de manger mais qu'il ne voulait pas me déranger. Je me dis qu'il s'agit juste de sociabilité entre touristes. Bien plus que ça ! Il me suit sur Instagram depuis le début de mon voyage et m'a reconnue ! Je suis estomaquée. Nous sommes au beau milieu du bazar de Tashkent. Si on avait voulu organiser une rencontre, on aurait eu beaucoup de mal. Il s'appelle Sacha et est étudiant en physiques. Il va faire un stage de six mois dans un laboratoire à Shenzhen en Chine et a décidé d'y aller sans prendre l'avion. Nous voilà donc à Tashkent en même temps, incroyable !

Nous reprenons le métro pour voir les locaux d'une association autour de la culture ouzbek. Le lieu est charmant : atelier de couture, boutique de souvenirs faits à la main, café avec pâtisseries ouzbeks, salle d'exposition, petite cour avec un modèle de maison typiquement ouzbek. Deux dames tout sourires nous parlent spontanément. L'une d'entre elle travaille sur un projet pour rendre l'apprentissage des langues accessibles à tous. Elle nous explique qu'en Ouzbékistan, les professeurs de langues les enseignent souvent en russe. Donc ceux qui ne parlent que l'ouzbek ne peuvent pas apprendre l'anglais par exemple. Par contre à Tashkent, le russe est bien plus parlé que l'ouzbek, à tel point que les Ouzbeks en oublient leur propre langue. Donc leur projet est de publier de nombreux cours de langues gratuits sur YouTube pour résoudre ces deux problèmes. C'est toujours très chouette de découvrir ce genre de lieu alternatif. Dans la boutique souvenirs, papa a craqué son slip et s'est acheté non pas une, non pas deux, mais trois écharpes ! Oui on marche sur la tête.

Dans les incontournables de Tashkent, on nous a beaucoup parlé de Timur Square. Peut-être qu'on n'y est pas allé au bon moment mais ça n'avait rien de grandiose. Un grand espace vert au milieu des grandes avenues. Et au centre du parc, l'immense statue de Tamerlan. Je m'attendais à plus d'animation et de monde j'avoue. Mais la météo n'était pas en notre faveur.

On rentre donc chez Shozeh et Riza. Temps calme avant la tempête. Pour le dernier soir de papa en Ouzbékistan, c'est la fiesta ! Shozeh de fait beau comme un pape. On a l'air étrange à côté avec nos pompes de rando. Il nous amène dans un très chouette endroit, un peu dîner-spectacle. Encore une fois un groupe de musique live sur une scène et nous à table. Pour changer, des grillades, mais avec des salades en entrée ! S'il-vous-plait. Après le repas, la musique change de style, c'est super dansant. Je connais tous les titres en anglais. On danse comme des petits fous. Sauf Riza qui a une infection aux oreilles et ne semble pas passer une soirée folle. Ils sont très différents l'un de l'autre nos deux amis. Shozeh est très fêtard, viandard, buveur, danseur, dragueur. Et Riza rien de tout ça. Mais il parle beaucoup mieux anglais et a l'air d'être une personne très intéressante, bien que plus timide. Et il a les yeux bleus percants de beaucoup d'iraniens. Après avoir bu un litre de vodka à nous trois, il est temps de rentrer. Papa dit chaleureusement au-revoir à nos deux compagnons. Son avion est très tôt demain matin.

48
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Publié le 24 octobre 2023

Jour 48 : 22 octobre 2033


Après une soirée endiablée, rien de telle qu'une grasse matinée. C'est dimanche donc jour de repos pour Shozeh et Riza, mais pas pour moi (si je savais ce qui m'attend...) ! Après une bonne omelette au safran et une douche, je vais prendre le métro pour sortir à l'Est de la ville. J'ai repéré un joli lac près d'une zone montagneuse qui fait la frontière avec le Kirghizistan et le Kazakhstan. Ça a l'air très joli et c'est à seulement 60km de Tashkent. Donc j'y parviens en une seule voiture. Au volant : Harvot un tadjik qui est agent de sécurité au lycée américain de Tashkent. En chemin, il s'arrête aussi pour conduire trois ados qui reviennent de leur entraînement de foot et sont éberlués de voir une française.

Ma première activité dans cette région charmante est de prendre un téléphérique amenant à un magnifique point de vue sur la ville, la montagne, la rivière et au loin le lac. Je me promène et je trouve un coin tranquille pour admirer la vue et me reposer dans l'herbe.

Mais mon problème d'hébergement commence à pointer le bout de son nez à mesure que le soleil décline. Sur Google maps, j'avais repéré plusieurs hôtels et auberges dans petite cette ville parce qu'il n'y a aucun Couchsurfing. Je me rends compte au bout de deux heures de marche et de recherche que ces établissements ont tous fermé. Je demande à de nombreux passants qui ne connaissent aucun hôtel. Jusqu'à ce jeune de 17 ans qui habite en face d'un hôtel de luxe, le seul ouvert de la ville. Il fait nuit et il propose gentiment de m'y accompagner. 100€ la nuit. Su-per. Comment dire que ce n'est absolument pas dans mon budget. Je leur explique mon voyage, et le manager propose de me faire une réduction de 50%. Ce qui est déjà pas mal. Problème : l'hôtel me demande ma "registration card" mais je n'ai pas la moindre idée de quoi il s'agit. Ils m'expliquent que les touristes en Ouzbékistan doivent être déclarés chaque nuit et que mes hôtels précédents auraient dû me donner une registration card. Non seulement ils ne l'ont pas fait, mais surtout absolument personne ne m'a parlé de ce système lorsque j'ai passé la frontière. Quoi qu'il en soit, l'hôtel m'enregistre quand même. Mais le fait qu'ils m'aient enregistrée sans entrer mon numéro de registration card (eh oui puisque je n'en ai pas), cela a alerté la police qui est donc venue jusqu'à l'hôtel. L'agent devait me mettre une amende donc j'ai expliqué une bonne dizaine de fois que personne ne m'a jamais parlé de ça en Ouzbékistan. C'était super bizarre. Finalement, le policier a accepté de repartir comme si rien ne s'était passé. Mais l'hôtel ne pouvait toujours pas m'accueillir puisque je n'étais pas en règle et que ça chamboulait tout leur système informatique. Donc pour que je ne paye ni l'hôtel à 50€ la nuit, ni l'amende exorbitante, le mieux fut que je prenne un taxi retour à Tashkent chez Shozeh. Il m'a d'ailleurs répondu très rapidement alors qu'il était 22h. Un amour. Fin de journée éprouvante donc. Heureusement que la balade au-dessus du téléphérique était sympa, parce que c'est absolument tout ce que j'aurais vu de cet endroit. Je n'y remettrai pas les pieds de si tôt.


130km : 1 voiture, 1 métro, 1 taxi

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Publié le 24 octobre 2023

Jour 49 : 23 octobre 2023


Retour à la case départ. Ce matin, Shozeh et Reza partent assez tôt au travail et moi je me remets de mes émotions en faisant une grasse matinée. Globalement, journée très tranquille. Je n'ai pas envie de repartir en stop tout de suite. Je préfère m'organiser avant de refaire des bêtises.

Donc je passe la majeure partie de ma journée dans un café au wifi parfaitement efficace. Je planifie la suite du voyage au Kazakhstan et en Chine et je passe des appels.

En fin de journée, je me dégourdis les jambes et je marche un peu moins de trois heures dans les parcs de Tashkent. De Timur Square au City Park, on peut faire un trajet de trois kilomètres quasiment exclusivement sur des rues piétonnes ou dans des parcs. Il y a notamment un immense parc qui habrite l'équivalent de la maison blanche avec des militaires partout, puis une balade le long d'un canal fort agréable.

City Park, c'est un délire. Une facette de Tashkent que je n'avais encore absolument pas vue. On se croirait à Dubaï. Des gratte-ciels entourent ce parc illuminé par différents spots de lumière qui changent de couleur en fonction de la musique "chill/lounge" qui passe dans les hauts-parleurs. Comme tous les autres que j'ai traversés jusque là, le parc est d'une propreté irréprochable. Mais pas rapport aux autres, il fait super moderne.

Pour rentrer, je me tape le métro en heure de pointe. Ça me rappelle de doux souvenirs de tram à Bordeaux. Je croise Reza dans la rue, qui rentre du travail. On discute de nos journées respectives. Il me parle beaucoup du gouvernement iranien qui le désespère au plus haut moins. Il dit qu'avant la révolution, tout allait bien. Et que ça le rend vraiment amer de se balader dans la rue à Tashkent, de voir les gens heureux et mener une vie à peu près normale où ils vont boire des coups et amènent leurs enfants au bowling. Pendant qu'à Téhéran les gens survivent et essayent d'obtenir des droits fondamentaux. La partie plus étonnante de cette discussion, surtout venant d'un homme qui paraît très cartésien, c'est quand il m'explique qu'il croit aux coïncidences, aux chiffres porte-bonheur et qu'il se renseigne sur l'astrologie. Puis je vaque à mes occupations pendant qu'il regarde un documentaire sur les étoiles. Et Shozeh débarque avec sa bonne humeur comme une tornade. Il a eu une journée épuisante avec 8h de train mais il met la musique à fond et se met à faire à manger. Des frites cuites dans du thon à l'huile, à côté d'une salade de tomates et poivrons. Le tout à mélanger comme un wrap dans du pain avec de la crème fraîche. Miam ! On discute musique. Reza veut que je lui en fasse décourvir en français. Il adore Françoise Hardy visiblement, et Indila. Reza est super bavard aujourd'hui et on parle philosophie de vie. Que signifie travailler pour accumuler des richesses toute sa vie et ne pas en profiter ? Est-ce qu'il vaut mieux accumuler de l'argent ou des expériences ? Grâce à ce voyage, je connais la réponse.


5km à pieds

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Publié le 25 octobre 2023

Jour 50 : 24 octobre 2023


Cette fois, je quitte Tashkent pour de bon ! Je dis au-revoir à Shozeh et Reza et nous avons tous les trois comme une impression de déjà vu...lol. Aujourd'hui, je laisse aussi l'Ouzbékistan derrière moi après deux semaines de magnifiques découvertes, donc une grosse moitié avec mon père. Visiter ce pays était d'une facilité déconcertante malgré la pratique du stop pas toujours évidente. Les gens étaient tous vraiment adorables et accueillants.

Tachkent se trouve tout près de la frontière avec le Kazakhstan donc ça sera facile. Je prends le métro puis un fourgon en stop jusqu'à la frontière. Suspens...non je n'ai pas eu d'amende pour cette histoire de déclaration ! Les policiers m'ont tout de même demandé cette ''registration card'' que je n'avais pas. Je leur ai dit que les hôtels ne me l'avaient pas donné. Donc pour m'éviter l'amende, ils m'ont fait montrer des photos de mon séjour en Ouzbékistan avec chaque date et chaque lieu, pour prouver que je ne faisais pas n'importe quoi avec n'importe qui. Heureusement qu'ils n'ont pas remarqué les vidéos des shots de vodka avec mon père et Shozeh. Bref. Me voilà de retour au Kazakhstan ! À la frontière, ça grouille de taxis plus ou moins officiels, donc j'ai mis pas mal de temps à trouver une voiture qui me conduise sans payer le trajet.

Ce soir, je dors à Taraz, une ville à mi-chemin entre la frontière et Almaty, la grande ville du Sud-Est du Kazakhstan. C'est en trois voitures différentes que j'y parviens. Je rencontre des personnes très gentilles.

Mon hôte Couchsurfing à Taraz, par contre, est très spécial. Je crois qu'il n'a pas bien compris le principe de la plateforme. Il ne m'a vraiment parlé pendant les quelques heures passées ensemble. Pas de tentative de faire connaissance. Au restaurant, il m'a commandé cinq plats que je n'ai évidemment pas pu finir. Le gaspillage fait mal au coeur. Surtout quand ce monsieur a engueulé un sans-abri devant le restaurant, en lui disant de partir. Il m'a amenée à une soirée quizz dans un bar avec ses amis qui parlaient tous russes et ne m'ont pas vraiment adressée la parole. Puis il m'a déposée dans un hôtel qu'il a payé et est rentré chez lui. Voilà. Peut-être a-t-il juste beaucoup d'argent à dépenser. En tout cas, c'est à peu près la seule chose dont il m'a parlé. Ah oui, notre unique conversation de la soirée fut à propos d'un pari sportif qui lui a fait gagné 2000€. Il a décrété que je portais chance et que pour fêter ça, il voulait me payer un billet d'avion direct pour Phnom-Penh. Euh, comment dire cher monsieur ? Ce n'est pas vraiment le but. En regardant le bon côté des choses, j'ai super bien mangé et bien dormi aussi puisque j'étais seule dans ma petite chambre d'hôtel. Un peu de repos.


300 km : 1 métro, 1 bus urbain, 1 fourgon, 2 voitures

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Publié le 27 octobre 2023

Jour 51 : 25 octobre 2023


Encore beaucoup de route aujourd'hui ! De Taraz, j'ai continué la route qui longe la frontière du Kirghizistan jusqu'à Almaty. Mais avant ça, Alexander est venu me chercher pour un petit-déjeuner dans son café. Rebelote : il a commandé beaucoup trop de choses et le gaspillage m'a encore fait mal au cœur. Puis il m'a amenée à un très bon spot de stop !

Là, j'étais aux anges : une voiture de deux femmes s'arrête. C'est la première fois depuis la Roumanie qu'une femme conductrice me prend en stop, trop d'émotions. Saltanat et Mubarak sont super rigolotes. Elles prennent plein de selfies et de vidéos. Et surtout, elles font un post Facebook au cas où leurs proches feraient le trajet jusqu'à Almaty et pourraient m'aider. C'est très drôle. Quand elles me déposent dans la ville de Chou qui leur va très bien, elles arrêtent une voiture et discutent avec le conducteur. Elles prennent la plaque d'immatriculation en photo, m'offrent une bouteille d'eau et prennent mon numéro de téléphone pour me demander des nouvelles. Absolument adorables.

Mon prochain conducteur s'appelle Talap. Il ne parle pas du tout anglais mais il me conduit sans broncher sur plus de 300km. Et m'achète même des Twix pendant une pause ! Je fais une sieste et j'admire le paysage.

En arrivant à Almaty, il y a encore juste assez de lumière pour que je tourne une vidéo sur mon voyage pour Instagram. Et ça tombe bien parce que mes hôtes vivent près d' un grand parc.

Mon hôte Couchsurfing s'appelle Aktoty. Elle a 24 ans et vit avec sa mère et sa cousine dans un appartement dans le sud d'Almaty. Mais ce soir, elle n'est pas là donc c'est sa cousine qui m'accueille et me parle en anglais. Elle a 19 ans et fait des études d'ingénieur. Elle est un peu timide. La mère est orthophoniste. Je passe la soirée à organiser mon séjour à Almaty. J'aimerais rester dans cette ville plus d'une semaine donc je dois trouver plusieurs hôtes pour changer d'endroit tous les deux ou trois jours. Concernant le programme, ça s'annonce compliqué parce que la météo est très pluvieuse. Je passe quelques appels et la journée touche à sa fin.


500 km : 3 voitures

52
52
Publié le 27 octobre 2023

Jour 52 : 26 octobre 2023


Alors disons que je rencontre mon hôte Aktoty dans des circonstances déconcertantes ce matin. Quand je me réveille, sa cousine est partie à l'université et sa maman au travail. Aktoty dort encore puisqu'elle est revenue tard dans la nuit. Aujourd'hui, j'aimerais aller faire une belle rando près d'Almaty donc je me prépare en silence. Mais au moment de sortir, la porte est verrouillée et je ne trouve pas de clé dans l'entrée. Une seule solution : réveiller Aktoty. Je peux vous dire que ce fut très gênant de la voir sortir de sa chambre, une serviette de toilette autour du corps et le visage totalement endormi. Surtout pour une première rencontre.

Après m'être achetée un pique-nique, je prends un bus jusqu'à l'entrée du parc national d'Ile-Alatau qui entoure Almaty de montagnes. Mon objectif : voir le Grand Lac d'Almaty, situé à 2511m d'altitude. Il est situé à 15 kilomètres de l'entrée, en montée quasi constante. Donc l'aller-retour dans la journée est presque impossible si je veux profiter du lac. Je marche 5 kilomètres et un miracle vient à moi. Un vieux monsieur dans un pick-up me propose de m'amener au lac, puisque lui va encore plus haut dans les montagnes. J'accepte volontiers et je ne regrette absolument pas. La température se rafraîchit au fur et à mesure de la montée.

La découverte du lac est un de mes meilleurs souvenirs. Je ne m'attendais à rien, je n'avais vu aucune photo de cette randonnée. Donc je ne pensais pas faire face à une telle merveille. Un grand lac bleu turquoise entouré de montagnes enneigées. C'est presque émouvant de beauté. Je prends des milliers de photos. Un chien me tient compagnie pendant quelque temps. Je marche autour du lac et chaque nouveau point de vue est encore plus joli que le précédent. Et surtout, je suis absolument seule. Pas l'ombre d'un marcheur. Je voulais de la nature et de la tranquillité, je suis servie. Après avoir exploré ce qui me semblait explorable, je pique-nique avec une vue époustouflante.

Pour la petite histoire, le lac est la principale source d'eau potable de la ville d'Almaty. Donc la baignade y est évidemment interdite. En arrivant au lac, on voit un énorme tuyau descendre tout le long de la montagne. Il ressemble à un toboggan d'Aquaboulevard.

Pour descendre, aucune voiture à l'horizon donc je marche. C'est évidemment très agréable de randonner au milieu des sapins avec une super vue sur les montagnes. 5 kilomètres avant l'arrêt de bus, deux randonneurs kazakh me prennent en stop. Ça soulage un peu mes cuisses.

Je suis de retour en ville. Je fais donc plus ample connaissance avec Aktoty. Elle a passé cinq ans en Europe pour ses études. Majoritairement en Pologne, mais elle a aussi fait un Erasmus à Troyes, un stage au Portugal et un autre Erasmus en Grèce. On peut dire qu'elle a vu du pays. Résultat : elle parle extrêmement bien anglais. Et elle a une fine connaissance de l'histoire européenne du dernier siècle.

Pour le dîner, on mange un pilaf avec sa mère et sa cousine. Cela faisait longtemps. Et après ça, nous allons boire un verre dans un café Aktoty, moi, et un jeune polonais qui l'a contactée sur Couchsurfing pour faire des rencontres. Il est à Almaty pour quelque temps. Il est volontaire dans une auberge de jeunesse et souhaite s'améliorer en russe. C'est pas avec moi qu'il va faire des progrès. On passe un très bon moment à discuter de nos pays et cultures respectives.


60km : 24km en bus, 10km en pick-up, 5km en voiture et 21km à pied.

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Publié le 29 octobre 2023

Jour 53 : 27 octobre 2023


La journée est moyennement bien partie quand j'ai vu qu'il pleuvait des cordes alors que je voulais aller voir des cascades. J'ai passé la matinée à décortiquer mon voyage en Chine : endroits à visiter, itinéraire, moyens de transport, hébergements. Ça prend un temps fou parce que c'est un des plus grands pays au monde et mon visa ne me donne que 30 jours pour le traverser du Nord-Ouest au Sud-Est. Compte tenu des distances, je peux oublier le stop. Donc il faut que j'anticipe un peu pour ne pas me retrouver sans train.

Après avoir dit au-revoir à mes hôtes, je vais passer le temps en visitant le musée central d'Almaty. Alors il n'y avait pas vraiment de fil conducteur dans ce musée, ça partait un peu dans tous les sens. Archéologie, ethnographie, peintures. Tout ce qui concerne le Kazakhstan est traité dans ce musée. Jai trouvé intéressante la partie sur les diasporas, très nombreuses dans la région d'Almaty. Ce bon vieux Staline ayant déporté tous les groupes ethniques d'URSS dans cette région. Voilà le melting pot : allemands, polonais, tchétchènes, kurdes, russes, biélorusses, ukrainiens, juifs, arméniens, ouïghours, dounganes, karakalpakes, tatars, ouzbèkes, turkmènes, turques, kirghizes et coréens. J'ai évidemment visité le musée en même temps qu'une classe de CE2, c'est bruyant à cet âge là. J'ai aussi bien aimé certaines peintures illustrant les nomades sur la route de la soie.

La prochaine étape de la journée fut de rencontrer mon hôte des deux prochaines nuits. Saule, 45 ans, prof de yoga et d'anglais en freelance. Elle vit avec deux chats, son fils de 18 ans et la petite amie de son fils. Une femme incroyable ! Elle a vécu 10 ans en Egypte, où elle a étudié puis s'est mariée et a eu son fils. Mais elle est revenue au Kazakhstan au moment de la révolution. Elle a une vie à cent à l'heure. Elle adore cuisiner, randonner, décourvir des nouvelles choses tout le temps. Par exemple, elle s'est mise aux percussions africaines récemment. On a passé un super moment à discuter toutes les deux. Puis elle avait du travail donc je suis sortie boire un verre avec trois étudiants de Sciences Po Bordeaux. Oui, encore une coïncidence de fou, surtout que j'étais en amphi avec eux l'année dernière. Ils sont en master d'Affaires internationales dans les espaces post-soviétiques donc leur dernier semestre d'études se déroule à Almaty. Quelle chance ! Moment sympa avec Yann, Laura et Adrien qui m'expliquent la façon de faire la fête des Kazakhes.

Et en rentrant chez Saule, je rencontre Weishen. Un voyageur venant de Malaisie qu'elle héberge en même temps que moi. On discute un peu de nos voyages. Il vient de passer un mois en Asie centrale, son séjour touche à sa fin. En Malaisie, il a une boîte de location de bus pour les touristes et un verger. Ils gèrent les deux en même temps avec sa mère depuis le décès de son père. Il habite proche de la frontière thaï.

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Publié le 30 octobre 2023

Jour 54 : 28 octobre 2023


Une belle journée intense ! On commence par aller au pied des montagnes aux abords d'Almaty avec Saule et Weishen. Un grand barrage a été construit pour retenir les avalanches de massacrer la ville. Et un escalier de 842 marches permet d'arriver en haut de ce barrage. Les locaux l'appellent l'escalier de la bonne santé. Tu m'étonnes. On sent bien le cardio travailler en montant là-haut. Mais la vue est très chouette. Il y a, un peu plus loin, la station de ski Chimboulak et ses montagnes enneigées. On marche trois kilomètres sur un sentier pour atteindre un café qui offre une meilleure vue et surtout des boissons chaudes. Saule a amené un strudel aux pommes fait maison pour le petit-déjeuner. J'adore cette femme : elle est super souriante, végétarienne, féministe, elle sait ce qu'elle veut et ce qu'elle vaut. Les conversations sont tellement fluides. Elle est toujours très occupée.

C'est pour ça qu'elle va à un rendez-vous en revenant de la randonnée. Weishen et moi allons déjeuner au Green Bazar, le plus grand marché d'Almaty, un incontournable. Il est un peu moins grand que le Chorsu Bazar de Tachkent. Mais l'ambiance est très sympa et on trouve où s'attabler. J'avoue qu'on est un peu abattus par la marche matinale donc on prolonge la pause.

Après avoir déambulé au milieu des étals et des marchands, on se dirige vers la Cathédrale de l'Ascension. C'est un des plus hauts monuments construits intégralement en bois. Et la particularité de celle-ci est que sa construction n'a nécessité aucun clou ! Elle est magnifique, super colorée mais le bois apporte une particularité que je n'avais jamais vu des églises orthodoxes jusqu'alors. Elle se trouve au milieu d'un parc qui est très animé. Des groupes de touristes indiens font des chorégraphies, plein d'enfants courent partout, les amoureux et les anciens occupent les bancs. Je prends le soleil puis je rentre chez Saule pour travailler sur mon séjour en Chine. Weishen est parti faire des achats de son côté, le maillot de l'équipe de foot kazakhe, entre autres.

En début de soirée, nous allons tous les trois au club d'anglais qu'anime Saule tous les samedis soirs dans un café. Entre sept et dix personnes viennent chaque semaine participer à cet atelier pour parler anglais pendant deux heures. Ce sont des adultes de 30 à 60 ans environ. Il y a un thème chaque semaine, cette fois-ci : les relations amicales, familiales et amoureuses. Donc génial parce qu'en tant que voyageuse, ce sont les choses que je ne vois pas de l'extérieur, que je ne peux pas deviner : les mœurs. Saule a préparé différentes activités avec des questions ouvertes, des idiomes, des débats. C'est très intéressant et touchant de voir la timidité ou bien l'assurance de certains. Je me rends que les mentalités des habitants d'Almaty ont tendance à être plus "modernes" et "occidentales" que dans l'Ouest du Kazakhstan. De façon générale, la ville en elle-même ressemble à une ville européenne avec son centre-ville piéton et animé et ses différents quartiers.

En rentrant, je passe un très chouette moment avec Saule à faire une heure de yoga. Je lui avais dit que ça me plairait parce que j'ai de sacrées courbatures depuis ma rando au Grand Lac d'Almaty. Et de manière générale, mon gros sac à dos m'endurcit les épaules et le dos mais me rend rigide. Je sens ma souplesse disparaître à petit feu. Ce moment calme d'étirements et de respirations m'a fait énormément de bien.


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Publié le 31 octobre 2023

Jour 55 : 29 octobre 2023


Je me réveille avec les deux chats de Saule complètement fous en train de me courir dessus et de jouer avec mon sac. On prend le petit-déjeuner tous les trois avec Saule et Weishen. Saule a comme tout jour une journée de ministre, même si c'est dimanche. Mais elle nous cuisine quand même des oeufs et des tartines de fromage. Je leur dis au-revoir à regret. J'ai passé un super séjour chez elle. Pour les prochaines nuits, ce sont mes camarades français de Sciences Po qui m'hébergent à Almaty ! Donc je pose mon sac chez eux avant d'acheter un pique-nique et d'attraper mon bus qui m'amène au pied de ma rando. Les chiffres : 13 kilomètres, 600 mètres de dénivelé, environ 4 heures de marche. Le but était d'atteindre une cascade assez réputée, située à 2200 mètres d'altitude. Elle n'avait rien d'impressionnant mais était jolie. J'ai adoré les paysages tout le long de la balade par contre. Les sommets enneigés au loin, les prairies, les forêts de sapins, les chevaux, les bovins. Une bonne bouffée d'air frais ! C'est quand même incroyable cette grande ville : la plus intéressante culturellement du pays et située à 10 kilomètres des montagnes. Un régal.

En revenant de ma randonnée, je passe au Green Bazar faire des courses. J'ai du mal à savoir à quel point les marchands ont gonflé les prix en voyant ma tête de touriste. Parce que ça me paraissait un peu cher. De toutes façons, j'ai terriblement envie de me cuisiner cette salade de pâtes. Je n'ai pas eu accès à une cuisine depuis longtemps. C'est donc l'activité à laquelle je m'attelle en revenant à l'appartement où se trouvent Yann et Laura.

La soirée était super. Pour commencer, on est allé boire des bières dans un quartier piéton très animé avec plein de musiciens de rue. Puis on a rejoint les autres dans un bar à chicha. Les autres sont Amélie, leur troisième coloc, Adrien, un étudiant de deuxième année en Erasmus à Almaty, Dominique, un franco-kazakh (son père est béarnais) qui a grandi à Atyrau, a fait ses études à Bordeaux et Paris et travaille maintenant à Almaty, et Arman son meilleur ami kazakh avec qui nous parlons donc anglais. Alors les bars à chicha c'est un des lieux où se retrouvent les kazakh pour sociabiliser, se détendre, se retrouver entre amis. Et ça n'a rien à voir avec l'image qu'on en a en France. Le lieu était très classe et le personnel aux petits soins. Je discute avec Adrien qui est à Sciences Po mais d'une génération différente et il se trouve qu'on a deux amis en commun. Pour la deuxième partie de la soirée, mes nouveaux amis me montrent une autre activité hautement appréciée au Kazakhstan : le karaoké. Donc on change de bar. J'ai adoré, c'était une super ambiance. En bons français, on a trouvé dans leur répertoire du Joe Dassin et du Stromae. Arman chantait super bien, il avait une voix impressionnante.

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Publié le 31 octobre 2023

Jour 56 : 30 octobre 2023


C'est lundi mais je fais une énorme grasse matinée. Je consacre une certaine énergie à essayer de réserver des billets de train en Chine, et ce n'est pas une mince affaire. Pareil pour relier ma carte bancaire à l'application WeChat qu'ils utilisent tous en Chine. À vrai dire, je ne sais pas vraiment si j'ai réussi puisque je n'ai pas eu l'occasion d'effectuer un paiement avec.

J'aimerais aller faire une balade à Chimboulak, la station de ski la plus proche d'Almaty. Mon projet tombe complètement en plan après 50 minutes de bus quand on me dit que le téléphérique est fermé précisément aujourd'hui. Par la route il faut y aller en taxi électrique. Pas de voiture de particulier, ce qui veut dire pas de stop. J'abandonne. Demi-tour.

Je passe quelques appels et je me repose une bonne partie de l'après-midi. Puis je suis allée à Kok Tobe, un point de vue sur la ville. Il faut prendre un téléphérique pour y monter mais il est ouvert, lui. Dans la cabine, je suis avec une famille kazakhe qui vient de Chimkent et est en vacances à Almaty. Ils font des yeux tout ronds quand je leur dis que je suis passée à Chimkent en stop en arrivant de Tachkent. Un jour me disent-ils, ils viendront à Paris voir la Tour Eiffel. Là-haut, la vue est très sympa, surtout que j'y vais au moment du coucher du soleil. On voit la ville, étendue et moderne, mais surtout les montagnes, magnifiques. Le "point de vue" est très aménagé et touristique. Il y a des buvettes, une grande roue, toutes sortes de jeux d'arcades et stands de fête foraine, un restaurant. L'activité qui m'attire immédiatement, gratuite qui plus est, c'est l'écran géant devant lequel sont installés plein de poufs sur lesquels s'avachir parce qu'ils diffusent Harry Potter ! Même si c'est en russe, je connais par cœur. Donc je reste une bonne demi-heure devant le film, jusqu'à ce que le froid me rattrape. La nuit est tombée. Je rentre à pied et je passe par une balade piétonne d'un kilomètre. Cette ville est vraiment chouette, je me le dis tous les jours. Laura, Amélie et Yann sont revenus des cours. On cuisine et on discute ensemble. Puis chacun vaque à ses occupations.

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Publié le 1er novembre 2023

Jour 57 : 31 octobre 2023


Je quitte Almaty pour trois jours de chouettes excursions et randonnées loin de la ville. Je vais dans la région des lacs Kolsay, au Sud - Est du Kazakhstan, toujours proche de la frontière kirghize. Donc ce matin il me faut sortir de la ville, grâce à un bus.

Et le stop a marché comme sur des roulettes ! J'ai eu beaucoup de chance. Mes trois premiers conducteurs étaient absolument adorables. Le premier s'appelait Almas et m'a fabriqué une pancarte écrite en kazakh pour les prochaines voitures. Et ça a fonctionné du tonnerre ! Ils étaient deux hommes dans la voiture suivante et ont fait un détour pour me déposer à un endroit parfait pour la suite. Aybo, le conducteur avec qui j'ai passé presque deux heures était tout sourire et rigolait chaque fois qu'il cherchait ses mots en anglais. Ses compliments étaient sincères. Vraiment un chouette monsieur.

Je suis arrivée dans le village de Saty en début d'après-midi et je compte passer deux nuits ici. L'ambition de cet après-midi est d'aller voir le lac Kaindy situé à 2000 mètres d'altitude. Il est à 13 kilomètres du village, perdu dans les montagnes. Un pick-up pour les touristes accepte de me prendre en stop jusqu'au départ des balades à cheval. La route est complètement laborieuse. On traverse même un cours d'eau. Seuls deux kilomètres me séparent alors du lac, mais qu'est-ce qu'ils sont pentus ! C'est rude. Heureusement, le spectacle qui m'attend là-haut est magnifique. Il ne fait pas très beau donc ça donne une atmosphère de mystère. Le lac est entouré de longs sapins trônant sur la montagne. Et surtout, des dizaines de troncs jaillissent de l'eau. On dirait un film. L'image est vraiment belle. Il n'y a personne d'autre. C'est vrai qu'il est un peu tard. Je casse la croûte et je repars dans la hâte, parce que si aucune voiture ne fait le trajet vers Saty, je vais marcher de nuit. Je marche au moins quatre kilomètres, en descente c'est moins cardio. Et c'est une voiture National Geographic qui me prend en stop ! Les trois messieurs sont d'Almaty et sont venus faire des observations de la faune dans la région.

Ah oui, j'ai marché sous la pluie. Il pleut des trombes d'eau. Je cherche donc une guesthouse dans ce village à la nuit tombée sous mon pocho. C'est un monsieur d'un certain âge qui m'a aidée en dégainant son téléphone pour appeler la famille qui m'accueille donc.

Quand j'étais dans l'Ouest du Kazakhstan, avant d'entrer en Ouzbékistan si vous suivez bien, j'avais passé presque une semaine au sein d'une famille kazakhe. Je ne peux m'empêcher de comparer un petit peu. Ici, les enfants sont plus jeunes : entre 5 et 9 ans. Et surtout il y a des meubles ! Ils mangent sur une table haute et dorment dans des lits. La famille de l'Ouest mangeait sur une table basse et dormait sur des futons par terre. Simplement une différence de moyens financiers ou alors une différence de culture ? Je réfléchis à tout ça en mangeant des pommes terre bouillies, du poulet et des légumes pendant que les enfants regardent la télé.


300 km : 1 bus urbain, 4 voitures, 2 fourgons, et 6 km à pied.

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Publié le 3 novembre 2023

Jour 58 : 1er novembre 2023


Petit-déjeuner dans la guesthouse : des œufs sur le plat, du pain, du beurre, de la confiture de framboise super bonne. J'enfile mes chaussures de rando qui ont passé la nuit dehors et me rafraîchissent les pieds. Aujourd'hui, je vais voir le lac le plus connu du coin. Plus précisément : les lacs Kolsay sont au nombre de trois. Le plus bas est accessible en voiture et est l'attraction touristique à lui tout seul. Le deuxième est accessible par un chemin de randonnée, faisable aussi à cheval. Et le plus haut est totalement inaccessible.

Il fait un temps radieux et le village est très joli. Des montagnes noires et marrons de part et d'autre, la rivière, les petites maisons entourées d'un jardin ou d'un champ.

Je fais un peu de stop pour arriver au premier lac. Magnifique ! C'est vraiment un paysage de carte postale. Et il y a une dizaine de personnes à tout casser. Un vrai bonheur. Après avoir fait un petit tour et pris des photos, j'entame la fameuse randonnée. Elle consiste à longer tout ce premier lac, puis à longer une rivière à travers une forêt pour rejoindre le deuxième lac. Évidemment, toute la première partie de la balade est photogénique. À partir de la rivière et des arbres, ma fraîcheur est très agréable au début. Puis ça grimpe, et encore, et encore. Donc non seulement il fait très froid, mais c'est rude pour le cardio. Et la neige et la terre ne font pas bon ménage. Les pentes glissent beaucoup. J'avoue avoir un quart d'heure de grosses difficultés. À tel point que je m'accroche aux arbres mais je tombe quand même. Je parviens tant bien que mal au deuxième lac. Très joli aussi mais moins impressionnant. Je casse la croûte mais je ne m'éternise pas parce qu'à 2300 mètres d'altitude, même avec du soleil, il fait très froid. Étrangement, la descente passa plus rapidement alors que je m'attendais à galérer dans la boue. Les chiffres de la rando : 6 heures de marche, 25 kilomètres, 1300 mètres de dénivelé. Il ne me reste plus qu'un peu de stop à faire pour rentrer à Saty.

Je réussis à me motiver à faire une séance de yoga pour m'étirer. Au dîner : un mets que j'avais déjà eu l'occasion de goûter dans la famille kazakhe d'Aktau. Un mélange de viande hachée avec des légumes emballé dans de la pâte comme des lasagnes.

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Jour 59 : 2 novembre 2023


Il est temps de quitter ce village. Aujourd'hui, je retourne à Almaty. Mais en chemin, deux choses à voir : Black Canyon, simplement un point de vue au bord de la route, et Charyn Canyon, beaucoup plus impressionnant et nécessitant plusieurs heures de marche.

Je pars donc vers 9 heures du matin. Mais le village de Saty étant un cul-de-sac, il y a très peu de voitures et j'attends quelques temps. Finalement, ce sont Amila et Zamina qui me prennent, une mère et sa fille que j'avais croisées la veille lors de ma rando ! Elles campaient le long de la rivière et m'avaient saluée !

La maman était adorable, à me proposer à manger et me poser plein de questions. Elle est cuisinière chez un traiteur à Almaty, adore la musique La Seine de M et Vanessa Paradis. Bon, sa fille de 15 ans était en train d'hiberner sous sa capuche, traumatisée par le camping. On a fait un stop au Black Canyon en chemin pour prendre quelques photos. Très joli et en effet, des falaises noires. Puis elles m'ont déposée non loin de l'entrée du parc national du canyon Charyn.

Alors là, j'ai été téléportée dans l'ouest américain en un rien de temps. Les parois rouges et les formes des gorges rappellent vraiment l'Utah. Depuis le parking, il y a deux chemins, un qui part du fond des gorges et mène jusqu'à la rivière. Et un plus court, qui reste au-dessus du canyon. J'emprunte le deuxième parce que je n'avais pas vu l'escalier menant au premier. Et la vue est incroyable. Je me crois dans un western.

Mais au bout de 3 kilomètres, il faut que je fasse demi-tour pour emprunter le chemin bas et aller à la rivière. Embêtant. Mais j'aperçois un petit chemin un peu caché avec un panneau le déconseillant. En observant le chemin de haut, je ne lui trouve rien de particulier à part qu'il va me mener à la rivière sans avoir à faire demi-tour. Donc j'y vais. Et je comprends vite. Des énormes rochers sont tombés au milieu du chemin et donnent lieu à de l'escalade franchement dangereuse. Au bout du troisième passage vraiment flippant, je suis toute tremblante. J'écouterai les panneaux la prochaine fois.

Et je suis donc arrivée à la rivière après ces péripéties. Ça fait une pause très agréable. Il y a une vingtaine de touristes à tout casser alors que le site est splendide. Il paraît que certains baroudeurs dans mon genre viennent camper ici, au fond du canyon. Je reprends des forces. Je prends des photos et me fais prendre en photo par un touriste indien. Il y a beaucoup d'indiens à Almaty, notamment en études de médecine mais aussi plus récemment des touristes parce qu'une nouvelle ligne aérienne à prix bas a ouvert.

Il est temps de rentrer. Mais avant, il me faut remonter tous le canyon jusqu'à l'entrée du parc. Cette fois, je ne fais pas la maline et je reste sagement sur le chemin balisé à l'intérieur des gorges. Et qui donc me prend en stop pour rentrer à Almaty ? Les touristes indiens rencontrés une heure avant ! Ils sont quatre, avec un chauffeur et un guide, Yaramaz. Ils viennent de passer dix jours dans la région et sont en route pour l'aéroport. Ils bossent tous dans l'IT et adorent les treks en montagne. On discute voyages évidemment. J'arrive à Almaty assez tard. Mes hôtes français et sciencepistes ont passé la journée évènement avec leur université autour de la coopération franco-kazakh. Ils sont donc retrouvés à être invités à passer la soirée chez le consul. Je récupère les clés de chez eux tant bien que mal pour aller me reposer.


300 km : 2 voitures

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Publié le 6 novembre 2023

Jour 60 : 3 novembre 2023


Encore une matinée consacrée à l'organisation de mon voyage en Chine. Et une grosse nuit de sommeil après ces trois jours de longues marches.

Je suis ensuite partie découvrir le jardin botanique d'Almaty. L'automne est très agréable dans cette région : un grand ciel bleu, un soleil radieux et environ 10°C. Donc s'asseoir sur un banc face au soleil en étant bien habillée, c'est très agréable.

Une des particularités d'Almaty est le nombre d'espaces verts et leurs tailles. Il y a des squares et des parcs immenses partout ! Le seul payant, c'est le jardin botanique. Je m'y suis promenée au moins deux heures. Il y a une partie très aérée, jardins à la française avec des bancs, des graviers et des étendues d'herbe. Et une partie forêt que j'ai adoré parce qu'il y avait des écureuils partout. Ils étaient assez farouches et ne se laissaient pas approcher mais c'est tant mieux. Un vrai spectacle que de lever la tête vers le ciel et de les voir valdinguer entre les branches à cinq mètres du sol. Les gens viennent mettre des graines aux pieds des arbres et dans les maisons à oiseaux.

Pendant tout ce temps, j'écoute des podcasts et de la musique. Je suis un peu dans ma bulle. Parce qu'autour de tous ces espaces verts, Almaty est constituée de grandes artères assez bruyantes puisque les klaxons sont largement surexploités.

Le reste de la journée et de la soirée fut plus calme et reposant. Moment entre colocs (oui Amélie, Yann, Laura et Hadrien m'ont vraiment adoptée).

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Publié le 7 novembre 2023

Jour 61 : 4 novembre 2023


Pour commencer la journée de la façon la plus détendue, Laura et Amélie me font découvrir une nouvelle tradition kazakhe : les bains publics. Le complexe est gigantesque puisque les hommes et les femmes sont séparés donc il y a tous les bains, saunas et hammams en double. C'est en non-mixité parce que la nudité est obligatoire ! Comme au Japon, cela me rappelle les onsens. Contrairement à la France, ce genre de lieux est très abordable et populaire. Les gens y vont en moyenne une fois par mois seul, en famille ou entre amis.

C'est simple, j'ai adoré ! Bains russes, hammams, saunas, dalles brûlantes sur lesquelles il faut s'allonger. Certaines femmes se fouettent le corps avec des branches d'olivier. Et le fait qu'il n'y ait pas d'homme, c'est beaucoup mieux. La nudité ne m'a absolument pas dérangée puisque je me suis sentie beaucoup moins regardé que dans un lieu similaire qui serait mixte mais en maillot de bain.

Tout ça m'a donné une faim de loup. Et c'est quand même chouette d'avoir accès à une cuisine pendant quelques jours et de pouvoir me cuisiner ce qu'il me plaît ! Cet après-midi, je retrouve Yaramaz, le guide kazakh qui amenait les quatre touristes indiens à l'aéroport et m'avait pris en stop il y a deux jours ! Il tient à me montrer la station de sports d'hiver de Almaty : Shymbulak. En tout, on a pris trois remontées mécaniques. Au plus haut, nous étions à 3000 mètres d'altitude. Eh bien je peux vous dire que non, je n'avais pas les vêtements adéquats et que oui, je me les pelais sévère. Le point de vue est évidemment magnifique. Et j'adore marcher dans la neige. Par contre, on est rentré à Almaty à l'heure de la fermeture de la station, comme tout le monde en ce samedi. Ah qu'est ce qu'on était serré au fond de cette boîte que constituait le bus... Je me suis dépêchée pour arriver à peu près à l'heure au club d'anglais de Saule, la dame qui m'avait hébergée la semaine dernière. Un plaisir de la revoir ! Et elle anime vraiment bien cet atelier. Le thème du jour était la nourriture. Ça m'a donné super faim mais passons... On a parlé de l'éthique de la nourriture (végétarisme, consommer local), des habitudes au restaurant, de l'importance de savoir cuisiner, etc. Je lui fais un dernier câlin en la quittant pour de bon. Je trouve vraiment que cette femme est très inspirante.

Et la journée est encore loin d'être terminée même s'il est 21 heures ! Je rejoins mes colocataires et leurs deux amis kazakhes Dominique et Erlan dans un grand restaurant. Ils sortent d'une partie de paintball et ont commandé des plateaux garnis à partager tous ensemble. Je me commande une bière et commence à picorer quand la serveuse vient m'expliquer quelque chose en russe que je ne comprends évidemment pas. Dominique traduit : "le monsieur de la table d'à côté trouve que vous mangez de façon très élégante. Il souhaiterait que vous commandiez le plat de votre choix et il le payera." La gêne absolue. Je deviens toute rouge à l'idée que cet homme de 60 ans m'ait observée manger mes chicken wings avec les doigts. Dominique m'explique que ce n'est pas bien méchant. À son avis, c'est parce qu'il nous a entendu parler étranger et veut montrer une bonne image des Kazakhes. Je commande donc une autre planche. Et au moment de quitter le restaurant, je me fais retenir des payer mes bières toujours par cet homme qui les paye ! Décidément. On va passer la fin de la soirée au karaoké. Cette fois-ci, on a une salle pour nous seuls. C'est encore plus sympa que la dernière fois. On est déchainés ! On fait la fête jusqu'à 3 heures du matin à grands coups de Rasputin dans le micro. Amélie, Laura et Hadrien rentrent en taxi. Je rentre à pieds avec Yann, histoire d'être bien sûrs de s'endormir rapidement.

On peut dire qu'aujourd'hui, j'aurais rempli ma journée d'activités kazakhes : bains publics, balade en montagne, club de langues, karaoké et chicha.

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Publié le 9 novembre 2023

Jour 62 : 5 novembre 2023


Une journée bien moins remplie. C'est la dernière que je passe à Almaty. Après cette nuit de festivités, j'ai bien évidemment fait la grasse matinée. J'ai fait une longue balade au parc du Premier Président. Juste à côté de chez Aktoty, la jeune kazakhe qui m'avait accueillie chez elle avec sa mère et sa cousine pour mes deux premières nuits à Almaty. L'air est très frais mais le soleil adoucit la température. Je lis et je prends le soleil. J'ai rendez-vous avec Nathan, un homme de 25 ans qui m'a contactée sur Instagram parce qu'il voyage aussi en stop et il arrive aujourd'hui à Almaty, donc ça serait notre seule occasion de se rencontrer.

Il a vraiment la tête de l'emploi : cheveux longs et bouclés, courte barbe, sac à dos encore plus volumineux que le mien. Une dégaine de baba cool. Il voyage à temps plein depuis la fin de sa licence il y a quatre ans. J'aurais peut-être dû lui demander comment il subvenait à ses besoins. Pour ce voyage par exemple, cela fait plus d'un an qu'il est parti de France. Il a traversé les mêmes pays que moi, avec le Sud de l'Europe, le Tadjikistan et le Kirghizistan en plus. Il a une tente avec lui donc il est assez indépendant. Je trouverais ça super sympa dans la nature. Mais là par exemple à Almaty, il me dit qu'il va se cacher pour mettre sa tente dans un parc quand il fera nuit. La limite les voyageurs et les sans-domicile-fixe devient alors très fine je trouve... Je trouve ça un peu glauque de planter la tente en ville j'avoue. Je m'interroge sur autre chose : à quel point il faille être détaché de tout ce qu'on a en France pour voyager à temps plein en permanence. Non seulement je sais à quel point je vais tellement heureuse de refaire des repas en famille, des répétitions avec la Banda, des pyjama party avec mes copines de lycée, du vélo dans Bordeaux et manger des croissants quand l'envie me prend. Mais aussi je ne sais pas si ça n'aurait pas un impact négatif sur mon moral d'être entourée en permanence de gens qui ne me connaissent pas vraiment, qui ne parlent pas ma langue. Pour l'instant, j'adore parce que je sais que c'est seulement quelques mois. Tout cela remet ma vision des voyages en perspective.

Après ce sympathique moment de discussion, je rentre à l'appartement parce que j'ai un appel avec une fille qui m'a contactée sur Instagram. Elle est étudiante en journalisme et doit s'entraîner à l'exercice de l'interview. Donc nous avons programmé un entretien de trois quarts d'heure. J'ai le droit aux questions classiques à propos de la genèse du projet, la préparation, l'avis de mon entourage, voyager seule, en étant une femme, en stop, les meilleures anecdotes mais aussi les pires, les rencontres, les conseils que je puis donner etc.

Pour mon dernier soir à Almaty, c'est repas très français ! Les parents d'Amélie sont venus la voir pendant une dizaine de jours pour visiter la région et lui ont apporté du confit de canard. Amélie a décidé de le cuisiner ce soir pour nous en faire tous profiter, avec des pommes de terre sautées. Je suis ravie, c'est délicieux. On enchaîne avec un jeu de société. Vraiment une belle équipe que cette colocation à Almaty. Je suis très contente d'avoir passé du temps chez eux. Cela m'a laissée plus libre de mes mouvements, m'a permise de poser mon sac à dos et de parler français.

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Jour 63 : 6 novembre 2023


J'ai une énorme flemme de quitter l'appartement aussi tôt ce matin ! Il fait super froid dehors. Mais bon, pas tellement le choix. J'aimerais aller voir un parc national qui est sur la route vers la frontière chinoise. Il abrite de très beaux sites naturels dont une "dune de sable chantante". Arriver jusqu'à l'entrée du parc en stop fut très facile ! Un de mes conducteurs, Ayram, est un turc né au Kazakhstan. Il a fait ses études à Konya et est revenu au Kazakhstan pour travailler. Mais là, il est en route pour un mariage ! Et j'ai aussi eu Tolik, un Kazakh adorable qui m'a offert une table de chocolat magnifique, dont l'emballage est le drapeau du pays. Il rigolait tout le temps. Au village à l'entrée du parc national, je déconcerte tout le monde quand je leur explique que non, je ne payerai pas un taxi les yeux de la tête pour aller voir une dune. Je fais du stop, et j'arrive à faire 10 kilomètres sur les 40 qui me sépare de cette fameuse dune, notamment grâce à un monsieur à mobylette qui m'avance un peu. Cette fois, je n'avance plus. La route est plus exactement un chemin de terre et absolument personne ne passe. Je fais la connaissance de deux bonhommes d'une quarantaine d'années. Notre conversation est incompréhensible donc j'ai très peu d'informations sur eux. Mais si j'ai compris une statistique : il y a une seule voiture de touristes par semaine en moyenne qui vient voir la dune. Donc je suis mal barrée. Un troisième monsieur débarque, un vétéran afghan. Il était extrêmement irritant : n'arrêtait pas de me parler et de me poser des questions en russe sans que je puisse répondre, a essayé de toucher mes cheveux pour regarder mes boucles d'oreilles, le tout en enchaînant les shots de vodka. Je n'ai pas franchement apprécié sa compagnie. Je sors de ce trou quand une voiture vient chercher un de mes amis pour le ramener au village, donc je fais partie du convoi. Projet parc national officiellement avorté. Je vais jusqu'à Zharkent en stop, une ville proche de la frontière chinoise. Je ne devais y être qu'à partir de demain soir mais tant pis. Mon conducteur me pompe l'air, et sachez que c'est vraiment très inhabituel. J'arrive à Zharkent assez tendue. Il n'y a aucun Couchsurfing donc je trouve un petit hôtel. C'est le troisième dans lequel je vais au Kazakhstan et c'est franchement le meilleur en terme de confort et de propreté. Ça tombe bien, je reste deux nuits, et il n'est pas très cher. Lessivée par ma journée (peut-être le contrecoup de ma courte après la soirée karaoké-chicha?), je regarde une série. Pour le dîner, les raviolis ouzbèkes du restaurant de l'hôtel feront l'affaire. Et j'ai la tablette de chocolat de ce cher Tolik.


400 km : 5 voitures, 1 mobylette

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Jour 64 : 7 novembre 2023


J'ai dormi dix heures de suite. La Lisa du futur qui écrit ceci salive à l'idée de dormir autant à nouveau. Je me suis baladée dans cette petite ville qu'est Zharkent, notamment dans son grand parc. Une grande artère sépare la ville en deux ambiances très différentes. Côté parc, c'est résidentiel et super calme. De l'autre, tous les commerces, les restaurants, l'animation. C'est en basculant d'un côté à l'autre que je fais une pause déjeuner dans un kebab. Ils sont tous éberlués de me voir là et l'un d'eux me pose quelques questions.

L'après-midi, je découvre le petit marché qui s'étale sur trois rues. Le soleil baigne dans cette ambiance sympathique. Je fais quelques achats en prévision de mes longues heures de train en Chine : concombre, tomate, mandarines, pomme (ça se voit à peine que je meurs d'envie de fruits et légumes et que j'en ai marre de la viande), gaufrettes, chips et deux petits beignets salés.

Je continue ma balade vers le monument qui fait la réputation de Zharkent : une ancienne mosquée, magnifique, d'un style chinois. Elle constitue une belle transition entre ces deux pays me concernant. De l'extérieur, on dirait vraiment un temple. Du bois peint de multiples couleurs. Et à l'intérieur, les charpentes en bois et le parquet me rappellent mes contes de Miyazaki préférés. Je m'installe dans le jardin pour faire des vidéos pour Instagram, quand deux jeunes (un peu plus que moi) viennent discuter avec moi. C'est la première fois en Asie centrale que je vois une fille et un garçon de mon âge aussi tactiles en public.

Je retourne à l'hôtel pour profiter du WiFi et régler les derniers détails avant mon arrivée en Chine. À l'accueil, un client de l'hôtel m'accoste parce qu'il maîtrise à peu près l'anglais. Mirat a voyagé au même âge, il y a vingt ans de cela, en France, en Allemagne, en Norvège et en Suède. Il est désolé d'avoir oublié toutes ses connaissances en français. Je lui explique mon voyage, il est ravi. Il m'invite donc à dîner au petit restau de l'hôtel. Il est 17h30 mais passons. Il commande la même chose pour nous deux à savoir...de la viande de cheval ! Youhou. Super pour fêter mon dernier soir au Kazakhstan, je n'aurais donc pas réussi à y échapper. Plus sérieusement, ce n'est vraiment pas mauvais. C'est servi avec des nouilles et un bouillon. Mais je n'ai pas assez faim pour finir.

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Publié le 10 novembre 2023

Jour 65 : 8 novembre 2023


Il fait encore nuit quand je me réveille. Aujourd'hui je passe la frontière chinoise ! Je comptais faire comme pour toutes les autres jusqu'à présent, c'est-à-dire en stop. Une voiture s'arrête rapidement : un covoiturage de travailleuses allant à Horgos. Super ! Il me semble que c'est la ville-frontière. Je discute avec l'une des filles, l'adorable Shugyla, qui m'apprend que non ! C'est l'ancien poste-frontière. Le nouveau est à 50 kilomètres au Sud. Ça commence bien (et ce n'est que le début). À la frontière, les militaires me disent que non, non et non, je ne peux pas passer la frontière à pied, en voiture ou en stop. Je dois prendre le bus dont le départ est à Zharkent. Bon, c'est là que je commence à stresser un peu. J'ai un train à 15h dans la ville chinoise la plus proche (à quand même 100km de la frontière), il y a deux heures de décalage avec le Kazakhstan (donc train à 13h heure kazakhe) et j'avais prévu trois heures de marche qui sont maintenant réduites à néant à cause de ce stupide aller-retour à Zharkent pour prendre un bus.

Par contre, le passage de la frontière se déroule sans accroc. On me pose quelques questions : dans quelles villes je vais, ce que je fais dans la vie, quand est-ce que je quitte le pays, etc. Rien de bien méchant. Une fois en Chine, j'attrape un taxi et je lui explique qu'on a pile poil 1h30 pour arriver à l'heure à mon train. Ilias est ouzbek et ce jour là il est passé en mode Fast and Furious. Il roulait à toute berzingue. Je suis arrivée à la gare de Yinning un quart d'heure avant le départ de mon train. Ce fut totalement insuffisant parce qu'il y avait une queue monstre à l'entrée de la gare à cause des contrôles de bagages et de personnes (c'est comme passer la sécurité à l'aéroport globalement). Le contrôle de mon sac a pris des proportions démesurées : ne pas me laisser entrer dans la gare avec mon Opinel, je veux bien, mais ma batterie portable, sérieux ? J'avais bien les boules, surtout avant autant d'heures de train. Bref je l'ai raté, d'ailleurs, le train. À cinq minutes près. Je me souviendrai longtemps de cette scène épique durant laquelle je sprinte à travers la gare accompagnée d'une dame travaillant à la gare, en petits talons et en tailleur, elle qui voulait si gentiment me mener à mon quai. Trop tard. Heureusement, changer de billet ne m'a rien coûté. J'aurais déjà fait beaucoup d'économies si le système était le même avec la SNCF.

Passons donc à la description des joies du train en Chine. Déjà, l'eau courante en Chine est brûlante. Ils la boivent ainsi. Donc dans la gare et dans les trains, tout un tas de gens s'affairent autour de la fontaine à eau pour se faire du thé ou des nouilles instantanées. Je trouve ça génial ! Le repas chaud dans le train, à 50 centimes ! Les trains partent tous les jours à la même heure et du même quai. Mais ça, je crois qu'il n'y a qu'en France que l'on n'est pas capable de le mettre en place. Mon premier trajet dure cinq heures : de Yinning à Ürümqi. Le wagon est plein à craquer. Alors ce n'est pas un mythe, l'ambiance est agitée. Tout ceux qui regardent une vidéo sur leur téléphone ne mettent pas d'écouteurs et contribuent donc à un joyeux tintamarre, accompagné des raclements de gorge, rots, personnes au téléphone, et discussions endiablées. Je rigole. Ça a l'air horrible comme ça mais le trajet est passé très vite. Plein de gens passent dans les couloirs pour faire la pub de tel ou tel produit avec des échantillons. Mon voisin me guide donc je goûte d'abord une sorte de friandise qui a le goût de yaourt à la pêche en solide. Un peu plus tard, je me suis réveillée en sursaut de ma sieste par une vendeuse qui me met une noix de crème sur la main. J'aurais dû regarder ce qu'en faisait mon voisin... Comme ça avait la même couleur que le bonbon à la pêche, j'ai léché ma main. Alors que c'était de la crème hydratante. Voilà voilà. Pas bon.

Arrivée à Ürümqi à 22h. J'ai 40 minutes de transfert et je n'ai pas eu le temps de flâner. La gare est absolument immense, trois terminaux et tout est écrit en mandarin et en ouïghour (est-ce l'alphabet arabe? Je l'ignore). Eh oui, Ürümqi est la capitale de la province de Xinjiang, la plus grande de Chine et tristement connue ces dernières années pour ses camps de travail ouïghours. Je parviens à l'entrée de mon quai, à l'heure cette fois. Globalement, tous mes voisins de train ont été gentils avec moi, même si on ne communiquait pas vraiment. Une des contrôleuses du train parlait anglais et venait me voir régulièrement pendant le trajet pour voir si j'allais bien. Adorable ! Ce train-là n'était vraiment pas rempli, et tant mieux, sinon je ne sais pas comment j'aurais fait pour dormir. Là j'avais trois sièges pour moi seule donc j'ai fait comme si c'était une couchette. On était une bonne dizaine à faire ça. Il faut souvent changer de position mais ça se fait. J'étais tellement épuisée par mes émotions de la journée que j'ai réussi à dormir pendant neuf heures !


800 km : 3 taxis, 1 voiture, 1 bus, 1 train

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Jour 66 : 9 novembre 2023


J'ai passé la première demi-journée dans le train. Arrivée à 13h à Zhangye. C'est la faute de mon retard pour le tout premier train. J'aurais dû arriver en début de matinée. Pour m'occuper : lecture et petit-déjeuner.

Puis mes premiers pas dans ma première vraie ville en Chine ! Le début n'était pas foufou, autour de la gare, deux kilomètres à la ronde, c'était sans vie, seulement de très grands bâtiments et des boulevards sans circulation. Et je me suis petit à petit rapprochée du centre-ville, où se trouve mon auberge de jeunesse. Elle est super grande ! Sur plusieurs étages, plus d'une dizaine de dortoirs. Mais le foyer est très mignon. La gérante m'accueille avec un grand sourire et un anglais approximatif. Elle m'aide à utiliser Alipay, première transaction réussie ! Et elle me donne les informations pratiques pour mon excursion de demain. Je profite un peu du WiFi. Ah oui parce que, si je ne l'avais pas précisé, les vingt heures de train ont été réalisées sans Internet mesdames et messieurs.

Je vais me balader en ville pour régler quelques petites choses. Déjà je pensais que changer du cash me prendrait dix minutes. Cela a pris une heure ! À la Bank of China, comme son nom l'indique, le système informatique devient fou quand on essaye d'y entrer les informations d'un passeport étranger. Impossible de faire le change à mon nom. Donc le banquier Wu Tao l'a fait à son nom. Il était tout mimi et inquiet quand je montrais des signes d'impatience. Il a même voulu qu'on fasse une photo et que l'on s'ajoute sur WeChat.

Après ça, j'ai foncé au monument le plus connu de Zhangye avant qu'il ne fasse nuit. Le temps du Bouddha allongé. C'est un complexe assez grand avec plusieurs temples et des jardins, entouré d'un portail magnifique. Il date du XIIe siècle et aurait été construit après des hallucinations, dont l'image de Bouddha allongé. Cette statue est à l'intérieur du plus grand temple du complexe. C'est super impressionnant. C'est littéralement Bouddha allongé sur le côté droit, son corps faisant quarante mètres de long. Me replonger dans l'histoire des religions polythéistes me rappelle tellement le Japon et l'Indonésie. L'atmosphère et l'esthétique sont vraiment similaires. C'est vraiment en visitant ce temple que je me suis dit : "Wow ! Ça y est, je suis en Chine ! Ce rêve depuis plusieurs années devient réalité."

J'ai flâné quelques instants puis je me suis rendue à la gare routière. Je préfère assurer mon excursion de demain un peu en avance. Je n'ai pas réussi à m'acheter une carte SIM, il était trop tard. Mais j'ai réussi à faire quelques courses pour mon prochain trajet à rallonge en train. En rentrant vers l'auberge, j'ai l'impression de voir l'entrée d'un marché couvert. Ça fourmille à l'intérieur. Quelle belle surprise ! Le bâtiment avait tout d'un marché couvert, avec des décorations chinoises évidemment. Mais à l'intérieur, uniquement des stands de traiteur et de restauration rapide faisait le tour de l'endroit. Et au centre, plein de longues tables et de chaises. Ambiance géniale ! C'est parfait pour le dîner. Je me fais un peu scruter au passage mais ça devrait devenir une habitude. Absolument tout est écrit en mandarin. Donc je vais voir un stand qui a des images des plat et j'en désigne un un peu au hasard j'avoue. Il avait l'air consistant et je n'ai pas mangé de la journée. Les deux vieilles dames qui tiennent ce stand sont ravies de me voir. Le plat était donc des nouilles dans un bouillon avec de la verdure et des petits bouts de viande très gras qui m'ont un peu dégoûtée parce qu'ils ressemblaient à des abas. Je reste là un moment parce qu'ils ont un Wi-Fi du tonnerre. À l'auberge, la plupart des voyageurs sont chinois et ne parlent pas anglais. Donc j'ai passé la soirée assez isolée mais j'ai réussi à me coucher tôt.


1400km : 1 train

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Publié le 11 novembre 2023

Jour 67 : 10 novembre 2023


Encore un réveil beaucoup trop tôt. Je commence à avoir vraiment hâte d'une vraie nuit de sommeil. Je sors de l'auberge dans la nuit, direction la gare routière pour prendre le bus qui me déposera à l'entrée du parc national Danxia. Je fais une confiance aveugle aux chinois. Hier soir je n'aurais pas dû avec mon plat trop gras. Mais là par exemple, tout est écrit en mandarin sur mon ticket de bus donc j'ai aucune certitude d'où je vais. Mais visiblement, ils ont tout compris parce que le chauffeur me réveille de ma sieste quand c'est mon arrêt.

L'entrée du parc est totalement démesurée : il y a plus de guichets qu'à Disney, le parking fait la taille d'un demi stade de foot et est totalement vide. Il n'y a pas un chat c'est assez bizarre. Il s'agit d'un parc géologique avec des collines rocailleuses colorées de rose, rouge, marron, blanc et beige à perte de vue. Je comprends qu'il y a plusieurs points de vue assez espacés les uns des autres. Chouette ! Une rando. Pas du tout. Il est interdit de marcher hors des zones de point de vue. Des navettes se baladent sans cesse d'un point à l'autre. On parle parfois de 800 mètres...passons. J'ai bien fait de venir aussi tôt. J'ai passé quatre heures à explorer le parc et je n'ai vraiment pas eu de foule envahissante. C'est vraiment magnifique, assez féerique je dois dire. Sauf la petite musique et la voix qui raconte un truc en permanence dans les hauts-parleurs. Heureusement que je ne comprends pas. Le site me fait beaucoup penser au Tiramisu Canyon dans l'Ouest du Kazakhstan. Mais en termes d'aménagement, on passe de rien à vraiment too much. À chaque point de vue, je laisse mon sac à dos aux policiers pour pouvoir me balader plus léger. Ils prennent cette responsabilité très à cœur.

Après avoir crapahuté et pris un certain nombre de navettes, je sors du parc pour trouver à manger. En arrivant, j'avais vu une quinzaine de restaurants, fermés sans doute parce qu'il était 8h30. Ah non, ils sont définitivement fermés. À part le superbe site, cette zone est franchement assez sinistre. Ça me fait penser au tout début du film d'animation Le Voyage de Chihiro. Après un kilomètre de marche sur la route qui rentre à Zhangye, un monsieur tellement souriant me lance "Nihao !". Il est devant une devanture de ce qui semble être un restaurant fermé depuis très longtemps mais je tente quand même ma chance. Oui il peut me servir à manger. Sa femme et lui s'activent. Ils sont super heureux d'avoir une invitée étrangère. Je mange des raviolis à tremper dans une sauce. Après que j'ai commencé à manger, le monsieur me propose une fourchette. Mon ego en prend un coup. Je refuse ! J'arriverai à bout de ces ravioles mangées à la baguette.

Après avoir passé un moment à les amuser avec Google traduction, j'aimerais partir en avance pour la gare. Il n'y a pas l'air d'y avoir de bus retour et c'est à 40 kilomètres donc il faut que je fasse du stop. Une première pour moi en Chine ! Eh bien la cinquième voiture s'arrête. Ce fut super rapide. Layashi a entre trente et quarante et met plein de musiques anglophones connues pour que je puisse connaître. Super gentil ! Au péage, toutes les dames qui travaillent là ont des costumes traditionnels avec un chapeau super excentrique. Je trouve ça hilarant de travailler dans cette tenue. Mais Layashi me dit que c'est exceptionnel, je n'ai pas eu plus d'explications.

J'arrive super en avance à la gare. Oui, j'apprends de mes erreurs. Mon train est de 18h à 9h du matin. De Zhangye dans la province de Gansu à Xi'an dans la province de Shaanxi. Le tout début du trajet fut chaotique. Wagon plein à craquer, ça crie, ça mange, ça se déplace en permanence. Une dame passait toutes les heures vider les poubelles et passer un coup de balais et c'était vraiment nécessaire à chaque fois. Ils mangeaient en permanence ! Plein de graines, de chips et de trucs à grignoter, puis le festival des nouilles instantanées, et enfin des sucreries et des fruits. Je n'osais absolument pas bouger dans ce remue-ménage. À un moment, une plage moins encombrée s'est libérée donc j'ai sauté sur l'occasion et j'ai bien fait ! J'avais deux places pour moi dans un carré de quatre. En face de moi : une dame et un bébé d'un an adorable. Elle n'a pas pleuré du trajet. Elle jouait avec mes stylos. Et juste à côté, un carré de six places (oui je sais ce n'est pas un carré du coup mais bon) : trois vieilles dames et trois vieux monsieurs, genre au moins 75 ans. Tellement contents de me voir ! Ils m'ont mitraillée de questions grâce à leur application de traduction. J'ai eu droit à une séance selfie avec tout le monde. Ils manient leurs smartphones à merveille pour leur âge. C'était très rigolo. J'ai pu aller mettre de l'eau chaude dans mes nouilles en étant sûre que ma place serait bien gardée. Je me suis très bien entendue avec la dame et son bébé. Je le prenais quand elle voulait faire autre chose, on partageait des choses à grignoter. Par contre, plus compliqué de dormir sur deux sièges que trois. J'ai dormir la tête dans les bras sur la table devant moi.


1300km : 1 bus, 1 voiture, 1 train

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Publié le 12 novembre 2023

Jour 68 : 11 novembre 2023


Réveil dans le train. J'ai encore une fois étonnement bien dormi, la tête dans mes bras sur la petite tablette devant moi. Mes copines du troisième âge et la dame et son bébé sont parties pendant mon sommeil. Je ne les ai même pas entendues alors que connaissant les phénomènes, elles n'ont pas dû se faire discrètes. J'émerge doucement, je petit-déjeune et je suis arrivée à Xi'an.

Je teste le Couchsurfing ! Pendant mon séjour à Xi'an, je dormirai non pas chez un chinois mais chez un pakistanais. Saqib vient me récupérer à la sortie de mon train et nous prenons le métro pour aller poser mon sac chez lui. Le métro est extrêmement bien indiqué, je ne devrais pas avoir de mal à m'y faire. Ah oui, info importante : il a neigé toute la nuit à Xi'an pour la première fois de la saison ! Donc la ville est encore toute blanche et les enfants surexcités dans les rues.

Saqib m'explique qu'il est venu étudier à Xi'an l'ingénierie mais à la fin de ses études, le Covid est arrivé donc il n'a pas pu rentrer chez lui, et depuis il travaille ici. Il parle assez bien mandarin, qu'il a appris uniquement en le pratiquant au travail. Il me raconte le cauchemar absolu du Covid ici. On s'est beaucoup plaint en Europe mais en Chine le confinement strict a duré un an et demi. Un an et demi à ne pas pouvoir sortir faire ses courses. Obligation de commander ses courses sur Internet. Il y avait de quoi devenir fou.

Nos premières activités de la journée ne sont pas passionnantes mais néanmoins nécessaires et elles prennent un certain temps parce que, si je ne l'avais pas déjà dit, toute procédure est très longue pour les étrangers en Chine. Saqib a un scooter électrique avec lequel on circule dans la ville. On est frigorifié mais c'est un moyen sympa de voir le quartier. Tous les chinois se déplacent avec ces scooters électriques. À cause de la pollution et de la démographie, la circulation en voiture est très réglementée. En fonction de sa plaque d'immatriculation, il est interdit de circuler en voiture au moins un jour par semaine. Bref, j'ai enfin une carte SIM.

Saqib rentre chez lui et je prends le métro pour aller découvrir le centre-ville de Xi'an. Tout d'abord, je rentre dans le premier petit commerce qui fait de la soupe. Je commande un truc totalement à l'aveugle mais je vais juste avaler quelque chose de chaud. Ma soupe de nouilles est assez étrange, il y a des éléments roses que je ne saurais identifier mais ça revigore.

Je vais ensuite voir les remparts de la ville, à défaut de voir la grande muraille de Chine. Ils font le tour de la vieille ville, sur 14 kilomètres de long. Ils datent du XIVe siècle, la dynastie des Ming ! Ils sont assez hauts, et la balade y est super agréable. Plus que de simples remparts, il y a des pagodes tous les 500 mètres. Elles sont magnifiques, très colorées. Et à chaque point cardinal, un temple encore plus luxuriant. Plein de gens sont vêtus de la tenue traditionnelle et font des photos. C'est très esthétique.

Je marche de l'entrée Sud à l'entrée Ouest puis je décide de pénétrer dans la vieille ville. C'est impressionnant : chaque bâtiment, chaque devanture de magasin est une œuvre d'art architectural. Je pénètre alors le quartier musulman, très réputé pour son ambiance et ses commerces. C'est une merveille ! Je ne sais plus où donner de la tête. Une quinzaine de rues sont concernées. Il y a à chaque mètre un nouveau stand de nourriture. Ce qui est fascinant, c'est que certaines choses à manger ont l'air très naturelles et simples : tout ce qui est graines, barbecue, calamars en broches, tous les plats de nouilles, les pains etc. Et d'autres ont des couleurs tellement étranges, ont l'air chimiques au possible et industrielles : des gâteaux et des jus fluorescents par exemple. Beaucoup de vendeuses portent le voile et certains hommes le chapeau musulman. Il paraît que les loyers sont très bas dans ce quartier parce que les habitations sont super anciennes et parfois délabrées. Quand j'entends le tintamarre qui doit durer jusqu'à minuit, je comprends. Les vendeurs ont pour obligation de vendre de la viande halal. Cette double culture chinoise et musulmane est assez peu connue je trouve. C'est très intéressant.

Je déambule dans ces rues et je retrouve Saqib qui m'a rejoint pour le dîner. Il adore ce quartier et vient souvent acheter de la viande qui est la plus fraîche de Xi'an. Il m'amène manger dans un boui-boui qui ne paye pas de mine, mais qui est un des plus connus du quartier paraît-il. La petite dame ferait 5000 yuans (650€) de chiffre d'affaires par jour de travail. On mange un mélange de riz, d'épices et de poulet avec de la mayonnaise. C'est super bon et ça cale bien. Pour retourner à l'appartement, on passe par une place magnifique. Une énorme pagode trône au milieu d'un rond-point. Elle est illuminée et le point de vue depuis l'esplanade est superbe. J'ai déjà un gros coup de cœur pour cette ville. Avant de monter à l'appart, Saqib achète du canard. Alors qu'on sort de table oui oui. Je grignote un peu pour goûter mais j'avoue n'avoir plus faim. Et la grosse couverture sur le canapé moelleux me fait de l'œil après cette longue journée.

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Publié le 15 novembre 2023

Jour 69 : 12 novembre 2023


Je me réveille assez tôt pour un dimanche matin. Car aujourd'hui, je vais voir quelque chose d'assez particulier. L'armée de terre cuite de Xi'an ! C'est à 40 kilomètres du centre-ville donc pour s'y rendre, c'est le flou artistique. Je fais une rencontre trop mignonne dans le métro. Un garçon avec des lunettes rondes, des bagues aux dents, un sac à dos qui pend jusqu'aux fesses et un ballon de basket vient me voir : "Hello ! I love English so much ! It was my dream to meet a foreigner !" ("Bonjour ! J'aime tellement l'anglais ! C'était mon rêve de rencontrer une étrangère !"). Comment ne pas tomber sous le charme ? On discute un peu : il a 13 ans, c'est son anniversaire aujourd'hui, il se rend à son cours de peinture et après il ira jouer au basket avec ses copains. Il m'aide à prendre le bon métro. C'est le chinois que j'ai rencontré qui parle le mieux anglais je pense.

En sortant du métro, une dame finit par m'aider avec son appli de navigation chinoise et me voilà dans le bon bus pour l'armée enterrée. Ma banque a bloqué ma carte bancaire pour la deuxième fois parce qu'elle prend Alipay pour un site frauduleux. Donc je paye le bus en cash mais ils n'ont pas la monnaie. Le conducteur écrit donc un message que je dois prendre en photo et montrer pour monter gratuitement dans le bus du retour quelques heures plus tard : "laissez la monter gratuitement dans le bus 306, cette fille a donné 10 yuans à l'aller !!". Ça a totalement marché, alors que j'aurais pu monter ce message de toute pièce.

L'armée enterrée, c'est l'attraction la plus touristique de la région. Le tourisme en Chine, c'est 99% de Chinois depuis le COVID. J'ai dû croiser une vingtaine d'occidentaux durant la journée, tout au plus. Par conséquent, il y a très très peu d'explications en anglais. Après avoir obtenu mon ticket d'entrée, je m'installe dans un coin pour lire l'histoire de ce lieu sur Internet.

C'est fascinant. En 1974, alors que des agriculteurs voulaient creuser un puit, ici même, ils sont tombés sur une porte menant à un immense sous-terrain contenant l'armée en terre cuite. 8000 soldats, 130 chars tirés par 520 chevaux montés par des cavaliers, il y a aussi des statues de civils, de membres de l'administration, de musiciens et d'acrobates. Et des statues de taille humaine ! Elles datent du IIIe siècle avant Jésus Christ, sous la dynastie Qin. C'est l'empereur Qin lui-même (qui est donc à l'origine de cette dynastie) qui a fait créer cette armée entière pour se faire enterrer avec, quand son heure sera venue. Pour être protégé même dans sa mort. Pourquoi ce mausolée et cette œuvre funéraire ont été gardés secrets si longtemps ? Parce que c'est ce que Qin désirait, et pour parvenir à ses fins, il a ordonné que tout ceux qui étaient au courant de ce projet et qui y avaient participé soient emmurés vivants au moment de son enterrement. Comment sommes-nous donc au courant de cette histoire ? La légende ne le dit pas. Je trouve ça complètement fou. Presque autant que Qin ne l'était. Il est considéré comme LE premier empereur, puisqu'il a conquérit tous les royaumes de Chine et les a unifiés, mettant fin à la période féodale. Il aussi standardisé la monnaie, l'écriture, la langue, les poids et mesures de la Chine, pays qui doit son nom à cet homme (Qin se prononce Tchin). Il est aussi à l'initiative de la grande muraille de Chine, construite pour empêcher l'invasion Mongole. Par contre, le tombeau de Qin lui-même n'a pas encore été déterré, et des milliers de soldats en terre cuite avec non plus. Volontairement. Parce que l'armée enterrée ou plutôt déterrée qu'on connaît aujourd'hui s'est beaucoup abîmée et a perdu ses couleurs à cause de la lumière du jour. Donc le gouvernement chinois attend que les techniques nécessaires soient à leur disposition pour continuer les recherches archéologiques et pour conserver au mieux les futures trouvailles. Si vous ne l'aviez pas compris, ce fut une visite passionnante ! Au milieu de laquelle deux jeunes filles m'ont demandé un selfie comme si j'étais une star. Elles étaient surexcitées, c'était très rigolo.

En sortant du site de visite, les surprises continuent. On est catapulté immédiatement après la sortie dans un flot de restaurants et de magasins de souvenirs, comme par hasard. On se croirait un peu à Disney parfois, ils en font des tonnes. J'ai très faim mais ce sera sûrement deux fois moins cher en ville. Donc retour à Xi'an. Je déguste mon premier riz cantonais de ce voyage et c'est un régal !

J'ai énormément aimé le centre-ville de Xi'an la veille, donc je souhaite l'explorer un peu plus. Et je ne suis pas au bout de mes surprises. J'essaye de couper par un parc pour m'éloigner de la circulation et là je tombe sur une pratique très amusante. Un marché matrimonial. À cause de la politique de l'enfant unique, beaucoup de trentenaires actuels se retrouvent célibataires très tard. Pour la société, c'est trop tard et c'est un trop grand nombre de célibataires. Donc ils emploient les grands moyens pour trouver une femme ou un mari. Dans ce parc se retrouvent les parents des jeunes filles, et les jeunes hommes. Les jeunes filles ne se déplacent pas en personne. Tout le monde a des CV plein les mains, il y a aussi beaucoup de CV disposés par terre et sur les arbustes. Par CV, je suppose qu'il s'agit d'une présentation générale de chaque personne. Je n'ai réussi à distinguer comme informations que les années de naissance, les poids et les tailles. Parfois il y a aussi une photo. En moins de deux minutes, je suis repérée et au moins cinq ou six hommes viennent me parler à tour de rôle. Donc je fuis en vitesse à travers le parc. Et puis quoi encore.

Dans cette autre partie du parc, quelque chose d'encore cocasse. Un club de danses à deux. Des gens de tous âges dansent par pairs sur une musique diffusée sur une enceinte. Le cadre est très joli, avec une pagode derrière. Quelle erreur que de m'être assise sur un banc pour assister au spectacle. Trente secondes plus tard, trois personnes viennent m'inviter à danser. La panique. Bref, je suis sortie du parc. Cela m'a fait rejoindre le quartier musulman, que j'adore. Petite balade à travers ces rues pleines de vie. Puis retour au bercail. Saqib a fait un plat pakistanais à base de riz, d'oignons et de poulet. Un régal mais c'est très épicé !


80 km : quelques métros et 2 bus

70
70
Publié le 17 novembre 2023

Jour 70 : 13 novembre 2023


Je prends un train assez tôt pour aller à cent kilomètres de Xi'an, où se trouve la montagne Hua. Elle fait partie des cinq montagnes sacrées du taoïsme, la religion la plus répandue en Chine.

En arrivant à Hua, je ne comprends absolument pas où trouver la navette pour le départ de la rando. Je questionne une jeune chinoise qui s'avère parler parfaitement anglais ! C'est si rare ! Elle s'appelle Chris et vient juste de quitter son job en finance à Shenzhen. Elle n'y était plus heureuse donc elle s'offre pour la première fois de sa vie un voyage en solo dans cette région ! Elle nous paye un taxi pour aller au pied de la montagne. Adorable. On se sépare parce qu'elle va prendre la télécabine et que je vais monter à pied. Je crois que seulement 5% des visiteurs montent à pied, et pour cause, c'était super dur ! Un total de 17 kilomètres, 1900 mètres de dénivelé positif et 6h30 de marche (sans compter les pauses). Le Mont Hua comporte cinq pics : Nord, Ouest, Sud, Est et central. Les deux premiers tiers de la rando consiste à rejoindre le pic Nord depuis la ville. Un chemin donc ombragé, le long d'une rivière. Au début, c'est une chemin pavé, puis cela devient une série interminable d'escaliers. J'ai lu qu'il y a un total de 8000 marches sur toute la rando. À monter, c'est cardio mais c'est faisable. Certains escaliers sont quand même sacrément étroits et pentus. Tous les 500 mètres, il y a soit un temple splendide, perché dans la montagne, soit un petit magasin de nourriture et de boissons avec des tables et des chaises. Donc ça passe assez vite ! Et sur la fin de cette partie, je discute avec Li Cong, un jeune coach de boxe en vacances dans la région. On va au même rythme donc on se tire mutuellement vers le haut.

En arrivant au pic Nord, c'est assez déroutant. Il y a l'arrivée de la télécabine donc il y a une foule de malades. Nous on vient d'achever les derniers escaliers, on est sueur et on se retrouve au milieu des fainéants. Je rigole, mais c'est assez frustrant les gens qui doublent à la buvette alors qu'ils n'ont fourni aucun effort. M'enfin passons. Je fais une pause pique-nique avec une superbe vue sur les reliefs alentour. J'ai du pain et une tomate. Je m'achète deux espèces de saucisses sur un pic. Les chinois mangent ça comme ça, tout seul. C'est assez gras donc je me fais deux hotdogs avec mon pain et ma tomate.

Après avoir repris des forces, je continue. La suite de la rando consiste à rejoindre le pic central et le pic Est, un peu plus que le pic Nord. Il y a encore une fois beaucoup d'escaliers vertigineux. Les paysages sont absolument splendides. Et tous les petits temples aussi. Cette randonnée est franchement une merveille. Seul inconvénient : cette télécabine qui rend la deuxième partie beaucoup trop fréquentée. Mais l'heure tourne et je ne tarde pas à faire demi-tour. La descente va piquer. J'ai déjà les cuisses qui chauffent. Dans ces cas-là, il vaut mieux descendre les marches d'escaliers en trottant qu'en marchant, cela abrège la souffrance. Les gardes du parc sont très amusés de me voir cavaler ainsi. Arrivée en bas, je suis complètement lessivée. Je fais du stop jusqu'à la gare et je me remets de mes efforts dans le train retour à Xi'an. Pour le dîner, Saqib a commandé à manger : des cuisses de poulet et du riz, avec une sauce encore plus épicée que la veille. J'ai cru comprendre qu'il aimait beaucoup le riz. Mais quand il cuisine, il utilise du riz pakistanais qu'il commande sur Internet par paquets de vingt kilos ! Sans grande surprise, je me suis endormie très rapidement.


250 km : 2 trains, 2 voitures, des métros et mes pieds

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Publié le 20 novembre 2023

Jour 71 : 14 novembre 2023


C'est ma dernière journée à Xi'an. J'ai bien évidemment des courbatures assez violentes dans toutes les jambes. J'explore une partie de la ville que je n'ai pas encore vue du tout, au Sud de la vieille ville, hors des remparts. Je commence par une longue balade dans un parc assez immense aménagé autour d'un lac. C'est fou comme tout est propre et bien aménagé. C'est encore le matin donc je vois plein de gens faire de la marche rapide ou de l'exercice. J'ai lu que les personnes âgées en Chine restent très souples très longtemps. Il y a un endroit dans le lac où plein de rochers sont disposés de telle sorte que l'on peut traverser. Un jeune couple se fait prendre en photos au milieu du lac à cet endroit là. Ils portent la tenue traditionnelle et sont magnifiques. Pour le déjeuner, je goûte au fameux burger de Xi'an. Et je continue ma longue promenade vers un lieu très touristique de la ville : la grand pagode de l'oie sauvage et le temple Da Ci'en. Allez savoir pourquoi cette pagode porte ce nom. En tout cas, on la voit de loin car elle fait soixante mètres de haut. Elle a été construite en 652 durant la dynastie Tang pour rassembler les écritures saintes bouddhistes. Elle est donc très célèbre. Il y a de nouveau des dizaines et des dizaines de femmes en tenue traditionnelles se prenant en photo dans tous les recoins du site. Le temple a treize cours séparées et était un endroit important de la dynastie Tang.

J'ai mis quasiment une semaine à écrire cette journée. Tous les endroits où je suis allée ce jour là étaient vraiment jolis et agréables mais c'était le début de deux jours de fatigue vraiment intense. Donc peut-être qu'inconsciemment, je n'avais pas envie d'y repenser. Un des très peu nombreux désavantages du Couchsurfing est sans doute de ne pas pouvoir dormir autant qu'on le souhaite. Chez Saqib, je dors sur le canapé donc globalement du moment où il va dans sa chambre jusqu'à ce qu'il en sorte. Or, il travaille et se réveille tôt le matin. Donc j'avoue avoir été assez passive durant cette journée. Après ce joli site, j'ai fait une longue pause dans un café pour réserver tous mes hébergements et train de la suite du voyage en Chine. Cela prend un peu de temps. Et j'ai marché jusqu'à chez Saqib, espérant que cela ferait passer les courbatures.

Mon train de nuit étant à 21h, nous avons eu le temps d'aller dîner dans un petit restau près de chez lui. J'ai trouvé l'équivalent chinois d'une salade de pâtes. C'était frais et super bon. Saqib m'a une fois de plus accompagnée jusqu'au métro en scooter et nous nous sommes dit au-revoir. Il m'a envoyé un adorable message tout de suite après, disant qu'il était ravi d'avoir appris à me connaître.

Encore une nuit passée assise dans le train. Celle qui sera fatale à mon humeur.

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Publié le 20 novembre 2023

Jour 72 : 15 novembre 2023


Mon train arrive à midi à Chengdu. J'aurais dû essayer de dormir plus durant la matinée mais tant pis. Lecture à la place. Mes courbatures et mon état de fatigue sont bien pires que la veille. Conséquence : tout m'irrite. La fatigue nerveuse me fait pleurer pour très peu de choses (exemple : mettre une demie heure à réussir à acheter un ticket de métro). Puisqu'il vaut mieux en rire après coup, voilà la liste des choses qui m'ont le plus manquée durant cette journée de fatigue :

- Manger sans me brûler la langue et les lèvres ;

- Dormir seule dans une chambre avec une porte ;

- Me laver les cheveux avec le même shampooing deux fois de suite ;

- Avoir des vêtements sans tâches ;

- Parler avec des gens qui parlent vraiment anglais ;

- Qu'il y ait du papier toilette et des toilettes assises (pas à la turque) ;

- Et bien plus que tout le reste, passer ne serait-ce qu'une heure avec quelqu'un qui me connait vraiment bien et avec qui je n'ai pas besoin de mettre les formes en permanence.

Bon voilà, ce n'était vraiment pas la grande forme. J'arrive tant bien que mal à rejoindre mon auberge de jeunesse dans le centre de Chengdu et je sens très vite que c'est ce lieu qui va me sauver de cette mauvaise humeur. Damon qui tient l'accueil est adorable et remarque sans doute que j'ai pleuré parce qu'il me fait un compliment sorti de nulle part. Il m'explique les activités proposées par l'auberge, très nombreuses et permettant de rencontrer les autres pensionnaires. Il me conseille une bonne adresse pour déjeuner, où je déguste une sorte de bouillon avec des grosses pâtes de lasagne, du poulet et des légumes. Miam.

L'après-midi, malgré mon allure de tortue due aux courbatures, je me force à une balade parce que je reste très peu de temps à Chengdu, compte-tenu du grand nombre de choses à y faire. Je commence par le quartier autour de l'auberge, super vivant, commerçant, coloré. L'architecture est traditionnelle, donc charmante. Il y a des restaurants absolument partout. Cela me fait bizarre de voir autant de gens en terrasse. Cela fait longtemps que je n'ai pas vu ça. Une des spécialités de Chengdu sont les salons de thé. Il y en a partout. Tout cette activité est dûe à un site touristique : le temple Wenshu.

Il s'agit du siège du bouddhisme zen. Il a été reconstruit pour la dernière fois en 1706 sous la dynastie Qing. Les guides le décrivent comme un havre de paix mais j'ai trouvé que c'était bien trop touristique et visité pour être vrai. Le site est encore une fois très grand et abrite trois cents statues de Bouddha en divers matériaux : fer, bois, bronze, pierre, jade.

Après en avoir fait le tour, je prends le métro pour aller voir "le parc des gens". Je comprends vite son nom. Il s'y passe mille choses en même temps. C'est vraiment un plongeon dans la culture chinoise et sichuanaise (région du Sichuan). Un petit lac au milieu du parc propose des tours en bateau. Les salons de thé en terrasse bordent ce lac. Un jardin botanique regorge de bonsaï magnifiques. Il y a un marché marital à nouveau, avec une des centaines de CV pour trouver l'amour. Des gens jouent au badminton, au ping-pong ou aux raquettes au détour d'une allée. D'autres dansent et font de la musique. Il y a des stands de nourriture en tout genre et de souvenirs. Tout ça réuni dans un parc situé dans l'hypercentre de Chengdu, une ville de cinq millions d'habitants et une métropole de seize millions d'habitants. Bref, un joli spectacle.

Je dois rentrer à l'heure à l'auberge de jeunesse parce qu'une activité est organisée en ce début de soirée. Nous allons apprendre à faire des raviolis chinois ! C'est Mickael, un autre jeune homme travaillant dans l'auberge, qui nous apprend. Nous sommes tous assis autour d'une table basse. En attendant le début de l'atelier, on fait connaissance. Une canadienne d'origine chinoise, un japonais, deux hollandaises, un allemand, un portugais et un italien. Je discute avec Alessandro l'italien. Il vient de Turin, ville que j'ai visitée cet été. Il fait des études de management mais durant toute son enfance et son adolescence, il faisait de la natation tous les jours. Il n'est pas devenu nageur professionnel mais à présent, son job étudiant est prof de natation à la piscine municipale. Et son rêve serait un jour de diriger sa propre piscine. Je ne sais pas pourquoi ce parcours m'a touchée. Simple, mais tellement logique. Faire ces raviolis tous ensemble fut très amusant. Les miens ressemblaient un peu à des dinosaures, c'était pas facile. Mais quelle satisfaction de les manger ensuite.


800km : 1 train


73
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Publié le 20 novembre 2023

Jour 73 : 16 novembre 2023


Réveil très tôt après une nuit quand même réparatrice de cette fatigue accumulée. Je pars voir le site le plus connu de Chengdu avec deux personnes rencontrées dans mon auberge de jeunesse hier soir. Yvette est hollandaise, elle vit à Vienne depuis une dizaine d'années et a tout d'une trentenaire de son époque, un grand sourire avec. David est portugais. Retour à des fréquentations européennes, donc.

On se rend ensemble au centre de recherche et de reproduction du panda géant de Chengdu. Cette ville est située dans la province de Sichuan, l'endroit qui concentre le plus grand nombre de pandas géants au monde : 74% de leur totalité. Les chinois sont fous de cette espèce. Les touristes portent des couvre-chefs pandas. C'est la folie. J'avoue que je ne m'attendais pas à un endroit aussi touristique. En fait, l'ambiance est assez similaire à celle d'un zoo. Ce que je ne n'apprécie pas tellement. Passons. Les pandas sont évidemment très intrigants et mignons. Les voir réussir à déplacer leur corps si dense de poils est un régal. J'ai l'impression d'être une enfant.

Après cette visite, retour à l'auberge et notre trio se sépare pour l'après-midi. Pour le déjeuner, ce sera riz et tofu. Il est si bien préparé ici. C'est d'ailleurs super épicé. Les serveuses du petit restaurant sont particulièrement amusées de me voir là et sont très indulgentes quant à mon chinois bancal lorsque je passe commande.

L'après-midi, je me balade très longtemps le long d'un canal assez calme. Puis changement d'ambiance dans des rues très touristiques, commerçantes et agitées. Les vendeurs.euses y crient toutes sortes de publicités. Certains stands de nourriture vendent des choses absolument indescriptibles. Au milieu de tout ça, des gens se font nettoyer les oreilles sur le trottoir. Et des magasins de calligraphie m'émerveillent. Tout m'émerveille en fait.

Je visite l'immense temple taoïste Qingyang, divisé en de nombreuses pagodes, salles et jardins. Les couleurs sont magnifiques. Et pour une fois, il n'y a pas foule. Ça fait du bien. Il y a même un salon de thé en terrasse au milieu du parc. L'ambiance y est vraiment apaisante et étonnante au milieu d'une si grande ville. J'apprends ici-même que le Yin Yang est le symbole du taoïsme, la religion la plus répandue en Chine.

Il est temps pour moi de rentrer dans le quartier de l'auberge. Ce soir, je vais voir un spectacle avec Yvette, David, Niklas et Ellen. Je retrouve donc Niklas pour aller dîner rapidement avant le spectacle. On trouve un petit restau végétarien absolument délicieux. Niklas est allemand, de Frankfurt mais il a étudié à Berlin et n'est jamais parti depuis. Il fait un long voyage à travers la Chine, le Népal, l'Inde et le Sri Lanka. Essentiellement pour faire de la méditation. Je lui raconte mes meilleures anecdotes en stop. Nous retrouvons les autres à "l'opéra". C'est une sorte de dîner-spectacle. Donc on commande des bières qui sont imprévisiblement immenses. Le spectacle est magnifique même si nous n'avons pas bien compris le fil directeur : succession d'acrobaties, marionnettes, ombres chinoises, musique, danse, clown. On passe un super moment et on rigole beaucoup. À tel point qu'on prolonge la soirée dans un bar caché très chouette : musique live et jam session. Tous les gens du bar sont internationaux : japonais, mongoles, italiens, français. Ça n'est vraiment pas sûr que cette sortie nocturne m'aide à rattraper mon retard de sommeil mais cette journée fut si belle et complète. Quel bonheur de la terminer sur une note qui me rappelle un peu ma vie d'étudiante en France (oui les bars et non pas les bancs de l'université...). C'est une bonne fatigue et une bonne journée. Parmi tant d'autres.

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Publié le 21 novembre 2023

Jour 74 : 17 novembre 2023


C'est après une très courte nuit de sommeil que je pars dans la précipitation de Chengdu pour attraper mon train. Je m'en vais dans la province de Hunan pour quelques jours. Il y a une trentaine de provinces différentes en Chine, avec leurs particularités ethniques, culinaires, religieuses, en somme culturelles. Celles du Tibet et du Xinjiang sont malheureusement les plus connues en Europe occidentale.

Je passe la journée dans le train, en direction de l'Est. J'avoue avoir seulement dormi un peu, mangé un peu et lu beaucoup durant ces longues heures de train. Ma ville destination est Zhangjiajie. Cela paraît compliqué à prononcer correctement comme ça mais j'ai réussi. Le principal lieu d'intérêt près de cette petite ville est un magnifique parc national où certaines scènes du film Avatar 1 ont été tournées. Ce parc fera l'objet de randonnées dans les jours à venir.

Je débarque vers 19h dans une nouvelle auberge de jeunesse. Assez miteuse comparée à celle de Chengdu : pas de chauffage, toilettes à la turque au milieu de la "douche" (en gros le trou sert à la fois pour la douche et les toilettes, charmant je sais). Mais mon séjour ici sera inoubliable grâce aux personnes rencontrées ici. Celui qui gère l'auberge, Win, n'a pas l'air de faire ce métier par passion. Il est assez nonchalant mais m'offre quand même un peu de nourriture pour compléter mon dîner. Je fais rapidement connaissance des deux seuls autres pensionnaires : Peter est un chinois de nationalité canadienne, qu'il a acquise en étudiant et en travaillant à Toronto quelques années. Il a soixante ans et voyage à travers le monde. Ce personnage est loufoque, je l'ai découvert au fur et à mesure. Et Johnny est coréen, il a 23 ans et vient de recevoir son diplôme de pilote dans l'armée. Donc il a six mois de pause avant un contrat de cinq ans. Il considère que c'est pour lui l'occasion ou jamais de voyager. Il a passé trois mois aux États-Unis, un mois à Taïwan et à présent un mois en Chine. C'est amusant de voir que nos appétences respectives pour l'avion sont radicalement opposées. Depuis son séjour à Taïwan, il apprend le chinois et se débrouille drôlement bien. Il est de manière générale assez exigeant avec lui-même j'ai l'impression. On se donne rendez-vous le lendemain matin pour aller au parc national ensemble. Avant ça, une bonne nuit m'attend.


900 km : 2 trains

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Publié le 22 novembre 2023

Jour 75 : 18 novembre 2023


Départ de l'auberge en début de matinée avec Johnny. On passe s'acheter un petit-déjeuner et on file prendre un bus pour aller au parc national. Il parle super bien anglais et c'est vraiment agréable d'avoir de vraies conversations enrichissantes avec quelqu'un qui vit à l'autre bout du monde de moi. Je veux dire que d'habitude, ceux avec qui je parle anglais de sujets plus profonds sont bien souvent européens. Mais cette fois non et on a des tonnes de questions l'un sur la culture de l'autre. De la simple "vous mangez quoi pour le petit-déjeuner en Corée ?" à la plus complexe "comment la France se positionne entre Israël et la Palestine ?". On discute aussi de nos voyages et il arrive quelque chose de fou. Il me raconte sa semaine passée à randonner dans le Grand Canyon aux États-Unis en juin. Il fait défiler quelques photos et je reconnais un couple d’autrichiens avec qui je discute depuis quelques semaines sur Instagram ! Incroyable ! Ils tiennent un super compte Insta parce qu'ils voyagent sur tout le continent américain en auto-stop. Et Johnny les a rencontré dans un bus, il était épuisé et ils lui avaient donné une casquette et de l’eau. Alors ils avaient pris un selfie. Ce hasard est fou. Je prends un selfie avec Johnny et l’envoie à ce jeune couple sur Instagram, ils étaient absolument ravis et se souvenaient très bien de cette rencontre.

En arrivant sur le site, on se rend compte de la taille de celui-ci. On n'aura pas le temps de tout voir, il faut faire des choix. Un chemin de randonnée s'appelle "Monkey" quelque chose donc nous sommes convaincus. Autour de l'entrée, cinq femmes différentes accostent à tour de rôle Johnny. Alors on rigole, on se dit qu'il se fait draguer par des cinquantenaires qui veulent l'ajouter sur WeChat. Mais je crois que c'était surtout pour nous vendre une visite guidée, c'est sûr que Johnny a plus l'air de parler chinois que moi.

Les paysages de ce parc national sont de très longues roches monumentales situées les unes à côté des autres au pied desquelles la végétation est très dense. Notre randonnée consiste à gravir un grand nombre de marches dans la jungle pour atteindre les points de vue magnifiques situés en hauteur. Au bout d'une trentaine de marches, deux macaques trônent au milieu de l'escalier, tels des gardiens. On voit derrière eux une quarantaine d'autres singes se baladant. C'est merveilleux. J'ai l'impression d'être dans un film, ou un documentaire animalier. On s'approche pour tenter de passer et continuer les escaliers mais un des singes montre les dents de façon assez agressive. Je ne fais pas la maligne. Un petit groupe de chinois arrive et semble plus stratégique que nous : ils lancent un fruit à quelques mètres de là donc les singes se jettent dessus et quittent l'escalier, libérant le passage. On les suit, les chinois, pas les singes. On parvient à gravir ces cinq cents mètres d'escaliers infestés de singes qui nous regardent. Et au dernier moment, l'un d'eux se jette sur Johnny pour lui arracher son paquet de gâteaux caché dans la poche intérieure de sa veste. C'était fou. Très impressionnant de ruse et de perspicacité. On a aussi vu un singe sans jambe, se déplaçant sur les mains.

Plus on grimpe, plus la vue est belle. Et nous arrivons finalement en haut d'un de ces immenses reliefs rocheux. Le moment de faire une pause déjeuner. Je me rends compte avec Johnny que tout est plus limpide quand on maîtrise les bases du chinois. Il nous commande à manger sans difficulté. Durant la marche, on a parfois mis de la musique. On se rend compte alors de la force de la mondialisation. On vit tous les deux aux extrémités Ouest et Est du continent eurasien et on écoute pourtant les mêmes artistes et les mêmes genres musicaux, mises à part la variété française et la K-pop. Il adore le rap américain, Justin Bieber, Frank Sinatra et Vivaldi. Pendant la balade, une fille d'une dizaine d'années m'accoste en anglais pour me dire que je suis jolie. Trop mignonne. Sa maman nous demande si on peut faire une photo. Sa fille est très timide mais elle adore l'anglais !

Après avoir fait le tour des points de vue et suffisamment critiqué ceux qui montent là-haut en télécabine (je rigole...), on redescend, impatients de recroiser des singes. Et on n'est pas déçu. Comme on est arrivé à l'ouverture du parc, les singes étaient seulement dans les escaliers, loin de la foule en début de matinée. Mais à mesure que les visiteurs sortent les pique-niques, les singes envahissent tout l'espace près de l'entrée du parc. Il y en a partout. Ils se courent après, se prélassent, tapent la pose. Il y en a un sur un banc. Johnny s'assoit à l'autre bout du banc pour que je prenne une photo. Le singe, mécontent, a essayé de le pousser. Énorme fou rire. Ces bestioles auront grandement contribué à la bonne humeur inoubliable de cette journée.

Nous rentrons à l'auberge en fin d'après-midi et achetons des bières en chemin. Win, le gérant de l'auberge que nous surnommons "our lazy host" (notre hôte fainéant) parce qu'il n'est pas bien vaillant, a quand même préparé un dîner magnifique. Nous sommes mauvaises langues. Alors après une bonne douche, on passe une super soirée. Une touriste chinoise est de passage seulement ce soir. Eko. Elle vient de Shanghaï mais elle étudie en Mongolie intérieure. Et maintenant, elle est en vacances. Elle se dépatouille en anglais donc on discute. Après le dîner, on fait un jeu de cartes très drôles qui passionne tout le monde. Eko gagne la première partie et moi la deuxième ! Victoire aux filles !


15 km à pied

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Publié le 22 novembre 2023

Jour 76 : 19 novembre 2023


À cause de notre super soirée jeux de la veille, on se réveille un peu plus tard. C'est reparti pour une belle journée de balade dans le parc national avec Johnny, mon nouvel ami coréen. Il y a plusieurs entrées dans ce parc. Hier nous avons fait le Sud. Aujourd'hui, ce sera l'Est. On petit-déjeune comme on peut dans le bus qui nous y amène. Dans cette partie-là, les points de vue les plus jolis sont très espacés les uns des autres. Donc on opte pour l'option télécabine à l'aller. Et l'ascension fut splendide ! On a vraiment bien fait. Cela donnait l'impression de s'enfoncer peu à peu dans ce décor de film. Il nous a aussi fallu prendre des navettes à plusieurs reprises entre les différents spots de balade. Johnny a cette manie de chantonner en permanence quand il marche. C'est assez rigolo. Il me dit que c'est à cause de sa formation militaire, ils entonnent souvent des chants pendant les marches.

C'est vraiment chouette de passer autant de temps avec quelqu'un et d'apprendre à plus se connaître. C'est parfois difficile de se faire des amis en une heure. Mais au bout de deux jours avec Johnny, je confirme qu'on restera en contact très longtemps. Notre anglais correct nous permet de passer outre les différences culturelles et d'avoir beaucoup d'humour. On parle donc de sujets plus personnels. Nos situations familiales, nos relations avec nos parents, nos frères et sœurs. Il a une sœur qui a l'âge de mon frère. Il l'aidait en maths, elle lui apprend le dessin. Elle est en première année d'études d'art. Elle adore le maquillage. Ils se sont beaucoup rapprochés quand Johnny était au lycée, pendant une mauvaise passe que traversaient ses parents. Maintenant, ça va super bien et il me montre des selfies de ses parents en rando avec leur caniche. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à son père, mais il paraît que sa mère a fait de la chirurgie esthétique donc c'est plus difficile à dire. On discute aussi de relations amoureuses, les nôtres, mais aussi en général comment cela se passe culturellement dans nos pays. En France, les étudiants flirtent en soirées, souvent alcoolisés. En Corée, on se rencontre grâce à un ami en commun au karaoké ou au café. Je me rends compte que malgré ces différences culturelles, nous sommes les mêmes. Des êtres sensibles en quête de sens, tout juste sortis de l’adolescence. Et je ne trouve pas les bons moments pour l’exprimer mieux que Abd Al Malik dans sa chanson Saigne : “Derrière le statut, le vêtement, la couleur de peau, n'est-ce pas qu'on est semblables tous. Les mêmes préoccupations : qui suis-je ? Où vais-je ? Que n’ai-je ? M’aime-t-il ? M’aime-t-elle ?”

Ce sont pour ces conversations que je voyage. Le voyage qui rend les rencontres plus courtes et plus intenses. Le compte à rebours de savoir qu'on ne se reverra plus force à se confier plus vite, à poser plus de questions. Aussi, j'ai l'impression que l'âge importe plus que ce que je ne pensais. Bien sûr, j'ai créé des liens inoubliables avec des personnes bien plus âgées que moi pendant ce voyage. Veysel en Turquie, Shozeh et Reza en Ouzbékistan, Saule au Kazakhstan. Mais les personnes avec qui je me suis sentie le mieux, moi-même et sans filtre avaient mon âge. Je pense surtout à Serzhan, ce garçon de 23 ans à Atyrau au Kazakhstan. Inoubliables.

Cette amitié avec Johnny se fait dans un cadre exceptionnel. Les sentiers sont super agréables. Finis les pulls, nous marchons en t-shirt. Il fait un temps magnifique et les photos le sont autant. Pas de singe aujourd'hui. On avait pourtant un pique-nique qui leur aurait plu. On a dégusté nos nouilles instantanées face à un panorama exceptionnel. Mandarines en dessert. Et c'est parti pour descendre à pied jusqu'à l'entrée du parc. On rencontre une famille italienne venant de Turin. Johnny n'est pas habitué : "C'est tellement génial de randonner comme ça avec ses filles ! Je veux absolument la vie de cet homme plus tard. C'était un papa trop stylé. En plus il parle anglais. Tu crois qu'il parle chinois ?". Non je ne crois pas, mais on ne sait jamais.

Le soir, de retour à l'auberge, Win nous annonce qu'il ne cuisine pas aujourd'hui. Donc on va dîner dehors. Johnny devient fou et commande deux fois trop de plats. Enfin, c'est ce que je pensais. L'appétit vient en mangeant et on a presque tout fini. On l'a mérité après tout. On passe le reste de la soirée dans la salle commune de l'auberge avec Peter qui raconte des histoires sans queue ni tête et les deux chatons de Win qui se baladent sur nos genoux. Ambiance cozy. Peter n'a de cesse de parler de ses petites amies plus jolies les unes que les autres, mais que les filles en Ukraine (où il a vécu) seraient trop intéressées par l'argent, que à Taïwan, tout est moins bien qu'en Chine et que je ne devrais pas faire mes réservations d'auberge sur Booking parce qu'ils prennent une commission. Ces différentes informations, je les ai entendues au moins trois fois chacune. Mais on arrive à en rigoler. Ce soir, c'est ma dernière nuit dans cette auberge aux dortoirs glaciaux mais aux rencontres si chaleureuses.


12km à pied

77
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Publié le 23 novembre 2023

Jour 77 : 20 novembre 2023


Ça y est ! Il est temps de quitter l'auberge du bonheur. J'ai un train assez tôt. Et dès le matin, les chinois me prouvent leur gentillesse. Mon application de paiement me fait encore défaut dans un bus qui doit me mener à la gare. Et c'est le chauffeur de bus lui-même qui me paye mon ticket ! Mon trajet en train est très court parce que c'est un TGV mais à l'arrivée je dois prendre un bus pour rejoindre mon hôtel. J'en aurais passé du temps dans les transports... J'y arrive quand même avant le déjeuner. Dans le boui-boui du monsieur chez qui j'ai mangé, il y avait une immense affiche de Mao Zedong. C'est la première que je vois. Dans la ruelle de mon hôtel, la vie s'écoule doucement. Il fait super beau, le soleil chauffe ma peau. Un homme joue de la guitare devant chez lui. Une enfant de trois ans court en riant. Une dame mange des nouilles assise sur le trottoir. Et une autre téléphone tout en touillant une préparation sur un petit stand de nourriture.

Je suis à Fenghuang, une petite ville, toujours dans la province de Hunan. C'est absolument magnifique. On dirait Venise, version chinoise. Une rivière sépare la vieille ville en deux rives. On peut se balader sur des quais tout le long. Et surtout les habitations en bois aux toits gondolés se reflètent dans l'eau. Les quelques ponts qui traversent ce joli paysage sont plus jolis les uns que les autres. L'architecture actuelle date du début du XVIIIe siècle, sous la dynastie Qing. Je me dis que les villages d'autrefois ressemblaient à ça, avant la modernisation : maisons en bois sur pilotis, remparts et ruelles pavées marquées par le temps. Avec tous les gens en tenues traditionnelles qui se prennent en photo au bord de l'eau, c'est un vrai voyage dans le temps. En un peu kitsch parfois. Les stands de nourriture sont bien trop touristiques et nuisent un peu au charme du lieu. Par contre les pêcheurs d'algues perchés sur leur barque et coiffés du fameux chapeau pointu, ils se fondent parfaitement dans le décor. Je me balade, je flâne, je prends des photos.

Et j'ai une envie soudaine de dormir donc je m'offre le luxe d'une sieste à 17h. Cela ne m'arrive pas souvent mais je comprends pourquoi cette pratique est très appréciée. Comme je dors à l'hôtel c'est bien pratique. En effet, il n'y avait ni Couchsurfing, ni auberge de jeunesse dans cette ville. Et le prix de la nuitée dans cet hôtel n'était pas excessif.

Pendant la soirée, je ressors me balader puisque la nuit tombée, Fenghuang présente un nouveau spectacle. Les maisons en bois et les ponts sont magnifiquement bien illuminés. C'est un lieu quand même très touristique. Et comme d'habitude, les chinois en font trop pour plaire aux visiteurs. Il y a au milieu de la rivière une dame en tenue traditionnelle en train de faire une sorte de spectacle de danse très médiocre, le tout sur fond musical diffusé dans les hauts parleurs. On s'en serait passé.

Si la ville est très calme la journée, le soir ça s'agite. La réputation des bars avec musique live est excellente. Et en effet, j'entends des groupes jouer à tous les coins de rue. Ça n'est pas pour me déplaire. Les odeurs de nourriture envahissent les rues. Les grillades d'insectes m'intriguent. Au risque de vous décevoir, je n'ai pas goûté. Je me suis contentée d'un bouillon de raviolis.


220 km : 1 train, 2 bus


78
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Publié le 24 novembre 2023

Jour 78 : 21 novembre 2023


Fenghuang n'était qu'une rapide étape sur ma route. Je quitte cette petite ville enchantée ce matin. J'ai un long très long trajet à accomplir aujourd'hui. Et cette région n'est pas la mieux desservie en train. Donc je vais faire du stop pour rejoindre la grande gare la plus proche. Les petits villages aux alentours sont très mignons. Je suis sur une route de campagne, donc le stop est très facile. Je rencontre Jo, un médecin à l'hôpital qui roulait à une allure folle. J'ai bien cru qu'il n'allait pas s'arrêter pour me prendre mais il a ralenti au dernier moment. J'imagine toujours ce qu'il se passe dans la tête des gens qui me prennent en stop : "Hein ? Mais elle est folle ! Rah c'est une jeune fille seule...je pourrais peut-être l'aider... Et si c'est une psychopathe ? Oui ? Non ? Allez soyons fous !". Tout ça en moins de deux secondes. Mes chauffeurs suivants sont un jeune couple. Eux ne parlent pas du tout anglais mais ils sont adorables, m'offrent une clémentine et me déposent à la gare. Ils avaient eux aussi un super médaillon de Mao en décoration de voiture.

J'ai deux trains à prendre pour arriver à Guilin en fin d'après-midi. La gare par laquelle je transfère entre mes deux trains est en travaux. Sans l'aide d'un jeune homme volant à ma rescousse, je n'aurais jamais eu ma correspondance. J'ai dû marcher vingt minutes entre les deux quais. Et pour finir cette journée durant laquelle j'aurais pris beaucoup de moyens de transport différents, je dois prendre un bus pour aller jusqu'à mon auberge de jeunesse à Guilin. Johnny n'est plus là pour parler chinois et acheter les tickets pour nous. Donc je pense que j'ai l'air totalement perdu dans la gare routière. Un monsieur vient à mon secours.

L'auberge de jeunesse dans laquelle j'atterris est beaucoup moins familiale que celle de Zhangjiajie si je puis dire. Six étages avec des dortoirs à chaque étage. Ils doivent être bien vides parce que je ne croise pas grand monde. Jennifer, la jeune fille de l'accueil m'explique que les rizières que je suis sûrement venue voir à Guilin sont toutes embouées à cette période de l'année. Super. Il va donc falloir trouver autre chose pour s'occuper pendant deux jours.

Pour commencer par une activité par terrible, j'essaye de changer un de mes prochains billets de train. Je me suis rendue compte qu'il y avait quatre gares différentes à Guilin, dont une à dix minutes à pied de mon auberge (ce n'est évidemment pas celle par laquelle je suis arrivée). Donc je vais faire en sorte de repartir de là. Le personnel ne parle pas du tout anglais, et je parle encore moins chinois donc cela a pris un certain temps.

Je passe la soirée dans un très bel endroit de Guilin. La ville est traversée par la rivière Li, ou Lijang en mandarin. Donc il y a dans le centre ville des îles, des ponts, des petits lacs. L'eau a une place très importante dans l'aménagement de la ville. Et au milieu de l'un de ces lacs se trouvent deux immenses pagodes : la pagode du soleil et la pagode de la lune. Et dans la nuit, elles sont magnifiquement illuminées. L'une est orange, marron, solaire finalement. L'autre est grise, bleue. Je me balade donc sur des quais joliment aménagés autour de ce lac. C'est piéton, avec beaucoup de verdure, c'est super agréable. Et surtout il y a à différents emplacements des groupes de musique qui se produisent. Je m'arrête devant l'un d'eux qui sied particulièrement à mes oreilles. Un couple d'une cinquantaine d'années dansent tous les deux devant les quelques spectateurs. Ils sont trop mignons et ne sont pas là pour faire le show. Ils se regardent avec beaucoup de tendresse. J'aide quelques touristes à se prendre en photo devant les pagodes, je rêvasse. Ce moment est très joli.

De retour à l'auberge, je fais la connaissance de mes compagnes de dortoir. Il y a deux chinoises, une indonésienne et une espagnole catalane. On discute rapidement mais je vais au lit tout aussi rapidement.


600km : 2 voitures, 2 trains, 1 bus

79
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Publié le 25 novembre 2023

Jour 79 : 22 novembre 2023


Paisible réveil dans mon dortoir. Très déçue de ne pas aller voir les très connues rizières de Guilin, je dois quand même m'occuper pendant deux jours. Oui, voyager à ce rythme me fait oublier comment occuper une journée sans visiter quelque chose et marcher pendant des heures. Je repère donc sur Internet un très joli point de vue accessible en télécabine. C'est à une dizaine de kilomètres de mon auberge, donc je me dis que cela me fera traverser la ville. Je passe à la fois par de grandes avenues très brillantes et occupées, des jolies ruelles, puis la campagne. Je trouve très étrange qu'il y ait si peu de monde. Depuis le début de mon séjour en Chine, n'importe quel lieu de visite est très fréquenté, c'est assez difficile d'être seule. Je comprends au bout de deux heures de marche : le téléphérique est en travaux... C'est un échec cuisant. Je fais demi-tour vers le centre-ville avec l'aide d'un bus, un peu dégoûtée. Je me console avec un riz cantonais pour le déjeuner.

L'après-midi, je visite un magnifique parc. Il faut savoir que la particularité de cette région, ce sont les dizaines de milliers de montagnes karstiques qui façonnent le paysage tout autour de la rivière Li. C'est le produit de millions d'années d'érosion hydrique et d'altération. Ce sont ces merveilles qui ont rendu la région de Guilin si connue. Donc au beau milieu du parc, il y a une de ces montagnes. En grimpant un peu, on en voit des dizaines d'autres. Pour le coup, dès qu'il s'agit de monter du dénivelé à pied, il n'y a plus grand monde. Je me retrouve donc seule dans un escalier en pierre face à un singe qui m'a éperdument ignorée.

C'est le retour de l'été. Cela me fait bizarre d'avoir eu de la neige il y a dix jours à Xi'an. Je suis en short et débardeur. Je me prélasse au soleil sur une étendue d'herbe. Des gens font des étirements, des pique-niques, la sieste. Une des montagnes sorties de nulle part dans ce parc est en forme de chameau. Les photos sont magnifiques parce qu'un groupe de dames se pavanait en tenue traditionnelle juste devant.

Je termine mon tour du parc et me dirige vers un endroit qui fait la renommée de Guilin. Non pas un chameau mais un éléphant cette fois-ci. Au bord de la rivière Li, une montagne rocheuse a la forme d'un éléphant qui plongerait sa trompe dans la rivière. C'est très joli, surtout avec la lumière du jour qui commence à décliner. Mais l'endroit est évidemment beaucoup trop touristique pour être agréable. C'est blindé. Et il faut payer un ticket pour avoir accès au meilleur spot de photos au bord de la rivière. Vu la foule ultra bruyante, pas question que j'y aille. Je trouve une place sur un banc qui semble être le seul à avoir une vue sur le paysage, hors de la zone payante. Le couple assis à côté de moi m'aborde donc. Des cinquantenaires venant de Pékin. Très bizarre, car la femme est apparemment prof d'anglais mais semble avoir un niveau d'anglais catastrophique. C'est surtout l'homme qui me parle : ils sont en vacances dans la région pour fuir le froid de Pékin. Il adore le ski, l'équitation et la chasse, le plein-air finalement. Il est étonné que je ne sois pas venue visiter Pékin. Une prochaine fois j'espère. C'était très chouette de discuter avec des gens durant cette journée. Je me suis rendue compte à Guilin à quel point les rencontres ont un rôle capital à jouer sur mon humeur. En quittant Zhangjiajie et mon acolyte Johnny, j'étais au début contente d'être de nouveau avec moi-même et à mon rythme, puis le manque de conversation s'est fait ressentir.

Après avoir profité de cette jolie vue et de l'agitation des stands de nourriture en début de soirée, je m'octroie un dîner luxueux : des sushis ! Je suis passée par hasard devant un restaurant japonais, le seul que j'ai vu en Chine, donc j'ai sauté sur l'occasion. Le reste de la soirée, j'ai fait du montage vidéo et j'ai décoré mon carnet de voyage qui commence à être sacrément épais.


15 km à pied

80
80
Publié le 25 novembre 2023

Jour 80 : 23 novembre 2023


Je n'aurais donc pas fait le tour du monde en quatre-vingt jours, mais je ne peux m'empêcher de penser à ce livre en ce jour. Cela me donne envie de découvrir l'Inde qui y est si bien décrite. C'est très humain de toujours désirer ce que l'on n'a pas, n'est-ce pas ? Parce que je ne m'attendais pas à avoir envie d'Inde dans le fin fond de la Chine.

Ces deux journées à Guilin durant lesquelles je n'ai fait qu'arpenter la ville à pied et seule m'ont fait beaucoup réfléchir. Ça sert aussi à ça le voyage, particulièrement en solo : apprendre à mieux se connaître. Parce que je ne sais pas ce que je veux faire de ma vie : du théâtre, des rencontres enrichissantes, me sentir utile, me sentir indépendante et libre. C'est ça qui me fait vibrer. Mais comment en faire une carrière ? Est-ce qu'il y a besoin de faire carrière pour réussir sa vie ? Est-ce que j'ai besoin de savoir ce que je veux faire de ma vie ? Ça c'était une partie de mes pensées. Il y a aussi eu l'épisode : qui compte vraiment pour moi ? Pourquoi je n'arrive pas à prendre des nouvelles alors que je pense à eux tout le temps ? Et celui : était-ce une bonne idée ce compte Instagram ? Oui c'est gratifiant toutes ces personnes intéressées par mon voyage et me remerciant car grâce à moi, elles se sont mises au stop. Mais comment séparer ma vie réelle de ma vie virtuelle ? Comment ne pas tomber dans le piège ? Ça me fait bizarre d'écrire tout ça en sachant que ceci n'est pas un journal intime mais bel et bien une sorte de blog que mes proches lisent régulièrement. Peut-être que certains d'entre vous apprennent à me connaître bien plus en lisant ces lignes à des milliers de kilomètres de moi, que lorsqu'on se voit quelques fois par an d'habitude. J'espère que ce n'est pas une plongée trop brutale dans mes pensées.

En ce jour numéro 80, j'ai marché et pensé. La ville de Guilin s'articule autour de la rivière Li. Alors je l'ai longée. Parfois, j'ai grimpé des collines de verdure pour m'échapper un peu de la ville, prendre de la hauteur et admirer le paysage. J'ai notamment suivi un petit chemin que m'a indiqué Sacha, un garçon rencontré au marché de Tachkent, qui est passé par là deux semaines avant moi. Des nouilles froides et des crudités me font le plus grand bien pour le déjeuner.

Je suis allée voir un nouveau parc durant l'après-midi. Encore une fois de jolis paysages. Beaucoup de touristes très bruyants malheureusement. C'était un parc payant et je crois qu'à Guilin il vaut toujours mieux rester hors des sentiers battus pour avoir de la tranquillité. Les quais de la rivière sont bien plus intéressants culturellement aussi : ces personnes âgées qui s'étirent et font fonctionner leurs articulations, ces groupes de danse qui s'exercent, les pêcheurs qui attendent patiemment, les groupes de musique, les amoureux qui se bécottent sur les bancs publics (vous reconnaissez ?).

À la tombée de la nuit, je rentre vers l'auberge où mon sac m'attend. Je prends le train dans la soirée. En attendant, j'écris ces lignes. La gare n'est pas loin, mais je ne peux pas en dire autant à l'arrivée. J'ai dû faire une heure de bus puis trente minutes de marche en plus pour arriver à mon auberge de jeunesse suivante. Ça m'a un peu épuisée j'avoue, surtout à 23h. Ce fut une surprise rigolote en arrivant dans mon dortoir de voir que mes colocs de chambre sont les deux mêmes jeunes filles chinoises qu'à Guilin.


110 km : 1 train, 1 bus

81

Jour 81 : 24 novembre 2024


Après l'introspection approfondie d'hier, place à la liberté ! Cette journée fut fantastique, une de mes préférées depuis le début de ce long voyage. Pour profiter pleinement de la région, j'ai loué un scooter électrique. Sans doute le moyen de transport le plus utilisé en Chine.

Eh bien quel bonheur cette sensation. N'importe quelle route ou chemin offre une vue magnifique sur toutes ces montagnes karstiques si karaktéristiques (lol) de la région. La nature est vraiment belle. Je mets de la musique sur le haut-parleur de mon téléphone et je chante à tue-tête, à 40km/h.

Je rejoins un petit village. J'y ai acheté des clémentines super juteuses à une dame ravie. Je flâne sur un pont qui offre une belle vue sur la rivière. J'observe les touristes en croisière sur des pagodes qui font partie du décor. Pour le déjeuner, je rejoins un autre village où un marché bat son plein. Une des marchandes dort sur sa chaise. Les poules en cage me font de la peine. Certains marchands préfèrent carrément s'associer par terre que sur une chaise. Bref, j'ai mangé des frites et des brochettes. C'était la première fois que je voyais des frites dans ce pays. C'est pendant l'après-midi que j'ai découvert les paysages les plus magnifiques. J'ai échappé aux foules de touristes grâce au scooter, me permettant de me nicher dans des villages au bord de l'eau où des dames aux chapeaux pointus lavent leurs chaussures dans la rivière. Manger une clémentine dans ce cadre, c'est assez exceptionnel.

Je me suis quand même fait une petite frayeur. Je suis grimpée à un point de vue à pied car il y avait des escaliers, donc j'ai laissé mon scooter en bas. En voulant redémarrer après cette jolie vue, l'alarme du scoot retentissait. Évidemment il ne démarrait pas. Et j'étais sur une petite route sans habitation. Ce fut légèrement la honte quand un monsieur s'est arrêté pour m'aider et qu'il m'a tout simplement montré un bouton sur la clé qui sert de verrouillage/déverrouillage comme sur des clés de voiture... Voilà voilà. Il n'a même pas eu l'air de me juger. Il y a des âmes très pures sur Terre. En parlant de ridicule, il faut quand même que je fasse une rapide description de mon casque de scooter : il ressemble à un casque de pompier en plastique que l'on donne aux enfants pour se déguiser. Voilà voilà.

Le seul inconvénient du scooter électrique, c'est qu'il arrive un moment où il faut le charger. Donc j'ai dû patienter un peu auprès d'un commerce, et je n'ai pas choisi la meilleure vue mais j'en ai profité pour écrire. La dernière étape de cette jolie journée est un point de vue pour le coucher du soleil. Alors je l'ai déniché un peu par hasard sur mon application de navigation, non loin du centre-ville. Il faut crapahuter un peu pour y accéder, donc j'étais certaine d'être toute seule. Eh bien c'est raté. Je n'avais jamais vu autant de non-chinois d'un coup. Il y avait un groupe de vingt Russes en train de boire du champagne et de manger des petits fours sur une plateforme en bois avec une vue panoramique sur la rivière et le coucher du soleil. Bon, je ne me suis pas servie en champagne mais je me suis quand même incrustée pour prendre des photos parce que ce n'était vraiment pas un endroit privé, j'en étais sûre.

J'ai beaucoup moins ressenti la solitude pendant cette journée ! Ce scooter, c'était l'activité parfaite qu'il me fallait pour me vider la tête. J'ai vraiment eu le sentiment de me suffire à moi-même, d'être indépendante et de m'amuser. Que du bonheur.


50km : 1 scooter électrique


82
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Publié le 27 novembre 2023

Jour 82 : 25 novembre 2023


Je me réveille avec des images de ma journée de scooter plein la tête. Je commence la journée par une balade dans le parc principal de Yangshuo. Comme toujours, des groupes de danses s'exercent. Souvent, il s'agit de femmes d'une quarantaine d'années par groupes de dix à trente personnes. Elles sont rigolotes. Les aînés jouent aux cartes de bon matin. Je grimpe une série d'escaliers pour arriver en haut d'une montagne karstique au beau milieu du centre ville. Un petit garçon grimpe avec son papa. Il y a aussi un jeune homme seul qui s'exerce à la photographie. En somme, les habitants de Yangshuo font vivre ce parc sûrement comme tous les samedis matin.

Je me rends sur les quais de la rivière Li. Les pêcheurs sont au rendez-vous. Leur méthode est assez originale : ils ont des oiseaux accrochés par la patte qu'ils récompensent avec un peu de nourriture à chaque fois que l'oiseau attrape un poisson dans l'eau. Ils sont par petits groupes sur des barques en bois au milieu de l'eau. J'observe ce tableau depuis la rive.

Je passe chercher mon sac à l'auberge de jeunesse car j'ai un train à 16h. Il n'est même pas midi mais j'aimerais aller voir un joli endroit près de la gare qui est à trente kilomètres. Alors j'opte pour le stop, et ce fut une excellente décision ! Je rencontre Joan et Ken, un couple d'étudiants en biologie et en anglais. Ils ont donc mon âge et me disent qu'ils ont fait demi-tour pour me prendre ! Trop gentils. On fait connaissance et ils me proposent de déjeuner puis d'aller voir l'endroit réputé tous les trois. On mange du poisson de la rivière préparé avec du tofu, des légumes et du riz. Le tour dans un marché, assis sur de toutes petites chaises. Ils me parlent de la pression sociale liée aux couples en Chine. Il est compliqué de trouver le ou la partenaire idéal.e à cause de la politique de l'enfant unique qui a créé un déséquilibre de nombre d'hommes et de femmes. Et une fois qu'on a trouvé l'âme sœur, il ne faut pas rester en couple trop longtemps sans être mariés et sans avoir prouvé la stabilité financière du couple. L'angoisse. Je ne sais pas si tout le monde se sent concerné par cette pression en Chine ou si cela dépend des milieux sociaux. En tout cas, leur couple est trop mignon. Ils ont l'air très heureux de s'être échappé de la ville pour un week-end. Après manger, nous allons au bord de la rivière admirer le point de vue que l'on peut voir sur les billets de banque de vingt yuans. Alors comme tout le monde, on se prend en photo avec le fameux billet. Je n'ai jamais vu autant de cash chinois dans autant de mains. Les chinois n'utilisent ni cash, ni carte bancaire à présent, ils payent tous sur leur téléphone grâce à WeChat et Alipay, des applications. Et ce même dans les plus petits boui-bouis. L'ambiance est très agréable au bord de cette rivière. On met les pieds dans l'eau. Il y a des chevaux en liberté et des pêcheurs avec leurs oiseaux. La vue est splendide comme d'habitude.

Mais je ne tarde pas à les quitter pour ne pas rater mon train. Je fais un coup de stop et ce sont trois hommes qui me conduisent à la gare. L'un d'eux prend le train aussi. Il est venu là pour le business, dans le domaine médical mais je n'ai pas plus de détails. Normalement il travaille à Chengdu mais il est originaire du Xinjiang. Il est stupéfait d'apprendre que je suis passée par là.

J'ai six heures de train devant moi donc je mange des nouilles instantanées, j'écoute de la musique et j'écris. Le trio gagnant ces derniers temps. Je change de province ! Je vais dans le Yunnan, et plus précisément sa capitale, Kunming. Je vais y séjourner en Couchsurfing. Donc à minuit c'est Qin qui m'accueille, une dame de 35 ans. On ne fait pas vraiment connaissance à cette heure tardive. Découverte de Qin et sa famille demain.

900km : 2 voitures, 2 trains, 1 taxi

83
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Publié le 28 novembre 2023

Jour 83 : 26 novembre 2023


Me voilà plongée au cœur d'une famille chinoise dans la grande ville de Kunming. Ils habitent dans deux appartements du même immeuble (l'organisation est surprenante) : Qin (la mère de famille donc) et une amie de la famille ont dormi dans le même appartement que moi, tandis que le père de famille, les deux enfants et les grands-parents ont dormi dans l'autre. Je me retrouve à petit-déjeuner un porridge (que j'ai détesté, oups) en face de pépé et mémé qui ne parlent pas un mot d'anglais bien évidemment. Qin est professeure de maths à l'université de Kunming et son mari y est documentaliste. Ils parlent tous les deux assez bien anglais et ont eu une idée de génie à la naissance de leurs enfants : ils leur parlent en anglais depuis toujours. Grâce à l'école et aux grands-parents, les deux garçons parlent évidemment chinois aussi. C'est fascinant d'avoir plus de conversation avec un enfant de trois ans qu'avec une dame de soixante ans. En effet, je passe la matinée avec le petit Johnny. Il est trop rigolo. Je lui lis des histoires en anglais, on a fait un jeu de construction et on a joué dans le parc. Il m'appelle "Sister".

On partage un délicieux déjeuner : du riz, du canard, des légumes. Le canard était vraiment délicieux. C'est l'amie de la famille qui a tor cuisiné. J'avoue ne pas oser poser plus de questions sur les liens entre toutes ces personnes.

Je sors prendre l'air l'après-midi. La ville de Kunming compte plus de sept millions d'habitants et est bâtie aux abords d'un lac absolument immense. C'est le plus grand lac du Yunnan et le sixième plus grand lac de Chine. La famille chez qui je suis vit assez like du centre ville mais je peux atteindre le lac facilement en métro. Je me balade au bord de l'eau. C'est dimanche alors beaucoup de familles sont venues donner à manger aux oiseaux ou pêcher. L'image est très jolie. Il fait un temps magnifique. Je ne tarde pas à rentrer parce que j'ai un train à prendre. Sauf que là, ce fut le bazar niveau organisation. Qin et son mari sont sortis. Il n'y a personne dans l'appartement où se trouve mon bagage. Je réussis à faire comprendre le problème par je ne sais quel miracle au grand-père qui faisait la sieste dans l'autre appartement. Il a l'air à côté de ses pompes mais il m'ouvre l'appart où est mon sac.

Je vais passer deux jours à Jianshui, une petite ville au Sud de Kunming. En fait, j'avais prévu deux jours parce que je voulais aller voir des rizières dans les environs. Mais comme je l'ai découvert il y a une semaine, ça n'est absolument pas la bonne saison pour les rizières. En arrivant à Jianshui, je découvre un joli lac entouré d'une promenade aménagée. Mais il fait déjà nuit donc j'amène mes affaires à mon auberge de jeunesse. Le check-in fut laborieux. Ça m'a rendue quelque peu impatiente que l'auberge s'appelle "International Youth Hostel" et que absolument personne n'y parle anglais à l'accueil. Mais rien, même pas un seul mot. Pour le dîner, j'ai encore été l'attraction principale. Je vois un boui-boui avec du monde donc je me dis que la cuisine doit y être bonne. Une vingtaine de personnes qui m'observent à présent. Je sais bien que c'est de la curiosité mais je ne sais pas toujours où me mettre.


170km : métros, 1 train, 1 bus

84
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Publié le 29 novembre 2023

Jour 84 : 27 novembre 2023


Ces deux jours à Jianshui seront franchement très reposants. Journées peu intenses en raison de l'impossibilité d'aller voir les rizières, je suis seule dans le dortoir de l'auberge de jeunesse et c'est une ville de petite taille où je peux tout faire à pied. Alors en ce lundi matin, je me suis prélassée au soleil dans un parc, au milieu des vieux qui dansent et qui jouent aux cartes, comme d'habitude, et j'ai essayé d'écrire un court texte qui a vocation à être posté sur Instagram :


"Pourquoi t'as pas pris un vol Paris - Phnom-Penh ? C'est plus simple quand même."

Parce que je veux sentir l'air sur ma peau, je veux retourner en Turquie, je veux rencontrer des gens le plus éloignés possible de ce que je connais, et même parfois devenir amie avec ces gens pour la vie.

Parce que je veux découvrir la Chine depuis tant d'années, je veux comprendre des modes de vie, des façons de pensée et des religions que j'ignore complètement.

Parce que je veux sortir de ma zone de confort et essayer de faire du stop dans le désert kazakh, je veux me sentir forte et suffisante à moi-même, je veux être fière de moi, je veux inspirer d'autres femmes à ne plus avoir peur de l'extérieur.

Parce que je veux faire ce trajet sans prendre l'avion, je veux faire du stop et je veux prendre le train, je ne veux plus polluer autant, je veux faire partie de ce combat qu'on gagnera collectivement, contre le patriarcat et le réchauffement climatique.


Après cet atelier d'écriture, j'ai visité le temple confucéen. Confucius, c'est le philosophe chinois le plus important (IVe siècle avant Jésus-Christ). Il a eu la même influence sur l'Asie orientale que Jésus ou Platon sur l'Occident. C'est à dire, pas trop mal le mec. Il privilégiait le bien-être et l'intérêt collectif plutôt que l'intérêt personnel. Le temple est au bord un lac. Il fait un temps radieux et les couleurs sont très jolies.

Je me trouve dans la vieille ville de Jianshui, entourée de quatre anciennes portes massives. Les ruelles sont charmantes, pavées et très vivantes. Il y a des magasins de potteries absolument partout, et plus précisément de théières et de services à thé. J'aimerais beaucoup m'acheter des baguettes chinoises en souvenir mais impossible à trouver ! Par contre, c'est bien la première fois en Chine que je trouve les magasins de souvenirs vraiment jolis et authentiques. Dans tous les autres endroits, ils étaient très kitsch, laids et ridicules (oui, c'est violent mais c'est le fond de ma pensée). Je vais d'ailleurs faire une amplette très exceptionnelle ! Le premier souvenir que je m'offre depuis le début de ce voyage (papa m'avait offert une belle écharpe en Ouzbékistan cependant) ! Dans une charmante boutique de vêtements, je trouve un chemisier blanc magnifique, dont la matière et les finitions rappellent la Chine. Il a l'air de très bonne qualité. Ça me rend très heureuse d'avoir quelque chose d'un peu habillé à mettre. Moi qui, en France, prends toujours soin de bien m'habiller et d'accorder mes vêtements, je porte seulement deux pantalons, trois t-shirts, une chemise et un débardeur depuis trois mois.

Après une longue pause à l'auberge de jeunesse, je sors me balader une fois la nuit tombée. Je tombe sur un marché nocturne super sympa ! Dans d'autres villes, ils étaient souvent très touristiques, bruyants et mercantiles. Mais là c'est franchement agréable de s'y balader. On est proche de la frontière alors il y a des stands de nourriture vietnamienne. J'opte pour des cuisses de poulet et du riz. Je suis encore une fois agréablement surprise par les stands de souvenirs plutôt mignons. Je me laisse totalement séduire par des savons aux fleurs du Yunnan. J'en prends pour moi et pour Constance, une copine avec qui je vais fêter Noël au Vietnam.

Comme c'est une journée où je m'accorde visiblement plusieurs dépenses exceptionnelles, je décide de vaincre une de mes peurs : entrer dans un bar seule. Oui c'est pas terrible comme "peur" pour quelqu'un qui voyage seule en stop depuis plusieurs mois, je sais. Mais c'est quelque chose que je n'avais jamais osé faire, par peur que les gens trouvent ça bizarre, par peur de m'ennuyer, par peur de me faire accoster. Il y a un bar avec de la musique live en face de mon auberge alors c'est parfait. Assise dans un coin tranquille, je bois une bière locale, j'écris mon carnet et j'écoute la musique. C'est très sympa : deux jeunes font de la guitare, du djembé et du chant. Un défi envers moi-même relevé une fois de plus !

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85
Publié le 29 novembre 2023

Jour 85 : 28 novembre 2023


Encore une journée peu éprouvante à Jianshui. Je fais carrément la grasse matinée. Je me dirige vers une partie de la vieille ville que je n'ai pas vue hier. Je visite la demeure de la famille Zhu. C'est un ensemble de jardins et de maisons datant de la fin du XIXième siècle. Il est considéré comme un vestige du passé commercial et de la richesse des propriétaires. C'est une succession de cours intérieures, de pavillons gracieux, de jardins pittoresques, de galeries ouvertes et de kiosques d'agrément. Je me balade avant de retourner dans les rues commerçantes pour déjeuner de délicieuses nouilles. En début d'après-midi, je réorganise quelque peu mon séjour dans le Yunnan pour consacrer plus de temps à la nature et moins de temps à Kunming qui semble n'être qu'une immense ville de plus. Je fais aussi des recherches pour mon séjour en Thaïlande en avril (oui je me projette).

Je prends le train dans l'après-midi pour retourner à Kunming. En arrivant, je participe à un appel vidéo, non pas avec des proches. Je viens d'être intégrée à un groupe de voyageurs grâce à une fille avec qui je parle sur Instagram qui fait le tour du monde en stop pendant plusieurs années. Nous sommes une cinquantaine de personnes sur ce groupe WhatsApp, tous en train de vivre ou de préparer un voyage lent et décarbonné, c'est-à-dire sans avion. Il y a des projets assez différents, même si nos intérêts ont un fil conducteur. Nous ferons donc un appel en visio par mois pour faire le point sur nos projets respectifs, se donner des conseils et réfléchir à une manière de faire de ce groupe une force, quelque chose qui influence un grand nombre de personnes. La Route du Soja par exemple, est le projet d'un couple qui voyage de la France à Hong-Kong en train. Là-bas, ils se formeront à la cuisine et à la pâtisserie végétale. Tout au long de leur trajet, ils veulent montrer que l'on peut voyager sans consommer de viande et sans prendre l'avion, deux industries particulièrement polluantes. Ce fut très intéressant et je suis contente d'être en contact avec toutes ces personnes. Cela donne des idées de projets professionnels.

J'arrive chez ma petite famille chinoise. Le petit Johnny de trois ans m'adore. Juste après le dîner, on joue ensemble et je lui lis des livres en anglais. Par contre, il faut le tenir en place à cet âge là. Tu m'étonnes que ses parents soient ravis que je sois là. Ce fut sans doute la partie la plus fatiguante de la journée. Je m'endors rapidement parce que je me réveille extrêmement tôt demain matin.


170km : 1 bus, 1 train

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86
Publié le 2 décembre 2023

Jour 86 : 29 novembre 2023


Réveil à 5h25. Ça pique très fort. Je crois que c'est le réveil le plus tôt de tout ce voyage. La raison ? Un train à 6h50, et une heure de marche pour aller à la gare, car le métro ne fonctionne pas si tôt. La bonne nouvelle, c'est qu'il est 23h en France donc je téléphone pour passer le temps. Et dans le train, je terminé ma nuit.

Me voilà à Lijang, dans le nord de la province de Yunnan. Je suis assez proche du Tibet. Lijang est située sur un plateau à 2500 mètres d'altitude. Et ça se ressent très vite. L'air est très sec, j'ai soif en permanence. Mes mains et mes lèvres sont très sèches aussi. Je me rends chez mes hôtes Couchsurfing.

Sia m'accueille pendant sa pause déjeuner, en arrivant à toute allure sur son scooter électrique. Elle est chinoise, a 33 ans et s'habille de toutes les couleurs, comme ses cheveux. Elle est très rigolote. Elle m'installe dans la chambre de son fils de neuf ans qui n'est pas là : il vit dans les montagnes avec ses grands-parents. Il est autiste et il n'y a aucun programme adapté pour lui donner cours donc Sia a beaucoup de mal à concilier son travail avec l'éducation de son fils. Elle a eu ce garçon d'une première union avec un britannique, donc son fils a la double nationalité et est bilingue. À présent, elle est en couple avec John, américain de Boston. Ils travaillent tous les deux dans la même école : John donne les cours d'anglais aux primaires, Sia est maîtresse de maternelle.

À la fin de sa pause, elle me dépose en scooter près de la vieille ville de Shuhe et repart travailler. Alors j'ai eu du mal à comprendre mais à l'intérieur de la grande ville de Lijang, il y a trois vieilles villes : Lijang, Shuhe et Baisha. Je tombe sur un restaurant tibétain donc je m'y arrête et je goûte à la viande de yack qui n'est franchement pas mal. Puis je me balade dans les ruelles de Shuhe : rues pavées, magasins de thé, de potteries, de nourriture, de vêtements typiques du Yunnan, cafés avec de la musique live. L'ambiance est charmante. Il y a joli parc aux abords de ce quartier. Des dizaines d'étudiants en art s'exercent. Ils sont imperturbables, malgré les rires tonitruants des joueurs de cartes.

Je souhaite aller voir une toute autre partie de la ville, mais quand il n'y a pas de métro, il faut affronter le système des bus. Avec mon application de navigation exclusivement en chinois, je peux vous dire que je galère. Je parviens par je ne sais quel miracle au pied d'une colline qui surplombe la vieille ville de Lijang. Il est temps de grimper. Je ressens énormément les effets de l'altitude : j'ai le souffle très court. Je dois faire des pauses souvent alors que ça n'est pas très long. Mais la vue à l'arrivée en valait le coup : tout d'abord, la ville, puis les montagnes et surtout une montagne à 5000 mètres d'altitude, donc en partie enneigée. C'est vraiment beau. Sur le chemin, j'ai croisé quelques duos d'amis ou d'amoureux venus regarder le coucher du soleil.

J'accélère la descente pour rentrer chez Sia et John que je rencontre donc. Ils sont très différents l'un de l'autre. John s'habille très sobrement, il a l'air très cartésien, pragmatique, il s'intéresse à la politique, à l'histoire, aux sciences. Sia est une artiste, ancienne chanteuse professionnelle, une rêveuse, une baba cool aux mèches vertes. Elle n'est maîtresse que depuis trois ans. Pendant une douzaine d'années, elle chantait dans des bars à Kunming, où ils se sont rencontrés. Ils ont tous les deux beaucoup voyagé. Sia a vécu deux ans dans le sud de l'Angleterre et elle adore l'Indonésie. John a étudié trois ans à Taïwan, où il a appris le chinois et il a beaucoup vadrouillé à travers le monde. Bref, on a largement de quoi discuter.


500 km : 1 train

87
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Publié le 3 décembre 2023

Jour 87 : 30 novembre 2023


Vers minuit, Johnny débarque. C'est un coréen de mon âge. Nous nous sommes rencontrés dans l'auberge de jeunesse de Zhangjiajie il y a deux semaines et avions prévu de nous retrouver dans le Yunnan. Alors je lui fais découvrir le Couchsurfing ! Il est ravi.

Au programme du jour, nous voulons explorer les alentours de la montagne enneigée. Pour y aller, on fait du stop. Johnny est pilote dans l'armée coréenne, donc passionné par l'aviation. Je suis très heureuse de lui faire faire du stop. Se produit alors l'imprévisible : au bord de la route, Johnny reconnaît deux jeunes filles sortant d'un taxi. Elles étaient à côté de lui dans l'avion. Donc il va leur parler : elles vont au même endroit que nous et nous prennent volontiers dans leur taxi. Ces deux femmes chinoises d'environ 25 ans s'appellent Shuoshuo et Dalong. Elles ne parlent pas un mot d'anglais donc Johnny fait le traducteur toute la journée. Je me rends très rapidement compte que nous ne vivons pas sur la même planète. Elles achètent tout ce qu'elles voient : gadgets pour touristes, chapeau, lunettes de soleil, nourriture, boissons. Ça a été compliqué de leur faire comprendre que le téléphérique était hors de prix et que je préférais prendre le bus. Johnny m'explique que c'est un peu la façon normale de voyager pour les asiatiques : avant un voyage, on met suffisamment de côté pour pouvoir dépenser sans compter pendant le voyage. L'affirmation de son statut social s'accompagne de l'accumulation matérielle. Il me dit que c'est culturel : quand ses parents partent en vacances, ils font pareil. Il n'y a pas vraiment d'esprit "backpacking" : pour partir en voyage, il faut de l'argent, beaucoup d'argent.

Quoi qu'il en soit, elles sont très sympathiques et souriantes, ce qui reste le principal. Et cet endroit est absolument sublime. Une clairière au pied de la montagne, on dirait un décor de film. Il y a même des moutons et des chèvres. La journée prend un tournant particulièrement comique à cause de nos deux amies chinoises. Vous voyez ces nombreuses photos sur lesquelles les touristes louent une tenue traditionnelle chinoise pour prendre des photos ? Je vois ça depuis le début de mon séjour en Chine. Eh bien ça n'a pas loupé, Shuoshuo et Dalong ont absolument insisté pour nous en louer à tous les quatre. Je commençais à peine à m'habituer aux nombreux regards du fait que je sois la seule occidentale à la ronde. Il fallait qu'on me colle un costume de reine chinoise. Je supplie Johnny de leur dire que je suis timide et gênée et que je ne veux pas mettre ces habits. Il est mort de rire et ce traître m'entraîne dans leur délire. Je rigole bien sûr. J'étais certes gênée au début, mais on a passé un moment très rigolo à prendre des photos. La parure qu'on me fait mettre est très lourde et bruyante. J'ai l'impression d'être une vache avec une cloche quand je me déplace. Après une magnifique balade ponctuée par un grand nombre de photos, on retire enfin ce bazar. On se dirige vers un autre spot magnifique : un lac bleu turquoise entouré de sapins. On flâne quelques temps. Puis on prend la navette retour au parking et le taxi retour en ville. Shuoshuo et Dalong se sentent obligées de nous montrer leur magnifique hôtel et proposent que l'on dîne ensemble. J'avoue que je n'ai pas la force d'affronter un restaurant hors de prix dans ma tenue de baroudeuse alors qu'elles sont pomponées de la tête aux pieds. Et surtout elles prennent beaucoup de place, sans que je ne comprenne un traître mot de ce qu'elle dise. Je ne me sens pas très à l'aise avec elle alors je me sépare du groupe pour me balader dans la vieille ville de Lijang.

Je contacte Joséphine, une fille française qui m'avait écrit sur Instagram en me disant qu'elle était aussi de passage à Lijang. On se retrouve pour une boire une bière dans un bar où se joue de la musique live. C'est rigolo, beaucoup de bars sont au premier étage, au-dessus de commerces donc les musiciens sont près des fenêtres grandes ouvertes pour qu'on les voit et les entende depuis la rue. On se laisse tenter et on goûte une bière locale. Elle a fait ses études à Pékin et rêvait depuis très longtemps de retourner en Chine. Donc elle y voyage pendant un mois. On se partage nos bons plans, nos expériences et nos anecdotes les plus cocasses dans ce pays vraiment étonnant.

Je mets un temps fou à rentrer chez Sia et John à cause des bus. J'arrive épuisée. La bonne humeur de Sia est là pour me remonter le moral. Elle est vraiment rigolote avec ses quatre chats. C'est la première chinoise avec qui je discute ouvertement de politique. Elle a voyagé donc elle se rend bien compte du lavage de cerveau que subissent les citoyens chinois. Elle déteste le pouvoir en place et n'a pas peur de me l'expliquer. Pour l'instant, elle économise mais elle a vraiment envie de s'installer en Indonésie ou en Europe occidentale. On discute autour d'une soupe délicieuse. Quand Johnny revient, on met de la musique et on danse. Sia et moi avons plein de points en commun, dont nos goûts musicaux. On passe une super soirée.


60 km : 1 voiture

88
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Publié le 4 décembre 2023

Jour 88 : 1er décembre 2023


Encore un réveil paisible à Lijang. Aujourd'hui, Johnny et moi voulons nous rendre aux Gorges du Saut du Tigre, un joli site à une heure de route de Lijang. Alors cette fois, on fait vraiment du stop. Johnny est surexcité, c'est la première fois qu'il fait du stop. C'est Pang, un quarantenaire, qui nous aide. Il vient de Canton mais il fait un road trip en solo dans le Yunnan. Il fait un détour d'une bonne vingtaine de minutes pour nous déposer à l'entrée des gorges. De là, c'est un couple de hong-kongais qui nous conduit jusqu'au spot le plus joli. C'est franchement impressionnant la force de l'eau. Johnny me parle de rafting, j'avoue que je serais très flippée dans ce courant. On se balade le long de l'eau en papotant. Puis on dévore un burger. L'omelette du petit-déjeuner commence à remonter à il y a quelques heures. On a fait le tour des différents points de vue alors on retourne sur le parking. Je rencontre un marseillais marié à une chinoise. Il visite le Yunnan avec sa belle-famille. Dommage pour nous, leur voiture est pleine, sinon ils nous auraient volontiers ramenés à Lijang. On galère pas mal en stop. Personne ne s'arrête, ou alors les gens ne vont pas dans la bonne direction. Finalement, on peut dire qu'on a fait du bus stop ! Un gros bus nous ramène gratuitement, et nous dépose même à un endroit qui nous arrange.

On arrive presque à l'heure pour retrouver Sia et John dans la vieille ville de Shuhe. Ils sortent de l'école. Sia voulait nous amener à un rooftop pour voir le coucher du soleil. Je m'attendais à un bar au dernier étage d'un bâtiment mais pas du tout ! Elle est copine avec le gérant d'un petit hôtel de charme dont l'accès au toit est facile. Donc le "rooftop" ce sont les tuiles sur le toit de l'hôtel ! Je suis ravie, ça me rappelle mon appart à Bordeaux. On achète des bières et on admire la vue. On voit, comme toujours, cette magnifique montagne enneigée. Elle est surmontée d'un magnifique chapeau nuageux. On dirait un champignon. De l'autre côté dans le ciel, le soleil se rapproche peu à peu des toits qui s'étalent à perte de vue. Donc les nuages passent par le doré, le orange, le rose et le rouge. Une collègue de Sia nous rejoint. Eveney est britannique et habite à Lijang depuis la rentrée scolaire. Elle est très souriante, et très déconcertée par mon voyage aussi. Johnny se marre, il a déjà entendu mon histoire au moins dix fois. Et oui, je radote à chaque fois que je rencontre quelqu'un. On prend des photos et on papote. Je me sens bien. Un toit, une bière, un coucher de soleil, des copains. Comme l'impression d'être à la maison.

Une fois la nuit venue, il fait beaucoup plus froid. Alors on traverse la vieille ville, on rejoint les scooters de John et Sia et on dit au-revoir à Eveney. Sur les scoots, une team filles et une team garçons. On va dans la dernière vieille ville que je n'ai pas vue : Baisha. La plus authentique il paraît, la moins touristique. Sia meurt d'envie de nous faire goûter à son restau-barbecue préféré qui fait de la viande de yack. Vous allez voir, ce dîner n'a rien de diététique. On déguste des brochettes autour d'un feu de camp devant le stand barbecue. On forme une équipe qui défraye la chronique : une chinoise, un américain, une française et un coréen. Alors oui, Sia doit expliquer à plus d'une personne ce qu'on fabrique ensemble. À présent, notre couple préféré veut nous amener à leur adresse préférée : un petit restau hippie qui fait de la nourriture occidentale, revisitée avec les spécialités du coin. Donc je mange une pizza à la viande de yack. La pâte était très fine, je me suis régalée. La gérante nous apporte plein de choses à grignoter gratuitement. Dont un yaourt à boire délicieux. Qu'est-ce qu'ils me font rire Sia et John. Je n'ai jamais vu deux personnes aussi différentes fonctionner aussi bien ensemble. Sia est instinctive, imprévisible, empathique. John est un robot. Elle le surnomme ainsi d'ailleurs. Après avoir bien mangé, on rentre retrouver Bibi, Papa, Akanga et Junior, les quatre chats. On met de la musique, on papote, Sia me fait un in-croy-able massage. Je me suis vraiment trouvée une jolie bande d'amis.


200 km : 3 voitures, 1 bus, 1 scooter


89
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Publié le 5 décembre 2023

Jour 89 : 2 décembre 2023


C'est le cœur serré que je quitte cet appartement et ses habitants si chaleureux en ce samedi matin. Pour la première fois, je pars en stop, non pas pour une excursion à la journée, mais bien pour rejoindre ma prochaine ville : Dali. Ce joli nom annonce plein de bonnes choses.

Mon premier conducteur est un jeune homme à la cool nommé Junjie. Il ne parle pas un mot d'anglais donc notre conversation est très limitée mais comme toujours, les sourires font l'affaire. Il m'achète une boisson en chemin. Le stop me fait toujours retrouver confiance en l'humanité. Il me dépose à mi-chemin dans une bourgade très mignonne : Shaxi. Le long d'une rivière, une vieille ville aux rues pavées charmantes. Il y a un très joli temple, quelques touristes et des commerces pittoresques. Pour le déjeuner, je me laisse tenter par un petit havre d'occident qui me séduit par ses inscriptions à l'entrée : yoga space, art studio, vegetarian cuisine. C'est pas le même prix que les boui-bouis chinois mais ça change un peu. À la table d'à côté, un groupe d'amis est curieux de savoir d'où je viens. L'un d'eux a fait ses études à Lausanne ! Donc il parle un peu français et m'explique qu'il fait construire un petit hôtel dans le village et qu'il faut absolument que je revienne l'année prochaine.

Le long de la rivière, il y a un duo de musiciens vraiment bon. Et le pont en pierre est magnifique. Dernière balade avant de repartir en stop. Je dois marcher un long moment pour regagner l'entrée de l'autoroute. Mes nouveaux conducteurs sont deux hommes originaires du Nord du Yunnan, près du Tibet. Ils m'amènent à nouveau à mi-chemin entre Shaxi et Dali. Ils vont se baigner dans des sources d'eau chaude. Et oui, c'est samedi. Ma dernière voiture de la journée est iconique. Déjà, la voiture en elle-même est rose pâle. Trois femmes pétillantes me prennent, elles vont à Dali ! L'une d'elles parle anglais, enfin. Alina, Yangping et Xiaoyuan. Elles sont rigolotes comme tout, et ravies de pouvoir me déposer près de mon hébergement. Il y a cinq ans d'écart entre chacune d'elles, donc je demande où elles se sont connues : un cours de sport.

J'arrive à Dali avant la tombée de la nuit. J'ai trouvé un Couchsurfing inédit : Woodee gère un camping éco-village donc ce qu'il peut me proposer, c'est une tente et évidemment les sanitaires du camping. Génial ! L'endroit est vraiment chouette. Les parties communes sont toutes en bambou : bar, restaurant, espace détente, partie administrative. Puis il y a un grand terrain avec des bungalows, des caravanes et des camping-cars. Moi, j'ai la tente des invités. C'est une tente en dur placée sous un abri de jardin surélevé et accessible par une échelle. Une cabane en hauteur quoi ! Donc je suis abritée des intempéries et de l'humidité, et j'ai l'électricité. Je suis surexcitée, je trouve ça trop chouette.

Je m'installe rapidement et je pars me balader. Dali est une ville d'un million d'habitants, construite autour d'une partie du lac Erhai qui est absolument immense. À l'Ouest du lac et parallèle à celui-ci se trouve la montagne Cangshan composée de dix-huit pics alignés face au lac. Au Sud du lac, il y a la nouvelle ville de Dali, avec la gare et l'aéroport. Et à l'Ouest du lac, entre le lac et la montagne, se trouve la vieille ville de Dali. Mon camping se situe au bord de la route qui relie la vieille ville aux berges du lac. Donc l'idéal. Je vais vers la vieille ville. Je mange de délicieux raviolis asiatiques et je me perds à travers les ruelles. Comme d'habitude, beaucoup de bars avec de la musique live, des magasins qui vendent tous la même chose, des animations de rue, de la street food à n'en plus finir.

Je fais des provisions de petit-déjeuner et je rentre au camping. Je suis agréablement surprise par les sanitaires super propres. Je rencontre une jeune fille qui travaille là. Elle a 18 ans, vient de Mongolie et attend ses résultats d'affectation à l'université. Donc en attendant, elle travaille ici pour avoir un logement gratuit. Et puis, sa tante habite à Dali alors ça rassurait sa mère de la savoir ici. Elle aurait peur que sa fille ne fasse trop la fête dans une plus grande ville. Et elle dit elle-même qu'elle n'en peut plus de Dali et qu'elle veut aller danser. Une mongole avec un crop-top, un piercing au nombril et des mèches roses. Il y a des rebelles partout.


250 km : 3 voitures

90
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Publié le 5 décembre 2023

Jour 90 : 3 décembre 2023


J'ai super bien dormi dans ma petite tente ! Alors qu'il ne fait pas très chaud dehors. Mais Woodee m'avait prévu une couette et une grosse couverture. Ce matin, il prend son café au soleil et me propose de prendre un vieux vélo du camping pour mes deux jours à Dali ! Décidément, j'adore cet endroit. Et ce type est vraiment généreux.

Je pars donc à bicyclette de bon matin rejoindre le bord du lac Erhai. La plupart des gens s'y baladent en petits scooters électriques. Fainéants. Je suis très heureuse de ce nouveau moyen de transport. Le lac est très beau et les montagnes de l'autre rive aussi. J'alterne les kilomètres avec et sans musique sur mon téléphone. Dès que je traverse un village, il y a plus de monde et d'animation. Mais globalement, la balade est très calme. Des anciens ramassent les fruits des arbres de leur jardin, des couples se prennent en photo, des pêcheurs patientent.

Je commence à avoir sacrément faim mais je suis dans une zone sans stands de nourriture. Donc je me rabat sur les nouilles instantanées de la supérette qui me donne l'eau chaude qui va avec. Une glace en dessert face au lac, what else ? J'ai parcouru vingt kilomètres, alors il faut être capable de faire le retour maintenant. Surtout que mon vélo n'est pas très sport. Je ponctue mon trajet de plus de pauses qu'à l'aller. Il fait grand soleil alors j'en profite. J'admire un skateur en longue jupe traditionnelle féminine. Il a la classe. Je sens que Dali a cette atmosphère un peu plus hippie qu'ailleurs. Hier soir, j'ai croisé un couple composé d'une femme au crâne rasé de près et d'un homme aux cheveux mi-longs. Ça paraît rien parce qu'on est habitué en France, mais ici c'est vraiment original. L'apparence physique est vraiment standardisée. Alors que les tenues vestimentaires sont parfois très drôles (couvre-chefs en forme d'animaux en tous genres par exemple). J'avoue qu'après ces quarante kilomètres à vélo, j'en ai plein les pattes. Je fais une petite pause au camping pour prendre une douche et reprendre des forces.

Je repars en début de soirée me balader à vélo sur les hauteurs de Dali, pour voir le lac de loin. Je suis tout proche du temple des trois pagodes, que je visiterai demain. Avec le soleil couchant sur les montagnes, c'est magnifique. Je commence à avoir sérieusement faim alors je me rends dans la vieille ville. J'adore Dali. C'est un véritable coup de cœur. Évidemment, j'ai aimé énormément de lieux, de personnes, de choses pendant ce voyage. Mais là, j'aurais franchement énormément apprécié pouvoir rester trois jours de plus. Je suis séduite par le lac, le camping, les montagnes aux nombreuses randonnées que je n'aurai pas le temps de faire, les visites culturelles, les ruelles animées de la vieille ville. Je m'installe à la terrasse d'un petit bar où jouent des musiciens : clavier, guitare, chant et accordéon.


50 km : 1 vélo

91
91
Publié le 6 décembre 2023

Jour 91 : 4 décembre 2023

Dernier réveil sous la tente. Ce matin, il faut ranger le campement. Je me suis levée assez tôt pour avoir le temps de faire plein de choses avant mon train de cet après-midi. Un des plus beaux endroits de Dali, paraît-il, c'est le haut de la montagne Cangshan. Je n'ai pas du tout le temps de marcher toute la journée donc j'opte pour le téléphérique. Mais ce fut déjà une épreuve de se rendre au pied de l'engin ! Je suis en vélo et oui Lisa, ça monte considérablement entre le lac et le pied de la montagne. Je pédale pendant trois quarts d'heure et j'arrive en nage au guichet du téléphérique. Le lac lui-même, comme la ville, est situé à 2000 mètres d'altitude. Donc j'ai eu le souffle un peu court.

En tout cas, la demie-heure de montée en cabine est un véritable spectacle. C'est absolument splendide. Plus on monte, plus on peut voir de nouveaux recoins du lac. On s'enfonce peu à peu dans le paysage montagneux. On atterrit à 4000 mètres d'altitude, tout de même ! Là-haut, il va falloir marcher pour se réchauffer. Il y a un vent glacial. Le vélo m'a tellement épuisée que je ne tarde pas à manger mon pique-nique. Je me balade bien deux heures entre les différents points de vue, au milieu des rododendrons (orthographe à vérifier).

Une fois redescendue et pédalant (en descente cette fois, Dieu merci), je vois sur deux ou trois rues des petits groupes de dizaines de femmes d'un certain âge. Elles sont toutes vêtues de vêtements très colorées, portent des chapeaux et son regroupées autour d'un petit feu. Elles ont de grands paniers emplis de victuailles en tout genre. Mais je comprends surtout qu'il se passe quelque chose de spirituel ou de religieux. Sont disposés par terre des bougies, des fleurs, des feux d'artifice et des fruits disposés comme des offrandes. Ensemble, elles chantent et suivent un rythme avec des sortes de castagnettes. C'est joli. J'aime beaucoup ce partage de l'espace public. Chacun et chacune y fait ce qu'il ou elle veut. Et tant que cela n'empiète pas sur la liberté d'autrui, personne n'y trouve rien à redire. S'il y a un véritable problème de harcèlement de rue en France envers les femmes qui ont donc peur de sortir à certaines heures ou dans certains quartiers, j'ai l'impression que c'est un non-sujet en Chine. Les locaux eux-mêmes sont fiers de dire qu'ils se sentent toujours en sécurité (sauf vis-à-vis des autorités. La sécurité au prix de la liberté, mais c'est un autre sujet). Et moi-même j'ai pu l'expérimenter en marchant la nuit en sortant d'une gare ou dans des quartiers plus populaires. On se fait nettement moins embêté qu'à la gare de Bordeaux.

Je me fais ces réflexions sur l'appropriation de l'espace public et de la rue en pédalant en direction du lieu culturel le plus touristique de Dali. Le temple des trois pagodes. Quand on dit "le" temple, il y en a en fait une bonne dizaine à chaque fois. C'est un véritable complexe religieux. Il faut imaginer que le parc avec tous ses temples est plutôt en longueur du pied de la montagne en direction du lac. Donc en pente. Depuis l'entrée qui est du côté du lac, on voit donc tous ces temples les uns plus que les autres, sur fond de montagne. Et il y a ces trois pagodes, trois espèces de tours de garde magnifiques. À l'entrée du site, comme en arrivant au téléphérique plus tôt, je suis la seule à vélo. Donc un gardien m'indique le parking des deux-roues, l'air très amusé. Initialement, je ne pensais pas avoir le temps de faire à la fois cette sortie à la montagne, et la visite du temple. Donc j'avais mis la priorité sur la montagne, me disant que j'en avais déjà vu un certain nombre des temples. Et j'ai été en fait franchement impressionnée. La géographie du lieu rend les édifices d'autant plus majestueux. Il est même possible de monter au premier étage d'un des bâtiments, ce qui permet une vue à 360° : d'un côté les pagodes et le lac, de l'autre les montagnes et les autres temples. Le temple qui se situe au plus proche de la montagne a une décoration intérieure particulièrement impressionnante : une quinzaine de statues dorées d'au moins cinq mètres. Bref, encore une raison de tomber sous le charme de Dali.

J'entame ma dernière descente en vélo pour rejoindre le camping. J'ai passé une super journée. Je dis au-revoir au personnel et aux chats du Woodee Time et je vais prendre le train. Après une merveilleuse semaine dans le Nord du Yunnan, je retourne à Kunming, le chef-lieu de cette province. Cette fois, je ne séjournerai pas chez la famille aux enfants bilingues. C'est une femme chinoise seule qui m'accueille : Michelle (les chinois qui parlent anglais se donnent souvent un prénom occidental, en plus de leur prénom chinois, pour que ça soit plus facile à prononcer). J'arrive chez elle assez tard. Donc on fait rapidement connaissance, elle a quatre chats (oui, encore) et une chambre d'amis qui sera parfaite pour cette nuit.


330 km en train, 12 km à vélo, 12 km à pied

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Publié le 7 décembre 2023

Jour 92 : 5 décembre 2023


Alors les chats de Michelle sont très câlins et brutaux à la fois. C'est-à-dire qu'ils demandent de l'attention, mais violemment. Y compris au milieu de la nuit. Et ce fut une épreuve de m'éclipser de chez Michelle sans faire de bruit ce matin. C'est ma dernière journée dans le Yunnan. Ma dernière journée de vraies découvertes en Chine. Donc j'ai moyennement envie de la passer dans cette immense ville qu'est Kunming. Je prends un train pour faire une excursion à la journée dans un parc national : la forêt de pierres de Shilin. Dans le bus entre la gare et l'entrée du parc, un gentil monsieur me parle dans un anglais approximatif. Il essaye d'apprendre la langue depuis qu'il est à la retraite. On prend même une photo ensemble.

Cet endroit est assez unique. C'est vraiment une forêt de menhirs et c'est immense ! Je passe presque quatre heures à crapahuter dans les différentes zones. En fonction des endroits, c'est plus ou moins denses, les passages sont plus ou moins étroits et escarpés. La différence de foule entre l'entrée et le fond du parc est assez déconcertante. Il y a des groupes de trente personnes qui braillent à pleins poumons et se bousculent pour prendre des photos près de l'entrée. Mais il suffit de marcher un kilomètre pour se retrouver seule au milieu des rochers. Au milieu de nulle part, je suis tombée sur un groupe de personnes assez âgées en tenues traditionnelles. Les hommes jouaient de la musique et les femmes faisaient de la broderie. C'était assez cocasse au milieu de cette forêt. Mais très joli. Il y avait même une sorte de flûte traversière.

Après cette belle balade, je reprends le bus et le train pour rentrer à Kunming. Je suis assez stressée par mon passage de la Chine au Vietnam. Je me rends compte que j'ai fait des erreurs dans mes réservations de trains et d'hébergement près de la frontière donc je dois tout reprogrammer. Je dîne un délicieux plat de nouilles avec des légumes, pour la dernière fois. Oui, je dramatise beaucoup alors que je vais sûrement avoir droit à ce type de nourriture au Vietnam et au Cambodge.


240 km : 2 trains, 2 bus

93
93
Publié le 8 décembre 2023

Jour 93 : 6 décembre 2023


Encore un réveil assez tôt. Mon dernier réveil dans le Yunnan. Je me rends à la gare que je connais maintenant par cœur assez en avance pour régler mon histoire d'annulation de train vers le Vietnam.

Puis, place à mon dernier trajet en train en Chine. C'est encore une fois très dramatique alors que ce trajet n'avait rien d'exceptionnel. Il n'y avait pas foule, j'ai regardé un film, écrit un peu, lu beaucoup, mangé des nouilles instantanées et des fruits.

Je change de province : du Yunnan au Guangxi. Et je change de ville : de Kunming à Nanning. J'arrive à la gare centrale de Nanning, au cœur de la ville et de l'agitation générale. Ça grouille de partout. J'ai bien fait d'aller au calme de la forêt de pierres hier. Je me rends à la gare routière pour acheter un billet de bus vers le Vietnam, pour le lendemain matin seulement malheureusement. Ce fut encore une drôle d'histoire quand j'ai dû leur expliquer que non, je ne vais pas à Hanoï, mais seulement dans la ville près de la frontière, côté Vietnam. Je finis par m'arranger avec la dame.

Et en ce dernier soir en Chine, hôtel ! Il est juste à côté de la gare routière, ce qui me rassure. Donc navrée de ne pas vous raconter d'incroyables rencontres aujourd'hui, puisque je n'ai fait que prendre le train et dormir à l'hôtel. Je me suis quand même baladée sur les quais de Nanning, juste assez pour comprendre que c'est une ville titanesque avec peu de choses à visiter. Je me fais plaisir pour le dîner puisque c'est mon dernier soir dans ce pays à la gastronomie incroyable : du canard et ces raviolis en bouillon que j'aime tant. J'ai tellement aimé ce pays. C'est celui où je suis restée le plus longtemps, ce fut le plus intense en émotions aussi. Malgré le fait que c'était la partie du voyage la plus préparée : billets de train, auberges de jeunesse, j'ai laissé bien moins de place à l'improvisation qu'en Asie centrale. Et je crois que ça me manque. J'étais quand même très heureuse de faire du stop et du couchsurfing dans le Yunnan. Cela m'a vraiment confirmé que je peux en faire partout. Je reviendrai un jour en Chine, je l'espère de tout cœur.


800 km : 1 train

94
94
Publié le 10 décembre 2023

Jour 94 : 7 décembre 2023


Quel plaisir de se réveiller quinze minutes avant l'heure du rendez-vous au bus, puisque mon trajet est d'environ cent mètres. Je fais la connaissance du conducteur qui s'avèrera très sympathique plus tard dans la journée. Et d'un couple dont l'homme est vietnamien et la femme chinoise. Alors je leur explique mon périple et mes craintes quant à cette frontière. Ils parlent plutôt bien anglais et me rassurent. Ils font régulièrement des allers-retours entre Nanning et Hanoï, leurs deux lieux d'origine. Aux abords de la frontière, il y a un checkpoint de police. Yu, la femme, m'accompagne voir le flic qui veut me poser des questions. Elle fait la traduction et me sourit pour me rassurer. Elle est trop mignonne. Aux douanes chinoise et vietnamienne, je les suis consciencieusement. Tout se passe bien. Malgré ma crainte, les policiers chinois ne regardent pas du tout où j'ai dormi durant mon séjour en Chine (le couchsurfing n'est pas super autorisé).

Je suis très heureuse d'être enfin au Vietnam ! Je marche une demi-heure jusqu'au centre-ville de la petite ville de la frontière, Dong Dang. Mes trois missions sont de me procurer du cash, de la nourriture et de la connexion Internet. Ce fut assez simple. Je profite du WiFi du petit restau où je suis pour contacter ma mère qui me rejoint aujourd'hui pour dix jours de voyage ensemble. Elle ne sera pas vraiment à l'heure car son avion a fait un détour de trois heures vers le centre du Vietnam à cause du brouillard à Hanoï. Là où je suis, il fait pourtant grand soleil. On convient d'un nouveau lieu de rendez-vous et me voici repartie en stop vers Lang Son, à une vingtaine de kilomètres de là où je suis. Il fait franchement beaucoup plus chaud qu'en Chine et j'avais oublié tout ce qu'il est possible de suer en marchant sous le soleil avec ce lourd sac à dos.

Une voiture s'arrête : Thiem, sa femme Chinh et leur fille de trois ans qui fait une énorme sieste. Ils sont passés une première fois devant moi sans s'arrêter, puis ont fait demi-tour pour venir me chercher. C'est Thiem qui savait que je faisais du stop parce qu'avant d'être marié et d'avoir des enfants, il utilisait beaucoup Couchsurfing et a accueilli de nombreux autostoppeurs chez lui. Ils doivent faire un arrêt pour voir l'avancée des travaux de leur future maison, donc ils me font visiter. Et m'offre un sac entier de canne à sucre, puis me dépose à mon hôtel. Trop chouette et rassurant de voir que le stop ne fut pas un échec en ce premier jour au Vietnam.

Une fois arrivée à l'hôtel de Lang Son, je retrouve ma mère et notre chauffeur pour la semaine à venir. Il s'appelle Anh, vient de Hanoï et travaille à son compte depuis une vingtaine d'années. Il nous conduit tout d'abord non loin du centre de Lang Son. Nous allons y visiter une grotte vraiment impressionnante. À l'entrée, il y a des autels avec toutes sortes d'offrandes très étonnantes : bières, champagne, biscuits, fruits. Deux touristes asiatiques se jettent sur nous pour prendre des photos à nos côtés. À perte de vue, le paysage est composé de pains de sucre (ces petites collines rocheuses bien vertes), de champs et de villes. Près de la grotte où nous sommes, il y a quatre pains de sucre sur lesquels une balade est aménagée pour grimper en haut de ceux-ci. Alors comme c'est l'heure du coucher du soleil, on y va. Ça monte raide évidemment. Et plein de locaux font leur sport quotidien : marche rapide, gymnastique, course à pied. C'est rigolo. On admire le coucher de soleil à côté d'un pro des abdos.

De retour à l'hôtel, ce voyage prend un tournant luxueux grâce à ma chère maman : on va se faire masser. Ce fut assez rigolo parce que la masseuse de ma mère fut particulièrement brutale, malgré la formule intitulée "massage relaxant". Dans la petite salle, des néons blancs, histoire d'être détendues. On a bien rigolé.

Pour le dîner, on opte pour la spécialité culinaire de Lang Son : le canard laqué, signe de l'influence chinoise sur le Nord du Vietnam. On s'installe dans un petit restau où un grand groupe de femmes dînant ensemble fait un boucan d'enfer. Mais voyant notre étonnement face à l'absence de choix dans les boissons du restau, l'une d'entre elles nous offre deux jus de fruits. On s'est régalées avec le canard et le riz. C'est évidemment génial de retrouver ma maman, qui plus est dans un nouveau pays. Beaucoup de changements d'un coup. Elle m'a apporté un calendrier de l'Avent, mon ordinateur et des délices français que je partagerai avec mes amis à Noël à Ho Chi Minh Ville : du foie gras, du pâté, du jambon de pays, du comté.


250 km : 1 bus, 1 voiture

95
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Publié le 11 décembre 2023

Jour 95 : 8 décembre 2023


Réveil très très matinal, mais heureusement en Chine il est une heure plus tard donc cela reste supportable. On retrouve notre chauffeur Anh devant l'hôtel qui nous attend avec une machine à café manuelle et portative de compétition. Il fait un café délicieux à maman et nous explique comment manger la canne à sucre. J'avais déposé tout mon linge à faire laver par l'hôtel. Ce fut un échec, ils l'ont bien lavé mais n'ont pas eu la présence d'esprit de le sécher, donc je me retrouve avec un drap, trois t-shirts et des sous-vêtements complètement trempés alors que nous passons la journée sur la route.

Donc dans la voiture, c'est comique. J'ai à peu près réussi à entendre tout ce bazar sur la plage arrière, en priant pour que Anh n'ait pas besoin de quelque chose qui soit sous mes culottes.

Bref, nous passons de longues heures sur la route. Les paysages sont splendides. Pains de sucre à perte de vue, végétation très dense. Nous sommes sur de petites routes de montagnes avec des lacets. Avec la conduite vietnamienne, ça ne fait pas bon ménage. C'est la loi du plus fort, alors les voitures ne laissent jamais passer les scooters, et encore moins les vélos et les piétons.

Anh, qui a grignoté des graines et des fruits toute la matinée, repousse l'heure du déjeuner. Mais je meurs de faim ! On s'arrête finalement au bord de la route, au milieu de la nature, pour faire un pique-nique/barbecue. Anh a tout l'attirail : un barnum, une table, des chaises, un petit barbecue portatif et des glacières pleines de victuailles. Je suis assise sur une petite chaise Mickey Mouse, ce qui fait rire maman. Au menu : grillades de porc, salade de concombre, pain, pâté vietnamien, clémentines en dessert. Je me régale ! Et surtout la vue est exceptionnelle, seuls au monde. En discutant, je dis à Anh que je joue de la flûte traversière et du saxophone. Or il a deux flûtes en bois dans sa voiture ! Donc j'en joue un peu à la fin du repas, même si les doigtés ne sont pas exactement pareil que sur ma flûte. Je suis aux anges.

L'après-midi, j'anime l'ambiance dans la voiture avec mes playlists. Et pendant une heure, au moment du coucher du soleil, nous nous retrouvons coincés sur la route. Il y a des travaux pour élargir la chaussée, donc la route est barrée un moment. Par conséquent, nous n'avons pas pu voir un village où vit la communauté des lolos noirs.

Nous arrivons en début de soirée à Bao Lac. Anh connaît de longue date le gérant d'une maison d'hôte où il nous conduit. L'endroit est génial ! Tout est construit en bambou, il y a un feu de camp et l'ambiance a l'air très chouette. Après s'être installées dans notre chambre décorée de moustiquaires, on va se mêler aux autres. Il y a le couple de gérants aux petits soins et très souriants, trois hommes locaux d'une soixantaine d'années et Sigurd un jeune voyageur norvégien. Je discute surtout avec lui, puisque les trois compères vietnamiens ne parlent pas anglais. Il vient d'Oslo, est avocat et a quitté sa boîte qui le stressait beaucoup. Il voyage depuis un mois au Vietnam en moto et n'a pas encore pris de billet retour. Il se laisse environ six mois pour explorer l'Asie du Sud-Est. Apparemment, ils enchaînent tous ensemble les shots d'alcool de riz depuis déjà un moment autour du feu. Et ce n'est pas près de s'arrêter. Ils appellent l'alcool de riz "the happy water", ou l'eau joyeuse. On passe à table et le festival des shots continuent. Les Vietnamiens sont absolument ravis de trinquer avec nous. Les nems sont délicieux, il y a aussi des grillades, du riz et de la soupe. Une joyeuse soirée. Tout le monde part se coucher et je reste auprès du feu pour passer un appel avec un ami d'amis qui organise un voyage de la France jusqu'en Australie sans prendre l'avion. Donc il a besoin de se projeter en écoutant mes histoires.


700km : 1 voiture

96
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Publié le 11 décembre 2023

Jour 96 : 9 décembre 2023


Nous qui espérions avoir une jolie vue sur la vallée depuis l'auberge au réveil, c'est raté. Il fait brumeux ce matin. On s'installe quand même dehors pour le petit-déjeuner assez européen : œufs sur le plat, tartines de beurre et de confiture, bananes, pancakes. Nous disons au-revoir à notre ami norvégien et aux hôtes. Il est temps de reprendre la route.

En fin de matinée et après avoir observé de magnifiques paysages à mesure que le brouillard se levait, on arrive à Meo Vac.

Il y a un magnifique canyon, au fond duquel une belle rivière bleue turquoise attire les touristes. Il est possible de faire un tour en bateau et c'est très encadré visiblement.

Anh devient un peu bizarre quand il comprend que non, on ne va pas juste d'un point A à un point B mais que l'on veut visiter des choses et s'arrêter en route. Donc il nous parle bien moins courtoisement qu'au début, notamment en arrivant au canyon.

On achète un ticket, monte dans un mini-bus puis sur ce bateau d'une capacité d'une vingtaine de personnes. La région est réputée pour ses routes dangereuses à moto donc il y a énormément de touristes occidentaux en groupes avec leurs scooters. Sur notre bateau, principalement des asiatiques et deux jeunes filles californiennes. Un des passagers nous fait mourir de rire : un homme d'environ trente ans avec sa capuche vissée sur la tête, et son casque de scooter jaune poussin par-dessus, le tout avec des lunettes de soleil. Il manipule une perche à selfie pendant une heure, il filme tout, et de façon très bizarre. Le ridicule ne tue pas et heureusement. Il nous a beaucoup diverties. Maman découvre l'art des asiatiques de se prendre en photo pendant très longtemps devant chaque point de vue. Cela peut prendre des heures.

De retour sur la terre ferme, on s'attable pour le déjeuner autour de très bonnes nouilles. Et le drame commence pour moi : deuxième épisode de tourista. Je me trouvais plutôt épargnée jusque là. Donc la route de l'après-midi n'a vraiment pas été une partie de plaisir. Je me morfondais, allongée sur la banquette arrière, espérant m'endormir. On a tout de même fait une petite pause parce que le point de vue était réputé. Mais ce spot a largement subi les ravages du tourisme de masse. Cela m'a franchement agacée de voir ces idiot d'américains payer des enfants de huit ans pour se faire tresser les cheveux. Au risque de me répéter, pendant ce temps-là, ils ne sont ni à l'école, ni en train de s'amuser entre eux, des trucs d'enfants assez basiques. Et conséquence plus mineure, impossible de faire trois mètres sans se faire aborder par des fillettes.

Nous arrivons en milieu d'après-midi à Dong Van. Une petite ville, entourée de pains de sucre. Maman a franchement bien choisi la maison d'hôte qui est hors de la ville, dans les hauteurs, avec une terrasse à la vue splendide. Je suis assez mal en point, on essaye quand même d'aller se balader à pied dans les alentours de la ville. Ce fut un échec, on a dû faire demi-tour tant j'étais malade. J'ai passé le reste de la journée clouée au lit. Maman a profité de la terrasse. J'ai montré le bout de mon nez au dîner. Il y avait du monde à table : deux duos de français et des vietnamiens en moto dans la région. Nous avons fait connaissance avec un couple adorable d'américains de l'Utah. La fille, très rigolote avec ses tresses, ses yeux bleus et son grand sourire, s'est mise à apprendre le vietnamien un mois avant leur voyage. Donc ses tentatives de communiquer avec les locaux étaient très amusantes. Elle est étudiante en doctorat sur les bouquetins si j'ai bien compris.


130 km : 1 voiture

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Publié le 12 décembre 2023

Jour 97 : 10 décembre 2023


Aujourd'hui, c'est la grande découverte du marché vietnamien de Dong Van. Alors on se lève assez tôt, petit-déjeuner face à la vue sur la ville. Je suis totalement patraque. J'ai passé une terrible nuit digestivement parlant. Donc je fais l'impasse sur les œufs ce matin.

Le marché est très impressionnant. Au départ, il donne l'impression d'être gigantesque. Une fois qu'on a apprivoisé les différentes allées, ça va mieux. Je ne sais même pas par où commencer pour décrire ce bazar. Les premières choses que nous avons vues sont des coiffeurs au milieu du marché en train de couper les cheveux des clients, qui tombent sur le sol au milieu d'autres déchets divers et variés. Des oiseaux en cages, des cochons de toutes tailles criant à pleins poumons et prêts à être attachés sur des scooters, des chiots tout mignons prêts à être embrochés (oui c'est horrible). On s'enfonce dans les allées et la nourriture devient le sujet principal : fruits et légumes disposés à même le sol, graines, beignets en train de cuire dans l'huile, stand de café. Il y a aussi bien sûr des étales de vêtements très colorés, comme ceux que portent toutes les femmes du marché. Étonnamment, les hommes sont habillés bien plus sobrement et à l'occidental. Ça grouille, ça se bouscule, ça crée de véritables embouteillages humains. On évite les stands de viande et de poisson pour m'éviter des hauts le cœur.

Nous reprenons la route vers Ha Giang, la dernière étape de ce road trip sur les routes du Nord du Vietnam. En milieu de journée, on s'arrête dans le petit village de Lung Tan. Nous y visitons une coopérative tenue par des femmes H'Mong, habillées de toutes les couleurs de la tête aux pieds (littéralement la tête puisqu'elles portent bien souvent de très jolies coiffes). C'est une coopérative autour de la production de tissus en lin. Alors on y voit toutes les étapes du processus, avec des femmes de tous les âges au travail. Elles ont des sourires magnifiques, comme la plupart des femmes ici je trouve. Une dame plus âgée nous montre les différents appareils traditionnels. Il y a un petit magasin qui leur permet de vendre aux visiteurs leurs créations. Nous craquons totalement pour une pochette d'ordinateur chacune. Elles sont très colorées.

On s'arrête pour le déjeuner dans un boui-boui pour manger du riz et des grillades. Je fais de mon mieux mais mon état n'est toujours pas optimal. Et nous arrivons à Ha Giang en milieu d'après-midi. Ha Giang, c'est notre dernière étape durant ce road trip dans le Nord du Vietnam avec notre chauffeur Anh. C'est aussi la plus grande ville que j'ai vu pour l'instant, ce qui est une transition très douce avant la folie de Hanoï. Enfin, c'est le départ de nombreux tours de quelques jours à moto dans la région pour les touristes. Donc on croise beaucoup d'occidentaux, notamment autour d'une stelle "kilomètre zéro" au centre de la ville, où les motards prennent des photos. Après deux nuits dans les maisons chez l'habitant, nous séjournons dans un hôtel. En cette fin d'après-midi, nous nous baladons dans le centre ville mais c'est dimanche alors il n'y a pas foule. Maman est quand même tétanisée par la conduite vietnamienne dès que l'on doit traverser la route. Les quais de la rivière sont peu entretenus mais tout de même agréables. Nous buvons un jus de fruits en terrasse pour écrire nos carnets respectifs, puis allons nous faire masser. Ça change tout de voyager avec sa maman... J'ai franchement adoré cette journée notamment grâce au marché de Dong Van et aux femmes tissant le lin, mais la maladie me gâche la fin de journée. Je ne mange presque rien au dîner et suis incapable de faire quoi que ce soit. Alors on regarde une série avant d'entamer une longue nuit réparatrice.


130 km : 1 voiture

98
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Publié le 13 décembre 2023

Jour 98 : 11 décembre 2023


C'est ce qu'on appelle dormir comme un bébé. J'avais grand besoin de tout ce sommeil. Aujourd'hui, pas de route ! Nous dormirons à Ha Giang ce soir également. Au programme de la journée : une randonnée dans les alentours de la ville. On enfile nos casquettes d'exploratrice parce que l'itinéraire n'est pas du tout précis sur le descriptif de maman, donc on s'aventure dans quelque chose de franchement incertain.

En comptant toutes les pauses, notre randonnée a duré six heures. Je précise toutes les pauses parce qu'il y en a eu un certain nombre. Je ne sais pas pourquoi, ma tourista des jours précédents a considérablement affecté mon cardio. Je n'avais aucune force en montée. Je suais des litres, buvais des litres et avais le souffle vraiment court. J'ai franchement cru que je ne pourrais pas continuer plus d'une fois. Ce qui m'arrive rarement en randonnée. Et celle-ci n'était pas particulièrement insurmontable. Malgré certains épisodes douloureux, c'était une très belle balade. Seules au monde sur ces petits chemins sinueux. Une végétation très dense, humide, presque la jungle. Parfois un grand soleil, parfois un peu de brume. À plusieurs reprises, de splendides cultures en terrasse. Maman est très drôle : elle fait des commentaires sur tout ce qu'elle voit, se demande s'il s'agit de rizières ou pas, pourquoi les poules se baladent si loin des habitations, pourquoi son bandana à motifs ne fait pas "jeune" malgré ce qu'elle croit. Et moi, je me demande seulement quand est-ce que la montée sera terminée. On traverse deux ou trois petits villages : les locaux font des travaux, sont au déjeuner et les enfants jouent. C'est très calme. La plupart du temps, c'est seulement la nature et nous.

Mon calvaire respiratoire s'achève quand on voit une belle terrasse en bois face à la plus belle vue de la rando, sur laquelle quelques baladeurs sont en train de déjeuner. On reprend des forces avec de très bonnes nouilles. Et on fait la connaissance d'un couple de belges qui voyagent pendant deux mois en Asie du sud est. Il y a aussi un minuscule chat qui espère un peu trop que je laisse tomber une chips par terre. Cette pause m'a vraiment soulagée. Surtout pour que le reste de la randonnée sera surtout en descente pour l'après-midi. Si maman se plaint un peu plus de sentir ses jambes, je me sens pour ma part beaucoup mieux !

La fin de la journée sera réservée à la détente : nous allons au bord de la rivière dans le centre-ville de Ha Giang pour boire un jus de fruits frais dans un joli café décoré pour Noël. Cela me fait tout drôle de voir ces décorations tout en étant en short et en débardeur, et après avoir passé un mois en Chine sans la moindre allusion à cette fête à laquelle je suis d'habitude tant habituée en fin d'année.

Pour parler plus en détails des différences entre le Vietnam et la Chine que j'observe depuis quelques jours, le bruit tout d'abord. En Chine, 90% des scooters sont électriques. Au Vietnam, aucun. Donc j'avoue que ça n'est pas des plus agréables. Pour continuer sur les nuisances, visuelle celle-ci, le bord des routes au Vietnam est beaucoup plus pollué qu'en Chine. Je ne pense vraiment pas que les Chinois soient plus respectueux de l'environnement que les Vietnamiens, loin de là. Mais en Chine, je voyais sans cesse des femmes plutôt vieilles en-train de ramasser les déchets qui traînent. C'est donc l'Etat qui gérait ce genre de souci. Aussi, qu'est-ce que cela fait bizarre de voir autant de touristes occidentaux... Le Vietnam est de loin le pays le plus touristique où j'ai été durant ce voyage. Et c'est vraiment un choc après l'Asie centrale où il n'y avait personne, et la Chine où il n'y avait que des Chinois. Par conséquent, les Vietnamiens sont bien plus habitués à la présence des touristes. Donc dans les endroits reculés, en Chine, on me dévisageait, on me prenait en photo, à la rigueur on venait me parler en chinois, croyant que je comprenais. Alors que au Vietnam, les villageois nous saluent, nous disent "Hello ! I love you ! Where are you from ?", les enfants sont ravis, et connaissent souvent quelques mots en anglais. C'est vraiment une approche différente, moins timide, qui s'explique historiquement bien sûr.

Après ce jus de fruits, nous allons profiter du meilleur massage du séjour, et sans doute l'un des meilleurs massages de ma vie. C'est étonnant comme ils peuvent être différents les uns des autres au sein d'une même région voir d'une même ville. Ce fut divin. Malgré mes difficultés respiratoires durant la randonnée, je ne suis par ailleurs plus malade. J'ai retrouvé l'appétit. Donc nous allons dîner dans un restaurant dont le menu nous a fait frémir plus d'une fois : soupe de testicules de poulet et tortue. Tortue ?! Le tout avec des photos très peu appétissantes pour illustrer chaque plat. Cela donnait très peu envie. On a jeté notre dévolu sur du canard frit au poivre et à l'ail. C'était très bon.


20 km à pied, sans compter le dénivelé


99
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Publié le 13 décembre 2023

Jour 99 : 12 décembre 2023


Ça y est, nous quittons Ha Giang et cette magnifique région montagneuse du Nord du Vietnam. Aujourd'hui est le dernier jour de ce road trip donc retour vers Hanoï. Enfin, je dis "retour" alors que je n'y ai jamais mis les pieds. Nous avons beaucoup de route à faire avec un chauffeur devenu très peu aimable, répondant à peine quand on lui parle. Heureusement que Maman et moi avons le même humour, alors on en rigole beaucoup. Notre grande expression de la semaine : "on a la scoumoune". Cela vient apparemment de Corse, pour dire que l'on a la poisse et la sonorité de ce mot me fait beaucoup rire, surtout dans la bouche de Maman. Cette blague nous permet de relativiser le retard d'avion de Maman, ma tourista, le problème de carte bleue de Maman, ce chauffeur bipolaire et d'autres épisodes à venir.

Nous faisons une halte sur la route au bord du plus grand lac du Nord du Vietnam, Thac Ba : 20 000 hectares, 1300 îlots de verdure qui contribuent à faire un paysage très joli. On fait un tour sur un bateau beaucoup trop gros à mon goût mais nous n'avons apparemment par le choix. On admire le paysage et j'ai un fou rire en aidant Maman à ré-organiser les applications de son téléphone.

Arrivée à Hanoï, l'effrayante. Maman va à l'hôtel avec les bagages et je vais à l'Ambassade du Cambodge pour y faire mon visa : échec. Le Premier ministre du Cambodge étant en visite officielle, il n'y a personne pour me recevoir. Je rentre à pied vers l'hôtel et je découvre alors pourquoi Hanoï est connue du monde entier. La folie des rues. Le bruit. Le flot incessant de scooters dans l'anarchie la plus totale. Les boui-bouis de street food qui laissent dubitatifs quant à la conservation des viandes. Le bruit, encore et encore. La difficulté à traverser la moindre rue. J'arrive à l'hôtel sonnée. Besoin de me doucher.

Nous logeons près du lac Hoan Kiem, au cœur de la ville. Nous allons y faire un tour une fois la nuit tombée. Au moins, c'est piéton. Au centre du lac, nous allons visiter le petit temple Ngoc Son, relié à la rive par un joli pont rouge. Au Vietnam, la religion traditionnelle est influencée par le confucianisme et le taoïsme chinois et par le bouddhisme. Les offrandes de boissons alcoolisées et de biscuits me font toujours sourire. Nous affrontons de nouveau les rues qui donnent le tournis pour aller admirer la cathédrale Saint-Joseph sur une petite place très jolie, entourée de restaurants et au milieu de laquelle trône un gigantesque sapin de Noël. Il pourrait s'agir de n'importe quelle ville européenne. C'est assez rigolo. Nous entrons dans l'Eglise discrètement car un office est en cours, juste le temps d'admirer le magnifique autel doré.

L'anecdote qui suit m'a fait bouillir de rage pendant au moins une heure, alors j'espère l'expliquer correctement. Dans le centre d'Hanoï se trouve une voie ferrée sur laquelle passent des trains en fin de journée. Et les rails ne sont absolument pas protégés par des barrières quelconques. N'importe qui peut traverser la voie n'importe quand. A un endroit précis, il y a une enfilade de cafés placés à un mètre de la voie ferrée. C'est super dangereux et il n'y a pourtant jamais eu de morts. Par conséquent, cet endroit est super super super touristique, tout le monde veut sa photo au milieu des rails entourés de cafés, et sa vidéo du train qui passe au raz des murs. Bref. Nous approchons doucement de cet endroit, et une rabatteuse nous dit de venir dans son café. Or, une amie m'en a conseillé un autre. Donc après avoir vu que nous aurons des places médiocres dans le café de la rabatteuse, nous nous éloignons de là. Elle se jette devant moi, me crie dessus que non, je dois absolument m'asseoir ici, sinon la police va venir, qu'il y a des règles super strictes et je ne sais quels autres mensonges. Je suis super énervée et je ne veux pas rester là. Elle me bloque physiquement le passage, c'est franchement humiliant devant une ribambelle de touristes assis avec leurs bières à la main. D'autres rabatteurs se joignent à elle pour crier "POLICE". Je sais pertinemment que c'est faux. Que va faire la police s'ils l'aappellent? Qu'ai-je fait de mal ? Rien. Ils ne me laisseront pas aller plus loin. Mais juste pour le principe, je ne donnerai pas un sou à cette bonne femme donc j'exige de m'asseoir au café voisin du sien. Elle s'énerve encore et se dispute avec la gérante de ce nouveau café, ravie d'avoir des clientes. Je suis sous le choc. Je n'ai jamais vu une technique commerciale aussi peu honnête et agressive. De quel droit ? Ils profitent du fait que l'endroit soit "dangereux" pour obliger les touristes à s'asseoir à un café précis. Je suis vraiment sonnée de m'être faite hurler dessus devant tout le monde. Et je sais pertinemment que cette situation n'aurait jamais eu lieu dans un endroit moins touristique. La concurrence entre ces quelques cafés est rude et les touristes sont vus comme des porte-monnaie ambulants. J'avoue avoir été vraiment dégoutée après des semaines de voyage dans des zones absolument désertes comme le Kazakhstan mais aussi des zones très touristiques comme la Chine, où j'étais toujours la seule occidentale. J'y recevais un accueil chaleureux, amical, bienveillant, loin de cette avidité. Ravage du tourisme de masse. Cela m'inquiète sur le reste de mon séjour au Vietnam. J'ai franchement peur d'être déçue. On m'a tellement parlé en bien de ce pays. J'aime les rencontres sincères, l'authenticité, les sourires gratuits. J'ai peur d'être vue comme une énième occidentale en quête d'expériences exotiques et de magnets à coller sur le frigo.

Après cet épisode un peu douloureux, nous retrouvons Constance, une copine de ma fanfare étudiante bordelaise. Elle étudie en échange universitaire à Singapour et est en vacances d'hiver donc elle passe trois semaines au Vietnam. J'avais déjà prévu de passer Noël avec elle et un autre copain à Ho Chi Minh Ville, mais cette rencontre à Hanoï était plus improvisée. Elle nous amène dans un petit restau où nous mangeons un truc absolument délicieux : nous devons rouler nous même des morceaux d'omelette au porc et à la crevette dans une feuille de riz (la même feuille qui entoure les rouleaux de printemps) et de la salade. Donc ça ressemble à un gros nem que l'on roule nous même. Cela donne les doigts super gras mais quel régal. Constance nous raconte son expérience de vie à Singapour, ville absolument sans histoire ni charme. Pas comme Hanoï, c'est sûr.


300 km : 1 voiture

100
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Publié le 14 décembre 2023

Jour 100 : 13 décembre 2023


J'ai relié Paris - Hanoï en 100 jours ! Ça en jette ! Je suis contente que nous soyons précisément dans cette ville aujourd'hui. La journée fut d'ailleurs bien remplie puisque nous partons demain matin pour un nouvel endroit. Alors une seule grosse journée dans la capitale du Vietnam, c'est ambitieux et intense. Nous commençons la journée par un petit-déjeuner lamentable de l'hôtel pourtant d'un bon niveau. Donc une fois dehors, je goûte le Bahn Mi, le sandwich d'Hanoï avec du paté et de la verdure. C'est surprenant mais ça n'est pas mauvais. Après une longue attente à l'ambassade du Cambodge, j'ai enfin pu déposer mon passeport pour obtenir mon visa de longue durée.

Nous visitons tout d'abord le temple de la littérature. Il est dédié à Confucius et honore les érudits depuis 1070. A l'époque, il s'agissait de la première académie du pays. On y étudiait la littérature, la poésie et la philosophie. A la manière chinoise, le site est divisé en cinq cours carrées en enfilade. On peut monter à un étage d'un temple. C'est très joli et c'est le bâtiment que l'on peut voir sur les billets de 100000 Dong. Nous enchaînons sur une seconde visite. Aujourd'hui nous arpentons Hanoï en long, en large et en travers. Ce matin, nous sommes dans une zone avec de larges avenues qui me donnent mal à la tête, premier degré. Nous visitons à présent la cité impériale de Thang Long. C'était le siège militaire du Vietnam pendant plus d'un millénaire. Je suis un peu plus déçue par cet endroit, payant mais très peu aménagé et mis en valeur. En cette fin de matinée, nous souhaitons aller voir le mausolée d'Ho Chi Minh, le fondateur du Parti communiste vietnamien en 1930 et chef d'Etat pendant les guerres d'indépendance du pays. Malheureusement, il y a une visite officielle donc tout le quartier est bloqué.

Tant pis. De toutes façons, j'avais déjà faim. Maman a repéré une petite rue loin de la circulation pour déjeuner en terrasse. On se régale : rouleaux de printemps, tempuras à la crevette, bouillon de raviolis. Miam ! Nous voici donc de retour dans le vieux Hanoï. Même si la circulation est chaotique partout, c'est quand même plus agréable de s'y balader. Maman se cramponne à moi dès que l'on doit traverser la rue. Elle tient à aller voir un très joli café recommandé dans son guide. Elle y déguste la spécialité d'Hanoï : le café avec un œuf à l'intérieur. Je ne bois pas de café et les œufs m'ont donné des hauts-le-cœur ces derniers jours donc je ne risque pas de goûter. Mais elle m'assure que c'est bon et très sucré, avec un goût de chocolat : on dirait un tiramisu liquide. Le café est charmant, il diffuse de la variété française. Rigolo d'entendre Aline de Christophe dans une capitale asiatique. Comme le quartier est très touristique, nous entamons une séance shopping de souvenirs et de cadeaux. Je ne peux pas vous dire ce que j'ai acheté en si grand nombre parce que beaucoup de ceux à qui sont adressés ces cadeaux me lisent. Par ailleurs, j'ai craqué pour un chouette pantalon léger et volant rouge, idéal pour travailler au Cambodge, ne pas avoir trop chaud mais éviter les moustiques.

Nous avons repris les visites plus sérieuses. Un petit temple, le plus vieux de la ville apparemment, datant du XVIe siècle. Il est quelque peu caché dans les petites rues. Puis la maison du patrimoine, l'une des plus joliment restaurées de la vieille ville. C'était une habitation traditionnelle de marchands. Aujourd'hui, elle est magnifiquement décorée d'objets d'origine et se visite, pour se donner une idée du mode de vie d'autrefois. Nous sommes passées devant une majestueuse porte de pierre et de briques, la seule des seize portes médiévales qui entouraient la vielle ville. Et cela nous a mené au pont Long Bien, métallique et rafistolé, pas vraiment joli mais ce pont a une histoire fascinante. Pendant la guerre d'indépendance et plus précisément après 1960, les bombardements américains ont détruit une partie de la ville et tué des centaines de civils. Ils ont aussi détruit en partie ce pont. Reconstruit absolument immédiatement par les vietnamiens pour maintenir le transport terrestre et ferroviaire entre les deux rives entourant le fleuve Rouge. Puis rebombardé. Puis reconstruit. Encore et encore. Ce pont serait le symbole de la ténacité et de l'espoir des Vietnamiens. Et les américains auraient arrêté de le bombarder quand les vietnamiens ont commencé à utiliser les prisonniers de guerre américains comme main d'œuvre forcée pour reconstruire le pont. Fin des visites.

Nous avons pris un taxi pour arriver à l'heure à l'ambassade du Cambodge pour récupérer mon visa. Fait en une journée. Un miracle. Nous retournons à l'hôtel prendre une douche parce que, grand luxe toujours, nous allons nous faire masser. Nous nous baladons encore un petit peu dans ces rues affolantes mais je crois que nous avons vraiment eu notre dose pour aujourd'hui. Alors nous allons dîner assez tôt. Ce restaurant est recommandé par les guides Michelin et le principe est assez étonnant. Menu unique, donc service très rapide. Il y a une poêle sur du gaz au milieu de la table : un serveur se charge de remuer notre mélange de poisson et de verdure de temps à autre. Il semblerait que cela soit du poisson-chat. Nous mangeons ça avec des nouilles blanches et plusieurs sauces au choix. Dont une sauce à la crevette, particulièrement étrange. C'était vraiment délicieux. A la table d'à côté, un père de famille israélien est venu ici seul parce que sa femme se repose à l'hôtel avec leur bébé de dix mois et il est chargé de lui amener un dîner. J'ai l'impression qu'il s'est égaré en chemin. Il travaille à Kobe au Japon dans le domaine du tourisme culinaire. Et il nous dit qu'il est tombé amoureux de la nourriture vietnamienne. Il était très bavard.


101
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Publié le 16 décembre 2023

Jour 101 : 14 décembre 2023


La grande découverte de ce matin, c'est que Hanoï ne dort jamais. Nous sommes dans les rues à 6h30 pour aller prendre une navette et il y a déjà du monde dans les rues. Le long du lac, plein de personnes font de la gym, de la danse en groupes, de la course à pied, etc. J'aurais bien fini ma nuit personnellement. Nous avons quatre heures de route à faire dans les bouchons à bord d'un minivan avec d'autres passagers un peu trop bavards pour que je puisse dormir. Nous allons à Mai Chau, une petite ville au sud-ouest de Hanoï.

Maman a mis le paquet sur ce dernier hôtel de son séjour au Vietnam : l'ecolodge est composé de maisonnettes dans la nature, construites avec beaucoup de bambou. La vue depuis notre chambre est splendide : montagnes et rizières. Il y a aussi une piscine. L'hôtel nous prête des vélos donc nous partons en balade. Et découvrons la splendeur de la région. Je suis vraiment sous le charme. Au loin, des montagnes et à nos pieds, des champs, des rizières, des lacs. D'ailleurs nous nous arrêtons au bord d'un petit lac pour le déjeuner. Alors j'ai fait l'erreur du siècle sur le choix de mon plat. J'avais très envie d'une pizza et comme on n'en voit pas souvent j'ai sauté sur l'occasion. Ils se sont trompés en cuisine et m'ont apporté la mauvaise : une pizza au maïs. Euh ? Bref, c'était évidemment dégoûtant.

En début d'après-midi, une autre surprise. Nous pensions simplement nous arrêter pendant notre balade à vélo pour visiter une grotte sur notre route. Que nenni. Après avoir payé le ticket d'entrée pour la grotte, pas de retour en arrière possible. On a dû gravir 1234 marches pour arriver à cette foutue grotte ! Nous qui ne pensions pas en monter une seule... C'était interminable, suant, fatiguant. La grotte était splendide. Je me suis même aventurée jusqu'au fond, totalement dans le noir. Après cette épreuve physique, nous passons le reste de l'après-midi sur nos vélos à arpenter les champs et les villages. Pour éviter les coups de soleil, je suis coiffée d'un chapeau pointu en paille fourni par l'hôtel. On s'émerveille des paysages. Il y a quelques paysans les pieds dans la gadoue en train de ramasser des récoltes. Des enfants font un tournoi de badminton dans la rue. Apparemment, un groupe de collégiens venu de la capitale est en sortie scolaire ici. Ce qui est assez rigolo au début quand certains nous disent bonjour. Mais quand ils faut répondre à quelqu'un toutes les minutes pendant une demi-heure, c'est moins drôle. Malgré ça, cet endroit est paradisiaque et vraiment apaisant après Hanoï. Nous passons la fin de la journée dans notre charmant hôtel doté d'une belle piscine. On mange un poulet curry pour le dîner et des danseuses font une petite chorégraphie pas très au point.


140 km : 1 navette


102
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Publié le 19 décembre 2023

Jour 102 : 15 décembre 2023

Nous avons droit à un petit déjeuner digne de ce nom : grand buffet dans lequel je pioche du riz cantonais, des tranches d'ananas et des pancakes. Nous partons de bonne heure voir un grand lac magnifique. Nous y faisons un tour en bateau pendant deux heures. C'est vraiment apaisant. Il n'y a personne d'autre que nous sur l'eau. Des villages de pêcheurs. De petites maisons colorées sur pilotis. Et des pêcheurs au travail avec leur indispensable chapeau pointu. Pour nous, le temps est à la méditation sur le bateau. Je réalise que le Vietnam est mon dernier pays avant l'arrivée au Cambodge. Et même si je n'ai jamais été aussi loin de la France géographiquement, je suis moins dépaysée. Le Vietnam est tellement touristique que je m'attendais à ces paysages, ces villages et même à Hanoï. Heureusement, je ne suis pas blasée et Mai Chau est tellement plus calme que le reste que cela m'émerveille tout de même.

Nous nous arrêtons un instant sur un espace d’élevage de poissons-chat. Il y a différents bassins. Et l’endroit flottant sur l’eau est étonnamment très fleuri. On nous sert un thé affreusement amer mais l’intention y est. J’ai du mal à réaliser à quel point Hanoï grouillait d’occidentaux et à quel point nous sommes seules au monde ici. C’est vraiment étonnant compte tenu de la beauté des lieux.

Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons une petite demi-heure pour aller admirer une belle cascade. Et surtout nous y baigner ! Quel bonheur ! Nous sommes seules dans l’eau. Et je ne me suis pas baignée depuis les îles d’Istanbul ! Je suis euphorique. L’eau n’est même pas froide. C’est quand quatre jeunes filles françaises de mon âge débarquent que nous comprenons qu’il est temps de laisser la place.

Cette journée est loin d’être terminée ! Nous entamons vers midi une longue balade à travers les champs, les rizières et les villages qui entourent notre logement. Il fait un temps radieux et 30°C. Je m’équipe de nouveau de mon chapeau pointu. Nous nous arrêtons rapidement à une petite maison d’hôtes qui fait restaurant avec une vue splendide sur le paysage. La particularité agaçante de Mai Chau, c’est que pour tous nos repas, nous sommes les seules clientes, donc rien n’est prêt à l’avance en cuisine. Donc nous avons systématiquement attendu environ une heure. Si vous connaissez ma mère et moi, vous savez que quand on a faim… Bref, nous aurions dû anticiper cette faim et aller au restaurant plus tôt. Le reste de l’après-midi se résume à une balade de treize kilomètres. Un régal.

Au Vietnam, le soleil se couche vers 17h30. Donc nous avons tout juste le temps de faire un petit plouf dans la piscine avant que les moustiques ne soient de sortie. Ce soir, nous marchons dans la campagne à la lumière d’une grosse lampe torche jusqu’au village le plus proche pour y dîner. Comme partout en Asie, les vietnamiens adorent les karaokés. Et ils n’ont ni peur du ridicule, ni du bruit. Donc au beau milieu du village, ça hurle dans les micros devant un public beaucoup trop indulgent. Nous nous éloignons un peu du bruit et trouvons un petit restau extérieur qui fait griller des brochettes. Avec du riz et de la sauce soja, ce sera parfait.


13 km à pied


103
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Publié le 19 décembre 2023

Jour 103 : 16 décembre 2023


Réveil plutôt matinal pour dire au-revoir à ce magnifique endroit. Vous aviez compris que c’était mon coup de cœur du Vietnam pour l’instant ? Maman a son avion cet après-midi à Hanoï. Alors retour à la capitale en navette. Nous profitons des quelques heures qu’il nous reste ensemble pour visiter le musée des femmes du Vietnam. Il est en trois parties. La première est consacrée au rôle de la femme dans le cercle familial. Donc en fonction des ethnies et des communautés, les traditions autour du mariage et de l’accouchement diffèrent. Il y a notamment des sociétés matrilinéaires sur les Hauts plateaux du centre du Vietnam : la femme la plus âgée y a une place important et déterminante au sein des affaires familiales, ce sont les jeunes filles qui demandent les jeunes hommes en mariage, l’héritage va à la fille la plus âgée, etc. La deuxième partie du musée explique le rôle des vietnamiennes pendant la guerre d’indépendance du pays (1945-1954) et pendant la guerre pour la réunification du Nord et du Sud (1954-1975). Les femmes ont eu un rôle armé considérable : résistance, guerrillas, etc. Et bien évidemment elles étaient aussi présentes pour leurs familles et dans les champs. Les nombreux portraits photographiques et biographiques de femmes qui ont été décorées pour leur engagement pendant la guerre sont très touchants. La troisième partie concerne la place de la mode féminine dans la société vietnamienne. Nous sommes passées beaucoup plus rapidement sur celle-ci mais il n’est pas difficile de remarquer à quel point la façon de s’habiller est un signe d’appartenance à un groupe et un marqueur social.

Il est l’heure de manger et c’est le dernier repas que je partage avec ma mère au Vietnam alors on se fait plaisir : jus de fruits frais, assortiment de rouleaux de printemps, une belle salade et un pho bo (les fameuses nouilles au bœuf en bouillon). Nous allons à l’hôtel où nous avons séjourné deux jours plus tôt puisqu’ils ont tous nos bagages. Après les derniers échanges de choses dont je n’ai plus besoin (doudoune, sweat à capuche trop lourd, cadeaux pour mes trois hommes préférés (se reconnaîtront-ils?)) contre les choses que maman m’a gentiment apporté de France (nourriture pour Noël, une tenue un peu plus habillée pour travailler au Cambodge), nous bouclons nos sacs. Et là, incident saucisson. Maman m’a apporté un saucisson à partager avec mes amis pour Noël, nous l’avions mis au frigo de l’hôtel pendant quelques jours et il a disparu ! Nous n’en faisons pas tout un scandale mais nous sommes toutes les deux déçues.

C’est moi qui quitte Hanoï la première alors maman m’accompagne à la gare. Je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus titanesque et compliqué mais ce fut extrêmement simple. Je dis au-revoir à ma mère et je prends le train pour Ninh Binh, une ville à cent kilomètres au sud d’Hanoï. Trajet court et tranquille, une petite fille s’endort sur mon épaule. Même s’il n’est pas tard, j’arrive de nuit. Je marche jusqu’à mon auberge où Vinh, une femme d’une quarentaine d’années toute fine et petite m’accueille avec un immense sourire. Elle est super rigolote et énergique, avec la voix cassée. Dans mon dortoir, je fais la connaissance de Ryan, un australien de 18 ans qui sort d’une sieste à 18h. Il me raconte qu’il a fait du vélo toute la journée. Tout s’explique. On fait connaissance. Il vient de finir le lycée et fait une année de césure pour voyager avant de commencer ses études, un schéma assez commun chez les jeunes australiens. Pour le dîner, je trouve un petit boui-boui à deux rues de l’auberge dont le gérant parle allemand ! Il a travaillé en Allemagne plusieurs années et est ravi que je le parle un peu aussi. Il m’offre des biscuits salés et une banane.


240km : 1 navette et 1 train

104
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Publié le 21 décembre 2023

Jour 104 : 17 décembre 2023


Une nouvelle journée commence dans une nouvelle région et me voici partie pour explorer Ninh Binh ! Sur les conseils de l’australien Ryan, je loue un vélo car je n’ai qu’une journée sur place. L’intérêt principal de cet endroit est l’environnement autour de la ville, composé encore et toujours des pitons rocheux et de montagnes karstiques jaillissant du sol. Ce sont les mêmes paysages qu’à Guilin et Yangshuo en Chine mais aussi qu’à Lang Son au Vietnam près de la frontière chinoise. Et surtout, il parait que c’est très proche visuellement de la baie d’Ha Long, mais sans baie, d’où le surnom de Ninh Binh : “la baie d’Ha Long terrestre”.

J’ai encore parcouru une sacrée distance aujourd’hui : presque 50 kilomètres ! Le site abonde en rizières, rivières, étangs et lacs. Il fait donc très humide et la biodiversité est magnifique. Je commence par aller voir le point de vue le plus connu de la région pour éviter les hordes de touristes qui débarquent vers 10 heures (eh oui je suis bien matinale en voyage…). La grotte de Mua : elle n’a en soi rien d’extraordinaire mais elle est située au sommet d’un pic karstique donc on y accède par un escalier en pierre extrêmement raide et glissant à cause de l’humidité. 500 marches, heureusement qu’il ne fait pas bien chaud. La vue est absolument splendide. La ville, la rivière Ngo Dong, tout le site de Tam Coc qui l’entoure, les champs et les rizières : on voit tout. En haut des escaliers, je rencontre un couple de cinquantenaires toulousain très sympathique avec qui je discute voyages. Je découvre aussi cet immense dragon fièrement posé sur le sommet du pic. Vraiment un chouette endroit.

J’ai pédalé tout le reste de la journée à travers le site de Tam Coc le matin et celui de Trang An l’après-midi. Avec une pause déjeuner entre les deux durant laquelle j’ai mangé des kimbap coréen. A Tam Coc, ce fut une balade le long de la rivière Ngo Dong sur laquelle les touristes font des promenades en bateau. Les rameuses (souvent des femmes) se servent de leurs pieds pour propulser leur embarcation. Je traverse un cimetière bouddhiste et plusieurs jolis temples dont les gardiens sont souvent ravis de me voir débarquer à vélo. J’ai appris que les offrandes assez bizarres que l’on voit sur les autels ne sont pas à destination des dieux mais des défunts. Il est considéré que dans l’au-delà, nous consommerons aussi de quoi se sustenter. C’est pourquoi il faut donner en offrandes ce que nos proches aimaient consommer durant leur vie sur terre : sucreries, boissons, fruits, j’ai vu un poulet entier aussi. Sur le site de Trang An, d’autres barquent voguent paisiblement sur la rivière Sao Khe d’une grotte calcaire à l’autre, croisant en chemin de beaux temples anciens, des arbres séculaires et un palais ancestral.

Non loin de là, j’ai visité Hoa Lu, la capitale du Vietnam sous la dynastie des Dinh (968-980). Ils avaient choisi cette capitale pour mettre de la distance entre eux et la Chine et pour tirer partie de la barrière offerte par les formations rocheuses de la région. Des temples d’époque subsistent et se visitent. En fin d’après-midi et sur mon chemin de retour vers le centre-ville, je m’arrête prendre un jus frais à un café disposant de transats face à la rivière. Juste à côté, des jeunes font de la pêche. L’ambiance est paisible. En revenant à l’auberge, je retrouve Ryan et je rencontre deux autres compagnons de chambre : Camille un rennais d’une trentaine d’années dont c’est le premier voyage en solo et Pepe un sicilien en sarouel assez rigolo.


50 km en vélo

105
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Publié le 21 décembre 2023

Jour 105 : 18 décembre 2023


Ma grande descente vers le Sud du Vietnam continue. Je dis au-revoir à Vinh avec qu’elle m’ai fait une délicieuse soupe pour le petit-déjeuner. Je pars ce matin de Ninh Binh en stop avec un peu d'appréhension. J’ai tellement lu et entendu que le stop ne se pratique pas au Vietnam que j’ai presque fini par y croire. En effet, je comprends rapidement que personne ne comprend le signe du pouce levé au bord de la route. Je réfléchis à une nouvelle stratégie à adopter quand une camionnette s’arrête ! Deux jeunes hommes de mon âge morts de rire se demandent bien ce que je fais là et me font une place à l’avant du véhicule. Tuyên et Phong sont très drôles et on passe un super moment : ils appellent leur pote en vidéo pour prouver à la terre entière qu’ils ont rencontré une française un peu bizarre. Quand ils ouvrent l’arrière de leur véhicule pour me rendre mon sac à dos, je découvre la marchandise rigolote qu’ils transportent : des accessoires pour animaux de compagnie. Donc comme en souvenir de ce moment précieux et sûrement parce qu’ils n’avaient rien d’autre à m’offrir mais qu’ils tenaient tout de même à offrir quoi que ce soit, ils me donnent un petit collier pour chat avec une clochette. Je trouve ça particulièrement mignon et je repars un grand sourire aux lèvres.

Pour attraper la prochaine voiture, la stratégie de stop à adopter vient à moi sans que j’ai besoin d’y réfléchir. Un homme qui travaille sur l’entretien de la voie vient me voir et me dit spontanément qu’il va m’aider. Il fait arrêter toutes les voitures qui passent, leur explique en vietnamien où je vais et ce jusqu’à ce qu’il trouve une voiture qui puisse m’amener suffisamment loin. Je monte donc dans une voiture beaucoup plus luxueuse avec une femme d’affaires en train de s’auto masser les pieds sur la plage arrière, au milieu de sacs de shopping. Je m'assois à côté du chauffeur qui parle un peu anglais. Ma tenue est plutôt en décalage avec les leurs mais ils sont trop gentils. Nous n’avons pas beaucoup pu parler parce que la businesswoman était au téléphone pendant un long moment. Mon dernier véhicule de la journée sera un bus. Oui, j’ai fait du bus stop. Ils m’ont prise gratuitement pendant 200 kilomètres. J’ai pu observer un peu le système de bus entre deux grandes villes : de Vinh à Hué (je me suis arrêtée à mi-chemin, à Phong Nha). Les passagers font arrêter le bus depuis n’importe où sur la route, il n’y a pas d’arrêt prédéfini. Il y a bien sûr le chauffeur et à côté de lui celui qui collecte la monnaie en passant dans le bus. Il était évidemment amusé de me voir là et a même voulu faire un selfie avec moi. Le chauffeur est obligé de faire une pause d’une demi-heure toutes les deux heures. Parmi les passagers, mes voisins étaient un militaire, un couple de personnes âgées habillement très chic et un trentenaire qui semblait parler anglais.

J’arrive de nuit à Phong Nha. Je rejoins mon auberge de jeunesse qui est un espèce d’éco camp tout en bambou au bord d’une rivière. Après m’être installée, je rencontre deux français de mon âge en couple. On se partage nos histoires de voyage : ils ont passé deux mois en Indonésie et un mois au Laos. Après le Vietnam, ils iront au Cambodge et en Thaïlande. Célestin et Emma se sont rencontrés en DUT en France. Ils ne s'entendent pas très bien avec leurs familles donc ils sont ravis de n’être que tous les deux pour Noël à Hué où ils ont réservé un très bon restaurant français. En parlant de manger, on se rend ensemble à un petit restau qu’ils ont repéré à deux kilomètres de l’auberge. Pour m’éviter de marcher, Célestin va d’abord déposer Emma en scooter puis est revenu me chercher. Dans le boui-boui, l’ambiance est familiale. Nous sommes les seuls occidentaux. La patronne allaite son bébé donc c’est un jeune d’une douzaine d’années qui nous sert, sans doute le premier enfant. Le papa est en cuisine.


400 kilomètres : 1 camion, 2 voitures, 1 bus, 1 scooter

106
106
Publié le 21 décembre 2023

Jour 106 : 19 décembre 2023


Je suis un peu démoralisée par la météo. Il pleut des cordes toute la journée, et il est censé faire ce temps jusqu’à la fin de la semaine. C’est particulièrement frustrant d’être à Phong Nha qui est un petit village où il n’y rien à faire d’autre que d’être dehors : randonnée, kayak, vélo, scooter. Un des lieux à voir absolument ici est le parc national à la biodiversité très riche. Donc je me motive et me dis que de toute façon, la jungle c’est presque pareil sous la pluie et sous le soleil. Je loue un vélo à une jeune fille et me voilà partie sous mon énorme poncho pour dix kilomètres de vélo jusqu’au départ de la balade dans la jungle. Je suis assez rapidement trempée jusqu’aux os malgré mon poncho. Et ça monte sévère. Bref, ça n’est clairement pas une partie de plaisir.

Je finis par arriver à l’entrée du parc. Ils mentionnent la présence de singes, serpents et insectes en tout genre sur un panneau et je commence à me demander si j’ai bien fait de venir là toute seule. Je marche donc pendant trois bonnes heures. J’avoue que même si mes chaussures sont de véritables éponges, je me réchauffe en marchant et la balade est plutôt agréable et aventureuse. Il y a même des passages d’escalade assez glissants autour d’une cascade magnifique. Je me régale mais je ne vois aucun animal ! Dommage. Par contre, la flore est très intense et humide. Il y a des lianes partout. Je ne m’y suis pas suspendue pour éviter de terminer dans un article de la presse locale.

La deuxième partie de la journée fut beaucoup moins palpitante. Retour à vélo sous la pluie. J’ai changé mon itinéraire donc je suis passée par des champs et des villages et la pente était plus douce. Je mourrais de faim donc j’ai craqué pour un burger en plus d’une soupe pho. Le chiot du restaurant était absolument craquant. J’ai passé l’après-midi à me reposer, lire et écrire dans le lit de mon dortoir avec vue sur la rivière. Je me suis couchée super tôt parce que j’avais réservé un bus à 4h du matin le lendemain pour me rendre à Hué sans perdre de temps. Eh oui, le stop me semble bien trop fastidieux compte tenu de la distance qui me sépare encore de Ho Chi Minh Ville où je dois être pour Noël. J’avoue que cette deadline me frustre énormément. J’ai l’impression de ne pas du tout avoir le temps de profiter de chaque endroit et de devoir enchaîner en permanence. Comme en Chine où je n’avais qu’un mois de visa. Sauf qu’en Chine, je m’y attendais et je l’avais beaucoup plus organisé. Là, je dois au jour le jour m’assurer que je suis dans les temps.


20 km à vélo et 10 km à pied

107
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Publié le 22 décembre 2023

Jour 107 : 20 décembre 2023


Il faut se faire une raison. La météo annonce de la pluie dans le centre du Vietnam pour toute la semaine à venir. Donc il vaut mieux être en ville qu’à la campagne par ce temps. Je comptais faire du stop ce matin pour rejoindre la ville de Hué. Et en l’expliquant à la gérante de mon auberge la veille au soir, elle me dit que son frère s’y rend très tôt. Donc départ à 7h du matin. J’ai de la chance. Bon, cet homme ne parle pas un mot d’anglais et n’est pas très bavard par ailleurs. Donc je rattrape un peu de sommeil. J’arrive à Hué en fin de matinée et je me rends directement chez mon hôte Couchsurfing. Je suis stupéfaite par la taille de la maison. La dernière fois que j’ai séjourné chez l’habitant grâce à Couchsurfing, c’était en Chine, le pays le plus peuplé au monde, et en ville. Donc c’était toujours des appartements peu spacieux. Mais alors là, c’est bien le contraire. Phuong, un homme de 43 ans, a fait construire sa maison de trois étages il y a une douzaine d’années. Au rez-de-chaussée, c’est un club de jazz et un bar. Il y a plein d’instruments de musique et des peintures magnifiques sur tous les murs. Dans les étages, il y a les chambres, salles de bain et une salle de classe parce que Phuong et sa femme Trâm sont profs d’anglais. Ils donnent des cours privés chez eux. Ils ne sont pas chez eux quand j’arrive donc c’est un de leurs anciens élèves qui m'ouvre. Quyên travaille dans le café-jazz en attendant que son visa pour le Canada soit accepté. Ce jeune homme est d’une douceur incroyable. Un sourire timide et une voix apaisante.

Je vais déjeuner dans le centre ville un délicieux pancake à la crevette et au porc. Cela sonne très bizarre écrit comme ça mais c’est une spécialité de Hué que j’ai adorée. Je retrouve Constance dans un café où on déguste un jus de fruits frais. Puis nous nous rendons à la citadelle impériale, le monument le plus important de la ville. En effet, Hué était la capitale du Vietnam de 1802 à 1945, sous la dynastie des Nguyen. C’est Gia Long, le fondateur de la dynastie, qui avait choisi comme capitale pour les raisons suivantes : la rivière des Parfums ressemble à un serpent et les montagnes alentour à des lions. Voilà voilà. En tout cas, ils ont construit à l’époque une magnifique citadelle entourée de quatre murs de deux kilomètres de long chacun. Donc c’est immense. A l’intérieur des murs, il y a des jardins très peu entretenus mais surtout de splendides bâtiments : les lieux de vie de la famille impériale mais aussi les lieux de décision politique. Moi qui étais un peu désespérée par la pluie, je suis vraiment contente qu’on parvienne à faire une vraie visite intéressante.

On enchaîne avec le marché Dong Ba situé tout près de la citadelle. C’est un joyeux bazar, surtout avec la pluie qui ruisselle partout, même s’il s’agit d’un marché couvert. Les stands de tissus colorés sont vraiment les plus jolis. Et ceux de poissons sont les plus douteux hygiéniquement parlant. Comme Constance et moi allons fêter Noël ensemble avec notre ami Corentin dans les prochains jours, on achète des petites décorations rigolotes, pour se mettre dans l’ambiance.

La nuit est tombée et on galère un long moment à trouver un taxi. A cause de la météo catastrophique, certains travaillent beaucoup en ce moment, et puis c’est l’heure de pointe. Même si Constance a un logement dans le centre de Hué, elle vient passer la soirée avec moi chez Phuong mon hôte. Je rencontre enfin toute la famille : Phuong, Trâm, et leur fils de trois ans Lêu super mignon. Nous arrivons quand tout le monde est occupé parce qu’ils donnent un cours de deux heures dans les minutes qui suivent. Donc nous allons dîner à une rue de là. Ce n’est pas du tout un quartier touristique alors Sam le gérant du boui-boui est absolument émerveillé de nous voir, oui, même si tous nos vêtements et nos cheveux dégoulinent de pluie. De retour au Be Café (le nom du club de jazz), nous buvons une bière avec Phuong et son jeune ami et collègue Quyên qui m’a accueillie plus tôt dans la journée. Phuong nous raconte son parcours, sa passion pour la musique même s’il ne fait que du chant et ses expériences internationales. Il a étudié en Australie, ce qui lui a permis de se faire des contacts partout dans le monde. Les deux hommes nous posent plein de questions sur nos vies, nos parcours universitaires et nos voyages. Leurs regards inspirent confiance. Ils ont l’air sincèrement intéressés par nos histoires. Et le dialogue est vraiment chouette. Je crois que j’ai largement convaincue Constance des bienfaits de Couchsurfing en l’espace d’une soirée. Au son de chansons de Noël revisitées version jazz, on passe une délicieuse soirée. Quand Constance veut rentrer chez elle, le même problème de pénurie de taxi subsiste à cause de la pluie. Donc Quyên, la gentillesse en un seul homme, propose spontanément de la ramener à son hôtel en scooter.


210 km : 1 voiture


108
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Publié le 22 décembre 2023

Jour 108 : 21 décembre 2023


Ce matin, c’est grasse matinée. Et quel bonheur de se réveiller au doux son des notes de piano qui traversent les étages de la maison. Je traîne au lit et me repose puis je descends voir qui se cache derrière cette mélodie. Dans le café, Quyên est perché en haut d’un escabeau en train de réparer quelque chose pendant un long moment. Phuong a arrêté ses quelques notes de piano et Trung joue alors de la guitare. Trung est un musicien actif dans le club de jazz. Également un ancien élève d’anglais de Phuong. Je m’installe avec mon ordinateur pour écrire. Pendant ce temps, Trung à la guitare se fait accompagner de Phuong au chant. Ils font même La vie en rose, la version anglophone de Louis Armstrong.

Je les quitte en fin de matinée pour marcher trois kilomètres (sous la pluie, pour changer) jusqu’au centre-ville de Hué. Je vais déjeuner avec Constance. On a eu droit à une scène de ménage assez violente dans ce boui-boui. Absolument personne ne venait nous voir ni nous proposer quoi que ce soit. Donc je vais voir la patronne qui me dit assez méchamment qu’elle ne parle pas anglais. Très bien, j’ai l’habitude. Je lui montre du doigt les cuisses de poulet qui nous feraient envie avec du riz et des légumes. Elle me fait comprendre toujours sur un ton désagréable que non, ce n’est pas possible. Ce qui me paraît franchement étrange, donc j’insiste un peu. Un jeune homme vient nous préparer des assiettes avec des cuisses de poulet et là, la patronne se met à hurler, remet le poulet dans le récipient et crie de plus belle sur le jeune homme qui part se carapater dans une autre pièce. J’étais debout quasiment au milieu d’eux deux. C’était horrible. Bref, on a mangé ce qu’ils ont bien voulu nous donner. Totalement frustrées par ce repas dans une ambiance électrique, on décide d’aller prendre des desserts dans une boulangerie française : croissants et tartelettes au citron meringué. On se régale. C’est une boulangerie solidaire. Des jeunes vietnamiens issus de milieu défavorisés sont formés gratuitement à la boulangerie et à la pâtisserie dans une école. Leur production est vendue dans cette boutique pour couvrir les dépenses de l’école. Je trouve que cela fait écho avec l’association que je vais rencontrer au Cambodge.

Nous partons visiter le tombeau de l’empereur Khai Dinh, à quelques kilomètres au sud de la ville. A Hué, une petite dizaine de tombeaux d’empereurs de la dynastie Nguyen sont dispersés autour de la ville et ont tous la réputation d’être magnifiques. A cause de la pluie et des distances, nous choisissons de ne visiter que le plus réputé. Je ne m’attendais à rien. Mais quelle splendeur. On en a pris plein les yeux. C’est carrément un mausolée ultra luxuriant. Il y avait de l’or et des détails colorés du sol au plafond. Devant le bâtiment, des guerriers en terre défraîchis protègent l’entrée. Ils me rappellent l’armée de terre cuite de Xi’an. Ce lieu évoque vraiment un monde légendaire, oublié de longue date. Construite en béton, la tombe impériale mélange aux éléments traditionnels vietnamiens (comme des dragons) des éléments d'architecture française comme les fleurs de lys ou un soleil style Art déco. De nombreuses surfaces sont carrelées de mosaïques faites à partir de coûteuses porcelaines importées.

Après cette jolie visite, nous revenons dans le centre et, ruisselantes de la tête aux pieds, nous craquons pour une séance massage. Cela fait un bien fou d’être au chaud. J’ai failli m’endormir. Nous passons pour la deuxième fois de la journée à la boulangerie française pour acheter une chouette surprise à mes hôtes : une magnifique bûche de Noël au chocolat ! Nous arrivons vers 18h chez Phuong qui nous a acheté des banh mi : les sandwichs vietnamiens au pâté et aux crudités. Et il nous invite à participer à deux de ses cours : le premier avec des jeunes actifs un peu plus âgés que nous, et le deuxième avec des lycéens qui préparent un examen d’anglais. C’était une super expérience encore une fois ! On a beaucoup échangé sur nos différences culturelles avec le premier groupe. Ils étaient plus âgés mais ils avaient le niveau d’anglais le plus faible. Il fallait parler lentement, et parfois se répéter. Mais c’est vraiment chouette de savoir que c’est grâce à des interactions avec des étrangers comme nous qu’ils peuvent progresser le plus. Compte tenu de leur niveau, la conversation est restée assez simple : différences entre la France et le Vietnam en termes de nourriture, de paysages, de culture, de circulation routière. A la fin de l’échange, nous avons dégusté la bûche tous ensemble et pris des photos. C’était assez différent avec les lycéens. Ils étaient au départ beaucoup plus timides et gênés de nous poser des questions. Alors que leur niveau d’anglais était nettement meilleur. Donc c’est moi qui leur ai posé des questions pour débloquer le dialogue. C’était assez touchant d’apprendre à les connaître. Ils veulent étudier à l’étranger, d’où la préparation de ce test d’anglais. Ils rêvent du Canada, de la Suède et du Danemark. Oui, ils n’ont pas peur d’avoir froid. L’un d’eux, Minh, est passionné d’histoire et de politique et nous avons pu discuté avec lui de la “démocratie” inexistante au Vietnam, et de l’absence d’intérêt pour la politique. Il n’aurait jamais pu tenir les propos assez critiques qu’il a tenu dans un lieu public. Donc c’est une chance que nous l’ayons rencontré dans ce cadre. Au Vietnam, il n’y a qu’un seul parti politique, et aucun droit de le critiquer. La conversation a dérivé sur l’histoire du Vietnam, la guerre contre les Américains et la colonisation française. Ils étaient très intéressés par notre point de vue. Je me sens tellement chanceuse d’avoir l’opportunité de parler à ces jeunes. Ces rencontres et ces échanges sont précieux. Ils m’en apprennent tellement plus sur le pays et ses habitants. Et ce n’est pas fini. Tous les élèves sont rentrés chez eux et Constance à son hôtel aussi. Je m’installe dans le café pour écrire dans le livre d’or de Phuong (spoiler : que des éloges). Je lui ai donné mon carnet dans lequel les gens que je rencontre laissent un petit mot. Quyên et Uyên s’installent à mes côtés. Uyên est une jeune fille qui travaille aussi au café et a appris l’anglais grâce à Phuong. Je ne sais même plus comment cela a commencé, mais nous avons eu une conversation à la fois très personnelle et passionnante. Nous avons d’abord discuté de nos familles, nos histoires, nos relations avec nos parents et frères et sœurs. Et cela a dérivé sur les différences sociétales entre le Vietnam et la France au sujet de la famille, notamment autour de l’éducation sexuelle. Celle-ci est quasiment inexistante au Vietnam, c’est encore un sujet très tabou. Cela cause de grandes crises familiales quand des jeunes adolescentes tombent enceinte. Eh oui, personne ne leur avait jamais évoqué l’existence des moyens de contraception… S’il y a bien une conversation que je ne m’attendais pas à avoir, c’est celle-ci. Encore une fois, je me sens très chanceuse. Ils sont tous les deux très ouverts d’esprit et sont assez critiques de ce tabou autour de la sexualité qui crée de nombreux mal-êtres chez les jeunes mal informés. Je leur dis bonne nuit et au revoir le cœur rempli de reconnaissance et le cerveau de nouvelles connaissances.


109
109
Publié le 24 décembre 2023

Jour 109 : 22 décembre 2023


Il pleut encore et toujours, donc les taxis se font toujours très rares. Or, je dois me rendre à la gare routière pour rejoindre Constance assez tôt ce matin. Phuong et Trâm me proposent donc généreusement de m’y conduire en voiture avant de déposer Lêu à l’école maternelle. Ils sont adorables. Mon seul regret avec ce trajet en voiture et les trombes d’eau qui tombaient, c’est ne pas avoir pu leur faire une accolade pour leur dire au revoir. Je mange un banh mi (sandwich au pâté) dès le petit-déjeuner, de quoi me remplir le ventre avant de prendre le bus. Nous quittons Hué pour aller 140 km plus au sud, à Hôi An. Les bus au Vietnam, ça vaut le détour. Ils sont équipés de couchettes superposées sur trois rangées avec des couvertures et des rideaux pour tout le monde. C’est franchement très confortable vu le prix. La seule explication que je vois au fait que cela n’existe malheureusement pas en Europe, c’est qu’il n’y a pas de ceinture de sécurité. Nous en avons pour trois heures de trajet, de quoi compléter la nuit.

En arrivant à Hoi An, nous déjeunons dans un petit restaurant absolument délicieux : tartines à la crevette, bo bun au bœuf et tempuras à la crevette. J’en profite, c’est la première fois que je suis réellement au bord de la mer depuis cet été en Bretagne. Alors c’est l’occasion de manger des fruits de mer. En effet, je ne compte pas la mer Noire en Turquie ni la mer Caspienne au Kazakhstan. Après tout, la mer Caspienne a plutôt les caractéristiques d’un immense lac.

Je me rends en scooter jusqu’à la maison de mes hôtes Couchsurfing. Et encore une fois, quelle maison ! J’ai franchement de la chance en ce moment. Le séjour est immense, très moderne, avec un jardin d’intérieur au-dessus duquel le toit peut s’ouvrir. Il y a aussi un immense aquarium, un chat, un oiseau, un élevage de fourmis et un potager intérieur. Toute une ménagerie. Ce sont Flav et Tony qui m’accueillent, un couple d’environ 35 ans. Flav est vietnamienne et exerce le métier de designer en free lance depuis chez elle. Tony est britannique, de Manchester. Ils se sont rencontrés il y a trois ans sur Tinder au Vietnam, pendant un voyage de Tony. Il a fait des études d’ingénieur informatique en Angleterre et a eu l’occasion de passer un an en Tanzanie dans le cadre d’une année de césure au sein d’une association. Cela me rappelle quelqu’un… Cela lui a grandement fait évoluer ses ambitions dans la vie, et ce qui vaut la peine d’être vécu. Donc après avoir économisé quelques années en travaillant, il a quitté l’Angleterre à 27 ans. Il a d’abord arpenté l’Europe et l’Afrique en moto. Puis l’Asie du sud-est où il a rencontré Flav. Ils me présentent toutes les bestioles de leur maison qui fait tout de même trois étages. Ils ont même une chouette terrasse tout en haut qui offre une vue sur les montagnes environnantes, paraît-il (je n’en sais rien à cause de la météo).

Je vais passer l’après-midi dans la vieille ville Hoi An dont les petites maisons sont toutes jaunes. Cela me fait penser à Carthagène en Colombie. Je commence par la visite d’un endroit particulièrement intéressant et touchant : le musée du précieux héritage. Il a été fondé par Réhahn, un photographe normand. Cet homme a parcouru le Vietnam pendant une dizaine d’années pour aller à la rencontre des 53 ethnies qui peuplent le pays. Certaines ont été bien plus difficiles à trouver que d’autres. Il documentait ses rencontres en photos et vidéos. Beaucoup des familles qu’il rencontrait lui ont offert des costumes traditionnels de leur ethnie. Une fois sa mission accomplie, il s’est dit qu’il fallait absolument partager ces trésors avec le monde. Utiliser ces costumes, ces photos et ces vidéos pour que les traditions de ces ethnies ne tombent jamais dans l’oubli. Donc il a ouvert ce musée et cette galerie d’art à Hoi An. Il a choisi cette ville parce qu’il a une maison ici, c’est l’endroit où il a passé le plus de temps au Vietnam. L’approche de ce photographe et le ton utilisé sont vraiment appréciables. Une fois le musée créé, il est allé offrir le livre du musée à chacune des personnes qu’il a prise en photo au Vietnam. Et il a même invité certaines familles à venir découvrir le musée à Hoi An, ce qui leur donnait parfois l’occasion de voir la mer pour la première fois de leur vie. Aujourd’hui, Réhahn est connu à travers le monde. Il est considéré comme l’un des dix meilleurs photographes portraitistes au monde et il est souvent comparé à Steve McCurry. C’est une photo en particulier qui l’a fait connaître : le portrait d’un vieille femme se cachant la bouche des mains dans un éclat de rire, “hidden smile” (le sourire caché). Cette photo a fait la une de nombreux magazines et a été vendue 30 000 US$. Cette femme travaillant sur un petit bateau à Hoi An est devenue l’amie de Réhahn après les années. Et il lui a récemment fait le cadeau de réaliser son rêve : avoir un nouveau bateau. Vous l’aurez compris, cette visite m’a passionnée. Les photos étaient absolument splendides et l’histoire très touchante.

Entre-temps, la nuit est tombée sur Hoi An. Le centre-ville est ultra touristique. Avec la pluie, il n’y a pas une foule démentielle. Mais les magasins ne sont pas du tout authentiques et vendent tous la même chose. Les restaurants sont hors de prix par rapport au standard vietnamien. Il y a sans doute une raison à cela : c’est très joli. Je traverse un petit marché et je me balade dans les rues jaunes orangé. Je fais de jolies photos de rue. L’architecture est vraiment remarquable : influences chinoises, japonaises, françaises et portugaises se mélangent. En effet, Hoi An était un port commercial majeur dès le XVème siècle, une escale incontournable sur la route de la soie maritime. Pour le dîner, ce sera calamars et riz avec une délicieuse sauce tomate maison. Je rentre chez Tony et Flav, chez qui la soirée est paisible.


140 km : 1 bus


110
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Publié le 24 décembre 2023

Jour 110 : 23 décembre 2023


Après avoir fait la grasse matinée, je fais plus ample connaissance avec mes hôtes Flav et Tony. On déjeune tous les trois de délicieuses nouilles en bouillon avec des crevettes et des morceaux de poulet. C’est bien épicé. Tony m’explique qu’il ne fête plus vraiment Noël depuis qu’il vit loin de sa famille. Cela ne lui manque pas plus que ça. Quelle que soit la période à laquelle il rentre rendre visite à ses proches, il a droit à de délicieux repas de bienvenue en bonne compagnie. C’est selon lui le plus important. Depuis quelques semaines, il appelle beaucoup plus son frère qui souffre de dépression. Ils jouent à des jeux en ligne ensemble et peuvent discuter en même temps.

Comme il fait toujours un temps de cochon et que j’ai déjà vu le centre-ville de Hoi An hier, j’avoue que je n’ai pas une grande motivation pour faire quoi que ce soit aujourd’hui. J’avais prévu de passer autant de temps dans le centre du pays parce qu’il y a de magnifiques plages, paraît-il. Vous voyez le problème… J’ai un train de nuit à 23h30 ce soir pour aller à Ho Chi Minh Ville. Et oui, Noël c’est demain. Et j’ai encore la moitié du pays à traverser. Donc je n’ai pas d’autre choix que de prendre le train. Comme je suis incapable de rester à l’intérieur toute la journée, je vais quand même faire une grande balade dans le centre. Je rentre dans tous les bâtiments qui me semblent intéressants : pagodes, temples, boutiques, musées divers et variés. Je fais aussi beaucoup de photos. Ce n’est pas toujours facile avec les touristes chinois et leurs ponchos de toutes les couleurs. Le bord de la rivière est particulièrement charmant : il y a de nombreuses barques décorées de jolis lampions, attendant la nuit tombée pour balader les touristes. Je fais une pause dans un café pour boire un jus d’ananas frais. J’ai passé la fin de l’après-midi chez Flav et Tony à faire mes bagages, traîner, passer des appels. Je commande un taxi scooter en début de soirée. Il ne pleut plus alors c’est parfait parce que les scooters sont deux fois moins chers que les taxis normaux. La gare de Da Nang est à une heure de route de Hoi An. Donc avec tous mes bagages, le trajet est tout de même assez sportif. Je dois bien m’accrocher à cause du poids de mon sac à dos qui m’attire vers l’arrière pendant les accélérations. Durant ce trajet en scooter, je découvre une ville comme je n’en ai jamais vue au Vietnam pour l’instant. Da Nang est super moderne : nous passons entre la plage et une longue série d’hôtels de luxe dans d’immenses immeubles. C’est assez surprenant. Même dans la nuit, ça me fait vraiment plaisir de voir la mer et les vagues s’écraser contre le sable. Je ne sais pas s’il existe des explications scientifiques de l’effet que procure le fait de voir la mer. En tout cas, la dopamine parcourt mon corps à ce moment précis.

Près de la gare, je trouve un petit endroit sympathique où dîner. Da Nang n’attire absolument pas les touristes occidentaux alors les serveurs sont surpris de me voir là. Je m’achète de quoi grignoter dans le train et je vais patienter à la gare. Peu à peu, elle se remplit. Il y a un tiers de passagers occidentaux je dirais. Je fais la connaissance de deux autres voyageurs solo, qui n’ont pas tout à fait mon âge. Sylvia est québécoise et a environ 60 ans. Elle voyage pendant quatre mois entre le Vietnam, le Laos, le Cambodge et la Thaïlande. C’est sa première fois dans la région et je crois qu’elle en a sa claque de la pluie. Dominique est un napolitain d’environ 70 ans. Il est ravi de notre trio international. Il nous dit en rigolant que ses enfants ont peur pour lui et préféreraient qu’il voyage avec une agence ou au club Med. Mais il en a décidé autrement. C’est la troisième fois qu’il vient dans les pays d’Asie du sud-est. Il est amoureux d’une île au sud du Cambodge où il va passer le nouvel an. Deux chouettes personnages à qui je dis au-revoir en montant dans le train car nous n’allons ni dans le même wagon, ni dans la même destination. Je m’offre le luxe de la couchette. Ma cabine est pleine et il se fait déjà tard alors tout le monde dort rapidement. Tant mieux.


30 km : 1 scooter


111
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Publié le 25 décembre 2023

Jour 111 : 24 décembre 2023


Dix-neuf heures de train. Je n’avais pas imaginé une seconde que cela puisse passer aussi rapidement. C’est sans compter sur la légendaire hospitalité turque. Oui vous avez bien lu. Déjà, j’ai super bien dormi sur ma couchette du haut. Puis j’ai écrit toute la matinée mais j’étais un peu pliée dans tous les sens à cause du manque de place donc je me retrouvais parfois à écrire debout à côté des couchettes. Voyant mon inconfort, une de mes camarades de cabines m’a dit qu’il y avait le wagon bar en voiture 1 avec des tables auxquelles je peux m’asseoir si j’achète quelque chose à consommer. Parfait, c’est l’heure de déjeuner ! C’était remarquable ! Un plat super copieux pour 1,5€ servi dans le train ! Franchement une super expérience. Il n’y avait plus beaucoup de places libres donc deux hommes turcs se sont assis à ma table. Deniz a une quarantaine d’années, il travaille pour Mercedes à Singapour mais il est la plupart du temps en télétravail donc il habite à Hô Chi Minh Ville, bien moins cher pour vivre. Et c’est son oncle Gültekin qui l’accompagne. Lui est donc plus âgé et il vit à Londres depuis 35 ans. C’est son premier grand voyage en mode routard. D’habitude, il passe ses deux semaines annuelles sur des îles grecques à faire la sieste et à prendre l’apéro. Ah oui, ces messieurs consomment. Ils nous ont acheté des bières pendant deux heures, accompagnées de galettes de riz vietnamiennes et de noix de cajou. Gültekin était franchement un personnage très rigolo et enjoué. Mais aussi intéressant, le genre de personnes avec qui on a envie d’être amis. Son point de vue sur la tolérance est très touchant et il semble prendre du recul par rapport à la guerre israélo-palestinienne. Rassurez-vous, on s’est aussi bien marré à cause des gérants du wagon-bar qui ont mis des musiques de Noël horriblement remixées à fond dans les hauts-parleurs. C’était lunaire.

Nous arrivons à Ho Chi Minh Ville à 18h30. Mes amis vont arriver à notre logement deux heures plus tard. Donc j’ai le temps qu’il faut pour accomplir les missions suivantes : trouver du pain, une bûche de Noël au chocolat, de quoi compléter notre dîner et des bières, puis me doucher et mettre enfin des vêtements propres. J’ai donc sillonné la ville en taxi-scooter en quête d’une boulangerie. Cela m’a donné l’occasion de comprendre la folie de cette ville et pourquoi tout le monde me disait que la circulation y est pire qu'à Hanoï. En fait, ce sont uniquement de grands boulevards, avec une densité de scooters effrayante. Très compliqué de traverser la rue.

Mes deux partenaires pour ce Noël 2023 sont Constance et Corentin. Constance, je l’ai déjà vue plusieurs fois au Vietnam, une copine de la Banda qui fait un échange à Singapour. Corentin, c’était mon co-capitaine de la Banda il y a deux ans. Un de mes meilleurs amis. Depuis presque un an, il travaille en Indonésie pour une entreprise qui recycle les huiles usagées en biocarburant. Je ne l’ai donc revu que cet été. Quel bonheur de le retrouver à Saïgon pour Noël, comme on l’avait imaginé il y a déjà quelques mois. C’est assez fou. Il y a en face de notre appartement un boui-boui de fruits de mer. C’est parfait pour commencer la soirée. On se régale de coquillages à l’ail. Et la scène surréaliste, c’est le Père Noël qui débarque sur un scooter et commence à distribuer des paquets de chips à un groupe d’enfants. On en a bien ri. Et on a même pris une photo avec lui. Pour la suite du repas, ce sera dans notre studio. Nous sommes coiffés de serre-têtes de Noël très kitsch. C’est le moment de sortir les victuailles du frigo : comté et jambon de pays. On a galéré à ouvrir la boîte de foie gras et Corentin s’est taché son seul pantalon avec le gras. Cela a fait toute une histoire. On s’est chacun donné de chouettes cadeaux. J’ai offert des baguettes chinoises à mes deux camarades, un jeu chinois à Corentin et un savon aux fleurs du Yunnan à Constance, ainsi que deux cartes avec un petit mot. Constance nous a offert des lunettes de soleil, des verres à shot et une bouteille de gin vietnamien au citrus, gingembre et cardamome noire fumée qui a été sucrée durant la soirée. Corentin a offert un joli paréo balinais à Constance, et m’a offert un petit carnet pour y écrire mes aventures cambodgiennes. Et le plus beau cadeau, c’est qu’ils ont réservé un super hébergement pour les deux prochaines nuits. Idée qu’ils ont eue après que je m’étais plainte de beaucoup de fatigue durant quelques jours en Chine. Pour finir la soirée, nous avons vraiment été surpris par les qualités gustatives de la bûche. Un régal du début à la fin de ce repas. Je ne m’attendais pas à être aussi heureuse d’être entourée de mes amis pour ce Noël loin de la France. C’est un des moments que j’appréhendais le plus, et j’ai été comblée. On a rigolé toute la soirée.


930 km : 1 train


112
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Publié le 31 décembre 2023

Jour 112 : 25 décembre 2023


Nous nous réveillons très tôt après une courte nuit qui n’a pas laissé le temps à certains de décuver. On ne s'attarde pas à Ho Chi Minh, nous avons un bus à prendre. Nous allons découvrir la région autour du delta du Mékong. Même tôt, la ville est en ébullition. Et c’est un bonheur de voir le soleil rayonnant après une semaine de pluie. Aussi, il fait nettement plus chaud. Nous passons la matinée dans un mini-bus assez confortable. Pendant la pause, je fais goûter à mes amis des galettes croquantes que mes compagnons turcs du train m’ont fait découvrir. Avec ça, on termine le comté entamé la veille. Notre bus arrive à Can Tho, une ville assez grande du delta du Mékong. Notre logement n’est pas exactement ici mais nous en profitons pour faire une pause déjeuner. C’est donc le premier repas vietnamien de Corentin. On se régale d’une soupe et de rouleaux de printemps. On papote franchement longtemps des nouvelles de nos amis bordelais en commun.

C’est donc seulement en milieu d’après-midi que nous arrivons dans la petite ville de Sa Dec, évidemment située au bord du Mékong. Notre hébergement est en périphérie de la ville, au milieu du village de fleurs. Je découvre donc le cadeau de Noël que m’ont réservé Corentin et Constance. Un véritable coin de paradis. Le petit hôtel est composé d’une poignée de maisonnettes en paille, montées sur pilotis et situées au bord de l’eau. L’environnement est d’un calme olympien. Seules des pépinières nous entourent. Notre hôte Phung est un homme d’une soixantaine d’années qui parle un peu le français. Il nous offre un jus de bienvenue puis nous partons nous balader.

Cette journée fut très paisible. Nous avons simplement profité des alentours splendides de cet hébergement : petites barques en bois sur l’eau, minces chemins de terre à travers les pépinières, fleurs colorées à perte de vue, palmiers, bananiers, cocotiers. Tout ça baigné dans une lumière dorée de fin de journée. Sa Dec jouit d'une renommée nationale pour sa production des fleurs les plus colorées et appréciées du pays. Il y a environ 3000 floricultures familiales bordant le Mékong et ses canaux. Elles font pousser différentes espèces : orchidées, marguerites et soucis. Plus d'une cinquantaine de variétés de roses sont exportées dans toute l'Asie pour les mariages, les célébrations dans les temples et autres festivités.

Pour le dîner, la cuisinière de l’hôtel nous fait de succulents banh xeo. Il s’agit de ce que j’avais mangé avec Constance à Hanoï : une grande omelette à mi-chemin avec un pancake, garnie de crevettes et de viande de porc. Le tout à rouler dans des feuilles de salade et à tremper dans de la sauce épicée. On se régale et on apprécie fortement notre vie de patachons.


230 km : 1 bus, 1 voiture


113
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Publié le 31 décembre 2023

Jour 113 : 26 décembre 2023


A l’image du dîner d’hier soir, le petit-déjeuner est un régal : soupe de nouilles. Aujourd’hui nous partons à l’aventure en vélo pour découvrir les trésors de Sa Dec. Je crois que j’ai fait plus de sport durant ces six derniers mois que durant les six années précédentes… Nous longeons le Mékong à vélo pour rejoindre une magnifique maison assez particulière : Marguerite Duras fréquentait un de ses habitants. C’est dans cette belle demeure de 1895 baptisée la “maison de l’Amant” que résidait Huynh Thuy Lê, le fils d’une riche famille chinoise avec qui Marguerite Duras a eu une liaison en 1929. gée de 15 ans, elle vivait en Indochine avec sa famille dans des conditions bien moins confortables que celles de cette famille aisée de marchands chinois. Marguerite Duras a immortalisé cette liaison dans son roman semi-autobiographique L’Amant (1984), qui est devenu un film de Jean-Jacques Annaud en 1992. La maison est de style franco-chinois : boiseries sculptées, portes incrustées de nacre, meubles en bois massif et un carrelage d’origine importé de France. Nous y rencontrons un couple de retraités suisses : de véritables globe-trotters indépendants. Ils ont passé de nombreux mois en Inde, leur pays préféré. A présent, ils sont en Asie du Sud-Est pour la deuxième fois dans leur grande carrière de voyageurs.

Après cette chouette visite, nous allons faire un tour au marché qui borde le Mékong. Eh bien chers lecteurs, il s’agit officiellement du marché le plus “exotique” (comprendre “dégoûtant”) que j’ai pu voir jusqu’ici. Alors les chiens et les cochons vivants attendant d’être vendus, j’étais déjà habituée. Mais on a eu droit à des dizaines de rats en cage, à des crapauds entassés dans des filets, des tortues, des oiseaux, et j’en passe. Le tout vivants bien-sûr. Vous ne serez donc pas étonnés si je vous dis que nous n’avons pas eu envie de manger dans le marché. On s’est éloigné de quelques rues pour goûter un bouillon de nouilles encore meilleur que celui du petit-déjeuner.

Nous continuons notre grande balade à vélo l’après-midi. Toujours au bord du Mékong, le long des pépinières de toutes les couleurs. On s’amuse bien tous les trois. A peu près le même rythme, envie d’une pause boisson fraîche au même moment. Après ce jus de fruits, on visite une pépinière particulièrement flamboyante. Les femmes qui y travaillent sont super souriantes et tapent la pause aux côtés de Corentin. On fait des dizaines de photos au milieu des fleurs. Sa Dec est vraiment un de mes endroits préférés au Vietnam, avec Mai Chau. Des endroits paisibles et colorés. En fin d’après-midi et en début de soirée, nous profitons du hamac au bord de l’eau dans notre hôtel. Pour le dîner, c'est du riz et un poulet aux herbes délicieux. Avec le fruit du dragon en dessert. Pas mauvais. C’est à peu près à ce moment-là que notre cauchemar auditif commence. A même pas deux cents mètres de là se jouent une musique absolument infâme pendant plusieurs heures. Ce sont de vrais instruments qui sont employés, la musique n’est ni mélodieuse, ni juste, ni rien du tout. Du pur tintamarre qui nous agace franchement. Cela prend fin vers 23h (heureusement!) et nous avons su la raison de cet horrible concert le lendemain matin. Donc vous lecteurs attendrez aussi pour la connaître.


20 km : 1 vélo


114
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Publié le 1er janvier 2024

Jour 114 : 27 décembre 2023


Nous sommes réveillés dès 7h30 par l’atroce musique du voisin. Je vous le dis, ça nous a mis en rogne dès le début de la journée. Le volume était excessivement fort. On s’est vu amputer une heure et demie de sommeil sans avoir rien demandé à personne. Franchement pas agréable. Comme nous, vous voulez savoir de quoi il s’agit. Je pose la question sur un ton très peu gentil à notre hôte qui nous répond qu’il s’agit d’un enterrement. Dans leurs traditions, quand on visite un mort dans la chambre funéraire, chacun joue un moment d’un instrument traditionnel la veille de la cérémonie (ce à quoi on a eu droit hier soir). Hier tous les villages alentours ont afflué pour visiter la défunte parce que l’histoire est particulièrement glauque : c’était une femme de trente ans, morte sous les coups de son mari héroinoman. Voilà voilà… Horrible. On a tiré une drôle de tronche.

Ce matin, nous quittons ce petit paradis un peu bruyant sur la fin. Constance nous quitte : elle retourne à Ho Chi Minh Ville et prend un avion pour la Thaïlande. Il lui reste encore deux semaines de vacances qu’elle va passer avec son frère. Corentin et moi allons expérimenter la façon vietnamienne de se déplacer dans le delta du Mékong : c’est compliqué. Pour rejoindre un autre spot à 40 kilomètres, nous avons pris des scooters deux fois, une navette, un bus et un bateau. Rien que ça. Comme on est deux, ça passe vite et on rigole bien. Corentin fait des commentaires de touriste en permanence.

Nous arrivons donc sur une île du Mékong, près de la ville de Vinh Long. Notre hébergement est au bord du fleuve. Un endroit vraiment chouette qui fait aussi restaurant. Il y a même une piscine. L’après-midi, Corentin a un peu de travail donc je fais la sieste au bord de la piscine, je lis. De vraies vacances quoi ! Un peu avant le coucher du soleil, on part se balader. Nous avons marché deux heures, on a croisé trois échoppes. Autant vous dire que c’est très très calme. Il y a des chiens très pénibles et pas très rassurants qui nous suivent. Le reste de la soirée se résume à un tournoi de billard, suivi d’un tournoi de babyfoot. J’ai gagné au billard, j’ai perdu au baby.


40 km : 2 scooters, 1 navette, 1 bus, 1 bateau


115
115
Publié le 3 janvier 2024

Jour 115 : 28 décembre 2023


Cette journée nous permet de faire de vraies découvertes culturelles sur la région du Mékong et son artisanat. Nous partons dans un petit bateau à moteur avec notre chauffeur Dao. Très souriant et sympathique, il nous propose de conduire quelques minutes chacun, et nous prend en photo. Le premier arrêt de cette balade : une ferme de pêcheurs. Dans de grands bassins, des centaines de poissons-chats sont en train d’être nourris à coup d’énormes sacs de graines violemment balancés par les travailleurs. Pour la prochaine activité des deux touristes que nous sommes, on nous change de bateau. La traditionnelle barque en bois avec une rameuse. On remarque que très souvent ce sont les femmes qui font les métiers pénibles. Aucun homme rameur sur le Mékong, aucun homme sur les marchés, aucun homme dans les champs. La balade en barque sur un étroit canal du Mékong est magnifique. Une demi-heure plus tard, nous retrouvons Dao et son moteur. Il nous amène voir un village d’artisans, visite très sympa : apiculture, fabrication de galettes de riz, bonbons à la coco, riz soufflé, alcool de riz. On a évidemment pris un shot d’alcool de riz-banane avec notre Dao qui ne s’est pas laissé prier. Il y avait aussi de gros serpents dans des bocaux, et d’autres encore vivants dans une cage. C’est moins plaisant. Nous avons eu droit à une noix de coco chacun.

Nous sommes aux abords du village de Cat Ba, qui était avant la crise du COVID un des marchés flottants les plus connus du Mékong. C’est un peu pour ça que j’avais choisi notre hébergement… Mais je ne savais pas qu’il n’existait plus. Il y a toujours un marché à Cat Ba, mais sur la terre ferme. Donc nous y faisons quand même un arrêt. Comme dans le précédent marché où on s’était baladé, certains rayons sont très peu appétissants. Et le sol est très humide, un régal pour nos pieds seulement protégés par des tongs. Nous retrouvons Dao et son bateau pour rentrer à l’hôtel. Il y a même un hamac sur le bateau donc je m’y installe avec ma noix de coco.

Après avoir déjeuné et fait trempette dans la piscine, nous partons nous balader en vélo pour découvrir si le reste de l’île est aussi désert que la partie où nous vivons. Il a fallu qu’on s’éloigne pas mal pour croiser plus d’habitations et de commerces. Et arrivés dans le bourg, nous avons pu admirer une grande église assez originale et un temple bouddhiste aux couleurs pastels. Pour revenir à l’hôtel, nous longeons des canaux entourés de verdure, de nénuphars, c’est très joli.

C’est ma dernière soirée avec Corentin, nous avons acheté de quoi se régaler : des galettes avec de la vache qui rit et des rouleaux de printemps. Ce soir, c’est lui qui me bat au billard.


20 km : 1 vélo, 1 bateau, 1 barque


116
116
Publié le 4 janvier 2024

Jour 116 : 29 décembre 2023


Après une grasse matinée réparatrice et un brunch délicieux, Corentin prend son bus pour Ho Chi Minh Ville. Il rentre en Indonésie. Sa copine vient le voir pour le nouvel an et reste pendant un mois pour découvrir ce pays. Moi, je dois à présent me diriger vers la frontière entre le Vietnam et le Cambodge. Ces derniers jours, j’étais en hésitation constante sur le programme de cette fin d’année. Retourner à Ho Chi Minh Ville pour le nouvel an et se faire des amis le temps d’une soirée ? Depuis Ho Chi Minh Ville difficile de faire du stop jusqu’à Phnom Penh… Alors que pour le symbole, j’aimerais beaucoup arriver à destination en stop. Donc je décide finalement de rester le long du Mékong. Ce fleuve passe par Phnom-Penh, donc je n’ai qu’à le longer en stop sur les petites routes. Cela sera plus joli et plus authentique. Le Mékong est le douzième fleuve le plus long au monde. Il prend sa source dans l’Himalaya en Chine, traverse six pays (Chine, Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam), et se déverse dans la mer du Vietnam. La gérante de notre hôtel m’amène à l’embarcadère en scooter, pour traverser le fameux fleuve en ferry. Maintenant que je voyage toute seule à nouveau, les regards se font plus curieux. Une fois de l’autre côté de la rive, je suis toujours dans la campagne. Pour rejoindre une route plus fréquentée, j’ai cinq kilomètres à faire à travers un village. Une jeune dame a pitié de moi et me prend à l’arrière de son scoot jusqu’à la route principale.

Je trouve une station service où discuter avec les conducteurs venus faire le plein. C’est souvent plus simple pour leur expliquer que je cherche à me déplacer gratuitement. Je rencontre alors deux jeunes, Thung et Kin, qui conduisent un camion. Très sympas, l’un des deux parlent anglais. Il vient de l’île de Phu Quoc. Ils peuvent m’avancer mais ils sont arrivés à la station service au moment où ils font eux-même le plein. C’est-à-dire qu’un énorme camion-citerne est arrivé avec de gros tuyaux pour remplir le réservoir de la station. Donc on a patienté une grosse demi-heure. Puis nous avons gaiement pris la route et quelques heures plus tard, mes deux jeunes amis m’ont déposée dans la ville de Cao Lanh. Il va commencer à faire nuit et je n’ai plus de data Internet donc je me sustente d’une délicieuse soupe Phô dans un petit restau qui m’offre du wifi. Puis je traverse la ville à pieds, ses commerces et ses marchés en direction d’un petit hôtel qui ne sera pas bien loin de mon spot de stop le lendemain. Il y a par miracle une grande boulangerie dans le quartier. Donc je m’offre un délicieux banh mi, le sandwich au pâté. Il fait une chaleur vraiment étouffante dans cette région. Je n’ai jamais eu aussi chaud depuis le tout début de mon voyage en septembre. Et surtout il fait très humide, je transpire en permanence. Même en ne faisant rien. Donc imaginez en marchant avec mon gros sac sous le soleil. Donc la climatisation de ma chambre est hautement appréciée ce soir.


60 km : 2 scooters, 1 bateau, 1 camion, 1 bus


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Publié le 5 janvier 2024

Jour 117 : 30 décembre 2023


Ce matin, je le sais, c’est mon dernier réveil au Vietnam. En tout cas pour cette fois. Parce que même si j’ai littéralement traversé le pays du Nord au Sud, il y a plein de choses que je n’ai pas eu le temps d’aller voir. Ce sera pour une prochaine expédition. Pourtant au tout début, j’ai eu du mal à m’attacher à ce pays. Tellement plus touristique que tout ce que j’avais vu auparavant. Et la semaine entière de pluie dans le centre du pays n’a pas beaucoup aidé à améliorer cela. Pourtant, je sens que le Vietnam a tellement d’histoires et de paysages à offrir. J’ai été séduite par tant d’endroits authentiques malgré tout : Ha Giang, Mai Chau, Dong Van, le train de nuit, Sa Dec.

Je repars en stop en fin de matinée, sous la chaleur écrasante d’un ciel pourtant gris. Je marche pendant au moins une heure, à travers des villages plutôt jolis, aux devantures fleuries. Des enfants me courent après en vélo, riant, ils me saluent. Je les revois cinq minutes plus tard et je comprends qu’ils m’ont volontairement rattrapée pour m’apporter de l’eau fraîche. C’est adorable. Alors je prends un selfie avec eux. Et je les revois cinq minutes plus tard à nouveau. Ils se sont procurés un téléphone alors ils veulent eux aussi prendre une photo avec moi. Epuisée, je fais une pause au bord de la route, et un monsieur m’apporte une clémentine et des bières. Il n’est même pas midi alors je n’accepte que le fruit. Un bus-couchettes s’arrête et me prend en stop ! Ils n’ont pas voulu que je paye le trajet. Un jeune de mon âge me fait la traduction, timidement mais très gentiment. Le bus va jusqu’à la frontière ! C’est gagné. Dans le bus, l’ambiance est sympa. La patronne me fait de la place. Et un passager cherche absolument à me poser des questions malgré le fait que je ne comprenne pas du tout sa langue. Il s’appelle Pha, et il va lui aussi près de la frontière. Donc en descendant du bus, je fais le trajet avec lui. Il faut prendre un ferry pour traverser une dernière fois le Mékong. A bord, Pha me paye le ferry et m’achète une boisson énergisante. Décidément. Les Vietnamiens sont absolument adorables et généreux en cette dernière journée. Comme pour m’inciter à rester.

En descendant du bateau, Pha m’indique le chemin jusqu'au poste-frontière. Celui-ci est littéralement dans un bâtiment flottant sur l’eau ! En fait, une compagnie de bateau propose aux touristes un trajet entre Phnom-Penh et Châu Doc avec un guide. Donc je rencontre dans le bâtiment un touriste roumain et un autrichien qui m’indique le bureau où aller. Et visiblement ce poste-frontière est uniquement pour les voyageurs du Mékong. Le passage terrestre est à quelques centaines de mètres de là. Des militaires m’y conduisent. C’est la frontière la moins surveillée que j’ai vue jusqu’ici. Les gardes jouent sur leurs téléphones dans des hamacs. Un militaire me prend sur son scooter pour me conduire au bureau.

Quelques minutes et un tampon sur le passeport plus tard, je suis officiellement au Cambodge ! Je répète, je suis arrivée au Cambodge en quatre mois et sans prendre d'avion ! Enfin. Je suis forcément un peu euphorique durant ces premières minutes dans le pays. Je marche sur un chemin de terre le long du Mékong, au milieu des bananiers, j’approche un village. Bref, j’ai l’impression d’être au paradis. Le soleil sera couché d’ici deux heures donc je marche jusqu’au village et là, c’est une avalanche de sourires et de bonnes intentions qui s’abat sur moi. Tout le monde me salue, me sourit, me dit bonjour. Une dame m’apporte de l’eau. Donc j’en profite et je lui demande si elle sait où je pourrais passer la nuit. Elle connaît un seul endroit et elle m’y amène en scooter. Je m’attendais à une petite guesthouse en matériaux naturels, comme le reste des habitations du village. Pas du tout. Un bâtiment de trois étages planté au milieu de nulle part. Assez étonnant. On me donne une chambre franchement confortable où je me repose et me douche. Une heure plus tard, je ressors dans la cour de l’hôtel pour demander s’ils proposent un dîner ou si je dois me rendre ailleurs. Je remarque alors que dans cette cour extérieure équipée de mobilier de jardin, il y a une douzaine de jeunes filles de mon âge toutes extrêmement apprêtées. Mais pas vraiment habillées de façon classe, plutôt façon boîte de nuit à Las Vegas ou Ibiza. Le contraste est énorme entre leurs robes aux ras des fesses, faux ongles, maquillage et décolletés plongeants, versus le reste du village habillé très simplement. Je fais un peu tâche dans mon t-shirt tâché et mon short trop grand. Elles me le font légèrement remarquer en m’apportant à manger et en me proposant gentiment de manger dans ma chambre. C’est en retournant effectivement dans ma chambre que tout fait sens : une boîte de préservatifs sur la table de nuit. Oui, je suis bien dans une maison close. Cela ne fait aucun doute. Je ne vois aucune autre explication à leurs tenues vestimentaires dans un village près d’une frontière. Ce sera la seule et unique fois dans ma vie, c’est un sentiment assez bizarre. Original pour un tout premier soir au Cambodge. Il me sera arrivé des drôles de choses jusqu’au bout !


90 km : 2 bus, 1 bateau, 2 scooters


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Publié le 7 janvier 2024

Jour 118 : 31 décembre 2023


Hier soir, les habitants du village m’ont prévenu que très peu de voitures ne passaient par cette route puisqu’elle n’est qu’une ligne droite entre Phnom Penh et la frontière vietnamienne la moins utilisée : celle du Mékong. Et au cas où je ne l’aurais pas remarqué, les gens se déplacent bien plus en scooter qu’en voiture. Même si seuls une centaine de kilomètres me séparent de Phnom-Penh, je me lève au petit matin pour avoir une chance d’intercepter un véhicule dans la matinée. Cela ne manque pas, je tombe sur un monsieur et son fourgon qui transportent des poulets en cage pour les vendre à la capitale où la vie est plus chère. Une odeur fort sympathique au réveil. J’arrive donc dans l’hyper centre de Phnom Penh autour de 11h du matin.

Il y a quelques jours, j’ai eu une des volontaires de l’association Pour un Sourire d’Enfant au téléphone. Elle m’a donné les informations relatives à mon arrivée imminente. Et elle m’a invitée à la soirée du 31 décembre qu’ils vont tous fêter chez un volontaire dans le centre de Phnom-Penh. Mais à PSE, les volontaires qui logent sur place (dont moi) doivent respecter un couvre-feu à 23h. Donc pour sortir le soir en ville, il faut payer une chambre. C’est pourquoi j’attends que cette fille, Marion, m’envoie l’adresse de la soirée pour que je prenne un lit en auberge juste à côté. C’est plus rassurant pour mon premier soir. Tout ça pour vous dire que tant que je ne sais pas où je dors, je me trimballe tous mes bagages.

Et la première chose qui me frappe dans cette ville, c’est la chaleur lourde, écrasante. Donc c’est en eau et en nage que j’accomplis mes deux premières missions de la journée : trouver du cash en Riel cambodgien et trouver une carte sim. Je suis donc assise dans un centre commercial après m’être procurée tout ça et un homme français m’aborde : “excuse-moi, tu t’appelles Lisa ? Je te suis sur Instagram. Génial ton voyage ! Je suis expat à Phnom-Penh dans l’importation de vin donc ça fait plaisir d’avoir suivi ton voyage jusque dans ce beau pays.” C’est la troisième fois qu’un abonné d’Instagram que je ne connais pas me reconnaît dans un lieu public ! Très drôle et étonnant.

J’ai trouvé une auberge parfaite pour la météo de la ville. Il y a une piscine ! Donc j’y cours après avoir déjeuné dans un petit restaurant indien délicieux. Je lézarde en début d’après-midi, dans ce qui sera ma ville pour les six prochains mois. Et cela me fait bizarre. J’ai hâte de rencontrer les volontaires pour leur demander pourquoi les prix sont souvent écrits à la fois en riel et en dollar américain. Et aussi s’il est normal que je trouve le coût de la vie incroyablement élevé ou si je suis simplement allée aux mauvais endroits. Je l’ai appris plus tard, mais le Cambodge est le pays le plus cher d’Asie du Sud-Est, souffrant d’une atroce inflation. Le pouvoir d’achat des locaux est catastrophique. Je fais l’expérience des prix en allant faire un tour au marché central en fin d’après-midi. J’ai terriblement envie de m’acheter de nouvelles paires de chaussettes, après avoir porté les quatre mêmes pendant quatre mois. Alors quand on me demande dix dollars pour trois paires de chaussettes dans un marché au Cambodge, j’ai dû sortir les rames pour négocier sans connaître un seul mot de khmer, la langue locale.

Pour le dîner, je rencontre Marion et Typhaine, deux volontaires de l’association avec qui je vais passer les prochains mois. Elles m’amènent dans la rue la plus occidentale de la ville, Bassac Lane. Avec des restaus et des bars européens. J’avoue que j’aurais apprécié plus de dépaysement mais comme elles mangent à la cantine de PSE tous les jours, je comprends qu’elles aient envie d’un gros burger quand elles viennent en centre-ville. Par ailleurs, les frites étaient divines. Elles sont toutes les deux un peu plus âgées que moi. Marion est avec moi dans l’équipe d’anglais et Typhaine est dentiste, donc elle vient en renfort à l’équipe dentaire de PSE. Oui, comme partout dans le monde, les enfants des familles les plus pauvres ont les dents vraiment pourries. Elles sont super sympas et m’expliquent un peu l’ambiance entre tous les volontaires qui a l’air très chouette. Il y a deux catégories : ceux qui restent six mois et ne sont pas payés mais sont nourris et logés (ce sera mon cas) s’appellent tout simplement les volontaires. On sera douze au total à loger ensemble sur le site de PSE. Et il y a ensuite les VSI (volontariat de solidarité internationale) qui restent à PSE pendant un an ou deux, ils sont payés mais non-logés. Et ils sont souvent recrutés sur des compétences plus précises, importantes, ou techniques (vous me direz, dentiste remplit les trois critères mais bon…). J’explique cette différence parce que nous allons ce soir chez Renaud, un VSI qui a donc son appartement dans le centre de Phnom-Penh. Il a invité pour le nouvel an tous les français de PSE, ainsi que des français d’autres associations et aussi des espagnols, des khmers, etc. Donc je débarque dans une soirée de trente personnes où je n’en connais pas une seule. C’est intimidant. Encore plus quand une poignée d’entre eux m’accueille en disant : “C’est Lili Crazy !! Celle qui est venue en stop !!”. Donc je comprends que certaines personnes me connaissent déjà sans que je ne connaisse ne serait-ce que leur prénom. Quoi qu’il en soit, la soirée est vraiment chouette. Je me familiarise avec les prénoms de mes futurs colocs. On monte sur le toit de l’immeuble de Renaud pour voir cinq feux d’artifice en même temps au moment du décompte. Et je me rends alors compte du nombre de tours d’immeuble qui nous entourent. C’était une belle façon de commencer l’année ! Pour poursuivre cette folle nuit, nous sommes retournés dans la rue des bars pour danser. J’étais bien contente que mon auberge soit à dix minutes à pied.


100 km : 1 fourgon


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Publié le 7 janvier 2024

Du 5 septembre au 31 décembre 2023 : 118 jours de voyage 🎒


28 445 KM À TRAVERS 15 PAYS 🌏

500 km en France 🇫🇷

360 km en Allemagne 🇩🇪

400 km en Autriche 🇦🇹

115 km en Slovénie 🇸🇮

450 km en Hongrie 🇭🇺

850 km en Roumanie 🇷🇴

400 km en Bulgarie 🇧🇬

2300 km en Turquie 🇹🇷

1300 km en Géorgie 🇬🇪

1000 km en Russie 🇷🇺

4200 km au Kazakhstan 🇰🇿

2100 km en Ouzbékistan 🇺🇿

10500 km en Chine 🇨🇳

3850 km au Vietnam 🇻🇳

120 km au Cambodge 🇰🇭


LES TRANSPORTS 🛴

147 voitures

29 trains

27 transports urbains

23 fourgons

18 camions

16 scooters / motos / mobylettes

11 bus

6 vélos

4 bateaux sur le Mékong

3 téléphériques

1 kayak

0 AVION


LES HÉBERGEMENTS 🏘️

28 couchsurfing

27 auberges de jeunesse / maisons d'hôtes / hôtels

6 invitations spontanées

3 connaissances

1 monastère

1 camion

1 tente


16 randos : chiffre très anodin mais marcher dans la nature est une de mes activités préférées dans la vie je pense, et je n'en avais jamais fait autant en si peu de temps 🥰


Et impossible de compter le nombre de monuments visités, paysages admirés, villes découvertes, personnes rencontrées. Peut-être parce que ça ne se compte pas, ça se ressent. 🧘🏻‍♀️