Jour 7 : 11 septembre 2023
Cette journée est la première avec autant de rebondissements ! Ce matin, je quitte la Roumanie. Premier pays dans lequel je n'avais jamais mis les pieds auparavant, premier pays hors espace Schengen de ce périple, première heure de décalage horaire avec la France. Je prends un bus pour sortir de Bucarest, et je trouve rapidement un van qui m'amène à la frontière bulgare.
Vali, le chauffeur, est super bien sapé. En effet c'est un van pour les groupes de touristes. Il va chercher un groupe d'américains qui vient de finir leur croisière sur le Danube. Il parle très bien anglais, et il a vécu quelques mois à Paris donc on discute beaucoup. Il m'explique l'évolution de Bucarest depuis la chute du communisme en 1989. Une vraie libération de bandits en tous genres. "Bucarest was kind of a jungle at the time." Et malheureusement, ces malfaiteurs sont arrivés jusqu'en Europe de l'Ouest pour faire plus d'argent grâce aux trafics. Cela me rappelle l'histoire albanaise. Et avec cette vague de migration, il y a eu les gitans aussi bien sûr. Que l'européen occidental se complaît à confondre avec les Roumains. Je ressens depuis deux jours une légère animosité envers les gitans de la part de certains de mes conducteurs d'ailleurs.
Dans le bus, j'avais vu plusieurs enfants avec des bouquets de fleurs dans les mains. Je questionne Vali : c'est la rentrée des classes et la coutume est d'offrir un bouquet aux professeur.es. Je trouve cette tradition adorable.
Une fois à la frontière bulgare, c'est la galère. Je vais devoir marcher entre la sortie de la Roumanie et l'entrée en Bulgarie qui sont espacées de 3km. Je prends mon mal en patience et je traverse donc le large Danube qui constitue la frontière entre les deux pays.
Me voilà de nouveau en Bulgarie ! Ce pays où j'ai passé quatre mois lors de mon semestre d'Eramsus. Que de beaux souvenirs. Un routier roumain tout sourire nommé Marjan me conduit pendant 50 km. Puis un homme nommé Janko m'ouvre son fourgon mais comme il ne parle pas anglais, il appelle au téléphone son beau-père qui habite à Valence et qui m'explique donc en français son itinéraire. Toute une histoire !
Bref, Janko me dépose à Veliko Tarnovo, une magnifique petite ville où j'étais partie en week-end avec mes amis d'Erasmus.
Le plan initial de cette journée était de dormir à Haskovo (une ville bulgare sans grand intérêt mais qui me semblait idéale en termes de kilométrage (345km de Bucarest). Mais étant à Veliko à 13h, il me semble plus stratégique de pousser vers la Turquie qui n'est pas si loin.
En chemin, je passe un moment avec Ilya un routier de 50 ans extrêmement soucieux de mon voyage. On communique avec Google Traduction. On parle de nos familles et de nos occupations. Comme il va en Grèce, quand nos chemins se séparent, il s'arrête sur l'autoroute et fait arrêter un autre camion (entre routiers, il avait plus de chance d'en arrêter un que moi) qui va à la frontière turque.
Ça y est ! La Turquie ! Une grosse étape dans ce beau voyage pour moi. Je suis très heureuse d'y être arrivée aussi rapidement, même si ça m'a donné plus qu'envie de mieux connaître l'Europe. À la frontière, j'étais simplement en train de marcher, et non pas de faire du stop, quand Veysel me propose son aide, me voyant chargée comme un mulet. Pour communiquer, il appelle sa fille qui parle bien anglais. Je leur explique que mon plan est de dormir à Edirne et que demain j'irai à Istanbul. Ils habitent à mi-chemin ! Donc ils me proposent de m'accueillir pour la nuit, comme ça, ma route sera moins longue le lendemain matin. C'est la première fois que cela m'arrive. Je suis stupéfaite de tant de générosité.
Avant de prendre la route, nous faisons une pause à Edirne. Veysel m'invite à manger de l'agneau (frit je crois) avec des crudités, du pain et un espèce de lait très épais. J'avoue que l'agneau a un goût très fort, mais je m'en débrouille avec les tomates. Puis une de ses amies nous rejoint pour boire un thé dans un endroit magnifique. Une espèce de terrasse dans une cour ornée de lanternes, avec palmiers en bonus.
Nous rentrons finalement chez lui, à une heure de route, au bord de la mer de Marmara : Tekirdag. Sa femme et sa fille qui s'appellent toutes les deux Elif m'accueillent tout sourire. Elles sont absolument adorables et nous passons un long moment à discuter en caressant leurs deux chatons. Elles me disent que oui, Veysel est une personne très extravertie et généreuse donc elles sont habituées à ce qu'il appelle pour dire qu'il aide quelqu'un pour ceci ou cela. Leur appartement est très grand, avec un balcon aménagé comme un salon, vue sur la mer. Leur famille est belle : Elif fille a une relation très mignonne avec ses parents, beaucoup de tendresse et de taquineries en même temps. Elle m'explique qu'elle est en terminale et qu'elle stresse beaucoup pour ses examens pour intégrer l'université l'année prochaine. Elle veut faire des arts plastiques, mais elle a peur que cela ne soit pas reconnu.
Je suis extrêmement reconnaissante de la bonté de toutes les personnes qui ont croisé ma route aujourd'hui. Cela leur paraît si naturel. Prendre soin des gens. Je m'endors sur le canapé lit dans la chambre d'Elif, complètement sereine. Elle m'a fait un dessin dans mon carnet et m'a offert un petit oiseau en céramique qu'elle a fait elle-même. Des souvenirs à jamais.
566km : 1 bus urbain, 2 vans, 3 camions, 1 fourgon, 2 voitures