Après la magnifique Cala Sa Calobra, nous voici à Porto de Soller, non sans avoir chassé un dernier rouget, et profiter de cette belle eau turquoise.
Le déjeuner fini, nous avons allumé le moteur et levé l'ancre direction Soller donc. Pas de vent. Moteur, encore... Cependant la beauté de cette côte si sauvage, si abrupte, avec en quelques endroits une petite touffe de végétation verdoyantes sur le fond sombre de la roche nous fait oublier le bruit incessant du Volvo. En 2 heures, nous arrivons dans la baie de la ville. Il y a déjà pas mal de bateaux aux mouillage, mais nous nous trouvons une place tout à l'ouest de l'anse. Il est 17h déjà, et nous avons une lessive et quelques courses à faire à terre. Missions effectuées, ville un peu sans intérêt, retour au bateau, évidemment quand la nuit tombe le linge n'est pas sec (très intelligent tout ça).
La météo annonçait un coup de sud, qui n'a jamais eu lieu, au lieu de ça une bonne pétole (aucun vent), et à une heure du matin, le gros voilier qui était venu mouillé beaucoup trop près de nous est venu taper le nôtre... Pas si grave en soit mais bon, notre bateau fais peut être 5t, lui devait au moins faire le double... Bref. Finalement le capitaine a passé la nuit dehors pour vérifier que ça ne se reproduise pas, et le lendemain on décide donc de quitter cet endroit pour une Cala où au moins nous pourrons nous baigner. Et bien ce fût un échec, après avoir relevé la première ancre, car nous en avions mis deux : trop fort n'a jamais manqué, et allumé le moteur celui-ci a commencé à claquer bruyamment. On coupe tout, on se prend la tête évidemment parce que le moteur c'est pas l'bonheur. Bon, au final, ce n'est sûrement qu'une histoire de point mort mal mis, mais il est trop tard pour partir, on se résigne, et on remet notre deuxième ancre. C'est l'occasion de trouver de l'eau, et une douche aussi, une vraie !!
Nous rencontrons au port un couple de français très sympas partis sur leur arpège, un vieux voilier de 9m20, et qui traversent l'Atlantique cette année pour les Antilles (grosse pensée à eux) ! On sympathise, on boit un coup, et on se dit qu'on reste deux nuits de plus, pour attendre un ami qui nous rejoint pour 3 semaines.
La deuxième nuit a été encore plus folklorique que la première (et le sera moins que la troisième !). Fort de notre précédente expérience, nous nous tenons sur nos gardes car le mouillage est encore bondé. Et à 23h, c'était parti ! Trois bonnes rafales, juste trois, ont suffit à faire déraper un gros trimaran. Et dans sa course, son ancre et sa chaîne traînées au fond de l'eau ont croisé celles d'un catamaran, et ainsi les deux bateaux sont partis à toute vitesse dans un troisième bateau, puis ont finalement dérivé, emmêlés, jusqu'à la sortie de la baie. Au matin les bateaux étaient toujours là, c'est que ça a du bien se finir tout de même.
Moralité : se méfier des multicoques qui ont plus de chance de déraper.
Troisième jours à Porto de Soller, les conneries continuent. Toujours plus de bateaux dans cette baie qui n'est pas si grande que ça, alors forcément on fini par toujours être trop proche d'un voisin. C'est le cas de cette vedette d'au moins 12m, arrivée dans la journée, abandonnée aussitôt l'ancre jetée par ses occupants pour un restaurant sûrement. Et qui au bout de deux heures faisait des allers retours dans notre étrave. On a donc passé plus d'une heure à repousser le bateau des autres avant que quelqu'un n'arrive sans avoir l'air trop inquiet. Euh ?! Y'en a marre des bouffons sur l'eau !!!
L'après midi, le temps est à l'orage, et peu à peu, tout le ciel devient jaune, un mauvais coup de vent de Sud Ouest est annoncé, des éclairs zèbrent le ciel, et toute la baie prend une étrange teinte orange. Puis s'abat une belle averse, puis le calme revient. Avant la tempête.
Dans la soirée, des dizaines de bateaux arrivent et nous sommes bientôt plus de 40 bateaux dans ce mouillage. Nous nous couchons très tôt, persuadés que la nuit va être longue, et elle le fut.
À minuit, une première rafale nous réveille, nous sautons sur le pont et déjà quelques bateaux commencent à déraper et partir vers le fond de la baie. Le vent forci de plus en plus, il y'a bien 35noeuds établis, et 55 dans les rafales. Autour de nous quasiment tous les bateaux se décrochent et dérapent. Des petits bateaux de locaux emmènent même leur corps mort (bloc de béton coulé avec une bouée en surface sur laquelle les bateaux s'accrochent) avec eux, et finissent au large...
C'est très dur, notre moteur est allumé pour soulager la chaîne et les ancres sur les trop grosses rafales, mais nous ne dérapons pas. Il faut dire que les garçons, en prévision, sont aller regarder plusieurs fois nos ancres, et l'une d'elle est prise sous une roche. Le voilier fait de grandes embardées de droite et de gauche. Pour ma part je suis démunie et je prie juste pour que tout ça tienne jusqu'au bout.
Cela faisait déjà trois heures que nous battayions, lors ce qu'une vedette avec une famille décide de venir tenter de remouiller à côté de nous, voyant que nous ne bougeons pas. À bord, des gens complétement incompétents et dépassés par ce qu'il se passe. Ils jettent leur ancre, qui accroche notre chaîne et en remonte le long. Leur vedette vient percuter de plein fouet notre tribord. Je hurle, j'insulte (je sais, ça ne sert à rien), je pleure, et on repousse comme on peut cette masse bien plus grosse que notre Nahine. Au bout de 5 très longues minutes et moult explications de notre part pour leur expliquer comment faire, nous arrivons à nous démêler, et ils s'en vont en donnant un grand coup d'accélérateur, leur bateau monte presque sur notre pont, il plie tous les chandeliers et tape dans les haubans, manque de percuter notre capitaine. Je suis à bout. Je fond en larme, j'ai bien cru que nous perdions notre voilier... Et le vent souffle toujours, et ce jusqu'au matin. À 5h30 je finis par m'écrouler de fatigue. Les garçons restent encore dehors, le vent souffle fort encore, puis commence doucement à faiblir. Et c'est donc pendant 6h que nous aurons batailler sur le pont, une nuit très éprouvantes pour tout le monde.
A 7h nous nous levons, le spectacle est effrayant. Alors que nous étions plus de 40 la veille, nous sommes à peine une dizaine au matin. Les "survivants" se saluent et se sourient, une tasse de café à la main, des cernes sous les yeux, et une petite fierté dans les prunelles.
Pour nous s'en est assez, la baie de Soller nous aura définitivement porté la poisse, donc après cette folle nuit blanche, nous quittons la baie, d'autant plus qu'un vent de Nord ce coup ci est annoncé, nous retournons à Porto de Pollenca pour un repos bien mérité !