Nous quittons la Thaïlande dans une ambiance étrange avec pour toile de fond le coronavirus qui sévit en Chine et en Europe...nous savons que plusieurs pays ferment déjà leurs frontières aux passeports européens...le Vietnam voisin du Cambodge fut l'un des premiers à opter pour cette solution et nous nous interrogeons sur notre arrivée à Siem Reap...mais nous sommes vite rassurés à la vue des douaniers, plus empressés à encaisser les quelques dollars d'entrée que de s'interroger sur autre chose... Nous avons réservé une chambre d'hôtel pour la première nuit et le transfert est gratuit...là aussi aucune mauvaise surprise, le chauffeur de tuktuk nous attend et nous prend en charge avec force sourires et papotages en anglais ! Le choc est rude après la galère quotidienne Thaïlandaise et en roulant tranquillement vers notre couchage nous nous faisons la réflexion que ce pays va nous plaire ! La découverte de l'hôtel, du bar avec son billard et sa piscine, conforte notre première impression !
A peine passée notre première nuit ici, nous décidons de prolonger notre séjour de quelques jours...nous ne le savons pas encore mais cet hôtel sera notre dernière résidence du voyage...
Le bar est tenu par Xavier, un Québécois et l'hôtel par Erwan, un français, tous les deux dans nos âges. L'ensemble du personnel est local et toutes l'équipe est vraiment sympa, offrant des solutions aux touristes comme aux voyageurs en fonction des envies et des budgets... leur connaissance des circuits et du fonctionnement de la ville nous dépannera à plusieurs reprises ! Nous croisons quelques habitués aussi, des expats qui viennent prendre le café du matin ou la bière du soir dans ce lieu qui a des airs de refuge !
En raison de l'absence des touristes chinois et coréens, ils nous apprennent que 250 guests et hôtels ont déjà fermé leurs portes ces dernières semaines, rien que sur la ville de Siem Reap !
Il est vrai qu'à l'origine nous sommes venus à Siem Reap pour faire plaisir à Gabriel qui voulait absolument voir les temples d'Angkor et que de notre côté nous craignions les flots de touristes déversés par millier quotidiennement sur la ville... au lieu de ça nous découvrons une petite ville très sympa avec un rythme plutôt cool et si nous croisons du monde cela reste très très raisonnable ! (Enfin, en période de Covid, car sinon certains quartiers, comme Pub Street ou le marché de nuit, sont tellement bondés qu'il est difficile de s'y mouvoir.)
Nous en profitons un peu pour nous poser et parcourir la ville.
Mais rapidement nous nous organisons pour visiter Angkor et ses temples car l'absence des touristes à divisé par deux les prix des billets à la journée ce qui nous permet de prendre un billet pour deux jours pour le prix d'un et donc de ne pas trop courir pour en profiter. D'ailleurs les comptoirs n'ont jamais été aussi vides depuis quelques dizaines d'années. Après avoir supprimé l'option vélo pour des raisons de température dépassant les 35/40°, nous rappelons notre tuktuk pour effectuer ce qu'on appelle "le petit circuit" et nous franchissons la dizaine de kilomètres nous séparant d'Angkor Wat.
Nous découvrons le plus grand temple en début de matinée...c'est le plus touristique des quelques dizaines de temples du site... et nous ne verrons que quelques touristes épars sans jamais aucun bouchon ! C'est donc sereins que nous profitons de la beauté des lieux et de ses fresques interminables !
Nous enchaînons avec la cité antique d'Angkor Thom (constituée principalement de Baphuon et Bayon) notamment réputée pour la présence des singes en son sein ! Le précédent Thaïlandais nous à appris à garder nos distances avec nos cousins et c'est un peu affolés que nous voyons le comportement de certains des quelques touristes restant avec eux...malgré tout la traversée dédalique du temple au milieu des singes surgissant par le haut, le bas ou de n'importe quel côté est une expérience unique que nous apprécions d'autant plus que la chaleur ralenti franchement leur caractère !
Mais avant d'entrer dans la cité, nous traversons un pont bien gardé...
Juste à côté nous faisons un saut à Thommanon et Ta Keo... plus nous avançons dans notre tour moins nous croisons de monde...
Quand nous arrivons au Ta Phrom, le lieu est presque désert et nous comprenons aisément pourquoi il a été choisi pour tourner le film de Lara Croft !
Il nous reste à visiter le Banteay Kdei mais ce sera tout pour aujourd'hui, nous le visiterons demain. Nous avons visité cinq sites, et nous sommes exténués ! Nous nous demandons comment font les gens qui font les deux circuits de visite en une seule journée... fourbus par la marche, la bière et la piscine sont les bienvenues pour rafraîchir cette journée chargée !
Le lendemain c'est revigorés que nous partons pour le grand circuit. La température est un peu plus clémente et nous nous laissons couler vers le Preah Khan, mélange absolument sublime de végétation et de minéraux ! Les fromagers, grands arbres aux racines externes tentaculaires ont pris possession des lieux donnant au site une aura de mystère et de magie ! Les couleurs des pierres fluctuent en un kaléidoscope que même la lumière directe du soleil n'arrive pas à cacher ! Nous nous sentons comme Indiana Jones, premiers à découvrir un endroit à l'abandon mais tellement chargé d'énergies, celles-là mêmes que nous avions senties à Delphes, dans le parc du Karijini, ou bien encore à Rameswaram...
Après avoir admiré les étendues d'eau le bordant nous profitons de la quiétude du Neak Pean et de son bassin central.
Nous descendons ensuite vers le Ta Som et ses petites chauves-souris nichant dans les pièces obscures, le Mébon Oriental et ses éléphants monolithiques et le Pre Rup et la salle au Bouddha et toutes les offrandes.
Fatigués mais néanmoins ravis nous ne nous résignons pas sans finir par le Banteay Kdey que nous avions laissé de côté la veille. Nous sommes comblés de retrouver pour finir ce mélange d'arbres, de lianes, de pierres aux multiples couleurs qui pour nous représente vraiment ce que nous avons préféré dans ce site incroyable que sont les temples d'Angkor !
L'hôtel " Le Tigre" qui nous accueille est vraiment sympa, on s'y sent vite comme chez nous. La piscine se prête facilement aux échanges entre voyageurs, c'est le premier pays où nous en rencontrons autant !! Il faut dire qu'à ce moment là la plupart des touristes sont partis et que le nombre d'hôtel encore ouvert se compte sur les doigts de la main ! On partage les impressions, les expériences, les vécus et les ressentis. Ici, et dans le désordre nous rencontrons Johann et Pauline, Emmanuel et Thomas, Catherine et Isabelle, Luca... Au fur et à mesure des jours qui passent, nous échangeons sur la possibilité d'un retour anticipé, sur les choix et les options de chacun, on est dans une bulle, les infos glanées circulent et bénéficient au groupe.
En attendant de savoir si le voyage pourra continuer (mais on sait finalement déjà que le Cambodge sera le dernier pays à nous accueillir), le billard prend le relai de la piscine de temps en temps, et les parties autour d'une bière nous font un bien fou au moral !
C'est lors de ce genre de moments que je décide d'aller visiter une ferme de lotus en compagnie de Johann, Pauline, Catherine et Isabelle ( Gab et Flo préfèrent profiter de la piscine). Nous partageons un tuktuk et prenons la route qui nous y emmène, avec deux arrêts prévus avant la visite de la ferme. Le premier est un village flottant, qui n'a rien de flottant en ce moment car nous sommes en pleine saison sèche ! Nous nous baladons un peu entre les maisons sur pilotis dont nous pouvoir voir les structures plongées dans l'eau pendant la mousson. Les pilotis paraissent bien frêles en comparaison de la taille des maisons qu'ils supportent ! Le tuktuk nous emmène jusqu'à un promontoire d'où nous pouvons voir la rivière sur laquelle les bateaux peuvent à peine naviguer tellement l'eau est basse. En période des pluies elle est 3 à 4 fois plus large et haute !
Notre deuxième stop est un temple situé tout en haut d'une colline. Il fait partie de la longue liste des temples que l'on peut visiter avec le pass des temples d'Angkor, mais est bien moins visité car il ne fait pas partie des circuits les plus prisés. Johann et Pauline pourront grimper jusque là-haut pour le voir, tandis qu'Isabelle, Catherine et moi sommes bloquées par l'employé chargé de la vérification de validité des pass. En effet, les nôtres sont périmés, mais nous espérions, au vu de la situation actuelle d'absence flagrante de touristes, que nous pourrions peut-être bénéficier d'un passe-droit... Que nenni ! Nous serons obligées d'attendre nos compagnons de tuktuk pendant leur grimpette en plein cagnard (oui, apparemment ce temple se mérite !) et leur visite. Nous sommes heureusement à l'ombre, et nous profitons d'une vue imprenable sur la vallée.
Puis nous voilà enfin à la ferme de lotus. Les fibres des tiges sont utilisées pour créer un tissus aussi fin et aussi beau que la soie, et la gérante nous explique étape par étape le processus qui permet d'obtenir cette magnifique étoffe. La visite est gratuite, les fonds récoltés le sont par la vente de leurs produits finis. Je me contente d'acheter quelques petits paquets de graines de lotus, le travail demandé pour obtenir une écharpe ou un vêtement fait que cela coûte vite cher. La dame nous explique qu'il y a de moins en moins de monde, comme on peut le voir un peu partout à Siem Reap. Nous terminons notre visite par une dégustation de thé et de petits gâteaux sur la terrasse abritée surplombant les environs.
Nous prenons la route du retour en fin d'après-midi, la lumière commence à décliner, et nous faisons un dernier stop. Il s'agit d'un lieu un peu comme un jardin partagé, où les locaux viennent pique-niquer dans des cabanes situées sur des langues de terre courant entre de grands bassins où croissent des lotus. En fin de journée nous pouvons profiter de couleurs magnifiques, le lieu est paisible et le moment clos doucement cette journée.
Pendant notre séjour au Cambodge, avant que les événements nous fassent décider qu'il était plus raisonnable de rester à Siem Reap, nous avions envisagé de faire un petit road trip et de prendre la direction de Battambang (au nord-ouest de Siem Reap). Là-bas, nous souhaitions aller voir la bat-cave : ouais ça sonne bien mais point de Batman dans les environs... seulement une colonie de plusieurs millions de chauves-souris qui prennent leur envol à la tombée de la nuit. C'est un rendez-vous qu'on aurait aimé honorer, mais finalement nous avons décidé de rester à Siem Reap car l'ambassade a demandé aux voyageurs susceptibles de rentrer de se signaler, et on se dit que si on est convoqués pour prendre un avion de dernière minute, mieux vaut ne pas être perdus au loin.
Lors d'un repas de groupe avec les "en rade à Siem Reap", Catherine et Isabelle nous racontent qu'elles ont vu une colonie de chauves-souris dans le parc de la ville ! Cool, on décide immédiatement que nous irons les saluer un soir à la tombée de la nuit, et c'est ce que nous faisons avec Emmanuel, Thomas, Johann et Pauline. Nous passerons une bonne heure à regarder les bestioles dans leurs grands arbres, et la nuit tombe franchement sans que nous ne les voyions s'envoler... Nous qui avions venté l'événement aux copains ! Tant pis, la balade était sympa, c'est maintenant l'heure de la bière ! Finalement, les filles nous disent après coup que ces chauves-souris là s'envolent bien plus tard que ce que nous pensions, et certainement qu'en attendant une demi-heure de plus nous aurions pu assister au spectacle. Pffffff !
Flo et Gabriel n'avaient pas envie de venir pour voir les lotus, en revanche ils m'accompagnent bien volontiers, ainsi que Pauline, Johann, Emmanuel et Thomas, pour découvrir la soierie nationale qui se situe à 20 minutes de Siem Reap. C'est encore une fois une visite gratuite, un minibus nous emmène sur le site où un guide francophone nous fait faire le tour du propriétaire. Il nous détaille toutes les étapes depuis l'élevage des vers à soie jusqu'au tissage, c'est fascinant. Les fils de soie sont d'une finesse incroyable, et sont dévidés à la main depuis les cocons qui ont été séchés au soleil (oui c'est ça, avec les vers dedans...). Tous les produits sont ensuite tissés à la mains sur d'immenses métiers à tisser, et l'on s'émerveille devant la dextérité des tisseuses. Nous prenons le temps de visiter la grande boutique, et évoluons parmi des rayons entier de vêtements, écharpes, costumes, et bien d'autres produits qui nous paraissent d'un luxe extrême. C'est cher, mais tout est relatif une fois que l'on a compris combien d'heures de travail pouvait requérir le moindre morceau de tissu. Nous apprenons que le lieu ferme ses portes le soir même et cela jusqu'à nouvel ordre, du fait de l'absence de touristes. Aujourd'hui ils ont reçu 8 visiteurs nous compris, alors qu'en temps normal c'est 1400 personnes par jour... Nous réalisons que la crise covid n'en est qu'à ses début, mais qu'elle va ébranler le monde (et les plus pauvres en premier bien entendu) bien plus que ce que chacun peut imaginer.
Nous ne voyons pas passer le temps, et maintenant que nous savons que nous allons rentrer très bientôt nous faisons bien moins attention au budget, qui devient un budget vacances et plus un budget voyage ! Nous découvrons quelques restos sympas, y compris un très bon resto grec (souvenirs, souvenirs...) ! En début de séjour, nous avons rencontré Nico et Charlotte dans un de ces restos, deux jeunes voyageurs qui entamaient leur voyage au long cours ( cela faisait un mois qu'ils étaient partis de France). Nous avons passé quelques soirées très sympas en leur compagnie. Ils sont restés sur Siem Reap trois jours, puis avaient pris un bus de nuit pour rejoindre Kampot, pour passer un peu de temps dans une ferme de culture du poivre. Malheureusement, comme pour tout le monde crise oblige ils ont dû écourter leur voyage et sont rentrés en France une semaine avant nous.
J'écris ces lignes fin juillet, et le tourisme n'a repris dans aucun des pays d'Asie qui ne vivent pourtant que de ça. Dans la province de Siem Reap c'est environ 150000 personnes qui ont perdu leur emploi, des gens qui n'ont aucunement les moyens de se nourrir plusieurs mois sans cela. Nos pays occidentaux ont la chance d'avoir des gouvernements ayant soutenu le chômage partiel, mais dans la grande majorité de ces pays ce n'est pas le cas, et même si mettre le monde à l'arrêt aura sauvé beaucoup de vie du coronavirus, beaucoup de vies auront plus souffert de la crise économique engendrée que de la maladie elle-même.
Bref, pour nous c'est la fin du voyage, nous apprendrons le soir même que nous sommes inscrits sur un vol de retour le lendemain depuis Phnom Penh. Nous avions déjà pris le temps de digérer le fait que nous n'achèverions pas notre tour, et finalement, après 15 jours passés ici, à voir les boutiques, les restaurants, les marchés, mettre la clé sous la porte les uns après les autres, nous nous disons que nous ne sommes pas si mal lotis. Nous rentrons retrouver Camille, les chats, le chien, la maison, les amis, la famille, (même si nous ne pourrons voir personne dans l'immédiat) et nous n'aurons pas de questions à nous poser sur notre survie. Et finalement quoi de plus important ? Un voyage ça s'organise, ça peut se refaire ultérieurement. Nous n'avons pas à nous battre au quotidien pour nourrir nos enfants, la vie est douce pour nous et nous nous en réjouissons tous les jours. C'est peut-être un des plus grands enseignements que nous aurons tiré de cette aventure.
Je vous ferai grâce du récit de notre retour, sachez simplement que les voies de l'administration sont impénétrables, et qu'après avoir fait plus de six heures de bus pour arriver à l'aéroport, après avoir envoyé un mail à l'ambassade pour les prévenir que nous aurions une demi-heure de retard mais que nous serons bien là pour prendre le vol, nous apprenons que nous avons été retirés des listes ...! Nous sommes sept dans le même cas, les bras nous en tombent et le moral en prend un coup. Nous rencontrons le consul de Phnom Penh, aussi surpris que nous de notre mésaventure, et attendons près de deux heures avant d'apprendre que Gabriel, Flo et moi pouvons embarquer, alors que Catherine, sa sœur Isabelle, ainsi que nos deux autres compagnes de voyage restent sur le carreau. Le sentiment est mitigé, nous sommes extrêmement soulagés, mais en même temps terriblement désolés pour les quatre filles. Jusqu'à l'embarquement j'espère les voir passer les portes. Nous apprendrons plus tard qu'elles seront finalement sur le vol deux jours plus tard.
Après une trentaine d'heures de voyage, en comptant le bus, nous débarquons à Roissy, le soleil vient de se lever, il fait un temps magnifique. On sort de l'aéroport, Camille est là, nous sommes à la maison...