C’est sous un soleil de plomb que nous quittons avec regret Don Khon. Après environ 40 mn de pirogue pour rejoindre la terre ferme, nous avons encore une dizaine d’heures de voyage pour atteindre notre destination finale, Siem Reap au Cambodge.
Nous attendons une bonne heure notre bus en papotant avec un jeune couple en tour du monde. Le bus est confortable et peu rempli. Au fur et à mesure des arrêts, on se rend vite compte que la compagnie de bus a fait du surbooking : les pauvres passagers qui montent une heure seulement après nous, doivent s’asseoir sur des tabourets en plastique entre les rangées de sièges, et ne sont pas franchement ravis.
Nous arrivons à la frontière terrestre entre le Laos et le Cambodge, une des frontières les plus corrompues au monde. Nous avons entendu et lu maintes histoires sur ce passage de frontière qui n’est jamais agréable. Dès la descente du bus, nous sommes mis dans l’ambiance : les conducteurs du bus se sont déjà installés pour prêter main forte aux douaniers et demandent USD40 à chaque passager pour le visa cambodgien et le passage de frontière. Sauf que le visa ne coûte officiellement que USD30 par personne et que le passage de frontière est gratuit… Un beau petit profit pour les douaniers si vous multipliez ces USD10 supplémentaires, par les centaines de touristes qui passent la frontière chaque jour.
Nous refusons de donner notre argent à ces filous et nous présentons plutôt au bureau d’à côté qui nous demande malgré tout USD2 par personne pour le passage de frontière (les enfants ne paient pas). Cette somme n’est inscrite nulle part et va directement dans la poche des douaniers. Nous devons également payer USD2 par personne si nous n’avons pas de photo d’identité à disposition, ça fait cher la photocopie de la photo du passeport ! Je ne sais plus quelle était la raison donnée pour le paiement des 4 autres dollars… Et enfin USD30 pour le visa, ça c’est normal. Nous refusons d’abord de payer les sommes non officielles mais il est très compliqué de se rebeller alors que la moitié du bus a déjà tout payé. Par ailleurs, nous avons eu écho de nombreuses histoires où les voyageurs refusaient de payer les USD10 en plus, attendaient des heures et rataient le bus qui partait sans eux. Un vrai dilemme…
Il est vrai que la somme n’est pas exhorbitante mais le principe même de se faire prendre pour un pigeon et de n’avoir aucun recours (car il faut bien passer la frontière) est particulièrement énervant. Les douaniers ne sont pas du tout sympas, voire agressifs car ils sont en position de force. Nous payons à contre-cœur et avons hâte de quitter cet endroit. Nos passeports nous ont été retirés pour que les équipes cambodgiennes puissent y apposer le visa d’entrée dans le pays. Il nous reste à marcher pendant quelques minutes pour passer la frontière qui se résume à une barrière toute simple. Milan fait des blagues au douanier cambodgien, plutôt avenant, et l’ambiance se détend un peu.
Nous récupérons enfin nos passeports avec un beau visa coloré et devons maintenant patienter pour donner nos empreintes et faire une photo pour les douaniers cambodgiens. Nous retournons ensuite dans le bus, après avoir rapidement mangé un plat de nouilles aux légumes.
Première surprise du Cambodge : ici tout se paie en dollars américains. La monnaie officielle est le Riel mais contrairement aux cambodgiens, les étrangers ne peuvent pas retirer cette devise dans les distributeurs automatiques. Par contre, pour chaque achat, les commerçants nous rendent la monnaie en dollars ET en riels si besoin. Il faut donc jongler avec deux monnaies différentes et être vigilant pour ne pas avoir trop de Riels en fin de séjour car il est difficile de les échanger ensuite.
Le trajet en bus est interminable, nous arrivons enfin à Siem Reap vers 21h, après une journée de voyage. Nous trouvons un tuk-tuk qui nous amène à notre hôtel, réservé en avance. Notre première impression de Siem Reap est plutôt positive : la vie est vivante, joyeuse même si bruyante, et donne envie de s’y attarder.
Siem Reap a une offre hôtelière particulièrement étoffée et de qualité. Nous avons réservé au Dom boutique hotel et sommes ravis de l’endroit qui est charmant. En plus, nous apprenons avec plaisir que nous sommes upgradés et que nous avons droit à une suite familiale pour le même prix. Nous avons donc une suite composée de deux immenses chambres communicantes et d’une double salle de bains, sans oublier un petit balcon, un vrai bonus !
Nous sommes tellement épuisés du voyage que nous dinons rapidement avant d’aller nous coucher pour un repos bien mérité.
Le lendemain, nous démarrons la journée par un petit déjeuner au bord de la piscine, l’endroit est vraiment joli et le personnel de l’hôtel adorable. Nous enchaînons par une séance d’école, les enfants râlent car ils préfèreraient aller se baigner mais la règle est simple : pas d’école = pas de piscine ! Et puis, il y a pire comme salle de classe non ?
Nous allons déjeuner en ville et partons explorer Siem Reap. L’objectif est de trouver un tuk-tuk qui pourra nous promener de temple en temple pendant 3 jours. En chemin, nous nous arrêtons pour donner nos pieds à manger aux poissons… ou presque ! Initialement, c’était mon idée car j’ai toujours voulu le faire en France, mais une fois devant les poissons affamés, je fais moins la maline. Je trempe la main pour voir mais n’aime pas du tout la sensation de toutes ces bouches de poissons en même temps et passe mon tour, tout comme Ilena. Fred et Milan sont plus courageux et donnent leurs pieds aux poissons nettoyeurs de peaux mortes, l’expérience a l’air amusante.
Le mari de la dame qui s’occupe des poissons est conducteur de tuk-tuk, elle nous le présente et le courant passe bien, nous décidons de l’engager pour les 3 prochains jours.
Le soir, nous avons organisé un diner surprise aux enfants : les copains des ‘10 pieds autour du monde’ (Cyrille, Aurélie, Alban, Clémence et Baptiste) sont également à Siem Reap et c’est avec joie que petits et grands se retrouvent autour d’un diner cambodgien. Nous avons rencontré les 10 pieds sur un forum de familles autour du monde et nous sommes vus à plusieurs reprises avant de partir (ils habitent à 20mn de chez nous). Par la suite, nous avons énormément échangé avec eux sur les préparatifs de voyage, pendant plusieurs mois. Comme ils font aussi le tour du monde mais dans le sens inverse du nôtre, le Cambodge était le seul endroit où nous pouvions nous retrouver en chemin.
Le lendemain, notre chauffeur de tuk-tuk vient nous chercher à l’hôtel. Les temples d’Angkor sont situés à seulement quelques kilomètres du centre de Siem Reap. Nous achetons nos pass (62 euros par personne pour 3 jours, les enfants ne paient pas). Une partie des revenus du site sert à financer la préservation des temples, leur rénovation et les fouilles archéologiques toujours en cours.
Erigée entre le IXème et XV siècle, la cité d’Angkor est un site archéologique de plus de 400 km2, composé de centaines de temples et ruines, construits au cœur de la forêt. Le site actuel est inscrit depuis 1992 au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La première journée est consacrée à la visite des principaux sites de la cité khmer. Nous découvrons avec bonheur le site de Ta Prohm. Si vous avez vu les films ‘Indiana Jones et le temple maudit’ et ‘Tomb Raider’, vous savez exactement de quel site je parle ! L’endroit est immense (60 ha) et somptueux… C’est un des seuls temples qui ait été laissé quasiment dans le même état que lors de sa re-découverte au début du 20e siècle. Ici, la nature a repris ses droits et les arbres, racines géantes et autres végétaux s’entremêlent avec les pierres… L’endroit est juste magnifique.
C’est ici aussi que Milan disparait pendant près de 30 minutes (sûrement les plus longues de ma vie !). Il boude car il ne veut pas visiter de temples (il est vrai qu’on en a vu des tonnes depuis le début de notre périple) et fait une pause un peu trop longue ; quelques minutes d’inattention et nous ne le trouvons plus… Il y a déjà beaucoup de touristes et l’endroit étant immense, impossible de le retrouver seuls. Nous essayons de nous rassurer en nous disant qu’il parle de mieux en mieux anglais et sera capable de demander de l’aide à l’un des nombreux membres de la sécurité et qu’il a en plus un bracelet d’identification avec nos coordonnées. Mais le temps passe et toujours pas de Milan à l’horizon. Les larmes me montent aux yeux, je cherche en vain mon fils et je panique. Fred est un peu plus calme que moi mais très inquiet quand même. Je vais voir un des vigils qui montre beaucoup d’empathie et appelle ses collègues immédiatement. 10mn plus tard, il me rassure en me disant qu’un de ses collègues a retrouvé notre petit chéri, ouf… Milan n’est pas très fier de lui et a un peu paniqué aussi, je ne sais pas si je dois juste le serrer dans mes bras ou le disputer (alors je le serre fort dans mes bras !). Dur d’être parent parfois !
Nous poursuivons la visite en gardant nos deux poussins près de nous. Nous découvrons aussi Bayon, le temple aux milles visages, sûrement notre temple préféré, Preah Khan, et d’autres plus petits dont j’ai oublié le nom. Il fait vraiment très très chaud, il y a beaucoup de monde dans chaque temple, les enfants sont épuisés et ne veulent même plus descendre du tuk-tuk pour visiter les derniers temples.
Nous les trainons quand même jusqu’à Angkor Wat. Symbole du Cambodge, ce temple est même représenté sur le drapeau national. C’est le temple le plus connu d’Angkor et beaucoup le considèrent comme la 8ème merveille du monde. Nous avons aimé ce temple mais c’est loin d’être notre préféré - Bayon, Ta Prohm ou Banteay Srei nous ont plus éblouis ou intéressés. Malgré tout, nous passons beaucoup de temps à nous balader dans l’enceinte du temple.
Nous avons également la chance de pouvoir admirer le coucher du soleil sur Angkor Wat (et nous ne sommes pas seuls !), dont l’ombre se reflète dans l’étang aux nénuphars qui est juste devant, un chouette moment.
Nous rentrons à l’hôtel nous rafraîchir dans la piscine avant de nous préparer pour sortir diner. Nous allons boire un verre à Pub Street, la rue animée de Siem Reap. C’est très touristique, bruyant et les boissons, comme la nourriture sont de mauvaise qualité, nous irons diner ailleurs.
Le lendemain matin, réveil à 4h30 pour découvrir Angkor Wat au lever du soleil. Notre chauffeur de tuk-tuk vit à 1h30 de Siem Reap et s’est levé encore plus tôt que nous mais nous attend avec le sourire. Les enfants sont cools et jouent le jeu même si c’est vraiment dur pour eux (pour nous aussi…). Il y a peu de monde dans les rues mais à l’approche d’Angkor Wat, nous retrouvons de nombreux touristes en tuk-tuk ou à vélo qui ont eu la même idée que nous. Nous avons néanmoins une très bonne place pour admirer le spectacle. M. le soleil prend son temps et égrène ses rayons au compte-gouttes. Nous patientons pendant près d’1h30 avant que le soleil ne soit complètement levé. Le spectacle est beau et les couleurs magnifiques mais nous avons de loin préféré le lever du soleil sur les temples de Bagan.
Nous allons prendre un petit déjeuner et démarrons notre journée de visites de temples à 7h30. Il n’y a pas encore beaucoup de monde et il fait bien plus frais que la journée, c’est agréable. A 9h, il fait déjà très chaud. Nous découvrons la terrasse des éléphants et la terrasse du roi lépreux. Les sculptures sont très bien conservées et le lieu vraiment chouette. De nombreux singes en liberté jouent à côté, insouciants et malicieux. Milan et Ilena sont plus fascinés par ce spectacle que par les temples !
Nous enchainons les temples, petits, plus importants et essayons de comprendre l’histoire de cette magnifique cité grâce à un guide que nous avons acheté pour l’occasion. Je tente d’intéresser les enfants en leur racontant l’histoire de chaque temple mais ils sont bien fatigués du réveil plus que matinal.
Nous rentrons en milieu d’après-midi nous reposer et profiter de la piscine. Les enfants s’en donnent à cœur joie. Le soir, nous retrouvons Cyrille, Aurélie et leurs enfants pour un bon repas sur le sky bar d’un chouette restaurant. Nous passons une excellente soirée à parler de voyages, de la vie de famille à 4 ou 5, 24/24 et nous quittons en se disant qu’on essaiera de se revoir lors de notre prochaine étape à Battambang.
Le lendemain, c’est journée de repos. Mais avant la piscine, il faut d’abord avancer sur l’école. Il y a plusieurs familles françaises dans l’hôtel et les enfants ont juste hâte de retrouver leurs copains. Nous les libérons après une bonne séance de maths et français et passons le reste de la journée en mode vacances.
Dernière journée de visites le lendemain, sûrement la plus forte émotionnellement. Le dernier temple, Banteay Srei, se trouve à 25km de Siem Reap. Dédié à la déesse Shiva, ce temple est également appelé ‘le joyau de l’art Khmer’. A mes yeux, ce surnom est totalement mérité - j’ai tout aimé : les couleurs, la finesse des sculptures, l’ambiance…
Nous terminons la matinée par la visite du musée des mines anti-personnel (‘Landmines museum’). Nous ne savons pas trop à quoi nous attendre en allant visiter cet endroit qui nous a été recommandé par une autre famille. Nous sommes accueillis chaleureusement dans un musée familial minuscule et nous équipons d’un audiophone en français pour faire la visite. Ce musée a été créé par un cambodgien, Aki Ra, volé à sa famille à l’âge de 5 ans pour devenir enfant-soldat dans les troupes des Khmers rouges. Après la guerre, il dédie son temps à déminer le Cambodge de manière traditionnelle, à la main avec très peu d’outils, un exercice périlleux. Il a également créé une douzaine d’écoles pour les enfants mutilés par les mines anti-personnels et les enfants pauvres des villages. Ces mines sont déclenchées exclusivement par les victimes qui marchent dessus par exemple et peuvent être actives pendant près de 150 ans. Même si le nombre de victimes a bien diminué depuis 20 ans, les mines anti-personnel font encore des ravages au Cambodge et tuent d’innocents civils. Il resterait encore 4 à 6 millions de mines anti-personnels non désamorçées au Cambodge. L’objectif du pays est d’avoir désamorcé toutes les mines d’ici 2025.
Grâce à cette visite, nous comprenons beaucoup mieux la triste histoire du Cambodge et ce que ce pays a dû traverser sous le règne de Polpot. Milan et Ilena sont très intéressés par l’histoire du pays (intérêt renforcé par Fred qui lit un roman autobiographique sur le Cambodge et leur raconte l’histoire au fil des jours). Nous avons été tous les 4 très touchés par cette visite (et en particulier Fred que j’ai rarement vu aussi ému après une visite de musée). Nous sommes remplis d’admiration pour ce pays qui a tellement souffert et a vu sa population décimée (25 % de la population tuée par les khmers rouges en seulement quelques années), et tente malgré tout de se reconstruire et d’avoir confiance en l’avenir. Un bel exemple de résilience…
Notre étape à Siem Reap s’achève déjà. Nous avons adoré la ville, notre hôtel, la beauté des temples et l’ambiance en général. Nous avons également découvert une population locale souriante, aimable, avec un réel sens du service et une envie de faire plaisir. Les cambodgiens sont adorables et ont beaucoup d’humour.
Dans chaque pays que nous visitons, Milan adore faire des blagues aux locaux. La dernière en date : aller demander l’addition au restaurant en bougeant les lèvres mais sans son. Eclats de rires garantis chez les serveurs qui sont d’abord interloqués et ensuite hilares.
Milan met un point d’honneur à arriver dans chaque pays en ayant appris en amont à dire le minimum, à savoir ‘bonjour’, ‘aurevoir’ et ‘merci’. Ces petits détails font toute la différence et permettent d’interagir plus facilement avec les locaux. Ces moments d’échanges avec la population locale sont nos moments préférés du voyage et nous font aimer davantage chaque pays que nous découvrons sous mille facettes. Nous adorons papoter avec les conducteurs de taxi ou de tuk-tuk, le personnel des hôtels ou restaurants, les commerçants etc et comprendre leur mode de vie, l’histoire de leur pays et les différences culturelles.
Notre prochaine étape nous emmène à Battambang, un peu plus à l’ouest. Nous voulions y aller en bateau mais en raison de la saison sèche, nous devons nous rabattre sur le bus.
Un van vient nous chercher à l’hôtel pour nous amener à un autre bus. La passagère française assise derrière nous me regarde avec insistance et me demande si je suis Isabelle… En effet, nous avons échangé à plusieurs reprises sur un forum de tourdumondistes et elle m’a reconnue… Le monde n’est pas si grand !
Dans le prochain épisode, je vous raconterai nos aventures à Battambang. Au programme : singes, chauve-souris et beaucoup de bons moments en famille. D’ici là, prenez soin de vous, on vous embrasse fort.