Un employé de l’hôtel de Hsipaw nous dépose à la gare routière. Gare routière, c’est un grand mot : l’endroit se résume à quelques tabourets en plastique sur le bord de la route. Il n’y a pas grand monde et nous attendons patiemment que notre car arrive. Nous avons 10h de voyage devant nous pour atteindre Bagan. Nous avons réservé un bus VIP pour essayer d’avoir un peu plus de confort que lors du dernier voyage de nuit.
Nous discutons avec une touriste néerlandaise qui voyage seule et les enfants jouent au quiz des capitales sur une appli téléphone : trouver le plus de capitales mondiales en un minimum de temps. Je peux vous dire qu’ils sont devenus très forts à ce jeu, c’est toujours un peu de géographie apprise !
Le car arrive et c’est une très mauvaise surprise. Ce bus a sûrement été VIP mais en 1980. Il est vieux, sale, un peu délabré et ne sent pas bon. Il est déjà très rempli et les places sont plus petites que la dernière fois. Les passagers sont essentiellement des hommes. Nous prenons nos places, nous sommes un peu déçus quand même. Après seulement quelques minutes de route, on a une bonne idée de ce que sera le voyage : on entend des gens cracher, roter, faire des tas de bruits pas très glamour, ne pas mettre de casque pour écouter de la musique et faire des jeux vidéo avec le son à fond (comme souvent ici d’ailleurs !) … Première pause diner et toilettes : vu l’état des cuisines et des toilettes, on passe notre tour… Les enfants sont ravis de diner de pop-corn et de chips pour l’occasion, pour Fred et moi, ça sera diète forcée, restons zen…
La route serpente dangereusement en descente pendant près d’une heure : il semble impossible de croiser un autre car ou camion sur la même route et pourtant, on y arrive, maintes fois. C’est très stressant. Nous parvenons enfin à nous endormir et sommes réveillés brusquement par la lumière du car. Ce n’est pas un arrêt mais une descente de police birmane… D’un seul coup, le car est plongé dans un silence total, on sent que tout le monde est impressionné : un gros malabar inspecte tout l’avant du bus minutieusement avec une lampe torche, il n’a pas l’air commode et n'est pas là pour plaisanter. L’employé du car transpire à grosses gouttes, il semble très stressé par cette visite surprise. Le policier passe ensuite en revue toutes les rangées du car et s’arrête spécifiquement sur des personnes qu’il fouille de manière très précise : les pauvres gars doivent vider leurs poches, sacs et montrer patte blanche. Ouf, la police s’en va et on peut repartir. Nous apprendrons plus tard qu’ils cherchaient en fait un trafic d’amphétamines de basse qualité fabriquées dans la région qui sont passées d’un endroit à l’autre via des particuliers, et notamment pendant les voyages en bus de nuit.
Nous arrivons à Bagan épuisés de ce trajet pas franchement sympathique. Il est 6h du matin, les chauffeurs de taxi nous sautent dessus dès l’arrivée. Nous sommes agréablement surpris par notre hôtel, Fred a encore une fois trouvé un endroit sympa au cœur de New Bagan. L’accueil est chaleureux, l’endroit est simple mais propre et confortable. Nous montons dormir quelques heures. C’est une chambre pour 3 personnes mais vu la taille des lits, nous pouvons facilement y dormir à 4 sans se déranger.
Bagan ou la cité des temples est l’un des sites majeurs du Myanmar. C’est une zone archéologique qui s’étend sur 67 km2. Il semblerait qu’il y ait plus de 2 000 temples à visiter à Bagan. Comme ils sont plutôt éparpillés sur une grande surface, il faut être motorisé pour en visiter le maximum.
Nous partons en quête d’un moyen de transport pour rejoindre Old Bagan mais ce n’est pas chose simple en début d’après-midi car les scooters, taxis et tuk-tuk ont déjà été pris d’assaut le matin. Nous sommes le 30 décembre et il y a plus de touristes que d’habitude.
Nous trouvons un taxi qui nous emmène sur le site et nous visitons un premier temple, l’Ananda Temple : il fait très chaud et lourd, il y a beaucoup de monde, essentiellement du tourisme local. L’endroit est immense et très beau. Nous sommes assaillis par de nombreux vendeurs de souvenirs et autres babioles. J’achète des bracelets pour Ilena et moi et négocie même le prix ; en apprenant que nous sommes français, le vendeur offre deux autres bracelets à Ilena… Typique de l’hospitalité birmane.
Nous rentrons à l’hôtel nous rafraîchir avant d’aller diner : New Bagan est un quartier familial et sympathique, plutôt calme mais offrant une grande variété de restaurants et de petits bars.
Le 31 décembre, nous avons une grosse journée devant nous ! Nous avons réservé un tuk-tuk pour la journée, il nous emmènera dans les principaux temples de New Bagan. Tcho-Tcho nous attend devant notre hôtel avec le sourire. Il a 42 ans, 6 enfants et est bien sympathique ! Et cerise sur le gâteau, il parle anglais ! Ilena le regarde un peu bizarrement et veut me parler ‘ en privé ’ : ‘Maman, pourquoi Tcho-Tcho ne s’est-il pas lavé les dents depuis longtemps ?’ me demande -t-elle ? En effet, Tcho-Tcho est accro au Bétel : le bétel est une sorte de chique birmane que les hommes (mais parfois aussi les femmes) mâchouillent à longueur de journée, souvent depuis l’adolescence. Le mélange est détonnant : des feuilles vertes de bétel, de la chaux (souvent le résultat de coquillages broyés), de la noix d’arec (qui a des effets de coupe-faim et d’excitant) et parfois des feuilles de tabac séchées. La noix d’arec est apparemment très acide et use l’émail des dents quand elle est consommée en grande quantité et tuméfie les gencives. Les (nombreux) birmans qui chiquent ce mélange ont des dents rouges et noirâtres et donc un sourire pas très agréable à regarder… Par ailleurs, ils doivent cracher régulièrement un excès de salive mélangé à cette substance, qui a l’aspect du sang, beurk, beurk…
Malgré son sourire écarlate, Tcho-Tcho est plutôt marrant et nous emmène aux temples les plus célèbres et en profite pour faire une sieste dans son tuk-tuk pendant qu’on visite. Chaque temple est différent, avec des bouddhas couchés, debout, souriants, pas souriants, petits, grands, il y en a pour tous les goûts ! Un temple, deux temples, douze temples… les enfants commencent sérieusement à se lasser… heureusement qu’il y a toujours des gongs qui les amusent énormément ! Encore une fois, ils sont arrêtés régulièrement pour prendre une photo avec des familles birmanes. Une famille vient même offrir des cartes postales à Ilena (Ilena nous les avait demandées, nous avions refusé, la famille est allée lui acheter et lui offrir, comme ça, pour le plaisir …), quand je vous disais que les birmans étaient juste incroyablement gentils !
L’évènement phare de la journée (à part le changement d’année !) est sans aucun doute le coucher du soleil : le lever et le coucher du soleil sont des moments très importants ici et le spectacle est juste grandiose… Nous arrivons en avance dans un endroit stratégique pour assister au dernier coucher de soleil de l’année, avec en toile de fond quelques-uns des temples de Bagan. Les touristes arrivent progressivement et nous sommes vraiment nombreux (on se demande où tous ces gens se cachent le reste de la journée car nous n’avons pas vu tant de touristes que ça depuis notre arrivée à Bagan).
Le spectacle est vraiment magique… Tcho-Tcho nous raccompagne à notre hôtel et nous nous préparons pour le réveillon du nouvel an. Nous n’avons pas prévu grand-chose et l’endroit n’est pas franchement propice pour faire la fête. Nous mettons nos plus beaux vêtements (le choix est vite limité, je peux vous dire…) et nous allons boire un cocktail à la terrasse d’un bar, et jouer au UNO ! C’est sûr, on n’a jamais fait ça le 31 décembre ! Après 15 jours de plats locaux à base de riz, on a envie d’un peu de changement pour cette soirée spéciale : étonnamment, il y a un restau italien ici qui fait des pizzas et des pâtes. Les enfants sont fous de joie ! Et il est vrai qu’on s’est vraiment régalés ! On goûte même au vin local (mouais…) qu’on doit aller acheter à la supérette du coin car le restaurant n’en vend pas. Retour dans notre chambre avant minuit, on se pelotonne tous dans un lit pour regarder un film avec les enfants, Fred et Ilena s’endorment avant le passage à 2019… Il reste Milan et moi pour se souhaiter une bonne année…
La matinée du premier janvier s’écoule au ralenti, petit dej sympathique sur la terrasse de l’hôtel, école, ballade. L’après-midi, nous réservons un taxi pour aller au Mont Popa à une heure de route de Bagan. Il semble que cet endroit soit le lieu le plus révéré du pays en ce qui concerne le culte des esprits. Il se mérite aussi car il faut quand même monter 777 marches pour atteindre le sommet de ce temple. L’endroit est perdu dans un bled, pas très accueillant avec des singes en liberté un peu partout. Ils n’ont pas l’air super amicaux, on se méfie … La vue depuis le sommet du Mont Popa est magnifique, surtout avec le soleil qui baigne le paysage. Mais l’endroit est plutôt kitsch et pas vraiment intéressant pour nous. Nous reprenons le chemin du retour et traversons de nouveau la campagne birmane, on est bien loin des endroits touristiques. Les populations ont l’air particulièrement pauvres et de nombreuses personnes font la manche sur le bord de la route. C’est un tout autre visage de l’endroit que nous découvrons…
Arrivés à New Bagan, nous nous offrons un massage des pieds en famille, les enfants vont commencer à y prendre goût. La dame qui masse Ilena n’arrête pas de rigoler, elle n’en revient pas de masser les pieds d’une petite fille française apparemment !
Le diner se fera en compagnie d’une famille de belges expatriés à Hong Kong que Fred a rencontré une heure avant par hasard dans la rue ! On se lie facilement entre occidentaux ici ! Nous passons une très bonne soirée avec eux et les enfants sont ravis d’avoir des copains francophones avec qui jouer et papoter.
Notre dernière journée à Bagan est certainement notre préférée. Au programme, lever du soleil et ballade en scooter. Nous nous levons à 5h du matin pour aller admirer l’ascension des montgolfières au lever du soleil (un gros business touristique ici : pour vous donner un ordre de grandeur, un place dans une montgolfière est vendue 350 euros environ. Un plat dans un restaurant local coûte entre 1,50 et 3 euros). Les enfants peinent à se lever et ne comprennent pas bien l’intérêt de l’opération. Un taxi réservé la veille nous emmène à un temple, nous montons quelques marches et avons une vue panoramique sur la vallée. D’autres personnes nous rejoignent et nous attendons patiemment que Mr le Soleil daigne faire son apparition. La lune est toujours très visible, il fait encore un peu nuit, l’ambiance est magique… Le soleil pointe le bout de son nez mais toujours pas une seule montgolfière à l’horizon, quelle déception… Ilena n’arrête pas de râler, elle a froid, en a marre, pas drôle pour les enfants. Et puis, une montgolfière au loin s’élève, puis une seconde, une troisième, quinze montgolfières, trente montgolfières… elles se rapprochent de plus de nous et se fondent dans un dégradé de couleurs matinales magnifiques, c’est un spectacle féérique… Les photos prises ne sont pas du tout aussi jolies que la réalité mais donnent une bonne idée du spectacle…
Après ce moment hors du temps, nous retournons à l’hôtel reprendre des forces devant un bon petit déjeuner, la suite du programme de la journée va être sportive ! En effet, nous avons réservé des scooters pour nous balader dans la région. Pour l’équivalent de 7 euros pour deux scooters ! (2 jours avant pour le 31 décembre et 1er janvier, les prix avaient triplé du jour au lendemain !), nous pouvons louer un scooter à la journée, on ne nous demandera même pas de papier d’identité, de toute manière, il n’y pas d’assurance, tout fonctionne sur un mode de confiance mutuelle ici. Nous négocions des casques pour nous 4, pas simple ici… Pour être honnête, les casques ressemblent plus à des casques de vélo mais ça fera l’affaire pour aujourd’hui car nous n’avons pas d’autre option.
Bon, une balade à scooter donc (ici, ce sont des scooters électriques)… Vu mon manque d’expérience en la matière (je vois déjà mes 2 frères rigoler, attendez, attendez de lire la suite… ), je conduirai un scooter seule et Fred aura Milan et Ilena avec lui (oui on fait comme les birmans qui mettent toute la famille sur le même scooter !!).
Je ne suis pas très rassurée, j’ai peur de tomber, les enfants et Fred sont morts de rire… Et ben, croyez-moi si vous voulez mais cette journée aura été une révélation ! J’adore conduire un scooter ! Je ne suis pas tombée, j’ai aimé les sensations, la vitesse, l’autonomie, je pense même à m’en acheter un en rentrant à Paris. Affaire à suivre…
Les enfants se régalent également et adorent être à 3 sur le même scooter avec Fred ! Nous passons la journée à nous promener, visiter d’autres temples, passer des voies de circulation aux routes plus sablonneuses (et pas si simple à appréhender en deux-roues !). Nous comprenons vite pourquoi tout le monde klaxonne ici : les scooters sont super silencieux et on ne les entend pas arriver.
Nous rentrons épuisés mais absolument ravis de notre journée.
Notre séjour à Bagan s’achève déjà, nous partons le lendemain pour rejoindre Yenangyaung à deux heures de route. Cette ville n’est dans aucun guide de voyage. Alors pourquoi sommes-nous allés là-bas pendant 4 jours me demanderez-vous ? La réponse dans le prochain épisode !
Ta-Tar, (aurevoir en birman), prenez soin de vous !