Passer sept jours dans un train, avec quelques arrêts sur le trajet est une première pour nous, surtout qu'en France, entre Perpignan et Toulouse, nous avions l'habitude de bien nous ennuyer dans le train. Mais ici, plus question de ça, il faut s'habituer rapidement et trouver des occupations intéressantes. C'est donc avec des doutes et emplis de courage que nous montons pour le train qui nous fera traverser des milliers de kilomètres pour atteindre notre destination finale : Pékin. Nous embarquons donc le 9 Septembre à 23h55 pour arriver le 16 Septembre à 5h49 à bord du train n°20.
Ainsi, pour la première partie du trajet, nous pensions avoir une cabine pour deux personnes, mais il s'est avéré que nous étions dans une cabine de quatre, avec pour compagnie, un couple de russe bien typique. Un homme bien musclé mais surtout bien gras et sa jolie poupée russe nous accompagnèrent pendant une journée entière, mais descendirent vite pour nous laisser la cabine pendant deux jours entiers. Les premiers jours dans le train furent étranges mais plaisants, particulièrement pour les premiers paysages campagnards de la Russie que nous découvrions.
Pour ma part, à chaque fois que je descendais aux arrêts pour fumer, j'ai eu très froid, surtout quand je sortais en tongue !
Le soleil n'apparaissait toujours pas et c'est la pluie et les nuages qui nous guidèrent pendant les deux premiers jours. En effet, le climat de la Russie n'est pas vraiment adéquat pour faire pousser des végétaux, et c'est surtout des forêts composées à 99% de bouleaux que nous observons à travers cette vitre sale.
Il existe une différence majeure entre la richesse et le luxe que nous avons découvert sur Moscou, et la rusticité des villages. J'avais toujours imaginé la Russie avec blocs de béton partout. Mais c'est une toute autre réalité que nous observions : étant donné l'immensité du territoire, les forêts sont encore bien présentes, et c'est en bois que les russes construisent leurs toutes petites maisons, afin de ne pas avoir à chauffer un trop grand espace. En plus de cela, les marécages sont très nombreux, et malgré la pluie, nous pouvons observer la vie rurale dans toute sa splendeur !
C'est seulement au troisième jour, lorsque nous longions la Sibérie que le soleil fit son apparition. Quel plaisir d'en profiter quelques instants sur les quais remplis de souvenirs, de nourriture industrielle et de blonds aux yeux bleus. C'est avec étonnement que nous avons remarqué que les vendeurs ambulants n'étaient pas munis de petites étales individuelles, mais étaient confinés dans des kiosques fixes, en béton, ferraille et vitres. Il n'y a qu'à un seul arrêt où j'ai rencontré des vendeuses qui proposaient des poissons séchés en pagaille, triste vie ! J'avais d'ailleurs la lourde tâche de communiquer avec ces russes histoire de complémenter nos repas pendant qu'Anthony gardait nos affaires avec précautions. Ces haltes servaient aussi à se fournir en eau potable, absente dans le train, puisqu'il n'y a que de l'eau bouillie et brûlante, pas idéal pour boire au quotidien, mais parfaite pour le thé et les soupes.
Sous ce ciel ensoleillé, nous avons découvert les petits potagers présents devant chaque petite maisonnette aux couleurs vertes et bleues. Pour la grande majorité, il n'y avait que des choux qui poussaient, surement quelques fameuses patates russes mais parfois nous pouvions observer des tournesols en fleurs, aussi étonnant soit-il. D'ailleurs, c'est ce jour ci que nous rencontrions Micha et sa maman qui partageraient notre cabine jusqu'à Ulan-Ude. Ces derniers ont débarqués en pleine nuit dans la grande métropole de Novosibirs, tout comme une population asiatique dont quelques chinois avec qui Anthony a pu avoir ses premières discussions dans la langue de l'empire du milieu. D'ailleurs, Anthony, avec sa grosse barbe et sa langue étrangère fit peur au petit garçon qui parti en courant à l'autre bout du wagon. Finalement, il s'est avéré qu'il adorait faire des bêtises, tout comme comploter et s'amuser avec nous, et aimait tester sa maman avec ses "niet, niet, niet" ! Mais ce qu'il semblait beaucoup aimer aussi, c'était de se moquer fort d'Anthony, en éclatant de rires et en le pointant du doigt, dès qu'il prononçait un mot en Russe. Nous avons bien rigolé avec lui, mais sa maman semblait toujours en colère, particulièrement lors de ses coups de fils incessants avec son supposé mari. Nous avons déplorés leur relation qui les amenaient régulièrement à s'échanger des coups de poings. Si à 3/4 ans il commence à frapper sa mère, quel homme deviendra t-il plus tard avec les femmes ?
Au matin du quatrième jour, nous ouvrons les yeux sur le plus grand lac d'eau douce au monde, le lac Baïkal. D'une immensité sans conteste, le climat semblait bien plus clément puisque les potagers étaient de plus en plus grands. Le paysage aussi changeait, avec l'arrivée de quelques reliefs montagneux. Nous avons pu profiter de ses rives pendant trois à quatre heures, et l'envie de plonger dans ses eaux ne me quitta pas jusqu'à ce qu'il disparu sous les forêts bouriates couleur automnale.
La vallée de Ulan-Ude est surement ce que nous avons préféré, même si finalement nous n'avons pu y séjourner.
La rusticité des habitations ainsi que les couleurs resplendissantes de l'automne nous ont fait découvrir des paysages majestueux.
Autant les couleurs des forêts que les maisons aussi colorées étaient très belles, et c'est d'ailleurs en gare de Ulan-Ude que nous disons adieu à Micha et sa mère pour changer de wagon et rencontrer notre nouvelle colocataire jusqu'à Pékin, une galloise.
Enfin nous pouvions communiquer en anglais, parce que les russes n'avaient pas vraiment de bonnes bases dans cette langue internationale. Anthony a beaucoup discuté avec elle et nous avons bien vite compris que nous avions affaire à une spéciste justifiant l'utilisation des chevaux domestiques comme des outils d'amusement pour l'Homme. Bien refroidie, j'ai largement préféré échanger avec une chinoise revenant de vacances en France et en Angleterre qui était autant douce que gentille.
Le cinquième jour nous conduisait lentement vers la frontière russo-chinoise où nous devions patienter pendant de nombreuses heures. Les paysages commencèrent à changer et à se rapprocher de l'image que renvoie la Mongolie. Nous pouvions ainsi admirer les immenses steppes où paissaient de nombreux équidés et bovins, tout comme quelques troupeaux de chèvres. Nous étions heureux de voir ces animaux en liberté dans ces grands espaces, même si leur triste destin nous pinçait le cœur.
Ainsi, nous sommes arrivés à Zaïbaikal, ville frontalière russe, où nous avons posé pied à terre pour trois heures, le temps que les essieux du train soient échangés pour de plus petits. Accompagnés de la galloise et de la chinoise, nous avons tourné rapidement dans la ville en quête d'un restaurant, mais en vain, et nous avons finalement atterri dans un petit magasin où nous avons trouvé quelques produits végétaux (barres de céréales, cornichons périmés, bananes et du pain russe à un prix dérisoire).
Le train près à repartir, des agents russes furent chargés du contrôle de nos passeports, et c'est à nouveau avec méfiance qu'ils nous observèrent tour à tour avec insistance. Le contraste avec les agents chinois fut saisissant, puisque les contrôles furent rapides et effectués avec sourire. C'est dans la ville de Manzhouli que nous avons débarqué pour une attende de 5 heures supplémentaires. Ce fut toute la richesse chinoise qui s'étala alors devant nos yeux, puisque la ville en pleine nuit étincelait de mille feux, tant les gratte-ciels étaient illuminés. La pâle imitation de la Tour Eiffel démunie de relief virait quant à elle au grotesque, mais nous a bien fait rire.
S'en était enfin fini de la langue cyrillique et bienvenue dans le pays aux milliers de symboles incompréhensibles ! Très à l'aise et très heureux, nous n'avons pas vu passer le temps, que nous étions déjà reparti en direction de Harbin que nous atteignons seulement le sixième jour. Sur le chemin de fer, nous avons croisé quelques espaces naturels, dans la région de la Mongolie Intérieure, avant de découvrir avec stupéfaction des champs de maïs à perte de vue. Quel dommage de ne pas profiter de ces espaces pour y développer une permaculture plus saine et naturelle, mais ceci n'est rien comparé à la succession de barres d'immeubles qui allait s'en suivre. En effet, c'est par centaines que les chinois font sortir de terre ces bâtiments, véritables fourmilières pour ouvriers parmi les champs d'exploitation de minerais, les usines et les centrales à charbons (qui se rapprochent étrangement de nos centrales nucléaires).
Notre dernier jour dans le train se déroule rapidement, et nous nous sommes même offert une douche pour la modique somme de 150 roubles (2 euros). La nostalgie des paysages traversés et de ce quotidien dans un wagon de train commence déjà à se faire ressentir et nous profitons de nos derniers moments dans le Transmandchourien qui nous a offert une unique et fabuleuse expérience. Nous envisageons déjà un prochain trajet de Moscou jusqu'à Vladivostok pour atteindre le pays du soleil levant.
Finalement, nous avons découvert des paysages aussi étonnants que merveilleux, et c'est en Chine, plus précisément Pékin où nous débarquons pour une traversée du pays sur un mois. La suite de nos aventures dans quelques temps !
Camille.