On se dirige toujours un peu plus vers le sud avec la prochaine étape du voyage, le parc national du Tongariro, classé à l'UNESCO pour la qualité de ses paysages naturels et pour son patrimoine culturel et spirituel. Plusieurs sommets montagneux sont désignés comme tapu, des lieux extrêmement sacrés aux yeux des maoris. Avec plus d'un million de visiteurs par an, c'est le parc le plus visité de Nouvelle-Zélande. Trois grands volcans en activité s'y trouvent : Tongariro, Ngauruhoe et Ruapehu. Qui dit activité ne signifie pas qu'ils sont en éruption et qu'ils débordent de lave ! On entend par là qu'ils connaissent plusieurs réveils par siècle.
Le Tongariro Alpine Crossing est une randonnée réputée de presque 20 km, que les amoureux de la marche ne doivent manquer sous aucun prétexte ! Le circuit passe au milieu du parc, traverse un désert alpin, descend dans un cratère, contourne des lacs couleur émeraude, longe des sources brûlantes et s'achève dans une forêt vierge.
On est fin septembre, la saison du printemps est déjà bien entamée, mais la neige persiste là haut, le sentier va être parsemé d'embûches ! Revenir sur l'île du Nord n'est pas prévu au programme. De plus le circuit est un véritable boulevard l'été, les randonneurs se suivent en file indienne. On ne veut absolument pas connaître ça. On n'a pas d'autre choix que de faire cette aventure incontournable dans les jours qui suivent.
Après renseignements, il est préférable de louer des crampons car il risque y avoir des passages glacés et de la neige en abondance.
On dort non loin du départ du circuit, sur un free-camp perdu au milieu de nul part. Au bout d'une gravel road, sans réseau, sans lumière, toilettes sèches et seuls au monde ! On ressort les duvets car on est montés en altitude et il ne fait pas chaud. Réveillés à 5h du matin, on prépare les sacs : Bananes, barres de céréales, sandwiches, bouteille d'eau, vêtements chauds, lunettes de soleil, couverture de survie et trousse de premiers secours.
À l'aube le temps est bien maussade, on ne voit pas les montagnes à cause du brouillard. On espère que ça va se lever.
Sur le parking du départ à Mangatepopo, il y a déjà du monde. On parle avec trois amis malaisiens qui reviennent tout juste de la randonnée. Ils sont partis à 2h du matin ces cinglés ! Lampe frontale sur la tête et neige dans la barbe, ils ont dû faire demi-tour car les traces de pas des randonneurs de la veille avaient disparu dans la nuit, impossible de se repérer. Ils nous confirment qu'on a bien fait de prendre des crampons.
La marche commence, on suit un sentier rocailleux qui longe un cours d'eau. La végétation aride se limite à quelques bruyères et tussacks (variété de touffes d'herbe). Nous sommes sur les traces de Frodon et Sam ! Au milieu des roches rouges volcaniques, on comprend les choix de Peter Jackson qui a choisi de poser ses caméras dans le parc pour représenter l'inquiétant Mordor.
Des planches en bois facilitent la marche qui s'apparente à un simple échauffement. On traverse d'anciens lacs de lave solidifiés et on croise les premières traces de neige.
Des bornes indiquent tous les kilomètres la distance qu'on vient de parcourir.
L'ascension commence à la jonction entre les monts Tongariro et Ngauruhoe, au niveau d'un grand panneau STOP.
Êtes-vous bien préparé ?
Vous êtes-vous renseigné sur les conditions météorologiques et les risques d'éruption ?
Un beau dénivelé nous attend et la neige devient omniprésente. Le soleil fait timidement son apparition pendant qu'on prend de la hauteur.
Au terme de la première ascension, on arrive au pied d'un immense cratère qu'il faut traverser. Malheureusement, le temps se dégrade et on perd nos repères devant ce grand espace blanc. On peine à voir les piquets indiquant le chemin, la neige commence à tomber ! On ne voit absolument plus rien, et on s'arrête afin de prendre une décision pendant qu'un couple de randonneurs disparaît peu à peu dans le brouillard devant nous. Par mesure de sécurité, on préfère revenir en arrière car on ne la sent vraiment pas cette histoire !
Déçus, on entame le chemin du retour. À contre vent, la neige tombante nous fouette le visage, on avance presque les yeux fermés. On croise plusieurs groupes menés par des guides. On pourrait les suivre, mais à quoi bon faire la randonnée si on ne peut pas profiter du paysage ? Tant pis, on commence à faire des plans pour cet été, on aura qu'à revenir sur l'île du Nord pour retenter notre chance.
En bas de la descente, voilà que le brouillard disparaît et que le soleil revient. Bon eh bien on se motive et on se refait la montée, 3 km l'aller-retour ! De nouveau au niveau du premier cratère, on distingue au loin le sommet du second, le Red Crater, dernière montée du trek et point culminant du Tongariro Crossing : 1886 mètres d'altitude. On constate qu'on n'était pas bien loin du bout !
Le brouillard dissipé, on peut enfin avancer en toute tranquillité. On enfile les crampons, car la dernière montée est sévère. La neige et le vent ont créé de superbes sculptures de glace sur les rochers environnants.
Entre gros nuages et éclaircies, on arrive enfin au sommet, qui marque la moitié de la randonnée. La vue est magnifique, on aperçoit le lac Taupo au loin et on a un beau panorama sur le parc national. On se met à l'abri du vent pour déjeuner, proche du cratère rouge. Le sol du volcan en activité nous tient au chaud.
Par intermittence, le volcan Ngauruhoe se révèle entre deux couches de nuages. Malheureusement on n'en voit pas le sommet !
Pendant la saison estivale, des bus situés à l'arrivée du circuit ramènent les randonneurs au parking de départ pour récupérer les voitures. Actuellement, aucun bus ne fait la navette... Du coup, on est obligés de redescendre par là où on est arrivés. On est plutôt satisfaits car on a vu l'essentiel des paysages. Les lacs couleur émeraude présents sur le chemin sont cachés sous la neige, le volcan Tongariro est invisible dans le brouillard et la descente de l'autre côté ne propose guère plus niveau paysage. Après nos 6 heures de péripéties, il est temps de faire le chemin retour.
La descente est glissante, on tombe quelques fois malgré les crampons, et ça nous fait bien rire. Des bâtons de marche n'auraient pas été de trop.
On croise un kiwi d'un certain âge sur le sentier du retour, il vient de tenter l'ascension du volcan Ngauruhoe. À cause des mauvaises conditions, il a dû renoncer à mi-chemin. En discutant, voilà que la montagne se dévoile pour de bon. On peut enfin admirer la montagne du Destin dans toute sa splendeur !
Il nous faut plus de 3h pour revenir au parking, la neige du matin a fondue sur le sentier du bas et les températures s'adoucissent. On jette un dernier coup d'œil aux montagnes qui s'éloignent derrière nous.
Au total, on aura parcouru pratiquement 20 km, soit l'équivalent de la randonnée si on l'avait faite d'un bout à l'autre. C'est fatigués qu'on regagne le van, mais satisfaits de notre journée !