A Poissy dans les Yvelines, la villa Savoye, manifeste moderniste signé Le Corbusier.
Septembre 2024
1 jour
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Construite de 1928 à 1931 par l'architecte Le Corbusier et son cousin Pierre Jeanneret. S'élevant sur un terrain de sept hectares, cette construction, baptisée « les Heures claires » par ses propriétaires et qualifiée de « machine à habiter » par son architecte, achève la période dite des villas blanches de l'architecte. Caractérisé par sa pureté et son harmonie, cet édifice majeur de l'histoire de l'architecture du XXe siècle dans le domaine de la résidence individuelle privée, conserve son caractère d'avant-garde. Il est constitué d'un parallélépipède blanc soutenu par de fins pilotis et couvert de fenêtres en bandeau, surmonté de toits-terrasses. Le site est inscrit, avec 16 autres œuvres architecturales de Le Corbusier, sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 2016.

Où : 82, rue de Villiers à Poissy

Villa de week-end pour la famille Savoye (Pierre, cofondateur à Lille en 1907 de la société de courtage d'assurance Gras Savoye et son épouse Eugénie) qui accepte le projet, c'est un manifeste de modernité qui affirme une volonté architecturale satisfaisant « à l'intérieur, tous les besoins fonctionnels » et qui est une illustration du « purisme » fonctionnaliste.

La Villa Savoye mesure 9,40 m de haut, 21,50 m de long et 19 m de large.

Que peut bien entendre Le Corbusier par façade libre ? Tout comme pour le plan libre, il s’agit de s’émanciper des codes traditionnels en libérant l’espace, ici l’enveloppe du bâtiment. Celle-ci est indépendante de sa structure, les poteaux étant placés en retrait, et le plancher, en porte-à-faux. La façade devient donc une paroi mince et légère !

Là encore, le positionnement et la taille des ouvertures sont seulement dictés par les besoins d’éclairage naturel et les goûts esthétiques. D’ailleurs, avez-vous remarqué que les quatre façades de la villa sont presque identiques ? Là encore, l’architecte s’affranchit volontairement des conventions classiques et opte pour une solution moderne, à la limite de l’abstraction !

Elle est construite sur des piliers qui libèrent le sol de l'emprise du rez-de-chaussée, de manière à dégager plus de jardin en pleine terre et à ménager des transparences visuelles à travers l'édifice. Ils soutiennent le premier étage qui est le véritable espace de vie de la maison. Le rez-de-chaussée est destiné aux domestiques et au garage. La buanderie bénéficie du meilleur ensoleillement de la maison. Il y a également un solarium sur le toit.

Rejoindre les étages sans se préoccuper de là où l’on met ses pieds c’est la promesse de ce plan incliné mais pas que ! Une rampe libère l’esprit qui peut à loisir découvrir, admirer, profiter des points de vue sur les volumes, des jeux de lumière et de la nature.

Le Corbusier est ici inspiré par ses voyages en Orient et la découverte, à Istanbul, de Sainte-Sophie avec ses deux rampes menant au sommet. Il crée à la villa une rampe tout d’abord intérieure qui devient extérieure. Elle est composée de deux volées parallèles guidant le regard vers les points de vues que l’architecte souhaite souligner.

La rampe de la villa Savoye est la seconde réalisation de Le Corbusier. La première, construite dans les années 1920, se trouve dans la Maison La Roche à Paris. Le terme de « promenade architecturale » n’apparaît qu’en 1929 dans le 1er volume de l’Œuvre complète.

Dans ses concepts, Le Corbusier intègre la couleur car elle participe, pour lui, à la construction de l'espace. Il crée en 1931, pour la société Suisse Salubra, un « clavier chromatique » regroupant 43 nuances, qu’il complète en 1959 avec 20 nouvelles couleurs. Ce nuancier se définit selon trois axes majeurs : l’espace interagit à la couleur, la couleur révèle les objets, La couleur agit physiologiquement sur l’homme.

Si le blanc est la couleur dominante de la villa, nous savons grâce aux campagnes de recherche sur sa polychromie que 8 nuances de la gamme « Salubra » ont été utilisées pour les intérieurs. Les peintures créées par Le Corbusier sont d’aspect mat, répondent à un cahier des charges très précis et sont toujours éditées aujourd’hui.

Avec Le Corbusier le toit n’est plus une simple protection, mais un nouvel espace habitable. L’architecte crée à la villa sur le toit plat, invisible depuis l’extérieur, un véritable jardin suspendu qui recèle bien des secrets...

Il distribue abondamment la lumière dans le salon, mais également vers la rampe, le palier du premier étage sans oublier le boudoir. Il est aussi un lieu de réception, de détente avec sa table fixe et son kiosque semi-ouvert qui permet de s’abriter des intempéries.

Sa position surélevée et l’ouverture dans le prolongement de la fenêtre en bandeau, en fait un lieu de contemplation tant de l’architecture même de la villa que de la nature environnante. N’oublions pas que c’est aussi un jardin « à l’abri de l’herbe malsaine, humide » avec des jardinières et un sol en dallage de béton avec des joints de terre pour qu’y poussent des lignes de gazon !

Ce jardin suspendu se poursuit avec un solarium ouvert sur le ciel, mais protégé des vents dominants avec son mur courbe comme un paravent de béton.

Le paysage, la vue sur les méandres de la Seine, est quant à lui mis en scène. Dans le mur est aménagé une ouverture rectangulaire, aussi appelée « trou dans le mur » véritable cadre dirigeant le regard du spectateur.