Avec 71 vols à mon compteur à 26 ans, j'ai pris la décision de limiter au maximum ce mode de transport particulièrement coûteux pour l'environnement.
Partager cet article

« Utiliser l’argent public pour maintenir sous perfusion une industrie incompatible avec la préservation de conditions de vie dignes sur Terre, c’est non », clament ANV COP 21 et Alternatiba, les auteurs de la tribune "Le 3 octobre, marchons sur les aéroports!" parue dans le magasine Reporterre. Ils appellent donc, le samedi 3 octobre 2020, à « marcher sur les aéroports », dans des cortèges familiaux et non-violents, à pied ou à vélo.

(Léa) Depuis quelques années, un nouveau concept a émergé en Suède : le « flygskam », ou « honte de prendre l’avion ». Pour reprendre la définition « officielle », il s’agit du « sentiment de culpabilité que ressent une personne informée ou sensibilisée à la protection de l’environnement de se déplacer en avion, un mode de transport connu pour son impact climatique croissant et plus important que d’autres moyens de transport, contribuant donc à aggraver et accélérer le réchauffement ».

J’ai ressenti cette honte pour la première fois en octobre 2019 en partant à Barcelone en avion, pour 4 jours : ma soeur et moi, on s’est demandé si quand même, on n’aurait pas pu prendre un bus de nuit à la place. Depuis, ça me fait pas mal cogiter et remettre en question mes précédents voyages. Alors l’autre jour, pour me rendre compte de leur impact écologique, j’ai décidé de calculer mon empreinte CO2 depuis la toute première fois que j’ai pris l’avion pour aller à Londres, en 2006.

Extrait de mon calcul : ici, le récap de ma seule année 2016… 

Le résultat m’a fait un choc. Déjà, pour calculer tout ça, il m’a fallu 3 heures, vol après vol, tronçon après tronçon (oui parce que quand on a une escale ça aggrave les choses, car c’est le décollage et l’atterrissage qui produisent le plus d’émissions de CO2). Je suis arrivée à une liste de 33 allers-simples et 19 aller-retours. Rien que ça, ça m’a scotchée : je suis montée 71 fois dans un avion en 26 ans, dont 45 fois depuis 2015. Je sais que j’ai pas mal voyagé, mais je ne pensais pas que c’était à ce point !

Et voilà le glorieux résultat final : A ce jour, j’ai à mon compteur 210 529km d’avion, soit l’équivalent de 5,2 tours du monde (40 074km), dont la plupart dans les 5 dernières années. Ce qui représente 49,82 tonnes d’équivalent CO2.

Or pour éviter que l’augmentation des températures ne dépasse les 2°C d’ici 2050, la limite fixée par an et par habitant devrait être de… 2,1 tonnes de CO2 !


En 5 ans, j’ai donc émis autant d’émissions de CO2 pour prendre l’avion que j’aurais dû le faire en … 25 ans, tout compris (déplacements, mais aussi chauffage, électricité et alimentation).

Un exemple simple : quand je suis partie en Equateur, en 2014, le coût écologique du vol Genève-Amsterdam + Amsterdam-Quito était de 2,2 tonnes de CO2, soit l’équivalent d’une année dépensée en moins de 24h.

Voilà voilà… ça fait reconsidérer pas mal de choses quand on prend le temps et la peine de faire cet exercice.

S’est ensuivi un débat intérieur : avais-je vraiment besoin de prendre tous ces vols?

Il y a de toute évidence quelques vols que j’aurais pu éviter : un aller-retour Lyon-Barcelone, des vols intérieurs en Amérique latine, et le pire de tous, un aller-retour Melbourne-Paris via Shanghaï au milieu de mon séjour australien qui m’a coûté la modique somme de … 7,3 tonnes de CO2. Alors je peux bien trier mes mails, arrêter la viande et cuisiner mes épluchures : si c’est pour envoyer balader l’équivalent de 3 années et demi d’efforts quotidiens en un vol aller-retour, ça perd beaucoup de son intérêt, et de sa pertinence. Car je ne veux pas être écolo à mi-temps, uniquement quand ça m'arrange. Au niveau planétaire, 8% des gaz à effet de serre sont générés par le tourisme. Et un trajet en avion est 1500 fois plus polluant qu'un voyage équivalent en TGV !

Empreinte carbone par moyen de transport - En grammes équivalent CO2 par passager et par kilomètre  (Source : ADEME)

Pour être cohérente avec mes valeurs écologiques, je n’ai donc d’autre choix que de faire le sacrifice de l’une des choses que j’aime le plus au monde : partir voyager à l'autre bout du monde.

Car, pour faire les voyages que j’ai voulu faire, il n’y a pas tant de vols superflus dont j’aurais pu me passer. Le problème est donc ailleurs : ai-je vraiment besoin de voyager autant, du moins à l’autre bout du monde? La France et l’Europe ne suffisent-elles pas?

Et puisqu’on y est, profitons en pour tout remettre en question : le tourisme est-il éthique, responsable, éco-responsable, bref, le tourisme est-il une bonne chose ?

Quelques considérations sur des lieux que j’ai moi-même visités :

1) Machu Picchu, Pérou : Le Machu Picchu, que j’ai visité le jour de mes 21 ans au terme d’un trek de 4 jours, est l’un des plus beaux lieux que j’ai eu la chance de voir dans ma vie. C’est aussi le ressenti de la majorité des 5000 visiteurs… quotidiens. Depuis quelques années, il était question que ce site classé à l’Unesco, l’une des 7 nouvelles merveilles du monde, doive fermer car menacé de s’écrouler. Le gouvernement a profité de la pandémie de Coronavirus pour diviser par deux la fréquentation autorisée, tout en entretenant un projet de construction d’un nouvel aéroport international … à deux pas du Machu Picchu. Un projet qui a de quoi susciter l’indignation. Merveilleux héritage de la civilisation inca, le Machu Picchu est aujourd’hui menacé par le tourisme de masse.

2) Venise, Italie : La ville de l’amour, du romantisme et des gondoles. Mais aussi des 30 millions de visiteurs annuels pour seulement 55 000 habitants, un tourisme alimenté par les paquebots qui mettent en danger la survie même de la lagune, menacée par la montée des eaux. Joyaux italien à l’architecture millénaire, la Sérénissime est désormais un dédale de rues encombrées par les perches à selfie, les mauvais restaurants et les souvenirs pas du tout authentiques, entrecoupées de canaux embouteillés par les gondoles. Une réelle déception et un véritable gâchis dont nous portons tous la responsabilité.

3) Equateur, Bolivie, Pérou, Thaïlande… : Dans la plupart des pays dits « du Sud », où les populations sont plutôt pauvres, on se réjouit de négocier un poncho, un chapeau ou tout autre souvenir pour une poignée d’euros, quand on en a dépensé des centaines pour arriver dans la pays. En Equateur, le SMIC moyen est de 435€ et les conditions de travail sont loin d’être les mêmes, ce qui ne nous empêche pas de chipoter sur des tarifs déjà imbattables. C’est soit ça, soit avoir la désagréable sensation de se faire plumer comme un gringo américain.

4) Istanbul, Turquie : J’ai été choquée par le nombre de personnes admirant cette magnifique ville historique et culturelle au travers de leur perche à selfie. Littéralement. Au Palais de Topkape, qui comporte 5O salles, une femme entrait avec sa perche à selfie, faisait un tour sur elle-même en se filmant et passait à la pièce suivante. Sur le coup ça m’avait fait (un peu) rigoler, aujourd’hui en y repensant ça m’atterre. C’est malheureusement la même chose dans de nombreux pays. Au Pérou, peu de jours avant notre passage dans la région de Cuzco, un jeune homme était décédé en voulant faire une photo au bord d’une falaise avec sa perche à selfie…

5) Uluru, Australie : Ce gros rocher rouge en plein milieu du désert et un endroit sacré pour les Aborigènes depuis des dizaines de milliers d’années. Ce qui n’empêche pas les touristes d’en faire l’ascension, au mépris total des traditions culturelles et religieuses qui existaient bien avant notre arrivée avec notre visa vacances-travail et nos chaussures Quechua (je dis ça mais moi je n’y suis pas allée à Uluru, et je n’y serais pas montée…). Heureusement, en 2019, les autorités ont enfin décidé d’interdire l’ascension.

Voilà pour les considérations sur le tourisme en général.

Alors je ne dis pas que je ne prendrai plus jamais l’avion de toute ma vie, parce que c’est un engagement qu’honnêtement je ne suis pas sûre de tenir.

Mais il y a quand même plusieurs promesses que je peux me faire :

  1. Eviter au maximum de prendre l'avion en Europe : il y a suffisamment de bus et de trains, même si les vols low-cost sont généralement moins chers en plus d’être plus rapides
  2. Rentabiliser le plus longtemps possible un vol long courrier : je ne prendrai par exemple jamais l’avion pour faire la tour des parcs de l’Ouest américain, comme le faisaient tous mes clients. Si je prends un vol pour les Etats-Unis, je resterai sur place plusieurs mois pour une grande traversée du pays afin d’amortir mon temps sur place et de prendre le temps de découvrir le pays. Idem pour l’Asie, je ne peux concevoir une simple virée au Cambodge, il faudra que j’y reste plusieurs mois pour rentabiliser l’empreinte carbone (même si cela fera toujours trop).
  3. Ne pas prendre un billet d’avion pour une destination où je ferai quelque chose que je peux faire en France. Exemple : c’est un non-sens de prendre l’avion pour aller randonner dans la Cordillère des Andes, quand on a des centaines de sentiers de randonnée en France, et pas les moindres : massif du Mont Blanc, des Pyrénées, traversée du Jura, GR20 en Corse et j’en passe.

Mon prochain voyage : un tour de France, à pied et vélo, sur les plus beaux sentiers du pays

Excellent article, pour une décision qui est une évidence : nous ne pouvons plus (malheureusement...) nous comporter comme avant...

Montrons l'exemple en ouvrant la voie !

Poster un commentaire

Si vous êtes déjà inscrit sur MyAtlas, connectez-vous ! Pas encore inscrit ? Découvrez MyAtlas, le site qui permet de raconter et organiser ses voyages.