Au mois d'octobre, nous rejoindrons Mandeure (Doubs) depuis Culoz (Ain) à pied, à travers les 394km de la Grande Traversée du Jura.
Octobre 2020
22 jours
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KM
62

Jour 4 - Lundi 12 octobre - 15h12

(Léa) Je vous écris assise sur un rocher au bord de la Valserine, la première rivière que nous croisons. Il fait plutôt soleil, il y a des canards dans l'eau et nous venons de trouver un emplacement de bivouac idéal. Malgré l'heure, nous avons déjà terminé l'étape de la journée et nous en profitons donc pour reposer nos dos, nos pieds et écrire un peu.

Déjà 3 jours depuis notre départ de Grenoble, vendredi 9 octobre. Après plusieurs semaines de préparatifs entre Paris, l'Isère et la Loire et un départ repoussé de quelques jours pour une histoire de cas contact de Covid, nous nous retrouvons devant la Bifurk, un lieu associatif à portée écologique et sociale dans le centre de Grenoble. Nous y avons rendez vous avec quelques journalistes et avec Éric Piolle, le maire écologiste de Grenoble fraîchement réélu en juin. Comment nous sommes nous débrouillés pour que le Maire soit présent à notre départ ? Il a suffi d'avoir l'idée, puis de se lancer le challenge, d'avoir un peu de culot, et quelques échanges avec la Directrice de cabinet plus tard, le tour était joué ! À peine descendus de nos Métrovélos loués à la gare que nous enchaînons interviews avec les médias locaux et shooting photo pour le photographe de la ville... on avait un peu l'impression d'être des stars malgré nos vêtements de trek et nos gros sacs à dos !

Monsieur le Maire a eu une demi heure de retard mais s'en est excusé et même justifié. Nous lui avons été présentés et nous avons été entourés par les crépitements des flashs (on l'a vécu comme ça) pendant que nous échangions tous les 3 sur notre projet et sur l'élection, la veille, de Grenoble au titre de Capitale Verte Européenne. Un chouette symbole pour notre premier jour ! Nous avons ensuite posé sur nos vélos avec Éric Piolle, également sur son vélo, et le départ a été donné : 3...2...1... C'est parti pour le Tour de France, sous les applaudissements et encouragements! Mais alors que nous nous attendions simplement à un faux départ de 3 mètres pour la photo (parce que quand même, le Maire n'a pas que ça à faire de rouler avec nous), voici qu'il a continué à pédaler le long du Chronovélo (une des autoroutes à vélo créées sous son mandat), tout en continuant à papoter. On s'est regardés avec Antoine en se demandant où il allait comme ça car nous avions planté les autres au départ ! Nous avons finalement pédalé un bon kilomètre avant qu'il nous dise qu'il tournait là pour l'hôtel de ville. Tous contents, nous avons réalisé que notre tour de France venait vraiment de commencer, et nous avons continué en direction du campus pour déjeuner avec Eleonore, une copine de Rio qui était là au départ, et rendre nos Métrovélo.

Avec Télé Grenoble et le Maire Éric Piolle, juste avant notre départ 

Étape suivante : rejoindre Grenoble à Culoz, dans l'Ain, en stop. En direct en voiture, il faut environ 1h45 pour tout faire, nous avons mis 3h et 4 voitures. Guisela, une jeune infirmière sympathique qui partait acheter de la tomme à Chambéry, nous a laissés à peu près au milieu de l'autoroute et nous avons galéré pendant une bonne heure à trouver un endroit à la fois sécurisé et dans la bonne direction. Un père et son fils nous ont amenés au Bourget du Lac, puis une ingénieure du tunnel du Lyon-Turin nous a déposés à Aix. Là, Sandrine nous a fait longer le lac du Bourget avec une vue splendide sur les montagnes, nous dispensant une leçon d'histoire sur la région avant de finalement dépasser sa maison de 20 bonnes minutes pour nous amener jusqu'à Culoz. On l'en remercie !

A Culoz, nous étions hébergés chez la famille de Manu, une connaissance du club de basket d'Antoine à Rozier. Dans sa superbe maison, nous avons profité d'une tartiflette géante, d'une dernière douche chaude et d'un lit bien douillet avant d'entamer la Grande Traversée du Jura (GTJ) le lendemain.

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Samedi donc, nous avons été réveillés tôt le matin par... La pluie, qui tapait contre le Velux au-dessus de nos têtes. Ça commençait bien ! Mais ça ne nous a pas empêchés de sortir, armés de nos sacs à dos, de nos bâtons et de nos capuches pour nous lancer dans l'ascension du Grand Colombier, à 1500m d'altitude, soit 1200m de dénivelé positif. Nous avons passé toute la matinée à monter dans une forêt qui nous a relativement protégés de la pluie, et nous avons pique-niqué face à un mur de brouillard là où il était indiqué "point panoramique".

Déjeuner avec vue 

Peu d'événements marquants pendant cette journée de rando à part une rencontre avec les chasseurs et de nombreux coups de feu qui nous ont menés à réviser les gestes de premiers secours en cas de balle perdue. A 16h, nous avons atteint le Grand Colombier avec un néant total pour les supposées vues sur les lacs environnants et le Massif du Mont blanc. Deux heures plus tard, nous avons terminé la première étape de la GTJ en plantant notre tente au bord de la source d'Arvieres. Pour notre premier dîner au réchaud, soupe à la tomate en poudre et semoule étaient au programme. Le retour de la pluie nous a précipités sous la tente, et nous nous sommes endormis à 20h30 après une première journée fatigante, assez pauvre d'un point de vue météo/paysage/randonnée mais très riche en excitation et nouvelles expériences !

Sur la route du Tour de France, quelques éclaircies dans l'après midi

Dimanche, le premier réveil a été pénible pour moi qui n'ai pratiquement pas dormi à cause du froid. Mon matelas s'étant dégonflé, l'isolation n'a pas été ce ce qu'elle a été pour Antoine, qui a quant à lui bien dormi ! Pendant que j'émergeais et que je lavais la vaisselle de la veille, il est parti voir où il pourrait acheter du pain, revenant avec du pain et un gros paquet de tagliatelles fraîches gratuits. Et en prime, les propriétaires du gîte lui ont offert thé chaud et tartines de brioche au beurre et à la confiture !

Ce matin là, le soleil était au rendez vous et nous avons marché sur des sentiers plats, entourés de prés verts et de forêts aux couleurs d'automne à perte de vue. C'était absolument magnifique. A midi, belle surprise, Antoine a sorti de son sac 4 tranches de pâté de campagne qui lui avaient également été données le matin. Devant tant de générosité, il faut parfois savoir faire des entorses au régime végétarien... Après le pique-nique, tandis que j'essayais de récupérer de ma nuit en improvisant une sieste sous un soleil de plus en plus caché par les nuages, Antoine est parti demander de l'eau dans une cabane au milieu d'un pré où nous avions vu du monde. Il en est revenu 20 minutes plus tard avec des pâtés en croûte, un verre dans le nez et une invitation à prendre le thé ! C'est ainsi que nous nous sommes retrouves dans un chalet en bois chauffé au poêle, autour d'une grande table à laquelle étaient attablés 7 joyeux lurons qui nous ont raconté des histoire et anecdotes du Jura en nous servant du vin puis du thé bien chaud. Ils nous ont souhaité d'avoir la chance de voir un loup, nous expliquant qu'une meute venant de s'établir dans la région. Pas trop de quoi me rassurer... Un très chouette moment de partage, qui aurait pu se transformer en choucroute si nous n'avions pas déjà déjeuné !

Pas besoin d'aller au Québec pour connaître les magnifiques couleurs de l'été indien ! 

L'après midi, le temps a commencé à tourner. On a terminé l'étape du jour à Plan d'Hottones et on a prolongé de 2 heures pour aller dormir à proximité d'une ferme/refuge où l'on espérait se mettre à l'abri et boire quelque chose de chaud car la pluie tombait de plus en plus. Vers 18h, nous avons aperçu une petite cabane, puis, telle l'Iceberg dans Titanic, une immense bâtisse s'est dessinée derrière le brouillard à quelques mètres de nous. Grosse désillusion, la ferme était fermée, il pleuvait, et je dois avouer que mon moral était plutôt bas. Antoine a fait le "tour du propriétaire", et à partir d'une chaise longue, d'une couverture, d'un matelas trouvé sur la terrasse et d'un coin de grange au-dessus d'une étable et de ses 2 ânes, nous a concocté un coin plutôt pas mal pour la nuit. Il y avait des trois dans les murs et il faisait très froid, mais ça nous a quand même évité de monter la tente sous la pluie, et permis de manger au sec.

Au menu, petits patés en croûte et tagliatelles aux champignons fraîchement ramassés l'après midi. Un vrai festin ! Nous avons trouvé un spot lumineux et nous avons mis la musique à fond, ce qui a rendu la soirée très agréable malgré le froid dont je n'ai jamais réussi à me débarrasser jusqu'au lendemain matin, ce matin donc.

A 2 degrés, préparation du dîner et nuit à la fraîche dans notre abri improvisé 

Lundi, après une nuit aussi peu réussie que la précédente (Antoine, inquiet de ne plus m'entendre bouger, a craint que je sois victime d'hypothermie), c'est un ciel bleu que nous avons aperçu à travers les fentes de la toiture. Revigorés par le soleil, nous avons tranquillement petit-déjeuné et refait nos affaires sur les airs de Balavoine, puis nous avons quitté notre abri en laissant un mot aux propriétaires des lieux.

Les 4 heures de randonnée jusqu'à Bellegarde sur Valserine étaient moins intéressantes qu'hier, surtout de la descente et sans trop de belles vues, jusqu'à ce "spot" que nous venons de découvrir au bord de la rivière. Depuis que j'ai commencé à rédiger cet article, Antoine est allé se laver dans l'eau glaciale, j'y ai trempé mes pieds et il a fait un brin de lessive pendant que je me frottais avec un gant savonneux. Le ciel est devenu gris, les canards sont partis. Il est 16h43 et il va être temps de monter la tente pour anticiper la pluie.

Moi je n'aurais pas osé 🥶

Demain, grosse randonnée de 1300m de dénivelé positif.

A bientôt ! :)

KM
168

Jour 10 - Dimanche 18 octobre - 17h30

On vous écrit aujourd'hui depuis notre bon gros matelas, à Chapelle-des-Bois. Bon, même si on adore nos petits matelas gonflables, on ne pourrait pas les qualifier de "bons gros matelas".

En fait, on vous écrit actuellement depuis la maison de Dominique, l'employé municipal du village, qui était affairé dans son jardin à notre arrivée à Chapelle-des-Bois aujourd'hui.

Alors qu'il nous saluait à notre passage, nous en avons profité pour lui demander s'il savait où l'on pourrait prendre un verre, et où nous pourrions bivouaquer.

Il nous a indiqué l'adresse du bar, et après quelques secondes de réflexion, nous a proposé de planter la tente dans son jardin.

Après avoir savouré un bon chocolat chaud et une tarte aux myrtilles au bar, nous voilà donc de retour auprès de ce villageois pour bivouaquer devant sa maison. Mais c'est finalement dans sa chambre d'amis que nous allons passer la nuit !

Après l'effort, le réconfort  

(Léa) Je sors de la douche chaude, ma deuxième en 10 jours. La dernière fois, je vous avais laissé.e.s au bord de la Valserine, la rivière bien fraîche dans laquelle nous nous étions plus ou moins lavés. Presque une semaine est passée depuis, six jours de marche dans les "Hauts crêts du Jura", le premier des trois grands tronçons de la Grande Traversée du Jura que nous avons achevé hier aux Rousses. Un tronçon montagneux où se trouvent tous les sommets du Jura, le plus élevé étant le Crêt de la Neige à 1720m. Un tronçon où nous aurions dû voir de superbes panoramas sur le lac Leman et la Chaîne du Mont-blanc, mais la météo en a décidé autrement. En effet, nous avons parcouru ces 148 premiers kilomètres dans un brouillard et un froid quasiment permanents. Vous me direz, on l'a bien cherché, à partir en octobre...

Boue et brouillard au programme de ces dix premiers jours  

On a passé des nuits (très) compliquées (surtout moi) et on ne s'est que très rarement séparés de tout notre attirail d'hiver (triple couche, bonnet, gants etc...). Nous finissons généralement les pique-nique express les mains gelées, et sortir de la tente le matin est toujours le pire moment de la journée. Un jour, Antoine a même dû briser la glace sur un abreuvoir pour pouvoir laver la vaisselle et préparer un thé chaud ! La veille au soir, il avait carrément neigé, mais les premiers flocons n'ont commencé à tomber qu'une fois que nous avons trouvé refuge dans une cabane non gardée, (= un abri à disposition des randonneurs) qui disposait d'un poêle, de bougies et de matelas ! Antoine a coupé du bois à la hâche, on a cuit des coquillettes "4 minutes" en 30 minutes sur le poêle, et on était sacrément heureux de se retrouver là.

Antoine écrit dans l'abri, à la lumière de la bougie 

Mais le brouillard apporte aussi un certain charme, un air de forêt enchantée de conte de fée, et un sentiment d'être seuls au monde. A quelques mètres du Cret de la Neige, alors que nous marchions depuis plusieurs heures avec une visibilité de 10 à 20 mètres, nous avons vu surgir devant nous 5 chamois qui ont traversé le chemin avant de disparaître de nouveau dans la brume. A certains moments, nous nous perdions de vue avant de revoir l'autre apparaître, tel le Yeti dans Tintin au Tibet.

Gare aux loups et aux lynx qui se cachent dans la forêt ! 

Le soir, nous nous réchauffons autour d'un petit plat cuit au réchaud : couscous ou pâtes, et soupe. Depuis quelques jours, nous avons aussi fait le plein de fromage après notre visite à la Ferme de Laisia, une petite ferme de 15 vaches laitières produisant 4 types de fromage de manière traditionnelle : dans un chaudron en cuivre, chauffé au feu de bois. Hugo, le propriétaire, nous a fait visiter la fromagerie et nous en a dit beaucoup sur la vie paysanne et agricole dans le Jura.

A la ferme de Laisia, dégustation de délicieux fromages jurassiens

Nous sommes repartis la tête chargée d'informations et les sacs chargés de pain, de morbier, de tome et de gruyère, qui ont assuré l'essentiel de nos derniers pique-nique puisque nous avons fini le lot de tartinades de sardine que Simon, le frère d'Antoine, nous a rapporté de Bretagne juste avant notre départ (merci encore Simon!). Un soir, à Lelex, nous nous sommes offert un Mont d'or bien chaud qui nous a bien requinqués, tout en commentant le discours de Macron avec les habitués accoudés au bar. Petit soulagement, notre voyage n'est pas impacté !

Oups... Notre régime végétarien vient d'en prendre un sacré coup... Mais tous les produits viennent de producteurs locaux ! 

Et puis, un soir, on a eu droit à une morbiflette. C'était chez Anthony et Anne Sophie, respectivement charpentier et médecin généraliste à La Pesse, un village de 200 habitants. On a eu leur contact par un cousin d'Antoine qui les a connus il y a 10 ans, et ils nous ont ouvert très grand la porte de leur magnifique maison en bois, entièrement construite par Anthony. On y a passé une excellente soirée avec leurs deux enfants, Maélie et Louen, autour d'une morbiflette parfaitement gratinée. Une famille idéale, extrêmement accueillante et chaleureuse et pleine de beaux principes de vie et d'éducation. Passionné par le bois et les chiens de traîneaux, Anthony a passé plusieurs mois au Canada au même endroit et en même temps que le tournage du Dernier trappeur, pendant un raid en chiens de traîneaux de 20 jours. Cet été, la famille a passé une semaine en canoë sur la Dordogne en autosuffisance, avec leurs 4 huskis sur un radeau ! Nous en avons aussi beaucoup appris sur la vie dans un village aussi petit, ce qui tombait bien puisque nous venions de passer l'après midi à dresser une liste de critères pour trouver notre futur village idéal. Et puis pour ne rien gâcher, nous avons pris notre première douche chaude en 6 jours, et merveilleusement bien dormi dans un lit bien douillet ! Anthony et Anne Sophie, merci encore !

Avec Anthony à La Pesse devant la maison qu'il a construite 

Trois jours plus tard, nous voilà donc chez Dominique, chez qui nous avons pris une deuxième douche chaude. Depuis que j'ai commencé à écrire cet article, nous avons partagé une soupe à l'ail et du fromage avec lui, sa fille Maëliss qui est institutrice et en vacances, et son petit fils Eden. Parmi les 3 frères de Maëliss, on trouve aussi le farteur de l'équipe de France de biathlon (coucou Martin Fourcade) et un membre de l'équipe de France de combiné nordique. Une famille de skieurs très chouette, qui connaît le Jura comme sa poche et qui nous a fourni un super accueil : Dominique et Maëliss on vous en remercie !

Avec Dominique et Maëliss autour d'une soupe à l'ail à Chapelle sur Bois 

Demain, nouvelle étape vers Foncine le Haut, pour le deuxième tronçon de la GTJ qui se présente comme très bucolique.

On vous en dit plus très bientôt ! En tout cas, rassurez vous, malgré les petites contraintes météo, on est toujours aussi heureux d'être ici !

Ps : Pour des problèmes de réseau, on n'a pas pu publier cet article hier, nous voici donc lundi matin, on vient d'acheter du comté bio et regardez comme il fait beau !

C'est reparti ! 
KM
250

Jour 14 - Vendredi 23 octobre - 08h45

(Antoine) On aime bien vous écrire depuis un bon lit. Surtout quand il fait moche dehors, et aujourd'hui c'est la grosse pluie.

Et on vous avoue qu'en terme de réseau, de batterie, et de confort bien sûr, c'est quand même plus pratique que sous la tente dans la montagne, quand sortir le bras du sac de couchage relève du plus grand des courages !

Nous sommes arrivés hier soir à Pontarlier, où nous venons d'achever le deuxième tronçon de la GTJ.

Déjà 250Km de parcourus depuis notre départ de Culoz, il y a 14 jours

Nous avons pour la troisième fois pu savourer l'hospitalité jurassienne en étant accueillis par Claire, Denis et leur petit garçon de un an, Louis. Eux-mêmes voyageurs (ils ont notamment parcouru la Route de la Soie de Pontarlier à Pékin en vélo, et sont revenus en Transsibérien), ils ont découvert notre aventure sur Facebook et nous ont invités à faire étape chez eux. Nous avons ainsi pu échanger sur nos voyages respectifs, et sur leur expérience d'accueil d'un migrant irakien pendant deux ans, ce qui nous a particulièrement intéressés en vue de notre prochain séjour à Calais dans une association d'aide aux réfugiés. Comme ils avaient lu sur notre blog que nous avions déjà testé le Mont d'or chaud et la Morbiflette, ils ont eu la gentillesse de nous cuisiner une autre spécialité locale, le rösti (des galettes de pomme de terre et oignons râpés) et de nous faire découvrir l'apéritif Pontarlier et deux vins du Jura. Et comme on aime bien mettre la main à la pâte, on leur a préparé notre spécialité pour le dessert, un banana bread.

Encore une belle soirée autour d'un bon repas jurassien chez Claire et Denis, un couple de voyageurs très accueillant ! 

Ce deuxième tronçon de la GTJ nous a permis de randonner dans des conditions un peu plus sympa. La dernière fois, on vous avait laissés chez Dominique, où nous avons passé la nuit bien au chaud pendant que dehors, il faisait moins 5 ! Mais dès le matin, un grand soleil nous a donné la pêche, et les températures se sont enfin réchauffées, nous permettant de profiter de pauses pique-nique plus longues et de passer des nuits plus confortables sous la tente, même dans des villages réputés très froids comme Mouthe, la "Petite Sibérie".

Entre un spot bivouac au bord de la source du Doubs et un abri sommaire à Foncine le Haut, petites pauses au soleil 

Physiquement aussi, cette deuxième partie était moins exigeante après les journées à plus de 1000m de dénivelé positif sur la première partie. Avec des sacs d'environ 10 et 20kg sur le dos, nous avons apprécié les sentiers en forêt plus roulants ces derniers jours. Léa, sans préparation physique, si ce n'est quelques séances de kiné à Paris pour soigner son mal de dos, ni aucune expérience en trek en autonomie, a d'ailleurs été impressionnante. Malgré les douleurs quotidiennes (dos, jambes, pieds.. ), son mental aurait pu lui faire gravir le Mont Blanc !

En terme de paysages, nous avons admiré les 1000 couleurs d'automne dans les forêts, nous avons aussi découvert de beaux lacs qui donnaient un air de Canada (Bellefontaine, lac de St Point). Nous avons retrouvé plusieurs fois le petit papillon qui nous suit sur notre logo, et nous avons enfin pu profiter d'un véritable panorama en haut du Mont d'Or (malgré de grosses rafales de vent) que nous avons rejoint à travers champs, à la boussole, après nous être un peu égarés...

Comme un air de Québec entre lacs et forêts multicolores. 

Les vaches font également partie de notre quotidien et nous entendons souvent leurs cloches sonner pendant la nuit. Pour produire tout ce bon fromage (à commencer par près de 70 000 tonnes de comté chaque année), les fermes laitières ne manquent pas ! Nous avons d'ailleurs perdu notre dernier face à face avec ces demoiselles. Alors que notre chemin sortait de la forêt pour traverser un pré, où pâturaient de belles Montbéliardes, trois d'entre elles nous barraient clairement la route, nous faisant face. Malgré mes plus beaux efforts de cri de berger pour les faire partir et pouvoir passer, elles nous ont tenu tête, impassibles, et visiblement plus énervée qu'amadouées par mes manœuvres. Ces petites pestes nous ont donc forcés à contourner le champ en coupant à travers la forêt dense, tel Mike Horn en Amazonie. C'est vache.

Les vaches, obstacle imprévu sur notre route

Encore huit jours de trek nous attendent pour rejoindre Mandeure, le long du Doubs.

Aujourd'hui, le temps est à la pluie, heureusement, Denis nous a indiqué sur la carte une petite cabane ouverte côté Suisse où nous pourrions passer la nuit au chaud !

Il paraîtrait même qu'une petite bouteille d'une absinthe locale, parfaite pour se réchauffer en cas de mauvais temps, est cachée dans une petite grotte souterraine à deux pas de cette cabane...

Depuis que j'ai commencé à écrire cet article, nous avons partagé une bonne part de banana bread avec Denis, qui nous a raconté plus en détail leurs aventures sur le Transsibérien, le lac Baikal et leur découverte du régime autoritaire chinois, notamment contre les Ouïghours qui font en ce moment l'actualité pour la répression qu'ils subissent. Il est 11h45 et on attend encore un peu que la pluie se calme, en écoutant un air d'harmonica joué par Denis, avant de reprendre la route.

A très vite !

On continue dans la joie et la bonne humeur ! 😊
KM
394

Jour 22 - Vendredi 30 octobre - 21h05

C'est fait ! 394 kilomètres, 11 000m de dénivelé positif et 20 jours de randonnée : notre Grande Traversée du Jura s'est achevée hier soir à Mandeure (Doubs), sous la pluie, par un sentiment de fierté et de bonheur, et un soulagement d'autant plus grand qu'après les annonces de mercredi soir, on a bien failli devoir renoncer tout près du but.

C'est fait !! Premier trek de Léa, plus long trek d'Antoine... On n'était pas peu fiers à l'arrivée 

Nous vous écrivons finalement depuis la maison d'Yveline et de Philippe, l'oncle d'Antoine qui est venu nous chercher à notre arrivée hier et nous a ramenés chez lui à Grosmagny, à côté de Belfort. On est au chaud, et avant de partir dimanche pour notre lieu de confinement, on en profite pour vous raconter ce dernier tronçon de la GTJ qui nous a menés en 7 jours de Pontarlier à Mandeure.

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La dernière fois, on vous avait laissé.e.s chez Claire et Denis à Pontarlier, et il pleuvait des cordes. En plus de nous offrir une belle saucisse de Morteau à notre départ, ils nous ont donné le meilleur plan que l'on ait eu sur ces 3 semaines : une ferme à trois heures de marche, en Suisse, que son propriétaire laisse ouverte pendant l'hiver pour les randonneurs de passage. Et en effet, après une douzaine de kilomètres sous une pluie battante, trempés jusqu'aux os, on a découvert cette très grande ferme au milieu de nulle part. Quand la porte s'est ouverte, l'euphorie nous a gagnés et ne nous a plus quittés jusqu'à notre départ 24h plus tard.

En regardant la pluie tomber, on a pu sécher nos vêtements au-dessus du poêle, lire, dormir dans un bon lit, manger de la saucisse et du riz, descendre une bouteille de vin et faire des mots fléchés, une vieille habitude prise pendant le confinement. On était complètement coupés du monde, on se croyait dans Into the Wild et c'était un grand moment de bonheur.

Excellente soirée chez un parfait inconnu au milieu de nulle part en Suisse

Les jours suivants se sont suivis et se sont ressemblés : de la pluie, des abris pour la nuit, des kilomètres et des kilomètres de marche. Une espèce de routine s'est installée. Antoine réveillé vers 6h30, moi vers 8h. Sursis de 20 minutes en rangeant l'intérieur de la tente pendant qu'Antoine préparait le thé, qu'on buvait en mangeant des Belvita après que je me sois péniblement extraite de la tente. 30 minutes pour démonter le campement et boucler les sacs à dos, et c'est parti.

Antoine qui lit dans le noir en attendant que je me lève vs moi qui attend avec appréhension dans la tente le moment de me lever

Essoufflement dans les montées, mal aux pieds et gros ralentissement dans les descentes, il n'y a que sur le plat qu'on allait à la même vitesse et qu'on jouait à tout un tas de jeux pour passer le temps : "il ou elle", abécédaires, jeux de géographie (le plus abouti étant de lister tous les départements de France par ordre alphabétique. Ça occupe).

En moyenne, 7 à 8h et 25 à 30km de marche par jour, fin de la journée vers 18h (à la frontale depuis le changement d'heure).

A l'arrivée, on montait la tente ou on s'installait dans l'abri, je m'occupais des matelas et sacs de couchage pendant qu'Antoine préparait une soupe et un couscous. Après le repas, vers 19h, on se réfugiait sous la tente et on lisait avant de nous endormir vers 21h pour des nuits plus ou moins réparatrices et confortables.

On a eu la chance de trouver pas mal d'abris pour passer des nuits au sec ! 

Un soir, Antoine nous a offert une fondue jurassienne au comté dans une auberge bien rustique, où on a manqué de s'endormir devant le poêle, et deux ou trois fois on a pu trouver un bar ouvert pour prendre un verre et rencontrer les autochtones.

Fondue au comté et vin jurassien : après l'effort, le réconfort ! 

Concernant les paysages, on a essentiellement longé le Doubs depuis sa source. On garde un incroyable souvenir du saut du Doubs, impressionnant de puissance suite aux dernières grosses pluies, qui nous a fait penser aux Chutes d'Iguazu (Brésil/Argentine) et nous a offert des panoramas merveilleux. On se serait crus au Québec pendant l'été indien, le paysage était exceptionnel et, pour ne rien gâcher, vide de tout touriste. Car on est vraiment partis sur la fin de saison, et il s'est parfois passé des journées entières sans que l'on voie le moindre humain. Dans les villages, bien souvent des petites stations de ski, tout était fermé pour l'inter-saison et on a trouvé de nombreuses portes closes.

Ces derniers jours, on a beaucoup flirté avec la frontière suisse, et on n'a pas allumé nos téléphones de lundi à mercredi. Quelle ne fut donc pas notre surprise mercredi à 18h en arrivant à Saint Hippolyte et en découvrant que notre cher Président s'apprêtait à s'adresser à la nation ! On n'avait pas passé une très bonne journée, il faisait moche, on n'avait pas pris de douche depuis une semaine, l'étape était de 30km et j'avais décrété que j'en avais marre de marcher.

Moi quand je décide que j'en ai marre de marcher  

On avançait quand même en se remémorant les bons souvenirs du confinement à Santec et en rêvant d'une pizza le soir pour se remonter le moral. Mais en arrivant, trois gamins nous ont escortés jusqu'à des spots de bivouac en nous annonçant "ici on ne va pas avoir de pizzeria, seulement un kebab". Et effectivement, impossible de trouver quoique ce soit d'autre ouvert. Quiconque me connaît dirait "impossible qu'elle soit allée dans un kebab". Et bah... Si. On s'est retrouvés dans le kebab devant une portion de frites, d'une humeur exécrable en regardant CNews relayer en boucle les rumeurs sur un nouveau confinement et les images inutiles dont ils sont friands. A 20h, on s'est traînés sous la pluie pour monter la tente au bord du Doubs, puis on a écouté le discours.

Deux solutions à notre problème : 1) partir se confiner dans nos familles et nous tourner les pouces pendant un mois 2) contacter des lieux qu'on avait prévu de visiter pour voir si on ne pourrait pas aller chez eux et aider des associations ou des agriculteurs.

A ce moment là, il nous restait théoriquement deux jours de randonnée, et il était hors de question de ne pas arriver au panneau final, à Mandeure.

On s'est endormis, et quand je me suis réveillée Antoine avait déjà les yeux grand ouverts et m'a dit : "allez on traîne pas, on appelle des gens". J'étais fatiguée, j'ai presque supplié : "on dort encore juste un petit peu". Après vérification, il était 2h50. Connard.

A 8h, devant un chocolat chaud au bar en mode cellule de crise, on a passé pas mal de coups de fil puis décidé de boucler en une journée les deux dernières étapes. On a donc cavalé jusqu'à 18h pour, enfin, atteindre la fin de cette Grande Traversée. Un grand moment d'émotion !

Entre-temps, nous avons reçu une réponse positive à l'une de nos demandes, et nous sommes hyper contents de passer notre confinement dans un lieu où nous allons pouvoir nous rendre utile. On vous en dit plus très vite. Un seul indice... C'est en Alsace !

Depuis qu'on est arrivés à Grosmagny hier soir, on a super bien mangé grâce aux talents culinaires d'Yveline et de Philippe qui nous régalent de soupes de légumes du jardin, de tarte franc-comtoise (patates, morbier, crème, lardons, oignons, tomates... Que du bon), de choucroute alsacienne et de gâteaux. Nous allons vite reprendre les kilos perdus, mais quel accueil de rois ! Repos aujourd'hui et demain, et on vous dit à très vite pour la suite de nos aventures !

En attendant, bon courage et bon reconfinement à toutes et à tous !