Un Tour de France donc. Ca paraît très simple, mais ça a rarement été fait, et s’il existe des centaines de blogs sur des roadtrips en Amérique latine ou en Asie, difficile de trouver des récits de voyage longue durée en France. L’idée de ce projet est arrivée progressivement, pendant le confinement.
En voyage en Jordanie au moment des fermetures de frontières en série, nous avons eu du mal à trouver un avion pour nous ramener en France, et nous étions en transit à l’aéroport de Dubai lors de l’annonce du confinement général par Emmanuel Macron.
Le mardi 17 mars, nous avons atterri à Roissy à 8h, et le temps de passer récupérer quelques affaires chez nous, nous avons pris le train de 11h57 (soit 3 minutes avant le début du confinement) pour Morlaix, en Bretagne. En fin d’après-midi, nous sommes arrivés à bon port à Santec, petit village de l’ouest du Finistère, où nous allions passer le confinement seuls dans la maison de vacances de la tante et de l’oncle d’Antoine (que nous remercions encore ici au passage). En arrivant, nous nous sommes rendus sur la plage et avons découvert un superbe coucher du soleil à marée basse. Une seule pensée nous est venue en tête : c’était bien la peine de partir en vacances en Jordanie… alors qu’on avait ça à 3h de chez nous.
Je venais alors de démissionner, et Antoine n’envisageait pas de quitter son travail avant avril 2021, au moins. Les plages fermées et l’attestation de déplacement devenue obligatoire, nous avons été pris d’une nouvelle envie de liberté, et donc (lien logique à ce moment-là) de grands voyages. Nous avons donc commencé par projeter un voyage en Asie, éco-responsable tout de même : Paris-Moscou à vélo, Moscou-Pékin en Transsibérien, puis l’Asie du Sud-Est en bus et en randonnée. Pas seulement pour faire du tourisme, mais aussi du wwoofing et du Helpx, du volontariat dans des ONG, et visiter un peu aussi. Et puis bon, on prendrait quand même l’avion au retour.
En chômage partiel à 20% pour mon dernier mois de travail, et confinée dans cette grande maison avec jardin, j’ai eu tout le temps dont j’avais besoin pour faire le point et mettre à plat ce que je voulais faire de ma vie. Et surtout, me renseigner sur les petis gestes écologiques du quotidien, que j’avais déjà pas mal mis en oeuvre depuis ma lecture de “Ca commence par moi” de Julien Vidal au mois d’octobre. J’ai fait le tri dans mes espaces de stockage en ligne, supprimé 9800 de mes 10 000 mails, ouvert un compte au Crédit Coopératif, participé aux formations du collectif #noustoutesorg contre les violences faites aux femmes. Antoine s’est renseigné sur les métiers de guide de montagne et de pompier. On a assisté à une réunion d’information du groupe local de Greenpeace, on y a adhéré, on a commencé à faire des veloutés de fanes de radis, des soupes d’orties, des chips avec des épluchures de patates, on a fait des weekends entiers déconnectés, on a pas mal lu (Julien Moreau, Aurélien Barreau, Sylvain Tesson), on a découvert Imago TV, la “plateforme numérique de la transition” et on a regardé pas mal de reportages.
Une deuxième idée est alors née : créer une sorte de gîte, ou lieu d’accueil, proposant des séjours de reconnexion à la nature, de déconnexion au numérique, des ateliers “à faire soi-même” et des formations sur toutes sortes de sujets touchant à l’écologie. Le lieu : Rhône-Alpes, département à débattre entre la Loire et la Savoie/Haute-Savoie. Antoine a vite été emballé, nous en avons beaucoup parlé, et nous nous sommes rapidement rendus compte qu’à côté de ce projet, le voyage en Asie ne nous motivait plus tant que ça. C’est ainsi que le premier projet a été mis de côté.
Pendant quelques semaines, nous avons alors travaillé sur notre lieu d’accueil, cherché le lieu idéal, établi des rétro-plannings, fait des recherches sur les financements possibles, consulté nos parents et amis. Pour nos anniversaires, les 17 et 18 avril, le père d’Antoine nous a abonnés à Village magazine, une revue racontant des dizaines d’histoires et présentant de multiples ’initiatives écologiques dans les villages et régions de France. Très emballés, nous avons commandé le pack “vivre et travailler à la campagne” de six anciens numéros, et nous avons croulé sous les idées. Permaculture, ouverture d’une gratuiterie, d’un café associatif, transformation de nos fruits et légumes, accueil de classes vertes pour initier les plus jeunes… Au fur et à mesure, on trouvait notre projet bien compliqué quand même, surtout avec nos capacités financières actuelles. Et on s’interrogeait sur la place qu’aurait cette activité dans notre vie personnelle, puisque les lieux de vie et de travail ne seraient pas séparés.
Le 12 mai, le lendemain de la première étape du déconfinement, pendant qu’Antoine partait explorer les alentours à vélo, je suis tombée sur un petit encadré dans Village, au sujet du livre “A la rencontre de la France rurale qui bouge” de Clément Osé. Et l’idée a jailli en une fraction de seconde : mais oui ! Ce qu’on voulait faire en Asie, il suffisait de le faire en France ! Pourquoi partir voyager à l’autre bout du monde, quand en France il y a tant à faire ? En Asie ils ont des réfugiés, des orphelins, des pauvres, des catastrophes naturelles, mais aussi de chouettes initiatives et de beaux projets...
... Et la bonne et mauvaise nouvelle, c’est qu’on a tout ça chez nous.
Nous deux le lendemain du déconfinement, après avoir eu l'idée du Tour de France.C’est ainsi qu’est né le projet de Tour de France des initiatives écologiques et solidaires, dont on a discuté avec grand enthousiasme autour d’une pizza au bord de la plage. Et cette idée ne nous a plus lâchés. Je me suis lancée dans un grand recensement de toutes les initiatives de village, classées par région puis par département. Antoine a pesé le pour et le contre, beaucoup. On a fait des sorties magnifiques dans la limite des 100 kilomètres autorisés, de grandes balades sur le GR, on a vu des plages dignes des Seychelles, on s’est émerveillés sur l’île de Batz, on s’est promenés au milieu des champs de carottes et d’oignons, on s’est régalés des kouign-amman et des kouignettes de Roscoff, on a pêché des bigorneaux, on a admiré des couchers du soleil exceptionnels sur la plage à 10mn de chez nous.
Santec, Ile de Batz, Plougastel, Ile de Sieck... les merveilles de la BretagneEt en rentrant à Paris, Antoine a à son tour décidé de quitter son travail pour se lancer dans cette aventure.
Grand départ le 6 octobre pour un voyage qui, même s’il se déroulera en France, promet d’être aussi riche et excitant que dépaysant !