Le lendemain de Noël 2020, nous quittons l'Alsace pour rejoindre Orléans à vélo via l'Eurovélo 6. Un itinéraire de 800km entrecoupé de séjours dans des fermes.
Janvier 2021
4 semaines
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Bonne année 2021 ! 🎉

(Pour commencer, certain.e.s n'ont pas reçu la dernière notification sur le dernier article de notre séjour en Alsace... Vous le trouverez en cliquant ici).

Nous vous écrivons aujourd'hui de la Ferme des Grands Noyers, en Saône et Loire, où nous sommes arrivés hier soir pour quelques jours de wwoofing après 8 jours de vélo sur l'Eurovélo 6.

Samedi dernier, le lendemain de Noël, nous avons comme prévu pris le grand départ depuis Kingersheim devant une foule en liesse.

Merci Laurence, Jeannine et Yves pour votre présence ! 

A Mulhouse, nous avons récupéré l'Eurovélo 6 au bord du Canal du Rhône au Rhin, direction Montbéliard où nous avons passé notre première nuit à 3km de là où nous avions terminé la Grande Traversée du Jura deux mois plus tôt. En huit jours, nous avons parcouru 478km, dormi 6 fois chez l'habitant et 2 fois sous la tente. Ainsi, la plupart des soirs, on a eu la chance de prendre une douche chaude, de manger un bon repas et de dormir au chaud après des journées souvent éprouvantes, puisque clairement la fin décembre n'est pas la période la plus indiquée pour partir faire du vélo ! Températures entre -5 et 6 degrés, un peu de pluie, pas mal de vent, mais bon quand même rien de trop sérieux nous empêchant de sortir !

Même sur les vélos on garde le style ! 

Bon je ne vais pas vous mentir : la plupart du temps, je me demande ce qui m'est passé par la tête quand j'ai proposé à Antoine de partir faire du vélo en hiver (oui oui c'est moi qui ai eu l'idée alors que je n'ai jamais fait plus de 3 jours de vélo en été), et surtout, surtout, d'insister alors qu'il était carrément sceptique. "Promis je me plaindrai pas ! T'inquiète on se couvrira bien ! Allez quoi, c'est l'aventure ! ". Il a fini par dire oui. Deux semaines plus tard : "J'en peux pluuuuus ! J'ai mal aux fesses ! J'ai froid ! C'est l'enfer ! Ohlalalala y'a une montée !". Mais bon ça va, je garde quand même en général le moral, je progresse, je serre les dents dans les montées, des fois je lâche 2 ou 3 larmes pour me réchauffer les joues et c'est reparti. Le mal au "croupignon" comme dit Antoine (le sien a craqué et depuis ça va mieux) est un mal inévitable et très handicapant mais on est toujours allés au bout des étapes prévues, avant la nuit.

Heureusement, peu de dénivelé le long de l'Eurovélo 6, qui chemine entre les centaines d'écluses du Doubs, puis de la Saône. En revanche, dès qu'on s'éloigne du parcours officiel pour aller dormir chez l'habitant... Ça fait mal aux mollets ! Hier surtout, on s'est rendus compte d'à quel point la France est un pays vallonné, avec un bon dénivelé pour arriver jusqu'à la ferme. Quand c'est dur, quand il pleut ou qu'il vente ou que ça grimpe, aux grands maux les grands remèdes : on récite à tour de rôle les 101 départements et préfectures, et on est désormais franchement incollables. On va donc maintenant passer aux pays d'Afrique et à leurs capitales. Et puis parfois, j'ai beaucoup de chance : une batterie électrique du nom d'Antoine accélère soudain mon vélo dans les moments les plus difficiles !

 L'Eurovélo 6, entre températures négatives et rayons de soleils

Tout ça ne fait pas rêver je vous l'accorde, et vous devez vous demander pourquoi on fait ça, pourquoi on s'impose ça. Mais en fait c'est super bien, on traverse de beaux paysages, on est seuls au monde, on découvre la France à notre rythme, et quand on est contents d'arriver le soir c'est parce qu'on est contents des efforts fournis et de ce que l'on a réussi à faire. Sans effort, pas de réconfort ! Et puis quand j'en ai marre je repense à mon travail à Paris, je me remémore un speech commercial servi à un client par téléphone en imaginant faire ça toute la journée avant de prendre le métro, et ça me fait relativiser direct.

Pour l'hébergement, le réseau Warmshowers dont on vous a parlé dans le dernier article marche super bien, surtout en cette période hivernale où il y a peu de demandes ! On découvre d'autres facettes de la région Bourgogne Franche Comté grâce à nos rencontres avec nos hôtes.

Chez Marie-Claude et Patrick, on a appris plein de choses sur la géographie de la région, et on a pu observer la chouette effraie réfugiée dans le toit grâce à une caméra infrarouge.

Chez Anne et Thibault, on a découvert l'univers de la gendarmerie et le dilemne des gendarmes contraints à donner des contraventions pour tout et n'importe quoi, surtout ces temps-ci, quand eux ont voulu faire ce métier pour aider la population. Grâce à son simulateur de vol ultra précis, Thibault nous a aussi fait voyager quelques minutes sur les lieux de notre rencontre, au village olympique de Rio !

Chez Philippe et Fé, on a pris le temps de découvrir la ville romaine de Besançon grâce à notre guide locale, Fé. On ne savait pas trop à quoi s'attendre à Besançon, mais c'est une très jolie ville (la préfecture du Doubs #25) dont Jules César est tombé amoureux car, comme Rome, c'est une Ville aux Sept Collines. On a aussi pu avoir un débat intéressant avec ce couple pour qui l'écologie n'est pas un vrai problème puisque, selon eux, le progrès amènera forcément une solution.

 Visite guidée avec notre hôte Fé de la jolie ville de Besançon

Chez Bénédicte et Patrick, on était presque comme en famille avec trois petits-enfants adorables à qui j'ai lu des livres toute la soirée pendant que Antoine discutait avec les parents, stéphanois, et les grands-parents qui dans leur jeunesse sont partis avec leurs deux enfants direction Jérusalem... En cariole !

Chez Gilles et ses filles, on a fêté le Nouvel An en se lançant dans une grande bataille de répliques de Harry Potter et en jouant à des jeux de société.

On aime beaucoup dormir sous la tente aussi : on trouve un spot de bivouac dès 16h pour que tout soit monté et le repas (semoule) pris avant la nuit à 17h30. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, on ne s'ennuie pas sous la tente, on lit, on regarde des photos, on grelotte, et on finit par s'endormir ! Un soir, on s'est installés dans un jardin municipal à côté de jeux pour enfants, et des jeunes que l'on imagine avec un scooter, une casquette à l'envers et une veste à capuche sont venus squatter et écouter du rap à dix mètres de notre tente. Heureusement, il y avait couvre feu et température négative et ils ont fini par rentrer.

Le matin, c'est la même histoire que dans le Jura : Antoine au taquet dès 7h et moi dans l'impossibilité physique et mentale de sortir de mon sac de couchage avant 9h. Ça me fait penser à quand j'étais au collège, que mes parents venaient me réveiller 5 fois et que je ne me levais que quand je sentais la crise de nerfs arriver.

Hier, le 2 janvier, la tente et les vélos avaient gelé, oups...

Allez il va être temps d'aller dormir, aujourd'hui on a ramassé 2500 œufs de poule mais on vous garde ça au chaud pour le prochain article !

On vous souhaite en tout cas tout le meilleur pour 2021, moins de masques et plus d'embrassades, moins de confinement et plus d'aventures, de rencontres et d'amour !

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Jour 96 - Mardi 12 janvier

Bonjour à tou.te.s !

Comme promis, un nouvel article pour vous raconter notre expérience de quelques jours à la Ferme des Grands Noyers, où l'on est arrivés après notre première semaine de vélo.

La Ferme des Grands Noyers à Verosvres, en Saône et Loire (Bourgogne) 

Il s'agissait du premier wwoofing de notre Tour de France afin de découvrir le milieu agricole, dans notre démarche de rencontrer des acteurs du monde rural. On vous prévient, on n'était pas là pour jouer à Martine à la ferme : on a tous les deux grandi à la campagne et on sait ce que c'est de vivre entourés de chèvres ou de vaches !

Éric, le propriétaire de la ferme, nous a accueillis aux Grands Noyers, un lieu de vie et un lieu de passage où ses enfants, les nombreux wwoofeurs et un jeune couple de paysans côtoient 40 vaches normandes, six cochons, une vingtaine de chèvres et... 3000 poules!

En cette période de grippe aviaire, les 3000 poules sont temporairement confinées dans ce hangar

Devant un nombre aussi élevé, on pense immédiatement élevage industriel. Et en entrant dans le poulailler, on a une sensation d'étouffement et d'envahissement au milieu des odeurs et des bruits des 3000 poules pondeuses. Pourtant, il faut 40000 poules pour commencer à parler d'élevage intensif : on en est loin. Par ailleurs, 3000 est le nombre maximal retenu pour pouvoir parler d'agriculture biologique. Rien de choquant donc !

Les œufs produits aux Grands Noyers sont bio, comme l'atteste le chiffre 0 que nous avons tamponné sur chaque œuf. Pour rappel, la classification des œufs doit apparaître sur chaque coquille. Il s’agit d’un chiffre devant les lettres FR qui peut aller de 0 à 3 selon les conditions d’élevage des poules.

3 : Poules en cage

Plus de la moitié des poules en France, vivent enfermées dans des cages. Les poules sont tassées à 16 par m2 soit 1 feuille A4 par poule. Les poules ne peuvent donc pas ouvrir leurs ailes sans se gêner. Elles ne verront jamais la lumière du jour et elles ne sortiront pas.

2 : Poules au sol

Les poules sont enfermées dans des bâtiments, elles ont moins de 2 feuilles A4 pour vivre (9 poules au m2). Elles ne sortent jamais à l’extérieur et ne connaissent pas la lumière du jour.

1 : Poules en plein air

Les poules doivent avoir accès à un espace de plein air. L’espace intérieur reste restreint à 9 poules au m2 mais l’espace extérieur, plus vaste est de 4-5m²/poule. Il permet alors aux pondeuses de mener une vie adaptée aux besoins de leur espèce : gratter le sol pour chercher sa nourriture, sa baigner,... et profiter de la lumière du jour.

0 : œufs Bio

Les poules pondant des œufs Bio sont élevées dans les mêmes conditions que les poules de plein air avec quelques différences. Par exemple, l’espace intérieur est de 6 poules au m2 au lieu de 9 et l’espace de plein air doit être accessible pendant au moins un tiers de leur vie. Les colorants de synthèse visant à modifier la coloration du jaune d’œuf sont proscrits. Et à cela s'ajoutent tous les critères liés à l'environnement et à l'alimentation des poules (les poules bio mangent bio à minimum 90%, soit plus que beaucoup d'être humains !)

Mieux vaut donc n'acheter que du 0 ou du 1! Heureusement, les modes de production alternatifs à la cage sont en forte progression ces dernières années. Parmi eux, l’agriculture biologique est très présente sur le marché et a été le mode d’élevage en plein air qui s’est développé le plus fortement. En 2018, en grande distribution, 28 % des œufs achetés étaient bio.

Bien que le recul des élevages de poules en cages s’accélère, la part des poules pondeuses élevées en code 3 représente tout de même encore plus de la moitié des effectifs français. Quant au nombre de poules pondeuses bio en France, il a plus que doublé entre 2007 et 2016. En 2018, il représente presque 14% des effectifs de poules pondeuses.

Notre mission principale a été le ramassage des quelques 2500 œufs pondus chaque jour. Contrairement à ce que j'imaginais naïvement, on n'a pas fait le tour du poulailler avec un panier en osier. La solution est bien plus simple... Un tapis roulant ! En effet, les pondoirs sont situés sur les bords d'un tapis et il suffit d'appuyer sur le bouton pour que les œufs viennent à nous. Efficace, même si moins typique. Le ramassage prend tout de même une bonne heure et demi, les œufs sont à trier et ranger dans des alvéoles de couleurs différents en fonction de la taille et de l'état des œufs et de leurs destinataires (clients directs, Amap, boulangers, commerces). On a ensuite une sympathique odeur sur les doigts qui nécessite plusieurs lavages de main.

Le tapis roulant, le tampon et la calibreuse, qui permet un dernier tri des œufs en fonction de leur taille. 

On a également participé à la traite des vaches et à leur alimentation, Antoine maniant la griffe télécommandée pour répartir le foin avec une grande dextérité. Et on a fait du beurre - j'ai encore des courbatures aux pouces d'avoir autant appuyé sur le beurre pour le mouler !

Le processus est semi automatisé : on ne trait pas à la main mais on transporte le lait dans des bidons traditionnels 

Quelques jours avant notre arrivée, un feu s'est déclenché dans l'habitation de Mathilde et Florent, le couple de paysans qui s'est installé il y a quelques mois pour lancer l'élevage caprin. Leur appartement a été ravagé, ainsi que le cellier où sont conservées des centaines de conserves élaborées avec les fruits et légumes de la ferme. Malgré cela, tout le monde était d'un grand optimisme, cherchant comment tirer le meilleur de cette situation. Une belle leçon de vie : le confort matériel est secondaire, le plus important étant d'être en bonne santé et bien entouré !

Merci Éric et Flo pour votre accueil et votre générosité aux Grands Noyers ! 

Après cette première expérience en exploitation agricole bio, on a repris nos vélos pour une journée seulement (bien bien vallonnée tout de même) direction Terre Amoureuse, un lieu d'accueil et de production écologique et solidaire situé tout au sud de la Saône et Loire (à 20km de Roanne). On y est actuellement pour un wwoofing plus long de 2 semaines, dans un cadre bien différent.

Vie familiale, séchage de pommes et réflexions profondes sur la vie... On vous raconte tout ça dans le prochain article !

On reste encore ici une semaine, et ensuite on reprendra la route vers Orléans. C'est le plan en tout cas mais on avoue que l'ombre du troisième confinement plane sur le projet. On cherche donc activement un éventuel endroit où se confiner tout en étant utiles, de préférence dans la partie nord de la France. Toute idée sera la bienvenue !

A bientôt 😊

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Bien le bonjour de Terre Amoureuse, l'entreprise agricole d'Anne Sophie et Florent où nous clôturons un superbe séjour de 2 semaines !

On y a été accueillis comme en famille par ce couple et ses deux enfants, Lohan, 12 ans, et Nahia, 7 ans.

Terre Amoureuse à Mailly, Saône et Loire, Bourgogne Franche-Comté 

Terre Amoureuse est une ferme agro-écologique, un lieu d'accueil et de production et une entreprise de l'économie sociale et solidaire qui comporte 3 activités principales.

La première est l'accueil en chambre d'hôtes et en yourte, et même si nous n'avons pas pu voir cet aspect de leur activité, nous avons eu la chance de dormir dans l'une des chambres d'hôtes -un grand luxe pour du wwoofing- et de manger chaque jours d'excellents plats préparés avec les fruits et légumes du jardin.

Un potager 100% bio pour nourrir la famille, les hôtes et les wwoofers 

La seconde activité est la production et la transformation de fruits séchés. A partir des fruits de leur verger (pommes, poires, prunes, cerises), ils ramassent des centaines de kilos de fruits qu'ils coupent, sèchent et mélangent dans des pots en verre - des "Pots Ethiques". Intitulés "joie", "amour", "douceur" ou encore "gratitude", ces mélanges connaissent un joli succès en vente directe et dans les marchés de la région.

En ce moment, c'est la saison des pommes et nous sommes mis à contribution pour couper et sécher les 800kg de pommes ramassées cet automne. Pour cela, on utilise un pèle-pommes qui permet d'obtenir de jolies torsades de pommes, qu'on recoupe et qu'on place ensuite sur des plaques dans de grands séchoirs pendant 48h. C'est un travail assez répétitif mais qui nous a permis de passer des heures à écouter des podcasts et surtout à discuter avec nos hôtes.

Les pommes séchées sont mises sous vide dans des bocaux et seront mélangées aux autres fruits pour former les Pots Ethiques. 

Anne-Sophie et Florent ont, comme nous, beaucoup voyagé puis vécu à Paris avant de se poser des questions existentielles, comme nous, avant d'acheter une "ruine" à la campagne et de la retaper en éco-construction, comme nous peut-être dans quelques années.

Ils ont tous les deux une expérience très riche auprès des minorités ethniques, au Pérou et en Thaïlande pour lui, dans plusieurs pays d'Afrique pour elle. Ils en ont gardé les valeurs de la solidarité et de l'hospitalité, qu'ils ont mises à profit pour développer la troisième activité de leur entreprise : l'accueil social. Cela consiste à recevoir régulièrement, pour quelques jours ou quelques semaines, des jeunes mineur.e.s placé.e.s en foyer pour leur offrir une période de déconnexion et de ressourcement. Ainsi, lors de notre premier week-end, M., bientôt 18 ans, était présent en Terre Amoureuse. Puis pendant toute une semaine, la famille a accueilli S., une jeune fille franco-tunisienne de 13 ans balottée de foyer en foyer depuis ses 11 ans suite à une histoire familiale très compliquée.

Le Brionnais, un endroit idéal pour se ressourcer

Antoine et moi, on avait déjà envisagé une activité de famille d'accueil (accueillir des jeunes sur des séjours plus longs) et nous avons eu la chance ici de découvrir la réalité des choses. Ce type d'accueil social est mis en place par le réseau Accueil Paysan (association loi 1901 composée d’agriculteurs et d’acteurs ruraux, engagés en faveur d’une agriculture paysanne et d’un tourisme durable, équitable et solidaire). Cette expérience a été extrêmement enrichissante, d'abord en écoutant et en discutant avec S., qui a la "tchatche", ensuite en voyant la façon dont Anne-Sophie et Florent géraient la situation et notamment les moments compliqués. Alors qu'au bout de 2 jours, S. voulait absolument que son éducateur revienne la chercher, ils ont réussi à la reconnecter à ses origines et à lui redonner confiance via un thème universel - la cuisine - en lui faisant préparer un couscous. Demander la recette à sa famille en Tunisie, traduire la liste des ingrédients puis préparer le couscous avec Florent avant de nous le servir, puis recevoir des applaudissements et des remerciements : un simple couscous a opéré comme un petit miracle et elle n'a plus parlé une seule fois de rentrer dans son foyer, alors que la veille je n'aurais pas parié un centime qu'elle resterait.

S., comme je le disais, a une histoire difficile qui l'a faite se confronter très tôt à la drogue, à l'argent facile et à la violence. Difficile de rester impassible en l'écoutant parler - dans un langage pas des plus soutenus - de ses fugues, de ses soirées et de ses "projets d'avenir" comme si tout allait de soi et comme s'il était normal qu'une gamine de 13 ans préfère "l'école de la rue" à l'école "républicaine". Ici, n'importe quelle activité banale est considérée comme un petit succès : l'emmener en balade, lui faire porter une salopette de travail au lieu de ses vêtements de marque, de ses faux ongles et de son maquillage outrancier et même la faire se défouler en... Tronçonnant du bois!

Antoine, S. Et Florent après avoir coupé un saule 

S. a de son propre aveu passé un bon séjour ici. Mais on ne peut s'empêcher de penser à son retour à son foyer... Dès ce soir, elle s'échappera probablement pour une soirée qui ressemblera à tout sauf à une soirée pyjama entre adolescentes, elle fréquentera de nouveau des personnes néfastes et il nous semble pratiquement inévitable qu'elle connaîtra quelques déboires avec la justice, si ce n'est pire. C'est hyper dur à envisager. Même si Anne Sophie et Florent ont fait un travail remarquable pour lui faire dire les choses et lui faire se poser les bonnes questions, ce n'est pas un séjour d'une semaine à la campagne qui va la changer, et on a l'impression que les foyers de l'Aide Sociale à l'Enfance sont parfois plus néfastes que bénéfiques, l'accompagnement nous semblant pas toujours bien adapté pour certains et les jeunes se tirant mutuellement vers le bas. A voir si l'on sera capables nous aussi d'offrir des parenthèses à ces jeunes en difficulté, ou si la frustration l'emportera...

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Malgré ces points pas très joyeux, le séjour a été super agréable et même si nous avons coupé beauuuucoup de pommes (et presque chopé une tendinite), on a également pu participer à d'autres activités dans le jardin ou dans les champs. On a ainsi appris à cultiver les endives (dans des seaux pleins de terre... dans la cave !), à trier des graines de mesclun pour préparer des semences, à recouvrir les chemins de copeaux de bois issus d'un arbre que l'on a coupé, et aussi à préparer pas mal de gâteaux car il fallait passer les pommes !!

On a aussi fait une mini transhumance en montant les 25 brebis dans un pré plus haut dans le village, et c'était rigolo de voir Nahia, 7 ans, courir derrière les bêtes et leur taper les fesses en criant "allez ma belle ! Allez !" pour les faire avancer.

Un séjour hyper instructif et joyeux donc, et on remercie du fond du cœur Anne-Sophie, Florent, Lohan et Nahia pour leur accueil, leur écoute, leurs nombreux conseils et leur partage d'expérience. Une belle source d'inspiration pour nos futurs projets !

Avec toute notre gratitude pour la famille de Terre Amoureuse 🥰🍏
"Vous avez beau dire, y'a pas seulement que d'la pomme" 

Départ pour nous demain, on reprend les vélos le long de la Loire direction Orléans où l'on devrait arriver dans quelques jours.

Bonne semaine à vous ! 😊

 C'est reparti ! 
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Bonjour à toutes et à tous !

Nous voici à Orléans, où nous clôturons la troisième étape de notre Tour de France, après la Grande Traversée du Jura en octobre puis le confinement en Alsace en novembre et décembre.

Un mois jour pour jour après notre départ de Kingersheim, le 26 décembre, nous sommes arrivés à Orléans après 882km sur l'Eurovélo 6 et deux détours wwoofing à la Ferme des Grands Noyers et en Terre Amoureuse.

Après ce dernier séjour à couper des pommes et découvrir l'accueil social, nous avons repris les vélos pour descendre la Loire.

 A notre départ de Terre Amoureuse, jeudi dernier

Des paysages assez peu intéressants, surtout sur la partie entre Paray le Monial et Nevers où on a surtout roulé sur des "autoroutes à vélo". Les bords de Loire ont l'avantage d'être très plats, mais du coup cela implique une certaine monotonie. Le premier jour, on a roulé tellement vite (un peu de vent dans le dos peut-être) qu'on a pu faire 90km sans trop se fatiguer jusqu'au joli petit village de Bourbon Lancy, où nous avions trouvé un Warmshowers (pour rappel, un logement chez l'habitant spécial cyclistes).

 Des détournements originaux de vélos dans le joli village de Bourbon Lancy

Nicolas, vétérinaire spécialisé dans les bovins, avait laissé la maison ouverte et nous avons pu nous poser une bonne heure avant qu'il revienne du travail et nous apprenne à faire des tagliatelles maison. Des discussions intéressantes sur la valeur de l'argent et la médecine à destination des animaux puisque Nicolas cherche d'année en année à réduire son chiffre d'affaires, en prescrivant le moins d'antibiotiques possible... Dans le sens inverse de ce que font bon nombre de vétos... Et pourtant cela nous paraît tellement sensé ! Merci Nicolas pour ton accueil!

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Il y avait assez peu d'alternatives écologiques ou solidaires à visiter sur la route, mais nous avons quand même pu le lendemain passer quelques heures à Eotopia, un écolieu fondé par Benjamin Lesage, l'auteur de Sans un sou un poche.

"Vivre fauché mais vivre libre..." 💪

On a frappé à la porte, deux garçons nous ont ouvert, et avant même de savoir qui on était ou ce que l'on voulait, ils nous ont gratifié d'un immense sourire et... d'un gros câlin. Autour d'une infusion, ils nous ont expliqué le fonctionnement et la valeur fondamentale de ce lieu alternatif : la liberté. Chacun.e fait ce qu'il ou elle veut, contribue à sa manière, rien n'est imposé, personne ne doit rendre de comptes à personne. Leur objectif étant de vivre avec un minimum d'argent, ils font les poubelles des grandes surfaces pour récupérer les invendus alimentaires et s'équipent chez Emmaüs. Ils organisent des festivals, des rencontres LGBTQ, des ateliers yoga, hébergent les visiteurs de passage dans de vieilles caravanes dispersées sur leur immense terrain. A Eotopia, on dort tard, on lit, on joue du piano, on cultive les légumes dans le jardin collectif, on oublie les gestes sanitaires, on fume uniquement en dehors de la propriété et on prend un seul repas vegan en commun, à 17h. Seulement 5 personnes y sont résidentes permanentes, mais les visiteurs, français ou étrangers peuvent y rester une heure comme un mois ou toute une vie, et faire de leur passage un moment de ressourcement ou un nouveau mode de vie. Eotopia, un dérivé du terme Utopie... En deux heures, on a eu du mal à voir le revers de la médaille, même s'il y a forcément des inconvénients à ce mode de vie sans contrainte et sans argent. Cela pose aussi la question des aides sociales pour compléter l'économie du don, du financement de l'essence et de la voiture pour aller au supermarché etc... Un débat compliqué entre profiter du système et développer une alternative utile à la société. Pour celles et ceux qui souhaitent en savoir plus, un article sur ce lien.

Mais à part qu'il faisait bien bien froid et que ce n'était pas un temple de la propreté, on doit avouer que cette vie faite de liberté, de sobriété et de chaleur humaine faisait plaisir à voir.

Le petit luxe d'Eotopia : une magnifique yourte cachée au fond des bois  

On a d'ailleurs été tentés d'y rester quelques temps, mais on a repris les vélos sous une pluie battante pour retrouver le lendemain ma soeur, Lucie, à Nevers. Le soir, on a dormi par terre dans le vestiaire méga crade d'un club de foot, mais c'était toujours mieux que monter la tente sous la pluie.

 J'étais en train d'éternuer 🙈

Le lendemain on a pour la première fois loué un appartement sur Airbnb afin de profiter des retrouvailles avec Lucie, de faire sécher nos vêtements, de cuisiner et de faire une grasse mat. En arrivant en ville, on a traversé la rue commerçante et apparemment on faisait tellement peine à voir, trempés sur nos vélos, que j'ai reçu des encouragements de la part d'un... SDF 😧 On a assez peu visité Nevers puisque de toute façon tout était fermé, mais on a pu se régaler avec une bonne raclette et nos célèbres burgers végétariens champignon/saint nectaire/confit d'oignon et frites de patates douces.

 Petite pause churros dans la rue commerçante de Nevers, après la sieste 

En quittant Nevers dimanche à 16h, on a eu la chance d'éviter les flocons de neige durant les 15km qui nous séparaient de notre prochain Warmshowers. On est tombés sur une famille hyper accueillante dont l'unique soucis était de nous faire nous sentir comme chez nous. Et, chose très appréciable et pas si courante, ils ont compris l'importance de prendre une douche avant de nous poser pour l'apéro, et de nous coucher pas trop tard pour être frais le lendemain. On remercie ici vivement Yannick, Valérie et leurs deux garçons pour leur accueil chaleureux, la pile de crêpes, le petit déjeuner copieux et l'aide pour l'entretien des vélos !

On a clairement amélioré notre rythme de croisière puisque le lendemain, on a terminé notre étape de 70km à 15h. En plantant la tente dans un jardin municipal, on a du coup décidé de boucler les deux dernières étapes en une seule journée. Objectifs : 1/ éviter la grosse journée de pluie prévue le mercredi 2/ arriver à Orléans avant un potentiel confinement.

 15h... L'heure normale pour se coucher quand on fait du vélo en hiver

Du coup, hier, lever 7h30, la tente était gelée ainsi que le cadenas des vélos qu'on a mis 20mn à ouvrir avec l'aide d'un dégrippant prêté par un dépanneur tombé du ciel, qui nous a un peu pris pour des fous en voyant notre fraîche habitation. Il a eu pitié de nous et a insisté pour nous donner son briquet (?), comme quoi on en aurait plus besoin que lui. On n'était pourtant pas malheureux, et pour la première fois, j'ai même eu chaud en m'endormant. J'ai même pu enlever ma deuxième paire de chaussettes et ma polaire ! Les victoires du quotidien...

Quand la nuit a été fraîche  

Bref, départ à 9h pétantes pour une arrivée à 18h04 à Orléans. La journée a été dure, 115km dans un froid mordant et je n'avais pas du tout de jambes. Antoine a dû jouer le rôle de la batterie un bon nombre de fois et accepter une mini-pause tous les dix kilomètres, nécessaire à mon mental. En entrant dans le Loiret, les paysages étaient un peu plus sympas que les jours précédents : quelques jolis châteaux, un fleuve glacé, des faons, des cygnes, quelques passages en forêt.

De la Saône et Loire au Loiret en passant par l'Allier, le Cher et la Nièvre 

Un grand sourire a illuminé mon visage en apercevant au loin les tours de la Cathédrale d'Orléans. Quelques kilomètres plus tard, on a posé nos vélos devant chez Simon, le frère d'Antoine, super heureux d'avoir réalisé cet EuroVelo 6 malgré les conditions météo, mais quand même fourbus et bien contents d'arriver !

Grosse déception, il n'y avait pas de panneau à l'entrée de la ville

Aujourd'hui c'était grasse mat et journée tranquille avant la reprise du programme demain. On vous en dira plus très vite, mais pour le moment on laisse les vélos au garage !

Comme tout le monde, on attend avec impatience les annonces du gouvernement pour savoir à quoi nous en tenir, et on ne sait pas vraiment de quoi février sera fait.

Affaire à suivre... 😊

 1484km parcourus, principalement à pied et à vélo, depuis le départ de notre Tour de France !