Pendant deux semaines, nous avons rayonné autour d'Orléans à la découverte d'alternatives : éducation, solidarité, alimentation, il y en a pour tous les goûts !
Février 2021
2 semaines
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Nous revoilà !

Après ce mois de vélo entrecoupé de séjours en wwoofing, on s'est un peu calmés ces derniers jours. On est posés chez Simon et ses super colocs, avec qui on goûte aux joies des soirées raclette/jeux de société.

Mais bon on ne s'est pas tourné les pouces pour autant !

Dès le surlendemain de notre arrivée à Orléans, on est partis à 30km de là pour visiter l'école Upaya, une école démocratique alternative où l'on a passé 3 jours en compagnie d'une équipe formidable, que l'on remercie pour son accueil!

C'est une maman d'élève qui nous y a amenés et qui nous en a donné une première vision d'ensemble : selon elle, l'école républicaine est inadaptée à la plupart des élèves et les force à rentrer dans un moule, il est donc essentiel de créer des écoles alternatives pour prendre davantage en considération les besoins des enfants, respecter leurs individualités et leur offrir un espace de liberté de choix et d'expression.

A Upaya, on ne parle pas d'élèves mais d'enfants, on ne parle pas de professeurs mais de facilitateurs d'apprentissage, on établit ensemble le programme de la journée, on vote les règles communes à main levée après un débat démocratique et, bien sûr, on n'a pas de devoirs ni de notes. Les maths et le français sont secondaires face aux "projets personnels" (jonglage, couture, journalisme...) que les enfants organisent par eux-même.

A Upaya, l'environnement est très naturel et les enfants naviguent à leur guise entre la grande yourte pour les "cours" et les jeux, le tipi pour le goûter et les champs pour jouer, faire un footing ou encore construire le nouveau compost. Upaya, concrètement, ce sont environ 20 enfants de 3 à 14 ans, qui peuvent être présents à temps plein, mi temps ou quart temps, et dont les parents déboursent 400€ par mois pour leur assurer une meilleure éducation. Éducation assurée par deux "facilitatrices" qui n'ont pas pour mission de tout savoir et de tout transmettre, mais d'aider les enfants à trouver par eux-mêmes les moyens d'apprendre ce qu'ils veulent apprendre.

Antoine et moi sommes tous les deux des purs produits de l'éducation nationale, tous les deux enfants, frère et sœur de profs. On a pourtant vécu les choses très différemment, et devant l'impossibilité d'écrire un article consensuel, on a décidé d'en écrire une partie chacun.

On commence par moi, pour Antoine c'est un peu plus bas :)

La yourte et la "cour de récréation" des enfants
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Je ne savais pas à quoi m'attendre en arrivant de bon matin dans la yourte où, comme partout j'imagine, parents et enfants avaient du mal à se séparer. Après avoir formé un cercle pour se dire bonjour, partager son humeur du matin et établir un planning assez vague de la journée, chacun.e a vaqué à ses occupations. Pour les petits, on était dans de la périscolaire (lire des histoires et faire des puzzles), pendant que les grands s'adonnaient à leurs projets respectifs : pour l'une, apprendre à jongler et aider sa copine dans son projet de journalisme (poser des questions aux enfants et faire une vidéo pour le blog de l'école). Quant aux garçons, studieux dans la caravane, ils ont bossé sur les camps d'internement du Loiret pendant la seconde guerre mondiale et planifié la venue de spécialistes.

A l'intérieur de la yourte 

Le midi, chaque enfant mange ce qu'il ou elle a ramené de la maison, et chaque grand aide un petit à réchauffer son plat et à s'installer. L'après-midi, l'heure était au conseil d'école : assis en cercle, les grands et les moins grands ont débattu de propositions de règles de vie commune déposées dans une boîte prévue à cet effet. Après débat, l'autorisation de jouer au cheval dans la yourte n'a pas été retenue. Une personne = une voix, adulte comme enfant, et les facilitatrices n'ont pas vocation à imposer de règlement, mais à faire réfléchir les enfants à ce qui est le mieux pour eux.

Ensuite, les enfants se sont défoulés à l'extérieur pendant qu'un adulte, compagnon de l'une des "maîtresses", papa de deux des "élèves", préparait sous le tipi des pancakes au feu de bois qui ont été dégustés en toute convivialité en attendant l'heure des parents.

J'avoue que c'était bien sympa le goûter pancakes dans le tipi! 

Pour cette première journée donc, aucune des matières classiques de l'école traditionnelle n'était au programme et le mot d'ordre était plutôt "faites ce qu'il vous plaît".

Nous avons passé une bonne nuit dans nos sacs de couchage au milieu de la salle de classe avant d'attaquer une nouvelle journée le lendemain. Cette fois-ci, Antoine s'est attelé à la fabrication d'un compost pour les toilettes sèches, aidé de petit.e.s jardinièr.e.s armé.e.s de brouettes. Quant à moi, j'ai profité d'un soudain intérêt des grands pour les maths pour les aider là dessus (enfin... Jusqu'à ce que j'échoue à poser une division euclidienne, à mon grand embarras, et que je sois obligée de convenir, pour répondre à la question de la jeune fille, que cela ne m'avait jamais servi dans la vie).

 Quand je pensais savoir faire une division, et en fait pas du tout 

Les grands ont aussi décidé d'apprendre les langues sur Duolingo, l'anglais pour l'une qui veut devenir hôtesse de l'air, l'espagnol pour l'autre qui veut partir en voyage en Espagne avec ses parents. Je leur ai ensuite partagé le jeu traditionnel de mes parents à l'heure du coucher quand j'avais 10 ans : trouver les pays sur le planisphère accroché au-dessus de mon lit. Ça a eu son petit succès et ils ont pu apprendre des pays, continents, villes et régions en s'amusant.

La journée s'est finie avec la réalisation des tâches par binome grand/petit : nettoyer les toilettes sèches, ranger la caravane, vider le compost...

On a aussi pu regarder Gabriel, le boulanger nouvellement installé, mettre ses pains dans le four qu'il a fabriqué lui-même.  

De retour dans la yourte pour passer la nuit, après avoir longuement discuté avec des parents et avec l'équipe d'Upaya, l'heure était au bilan, et j'avoue que ces deux jours ont donné à réfléchir.

Je pense effectivement que l'école républicaine est loin d'être parfaite, même si en ce qui me concerne elle m'a parfaitement convenu. Elle m'a apporté un cadre, un programme scolaire conçu par des spécialistes, un enseignement apporté par des personnes formées pour ça, même si chaque professeur ne se vaut pas.

Une école démocratique ne m'aurait pas apporté un cadre et une rigueur suffisants et je pense que le niveau scolaire est globalement inférieur à celui attendu dans les écoles "républicaines" , comme dirait ce bon vieux Blanquer. Par ailleurs, je trouve que même s'il est louable et présente ses avantages, ce modèle basé sur la liberté et l'autonomie ne prépare pas à la vraie vie. Car la vie, à un moment ou à un autre, apporte son lot de contraintes, d'obligations, de loyers à payer, de deadlines à respecter, de rendez-vous à honorer, que ce soit à l'échelle professionnelle ou personnelle. Et je dis ça même si j'ai tout plaqué pour faire mon tour de France et que je vis ma vie plutôt très librement.

Mais je dois aussi reconnaître que l'école ne fait pas tout et que ma réussite scolaire est largement due à mes parents, tous deux profs d'histoire, J'ai eu la chance qu'ils s'investissent beaucoup dans ma scolarité et qu'ils complètent le programme de l'éducation nationale par une éducation à la maison ludique, qui m'a permis d'apprendre des tas de choses sans même que je m'en rende compte : faire des maths en randonnée, découvrir la peinture dans un CD-ROM du musée du Louvre ou dans un jeu des sept familles, faire un jeu de piste culturel pour découvrir la destination des prochaines vacances, écouter ma mère parler histoire et architecture dans les églises, apprendre la musique avec mon père .. Les exemples sont infinis et, d'une certaine façon, se rapprochent de l'enseignement de l'école démocratique : apprendre en s'amusant. Ce type d'école permet aussi, je pense, de développer de meilleurs rapports entre les enfants, davantage de respect, d'autonomie et d'entraide, bien loin des moqueries et du harcèlement dont on entend de plus en plus parler au collège. Mais ce sont également des valeurs qui devraient dans l'idéal être transmises par la famille...

Bref... Allez, c'est au tour d'Antoine :)

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Ancien entraîneur de basket et étudiant en STAPS ("Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives") j'ai tout de suite pu remarquer la "débrouillardise" et les qualités "motrices" de ces enfants, qui passent en effet beaucoup de temps dehors à courir, faire du vélo ou des jeux en forêt.

Dans cette période de confinement et couvre-feu, passer autant de temps dans la nature est un privilège offert à ces enfants. Les voir sauter dans les flaques, jouer à la cuisine avec de la boue, prendre les pelles pour m'aider à construire un compost... me rassure face notre société où l'on est hors la loi quand on met le nez dehors après 18h, où l'on serait apparement bien plus en sécurité bien au chaud les yeux rivés sur un écran assis dans un canapé...

Pour moi, cette école alternative permet à l'enfant d'apprendre par intérêt et par passion plutôt que par contrainte, ce qui est plus sympa et bien souvent plus efficace !

Ici on ne travaille pas par matière mais par projet. Ainsi, au lieu du combo dictée-exercices de maths, les enfants travaillent sur leur "projets personnels", qui correspondent à leurs passions ou centres d'intérêt du moment. Un enfant qui veut apprendre la couture va par exemple devoir contacter un.e couturier.ère (rédaction de mails, appel téléphonique...), organiser une vente de gâteaux pour financer les cours de couture (cuisine pour préparer les gâteaux, mathématiques pour compter la caisse)... et donc apprendre sans même s'en rendre compte ! Un jeune de l'école Upaya sera peut être moins calé sur Pythagore qu'un enfant de l'école conventionnelle, mais pourra par exemple lui apprendre à utiliser un appareil photo ou à faire un feu de camp !

Il pourra aussi lui apprendre la démocratie puisque au lieu d'étudier dans des cahiers la démocratie pendant la Grèce antique, ils vivent déjà cela en ayant chacun une voix lors du conseil de l'école hebdomadaire pour voter les nouvelles règles. Ils débattent, argumentent (plus ou moins bien selon l'âge...) gèrent des désaccords, parfois des conflits... Pour moi, c'est cela la préparation à la "vraie vie".

Autre avantage, si le cadre est plus large et l'enfant est plus libre à Upaya (j'étais par exemple surpris de voir un enfant de 4 ans sortir de la yourte sans être suivi et "surveillé" par un adulte !), il y a en fait une forte présence d'adultes. Upaya propose environ 1 adulte pour 6 enfants, quand il y a un enseignant pour 19,4 élèves en moyenne dans l'éducation nationale. Une différence significative qui ne peut pas permettre d'apporter autant d'attention à chaque enfant dans l'école conventionnelle. L'enseignant doit faire avancer le groupe en suivant un programme précis, en perdant souvent les enfants plus "lents", tout en ennuyant ceux qui seraient plus "rapides" (malgré tous leurs efforts !). À Upaya, chaque enfant peut avancer à son rythme car les enfants sont plus autonomes et les adultes plus disponibles.

Source : education.gouv.fr/l-education-nationale-en-chiffres-2019

Principal point négatif pour moi : le coût financier et la non connaissance des ces alternatives par beaucoup de parents, qui engendre un manque de diversité parmi les enfants, ce que j'ai eu la chance de connaître dans mon école à Rozier, et qui est à mon sens une grande richesse.

Avec Léa, on se dit au final que chaque enfant est différent et qu'il est bien d'avoir plusieurs options, plus ou moins bien adaptées selon le caractère et la personnalité de l'enfant.

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Voilà voilà, on pourrait en discuter pendant des heures mais je pense qu'on a fait suffisamment long pour aujourd'hui ! On s'arrête là pour la partie école, mais Upaya c'est bien plus qu'une école ! On vous raconte ça très vite.

Merci à toute l'équipe d'Upaya pour leur accueil et ces deux journées très enrichissantes ! 

Et vous ? Plutôt école traditionnelle ou école démocratique ? 😊

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Il y a quelques jours, on vous racontait notre découverte de l'école démocratique Upaya.

Mais Upaya, c'est également un ecolieu développé par une poignée de familles et notamment par Nicolas, ancien pompier en reconversion. Un seul mot pour définir Nicolas : la bienveillance. Apaisant, rassurant, et incroyablement généreux et bienveillant. Passionné d'arts martiaux, il se forme dans tout un tas de choses, et particulièrement dans tout ce qui touche aux arts énergétiques, aux pratiques spirituelles et à la communication non violente. À ce titre, il nous a très gentiment invités à l'initiation qu'il animait le samedi dans la yourte, proposition que nous avons acceptée avec grand intérêt.

Je cite Wikipedia pour vous présenter brièvement la Communication non violente (CNV) : il s'agit d'un processus de communication élaboré par Marshall B. Rosenberg. Selon son auteur, ce sont « le langage et les interactions qui renforcent notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer aux autres le désir d'en faire autant ». L'empathie est au cœur de la CNV. L'expression « non violente » est une référence au mouvement de Gandhi et signifie ici le fait de communiquer avec l'autre sans lui nuire.

Première partie d'une conférence de 3h par Marshall Rosenberg portant sur la Communication non violente 

Nous avons eu envie de vous partager quelques points que nous avons appris au cours de cette journée très intense - nous avons repris les illustrations sur le site cnv-apprentiegirafe.blogspot.com

Apprentie girafe ? Oui, ce jour-là, nous étions tous des apprenties girafes, nous a expliqué Nicolas qui, pour illustrer l'application de la démarche CNV, reprend la métaphore de la girafe et du chacal développée par Rosenberg.

La girafe représente la personne en situation de communication non violente, le chacal symbolise la violence présente dans les situations de communication. Ainsi l'apprentissage de la CNV consiste à passer d'une communication « chacal » à une communication « girafe ». Il n'y a pas de jugement de valeur dans le choix de ces animaux. Marshall Rosenberg a choisi la girafe car c'est l'animal terrestre avec le plus gros cœur et parce qu'elle a très peu d'ennemis naturels, et non pas car elle est gentille.

Conceptuellement, la méthode de la CNV est simple : appliquer la démarche « OSBD » (Observation - Sentiment - Besoin - Demande), distinguer les faits des opinions, être clair avec soi-même et attentif à l'autre. Elle est cependant difficile à mettre en œuvre dans de nombreux cas.

Quelques illustrations pour mettre la théorie en pratique, à tester chez vous sans modération :

Nous avons également fait des jeux de rôle pour décompter par moins de 12 attitudes généralement utilisées face à une personne qui se confie : poser des questions, ramener tout à soi, consoler, conseiller...

Nos habitudes d'écoute ne sont pas toujours pleine d'empathie... ! 

Nous avons pris conscience de nos habitudes d'écoute et avons cherché à les comprendre et à identifier les besoins à leur origine. N'hésitez pas, vous aussi, à faire l'exercice la prochaine fois que vous serez dans une situation d'écoute ou au contraire de besoin d'empathie.

Au final, on a compris que les besoins et l'expression des besoins étaient la base fondamentale de la communication non violente. Chacun.e a des besoins, assouvis ou non, qu'il ou elle cherche chaque jour à réaliser. Le tout est de savoir trouver le bon moyen d'exprimer ses besoins afin de trouver ensemble une solution.

La pyramide des besoins de Maslow 

Tout cela a eu un impact bien concret : j'ai posé les mots sur quelque chose qui me turlupine depuis quelques semaines.

Observation : je suis de mauvaise humeur, je n'ai envie de rien faire et j'ai du mal à me projeter sur la suite du voyage

Sentiment : J'en ai marre de tout et je me sens triste et fatiguée

Besoin : Faire une pause, changer de vêtements, ne plus penser logistique et itinéraire pendant quelques jours

Et du coup j'ai pris une Décision : rentrer une semaine en vacances chez mes parents, en Isère.

Je ne pensais pas avoir besoin de rentrer cette année et je n'avais pas prévu de le faire, mais ça devrait me permettre de vraiment recharger les batteries pour revenir avec plus de motivation !! Pendant ce temps, Antoine va travailler sur un chantier participatif à Beaugency, près d'Orléans. On se retrouvera à Paris dans une semaine pour la suite de nos aventures ! Et d'ici là, j'espère que j'aurai retrouvé le besoin de voir du pays et de faire des heures de vélo par jour... 😉 et que je retrouverai également ma capacité à voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Car en ce moment, entre le Covid, la météo, le manque de perspectives, la planète qui va mal... le moral de pas mal de monde est plutôt bas, le mien y compris. L'admettre est un premier pas ! On vous envoie du courage à toutes et à tous, le printemps est bientôt là 🌸


Si le sujet de la Communication Non Violente vous intéresse, on vous invite à prendre le temps de regarder cette conférence de Thomas d'Ansembourg, basée sur son livre "Cessez d'être gentils, soyez vrais !".

Cessez d'être gentils, soyez vrais ! 

Et on envoie de nouveau toute notre gratitude à Nicolas pour son accueil à Upaya et pour nous avoir offert cette initiation et des "pistes d'atterrissage"!!

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(Léa) Me voici de retour de mes petites vacances ! Ça faisait du bien de se poser un peu en famille, mais me revoilà d'attaque pour la suite :)

Avant notre départ d'Orléans, direction Calais, il me reste à vous raconter la semaine que l'on a passée aux Restos du cœur, après notre découverte de l'école Upaya.

Idéalement situés à côté de chez Simon, qui nous a hébergés toute la semaine, nous y avons passé nos journées, à la fois pour découvrir cette célèbre association et aussi pour prêter main forte aux bénévoles le temps de quelques jours.

Créée par Coluche en 1985, l'association des Restos du Cœur se compose de 117 associations départementales qui offrent avant tout une aide alimentaire d'urgence, mais qui représentent surtout le point de contact privilégié pour permettre un accompagnement vers l'autonomie des bénéficiaires. Familles monoparentales, étudiants, chômeurs en fin de droit, personnes sans domicile fixe, retraités touchant le minimum vieillesse ou bénéficiaires du Rsa... Un large public est malheureusement touché et les chiffres augmentent chaque année. Pour n'en donner qu'un : 136,5 millions de repas distribués en 2019 ! Pour les autres, n'hésitez pas à consulter la page des Restos du cœur.

Le centre de distribution de Fleury-les-Aubrais est le plus gros du Loiret, et l'un des 2013 centres de France. Nous avons été scotchés par les chiffres qui nous ont été présentés : 500 familles par semaine, soit environ 2000 personnes touchées, pour ce centre-là seulement ! Avec une augmentation de 25% de la "demande" par rapport à l'année dernière, l'augmentation des bénéficiaires dûe au Covid est bien une réalité...

A Fleury, ce sont environ 130 bénévoles, majoritairement des retraités mais aussi quelques bénéficiaires, qui se relaient 4 jours par semaine pour gérer les stocks, réceptionner les livraisons, préparer les paniers et assurer la distribution, mais aussi donner des cours d'alphabétisation, trier les dons des vêtements et assurer une "aide à la personne" dans les domaines de l'insertion professionnelle, de l'aide au logement, du conseil juridique etc...

Les ressources des Restos proviennent de 3 sources principales:

- Les dons des particuliers, des donateurs réguliers mais aussi des dons en nature ponctuels

- Les denrées fournies par l'Union européenne (l'UE achète directement des produits de première nécessité pour les personnes dans le besoin et les envoie aux associations de chaque pays qui en assurent la distribution)

- Les dons des supermarchés qui, depuis qu'ils doivent payer des taxes sur leurs invendus alimentaires, préfèrent en faire don à des associations. Un système facilité par des organisations comme Phenix, une start-up française devenue un symbole de réussite dans la lutte contre le gaspillage alimentaire en mettant en relation les acteurs de l’alimentaire avec les associations et les particuliers. On connaît bien cette start-up car Simon y travaille et fait partie de cette équipe qui assure un "coaching" auprès des supermarchés en les aidant à réduire leurs déchets.

Quand on sait qu'aujourd'hui, 25% à 30% de la production totale de nourriture est gaspillée, ce qui représente 10 millions de tonnes de nourriture jetées par an en France, le gaspillage alimentaire est un réel enjeu environnemental : s’il était un pays, il serait le 3ème plus gros émetteur de gaz à effet de serre de la planète. On salue donc le genre d'initiative de Phenix qui permet de faire d'une pierre deux coups, en luttant également contre la précarité ! Pour en savoir plus sur Phenix, on vous suggère ce podcast des Nouveaux Aventuriers.

Vous aussi vous pouvez utiliser l'appli Phénix pour acheter des paniers à prix cassés dans les commerces proches de chez vous ! 

Les après-midi, nous avons participé, aux côtés d'une trentaine de bénévoles, à la distribution des repas- environ 150 familles par jour.

Antoine, en temps qu'homme (grrrr) a été naturellement désigné pour "porter ce qui est lourd" : une fois le bénéficiaire arrivé, il prenait sa carte, récupérait un panier pré-rempli correspondait au nombre de personnes dans la famille et allait le compléter en passant à chaque stand tenu par un.e bénévole : boisson, pain et viennoiserie, conserves, viande/hallal/poisson, fruits et légumes. Chaque homme qui faisait ça ramenait ensuite le panier à l'extérieur, où des bénévoles de la gente féminine (comme moi) remplissaient les caddies des bénéficiaires. Nous avons été surpris de constater que la plupart faisaient le tri, n'aimant pas ci où ça, laissant telle tomate un peu moche ou telle banane un peu trop mûre. Et un peu déçus de voir que certains, plutôt que d'éprouver de la gratitude ou du soulagement, montraient plutôt de la déception ou même de l'agacement de ne pas avoir tel ou tel produit.

La dernière après-midi, on nous a proposé d'assister (et de participer) à une cours d'alphabétisation animé par Nadine et Corine, deux bénévoles. Dans la salle de classe, décorée comme une salle de CP, nous avons rencontré une dizaine de personnes, essentiellement des femmes, voilées, originaires de différents pays d'Afrique. Le niveau de français à l'oral était assez hétérogène mais à l'écrit, globalement, beaucoup ne savaient pas lire les lettres de l'alphabet, et donc, ni lire ni écrire.

“Je n’ai rien contre les étrangers. Le problème, c’est que d’une part, ils parlent pas français pour la plupart... Et selon le pays où on va, ils parlent pas le même étranger.”

- Coluche

Après nous être brièvement présentés et avoir répondu à toutes les interrogations que notre aventure a suscitées, en parlant très doucement et en articulant du mieux que l'on pouvait, nous sommes passés au cours, ce jour-là centré sur la lettre F. Fa Fe Fi Fo Fu... Bien que très motivées et volontaires, les personnes ont du mal à comprendre le B-A-BA (ou le F-A-FA) et on s'est sentis démunis, sans trop réaliser qu'il était possible, à leur âge (40-50 ans), de ne pas savoir lire une lettre. Les bénévoles nous ont pourtant assuré que beaucoup avaient fait des progrès notables depuis le début. Les deux formatrices bénévoles proposent aussi des exercices "pratiques" utiles dans la vie de tous les jours : remplir un chèque, un accusé de réception, une demande de retrait à la banque...

Une chose positive qu'on a retenue, c'est que nous avons passé un moment très agréable voire complice avec ces femmes, qui parce qu'elles sont voilées et analphabètes ne sont pas toujours bien intégrées à la société française et peuvent paraître distantes. Encore une belle opération des Restos du Cœur pour créer du lien social !

On remercie l'équipe des Restos pour son accueil !

Et comme Antoine y a travaillé dans son passé de jeune cadre dynamique à Paris, on vous propose de terminer sur ce clip des sportif.ve.s des Étoiles du Sport qui se sont mobilisés récemment pour les Restos !

Marie-José Perec, Vincent Clerc, Tony Estanguet et les sportif.ve.s français chantent pour les Restos du Coeur
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(Antoine) En cette deuxième semaine de février, j'ai profité du p'tit break de Léa pour rejoindre Beaugency à vélo, jolie ville historique en bord de Loire à 30km d'Orléans, pour faire un chantier participatif !

Laurent, architecte, s'est lancé il y a deux ans dans l'auto-construction d'une maison en paille, un matériau naturel, peu coûteux et très bon isolant, qui se développe un peu dans la région.

Sans être la parfaite maison bioclimatique, Laurent fait tout de même attention à favoriser des matériaux naturels et locaux autant que possible. La paille, et les murs étaient depuis longtemps installés et c'est grâce aux explications de Laurent et aux photos que j'ai pu comprendre la technique de la construction paille, et la méthode GREB (pour les curieux : https://www.approchepaille.fr/technique-du-greb/).

Pendant ma semaine sur le chantier, avec Laurent et son ami Michel, nous en étions donc aux finitions. Je me suis rappelé à mes bonnes années de job d'été chez Soroc (Société Rozieroise de Construction) en faisant tourner la bétonnière pour une petite dalle dans la salle de bain. J'ai découvert comment poser un parquet (mes genoux ont bien compris aussi ! ), j'ai appris à installer une cloison (en Fermacell, plus naturel que le placo), à peindre un plafond...

Une semaine d'apprentissage sous la neige où j'étais bien content d'être sous un toit plutôt que sous la tente !

Merci Laurent pour ton accueil et tout tes conseils !

De retour à Orléans, j'ai profité de quelques jours de repos avec mon frère avant de retrouver Léa pour reprendre la route vers le Nord. Par un samedi matin très frisquet, nous avons décidé d'aller faire quelques courses à vélo pour le week-end. Première virée depuis le départ dans un gros centre commercial Auchan. Pas très fier.

Encore moins quand à la sortie du magasin, ayant acheté nos provisions, un puzzle Casa de Papel et une raquette de ping pong pour passer un bon weekend, nous découvrons la scène.

Mon vélo a disparu.

Déni.

Après quelques secondes de déni total, où je pense que je vis un mauvais rêve, où je me dis qu'il doit forcement y avoir une raison, une solution... je découvre en effet le cadenas cisaillé, le vieux vélo de Simon bien en place, et mon vélo n'est plus là.

Les agents de sécurité, situés à une quinzaine de mètres à l'entrée du magasin n'ont rien vu. Les gens dehors près des vélos non plus.

Coup dur.

Action.

Direction le commissariat pour porter plainte, beaucoup d'attente et beaucoup de "si". Je comprends que "de la crotte de chien à Daesh" dixit la policière, mon problème se situe plutôt au niveau de la crotte de chien et n'est donc pas dans les top priorités...

J'accuse un peu le coup.

Tristesse.

Moi qui faisais tant attention. Qualifié parfois de parano par Léa quand je ficelais nos vélos pour la nuit près de la tente, où lorsque je préférais rester près des vélos plutôt que de l'accompagner faire une petite course.

Ma jolie bicyclette, mon petit Riversheim (c'était son p'tit nom, en hommage à ses origines alsaciennes), mon fidèle destrier m'ayant mené de Kingersheim à Orléans sur près de 900km, m'a quitté.

Après coup, je relativise.

Recul.

Je me dis que le vélo de Léa est toujours là ! Qu'il aurait pu arriver mille choses plus graves.

Que finalement ce n'est que matériel.

Que le voleur a sûrement une vie plus malheureuse que la mienne.

Et puis que finalement, je peux aller à Calais sans vélo.

Hier, après une petite escale purement touristique à Arras, nous avons donc rejoint Calais (plus précisément Dunkerque) en train avec un vélo, nos sacoches et nos sacs à dos. Le temps de vivre notre expérience auprès des migrants au sein d'Utopia 56. De retrouver un vélo, et de se remettre en selle !

RIP Riversheim, mon beau vélo parti trop tôt