Durant 4 mois en 2013, le site VirtualTourist proposait un sondage permettant d'élire la 8ème merveille du monde parmi 330 lieux sélectionnés. L'heureuse élue est chilienne et je m’apprête à faire sa connaissance !
Réveil à 6h30. Mon premier réflexe est de regarder par la fenêtre et surprise... j'aperçois les étoiles signe que le ciel est dégagé. C'est avec beaucoup d'espoir et de baume au cœur que je me prépare et m'habille chaudement pour lutter contre le froid annoncé. Départ à 7h30 en pleine nuit et la route est toujours aussi défoncée par endroit et je mets environ une heure à atteindre l'entrée du parc. Pendant le trajet, le jour se lève et le soleil fait enfin son apparition et embrase le ciel. Tout de suite les montagnes et plaines de Patagonie retrouvent leur splendeur.
Je repasse devant la Laguna Amarga et contrairement à hier, j'arrive à distinguer les tours au loin malgré la présence de quelques nuages. Il ne faut pas crier victoire trop vite car ici le ciel peut se couvrir en moins d'une demi-heure. Il est d'ailleurs connu qu'à l'intérieur du parc, il est possible de connaître les quatre saisons en une seule journée. J'arrive à l'entrée et me présente aux gardes pour qu'ils me valident le ticket et me passe les consignes de sécurité. C'est à ce moment que j'apprends que l’ascension va être plus compliquée car il a neigé toute la nuit là haut et environ 30 centimètres de neige recouvrent les sentiers. Tant qu'il ne neige pas pendant la journée, ça me va car les rafales glaciales me refroidissent déjà même a travers mon équipement de montagne.
J'arrive au parking de l'hôtel "Las Torres" point de départ de la randonnée. Le ciel s'est encore dégagé et maintenant le soleil éclaire directement les tours de granite. Mais de l'autre côté de gros nuages s'avancent vers le massif. Sachant qu'il faut environ quatre heures pour atteindre le lac où se situe le mirador, il ne faut pas que je traîne. Sauf qu’après à peine 300 mètres parcourus, les premiers flocons se mettent déjà à tomber...
La randonnée n'est en principe pas considérée comme vraiment difficile mais elle est longue, environ 9h selon les guides, et certains passages sont bien raides. Le départ se fait à 125 mètres d'altitude pour arriver à une altitude maximale de 886 mètres. Cela fait un dénivelé de 760 mètres sur 9.5 kilomètres ce qui n'est pas excessif. Sauf que le profil est tout autre et que deux passages vont concentrer l'essentiel du dénivelé, le début de la randonnée et surtout les derniers 1,3 kilomètre qui vont permettre de s'élever de plus de 300 mètres pour atteindre le lac. Je me suis blessé au pied voilà quatre semaines en Equateur et j'espère à ce moment-là de tout cœur que ça va tenir.
C'est donc une première montée qui m'attend pour ouvrir la journée. La mise en route est difficile et les presque 3 km pour atteindre le haut de la côte ne se font pas à un rythme soutenu. Peu importe, il est encore tôt et j'essaye de profiter des paysages environnants malgré les nuages. Il faut suivre le sentier qui se transforme à certains moments en ruisseau. La neige redouble d'intensité mais se calme lorsque j'atteins le haut de la butte. Je rattrape un groupe avec un guide et des porteurs qui ont l'air de bien galérer, et le guide me donne des conseils utiles pour la dernière partie de l’ascension en me disant de ne jamais m'écarter des bâtons oranges sous peine de glisser sur des rochers cachés par la neige.
S'ensuit une partie légèrement vallonnée qui longe un ravin où coule en contrebas une petite rivière. Lorsque je regarde au loin je m'aperçois que plus le chemin s'enfonce entre les montagnes plus il semble se rapprocher de la neige, mais pour l'instant tout semble dégagé et j'avance pour atteindre le premier point de repère de la randonnée qu'est le Refuge Chilien.
Arrivé au refuge, après avoir marché sur un vieux pont en bois rempli de verglas, je croise un couple d'Autrichiens qui se repose. Je leur demande s'ils veulent faire la suite de la montée avec moi mais comme ils viennent d'arriver, ils préfèrent rester encore quelques minutes ici. Je repars et rapidement après le refuge, il faut traverser à pied une rivière. Je cherche un endroit peu profond et m'engage quand une personne me fait signe que le sentier ne continue pas de l'autre coté. J'ai donc les pieds trempés et frigorifiés pour rien... En continuant quelques minutes j'arrive à l'orée d'une forêt et c'est à partir de ce moment là que la neige ne me quittera plus de la journée. Je rattrape deux Américains et un Brésilien et me lie d'amitié avec eux parce que vu ce qui s'annonce, marcher à plusieurs sera plus motivant et agréable que de le faire en solo. Sauf que les Américains s'arrêtent et je me retrouve seul avec le Brésilien.
Jefferson vient de Florianopolis, une ville apparemment importante au Brésil et comme il va changer de travail dans quelques semaines, il a décidé de faire le tour de l'Argentine, du Chili et de l'Uruguay en voiture. Il s'arrête régulièrement pour sortir son portable et se filmer devant les différents paysages pour alimenter sa page Facebook. Peu à peu, la forêt devient moins dense et l'on arrive au campement Torres. Ce campement marque le début de la montée finale. En regardant au dessus, je vois que des nuages englobent le sommet mais ce n'est pas le moment de faire demi-tour, et au pire on pourra toujours attendre que ça se dégage une fois en haut. La première partie de cette montée n'est pas très difficile, on distingue encore le sentier, mais rapidement, lorsque l'on sort de la forêt, la tâche se complique un peu.
Sur les photos nos traces de pas sont visibles, car prises en arrière. Mais lorsque l'on se retrouve face à une étendue de neige et seulement des bâtons oranges plantés loin les uns des autres, on marche à l'aveugle. La seule chose que l'on voit depuis maintenant quelques temps sont les traces de pas d'un renard qui vont en direction du sommet. Du coup il n'est pas rare de glisser sur les rochers, mais le point positif c'est que la neige amortit les chutes. Evidemment, on se trompe de chemin et on fait demi-tour plusieurs fois parce que sinon ça ne serait pas assez dur ou même drôle. On se relaye également parce que marcher avec de la neige jusqu'en haut du mollet nous bouffe toute notre énergie restante. Enfin on arrive vers le sommet et le ciel bleu apparaît, ce qui me donne la motivation de tout envoyer pour ne pas rater la peut-être unique fenêtre de visibilité avant longtemps.
Ça y est je suis en haut et le spectacle est à la hauteur de l'effort enduré depuis ce matin. Bien sûr j'avais déjà vu des photos de l'endroit, mais être là en face, c'est juste incroyable. La lumière associée à la neige rend le lieu magique. Il m'est impossible de décrire la sensation de sérénité qui se dégage de l'endroit et que je ressens à ce moment précis. Il n'y a que le vent qui soulève la neige lors des fortes rafales qui arrivent à troubler cette sensation. Je me rends compte maintenant que les photos ne font pas pleinement honneur à ce paysage.
Jefferson profite d'être en haut pour ressortir son portable et faire une nouvelle vidéo où il remercie tout le monde y compris Dieu et moi-même. J'aurais préféré passer avant Dieu mais bon c'est quand même compliqué de rivaliser avec ce gars-là ! C'est à ce moment que le groupe avec le guide arrive suivi de près par le couple d'Autrichiens.
C'est également à ce moment là qu'une agréable surprise se produit : un renard de Magellan pointe le bout de son museau et fait un photobomb sur la photo où je pose. Loin d'être effrayé par la présence d'humains, il s'installe sur un rocher et prend à son tour la pose, plutôt majestueusement je dois l'avouer. Rapidement, il devient la star de la journée, reléguant le lac et les tours derrière lui. Il doit avoir faim parce qu'il ne détourne pas les yeux de notre nourriture mais garde quand même une petite distance de sécurité. Finalement, quelqu'un lui balance un bout de sandwich qu'il s'empresse d'avaler. J'en profite pour essayer de m'avancer un peu plus sur le coté du lac mais le guide me le déconseille car il y a de gros rochers invisibles et une chute peut s'avérer douloureuse surtout avec la descente qui s'annonce.
Le vent souffle de plus en plus fort et avec de la neige qui rentre dans les chaussures ou dans les habits, il devient de plus en plus inconfortable de rester là haut. C'est donc après une quarantaine de minutes que l'on se décide avec Jefferson et les Autrichiens d'entamer la descente. C'était d'autant plus le moment de partir car les nuages revinrent et commencèrent à masquer les tours. Elles n’apparaîtront d'ailleurs plus de la journée, ce qui sera surement un crève cœur pour les nombreuses personnes que nous avons croisées lors de notre descente. Le retour permit de (re)voir certains paysages qui étaient cachés le matin même. La randonnée se termine après 19 kilomètres de marche et une descente interminable. Il est 17h et on a une heure et demie d'avance sur le temps indiqué. C'est le moment de nous séparer, les Autrichiens vont camper, Jefferson veut dormir dans sa voiture et prendre la route d'El Calafate dès le lendemain matin. Quand à moi je dois retourner à Puerto Natales rendre la voiture, acheter un billet de bus pour Punta Arenas et trouver une chambre d'hôtel pour récupérer de cette fatigante journée.
Le Parc Torres del Paine est également connu pour abriter une faune qu'il est facile d'apercevoir. Au cours de cette journée j'ai pu voir des condors, qu'il est difficile cependant de prendre en photo mais également une moufette de Patagonie. Cette dernière n'était pas difficile à photographier mais je n'avais pas trop envie de tenter de m'en approcher. Va savoir pourquoi...
Le guanaco est l'animal que l'on rencontre le plus facilement dans le parc. Ce cousin du lama ressemble énormément à la vigogne, que j'ai pu voir en Equateur, mais en plus robuste. Il est élevé pour sa viande et sa fourrure mais évidemment ceux à l'intérieur du parc sont sauvages.
Pour finir, j'ai également pu voir des nandous qui se déplaçaient en groupe. C'est le plus gros oiseau de continent américain et il fut découvert par Charles Darwin en personne lors de son tour du monde. Il n'a pas été facile de les photographier car ce sont des oiseaux très peureux et rien que le bruit de la voiture provoquait leur fuite. Il y a également des pumas dans le parc mais je n'ai malheureusement pas pu en voir.
Au final, cette journée bien qu'épuisante fut la meilleure de mon séjour. Dès que je parle ou je pense à ces 15 jours, c'est l'image du lac avec las Torres derrière qui me vient instantanément à l'esprit. La neige, qui pouvait être problématique au début, a au final sublimé cette randonnée et donc les souvenirs que j'en ai. Une autre image qui résume bien cette partie du monde, c'est cette grande ligne droite déserte qui ne semble jamais finir.
Il est temps de penser au retour en France, mais avant j'ai encore du temps pour profiter d'une journée pour découvrir Punta Arenas qui est la grosse ville du sud de la Patagonie et d'une escale à Santiago avant mon départ.