Et alors, ces 2 dernières étapes et ce retour prématuré ?
Vendredi matin, nous quittions Termignon, très aimablement accompagnés en voiture jusqu'au fond du vallon, au pont du Villard, à 1 400 m d'altitude, par notre hôtelier . 4 km environ de route goudronnée à plat évité, merci à cet hôte, amoureux de la montagne et sensible à notre aventure.
Un traditionnel et confortable chemin muletier démarre de là pour grimper 1 000m plus haut, au Plan du Lac.
Un confortable chemin muletier pour démarrer, avec Véronique qui a pris la relève d'YvesContent de pouvoir chausser.Vers 1700m nous pouvons chausser les skis, alors que quelques cm de neige tombés dans la nuit ont légèrement blanchi le paysage.
En plein nuage, alors que le relief n'est plus que creux et bosses, nous en sommes, même à un moment, réduit à sortir la boussole, en complément de la position GPS, pour rejoindre le refuge du Plan du Lac.
arrivée au refuge du plan du lac Pose boisson chaude, au refuge, avant de repartir pour 2 bonnes heures de progression plus ou moins en courbe de niveau, puis à plat en fond de vallée, pour remonter le vallon de la Rocheure jusqu'au refuge de la Femma. Content d'arriver après cet interminable plat en fond de vallée.
Nous partageons notre table avec 2 randonneurs, eux aussi montés depuis Termignon, alors que dehors, la neige tombe régulièrement. La météo annonce des éclaircies pour le lendemain et une fin des chutes de neige dans le cours de la nuit.
Le lendemain, c'est dans un froid très très vif, (onglée même avec les gants !) mais sous un ciel immaculé que nous démarrons, alors que la montagne a revêtu un somptueux manteau blanc aux belles courbes épurées - véritable décor à la Samivel !
Décors à la Samivel au petit matin, en quittant le refuge de la Femma Premiers à quitter le refuge, nous attaquons la trace en direction du col du Pisset. Des petits soucis de peaux qui commencent à ne plus trop coller (elles étaient pourtant neuves au départ) me contrarient un peu.
450m plus haut. Nous sommes rejoints par nos 2 compagnons de tablée de la veille, qui nous remercient pour la trace. Ils devaient partir vers la pointe de Méan Martin, sur la droite, et nous vers le col du Pisset, sur la gauche. Fort gentiment, et en remerciement de la trace dont ils ont bénéficié, ils se détournent de leur objectif, pour à leur tour, tracer jusqu'au col, dans la bonne trentaine de cm de poudreuse. Super sympa, on apprécie vraiment. C'est donc avec eux que nous atteignons le col (3030m).
Nos compagnons de tablée, peu avant d'arriver au col du Pisser, traçant dans la profonde. Chaleureuse séance de photo, malgré le ciel qui vire de plus en plus au blanc généralisé, avant de partir chacun dans notre direction.
Devant nous, et 200m en contre bas, un grand plateau vallonné, et au delà, le col de Bézin à 2930m d'altitude. Même dans la descente nous devons pousser sur les bâtons, tant la couche de neige fraîche nous ralenti. Quelques virages dans la faible visibilité ambiante, Véronique profite de ma trace pour glisser un peu plus. En remettant les peaux, je lui dis que la prochaine fois, c'est elle qui passera devant, il s'avère que je n'ai pas eu de suite dans les idées...
Grand plateau vallonné, vu depuis l'helico, le lendemain. Au fond le col de Bézin... Pas franchement de grandes pentes !En effet, arrivés au col de Bézin, après avoir bien ramé dans la poudreuse, et avec une traîtreuse envie de glisse, c'est moi qui m'embarque le premier. J'aurai, malgré le froid ambiant, pu prendre un peu plus mon temps, et peut-être rejeter un oeil sur la carte, et voir que tout au début de la descente il y avait 2 courbes de niveaux un peu plus resserrées, qui indiquaient une pente légèrement plus raide en tout début de ce vallon qui s'annonçait globalement en pente douce. C'est en tous les cas ce que nous avions tous les 2 en tête, nous ne devions à aucun moment traverser une pente au delà de 30°, ce qui est pour tous randonneurs le repère quand au risque d'avalanche.
Dans le brouillard, 2 courbes de niveaux légèrement plus resserrées Je m'avance donc, confiant, en traversée, dérapage, tout doux, vu que tout est blanc devant, tandis que Véronique termine de ranger ses peaux. Et soudain, le sol se dérobe sous mes skis. Je suis sur une corniche qui s'effondre, ressaut brutal et non visible de 50cm à 1 m, je ne sais. Cela aurait pu s'arrêter là, si je n'avais pas atterri sur une plaque à vent, de neige déposée par le vent du nord au cours de la chute toute récente. Je réalise tout de suite que je suis embarqué dans une avalanche de plaque, et bataille tout de suite pour me maintenir en surface, une douleur au genou, quelques secondes et l'avalanche s'immobilise, la pente globale ne lui permettant pas d'aller plus bas. Premier réflexe, merci, je suis en surface, il n'y avait pas matière à être enseveli. Deuxième réflexe, constat, j'ai un ski coincé, sur lequel je n'ai pas déchaussé, je sais que mon genou a eu mal. L'autre ski, mes 2 bâtons sont à proximité. J'arrive à me dégager, tandis que Véronique me rejoint, et m'aide. Je tâche de me mettre debout, une fois, je m'écroule avec une violente douleur au genou, une deuxième fois, délicatement, bien dans l'axe, nouvelle douleur qui me fait m'effondrer une deuxième fois.
Il me faut me rendre à l'évidence, ça sent l'évacuation, le beau rêve va devoir s'arrêter là. Je parle d'hélico à Véronique, qui très justement me répond : "s'il arrive à venir". En effet le temps ne s'est pas arrangé, et la visibilité ne va pas vers le mieux. On arrive à contacter les secours, et tout de suite, on s'active à la construction, d'un abri. Avec la température ambiante, nous ne pouvons pas rester immobile. Véronique creuse avec une belle énergie, me fait passer les blocs, que, sur une jambe, j'empile. Très vite nous prenons conscience que nous sommes là pour un moment, et que de simple abri, il nous faut penser véritable igloo. Il y a une certaine probabilité que nous passions la nuit là. On adapte notre "architecture", bouclant le cercle, et tâchant de rapprocher les blocs plus ou moins consistants, pour refermer notre toiture.
Une après midi bien occupée ! Selfie sous igloo. Esteban et Antonin nous ont rejointCoup de fil des sauveteurs, on nous annonce que 2 aides gardiens montent depuis le refuge du Fond des Fours. Notre igloo, quasiment refermé, nous avons creusé le petit tunnel d'accès, aplani une bonne banquette, nous laissons volontairement une ouverture en toiture, afin d'entendre les voix ou appels de ceux qui doivent nous rejoindre.
Petit tunnel d'accès - Nous n'avons pas posé la clef de voûte. Il nous faut pouvoir entendre l'extérieur. 15 ou 16h, je ne sais, nous avons la joie de voir arriver Estéban et Antonin, qui nous apportent couvertures et grand thermos de thé depuis le refuge, plus quelques douceurs chocolatées, bienveillante attention de Claire, la gardienne. Du coup on achève de fermer la toiture, et à 4, nous nous tenons chaud, moralement et physiquement, partageant outre les gourmandises et paquets de petites graines, petites histoires et connaissances (le monde de la montagne, n'étant pas si vaste) et quelques essais de chant, mais cela sans succès ni persévérance pour ce qui concerne nos vocalises !.
Nous avons des nouvelles de l'équipe de secouristes qui s'annonce pour dans 2 heures et effectivement vers 18h, 4 gaillards, CRS du secours en montagne arrivent avec la barquette qu'ils ont déjà traînée sur 500m de dénivelé, depuis le "Pont de la Neige". Ils viennent de Val d'Isère. Peu d'hésitation, l'évacuation va se faire vers le refuge du fond des Fours, ce qui nécessite de repasser le col de Bézin une 60 aine de mètre au dessus. Affaires promptement rassemblée, Igloo défait pour récupérer skis et bâtons, charpente partielle de celui-ci, et me voici contraint de m'allonger dans cette barquette, ce qui ne me faisait, mais vraiment pas très envie.
On démoli l'igloo pour récupérer skis et bâtons, et me voici proprement saucissonné...Et me voici conditionné, saucissonné, avec attention et délicatesse, mais tout de même complètement saucissonné pour un moment. La corde des sauveteurs, plus la mienne leur permettent d'envisager un mouflage vers le haut. En théorie c'est simple, mais je les entends batailler comme des malades. Pas d'hélico, sauvetage à l'ancienne, ça va être effectivement une bataille : Descente, grand replat, courte remontée, descente, nouveau replat, nouvelle petite remontée... ils en suent et je les entends batailler, échanger sur les meilleurs manières de s'y prendre, galérer... Et moi je suis saucissonné dans ma barquette, je voudrai exploser, sortir, filer mon coup de main, même sur une seule guibolle. Jusqu'à maintenant j'ai été actif, pas eu le temps de penser à la déception, pas eu le temps de revisiter ma journée, l'enchaînement des décisions, des options qui auraient pu être légèrement différentes. Avoir fait les choses plus posément au col, avoir ressorti la carte, avoir veillé à ne pas bloquer ma fixation, avoir dérapé légèrement moins et un peu plus traversé, avoir anticipé la possibilité de cette congère de vieille neige, formée par le vent du sud, alors que c'était à priori la neige récente déposée par le vent du nord de la nuit qui constituait le danger, réalisé que justement cette vielle corniche, avait permis l'accumulation de neige récente dans le versant au vent... Et merde, et merde et merde, inactif, saucissonné dans ma barquette, alors qu'autour de moi je les entends galérer, tirer, souffler, hésiter sur la meilleure manière de procéder, redémarrer, retirer, reposer... Jusqu'à maintenant j'ai été actif, pas le temps de ruminer la situation. Maintenant je ne suis plus que poids mort, ballotté dans les ressauts du terrain, à l'origine, responsable de toute cette généreuse énergie dépensée autour de moi, alors que 10 m un peu plus à droite, et nous serions arrivé au Prariond... Aller Philippe, ça ne sert à rien, respire, concentre toi sur ta respiration. Tu le sais il y en a pour un sacré moment. A quoi sert de ruminer ainsi ?
Je les entends batailler... J'analyse, j'ausculte, où a été mon erreur ? Sacrée leçon que je viens de prendre. Comportement, compréhension, connaissance de la montagne, sûr que c'est une sacrée leçon. Plus de 3 heures que va durer cette saucissonnade en barquette jusqu'au refuge, et le temps d'y réfléchir, entrecoupé des moments où j'ai envie de m'éjecter de cette barquette et de rejoindre ceux qui autour de moi sont dans la suée de l'énergie dépensée. Une sacrée leçon d'humilité que vient aussi de me donner la montagne : 2 semaines royales, magiques, à franchir cols, crêtes et sommets, à jouer à saute massifs. Quelle griserie. 14 jours à sentir mon corps dans la plénitude de l'effort, dans la jouissance du rythme juste. Et puis, la glisse et toute la distance qu'elle permet, d'une vallée à l'autre. Qu'importe que les skis soient aux pieds ou sur le dos, le dénivelé ont l'avalait. Au soleil ou dans le nuage, de cette montagne sauvage je faisais parti, et il me suffisait de lever les yeux, l'émerveillement, partagé ou gardé au fond de moi, était là. Et voilà, un angle de dérapage, un peu trop prononcé, une simple petite précipitation à redémarrer, au col dans le froid, et me voici saucissonné, ballotté, pris en charge, fini la griserie, fini le saute massif ! Quelle leçon je viens de prendre, oui, une sacrée leçon d'humilité. Tu peux jouer à saute massif, mais attention, à chaque instant il te faut garder la conscience de ta fragilité, subtil équilibre, tu peux être grisé par la douceur de laglisse d'une courbe à l'autre, mais à chaque instant il te faut rester posé, vigilant, réfléchi.
tout cela se terminera à la frontale 21h30, et quelques costaux de plus, venus à notre rencontre, et nous voici au refuge, chaleureusement accueillis par l'équipe. Repas chaud, et pour moi une nuit à ruminer, décidément j'ai de la peine à accepter.
Lever de soleil au refuge du fond des Fours. Grand bleu pour le vol en hélico. Le lendemain, quand même, une compensation assez magique vu les conditions de temps, ciel au grand bleu, et magnificence de la montagne toute fraîchement enneigée : un vol en hélico absolument magique. Mon baptême en la matière. On a survoler tout notre itinéraire de la veille et de l'avant veille. avec un bonus au dessus des glaciers de la Vanoise, et le contournement de la dent Parrachée. Rasement des parois enneigées, passage à raz du col de Labby (sauf erreur), virage serré au dessus d'un chalet, avant de plonger dans la vallée, et de rejoindre la base des CRS à Modane. Il paraît qu'ils avaient un nouvel appareil qui demandait donc quelques tests, ce qui nous a valu ce petit complément de vol totalement magique.
L'hélico doit être là d'ici qlq minutes - calme avant la poudre plein les yeux, ça déménage !La grande Casse depuis l'hélico Avant de clore le récit de cette, néanmoins magnifique aventure, je voudrai mentionner ma gratitude vis à vis de toutes les personnes rencontrées ou qui petitement ou grandement ont partagé un moment de cette traversée. Chaleur, accueil, bienveillance et attentions, je n'ai rencontré que du bonheur relationnel dans cette aventure. Et ceci, tout particulièrement avec mes partenaires d'aventure :
Yves, tout d'abord, qui en tant que guide a une expérience de la montagne, infiniment plus grande que la mienne. Réflexions, choix techniques, partage des décisions. Les 10 journées que nous avons partagées n'ont été que du bonheur, mais aussi pour moi un très riche complément d'expérience montagnarde.
Véronique, belle pêche, entrain, bonheur partagé d'être en montagne,.. Bien qu'elle ne soit venue, pratiquement que pour de la montée (démarrée à 1 400 m pour finir à 3 000 après juste avoir goûté quelques rares virages dans l'univers blanc), elle avait encore le sourire et le même entrain quand nous nous sommes quittés. Grand merci à tous 2 pour leur amical compagnonnage.
Et puis aussi gratitude et profonds remerciement à toutes l'équipe des 4 CRS qui se sont démenés tout ce qu'ils pouvaient, dans le froid et la nuit tombante. L'un Olivier en a eu l'extrémité des doigts gelés, et son collègue avait l'extrémité d'une oreille gelée. Merci, merci à eux quatre pour leur généreux et très physique engagement.
Et puis aussi, une fière chandelle à Estéban et Antonin, ainsi qu'à Claire toute l'équipe du refuge de fond des Fours. Estéban et Antonin, venus avec couverture et gros thermos de thé, ainsi qu'avec les kinders et autres gâteries glissées dans le sac par Claire la gardienne.
Plongée dans le voyage, l'itinérance que j'adore, la montagne sauvage et grandiose, le bonheur du ski, l'amitié et la bienveillance rencontrée tout au long du chemin, même si je ne suis pas arrivé au bout, quel bonheur d'être parti 😀
Bises à tous
Philippe