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"Lorsqu'elle s'enfuit, la route est la seule amante qui vaille la peine d'être suivie." Sylvain Tesson
Du 1 au 10 avril 2022
10 jours
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1
avr

Je suis d'abord venu de Toulouse à Narbonne par l'autoroute A61.

De Béziers, je ne connaissais que l'aperçu sur la ville depuis les rives de l'Orb. Le premier jour de ce voyage m'a permis de découvrir quelques curiosités alentour, avec le canal du Midi pour fil d'Ariane. À une dizaine de kilomètres à l'ouest de la ville, on trouve trois sites à voir dans un mouchoir de poche.

En arrivant de Narbonne par la D609, à Nissan-les-Ensérune, la D162E3 y mène très rapidement.

Elle escalade en deux mouvements la colline calcaire de l'oppidum d'Ensérune : Quelques vestiges antiques au milieu des cyprès, d'anciens silos creusés dans le sol, et un musée, fermé le jour de ma visite.

Vestiges de l'oppidum d'Ensérune 

Mais surtout, un beau point de vue vers l'est sur Béziers, le canal du Midi et la voie ferrée qui y mènent, et juste au pied du promontoire, sur le curieux "étang de Montady".

Cet ancien étang, formé par érosion éolienne, serait asséché depuis le XIIIème siècle par un système radial de canaux de drainage vers un collecteur circulaire au centre du cône, et une évacuation plus bas par un fossé et une galerie souterraine. Réparties en secteurs de quelques degrés d'angle, les cultures forment une singulière figure convergente.

L'étang de Montady - 2ème photo : au dernier plan, le pic-Saint-Loup - 3ème photo : zoom vers Béziers. 

Le canal du Midi franchit quant à lui les premières pentes de la colline d'Ensérune à travers le tunnel de Malpas, une prouesse parmi tant d'autres pour le chef-d'oeuvre de Pierre-Paul Riquet. En redescendant de l'oppidum, la petite route passe au-dessus : il suffit de se garer sur le côté et de marcher quelques dizaines de mètres pour en voir chacune des extrémités.

Les photos ne montrent pas le balancement douloureux de la végétation et la course folle des nuages, emportés dans l'air limpide par une tramontane proprement déchaînée...

Tunnel de Malpas : à gauche, côté Béziers ; à droite, côté Carcassonne, et une oliveraie toute proche.
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Retrouvons le canal du Midi dans les abords immédiats de Béziers, et un autre tour de force de l'ingénieur Riquet : l'échelle des "neuf écluses de Fonséranes", qui descend jusqu'au niveau du fleuve Orb. Depuis un grand parking malheureusement payant, on accède à l'extrémité du bief supérieur, d'où j'ai apprécié les jeux d'ombre et de lumière des nuages sur la cathédrale de la ville (et la magnifique grue de chantier qui s'incrustait au milieu de la photo).

Vue sur la cathédrale Saint-Nazaire-et-Saint-Celse depuis le haut des écluses de Fonséranes 


Profil altimétrique du canal du Midi (j'ai ajouté une flèche indiquant ces écluses) - Bief supérieur

Pour être précis, il s'agit de seulement huit écluses contigües, la neuvième à partir du haut débouchant plus loin sur l'Orb au bout d'un bief aujourd'hui obsolète. La huitième est inutilisée et la porte inférieure de la septième est gardée fermée, cette écluse étant ouverte sur son flanc vers un canal de dérivation qui mène au pont-canal de franchissement de l'Orb, construit au XIXème siècle. Ce qui nous laisse un total de six écluses contigües aujourd'hui en fonction : Ainsi ce sont six sas, ici associés.

Les écluses de Fonséranes (en bas, le bassin constitué du 7ème sas ouvert vers le bief  du pont-canal) 

Et pour compliquer le tout, une pente d'eau mise en service en 1988 a un temps doublé les écluses, avant d'être laissée à l'abandon faute de rentabilité semble-t-il. Elle appartient à VNF qui pour le moment n'a pas destiné de budget à sa destruction... La vieille motrice d'un bleu passablement passé trône donc toujours, mais assez peu fièrement, au sommet de l'ouvrage.

La motrice de la pente d'eau, depuis longtemps désaffectée.

Et le pont-canal, me direz-vous ? Hé bien, primo, il est de loin postérieur aux travaux menés par monsieur Riquet, et à ce titre ne constitue aucunement un exploit en matière de génie civil, et secundo, ayant grandi jusqu'à 18 ans dans la bonne ville de Digoin (71), avec vue depuis nos fenêtres sur le plus beau pont-canal de France, franchissant le plus beau fleuve du monde, je n'éprouvai pas le besoin d'en visiter un autre.

2
avr

Ce fut par un temps plutôt gris et toujours terriblement venteux que je m'engageai dans une boucle vers le nord, remontant loin la vallée de l'Orb, jusqu'à la localité d'Avène et son barrage. Quelques flocons étaient même de la partie, un oeil averti les remarquera sur certaines photos. Rien de spectaculaire jusqu'à Avène, ici un village vaguement photogénique, là un peu de vignoble...

 Le Bousquet d'Orb - Un domaine viticole

Le lac de barrage d'Avène est assez quelconque, plan d'eau d'un vert grisé entouré de pentes boisées... La D8 s'élève alors franchement pour passer le col de la Moutoune et continuer au nord vers Ceilhes-et-Rocozels. Poursuivons par la D902 vers l'est jusqu'à Roqueredonde, coin de campagne qui rime si bien avec profonde que je trouvai le moyen de m'y égarer encore encore un peu plus sur une délicieuse petite route (D142E2) serpentant à travers bois et paysages ruraux.

Rejoignant sur les hauteurs la D142, je rencontrai un plateau plus dégagé en allant vers Les Rives, et de la neige en bord de route sur les hauteurs aux alentours de 800 m. Au nord des Rives, la D151 traverse un plateau hérissé de blocs rocheux et maigrement peuplé d'une végétation contrariée.

Temps hivernal sur les premières hauteurs : en approche du village des Rives, puis sur la D151 vers La Couvertoirade. 

J'étais venu avec l'idée de visiter le bourg fortifié de La Couvertoirade, voire, espoir insensé, d'y prendre mon repas de midi. Or, figurez-vous que La Couvertoirade présente l'intéressante particularité d'être desservie exclusivement par des routes en sens interdit ! On peut en sortir, mais on n'y entre pas*. C'est beau comme du Régis Laspalès ou du Raymond Devos !

* Sauf les riverains, le facteur et les corbillards, je suppose.

Farouche contrée que cette terre de Larzac... Devant tant de bonne volonté à accueillir le visiteur, peu disposé à me taper la balade à pinces dans le blizzard, je pris mes cliques, mes claques et m'en fus voir ailleurs si l'on m'y recevrait avec moins de prévention. Ce fut donc au Caylar, patelin d'ailleurs non dénué d'un certain cachet, que je trouvai bientôt un tout petit restaurant, à la cuisine simple, goûteuse et bien servie (O'Resto, sur la place principale).

Le Caylar et son orme sculpté, dans une ambiance presque hivernale

Pour retourner vers le sud en direction du lac du Salagou, foin de l'autoroute ! Je passai au-dessus, et à l'est du village des Rives, j'obliquai sur la D151 vers le cirque de Labeil. On arrive par le haut et la route descend à flanc de falaise. Le dénivelé n'est pas énorme, mais le site vaut tout de même le coup d'oeil :

Descente dans le cirque de Labeil 

Du cirque s'échappe, après un parcours souterrain et un passage par la grotte de Labeil, la courte rivière le Laurounet, qui sans surprise arrose le village de Lauroux. Maisons de pierre, entrées voûtées de caves, escaliers, placette ornée d'un olivier maigrichon.

Le village de Lauroux 

Nous voici bientôt au niveau de Poujols pour repasser sous l'autoroute et suivre la D25, qui remonte sur le plateau du Larzac à Saint-Pierre-de-la-Fage, et file jusqu'au pied du belvédère local, le mont Saint-Baudille. L'accès est goudronné jusqu'au sommet. Sa position dominante, la grande antenne qui le coiffe, sa roche calcaire blanche et friable lui donnent de faux airs de mont Ventoux.

Arrivée au mont Saint-Baudille 

Il y soufflait aussi un vent de tous les diables ! Les rafales me bousculaient, des flocons traversaient le paysage à l'horizontale, et les cumulus défilaient comme s'ils étaient appelés d'urgence autre part. Les ombres projetées mouvantes, les traînées de neige diffusant le soleil, donnaient à la lumière une pulsation étrange, révélant tour à tour divers détails, en voilant d'autres...

Vues du côté sous le vent (versant est). En 2 et 3, on aperçoit au loin la dent pointue du pic Saint-Loup.

Il me restait un petit morceau de route vers le sud pour atteindre la rive du lac du Salagou, non sans passer, tiens tiens, par le col du Vent : tout s'explique. Et le choix d'un "raccourci" (?) à travers les vignes allait me donner l'occasion de terminer la virée peu avant le village du Viala par un passage à gué techniquement très facile, mais on se sent quand même un peu plus à l'aise une fois de l'autre côté !

Descente dans la plaine : col du Vent, Saint-Jean-de-la-Blaquière, oratoire dans les vignes, et passage à gué sur le Maro !

Le Salagou, dont le nom évoque plutôt quelque chose comme un mélange de condiments ou un plat provençal, est un cours d'eau qu'un barrage a transformé en 1971 en réservoir et plan d'eau d'agrément. La ruffe, roche rouge typique, a tout d'abord permis la constitution de ce réservoir grâce à son imperméabilité (il s'agit de sédiments argileux riches en oxydes de fer). Comme curiosité naturelle, elle contribue aussi à l'intérêt touristique du site. On y pratique l'été divers loisirs nautiques, et la pêche en toute saison.

Lac du Salagou :  le village de Celles, la roche rouge typique, le petit hôtel-restaurant-camping, les rives du lac.
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Itinéraire du jour

De Béziers au lac du Salagou : remontée de la vallée de l'Orb, plateau du Larzac, cirque de Labeil, mont Saint-Baudille. 
3
avr

Départ un peu au pifomètre pour contourner le lac par le sud, en passant par Mourèze où l'on voit de curieuses formations dolomitiques, mais trop peu de places pour stationner : pas de place auto, pas de photo. Il y aura des monuments dolomitiques plus imposants dans la suite du voyage. Petite pause un peu plus loin au milieu des vignes pour admirer depuis la plaine le mont Saint-Baudille, gravi la veille.

Quand on prend goût aux gués... - Le mont Saint-Baudille vu de la plaine (dernier plan, au centre)

Une première véritable halte à hauteur de Saint-Jean-de-Fos. Très vaste parking obligatoire à quelque distance du site, heureusement gratuit hors saison touristique (mais je l'imagine plein à craquer, et ça ne donne pas envie). Coup d'oeil en biais sur le fameux pont du Diable (et sa légende habituelle...) et sur la fin des gorges de l'Hérault, dans la portion la plus resserrée.

Le "pont du Diable" au débouché des gorges de l'Hérault. La partie aval élargie est une zone de baignade fréquentée l'été.

Quelques kilomètres plus haut en remontant la rive droite, se niche au fond de la vallée perpendiculaire du Verdus, le très, le trop touristique patelin de Saint-Guilhem-le-Désert — cet adjectif s'appliquant à tout ce qu'on voudra, sauf au vaste parking bondé et aux terrasses combles. Et ce, un simple dimanche 3 avril par un temps plutôt mitigé : imaginez le 15 août...

Vous pouvez y monter, prendre un ticket au parking et aller faire le pigeon dans les cafés et les boutiques, en plus du stationnement féodal ; ou bien arpenter le bled à grandes enjambées, voir et photographier les lieux et remonter fissa dans votre véhicule. Les vingt premières minutes de stationnement sont gratuites ; au-delà commence le racket. Un quinquagénaire dans un état de santé pas particulièrement époustouflant peut accomplir le parcours en 19 min chrono en voyant l'essentiel — et je le prouve :

T'as voulu voir Saint-Guilh' et on a vu Saint-Guilh' : c'est facile ! 

Cette visite rondement expédiée, je remontai les gorges de l'Hérault sur une route assez plaisante, aboutissant à Ganges, où le fleuve reçoit pour affluent la Vis. La D25 suit alors les gorges de cette rivière, d'abord d'un intérêt modeste, mais formant plus en amont un des plus étonnants sites naturels de la région : le cirque de Navacelles. Franchement, il vaut le détour, et le point de vue depuis chacun des deux plateaux qui s'y font face. Ne ratez pas ça si vous passez dans le coin, vraiment !

Arrivé par Saint-Maurice-Navacelles, sur le Causse du Larzac, je suivis la D130 jusqu'au premier belvédère, à la Baume Auriol. On distingue l'ancien méandre de la Vis, qui a coupé tout droit depuis.

Cirque de Navacelles vu de la Baume Auriol 

Suivons la D130 dans sa descente au fond du cirque :

À mi-pente ; belvédère de la Baume Auriol vu d'en bas. 

Et remontons par la D713 sur le Causse de Blandas, après quelques jolis lacets. De ce côté on voit la cascade de la Vis à l'endroit où elle a coupé son ancien méandre. À force de la serrer, ça devait finir comme ça.

Cirque de Navacelles et cascade de la Vis vus depuis le causse de Blandas 

La fin de la journée m'a amené au Vigan puis assez laborieusement jusqu'à mon gîte, le Mas de Ribard. S'engager dans un GR avec une routière nous enseigne une chose : remonter un chemin pentu et cahoteux en marche arrière est nettement plus stressant et chronophage que de le descendre en marche avant. Toujours chausser ses lunettes avant de lire une carte !

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Itinéraire du jour

Trajet complet y compris l'égarement de l'arrivée (en rouge, le raccourci impossible !) 
4
avr

Cher au météorologiste, le mont Aigoual avec ses 1565 m est la vigie des Cévennes méridionales, la tour d'angle au sud-est de la forteresse du Massif central.

Quoique j'y fusse déjà venu il y a bien longtemps, ce fut avec enthousiasme que je m'élançai à l'assaut de son sommet, au profil aussi débonnaire que le climat y est brutal. Ayant suivi la petite D190 à travers les hameaux d'Aulas et Arphy, puis avalé le bitume confortable de la D48n jusqu'au col du Minier, j'y trouvai la neige sur les bas-côté, de plus en plus épaisse en progressant vers les hauteurs. Heureusement, la chaussée était dégagée, à quelques plaques près dans les derniers hectomètres.

Col du Minier (1264 m) et route vers le village de l'Espérou ; arrivée sur le plateau sommital.

Spectacle magnifique au sommet. Le vent était heureusement bien moins fort que les jours précédents, même s'il y a toujours un peu d'air là-haut — témoins le paratonnerre plié et l'état de la végétation.

L'observatoire du mont Aigoual. Dernières photos : on distingue au loin les crêtes enneigées du massif du Mont-Lozère. 
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Du sommet de l'Aigoual, descente à la station de Prat Peyrot ; un peu avant l'Espérou, on oblique vers l'ouest au col de la Serreyrède sur la D986 qu'on poursuit jusqu'au-delà de Camprieu (direction Meyrueis). L'abîme de Bramabiau, également accessible après une courte marche d'approche, se laisse aussi bien admirer depuis la route de l'autre côté de la vallée. On perçoit aussi nettement la rumeur de la cascade qui lui donna son nom (d'après "brame du veau" dans le patois régional).

L'abîme de Bramabiau dans un décor plus hivernal que printanier 
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La région ne manque pas de gorges à explorer ; je choisis celles du Trèvezel pour prolonger la boucle et me ramener à mon point de départ. Après quelques kilomètres supplémentaires en direction de Meyrueis, on quitte la D986 pour la D252 qui descend en zigzags dans la forêt vers un premier ruisseau. Celui-ci rejoint assez tôt le Bramabiau, issu du fameux abîme, le tout venant abonder le Trèvezel qui coule d'est en ouest depuis la montagne de l'Espérou, aux confins de l'Aigoual.

La route suit alors ces gorges boisées et encaissées en rive droite, et à quelque hauteur. Il y manquait le spectacle de la rivière, réduite à sa dimension sonore.

Les gorges du Trèvezel

C'est à Trèves que, la vallée s'élargissant enfin, on découvre avec plaisir ses eaux claires étalées au soleil, courant d'un premier pont de pierre au suivant, plus ancien encore : un pont roman du XIIIème siècle construit sur des assises de l'époque romaine.

Le Trèvezel à son passage dans le village de Trèves (photo 11 prise en grand angle)

Retour vers Le Vigan par le col de la Pierre Plantée (je la cherchai vainement du regard — on avait dû la déplanter...), Saint-Jean-du-Bruel et la D999, puis un bref crochet par Montdardier où l'on m'avait conseillé un petit restaurant, que je trouvai fermé. Je me consolai en photographiant le château local ; et m'en fus dîner au Vigan dans le seul et unique établissement de restauration ouvert ce soir-là à des dizaines de kilomètres à la ronde. Foie gras "maison" quelconque, bon steak de boeuf Aubrac servi bleu comme demandé, mousse au chocolat noir également maison, — et propre à maçonner solidement un phare.

 Montdardier et son château dans la lumière du couchant
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Circuit du jour (sens trigonométrique)

5
avr


Avant de quitter les lieux, permettez-moi de vous montrer le Mas de Ribard, l'ensemble de chambres d'hôtes où j'ai passé deux nuits, sous le soleil et le ciel bleu de cette belle matinée. Je recommande l'adresse à ceux qui aiment la tranquillité et seront à l'aise dans une petite vallée perdue.

 Les chambres d'hôtes du Mas de Ribard, dans le val du Souls, le ruisseau qu'un petit pont franchit pour y accéder.

L'azur immaculé me suggérait de retourner au sommet de l'Aigoual, espérant distinguer des détails encore plus lointains, et au moins prendre congé de ces hauteurs par un dernier tour d'horizon. L'itinéraire cette fois-ci allait emprunter un raccourci via le fond de la vallée du Souls, en suivant la D272B, puis une étroite piste carrossable à flanc de montagne, débouchant au col de la Broue sur la route principale du col du Minier. (Cette piste même que je cherchais le soir de mon arrivée et avec laquelle j'avais confondu une portion de GR impraticable...)

Il se murmure parfois que les voies les plus étroites sont celles qui procurent le plus grand plaisir... Le gros avantage des routes que j'avais choisies pour cette étape, c'est que sur une bonne partie d'entre elles, on ne croise absolument personne, même pas le facteur — et c'est plutôt heureux.

Le hameau de Salagosse au fond de la vallée du Souls, et la piste montagnarde et forestière du col de la Broue. 

La vue au sommet de l'Aigoual était en effet un peu plus dégagée que la veille. On ne distinguait toujours pas le mont Blanc, mais des sommets enneigés des Alpes semblaient se dessiner vaguement dans un lointain arrière-plan brumeux, vraisemblablement du côté du massif des Écrins.

L'observatoire du mont Aigoual, ce jour-là sous un formidable ciel bleu

Mais devinez ce qui finit par accrocher mon regard dans l'étendue de ce panorama majestueux ?

 Oh la belle route !

Un large ruban d'asphalte sinueux, dépourvu de tout trafic, s'offrait à ma vision comme une promesse. Quelle descente ! La chaussée était aussi parfaite qu'un green de golf, les grandes courbes tendues comme un tracé de super-G, les épingles franches et les relances vrombissantes. Et voilà, déjà en bas.

 Odeur de gomme brûlée... Le sommet enneigé semble déjà lointain.

Un bref arrêt à Valleraugue pour chercher vainement de quoi manger, et photographier l'Hérault naissant :

Le fleuve Hérault à Valleraugue / "Val d'Aigoual"

Un peu plus bas dans la vallée, j'obliquai vers la gauche pour traverser Notre-Dame-de-la-Rouvière et grimper par la minuscule D152 au col de la Tribale. À 580 m d'altitude, un banc face au paysage, toujours dominé au loin par la crête enneigée de l'Aigoual.

Route du col de la Tribale : banc avec vue ; N-D-de-la-Rouvière ; village à chaque étage (Cabrier, Puech Sigal) ; en vue du col.

La route D20, à peine plus large, mène au col de l'Asclié, d'où je suis redescendu à travers la forêt vers la localité de l'Estréchure. À Saint-Jean-du-Gard, je trouvai enfin de quoi ravitailler l'homme et le véhicule.

Le col de l'Asclié - Descente vers l'Estréchure (par la D152 à nouveau) : en vue du hameau de Millérines 

Après une bonne demi-heure de sketch chez des pompistes de Saint-Jean-du-Gard en grande difficulté avec leur terminal de paiement, me voici reparti vers l'ouest-nord-ouest sur la D9 "Corniche des Cévennes". On la rejoint après 6,5 km d'une route D260 dédiée à la course de côte : large chaussée, double rail, revêtement lisse comme un billard, enchaînement de virages serrés et de ruptures de pente. Bonheur du conducteur, ardeur du gros moteur, supplice des pneumatiques. De quoi se prendre pour le Darniche de la corniche...

Cette corniche, qui débute au col de Saint-Pierre, suit à peu près une ligne de crête passant ensuite par le col de l'Exil et rejoignant le village du Pompidou, au-dessus duquel on peut apprécier l'un des points de vue les plus étendus sur les Cévennes.

Depuis la D9 "Corniche des Cévennes" au-dessus du Pompidou (rangée du bas au dernier plan : massif de l'Aigoual)

Suite de la route : col des Faïsses, col du Rey, descente dans la vallée du Tarnon jusqu'aux abords de Florac-Trois-Rivières, N106 vers l'est jusqu'à Saint-Julien-d'Arpaon. Enfin, une dernière petite route pour faire bonne mesure : la D20 montant vers le nord au col du Sapet, avant de basculer en direction du Pont-de-Montvert, dans la haute vallée du Tarn, au pied du versant sud du Mont-Lozère.

Arrivée en fin de journée au Pont-de-Montvert, au bord du Tarn

En pension pour trois jours à l'Auberge des Cévennes, où s'était arrêté en son temps Stevenson avec son ânesse, j'y ai relevé pour la mettre en épigraphe de ce carnet la citation de Sylvain Tesson qui ornait le mur de ma chambrette, décorée comme tout l'hôtel sur le thème du voyage et de la littérature. Les écrivains voyageurs et les aventuriers accompagnent le touriste de la salle de restaurant* jusqu'à son lit...

* Où j'ai aussi noté : "S'éloigner de tout rapproche un peu de l'essentiel" (Loïck Peyron).

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Itinéraire du jour

L'étape cumulant le plus de kilomètres sur des routes vraiment délicates... Salagosse, col de la Tribale, col du Sapet. 
6
avr

Après une journée bien remplie et riche en émotions la veille, réveil en souplesse et petit déjeuner tardif. Petite balade dans le patelin. L'eau se déverse de partout. Le Tarn, pourtant tout proche encore de ses sources, a déjà creusé un lit important. Au centre du bourg, il reçoit le Martinet sur sa rive gauche (aïe !) et surtout le Rieumalet sur sa rive droite, qui draine comme lui le flanc sud du Mont-Lozère*.

* J'ai choisi d'écrire "Mont-Lozère" avec majuscules et trait d'union, comme on écrit "Mont-Blanc" quand on veut parler du massif et non du sommet. Le Mont-Lozère se présente en effet comme un massif granitique assez étendu d'ouest en est, une barrière à la ligne de faîte très adoucie, dont le dôme le plus élevé est le sommet de Finiels (1699 m). C'est le point culminant des Cévennes.

Le Pont-de-Montvert, rives du Tarn : confluent avec le Martinet, vue vers l'aval, l'Auberge des Cévennes (mon hôtel)  

L'après-midi, le temps se couvrant, mon choix s'est porté sur une excursion proche : la cascade de Rûnes, à 10 km à l'ouest par la D35. Cherchant d'abord à contempler la cascade sans me fatiguer (sait-on jamais...) je traversai le modeste village homonyme pour emprunter une petite route qui s'échappe vers le sud à flanc de montagne, vers le village de Ruas. Aucun aperçu sur la cascade, mais seulement, plus bas, sur les maisons de Ruas, bien tranquilles au milieu de leur petit nulle-part. En remontant je remarquai l'ancien four banal de Rûnes, solidement bâti avec le granite circonvoisin.

Village de Ruas ; ancien four banal de Rûnes 

La cascade se découvre au prix d'une balade un peu physique, dans un semblant de forêt clairsemée où le rocher granitique est l'essence dominante. Cent mètres de dénivelé en escaliers naturels irréguliers, bien raides vers le bas : Une formalité pour des randonneurs simplement moyens, une performance sportive, maintenant, pour moi. Heureusement j'étais seul, personne à retarder ni à la descente ni à la remontée.

Le site méritait bien le déplacement. Laissons parler les photos :

"Les escaliers de la chute..." (variation sur un refrain connu)


Nature, grand air et mode de vie sain... crédible ou pas ? 
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Carte de l'excursion

7
avr

Courte approche en voiture pour cette excursion : du Pont-de-Montvert, rive droite, on esquisse un bout de montée sur la D20 comme pour aller au nord vers le col de Finiels et les hauteurs du Mont-Lozère, et très vite on oblique à droite sur une petite route qui remonte la vallée du Tarn à mi-pente.

Au hameau minuscule de L'Hôpital, la route se fait chemin de terre, barré de toute façon par un gros névé quand je m'y suis pointé. Il ne me restait plus qu'à poursuivre à pied, sans difficulté, mais dans un paysage désolé, sous les nuages noirs et le vent furieux de ce 7 avril...

La petite route qui mène jusqu'au hameau de L'Hôpital.


 C'est parti pour une promenade vivifiante. J'ai opté pour un chemin contournant la neige accumulée au creux du GR.


Le chemin descend en pente douce à travers un plateau parsemé de gros rochers. À droite, les premiers méandres du Tarn.

Arrivé au pont, toujours sous un ciel plombé et poussé par un vent glacé, j'entrai en contemplation de ce lieu hors des âges : un pont certes construit par la main de l'homme, mais semblant là de toute éternité, du même granite que celui qui encombrait le lit de la rivière ; du même gris que celui qui formait des rouleaux dans le ciel...

Et cette eau pure qui dans chaque pli de la montagne ruisselait comme au lendemain d'un déluge. J'avais déjà rencontré tout ceci quelque part. Bien sûr : dans les Highlands en Écosse — cet autre territoire perdu entre les limbes et la réalité. Deucalion et Pyrrha étaient-ils passés par là ? Les pierres ici sont restées pierres, et de l'humanité j'étais le seul échantillon.

Au pont du Tarn 

Un sandwich garanti sans risque de rupture de la chaîne du froid, et il était temps de rebrousser chemin, d'autant plus que la pluie s'annonçait.

Ne dirait-on pas que la pluie s'annonce ? 


Retour à la civilisation. J'avais bien dit que la pluie s'annonçait !
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Carte de l'excursion

Excursion au pont du Tarn (cours d'eau surligné en turquoise) après approche en voiture jusqu'au hameau de l'Hôpital.

(Compte tenu de l'approche en voiture, la promenade décrite est assez courte, avec une descente en pente douce jusqu'au Tarn puis la remontée par le même chemin. Il est assez facile pour des randonneurs en meilleure forme que moi de monter par divers sentiers tel le GR72 directement depuis Le Pont-de-Montvert, voire de faire une boucle — mais on devra s'écarter un peu des rives du torrent, dont une bonne partie du cours entre le bourg et le but de la balade est assez encaissée.)

8
avr

Du Pont-de-Montvert, la D35 s'élève vers l'ouest, dépasse Rûnes et sa cascade, déjà visitée, et débouche sur la Cham des Bondons, plateau calcaire parsemé d'une quantité de menhirs, et duquel dépassent les Puechs d'Allègre et de Mariette, deux mamelons de marnes noires ayant résisté à l'érosion, nous explique Wikipédia. "Cham" serait une variation locale du mot "causse".

L'altitude, me rapprochant d'un ciel chargé, tassait le paysage dans une étroite bande horizontale, sous un plafond au bord effiloché par des velléités de précipitations, qui se traînait au ras des plateaux.

La Cham des Bondons : arrivée sur le plateau ; les Puechs.

Les Bondons, c'est d'abord le nom d'un village qui se situe en contrebas. J'y suis descendu, c'était assez morne. Des quelques photos que j'en rapporte, mes préférées sont encore celles de la route remontant sur le plateau !

Bref aller-retour au village des Bondons 

De retour sur les hauteurs, il me restait à m'approcher de quelques menhirs parmi les nombreux qui sont éparpillés aux quatre coins du plateau.

 Quelques menhirs aperçus sur le plateau, silhouettes lointaines ou monolithes en bordure de chemin.

J'allais ne retenir de ces lieux que leur monotonie quasi désertique et les vestiges désordonnés d'une humanité disparue, quand la vue d'un champ travaillé vint atténuer cette impression morose : La terre nourricière affleurait malgré tout dans un pli de ce terrain ingrat, et je trouvai aux rubans réguliers tracés par le labeur agricole une noble harmonie.

 La glèbe, sous un ciel pesant.

La D35 m'amena vers l'ouest au col de Montmirat, puis via la N106 je descendis retrouver la vallée du Tarn. Repas de midi à Florac-Trois-Rivières, d'un bon pavé de boeuf d'Aubrac. Ma route me faisait ensuite longer le causse Méjean en remontant le long du Tarnon (affluent du Tarn en rive gauche).

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À Vebron, une petite route sur la droite se hissait, et moi avec, sur le causse Méjean. Avant d'atteindre Nîmes-le-Vieux, l'objet de ma curiosité, je traversai sans croiser âme qui vive une poignée de maisons nommée Villeneuve — qui ne faisait ni très ville, ni très neuve !

 Sortie de Vebron, montée sur le causse Méjean ; le hameau de Villeneuve.

Maisons de pierre aux toits de lauzes, enclos de pierres sèches, prairie aux allures de steppe, de rares arbres encore dépouillés... Et déjà le dos des modestes collines commençait à se hérisser de blocs de calcaire gris. Les cumulus, dont les formes fantasques animaient un ciel enfin percé d'éclaircies, allaient m'offrir de beaux effets de contraste.

Aux approches de Nîmes-le-Vieux, premières arêtes ruiniformes.

La partie la plus spectaculaire de ces chaos dolomitiques se situe aux abords du hameau du Veygalier. Leur formation est due à l'érosion différentielle de la dolomie, plus résistante que le calcaire ordinaire.

Chaos dolomitique de Nîmes-le-Vieux près du hameau du Veygalier 

Je n'ai pas regretté le trajet, au demeurant plutôt aisé, pour découvrir ce paysage hors du commun.

— J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages ! (Charles Baudelaire)
À petite route, vastes espaces. 
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La dernière étape de mon voyage était à Meyrueis, pour deux nuits. Du causse, il faut descendre au bord de la Jonte, qui coule depuis les pentes du mont Aigoual et qui reçoit sur sa rive gauche l'apport du Béthuzon. La bourgade est donc assez encaissée, trop pour la téléphonie hertzienne en particulier.

Avant de rejoindre mon hôtel, un petit tour pédestre m'a permis d'en découvrir les vieilles rues, en prêtant une attention distraite aux indications historiques. J'en retiens notamment qu'on est ici, comme souvent dans les Cévennes, en terre de protestantisme ; ce que confirme la présence d'un temple octogonal d'une capacité approximative de quatre cents ouailles.

Meyrueis : confluence entre la Jonte (en 1) et le Béthuzon (2, 3) ; vieilles rues ; temple protestant octogonal.
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Itinéraire du jour

9
avr

Comme chacun sait, dans un massif karstique l'eau a tendance à creuser et à dissoudre le calcaire comme le café un morceau de sucre. À l'air libre, cela donne des gorges profondes qui séparent les plateaux ; en souterrain, une foule de cavités multiformes, gouffres, abîmes, avens... Sous le causse, cherchez la grotte.

Au-dessus et à l'ouest de Meyrueis, s'élève le causse Noir, séparé du causse Méjean par les gorges de la Jonte. Le causse Méjean s'enorgueillit de son grand trou : l'aven Armand, à voir peut-être une autre fois. Sur l'autre rive, le causse Noir n'est pas en reste, avec la grotte de Dargilan, à moins de 10 km de Meyrueis et juste en bordure du plateau. L'arrivée sur le site offre déjà un beau point de vue sur les gorges de la Jonte.

Grotte de Dargilan : belvédère sur les gorges de la Jonte et point de départ de la visite 

C'est parti pour la visite : stala -ctites et -gmites, colonnes, draperies et fistuleuses (fines aiguilles creuses suspendues au plafond)... la collection des curiosités spéluncales est à peu près complète. Sans vous infliger un cours de grottologie, sachez que les concrétions calcaires sont de couleur claire en l'absence d'autres éléments, se teintent de nuances rouges en présence de fer, et de gris lorsqu'il y entre du manganèse, dont on repère également la signature le long des falaises des gorges de la Jonte et du Tarn.

 La grotte de Dargilan et ses innombrable concrétions calcaires

Notez la variété de couleurs le long de la grande paroi qu'on dirait tapissée de méduses.

La grotte ne présente pas de vraiment grande salle, elle s'étire surtout en longueur et en hauteur, on ne cesse de descendre ou de gravir des escaliers. Les couloirs se resserrent par endroits, sans toutefois devenir oppressants.

Il n'y a pas de rivière souterraine, mais quelques gours dont le niveau serait paraît-il nettement en baisse. 

La sortie de la grotte débouche directement en balcon au dessus de la vallée de la Jonte : vue magnifique. J'ai observé plusieurs vautours planant près des falaises.

 Gorges de la Jonte vues depuis la sortie de la grotte de Dargilan
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L'après-midi étant bien entamé, je roulai sur le plateau vers l'ouest en direction de Veyreau, d'où une énième petite route va dégringoler jusqu'à un pont sur la Jonte, au Maynial. Passage rive droite et fin des gorges de la Jonte par la route du bas (D996).

Descente dans les gorges ; arrivée en face de Peyreleau (rive gauche) et au Rozier (rive droite) 

Au Rozier, la Jonte se jette dans le Tarn ; je me jetai quant à moi d'un pied droit lourd sur la D907/D907B qui remonte les gorges de ce dernier, pressé par l'heure et le soleil déclinant. Presque personne sur la route, un vrai bonheur. Je me méfiais un peu des gorges du Tarn, spot touristique obligé, mais il faut reconnaître que ces grandes falaises ont de la gueule et méritent au minimum le détour.

 Les gorges du Tarn entre Le Rozier et Les Vignes (falaises du causse Méjean)

Rapidement rendu au village des Vignes, je m'engageai dans la montée vers le "Point Sublime", une belle chaussée en lacets bien dessinés. Après quelques kilomètres supplémentaires sur le plateau, je trouvai désert le belvédère dominant un coude important de la rivière. La profondeur des gorges surtout frappe le regard et justifie le déplacement. Superbe coup d'oeil en particulier vers l'amont.

Belvédère du Point Sublime : vers l'amont, vers l'aval, vers l'arrière...

En continuant sur le plateau (causse de Sauveterre), j'avisai dans le hameau de Cauquenas une construction en pierre, voûtée, qui ne semblait pas récente : ancien four à pain, abri de berger ? J'ai posé la question à la mairie de La Malène, la commune concernée. Je ne manquerai pas de fournir ici la réponse — si toutefois elle vient un jour. Il était temps de rejoindre le bas de la vallée, et le pittoresque village de La Malène.

 Construction non identifiée à Cauquenas ; La Malène ; petite route rive gauche montant vers le causse Méjean.

Je profitai des derniers rayons pour poursuivre le long du Tarn jusqu'à Sainte-Énimie.

Rive gauche, on trouve le hameau de Hauterives, accessible à pied ou depuis la rive droite uniquement en barque, et ravitaillé non par les corbeaux, mais grâce à une sorte de télébenne pour transborder des charges. Au-delà de la jolie carte postale, les habitants se plaignent que ce dernier soit laissé en panne, et que d'une manière plus générale le village soit complètement abandonné des autorités compétentes, à tous points de vue : eau, assainissement, sentiers d'accès, entretien des berges...

Hauterives et son télébenne hors-service... ; dernière photo : traversée de Pougnadoires. 

Un peu plus loin, traversée de la localité de Pougnadoires, adossée à la falaise, et paraît-il partiellement troglodytique. Plusieurs petits tunnels se succèdent aussi sur cette portion de la route.

Enfin, voilà Sainte-Énimie, jolie bourgade établie en amont d'un pont, où j'allais trouver un petit restaurant simple, tout à fait correct, et surtout, ouvert ! Un très vaste parking inondable en bordure du Tarn, désert ce jour-là, laissait imaginer ce que peut être la fréquentation estivale...

Sainte-Énimie et son pont sur le Tarn


Repu, je traversai le pont pour rentrer de nuit à Meyrueis à travers le causse Méjean, en prenant garde aux animaux très dangereux dont regorge la région, mais pas encore trop à cette saison...

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Circuit du jour (sens horaire)

10
avr

Dernier jour de route, retour au bercail... Pour aller attraper l'autoroute, il restait le causse Noir à traverser. Ainsi dénommé à cause de son ancienne couverture dense de pins sylvestres, le plus petit des Grands Causses (merci Wikipédia) conserve des bosquets épars de résineux agrémentant un paysage légèrement vallonné ; plus accueillant, plus fertile ou en tout cas davantage cultivé que les autres causses. Le calcaire affleure et les broussailles de plantes épineuses restent bien présentes, mais l'ensemble donne l'impression d'un accord amiable entre la nature et l'Homme : Tu me prends ceci, je garde cela, à toi la route et le vaste champ, à moi le buisson, l'arbrisseau, le tas de pierres sèches, et l'ondulation générale du terrain.

 Paysage du causse Noir près de Lanuéjols

De Meyrueis, j'ai suivi la D986 puis la D47, passant par les villages de Lanuéjols puis Trèves, déjà visité à l'aller. De là je continuai à descendre la vallée du Trèvezel sur une portion nouvelle, par la D157 puis la D145. Là, au détour d'un virage, je tombai tout à fait fortuitement sur le pittoresque village perché de Cantobre, au pied duquel le Trèvezel se jette dans la Dourbie.

Cantobre : en haut, côté pile en arrivant de Trèves ; en bas, côté face, en continuant vers la Dourbie. 

De Cantobre on rejoint vite Nant, d'où la D999 monte sur le dernier causse à parcourir, celui du Larzac, et longe en ligne droite le camp bien connu de l'Armée de terre pour aboutir au bourg de La Cavalerie. Sa tradition militaire remonte aux Templiers qui fondèrent là une commanderie, et aux Hospitaliers qui plus tard ont fortifié la place.

La Cavalerie : ancienne commanderie des Templiers puis des Hospitaliers

À ce point du carnet de voyage, on pourrait se dire : Hé bien voilà, il en a fini avec les causses, il a encore dégoté un dernier site historique à photographier, pfff, maintenant ça va bien, il remonte en voiture, hop, sur l'autoroute jusqu'à Toulouse et puis c'est marre.

Oui mais voilà : il se trouve qu'une partie de mon estimé lectorat, représentant 100 % des commentaires enregistrés, déclare préférer les dolmens aux menhirs. Or j'ai encore montré beaucoup de menhirs ou de gros cailloux qui pourraient passer pour en être, et de dolmens, pas la queue d'un ; je ne saurais laisser durer plus longtemps un déséquilibre aussi flagrant.

Et que trouve-t-on dans un coin de pré à proximité de La Cavalerie, au bout d'une dernière piste ?

Dolmen de La Fabière. Le cheval s'est approché, il tenait absolument à être sur la photo. C'est logique, à La Cavalerie...

Cette ultime opération accomplie, je me présentai juste à temps à l'hôtel-restaurant de la Poste, un semi-gastronomique enfin à la hauteur de ses prétentions : Excellent foie gras, ris d'agneau en persillade, et mousse au chocolat (réussie) avec un sorbet à la mandarine. Heureuse clôture d'une décade jusque-là plus généreuse pour les yeux que pour l'estomac !

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Itinéraire du dernier jour jusqu'à l'autoroute A75

(À droite, à La Cavalerie : visite des remparts, dolmen de la Fabière, restaurant en ville et accès à l'A75) 
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Récapitulatif simplifié de tout le voyage

Marron : autoroutes ; orange : routes (triangle =  mont Aigoual) ; rouge : piste ; pointillés bleus : mini-randonnées à pied.

Kilométrage cumulé de Toulouse à Toulouse : environ 1550 km.