Partir traverser des mers en voilier, une aventure qui interroge souvent les "terriens". Cet article vous explique comment ça se passe et comment s'organise notre vie à bord.
Du 1er décembre 2017 au 31 décembre 2026
474 semaines
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Comment s'organise la vie à bord ?

Vivre sur un voilier durant de longues journées de navigation, dans des conditions souvent difficiles, tourne autour de trois préoccupations essentielles : assurer la marche du bateau en sécurité, s'alimenter, dormir. Si les conditions sont relax, s'ajoute à cela comment s'occuper.

La question reste entière : faut-il être un peu maso pour se lancer dans de telles aventures, quels plaisirs y trouvons nous malgré l'inconfort ?

Alors parlons d'abord des plaisirs 🤩

Etre en haute mer de longues journées est une expérience hors du temps et de l'espace. Notre univers se réduit au bateau, à ce cercle bleu autour de nous et au petit point figurant notre bateau sur l'écran vide du traceur (le GPS du bateau). Très vite après le départ la notion du temps s'estompe, ne reste que l'alternance des jours et des nuits. Le contact avec les éléments eau et air devient notre monde. Les heures passées à rêvasser bien qu'aux aguets, l'oreille tendue au moindre bruit insolite qui pourrait annoncer un problème, l'oeil veillant automatiquement au réglage des voiles et au contrôle du cap, s'apparentent à une sorte de méditation qui soulage l'esprit des préoccupations habituelles. Personnellement je ressens alors le bonheur d'être exactement là où je dois être. Bien sûr quand ça chahute trop il m'arrive aussi de me demander pourquoi je me suis embarquée dans cette galère et je voudrais avoir une baguette magique pour me téléporter sur un transat au soleil dans mon jardin !

Comment occuper le temps ? En mer je ne peux pas lire et suis condamnée à rester avec mes pensées qui vagabondent de vague en vague. Que faire d’autre sinon observer les nuages et y déceler des animaux cachés ? J’y ai vu des calamars géants, des tortues, des poulpes de ouate blanche. Si le ciel est tout bleu il reste à regarder l’écume sur l’étrave : c’est comme un feu de cheminée, toujours en mouvement mais si reposant, hypnotique même.

Il arrive aussi que nous ayons la visite de dauphins qui viennent jouer devant notre étrave. C'est toujours un moment fort ! Nous en croisions beaucoup dans l'Atlantique mais ils se font de plus en plus rares en Caraïbes.

Quelquefois aussi des oiseaux épuisés font une brève halte sur le bateau. Nous avons même "reçu" à bord une perruche probablement égarée très loin des côtes. Une fois reposée et nourrie elle a repris son chemin sans nous avoir au préalable salués en venant nous survoler dans le cockpit 😍

Les quarts de nuit peuvent être des moments difficiles mais offrent bien des récompenses. Dans l’obscurité les gerbes d’écume sur l’étrave s’illuminent et sont parsemées de points lumineux : le plancton phosphorescent est plus visible par les nuits sans lune. C’est un peu la même chose que les étoiles dans la Voie Lactée lumineuse ! C’est un spectacle magique dont je ne me lasse pas et qui illumine mes quarts de nuit. Fréquent dans l'Atlantique, le plancton phosphorescent se fait malheureusement rare dans la Caraïbe. Alors si le ciel est dégagé il reste à observer la voûte céleste loin de la pollution lumineuse.

Et bien sûr il reste toujours à admirer les couchers et levers de soleil.

Pour la sécurité du bateau il est préférable qu'il y ait toujours une personne éveillée qui surveille et puisse réagir aux changements de vent, aux rencontres avec d'autres bateaux et à tout problème qui pourrait survenir.

Chaque nuit nous faisons donc des "quarts". Je prends le premier quart vers 20H jusque minuit ou 1H du matin. Thierry prend le relai et je le reprends pour admirer le lever du soleil.

Dans la journée nous passons le temps ensemble dans le cockpit et essayons de grappiller quelques heures de sommeil par ci par là. Thierry dort dans le carré pour être prêt à intervenir rapidement en cas de besoin. C’est plus rassurant pour moi.

Comme la goélette est un joujou difficile à maîtriser, seul Thierry assure les manoeuvres de voiles. Je peux bien sûr border ou choquer le génois au fil des évolutions du vent, mais mes compétences s'arrêtent là. Pour les manoeuvres plus importantes je me contente d'aider Thierry à tirer sur les bouts.

Notre voilier est équipé d'un pilote automatique qui maintient seul et vaillamment le cap demandé. En navigation, sauf exception, nous ne barrons qu'au départ et à l'arrivée. Par gros temps, lorsque les vagues viennent trop dévier la trajectoire du bateau, le pilote "décroche" et nous alerte par un bip stressant. Il faut alors vite reprendre la barre et remettre le bateau sur le bon cap... Souvent plus facile à dire qu'à faire !

L'autre élément important de navigation est le traceur à la barre. C'est le GPS du bateau avec les cartes marines. Il nous dit où est notre bateau, quel est son cap et sa vitesse. En plus, grâce à l'AIS, il nous signale tout bateau dans un rayon de 25 milles (45 km). Je précise, pour ceux qui ne connaissent pas cette merveille, que l’AIS est un système de communication qui permet de voir les bateaux qui émettent le signal. C'est également notre cas pour être vu des autres bateaux alentours. Cela nous donne la taille et la vitesse du bateau, et à quelle distance et dans combien de temps nous allons le croiser. Pas encore l’âge du capitaine, mais ça viendra sûrement 😉. On peut paramétrer des alertes pour que ça sonne dès qu’un bateau est dangereux pour nous. Un grand confort !

Dormir, le plus gros défi 😴

Outre le fait qu'il faut assurer des quarts de nuit et donc avoir un sommeil morcelé, le defi est aussi de parvenir à dormir quand vient notre heure. Thierry est favorisé car il s'endort très vite... Malheureusement j'ai déjà du mal à trouver le sommeil dans mon lit sur terre, alors imaginez dans un bateau secoué !

En navigation nous dormons dans le carré sur un couchage latéral aménagé en agrandissant la banquette jusqu'au coffre central de la table. L'emplacement est idéal mais le couchage pas vraiment confortable et je me réveille fourbue !

Thierry a l’avantage de dormir sur le dos, la position la plus stable. Comme je dors en chien de fusil, je reste ballottée de gauche et de droite à chaque mouvement du bateau et ma peau finit par me faire mal à force de frotter sur le matelas.

Qu’est-ce qu’on mange ?

Nourrir l'équipage est une tâche primordiale en bateau... Mais en haute mer la diététique en prend un coup 😂

Nous avons les cales pleines de victuailles pour nourrir l’équipage durant plusieurs semaines. Par contre notre frigo est petit et le frais ne dure pas éternellement. Cuisiner avec une grosse houle n’est pas vraiment facile, surtout avec le mal de mer qui me frappe au début du voyage. Aussi je cuits avant de partir un stock de riz, de pâtes et d’œufs dur qu’il me suffit de réchauffer. Les boîtes de thon sont également précieuses. Quand la mer est plus calme je peux prendre le temps de cuisiner. Lorsque Thierry pêche un poisson (rare malheureusement) c'est la fête à bord 😋

Lorsque les conditions rendent la cuisine trop compliquée, il nous reste la solution sandwichs, fruits frais (les bananes calent bien) ou secs, céréales, barres chocolatées, chocos : les placards en regorgent.

Comment cuisiner par mer agitée 🥵

Il faut que je vous explique ce que signifie « cuisiner » dans une mer agitée. D’abord il faut bien se caler pour ne pas être projetée à la première grosse vague. Notre cuisine est pour cela très pratique car c’est un couloir étroit et il suffit de s’adosser à la cloison du moteur pour être en sécurité. La gazinière est montée sur cardans et reste à peu près horizontale. Lorsqu’on ouvre un placard, selon le côté sur lequel le bateau gîte, il faut veiller à ne pas se prendre tout son contenu sur la tête : entrouvrir un peu la porte coulissante et passer la main à l’intérieur pour chercher l’objet désiré. Malgré les « grip » posés sur le plan de travail qui empêchent les choses de glisser, il arrive fréquemment que tout valse à la première grosse vague. Il faut donc tenir tout ce qui est posé... malheureusement je ne suis pas Shiva. Bref, c’est du sport !

Et... Le mal de mer ?...🤢

Fort heureusement nous sommes peu sensibles au mal de mer... Mais ça ne veut pas dire que nous n'en souffrons jamais. Après une longue période à terre j'ai un peu de mal à m'amariner. Les deux ou trois premiers jours j'ai mal à la tête, je suis barbouillée et sans appétit et j'ai surtout envie de dormir. Difficile pour moi alors de passer du temps à l'intérieur pour cuisiner. Thierry est moins touché mais il manque lui aussi d'énergie. Bref, rien de grave pour nous !

Un carnet écrit pour les enfants de classes qui nous suivent leur explique le b.a.ba des voiliers. Alors si vous êtes peu familier avec le monde du bateau, vous y trouverez peut-être des explications 😉. Cliquez ICI pour y accéder.