Et nous voilà déjà en ce jour mémorable attendu par les 2 familles !
Pour la première fois, nous nous dirigeons seuls en bus, métro et train, vers la maison du Fiancé. D'abord il faut prendre un bus pour Izumigaoka, c'est le terminus, donc cela ne pose pas de problème ! Puis, nous demandons le prix du train pour Nakamozu à un contrôleur. Très fiers d'être compris, nous descendons par le passage souterrain vers la rame de métro pour Nishitanabe. Tout va bien. Vive l'écriture Hiragana ! Vers 9h30, nous sommes à la station de métro et nous finissons le chemin à pied !
Tadao, toujours au téléphone, nous montre d'un signe les divers objets étalés sur la table, spécialement préparés pour la cérémonie ! Il y a de tout ! De multiples plateaux décorés d'objets en forme de tortues, de cigognes, d'ibis, des sapins, des éventails et des branches de cerisiers se bousculent dans un joyeux capharnaüm. Ils accompagneront les 2 plateaux de bois qui ramèneront la réponse de la famille de Fumiko.
Traditionnellement, la famille du Fiancé doit offrir à sa "Belle", 3 mois de salaires en dot et un kimono de soie tressé de fils d'or et d'argent pour la cérémonie. D'autre part, la famille de la future épouse offre la totalité de l'aménagement du ménage. C'est à dire, 10 fois plus ! Les mariages traditionnels reviennent à 500 000 yens, une somme pour l'époque !
Avant l'étape décisive du Mariage, programmée depuis 13 ans maintenant, il nous faut passer par toutes les étapes protocolaires indispensables aux conventions japonaises. Nous bénéficions du statut exceptionnel de "Couple Entremetteur", ce qui équivaut à être les "Témoins" des Mariés, mais qui engage notre responsabilité bien au-delà de ce même statut en Europe.
Les "Entremetteurs" doivent participer à toutes les phases de la Vie des futurs Mariés et sont entièrement responsables du Bonheur et de l'avenir des Fiancés ! Nous passons donc notre soirée-avant-fiançailles à écrire un long discours, réservé à la famille de la future épouse, vantant les mérites de notre ami, mais surtout, ce que nous ne savions pas, nous engageant sur l'honneur au Bonheur du Jeune Couple !
Et si, un jour, ils divorcent ? Que se passe t il ? On nous envoie les "Jacuzas" ? Brrr !!!
Ce discours doit être lu aux parents, lors d'un premier repas officiel, normalement sans les amis et nous devons le dire en Japonais, car la famille de Fumiko ne comprend pas l'Anglais, ni le Français ! Nous devons convaincre les 2 familles. C'est du sérieux et nous avons passé une partie de la soirée et de la nuit à peaufiner notre discours !
Il est à noter que ces démarches sont toujours d'actualité, puisque, aujourd'hui encore, il existe, le plus souvent, au dernier étage des hôtels de luxe, un "Salon des Entremetteurs", réservé à cet effet !
Pour tout vous dire, nous avions prévu de jouer la carte de l'humour, pour cette demande en mariage peu orthodoxe, par Témoins interposés ! Eh bien, croyez moi, c'est raté !
Arrivés chez notre ami dès le matin, nous nous rendons vite compte que le moral n'est pas au beau fixe ! Ses parents ne sont pas contents du tout, car le Fiancé ne doit pas assister à la cérémonie de demande, c'est contre la tradition ! Néanmoins devant nos arguments leur signifiant notre incapacité à comprendre la langue et à traduire le discours et les réponses officielles en Japonais, Tadao a la faveur exceptionnelle de nous accompagner lors de ce moment fatidique ! Sur le chemin vers la maison de la fiancée, je révise mon discours, anxieuse, je dois impérativement laisser l'humour de côté ! On ne rigole pas, c'est très sérieux, tout ça ! Les parents seraient capables de dire "Non" et on repartirait pour 13 ans de plus ! Ah la, la ! On va pas leur faire ça, quand même ! Recentrons nous et posons nous pour un moment de Méditation !
Dès notre arrivée, nous sommes accueillis dans une petite pièce traditionnelle, avec tatamis, coussins et tables laquées. Nous sommes présentés officiellement comme "Entremetteurs" à la famille de Fumiko. Le Père, la Mère de la Fiancée s'installent à genoux dans un silence quasi religieux, l'atmosphère est pesante et nous n'en menons pas large ! Les sourires de bienvenue ont disparu. Le sérieux et le poids des conventions reprennent le dessus ! Tout le monde attend ! La jeune soeur de Fumiko, déjà mariée et mère de 3 enfants, venue spécialement de Tokyo pour cette cérémonie, nous envoie un premier sourire de détente. Bon, on y va ! On se lance !
À genoux sur le tatami, nous commençons notre discours officiel, dans un silence hors du temps. Il sera lentement traduit par un Tadao, légèrement courbé en position de respect :
"En ce jour de joie, nous sommes heureux et fiers, à la demande de Mr et Mme M. de vous prier d'accepter le témoignage de fiançailles entre Mr Tadao M. et la très honorable Melle Fumiko T. Cependant, nous sommes confus de venir ainsi troubler la sérénité de votre famille, en y retirant son joyau le plus précieux. Mais nous pouvons vous assurer de la qualité du bonheur qui l'attend au sein de la très respectable famille M."
Ouf ! C'est fait !
Le Père de Fumiko nous écoute sans nous montrer la moindre expression. Aucun signe d'émotion ! Il accepte cependant les cadeaux de fiançailles. Mme T. légèrement en retrait derrière son mari, nous sourit doucement en les rangeant avec méthode et lenteur dans la niche religieuse prévue à cet effet. Maintenant, toujours à genoux, (Nous y resterons à peu près 2h en se demandant comment se déplacer, manger ou même respirer, sans rester coincés !) nous offrons nos propres cadeaux français.
Pour l'instant, on ne peut pas savoir si notre prestation a été honorée ! Pas de réponse ! Pas d'émotion ! Il faut attendre !
Ça y est, la chaleur du sourire revient et devient communicative ! Les boissons aussi arrivent et achèvent de détendre l'atmosphère ! Un banquet nous est offert sans que nous sachions si la réponse est positive. En cela, les "Entremetteurs" ont le beau rôle, car même si les familles refusent, ils gagnent quand même un repas dans chaque famille, plus celui du mariage, si l'accord est accepté. Je pense que nous pourrions en faire une profession annexe assez lucrative à la retraite !
Pendant le repas de fête, nous avons tout le loisir de déguster des yeux et du palais, tous les plats de cérémonie préparés pour l'occasion : Gâteaux de fêtes roses et blancs, poissons crus (Non vivants, eux !) sushis, crabes, tempuras de crevettes, beignets de fleurs de lotus et d'aubergines, du riz, des pâtes, de la dorade grillée, dont la Maman de Fumiko s'amuse à retirer les arêtes, une par une avec ses baguettes !!!! Tous ces plats sont arrosés de Saké chaud, de potages et de thé vert de cérémonie contenant des feuilles d'or et des fleurs de cerisiers !
Nous rassurons la famille inquiète de l'éloignement futur de leur fille, qui viendra vivre quelques années en France avec notre ami. Nous discutons également de leur mariage, qui est prévu dans quelques mois, dans notre ville et notre jardin, en France.
Ensuite, nous recevons un cadeau témoignage de notre geste d'amitié, les honoraires de notre prestation ! Dans un magnifique foulard de soie de kimono, nous découvrons un appareil photo ultra perfectionné. Domo Aligato !
Nos remerciements confus sont appréciés et Mr T. se lève pour nous ramener, dans les plateaux décorés du début de la fête, le parchemin paraphé de son sceau, en signe d'acceptation du Mariage. Ouf ! Ils sont d'accord !
Les parchemins sont scellés à la cire rouge, comme aux temps des rois. Les Chefs de famille portent une chevalière gravée ou possèdent un sceau aux Kanji de leur nom. Ils le trempent dans l'encre, puis sur le papier, pour signer leurs chèques ou plus officiellement, dans la cire rouge chaude pour y imprimer leur marque.
La Famille de Tadao sera très satisfaite de notre prestation. Ils devaient quand même avoir très peur ! Peut on vraiment faire confiance à ces Gaïjins Français ?
Nous repartons en longeant le lac M. , creusé par un ancêtre de la famille de Tadao. Il nous reste quelques heures de détente, avant la soirée commune officielle de fiançailles entre les 2 familles. Nous en profitons pour une promenade digestive dans le quartier d'Abeno, en faisant une visite de courtoisie à la tante de notre ami. C'est une Dame charmante, vivant dans une superbe maison japonaise traditionnelle, avec un jardin minuscule, mais aménagé à la perfection dans le style le plus pur. Elle vit avec une servante, dans un décor français d'époque 1900. Elle fut la "Muse" d'écrivains et de peintres de cette époque. Après tous ces souvenirs d'un grand romantisme, nous prenons congé, et nous dirigeons vers la maison de Masako Ohya, "Jet-Seteuse" et Golfeuse de niveau International ! Une Milliardaire, "Figure" d'Osaka ! Sa maison est quelques rues plus loin.
En réalité, sa maison ressemble plus à un "Bunker" avec des murs bétonnés de plus de 2m de haut, surmontés de frises de barbelés et couverts de caméras à chaque angle ! Bref, c'est très moche !
Voici quelques éléments du "Pedigree" de cette "Pink Lady", toujours vêtue de rose ! !
"Masako Oya au château d'Humières
Veuve d'un homme politique japonais, cette francophile est à la tête d'une fortune d'environ 100 milliards de francs, issue de l'immobilier. Après avoir eu le coup de foudre pour la Normandie, elle a fait construire une première maison à Omaha Beach, avant d'en ériger la copie conforme sur son golf du château d'Humières (150 hectares dans l'Oise). Elle est propriétaire de deux autres golfs : à Murou, au Japon, et à Sandford Spring, au sud de Londres. Mais c'est ici, derrière ses façades rose saumon, qu'elle s'épanouit vraiment. Cette amie de la France a reçu la Légion d'honneur après avoir financé la rénovation de l'Opéra Garnier. " (L'Express)
En voici quelques photos !
https://www.google.com/search?sxsrf=ALeKk03aVvDueQzpCnyW7652Ss2BDGbBPw:1612718043175&source=univ&tbm=isch&q=photos+Masako+Ohya&client=firefox-b-d&sa=X&ved=2ahUKEwi93NfwotjuAhWt3eAKHTwkCWgQ7Al6BAgEEEI&biw=1264&bih=720
Nous discutons des prix des terrains et des appartements dans ce pays où le moindre mètre carré est hors de prix. En effet, nous venons de voir une publicité pour la location d'un appartement de 240 m/2, pour la somme modique de 2 Millions de yens. Pour le même prix, nous pourrions obtenir celle d'un terrain de 530 m/2. Nous calculons le prix du nôtre, en France, avec ses 4000 mètres carré. Au secours !
La maison de la Tante de Tadao qui pourrait être estimée à 1 Million d'euros, au vu de son excellente situation, dans ce quartier calme et excentré. Dans ces conditions, souvent fréquentes, les familles ne peuvent pas payer les droits de succession et transforment ces superbes maisons en "Ryokans" , pensions de famille de luxe, pour 4 ou 5 clients, triés sur le volet : Stars de cinéma, acteurs, chanteurs, personnalités politiques, etc ... D'autres fois, ces maisons sont revendues pour payer les taxes.
Le repas de fiançailles du soir se fait dans un restaurant chinois, encore à genoux sur les tatamis, devant des tables à plateaux tournants pour proposer les plats et vous les présenter. L'atmosphère détendue et conviviale entre les 2 familles, continuera tard dans la nuit. Nous en profitons pour offrir aux jeunes fiancés le livre d'or que nous leur avons réservé.
Tard dans la nuit, tous ensemble, nous regagnons à pied nos habitations. Le père de Tadao m'entraîne à déchiffrer les immenses affiches lumineuses toujours couvertes d'écriture, Kanji ou Katakana. Dans la nuit d'Osaka, le Saké aidant, nous nous amusons beaucoup de mon illettrisme Japonais. Je ferais mieux la prochaine fois !