Juillet 2019
150 jours
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Publié le 20 septembre 2019


Kirghizistan

le départ de Sébastien, à la recherche d’un garage, un passage de frontière stressant

Kazakhstan

deuxième entrée au pays, un flic corrompu, une ville où il est difficile de trouver logement


Il est 3h30 du matin, le réveil sonne. C’est aujourd’hui que Sébastien doit prendre son avion pour rentrer en France et reprendre les cours pour sa dernière année d’études. Nous nous levons, la tête dans le cul, et une fois habillés Sébastien prend une valise et je prends l’autre, après quoi nous descendons les escaliers pour aller mettre difficilement les valises à l’intérieur de la Lada. Sébastien s’installe au volant, moi côté passager, il allume le moteur, je prépare l’itinéraire pour l’aéroport sur Google Maps, et nous partons. Il est 4h du matin. 30 minutes plus tard, nous apercevons de loin l’aéroport, nous empruntons une sortie sur la gauche qui nous emmène à un dépose minute. Nous sortons tous les deux de la Lada, Sébastien ouvre le coffre, nous sortons les valises de la voiture. Le dépose minute porte bien son nom, car nous avons à peine le temps de se prendre dans les bras que me voilà déjà reparti sur la route, le siège passager vide à mes côtés. Une demi-heure plus tard, me voilà de retour à la chambre d’hôtel, je ferme la porte à clef et à peine ai-je le temps de programmer un réveil pour 9h que je m’écroule de fatigue dans le lit.


Il est 10h, je me réveille une heure en retard, sûrement que je n’ai pas entendu le réveil ? Non, c’est simplement que j’ai programmé un réveil à 09h pour dimanche seulement… Super, le back up de tous mes fichiers est terminé, je peux ranger précieusement le disque dur de 4to sur lequel les fichiers de Sébastien et les miens sont. Je commence à ranger mes affaires qui attendent à droite et à gauche. Attention à ne pas oublier les gels douche, pas deux fois ! Ah ! Sébastien a oublié le sien qui fait corps et cheveux, merci… Maintenant que les batteries de GoPro ont rechargées toutes la nuit, il est temps de faire la première vidéo avec, premier rush d’un grand nombre sûrement. Les explications à la caméra terminées, une faim soudaine me prend l’estomac. Je descends alors à la Lada pour aller chercher un sneaker : le petit déjeuner classique ces derniers temps. Je profite d’être dans la rue pour aller sonner à la maison voisine où vivent les gérants de l’hôtel et leur demander si je peux payer par carte. Parce que oui, en allant à l’aéroport ce matin nous avions convenu avec Sébastien qu’il me donne ses derniers dollars qu’il a avec lui, ce qui permettra de payer l’hôtel qui coûte 41$. Mais bien entendu, nous avons tous les deux oubliés en arrivant à l’aéroport, et le problème, c’est que je n’ai presque plus d’espèce sur moi ! En tout cas sûrement pas assez pour payer les deux nuits ! Donc me voilà devant la porte, à attendre que quelqu’un vienne à ma rencontre et curieusement, c’est une dame assez âgée que je n’avais encore jamais vue qui vient m’ouvrir. J’essaie de lui parler en anglais, mais je comprends assez rapidement qu’elle n’en parle pas un mot. Je dis alors simplement « carta via » en faisant le signe de l’argent de la main droite, ce à quoi elle me répond « niet ». Pour être honnête, cela ne m’étonne pas du tout, je n’avais que très peu d’espoir. Je lui répond alors « banka » pour lui indiquer que je m’apprête à prendre la voiture pour aller chercher un distributeur et retirer de l’argent et non partir sans payer. Elle hoche de la tête, je crois qu’elle a compris. Me voilà alors à la recherche d’un distributeur qui accepte la carte VISA., ce qui n’est pas donné. Et si finalement, le premier distributeur trouvé est le bon ! Je retire alors 5 000 Soum, ce qui fait 50€ et devrait me permettre de subvenir à l’ensemble des dépenses qu’il me restera au Kirghizistan. Je reviens à l’hôtel, la vielle dame n’est plus là. Je remonte à la chambre pour finir de préparer mes affaires quand la gérante se pointe dans le couloir et me dis en fait que la dame était sa mère et qu’elle ne parlait pas un mot d’anglais. Je lui donne alors l’équivalent de 41$ en monnaie Soum. J’ai tellement d’affaires que je décide de faire une première vague en emmenant quelques sacs à la voiture. En voulant placer les sacs dans la voiture, je me rends compte qu’il est temps de nettoyer un peu l’intérieur, de me débarrasser des affaires inutiles et de revoir l’organisation des boîtes et sacs, car maintenant que Sébastien est parti et qu’il y a plus de place, il est possible que je parvienne à tout mettre sur un seul niveau de façon à pouvoir voir dans le rétroviseur les voitures. Eh oui, depuis que nous sommes partis notre cher rétroviseur ne nous a pas bien servi vu la montagne de sacs qui bloquait la vision arrière. C’est en déblayant un peu que je me rend compte à quel point notre Lada se transformait petit à petit en poubelle roulante. Les boîtes sont complètement explosées, surtout celle qui contient notre équipement de camping car c’est sur celle-ci que nous mettons les bidons d’essence. Je sors alors tout de la Lada, sauf la malle. Je parsème la rue de tout et n’importe quoi le temps de commencer à trier. A la base, en plus de la malle nous avions dans le coffre trois grosses boîtes, une pour les crayons de couleurs et classeurs, une pour l’équipement de réparation et une pour l’équipement de camping, ainsi que deux petites boîtes, une contenant les médicaments et une des affaires diverses, nos deux bidons d’essence et la glacière. En triant le tout, je parviens à me débarrasser de la grande boîte complètement explosée. Je place une des petites boîte dans la malle, ce qui me laisse avec deux grandes boîtes, une petite, deux bidons d’essence et une glacière. Après un petit moment de réflexion, je finis par organiser l’arrière du véhicule en trois zones horizontales à un étage, le tout symétrique dans l’axe de la voiture. En partant du plus proche des sièges, la première zone est entièrement occupée par la malle. Ensuite la deuxième zone et composée des deux bidons d’essence ainsi que d’une grosse boîte contenant le matériel de réparation et d’entretien de la Lada, la grosse boîte est au milieu des deux bidons d’essence. La troisième et dernière zone, celle la plus proche du coffre, est composée d’une petite boîte contenant le matériel de camping, de la grosse boîte à dessin et de la glacière, la grosse boîte étant au milieu. Génial, j’ai réussi à placer tout sur un seul étage ! Je continue alors de ranger mes affaires à l’intérieur de la Lada, quand je remarque deux jeunes et une personne plus âgé dont la curiosité quant à la Lada toute boueuse se fait ressentir. Ils s’approchent alors, et me saluent alors que je suis en train de refermer le coffre de toit. Ils me demandent d’où je viens et puis nous commençons à discuter ensemble. Un des jeunes est étudiant et parle super bien anglais. Les deux jeunes sont en fait amis et le vieux est le père de celui qui parle bien anglais. Ils me demandent alors comment se tient la Lada, si c’est une bonne voiture pour ce grand voyage. Je leur répond que oui, c’est une voiture qui passe partout, qui est résistante, et facile à réparer surtout ici. D’ailleurs, c’est vrai que j’ai l’amortisseur à faire changer ici absolument avant de reprendre la route. Je demande alors au jeune s’il connaît un garage dans le coin qui pourrait prendre la Lada. Il me montre sur MapsMe une rue où il y aurait plein de garage. Je crois que c’est la rue où je m’étais retrouvé hier quand j’en cherchais justement un. Je le remercie, et il me dit de ne pas hésiter à l’appeler quand j’irai au garage car ils vont sûrement vouloir me faire facturer plus cher comme je suis touriste. Un gars en or. Nous nous disons au revoir, je finis de ranger mes dernières affaires, et me voilà prêt à reprendre la route. Mon dieu, mais qu’est-ce que ça change tout de pouvoir voir dans le rétroviseur ! J’ai l’impression de retrouver la vue en conduisant. Sur la route pour aller au garage, je m’arrête sur la route pour faire un plein d’essence. Je gars la voiture à côté de la pompe, sors du véhicule, et ouvre la petite porte qui couvre… rien ! Merde ! Le bouchon n’est plus là ! Mais comment ça se fait ? Je réfléchis alors et me souviens qu’hier j’étais aller mettre 10L à une station où un membre du personnel s’était chargé de faire le plein à ma place pendant que j’allais payer. C’est sûr, il a oublié de remettre le bouchon. J’aurais dû vérifier ! On apprend tous les jours à faire preuve d’un peu plus de vigilance. Bon, pas très grave, je fais le plein et je vais essayer de retourner à la station d’hier voir s’ils n’ont pas trouvé mon bouchon d’essence. Ca tombe bien, la station d’essence est à un croisement qui donne sur la rue des garages, donc facile à retrouver et pas de détour à faire. J’arrive à la station, je gars la voiture sur le côté, et rentre dans le bâtiment. Je prépare un message sur Google Traduction pour expliquer à la caissière que je suis venu hier et que j’ai perdu mon bouchon ici. Je lui montre, elle me parle en russe, je ne comprends pas, elle comprend que je ne comprends pas, je comprends qu’elle comprend que je ne comprends pas et lui montre alors du doigt des tiroirs dans le bureau derrière elle. Je me dis qu’avec un peu de chance, du personnel aurait retrouvé le bouchon et l’aurait ranger pour le redonner à son propriétaire s’il revient le chercher. Sûrement un peu trop optimiste, car le bouchon n’est absolument pas là. Sûrement quelque part au fond des ordures. Je remercie la caissière d’avoir pris le temps de chercher et redémarre pour aller dans la rue des garages. Je vais alors au garage que j’avais trouvé hier et où l’un des mécaniciens m’avait dit de revenir demain car ils allaient fermer. En arrivant, je retombe sur le même mécanicien, qui ne semble pas particulièrement emballer de me revoir, et me fait signe d’attendre, donc j’attends. Une dizaine de minutes plus tard, une femme s’approche de moi et me demande, dans un anglais parfait, ce dont j’ai besoin. Je lui répond alors que je souhaite acheter et faire remplacer un amortisseur arrière ainsi que faire un contrôle général du véhicule. Elle traduit alors en russe ma demande au mécanicien, qui lui répond qu’ils n’ont pas d’amortisseur pour Lada Niva sous la main. Elle me demande alors de la suivre pour essayer de trouver la pièce autre part. Nous arrivons dans un hangar où elle demande alors si quelqu’un possède cette pièce. La réponse est définitivement non, la pièce n’est pas disponible sur place. Elle me dit alors qu’il est possible de faire livrer l’amortisseur depuis un bazar par taxi et que le tout coûtera 1000 Soum, soit 10€. Le prix est plutôt correct, mais je n’aime pas trop l’ambiance des garages et lui dit alors que je peux aller chercher moi-même la pièce. Elle m’indique alors sur la carte où se situe le bazar, et je prends ainsi la route. 20 minutes plus tard, j’arrive au bazar. Je gars la voiture sur le côté droit de la rue, au côté de quelques garages. A peine ai-je le temps de sortir du véhicule qu’un homme habillé de noir vient à ma rencontre. Il me salue, je le salue, nous nous sérons la main comme le veut la coutume. Il me dit qu’il est mécanicien et qu’il peut m’aider si besoin. Il ne parle pas un mot d’anglais, mais je parviens à lui expliquer que je veux changer l’amortisseur en lui montrant l’ancien complètement défoncé. Super sympa il me fait signe de le suivre dans le bazar pour aller trouver la pièce chez un marchand. Des marchands, il y en a partout, le bazar est un vrai labyrinthe. A l’entrée du bazar, il me dit « no talk », suivi d’un signe d’argent avec sa main droite. Il me demande en fait de le laisser faire car sinon je vais payer l’amortisseur à un prix au-delà du prix normal. Je le suis alors, nous parcourons une cinquantaine de mètre dans la rue principale du bazar où une voiture ne passerait pas, et il s’arrête devant un des magasins. Je ne comprends pas tout ce qu’il dit au marchand, mais le résultat est qu’il me propose deux prix pour l’amortisseur : 300 Soums ou 700 Soums, la différence état au niveau de la qualité. N’étant pas à 5€ près, je lui dit que j’achète le meilleur des deux. Le marchand sort alors d’une boîte assez longue un amortisseur vert fluorescent. Je suis surpris de la couleur, surtout quand je compare avec l’ancien amortisseur qui est couleur métal. Je place les deux amortisseurs côte à côte pour comparer la taille, c’est bon ! Je profite d’être là pour lui demander s’il n’a pas un bouchon d’essence pour Lada Niva. Il sort d’une seconde boîte un bouchon doté d’une clé : super ça fera une sécurité pour éviter de se faire siphonner de l’essence ! Le bouchon coûte 150 Soums, je luis donne 850 Soums pour payer le tout, et nous reprenons la marche, l’amortisseur et le bouchon à la main pour revenir à la voiture. Mon ami me propose alors d’amener la voiture à son garage pour faire réparer l’amortisseur, ce que j’accepte bien évidemment. Je déplace alors la Lada jusqu’à son garage, et je la place au-dessus de ce qui semble être des bras articulés qui servent à soulever les voitures. J’avais un exemple concret à deux mètres de moi d’une Peugeot, assez longue, qui était soulevée par quatre bras articulés aux coins intra roues du châssis. Je ne perds pas plus de temps et sort de bouchon de la boîte pour le placer. Mais impossible, le bouchon est trop gros, il n’est pas du tout compatible avec la Lada. Ca met en confiance pour l’amortisseur tient… Je retourne alors voir le marchand pour lui rapporter le bouchon et lui demander s’il n’a pas un autre modèle. Heureusement, il en a bien un autre. Il reprend alors le bouchon que j’avais acheté et me donne le nouveau, avec en plus un billet de 500 Soums. L’honnêteté de gens dans ces pays, c’est vraiment génial. Je retourne au garage, deux mécaniciens semblent m’attendre à côté de la voiture qui est toujours au sol. Il me font signe des mains qu’ils ont besoin des clés. En fait, la Lada n’est pas assez longue pour que les quatre bras articlés se placent sous le châssis. Ils veulent que je déplace la Lada pour la placer à un autre endroit, au-dessus d’une brèche. Je commence les manœuvres, un mécanicien me propose de placer la voiture au-dessus de la brèche, j’accepte volontiers ne voulant pas risquer de faire tomber une aile de la voiture dans le trou. A peine la voiture placée au-dessus de la brèche qu’un mécanicien s’y engouffre pour commencer à remplacer l’amortisseur. J’essaie alors de placer le bouchon, c’est bon c’est compatible ! Le mécanicien m’appelle et me demande quelque chose en russe, je ne comprends pas, mais descends dans la brèche avec le petit sac en plastique dans lequel nous avions mis la vis et le boulon qui maintenaient l’amortisseur. Pas besoin de discuter davantage, c’est ce dont il avait besoin. Voilà un autre visage de la Lada que je découvre, la tête sous la voiture. C’est super pratique leur système de brèche dans le sol quand on y pense : économique car ni besoin de machine ni besoin d’énergie pour soulever la voiture, safe car pas de risque que la voiture tombe vu qu’elle reste au sol, et pratique car on peut accéder à toutes les parties du véhicule en même temps (ce qui serait impossible avec une voiture à deux mètres du sol). Je demande si je peux les filmer avec la GoPro, ils acceptent gentiment. Une dizaine de minutes plus tard, il a terminé de remplacer le nouvel amortisseur. Ce que je dois payer ? 350 Soums, soit 4€. Je leur demande alors s’il est possible de faire une vidange du moteur. J’aimerais bien en faire une avant de reprendre la route, et puis ça fait quand même 15000 km qu’on a roulé depuis la dernière vidange. Ils acceptent de faire la vidange dans l’immédiat. La disponibilité et le service, ça aussi c’est génial. 1500 Soums, ce qui fait au total 2550 Soums, soit 30€ pour l’achat de l’amortisseur, la main d’œuvre du remplacement, et la vidange. C’est vraiment pas cher payé. Il est 15h, je n’ai pas déjeuner, je mange un deuxième sneaker et reprends finalement la route pour me diriger vers la frontière avec le Kazakhstan. Une dizaine de kilomètres avant d’y arriver, je décide de faire un plein et de remplir les deux bidons d’essence tant que je suis encore au Kirghizistan car je sais combien ça peut parfois être compliqué de trouver de l’essence au Kazakhstan. J’en profite également pour cacher le drone au fond de la boîte de matelas dans le coffre de toit. Je me dirige désormais vers la frontière, et arrive dans la queue des voitures. 1h plus tard, les checks commencent côté Kirghizistan pour la sortie. Je tombe sur un militaire casse couille qui me demande d’ouvrir le coffre, la malle, le capot, et me demande de lui montrer les accessoires que j’ai autour de la ceinture. Bref, son moment de gloire terminé, je me dirige vers le check in du Kazakhstan. Là, ils me demandent de remplir, comme lors de la première fois quand je suis rentré, de remplir un petit papier qui sera mon visa pour le séjour. Le papier rempli, un militaire me demande de me diriger désormais vers le scanner à voiture. Attend… QUOI ? Le scanner à voiture ??? C’est la première fois que je vois ça ! Et merde, j’ai vraiment peur pour le drone, je ne me souviens plus du tout de la politique du drone au Kazakhstan. Je me dirige alors lentement mais sûrement vers le bâtiment qui scanne les véhicules et me place juste à côté de la queue. Là, je me dis que finalement ce n’est pas une bonne idée d’avoir le drone caché dans le coffre de toit, car vu que c’est le seul objet métallique à cet endroit il va ressortir direct au scanner ! Je dois le remettre dans la voiture pour qu’il se noie avec toutes les autres affaires. Je sors alors de la voiture, j’inspecte les lieux. J’essaie de repérer les militaires et j’analyse leur comportement. Lorsque je vais ouvrir le coffre de toit il ne faut surtout pas que je me fasse repérer ! Car si c’est le cas, ça va sembler hyper suspect de voir un type réorganiser sa voiture juste avant le passage au scanner. Je vois trois militaires : un qui discute à gauche avec des civiles, le deuxième au milieu, immobile, semble scruter les voitures, et le troisième fait des aller-retour entre la file et le bâtiment à scanner. J’attends un peu que le bon moment se présente, et là, une voiture vient s’interposer entre le premier militaire et la Lada, le militaire du milieu se met à marcher de côté et le troisième militaire en est à son retour au bâtiment et a donc le dos tourné. Je me prépare alors à ouvrir le coffre de toit discrètement, mais merde, l’aile droite du véhicule – d’où s’ouvre le coffre de toit - est au-dessus d’une énorme flaque d’eau et de boue. Impossible de sortir le matelas de ce côté-là, je tends alors les bras pour tirer le zip jusqu’à l’arrière du véhicule. Arrivé à moitié chemin, quelqu’un se met à crier « You ! ». Je lève la tête, et ce que je craignais venait d’arriver : un militaire, celui du milieu, m’appelait de loin. A ma surprise, au lieu de venir vers moi, il me dit de le rejoindre avec la Lada. C’est bon je me dis que c’est mort pour le drone, ils vont ouvrir le coffre de toit vu qu’ils m’avaient vu traficoter quelque chose et ils vont trouver le drone et se rendre compte en plus que j’essayais de le faire rentrer discrètement. Pas le choix, je laisse tomber le zip et monte dans la voiture et me dirige vers le militaire qui m’a appelé. Il me dit alors de rentrer dans un bâtiment à côté du scanner à voiture, qui est un grand hangar vide et éclairé, avec une brèche en son centre pour inspecter le dessous des voitures. Je place la voiture au-dessus de la brèche, et trois jeunes militaires sortent d’un bureau assez proche. Tous trois viennent me serrer la main, ce qui est assez rare, et l’un deux commence à me parler dans un anglais parfait, ce qui est encore plus rare. Il me demande d’où je viens, où je vais etc, puis me demande le petit papier sur lequel les militaires mettent des tampons pour indiquer que le check a été validé. Je lui donne, et il me dit « Stamp, good to go, deal ? ». Je lui répond « deal », en rigolant. 30 secondes plus tard il revient, le papier tamponner à la main, et me dis que je peux partir et aller à la frontière pour rentrer dans le pays. Putain ! Je suis passé du mec hyper flippé qu’ils découvrent le drone caché dans le coffre de toit au mec le chanceux en à peine 30 secondes, c’est dingue !! Même pas besoin de faire passer la voiture dans le scanner, le coup de tampon indique que tout est bon. Mais quelle chance !! Je repense alors à tout ce que le drone aura surmonté : le précipice sur le chemin de plus dangereux de Turquie, la frontière avec l’Ouzbékistan, le crash dans la colline au Tadjikistan, le désert au Kirghizistan et maintenant le scanner à la frontère Kazakh. Le dernier portail s’ouvre, me voilà enfin au Kazakhstan, et le drone est toujours avec moi. YESSSS !! Je m’arrête une centaine de mètres plus loin, je dois prendre une assurance. A peine sorti du véhicule qu’un Kazakh vient me voir et me propose une assurance. Nous nous installons dans son bureau, les formalités remplies me voilà prêt à payer. Je lui donne alors 11000, il prend les billets, et quelques secondes plus tard me les tends à nouveau en rigolant et en disant : « Ouzbek soum ». Ah oui d’accord, sans faire attention je lui ai donné des Soums Ouzbèque au lieu des Tenge Kazakh. Je fouille alors rapidement dans mon porte-monnaie et lui donne 15000 Tenge. Il me rend le change ainsi qu’une feuille A4 qui fera office d’assurance pour le reste du séjour. Il est 19h passé, la nuit commence à tomber, et il me reste encore 250km pour atteindre la grande ville de Almaty. Sans plus attendre, je programme l’itinéraire sur Maps me, et reprends la route à toute vitesse. Ce soir, je ne veux pas me coucher tard pour récupérer un peu de sommeil de la veille. Pour aller de la frontière à Almaty, c’est simple : suivre la grande route toute droite que tout le monde emprunte et qui passe au travers de nul part. La route s’en va à l’infini, les phares des voitures et camions tracent deux lignes, l’une rouge et l’autre blanche, qui se rejoignent à l’horizon. Sur cette route, il y a principalement des camions qui roulent tout doucement à cause de leur cargaison. D’ailleurs ce n’est pas une route, mais bien une autoroute, sauf que la portion qui va de la frontière à Almaty est en travaux, donc tout le monde roule à contre sens sur l’autre voie et on croise les véhicules d’en face à plus de 100km/h ! Sauf les camions qui eux ne vont pas au-delà de 70km/h, qui est d’ailleurs officiellement la vitesse limite sur cette route, vitesse qu’aucune voiture ne respecte. Vous imaginez ? Rouler à 70km/h sur 250km la nuit tout droit sans doubler et sans croiser la moindre infrastructure ? C’est bon pour s’endormir au volant ça. Je décide alors de faire comme les locaux, c’est-à-dire de doubler les camions et d’aller plus vite que la vitesse limite. Je reste prudent quant aux distances d’accélérations car la nuit il peut être difficile d’évaluer la distance avec la prochaine voiture qui arrive en face simplement en observant l’écart entre ses phares et la luminosité ! Je décide de prendre le moins de risque possible et de suivre à la trace un local qui semble bien connaître la route et qui a l’air de prendre plus de temps pour mesurer les doublements des camions. Je le suis alors, pendant plus de 30 minutes. Un camion en vue, des voitures arrivent en face, on ralentit, les voitures passent, on se décale légèrement sur la gauche pour voir les voitures qui arrivent en face, elles ont l’air loin, on pousse l’accélérateur, on se décale sur la voie opposée, on dépasse le camion et on se rabat sur la voie de droite quand soudain, des sirènes retentissent. Les flics. Ils passent devant nous, puis ralentissent pour nous forcer à nous arrêter sur le côté de la route. Nous nous arrêtons tous deux sur le côté, je reste assis dans la voiture. Je ne sais pas à quoi m’attendre, pour dépasser le camion je devais sûrement rouler à plus de 100km/h alors que la vitesse limite était de 70km/h. Ca risque d’être chaud. Un flic vient devant la portière, me dit quelques mots en Kazakh, comprend que je n’en parle pas un mot et appelle son collègue. Cette fois c’est un flic qui parle couramment anglais qui vient devant la portière. C’est la première fois que j’en rencontre un ! Pendant qu’il me parle, je vois dans le rétroviseur que le conducteur de la voiture que je suivais est rentré dans la voiture de flic… Ca sent le bakchich… Le flic me demande alors mon permis de conduire et la carte grise de la voiture. Il m’explique ensuite que j’ai commis une infraction en dépassant le camion car c’était interdit. Je ne discute pas, j’étais bien en tort. Il me montre mon permis de conduire, et le sert dans les mains en le plaquant contre son torse : « seized license one month » il me dit. Quoi ?! Je n’y crois pas une seule seconde. Mon permis de conduire confisqué un mois pour avoir dépassé un camion ?? Je lui dit alors : « Seize license for overtaking ?? », le regard étonné. Il me répond « yes, big problem overtaking ». J’ai toujours du mal à le croire. Je sens qu’il va bientôt me proposer une alternative… On reste tous les deux planter là quelques secondes, je ne sais pas quoi dire, je ne veux pas lui proposer de l’argent car si ça se trouve c’est un flic réglo et ça pourrait être retenu comme une tentative de corruption. Il me demande alors d’où je viens et où je vais. Je lui explique que je compte remonter tout le Kazakhstan, jusqu’en Russie, traverser toute la Mongolie et enfin atteindre Vladivostok. Là il me dit : « no license, big problem to go to Mongolia, how will you do ? ». Comme si je ne m’en étais pas rendu compte. Je lui dit alors simplement : « If you take my license, I can’t go there and my trip is finish ». Il fait alors signe avec sa main droite d’un homme qui marche. Je ne suis pas particulièrement de mauvaise humeur, je sais que ça fait partie du jeu, et puis j’ai bien commis une infraction, alors je rigole un peu en lui disant que ça risque d’être très long si je continue le voyage à pied. Il rigole aussi, l’atmosphère se détend un peu. Et là il me dit « we have to find a solution ». Je sais parfaitement où il veut en venir, et heureusement j’ai du cash sur moi, mais la proposition de règlement à l’amiable ne peut pas venir de moi. Quelques instants plus tard, il me dit, enfin : « How much money ? ». Combien je suis prêt à payer ? J’en sais rien je ne connais pas les règles d’ici moi. Alors je hosse les épaules, je lui dis « studenta » pour qu’il comprenne que je n’ai pas forcément tout l’argent du monde. Il sort son téléphone, lance son application calculatrice, écrit 100 et me dit « dollar ». 100$ ? Je n’ai même pas de dollar sur moi. Je lui demande alors combien ça fait en Tenge, il prétend ne pas savoir. Il me dit que si je n’étais pas étudiant, ça serait 1000$. Je ne sais pas si c’est vrai, mais si c’est le cas et qu’il arrête souvent des gens comme ça, son salaire ne doit pas valoir grand-chose en proportionnalité avec l’argent qu’il soutire des gens ! Je vois l’autre conducteur sortir de la voiture du flic, il me regarde au loin, une sorte de complicité s’était installé depuis que j’ai commencé à le suivre, et maintenant plutôt un sentiment de solidarité. La place est libre, le flic avec qui je m’entends plutôt bien me dit de le suivre à l’intérieur de la voiture. Je m’installe côté passager, lui côté conducteur. Je sors alors de mon porte-monnaie mon argent en Tenge Kazakh que je compte. J’ai 67000 Tenge Kazakh. A ce moment, j’essaie de me rappeler du taux pour avoir une idée du montant que cela fait en euro, mais impossible de m’en rappeler, cela fait presque un mois que j’ai quitté le Kazakhstan, et avec toutes les monnaies rencontrée depuis, c’est trop confus. Il me dit que c’est bon pour lui, je lui tends les billets, il me fait signe de les poser à côté du levier de vitesse, comme ça il peut prendre l’argent indirectement, ce qui ne le met pas officiellement en faute je suppose. Il me sert la main, me rend mon permis de conduire ainsi que la carte grise de la voiture et me dit que c’est bon, je peux y aller. Je sors alors de la voiture, et me dirige vers la Lada, toujours en train de chercher au fond de ma mémoire ce qu’était le taux. N’y parvenant pas, j’ouvre le guide sur la Kazakhstan que des amis à mes grands-parents, les Gurdjians, nous ont prêté, avec l’espoir de trouver des informations sur les taux de change. Je trouve un page, sur laquelle il est indiqué que 1€ équivaut à 160 Tenge. Sans faire le calcul tout de suite, je me rends compte par l’ordre de grandeur que si c’est bien ça le taux, je lui ai donné beaucoup, beaucoup trop d’argent. Le livre a plus de 10 ans, je me dis qu’avec un peu de chance le taux a bien changé depuis. Je reste assis dans la Lada, à chercher encore au fond de mes pensée, et là, ça me revient : 1€ = 400 Tenge. Je me rends compte que je lui ai donné plus de 100€… Un instant, je reste planté mà, pris d’un sentiment amer d’un mélange de dégoût d’avoir donné tant, de frustration de ne pas m’être souvenu du taux plus tôt, et de colère face au flic qui prétendait ne pas savoir combien 100$ vaut en Tenge et qui a pris sans remord tout mon fric. Une minute plus tard, j’entends à la fenêtre : « everything ok » ? C’était lui, le flic qui m’avait tout pris, qui se demandait pourquoi je ne repartait pas sur la route. Je lui dit alors que non ça ne va pas, je ne sais pas combien je lui ai donné exactement, je crois que je lui ai donné trop, et que j’ai besoin d’argent pour atteindre la Almaty, mettre de l’essence, manger et dormir ce soir. Il me dit alors : « ok, tell me how much you want and I give you ». Attend, quoi ?? Tu viens de me prendre tout mon fric sans remord et là tu me demandes combien je souhaite que tu me rendes ? Je n’en reviens pas, je réfléchi quelques instants, il faut que le montant que je lui demande soit raisonnable, que ça ne soit pas trop au risque de l’offusquer suite à quoi il pourrait dire non et repartir me laissant les mains vides, et il faut que j’en récupère le plus possible quand même. Je lui avait donné 67000, si je lui demande la moitié cela donnera l’impression que je cherche à avoir une sorte d’équité avec lui, ce qui n’est pas forcément la bonne méthode avec un flic corrompu. Je sors alors mon téléphone, lance l’application calculatrice et écrit « 20 000 », soit un peu moins d’un tiers de ce que je lui ai donné. Il me dit alors sans hésiter ok, sort quatre billets de 5 000 de sa poche et me les donne dans la main, puis me la sert avant de me dire au revoir et de me souhaiter bonne route. Pour me rendre autant, j’ai sûrement dû lui donner beaucoup trop, la prochaine fois, si elle survient, j’essaierai de fixer le prix moi-même au plus bas avant de faire les comptes. Je range les billets dans mon porte-monnaie et reprend la route, après avoir passé 20 minutes à l’arrêt. Il me reste encore plus d’une heure avant d’atteindre Almaty, je vais rester sur mes gardes et scruter les horizons des deux côtés pour essayer de repérer les flics. Je me demande alors si j’aurais pu mieux gérer ce moment, sûrement que oui. J’aurai pu négocier je pense, et surtout ne pas compter mes billets devant lui. Pour la Russie, j’écrirai le taux de change sur ma main avant de passer la frontière pour ne pas me faire avoir comme là ! Il est 22h30, j’arrive à Almaty. Cette ville est énorme, je m’enfonce petit à petit en son cœur à la recherche d’un fast-food vu l’heure qu’il est. Ca tombe bien, sur Maps.me je parviens à trouver un Macdonald au centre. Je m’y dirige et arrive aux portes à 22h50. Ouf ! Le service se termine à 23h, juste le temps de commander un menu maxi best of Big Mac et sa boîte de 6 nuggets. Le dîner traditionnel terminé, je cherche une auberge de jeunesse à proximité pour profiter de prix bas et rencontrer des voyageurs. Génial, il y en a partout dans cette ville et elles sont vraiment bien notées ! Il est 23h30 e reprends alors la voiture et vais à celle qui est la plus proche. Je me gare à côté et vais toquer à la porte. Quelqu’un sort et me demande si j’ai réservé pour la nuit. Je lui dit que non et lui demande s’il ont de la place pour une personne une nuit. Malheureusement, l’auberge est complète pour ce soir. Pas grave, je trouverai bien mon bonheur à la prochaine. J’arrive devant le bâtiment indiqué comme étant la deuxième auberge. Il n’y a aucune panneau ni lumière à l’extérieure. Bizarre pour une auberge. Je fais alors le tour du bâtiment, peut-être que l’emplacement n’est pas bien indiqué sur la carte, mais aucun signe de l’auberge. Je renonce alors à la trouver et me dirige vers une troisième auberge. Cette fois, elle est bien indiquée de l’extérieur mais aucune lumière provient de l’intérieure. Je toque une première fois, attend une vingtaine de secondes, puis toque une seconde fois, puis une troisième fois et quitte les lieux à la recherche d’une prochaine auberge. Ca alors ! Je n’ai jamais eu autant de mal à trouver une auberge, c’est dingue ! L’heure tourne, il est bientôt minuit, il faut vraiment que je me dépêche avant que les réceptionnistes aillent se coucher ou je n’aurai pas d’autre choix que de prendre un hôtel, et je ne préfère pas penser au prix surtout dans le quartier où je suis ! 4ème auberge, un panneau, de la lumière, mais pas de place. 5ème auberge, introuvable. Je commence peu à peu à perdre espoir. Il est minuit passé, et je n’ai toujours pas trouvé d’endroit où passer la nuit. Je me dirige vers une 6ème auberge, Alma Cinema Hostel. Je me gare juste devant l’entrée sur un terrain vraiment très en pente. A peine ai-je le temps d’éteindre les phares que la porte d’entrée s’ouvre. Une femme et un homme en sorte, le grand sourire au lèvre et me crient « Hello !! ». Agréablement surpris par cet accueil rocambolesque, je leur répond de même et ouvre la fenêtre pour leur faire de grands coucous avec la main gauche. Je leur demande s’ils ont de la place pour cette nuit, ce à quoi il me réponde positivement. Enfin !! S’ils m’avaient répondu que non, je leur aurait demander si je pouvais installer la tente quelque part s’ils avaient un jardin, mais je ne vais pas avoir besoin de planter les sardines ce soir ! Je sors de la Lada, la femme me montre des grosses pierres qu’il faut placer sous les roues pour éviter de retrouver la voiture le lendemain en bas de la piste avec sûrement de grosses réparations à faire. La nuit est à 8000 Tenge, soit pratiquement 20€, ce qui est vraiment cher pour une auberge de jeunesse, mais vu que je vais pouvoir dormir je suis content. Une fois payé, la femme me demande de la suivre. Nous sortons du bâtiment pour traverser une petite court avec jardin et enfin aller dans un coin occupé par une yourte. Une yourte ? Ici en pleine ville, en basse altitude, dans une cours alors que normalement ça se trouve loin des villes, en haute altitude au milieu de la pampa ? Incroyable, je vais passer une seconde nuit dans une yourte. Nous nous apprêtons à rentrer dans la yourte, elle me fait signe avec le doigt de ne pas faire de bruit car d’autres personnes dorment, ce qui n’est pas étonnant vu l’heure tardive. La yourte est très spacieuse, deux hommes dorment déjà sous une multitude de couverture malgré le radiateur mis à disposition au centre. La gérante regroupe deux bouts de matelas pour former un lit, sort quelques couvertures, m’indique les toilettes et la douche, équipements que je n’aurai jamais pensé trouver dans cet habitat, et quitte la yourte en me souhaitant bonne nuit. Je pose alors mes affaires, me déshabille, et me faufile sous les couvertures que j’enroule autour de moi. Il est 1h du matin passé, je programme un réveil pour 08h, et plonge dans un sommeil profond à une vitesse encore jamais atteinte.