Ma famille en Inde habite à quelques heures de route de Pondichéry, ancien comptoir français. Le village est structuré de manière assez simple - des maisons qui se succèdent autour d'une grande route principale. La particularité de Kanthangudy : être à la frontière entre l'Etat de Pondichéry et celle du Tamil Nadu, deux états qui ont des règles bien différentes, notamment sur l'accès et la commercialisation d'alcool. Notre maison était à deux pas du checkpost, qui contrôle les entrées dans l'état et est à l'affût des liquides.
Le quotidien à Kanthangudy est assez ennuyeux, surtout pour une citadine. Même si le village est entouré de champs, la grande ville la plus proche, Karaikkal, est à vingt minutes en bus. Ajouté à cela les pannes d'électricité et la chaleur, les journées sont assez longues. Lors de ce voyage en 2015, je m'étais promise de tenir à jour mon carnet de dessins, mais avec la chaleur, impossible de dessiner dehors ! J'ai quand même croqué des scènes de vie quotidienne (en intérieur...).
Heureusement qu'on avait un champ où se promener et un jardin avec plein de bananiers et de cocotiers.
La ville de Karaikkal se trouve à vingt minutes en transports. Pour y accéder, deux solutions : en auto (touk-touk) où au moins on a le véhicule rien que pour nous, ou alors le bus, qui est beaucoup moins cher mais beaucoup plus rempli ! Pour un point de comparaison : 150 Rs pour le auto, et 10 Rs par personne pour le bus.
Les bus n'ont généralement pas de vitres, ce qui est un avantage quand il fait chaud (on peut avoir les cheveux au vent), et un énorme inconvénient quand il pleut des trombes d'eau ! Il m'est déjà arrivé d'être toute mouillée sur le côté après un voyage en bus très long et sous l'orage...
Karaikkal est également un ancien comptoir colonial français. On retrouve donc beaucoup de francophones et une grand communauté chrétienne. Cela dit, c'est aussi une ville avec une grande communauté musulmane. La mosquée de Karaikkal est très belle, elle est à l'entrée de la ville.
C'est dans la galerie près de la mosquée qu'on peut échanger nos euros pour le meilleur taux. A bon entendeur... !
On aimait bien aller à Karaikkal avec mes soeurs pendant la journée, sachant que nos cousines étaient toutes à l'école (quand nous y allons en Inde l'été, les cours ont déjà repris pour les locaux, dès le mois d'avril). On aimait bien s'y rendre pour flâner, faire du shopping chez Sekar's et manger du chicken 65 et des french fries.
Mes meilleurs souvenirs culinaires : un paper dosai (une grande crêpe faite de graines de riz et de lentilles - on dit paper car le dosai est fin comme du papier) gigantesque partagé avec mon père, et un badji (beignet frit à la farine de pois chiche) au piment, servi avec un chutney coco. Miam !
Pendant l'été a lieu le Festival de la Mangue, Mangani Thiruvizha. Pourquoi la mangue? Il se raconte qu'un époux habitant à Karaikkal demanda à sa femme, très pieuse, de garder deux mangues pour son dîner. Sa femme reçut alors la visite d'un mendiant, qui lui demanda de le nourrir. Celle-ci lui offrit gracieusement un repas de riz et une des mangues qu'elle devait réserver à son mari. Il s'avéra que le mendiant était en fait le Dieu Shiva.
A son retour, l'époux revint et mangea une mangue. Il demanda la seconde à sa femme mais celle-ci ne sut que faire. Elle s'en alla dans la cuisine et par miracle, une mangue lui tomba entre les mains. C'est comme cela que le Dieu Shiva la remercia de sa bonté.
Pendant le festival, qui dure un mois, il y a un grand marché et toutes sortes de festivités, notamment un défilé de chars, le plus attendu étant celui avec des mangues.
La plage de Karaikkal est aussi un passage obligé. Pas question de se baigner en maillot. Ici on relève sa robe pour mouiller ses pieds, ou alors on se baigne tout habillé !
On mange des glaces à la rose, ou alors on mange des cacahuètes et des pois chiches grillés et épicés. On nous sert ces derniers bien chauds dans un cône fait de papier journal.
Bien sûr à Karaikkal on en profite aussi pour faire le plein de fruits, de légumes et de produits dans les magasins et au marché.
Milk bikis : les petits beurre tamouls, délicieux trempés dans du lait frais ou du masala chai, du café, des snacks, du sirop...Kanthangudy et Karaikkal sont de vraies parenthèses lorsque je suis en Inde. Entre ennui et fascination pour la lenteur du quotidien, j'ai essayé de croquer des moments dans mon carnet de dessins. Mon dernier voyage en Inde date de 2015, le dernier que j'ai fait avec mon père. Malgré l'amertume de sa perte, j'essaye de faire vivre mon carnet (je monte ma toute première exposition à la rentrée) et de faire découvrir l'Inde du Sud d'une autre manière. J'essaye aussi de garder en mémoire les meilleures saveurs (dont bien sûr celle du paper dosai dégusté en tête à tête avec lui) et de les faire découvrir lors de visites guidées du quartier indien de La Chapelle à Paris, à tous les voyageurs citadins en quête d'exotisme.
J'espère que ces quelques images vous auront fait voyager,
Jody - www.jodydanasse.com