Le cadre.
Perdues à l’écart du monde, sur la rive d'une baie aux couleurs changeantes, les baraques blanches et bleues nous accueillent. Autrefois habité par une communauté de cinq à six cent personnes qui vivaient de la récolte des algues nécessaires à la fabrication de l’agar-agar ou de produits cosmétiques, le lieu est maintenant géré par Matias, le petit fils du fondateur.
Camilla qui nous accueille de son charmant sourire nous explique que ce qui servait auparavant de marché couvert pour le village est actuellement utilisé comme restaurant, petit musée et salon avec bar, bien sympathique. On peut aussi voir en se promenant dans le village l'ancien commissariat, l’église, l’école et bien sûr les maisonnettes qui abritaient le personnel.
Les gîtes.
Le restaurant.L’exploitation à 3 sources de revenus : l’activité d’origine qui est le ramassage et la vente des algues marines. On voit passer dans la journée un vieux tracteur avec deux remorques dans lesquelles ont pris place les ramasseurs. Ces algues sont ensuite séchées et rassemblées en balles.
La deuxième source de revenu est la laine des quelques 11 000 moutons qui parcourent les 40 000 hectares du domaine (soit un carré de 20 km de coté). Au mois de septembre, ces moutons sont rassemblés par des gauchos à cheval pendant une semaine, puis cela prend 3 semaines pour les tondre.
Enfin, la troisième activité est le tourisme. Les baraquements en front de mer ont été aménagés en 6 petits gîtes qui peuvent accueillir chacun 4 personnes. C’est là que nous logeons.
Un compagnon inattendu! Etant éloignée de toute civilisation, l'estancia est aussi dépourvue d'un certain nombre de ses facilités modernes. Pendant que Camilla nous montre notre chambre, elle nous explique que l’électricité fournie par le générateur n'est disponible que de 19h00 à minuit et que le reste du temps, il y a uniquement un minimum d’éclairage disponible grâce à des batteries. De même le Wi-Fi n'est disponible que dans la même tranche horaire et avec une accessibilité réduite. Un peu frustré au début, je dois bien me rendre à l’évidence, il est aléatoire de vouloir communiquer avec l’extérieur. Adieu donc pendant les 3 jours de notre séjour ici à Facebook, WhatsApp, au transfert de photos et autres journaux de voyage.
Le village et vue depuis la peninsula Gravina.Le gîte que nous occupons est confortable, avec 2 chambres, une kitchenette et un petit salon que nous n’aurons pas le temps d’utiliser. Nous sommes pris en charge selon un programme minuté et visiblement bien rôdé. Les excursions alternent avec les repas, tout est indiqué sur le tableau placé à côté de la porte du restaurant.
Les excursions.
Nous aurons l'occasion lors de notre séjour de faire 5 excursions et une promenade à cheval.
1. La peninsula Gravina.
Dès nos bagages posés, il est l’heure du départ pour la première expédition. Nous embarquons dans un Land rover au kilométrage respectable de plus de 300 000 km. Il y en a 3 comme ça, tous d'un âge similaire. Ils nous véhiculeront pendant tous nos déplacements de notre séjour. Après quelques kilomètres dans un chemin praticable uniquement grâce à ce type de véhicule, le guide nous amène dans un endroit dont le sol sablonneux est couvert de coquillages blanchis par le soleil, alors même nous explique-t-il que cet endroit n’est jamais recouvert par la marée. Il s’agit des coquillages laissés par les Gallois qui ont habité l'endroit peu après leur immigration dans le pays. Ils habitaient le lieu et se nourrissaient des coquillages récoltés dans la baie.
Les land rovers qui nous emmèneront en excursion.Nous sommes ensuite débarqués non loin de la plage et invités à parcourir quelques kilomètres à pied pour ensuite rejoindre le guide à l’extrémité de la péninsule. Je suis émerveillé devant le paysage qui s’offre à nos yeux, le bleu changeant de la mer les nuances de rouge et d’orange des rochers, le bleu du ciel, le blanc des nuages. Et le vent qui nous pousse dans le dos et que nous découvrons aujourd’hui. On croirait à une tempête mais non, c’est toujours comme ça !
Huitriers (Oyster catchers) La promenade se termine par une pause sur la plage des toboggans. Je trempe mes pieds dans l’eau, elle n’est vraiment pas très chaude, je crois que j’ai pris mon maillot de bain pour rien ! Le guide nous propose diverses boissons. Gene et moi nous enhardissons à goûter le maté, la boisson nationale de la Patagonie. Il s'agit d'une herbe séchée et réduite en poudre qui est versée jusqu’à le remplir dans une sorte de gobelet en bois, entouré d'une peau de potiron et munie d'un bord métallique. Ensuite, un peu d'eau chaude est ajoutée et le premier buveur l’aspire à travers une sorte de pipe qui filtre le liquide et retient l'herbe. Lorsque tout le liquide a été aspiré, on ajoute un peu d’eau et on passe au buveur suivant et ainsi de suite. Ça a le goût d'un thé très fort et très amer. On peut l’agrémenter d’un peu de sucre, pour les débutants, comme ils disent. N’étant pas fan de thé, je laisse cela à qui veut, mais il fallait bien que je fasse cette expérience, n’est-ce pas ?
Notre premier vrai contact avec la Patagonie…
Promenade sur la plage et la plage du toboggan avec ses rochers colorés. Jeudi21 décembre
2. L’île aux pingouins.
Ce matin, nous sommes invités à aller visiter l’île aux pingouins. Je suis impatient d'aller voir de près ces petits animaux, en réalité des manchots de Magellan. Nous embarquons donc dans deux Defenders, l'une conduite par le même guide qu'hier, l'autre conduite par Mariana. Pauvre Mariana dont le véhicule se met rapidement à hoqueter de plus en plus fort à son grand désespoir. Ses gestes d’impuissance montrent que ce qui se passe est indépendant de sa volonté. Après environ 2 km, la jeep s’arrête définitivement. Nous voilà perdus au milieu de la steppe patagone !!!
En panne au milieu de la steppe patagone!Après quelques discussions, nous décidons de rebrousser chemin vers le village où nous emprunterons un autre véhicule pour reprendre l’expédition. Je suis assez heureux de pouvoir marcher librement au milieu de ce paysage sauvage et désertique. Il fait beau, pas trop chaud, c’est fantastique !
Finalement, la voiture a redémarré et notre promenade ne dure que quelques minutes. Nous rembarquons dans l'autre voiture et nous voilà repartis. Le terrain est vallonné et chaque passage de crête révèle un autre paysage. Nous nous arrêtons pour l’admirer. Je reste en émoi devant cet étalage de couleurs, cette palette de différents verts, le turquoise de la mer, le vert foncé des buissons, le vert tendre de la salicorne… Le vert à toujours été ma couleur préférée ! L’émotion me fige sur place, je ne me lasse pas de regarder ce paysage.
Le paysage qui ma fait rêver. Me voilà rappelé à l’ordre et nous repartons vers l’île des pingouins qui n’est accessible qu’à marée basse.
La traversée à marée basse. Qu'ils ont mignons ces petits animaux, semblant si maladroits et patauds quand ils doivent se déplacer sur le soleil caillouteux, si attentifs à notre présence quand nous passons à proximité de leur nid caché sous les broussailles, si attentionnés pour les petites boules de plumes qu'ils couvent en dessous d'eux… On a presque honte de les effrayer par notre présence. Il nous est bien recommandé de ne pas les toucher et aussi de nous écarter du chemin par lequel ils transitent pour aller de leur nid à la mer. En effet, ils font constamment des aller retour pour rapporter de la nourriture à leur progéniture. Comme c’est drôle de les voir se dandiner depuis la mer jusqu’à leur nid sous les broussailles.
C’est rempli du plaisir de voir ces petits animaux d’aussi près que nous repartons vers les véhicules.
3. Le cap Aristizabal
L’après midi est consacré à un safari dans la steppe qui nous conduit à la recherche des maras ou lièvres de Patagonie. Après de longues minutes de vaine recherche, nous finissons par en apercevoir quelques-uns qui s’enfuient vivement à notre approche.
Le guide nous divertit en nous expliquant qu'un journaliste qui était venu faire un reportage sur ledit animal n'avait pu en photographier que deux sur les trois mois qu'avait duré sa mission. Il semble que nous avons de la chance car nous parvenons quand même à en prendre quelques photos.
Les maras. Le challenge suivant est de trouver un renard. Le renard de cette partie de la Patagonie est petit et gris et son pelage se confond avec la végétation. Nous en apercevrons quand même à deux reprises pendant notre safari.
Guanaco et huitriers.Je m’amuse beaucoup à cette chasse et à l’excitation qu’elle provoque chez chacun d’entre nous chaque fois que le moindre animal est aperçu s’enfuyant entre les broussailles.
Ensuite vient la cérémonie du break boisson qui ponctue chaque excursion et au cours de laquelle on nous propose café, thé ou bien entendu maté. Aujourd’hui, les guides nous conduisent au cap Aristizabal auquel nous pouvons admirer les formes bizarroïdes de la roche formées lorsque la lave en fusion s’est précipitée dans la mer à cet endroit. En particulier nous voyons les curieuses bulles arrondies.
Cela nous ramène à un temps bien reculé où l’homme n’était pas encore présent sur cette terre et où la nature construisait cet environnement magnifique qui souffre beaucoup depuis que l’être humain occupe cette planète.
Huitriers et autres mouettes. Enfin, nos guides nous déposent sur la plage avec pour mission de rejoindre les œuvres contemporaines d'un artiste français, sorte de diabolos qui s’orientent avec le vent.
Mais le plus intéressant, c’est ce squelette de baleine quasi intact qui trône par terre. Cela me semble être une œuvre d’art bien plus impressionnante, cet ensemble d'os compliqués qui s’emboîtent précisément de manière à former la structure de cet animal fantastique. Malheureusement, nous n’aurons sans doute pas l’occasion d'en voir de vivante pendant ce voyage, la saison de leur présence sur ces côtes étant passée de quelques semaines. Tant pis, ce sera pour une autre fois…
Le squelette de baleine. Les couleurs du paradis.Petit renard gris de PatagonieVendredi 22 décembre
4. La forêt pétrifiée
Après le petit déjeuner pour lequel nous avons dû nous lever tôt, nous embarquons dans les Defenders. Le but de l’excursion de ce matin est la forêt pétrifiée. En chemin, nous apercevons plusieurs groupes de guanacos. Mara nous explique que chaque groupe comprend un mâle alpha, le mâle dominant, qui reste à l’écart pour surveiller les abords.
Guanacos
Et encore des guanacos.La piste qui mène à la foret pétrifiéee.Nos deux guides, Mara et NicoAprès un trajet mouvementé sur des pistes de plus en plus difficiles, nous arrivons aux abords du site. Nico, notre guide nous fait part de deux règles : ne pas emporter de souvenir et ne pas marcher sur les troncs pétrifiés. Ensuite, nous nous marchons vers le site, en luttant contre le vent très violent qui nous fait tituber sur le sol irrégulier. Le paysage est grandiose.
Nous marchons dans une vallée asséchée creusée il y a quelques millions d'années par la fonte des glaciers qui recouvraient le site à l’époque. C’est lorsque cette vallée à été creusée que les troncs pétrifiés lors d'un précédent bouleversement géologique ont été exhumés. Cela explique aussi le relief, inhabituel pour cette région.
Le sol est jonché de fragments de bois pétrifié. Un morceau de tronc dont le carbone a été remplacé par des éléments minéraux sous l'effet de la pression et des sédiments.Nous sommes accompagnés par trois familles américaines, mais d'origine indienne qui sont assez bruyants et peu respectueux des règles susmentionnées, vu que les jeunes piétinent allègrement les troncs fossilisés, ce qui a le don de nous agacer. Ce manque de respect pour des choses aussi respectables et rares témoigne d'un esprit extrêmement peu ouvert à notre environnement si fragile.
A côté des fragments éparts, il reste des troncs quasi entiers qui émergent petit à petit du sol grâce à l'érosion. 5. Les îles de l'archipel Vernaci
Après notre retour, un lunch et une bonne sieste, nous voilà repartis pour une nouvelle aventure. Cette fois, il s’agit d'une excursion en bateau pour aller explorer les îles de l'archipel Vernaci qui parsèment l’entrée de la Caleta Malaspina. Nous y verrons des pingouins, des lions de mer et des otaries. Il y a un vent violent et une fois embarqués, nous devons naviguer contre le vent, ce qui ne manque pas de nous envoyer d’abondants embruns glacés. Je m’amuse beaucoup à voir tout le monde se faire copieusement arroser, moi y compris.
Maman Nandou et ses petits. Pingouins et jolie mouette.Les lions de mer sont magnifiques dans leur attitude caractéristique. Nous avons également la chance d’observer un bébé qui est né il y a à peine quelques heures. Nous nous émerveillons de voir ces magnifiques animaux. Nous avons de la chance, je crois de pouvoir les observer d’aussi près. Combien de temps pourront-ils résister à la pollution croissante de leur milieu de vie et à l’expansion galopante de l’espèce humaine ? En même temps que mon émerveillement, je suis un peu inquiet pour eux …
Lion de mer mâle.Un mâle solitaire et un autre avec son harem. Papa, maman et le nouveau né.Les otaries jouettes et curieuses. Retour sur la terre ferme.Samedi 23 décembre
Pour notre dernier jour passé ici, nous demandons pour faire une promenade à cheval. Nous serons accompagnés par une famille suisse arrivée la veille et avec qui nous avons partagé notre table pour le souper. Nous nous rendons donc au corral où nous retrouvons Matias et Mara en train de préparer les chevaux pour notre expédition. Les Suisses nous y rejoignent un peu plus tard, habillés comme si ils allaient participer à un concours de dressage. Je crois que Matias a failli en perdre son chapeau de gaucho en les voyant habillés de la sorte.
Le ranch et le départ.L'angoisse me gagne, comme chaque fois que je dois monter un cheval que je ne connais pas. Une fois en route, je suis vite rassuré, Louveto est très calme et obéit parfaitement, pourvu que j’utilise bien mes rênes d’appui comme il est de règle pour la monte western. Nous parcourons la plage, le ciel est bleu et le vent s’est calmé. C’est un vrai rêve éveillé que nous vivons…
Sur la plage avec Matias.Les repas
Les hôtes sont accueillis lors des repas dans l’ancien marché du village, transformé en restaurant et en living room. Les repas sont très recherchés et élaborés autant que faire se peut avec des produits de l'exploitation. En effet, il faut parcourir environ 40 km de piste pour rejoindre la route nationale et je ne sais pas combien en plus pour atteindre le magasin le plus proche.
Je ne sais pas comment ils font, mais le chef semble assez doué et imaginatif pour utiliser des produits tels que la betterave, le potiron, la viande de Guacano, les baies rouges qui poussent là, etc… Le tout accompagné des charmants sourires de Mariana et Camilla. Chaque repas qui comprend trois services constitue une surprise, toujours agréable, en tout cas en ce qui me concerne.
Quelques exemples de plats inattendus (je ne suis plus certain de toutes les combinaisons)
- Risotto de betterave rouge – ricotta parfumée à l’orange et au sésame
- Polenta gratinée – agneau de lait – croûte aux champignon
- Patate douce croustillante – ragoût de guanaco
- Fruits grillés au sirop de menthe
- Autres plats à base de potiron ou de butternut
- Et le sommet : tentacules de poulpes grillés au petits légumes