J’attends « mes 2 » bagages, Yoani me rejoint. Elle me dit de faire comme si sa valise était la mienne. Je les prends et les pose sur un chariot et m’en vais tranquillement. Les cubains doivent montrer leur passeport pour sortir, pas moi. Et là je me retourne et je vois qu’on refuse à Yoani de sortir. Je me demande si on a attendu que je parte pour la retenir…
Je repère Marta et lui demande si elle peut récupérer la valise. Elle me dit non mais me dit de la suivre pour me présenter rapidement la mère de Yoani. Mais l'omniprésence des militaires armés sur chaque mètre carré de l’aéroport m'en dissuade : je ne peux pas remettre la valise sous leurs yeux, c’est trop risqué. Déjà que je venais de me faire arrêter une première fois, je ne suis pas sûre qu’ils apprécient les récidivistes. (putain, putain, putain… je suis dans la merde). Je dis alors à Marta de ne pas me quitter des yeux, l’échange doit se faire discrètement à l’abri des regards. Je m’éloigne et multiplie les allers-retour, histoire de montrer que je suis paumée, à la recherche du bon bus pour la Havane. Un vrai casse-tête. J’ai l’impression d’être dans un film d’espionnage avec en prime des hommes en uniforme et armés jusqu’aux dents postés à chaque mètre pour me faire flipper. Cette valise est un vrai boulet… J’ai beau tourner en rond, il y a toujours un militaire dans mon champ de vision. Je transpire, l’adrénaline monte… Finalement, aidée par la nuit qui tombe, l’arrière d’un bus m’offre un angle mort. J’abandonne la valise, vérifiant que personne ne m’ait vu, si ce n'est la mère de Marta.Et à ce stade, vu les risques, je commence à m'en balancer du sort de la valise.
Je monte vite dans mon bus, fatiguée mais non sans une certaine anxiété. Instinctivement, je me laisse glisser sur mon siège comme pour me cacher. Le film dans ma tête se poursuit quand le bus démarre voyant défiler pour la première fois dans la nuit les « vieilles américaines » et des inscriptions vantant les bienfaits de la Révolution et de la patrie.Sauvée...
Je suis vraiment sur une autre galaxie. J’ai le cœur qui bat en me remémorant mes 2 dernières heures et ce que je venais de réaliser. Ai-je été inconsciente, téméraire, bienfaisante ? Je suis un peu larguée…
Arrivée à l’hôtel, les lumières ne fonctionnent pas, je ne peux pas ouvrir les fenêtres : elles sont ornées de barreaux verticaux. Je me sens en prison...
Je n’arrive pas à dormir, j’ai mal au crâne et 2 points rouges clignotent au-dessus de mon lit. J’essaye de l’éteindre mais y à rien à faire. Clim, caméra, truc à incendie ? Je ne sais pas ce que c’est.
Le lendemain, j’essaie de joindre Yoani. N’ayant pas de réponse, j’essaie de joindre Marta. Sans succès. Elles ont aussi mon numéro. Yoani m’a promis qu’on sortirait ensemble, qu’elle me ferait découvrir son pays autrement qu'en mode touriste. Mais je n’ai plus jamais eu de news… elles se sont volatilisées.
Je me suis sentie comme le dindon de la farce. Une bonne leçon pour une occidentale pensant qu'on pouvait se lier d'amitié ou du moins faire naître des affinité aussi facilement.« Déception, amertume, désillusion, bernée » sont les sentiments que j’éprouve quand je repense à cette histoire…
Quant à Marta, je l’ai aperçue dans l’avion de retour en France. Elle a baissé les yeux en m'apercevant et je ne l'ai plus revue lors du vol…
————————————————
* Yoani : le prénom a été changé