Sous le soleil de Mexico

"Mexico, Mexico sous ton soleil qui chante le temps paraît trop court" dit la chanson culte de Luis Mariano. En effet, cinq jours pour découvrir les richesses de cette immense métropole, c'est court!
Janvier 2023
5 jours
12
janv
12
janv
Publié le 3 mars 2023

Après un très long voyage d’une douzaine heures pour franchir sept fuseaux horaires (mais ne nous plaignons pas car à l’époque de Cortès, c’étaient trois mois de navigation depuis Séville), nous survolons un immense océan urbain brouillé par une épaisse chape de pollution atmosphérique. Avec ses 23 millions d’habitants, Mexico est l’une des plus grandes métropoles du monde. Dès la sortie de l’aéroport, situé en pleine agglomération au cœur d’un quartier populaire, nous sommes littéralement assaillis par cette pollution pesante. Un chauffeur nous attend pour nous conduire à notre hôtel situé dans le centre historique. Embouteillages monstres, rues barrées, multiples détours avant d’arriver une heure et demie plus tard à destination, à la nuit tombée. En cause : la venue attendue du Président des États-Unis. Nous avons de la chance, car un jour plus tard et notre vol était annulé !


Le centre historique de Mexico vu de la Torre Latinoamericana. Au fond, le "zócalo" où flotte le drapeau national.
10
janv
10
janv
Publié le 3 mars 2023
Le site aztèque de Tenochtitlan  (Peinture murale du Musée national d'anthropologie) 


Ce matin, nous rencontrons Paco à notre hôtel. Il va nous faire découvrir le centre historique de Mexico. Oui mais voilà, Andrés Manuel López Obrador (dit AMLO) a eu la mauvaise idée d’inviter Joe Byden et Justin Trudeau, sans nous demander notre avis ! Résultat : des rues barrées, une circulation difficile, des policiers partout. Ces derniers interdisent l'accès au Zócalo, le cœur habituellement animé de la ville. En effet, c’est là que se trouve le palais présidentiel où AMLO doit recevoir ses hôtes. Donc pas de visite possible de cette place emblématique de Mexico, ni du Templo Mayor. Tant pis, cette visite sera reportée. C’est l’avantage de consacrer plusieurs jours à une ville telle que Mexico qui regorge de lieux intéressants à voir.

Nous partons pour une balade à deux pas de notre hôtel dans la rue Madero, une grande artère commerçante et piétonne, habituellement très animée, mais quasi déserte en ce début de matinée. Elle doit son nom à Francisco Madero, l’éphémère président de la République (1911-1913) après la révolution de 1910. Elle est bordée de palais somptueux de l’époque espagnole (17e et 18e siècles). Des pilastres finement sculptés de guirlandes de fruits et d'arabesques encadrent portes et fenêtres. Le Palacio de Iturbide et la très photogénique Casa de los Azulejos ont retenu notre attention. Le ravissant patio de cette dernière, orné d’une fontaine et de délicates peintures murales, est investi depuis le début 1919 par le restaurant Sanborns où nous avons déjeuné.

Le palais d'Iturbide (XVIIIe siècle), aujourd'hui palais de la Culture. Deux "bons sauvages", gourdins à la main, gardent la porte
La Casa de los Azulejos et le restaurant Sanborns 

Nous pénétrons dans l’église San Francisco dont des affiches rappellent le cinquième centenaire du début de l’évangélisation de la Nouvelle Espagne par l’ordre des Franciscains. Paco nous fait observer le sol bizarrement pentu de l'édifice et nettement en contrebas de la chaussée. On remarque également les murs penchés de plusieurs bâtiments. C'est la manifestation de l’enfoncement progressif de la ville sur un terrain instable. La sismicité n’est pas la seule en cause. En effet, la ville aztèque de Tenochtitlan était bâtie sur une île du lac Texcoco, dont il ne reste qu’un vestige au sud de l’agglomération, à Xochilmico (un lieu très touristique que nous n’avons pas visité). Les Espagnols, après avoir détruit les pyramides, ont donc construit la capitale de la Nouvelle Espagne sur un lac asséché.

Des sols et des murs qui penchent; des édifices qui s'enfoncent (de 10 mètres depuis 1898 !) 


Prenons de la hauteur en montant par l’ascenseur jusqu’au 44e et dernier étage de la Torre Latinoamericana. Inaugurée en 1956, elle fut quelque temps le plus haut gratte-ciel du continent latino-américain jusqu’à ce qu’elle fût détrônée par ses consœurs brésiliennes. Toutefois elle est deux fois moins haute que la célèbre tour parisienne. Édifiée sur une forêt de pilotis traversant l’argile du fond du lac, elle résista aux séismes de 1957 et 1985. Si la brume persistante nous empêche de distinguer les limites lointaines de cette immense métropole, les quartiers les plus proches sont bien visibles, notamment le zócalo, exceptionnellement déserté aujourd’hui (et pour cause !) ainsi que le parc de la Alameda et le Palacio de Bellas Artes que nous dominons directement.


Un autre palais, du début du 20e siècle celui-ci, est à admirer non loin de là : le Palacio Postal. Construit 1908 par un architecte italien à partir d’une structure métallique habillée de pierre, il est résolument dans le style éclectique du tournant du siècle, un mélange d’hispano-mauresque, de gothique vénitien et de renaissance florentine. D’ailleurs c’est de Florence que proviennent les pièces métalliques, comme l’attestent de petits médaillons ici et là. L’architecte n’a pas hésité à utiliser des matériaux nobles comme le marbre et l’albâtre. Ce bureau de poste fonctionne toujours et les usagers continuent de préparer leur courrier sur de grandes tables en marbre. Le luxe, quoi ! D’autres font la queue devant un guichet. Paco nous précise que c'est pour obtenir l’argent des mandats envoyés par leurs proches, émigrés aux États-Unis; c'est une ressource importante pour le pays.

Tiens ! Nous voici soudainement de retour à Paris! Cette bouche de métro « Guimard » de la station « Bellas Artes » fait vraiment illusion. C’est un cadeau du maire de Paris, Jacques Chirac, quand il est venu à Mexico en 1988.

Le Palacio de Bellas Artes, coiffé de sa coupole, fut édifié à l’initiative du dictateur Porfirio Diaz, par le même architecte que le Palacio Postal dans le style éclectique. Le grand hall intérieur surprend par son style Art déco. En effet la construction du palais ne fut achevée qu’en 1934, en raison de la révolution de 1910 et la tendance artistique avait changé. Cet édifice est à la fois un opéra et un « temple » du muralisme mexicain qui à lui seul vaut la visite par la qualité des œuvres exécutées par Rufino Tamayo, David Sisqueiros et surtout Diego Rivera. C’est d’ailleurs ici seulement que nous verrons des fresques de ce dernier à Mexico, puisque celles du Palacio Nacional ne sont désormais plus visibles, AMLO ayant décidé de faire du palais sa résidence privée et de le fermer au public. Tant pis pour les écoliers mexicains qui pouvaient avoir sous leurs yeux un vrai livre d’histoire de leur pays…

Le Palacio de Bellas Artes 
L'intérieur Art déco du Palacio de Bellas Artes, avec Tlaloc, le dieu de la pluie en guise de chapiteaux. 

L’homme maître de l’univers, l’œuvre maîtresse de Diego Rivera est une seconde version, car la première, peinte au Rockefeller Center, fut détruite en raison de la présence de Lénine.

Dans l’après-midi, Paco nous fait traverser le quartier chinois, au sud du parc de l’Alameda, avant de parvenir au Mercado San Juan, un des nombreux marchés de Mexico. C’est le premier que nous fréquenterons, mais pas le dernier au cours de ce voyage. Généralement les marchés permettent de prendre le pouls de la vie quotidienne des habitants d’un pays et de se familiariser avec leurs habitudes culinaires. Celui-ci ne fait pas exception. Nous déambulons entre les pyramides de fruits et de légumes exotiques, les étals de poisson et de viande, les stands de restauration qui servent tacos et tamales cuits à la vapeur et enveloppés dans des feuilles de maïs. Des piñatas aux couleurs vives pendent au-dessus de nos têtes; nous en verrons quantité d’autres dans les villes mexicaines. Une autre curiosité que l’on rencontre dans d’autres pays d’Amérique latine : des scorpions et des insectes grillés et même de gros vers vivants. Les Mexicains raffolent de ces « friandises » !


Dans les allées du marché de San Juan. Au-dessus des pyramides de fruits sont accrochées des "piñatas"  multicolores.

En lieu et place de la visite du Zócalo et du Templo Mayor, nous terminons la journée par un musée installé dans un bâtiment Art Déco du quartier de l’Alameda : le Museo de Arte Popular. Apparemment peu fréquenté, il est pourtant d’un très grand intérêt car il montre l’incroyable richesse de l’artisanat mexicain. Artisanat, vraiment ? Ne faudrait-il pas plutôt parler d’œuvres d’art ?

La réponse est donnée dès que l’on pénètre dans le patio et que l’on reste bouche bée devant une curieuse Coccinelle Volkswagen très chamarrée. L’œuvre s’intitule « Vochol » qui est la contraction de vocho, un terme qui désigne de manière familière la Coccinelles VW, une voiture très populaire au Mexique, et de Huichol, une communauté indienne du centre-ouest du Mexique (États de Jalisco et Nayarit). C’est donc un projet d'art populaire basé sur la culture des Huichols et leur savoir-faire en matière d’artisanat perlier. La voiture a été entièrement recouverte, à l’extérieur comme à l’intérieur, de plus de deux millions de perles appliquées par des artisans huichols, composant des motifs liés à leur culture et à leurs croyances, tels que le soleil, le feu, le maïs, le cerf, le peyotl, cactus hallucinogène associé à leurs rituels. Magnifique !

"Vochol". Thèmes de la culture des Huichols : les fleurs de peyotl, le soleil, le cerf

Dans une grande salle, nous découvrons une extraordinaire collection d’arbres de vie. Ces derniers (árbol de la vida) sont l’une des plus belles manifestations de l’art populaire mexicain. Il s’agit d’une sorte de poterie d’argile de taille variable dont la forme évoque un candélabre dont les branches sont recouvertes d’une incroyable multitude de figurines peintes : personnages, animaux, végétaux, soleil, objets usuels, etc. Pourquoi « arbre de vie » ? La tradition mexicaine voudrait que ces sculptures représentent l’histoire de la Création, selon la Genèse de la Bible avec des personnages comme Adam et Ève. Cependant, de nos jours, les arbres de vie reprennent des thèmes complètement étrangers à la Bible, comme la dualité entre l’Homme et la Nature ou entre la vie et la mort. Stupéfiant !

L'arbre de vie fourmille d'une multitude de personnages et d'objets
Arbre de vie. Rechercher les détails, notamment les personnages d'Adam et Eve au centre de l’œuvre. 

Nous allons explorer les collections des étages supérieurs, toutes plus éblouissantes les unes que les autres : objets de la vie quotidienne ou liés au fantastique, à la fête et au sacré, œuvres d’art en cristal, céramiques, tissus, costumes ethniques et piñatas très colorés. Le Mexique est vraiment le pays de la couleur !

Arbres de vie;  costumes huichols; tapisserie; céramiques; créations artistiques en cristal 
L'emblème du Mexique: l'aigle royal sur le cactus, au-dessus du lac Texcoco (il manque toutefois ici le serpent)

Après une heure passée dans ce superbe musée, nous aurions bien poursuivi notre visite, tellement il y a à voir. Cependant le système de climatisation est tellement poussé à fond que nous avons trop froid (comme s’il y avait besoin de climatiser les salles en hiver, à 2 400 mètres d’altitude !). D’autre part la fatigue se fait sentir avec le décalage horaire et après cette journée chargée.

Nous rentrons donc à l’hôtel par la rue Madero, noire de monde en cette fin d’après-midi. Très animée et bruyante également. De nombreux « musiciens » de rue créent l’animation à grand renfort de décibels. Ici et là on entend des couinements lancinants. Il s’agit de personnes âgées en uniforme kaki, tournant inlassablement la manivelle d’un orgue de barbarie hors d’âge et tendant leur casquette pour récolter quelques pesos. Probablement une sorte de confrérie de retraités dont la pension est trop maigre, voire inexistante. Et puis pour encadrer cette foule, des policiers armés tous les vingt-cinq ou trente mètres et devant chaque entrée de magasin..

Notre hôtel est donc idéalement situé au cœur du quartier historique comme son nom l’indique. Notre chambre dotée d’un balcon avec vue sur la Torre Latinoamericana illuminée, bénéficie de tout le confort souhaitable. Cependant cet hôtel ressemble à une usine à touristes, fréquentée par des groupes provenant du Michigan ou du Texas !

La foule dans la calle Madero, une grande rue piétonne dominée par la Torre Lationoamericana