"Tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie, dans l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette magique de l'art." Victor Hugo, Préface de Cromwell (1827)
Juillet 2017
7 jours
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8
juil


Le festival d'Avignon, c'est le festival de la conscience politique, et ça passe par la culture, ce n'est pas une vitrine de spectacle. Nous devons travailler à ce que ce très, très bel objet, cet outil incroyable soit le plus ouvert possible, qu'il n'ait pas l'air d'un lieu fermé, isolé, réservé à une élite qui viendrait là faire un art qui ne concerne qu'elle ! Je ne pense pas que le théâtre puisse changer directement la société, je pense qu'il change des hommes. Je pense qu'il est là et fait ce travail-là : essayer de nous tourner vers les autres.

Olivier Py (directeur du festival IN) dans "Mots de Théatre : Emission spéciale festival d'Avignon" (Ça peut pas faire de mal, dirigée par Guillaume Galienne, France Inter)

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Nébuleuse avignonnaise, me voilà !

"Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise. "

Baudelaire, Petits Poèmes en Prose

Après quelques heures dans le train, nous arrivons enfin à Avignon, tant espérée et attendue, le coeur léger, l'ivresse irriguée par la curiosité... Il est fou d'être humain parmi la foule. Notre simple point de vue, si intime est submergé par la multitude. L'ambiance est à l'émulation, foule aux sourires chatoyants et murs maquillés d'images, de textes, que d'affiches ! Mais quelle ville !




Nous nous installons dans notre location puis filons à travers la ville pour aller chercher nos cartes de festivalières off, peu d'attente, nous les avions commandée préalablement... Nous filons à travers la ville, pour trouver un petit théâtre, tout à fait intime, le genre à tirer son charme du vernis, de son tapis de la même teinte rouge rubis et de la calligraphie de son nom... Le verbe fou !

Premier théâtre Le Verbe Fou et première pièce : Bérénice de J. Racine 

•○◇○• OFF : Bérénice •○◇○•

Interprète(s) : Julien Dervaux, Katia Grau, Ophélie Lehmann, Gabriel Tamalet

Metteur en scène : Maxim Prévot

Régisseur : Thibaud Silvestre


Bérénice, de Racine, par la Compagnie Les Rivages.... Premier spectacle, première pièce sur place... C'était Bérénice ou Phèdre, oui, parce qu'il faut prendre des décisions ici, pas question de tout voir, bien que l'envie n'en manque pas, mais le festival off propose tout de même 1480 spectacles cette année ! ...

Fervente admiratrice de Jean Racine, j'avais prévenu : pas question de ne pas le croiser ! Comme Bérénice reste notre préférence parmi ses pièces à ce jour, nous commençons le festival sur le ton de la tragédie !

Et c’est moi seul aussi qui pouvais me détruire.

Je pouvais vivre alors et me laisser séduire ;

Mon cœur se gardait bien d’aller dans l’avenir

Chercher ce qui pouvait un jour nous désunir.

Je voulais qu’à mes vœux rien ne fût invincible,

Je n’examinais rien, j’espérais l’impossible.

Que sais-je ? J’espérais de mourir à vos yeux,

Avant que d’en venir à ces cruels adieux.

Les obstacles semblaient renouveler ma flamme,

Tout l’empire parlait, mais la gloire, Madame,

Ne s’était point encor fait entendre à mon cœur

Du ton dont elle parle au cœur d’un empereur.

Je sais tous les tourments où ce dessein me livre,

Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre,

Que mon cœur de moi-même est prêt à s’éloigner,

Mais il ne s’agit plus de vivre, il faut régner.

Bérénice par la Compagnie Les Rivages 

Jamais vu une telle représentation de cette pièce et pour cause ! Une proximité insoupçonnée au coeur de ce petit théâtre dans lequel la séparation entre comédien et spectateur n'est marquée par aucune estrade et mon fauteuil du premier rang... Puis, la durée limitée d'un spectacle du off qui force le metteur en scène à réduire considérablement le texte. Je ne suis pas mauvaise spectatrice... et bien que la pièce fut dénaturée, j'en tirai un certain plaisir, celui d'une nouvelle perspective !

Le choix de texte restait pertinent dans une visée autre que l'aspiration de l'auteur d'origine... on met ici en lumière ce que, traditionnellement, la tragédie nous épargne : une proximité avec l'humanité profonde et triviale du couple amoureux qui se sépare quand bien même l'amour règne encore.

La mise en scène charnelle, bohème et sensible est touchante. La danse, par laquelle le ballet des amours déchirées s'enracine est bouleversante et permet une mise en abîme des états psychologiques de Bérénice (ou simplement d'une âme aimante et sans prétention) blessée dans la certitude la plus chère à son coeur. . .

Qui eut cru qu'on puisse un jour voir dans Titus et Bérénice quelque Roméo et Juliette ? Non vraiment, c'est une très belle lecture de la pièce de Racine qui propose une nouvelle perspective plus proche des personnages. . .

9
juil

Second jour, temps radieux, bonne humeur...


•○◇○• OFF : Assoiffés •○◇○• 

Je préfère faire usage de mon vocabulaire destroy plutôt que de me faire fourrer par une télé qui va finir par me gercer le trou du cul à force d'allers - retours !

Par la Compagnie Le Bruit de la Rouille 

Auteurs : Wajdi Mouawad & Benoit Vermeulen

Compagnie : Le Bruit de la Rouille

13 heures 30, Théâtre du Girasole

Nous voilà sur les traces de ce cher Wajdi Mouawad qui m'a beaucoup apportée dans mon passage de l'enfance à cette autre strate de ma vie qu'on nomme adolescence et qui constitue un appui précieux, une poigne amie face à l'inévitable arrivée du lendemain, sous nos pieds et sur nos visages, bref, qui m'aide à gravir le temps...

Et que dire finalement ? On s'est trouvé immergé dans une mise-en-scène absolument incroyable de cette pièce percutante et forte ! Seulement trois comédiens pour cinq personnages hauts en couleurs, et que d'émotions !

Alors elle s'est approchée de moi.

Chaque pas était comme un trésor découvert et arraché au fond de la mer.

Léger mais profond, l'un n'empêchant pas l'autre ! Comme la poésie et la vulgarité, Rimbaud nous l'avait déjà appris mais notre dramaturge l'applique également à merveille ! Les comédiens nous ont offert une interprétation incarnée, tendre, saisissante mais aussi incisive ! Incisive parce qu'elle interroge l'adulte quant aux évolutions qu'il a subies en grandissant... Ils nous précipitent dans la sphère adolescente mais pas la sphère égoïste comme on peut la considérer plus tard, non, ici, on chute dans la sphère du doute, de la découverte du monde tel qu'il est et non plus tel qu'on nous l'a vendu aux temps éthérés de l'enfance... une pièce qui parle d'humanité dans ce qu'elle a de trivial et de fade mais de lumineux également : qui donne à ressentir les temps premiers de la révolte !

Je ne sais pas, monsieur, si c’est quelque chose que vous pouvez comprendre, je ne sais pas si c’est quelque chose que vous avez déjà éprouvé, mais c’est freakant de voir, du jour au lendemain, la mécanique d’un monde qui pendant longtemps était magique ! Je le sais plus ce qui se passe. Je le sais plus ! Est-ce que ça sert à quelque chose de «connaître» ? Est-ce que ça sert à quelque chose de «savoir» ? O.K., oui. Bon, c’est le fun de savoir que la capitale de l’Islande, c’est Reykjavik, Lomé la capitale du Togo et Ouagadougou la capitale du Burkina Faso, et quand il pleut à Montréal, il faut beau à Bornéo. C’est sûr : c’est utile ! Mais à quoi ça sert si je ne parviens pas à calmer ma colère ? Qu’est-ce que je peux connaître ? Qu’est-ce que je peux faire pour avoir le sentiment que je suis vivant et pas une machine ? Comment ça se fait que ce matin, en regardant mon sac d’école, j’ai eu l’impression que mon sac d’école avait plus d’espoir que moi ? Comment ça se fait que plus je grandis, moins j’ai l’impression d’être vivant ? Monsieur, qu’est-ce que ça veut dire, être vivant ?

La pièce entraîne le lecteur dans un vacillement entre rire et larmes, fatidique inconstance de l'humain : peut-être que c'est cela que j'aime tant chez Wajdi Mouawad, son talent quand il s'agit de donner à parler aux adultes devenus mais aussi aux adultes en devenir, tout en restant fidèle aux états d'esprit qui marquent si profondément certains âges et qui sont si souvent refoulés chez la plupart des gens, parce que c'est douloureux, parce que l'acceptation est douloureuse, parce qu'on ne sait plus pourquoi on refuse de voir qu'on nous a désappris à créer !

Enorme coup de coeur (bien que prévisible) ! 

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•○◇○• OFF : Dear Mister Darwin •○◇○•

Conception et mise-en-scène : Caroline Gautier. Avec Florence Peyrard (jeu, chant, contorsion), Tonia Makatsianou (piano, voix, jeu)

18h45, Théâtre L'Albatros

Nous voilà à présent face à la légèreté de la poésie de Robert Desnos plutôt qu'au sérieux du travail de Charles Darwin ! Néanmoins, cette création est une porte ouverte sur un instant de fraîcheur dont le dynamisme émane de l'habileté de Florence Peyrard qui nous capte par ses jeux de malléabilité du visage comme du corps ! L'expressivité des ondulations corporelles et vocales me laisseront le goût d'une expérience charmante !

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•○◇○• OFF : Entre eux deux •○◇○• 

Par la Compagnie A Présent 

Auteur : Catherine Verlaguet

Mise-en-scène : Adeline Arias

Compagnie : A présent

21h45, Artephile

Deux jeunes se retrouvent lors d'une nuit ensemble dans une chambre transitoire avant d'être transeférés en maison de repos / asile. Lui a tenté de se tuer suite à un traumatisme familial, elle, de tuer sa mère biologique (qui l'avait eue à quinze ans) parce que cette dernière a refait sa vie après l'avoir abandonnée petite dans un manège.

Les deux personnages se découvrent, lui mutique, elle bavarde, deux natures brutes, l'une face à l'autre, qui se provoquent, s'apprivoisent et s'aiment.

Une pièce qui nous pose des questions sur la folie, sur la légitimité, l'abandon et la normalité...

Un moment précieux parce qu'on aime toujours se faire raconter des histoires, surtout quand elles sont racontées par deux comédiens doués, qui ont de la verve à revendre !

10
juil

•○◇○•IN : Rencontres Recherches et Création •○◇○•

9h30 - 13 h, Cloître Saint-Louis

Figurer l'ordre du monde : mythes, imaginaires et sociétés

Des intervenants d'horizons différents : universitaires, anthropologues, chargés de recherches, Hommes de théâtres... : de quoi créer une assemblée extraordinaire qui sait se montrer pédagogue ! Plus de trois heures de conférence où des intervenants de domaines différents ( il fut question de la grotte Chauvet, de la différence entre nos ancêtres mythiques et nos ancêtres biologiques, de mythes, de théâtre...) se succèdent mais pas une once d'ennui !

J'ai retranscrit ici l'intervention d'Olivier Py, directeur du festival et qui m'a beaucoup intéressée :

(...) Quoi de plus beau que la grotte Chauvet pour ouvrir ces rencontres, vraiment je ne pouvais pas imaginer emblème plus proche de l'aventure que nous vivons à Avignon, même si nous sommes plus souvent à ciel ouvert que dans des caves, malgré tout cette idée de la caverne, toujours aussi présente, et je crois qu'elle est parfaite pour donner cette idée d'une aventure que je qualifierais d'anthropogène, voilà, c'est comme ça que je qualifierais le festival d'Avignon et particulièrement ici, dans cette caverne ou nous sommes, nous faisons un exercice d'anthropogénie où nous essayons tout simplement d'être plus humain par le lien. C'est vraiment chaque année, pour moi, une fierté de voir qu'ici, on ne pense pas seul, on ne pense pas isolé, on ne pense pas de manière égotique, mais au contraire, c'est la mise en miroir et en abime des différents savoirs et des différentes disciplines qui créent cette chose unique que sont ces rencontres.

Je voulais dire simplement un grand merci à Catherine Courtet qui en est la fée et qui, chaque année, arrive à tresser des liens qui vont des neuro-sciences jusqu'à la dramaturgie, pour se rendre compte que, oui, il n'y a aucun cloisonnement dans le domaine des sciences humaines. Les thématiques qui sont abordées, cette année me touchent beaucoup (...) commencer par l'ordre et donc aussi forcément, le désordre du monde, ça me semble une thématique qui est presque abordée chaque année, ce qui ne veut pas dire qu'elle est banale ou usée, bien au contraire, elle prend chaque année de nouvelles couleurs, évidemment l'ordre et le désordre croisent la question des mythes, et nous aussi, ouvrir avec Antigone, nous a permis de poser d'une manière un peu différente des autres années, peut-être de manière un petit peu moins pathologique, la question du désordre du monde.

La dignité et l'héroïsme sont peut-être deux mots qui ne sont pas si communément rapprochés, mais il se trouve que, dans quelques minutes, je vais vous quitter pour aller en prison voir une représentation d'Antigone par des prisonniers. La question est de savoir si la prison est simplement la privation de liberté ou la privation de dignité. Les hommes qui ont travaillé sur cette Antigone ont été particulièrement sensibles à la révolte de cette femme qui n'a pas d'autres choix de dignité que de risquer sa vie face au pouvoir. La question de la dignité est une question absolument centrale et elle évite de penser l'héroïsme comme une attitude de bravache guerrière, virile, machiste et j'en passe.

La thématique de l'intimité me semble une manière d'aborder l'époque que nous vivons de manière à la fois cruciale et très originale car la dignité est en regard de ce que l'on appelle aujourd'hui l'"extimité" - j'entendais tout à l'heure cette idée passionnante qu'une dette publique puisse devenir une dette individuelle - donc nous avons là, des questions, sur lesquelles, à mon avis, un homme de théâtre ne peut pas faire l'impasse. Les rapports qu'il y a entre le collectif et l'individu sont profondément changés par les technologies modernes et impliquent un rapport au pouvoir aussi fondamentalement différent.

Alors peut-être qu'avoir gardé le thème de la catastrophe pour la dernière thématique peut paraitre un petit peu pessimiste mais c'est par la conscience de ce qui peut être catastrophique que nous pouvons la plupart du temps l'éviter. Il est vrai que souvent les tragédies grecques ne sont pas catastrophistes, mais, au contraire, essayent de nous prévenir des gestes qui nous conduiraient à la catastrophe, alors ces gestes nous les faisons ensemble dans cette caverne, je vous remercie beaucoup d'être là, d'années en années de plus en plus nombreux.

J'espère avoir donné un aperçu de ce moment d'apprentissage passionnant, que je vous encourage à partager si jamais vous vous trouvez au festival et que les thématiques vous tentent... c'est un véritable cours de qualité et gratuit de surcroit, or j'étais la plus jeune personne du public !

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•○◇○• OFF : La Vie sans Chiffre •○◇○•


15h40, Théâtre Le Petit Chien


Bon, la magie d'Avignon, ils vous le diront tous, c'est les rencontres de rue, les rencontres avec les comédiens, les metteurs en scène, ou encore... les écrivains ! Voilà, au détour de notre petit passage au Village Off samedi, nous sommes tombées nez à nez avec un sympathique auteur qui nous convie à son spectacle le lundi, donc on y va ! D'autant plus que le titre semble fait pour moi, hum, mais ça, c'est une autre histoire !



Peut-être que j'en attendais plus : j'attendais peut-être un engagement contre notre société baignant dans les chiffres, qui parfois, remplacent les humains... mais non, ici, c'est une histoire plutôt légère et bien menée par la comédienne : que diriez-vous d'une mathématopathe musicienne qui séquestre sa prof de collège des années plus tard, traumatisée par les problèmes ?! Moment de détente, rire, amusement : comme dit, même les grandes personnes aiment à ce qu'on leur conte des histoires ... et puis, ne nous le cachons plus, on est pas mal à être brouillé avec les chiffres !

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•○◇○• OFF : Le Mariage de Figaro, Beaumarchais •○◇○•

Le Mariage de Figaro, Beaumarchais  

18h00, Pandora

Pièce étonnement actuelle, engagée et féministe : tous les spectateurs - il me semble - s'accordent à le dire !

Mais il s'agit d'un texte de l'impertinent Beaumarchais, défenseur de la gent féminine a l'heure d'une émancipation qui croît grâce aux salons et à la préciosité (trop souvent méprisée ou incomprise de nos jours peut-être) mais face à une place de la femme encore très controversée, beaucoup plus délicate qu'à l'heure d'aujourd'hui ( j'entends dans nos pays occidentaux - car la condition féminine reste entravée de manière bien plus grave pas si loin de chez nous - ). Voilà une pièce qui est à lire/voir/ saisir ( à mon avis à la suite du Barbier de Séville, car elle prend du relief pour notre compréhension du regard de l'auteur) !

Quant à l'interprétation, bravo ! S'entrelacent fraîcheur, malice, dynamisme, légèreté et profondeur à la fois !


Séduisante représentation !!

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Avignon by Night : laissez-moi rêver !  

Utopia Manutention (cinéma d'art et d'essai) qui a son petit restaurant en terrasse et son bistro... ... en plus, tout est fait à partir de produits locaux issus de l’agriculture paysanne et les vins sont bio ! Bref à déguster, absolument !

Pour finir cette soirée en beauté, nous flânons dans les rues vers le cinéma d'art et essai Utopia et voilà que le long d'une rue, apparaît un gentilhomme (@WilliamVictor), semblant tout droit sortir du dix-septième (si je ne me méprends), chemise blanche ample, aux manches bouffantes, il nous interpelle, joyeusement :

"Mesdames, pas si vite ! Hugo, La Fontaine ou Musset ? Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? "

Et le voilà lancé, sous un ciel déjà bleu encre dans une déclamation éloquente... La Fontaine, Musset puis Hugo... peu après, nous passons notre chemin pour aller manger et... voilà qu'au cours de notre repas, notre trouvère, passant par là, le sourire aux lèvres, nous reconnaît, nous aborde, se présente et nous voilà partis dans des discussions acharnées autour d'auteurs et de pièces !

Je n'avais jamais encore ainsi parlé de littérature avec un inconnu qui ne le fut bientôt plus, car au cours des jours suivants nous ne cessions plus de nous recroiser aux coins des rues !


La nuit est belle ce soir !

11
juil

•○◇○• IN : Rencontres Recherches et Création •○◇○•

9h30 / 13 h, Cloître Saint-Louis

Intimité et émotions sociales

Deuxième volet des Rencontres, Recherches et Création auquel nous participons, se lever se révèle tâche un peu moins difficile (oui, on veille beaucoup mais c'est la ville qui, la nuit, nous tend ses bras pour toujours valser avec l'heure suivante !), quoique tout de même ... on a des cernes de bonheur ! Il faut dire que je me retrouve plus dans mes éléments aujourd'hui qu'hier : les passions tragiques, la peinture de Chardin (que je découvre), le rapport Amour/Catastrophe, amené avec beaucoup d'entrain, et enfin le cerveau poète ! Plus axé littérature et mythes, c'était passionnant ! Comme je n'ai rien encore retranscrit, et donc pas encore tiré mes réflexions et conclusions sur cette séance, je vous épargne les brouillons d'idées... mais j'en ressors enchantée !

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Nous filons vers la gare TGV où la navette du IN nous emmène à Vedène (où se passe le spectacle suivant) & pour ce faire, nous longeons les remparts : c'est époustouflant de beauté !

Les Remparts d'Avignon ! 
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•○◇○• IN : Le Sec et l'Humide •○◇○•


15h, L'autre scène du grand Avignon- Vedène

Auteur : Jonathan Litell

Mise-en-scène : Guy Cassiers

Je me serais bien passée d'exprimer mon avis sur ce spectacle si je ne m'étais fixée pour objectif de rendre compte de mon expérience complète à Avignon... alors pardonnez-moi, mais ma sensibilité d'humaine de vingt ans est en train de s'évanouir ! Bon, en sortant, je crois que mon état d'esprit n'était capable d'émettre qu'un "Plus plombant, tu meurs !" et franchement, je ne sais pas comment le dire plus élégamment aujourd'hui... Aurions-nous dû fuir dès les premières minutes ?

Objectivement, comment le raconter? Impossible, alors je vais le faire subjectivement... je n'étais pas d'accord avec le point de vue adopté par les jugements sur les nazis : les nazis n'étaient pas des pré-hommes, ils étaient des Hommes et c'est là tout le problème, acceptez que l'humanité soit si polychrome, accepter qu'on puisse y trouver le meilleur comme le pire. On est tous humains, alors il faut savoir que l'humain en soi n'est pas l'être suprême, ni le joyau de la nature et qu'il peut parfois très mal tourner !

Si il ne s'agit pas d'un tel jugement et que je me suis méprise sur le sens du travail effectué par le metteur-en-scène ou l'auteur, pardonnez-moi ... mais d'autre part, autant d'horreurs en si peu de temps, c'était sans doute trop dur pour moi !

Silence dans le bus du retour, je crois que tout le monde était abasourdi !

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•○◇○• OFF : Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand •○◇○•

Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, par la Compagnie des Deux Lunes 

18h25, Atelier 44

Compagnie : Les Deux Lunes

Je vous épargnerais les quelques péripéties rencontrées pour assister à cette pièce, entre les problèmes d'orientations et mon téléphone indompté... bref !

Est-on devenu trop exigeant avec cette pièce depuis la version cinématographique et l'incarnation splendide de ce personnage par Depardieu ? Honnêtement, la question me taraude quelque peu ! Je pense qu'au fond, non... peut-être plus exigeant que pour certaines autres pièces, certes, mais pas trop, parce que cette pièce mérite le meilleur sans doute !

Le décor très riche et l'habileté des deux seuls comédiens à jouer une pièce qui comprend plus d'une cinquantaine de personnages à l'origine, en une heure de surcroit, est estimable !

Un jeu admirable mais je fus tout de même perturbée - connaissant quelque peu le texte - par l'inversion ici et là, de quelques vers par le comédien ainsi que par la rapidité de son phrasé sur des répliques qui me paraissaient d'une profondeur et d'une importance à ralentir, à savourer, propres à la délectation... donc un peu déçue malgré l'effort certain des comédiens !

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•○◇○• OFF : La Tortue de Gauguin •○◇○•

La Tortue de Gauguin, Luc Amoros 

Cie Luc Amoros : www.lucamoros.com

On sort d'Avignon, direction le Festival de Villeneuve en scène (Villeneuve-lez-Avignon) avec bonne humeur. Secrètement, nous sommes sûres de ne pas être déçues ce soir, et après cette journée quelque peu éprouvante, ça va nous faire le plus grand bien de finir en beauté !

22 heures, la nuit commence à peine à se mêler au jour, le bleu s'obscurcit onctueusement, passant avec tendresse d'un ciel déteint à un ciel d'étain ... devant nous, une structure peu commune se dresse sur les nues, six plasticiens, un musicien, une chanteuse-conteuse... Un univers rythmé de poésie s'offre à nous, spectateurs assis dans la verdure, bercés par le chant des cigales et des étoiles... Nous nous oublions face à l'immensité du travail que nous offrent en choeur ces artistes !

Luc Amoros, je le connaissais, c'est "Quatre Soleil" que j'avais vu de lui, quelques années auparavant puis ce spectacle pour enfants, là... "Non mais t'as vu ma tête" tout aussi poignant !

Révolte, voyage à travers le temps, enfance de l'art, enfance du monde, enfance et nous... migration, Humanité, appétit d'amour ... Humanité !

Encore une création originale qui nous touche comme seule la poésie à l'état pur sait le faire, une lame qui s'enfonce dans la poitrine à la manière d'une libération, d'une félicité ! Cette part inconnue de nous, les limbes de notre esprit, celle où la poésie sied, celle, allègre, qu'on ne ressent que quelquefois lorsque les conditions sont favorables, lorsque, impunément, par pur hasard ou par longue quête, on tombe sous l'ivresse que provoque la beauté dérobée de l'art, ou des arts : l'émancipatrice ! Parce qu'ici, les arts s'embrassent en harmonie, sur scène ou en plein air, c'est la communion d'univers différents au coeur d'un paradigme commun ! La violence de la condition éphémère de la beauté, c'est peut-être cela qui est si douloureusement bouleversant dans les créations de Luc Amoros, mais c'est aussi cela qui nous touche et qui nous renverse, les uns avec les autres dans la part chaleureuse et bienveillante de l'humanité.

J’ai entendu dire que lors de l’un de ses séjours aux Marquises, Paul Gauguin eut l’idée de peindre à même la carapace d’une jeune tortue vivante, égarée sur une plage. Je me plais à penser que grâce à la longévité dont jouit cette espèce, une oeuvre du peintre, tout en échappant ainsi à la cupidité des spéculateurs, continue, aujourd’hui encore, de sillonner les grands fonds dans son petit musée ambulant.

Quelle anecdote plus appropriée pour illustrer notre désir de proposer au public une vision singulière de l’art, en particulier de la peinture ?Singulière surtout en ce qu’elle englobe, et l’oeuvre finie et la phase de fabrication des images, étape de l’élaboration d’une oeuvre à nos yeux décisive. On l’aura compris, non pas décisive dans son aspect documentaire, mais bien dans la dimension dramaturgique de la création d’images dans le spectacle vivant.Ce n’est pas au gré des vagues de Polynésie que nous nous proposons de le faire, mais dans le flot de la circulation urbaine, au beau milieu d’un carrefour ou d’une place publique, là où nous aurons installé notre grand chevalet. Notre musique, jouée en direct, ainsi que les voix de notre récitante et de nos peintres eux-mêmes remplaceront le bruit du ressac et la plainte du vent dans les cocotiers, qui devaient constituer le fond sonore de l’activité de Gauguin. Comme un rappel à la nécessité d’observer une prudente distance vis à vis de l’usage des images, nous convoquons aussi la vidéo, circonscrite ici à la fonction de lien ; sous les formes les plus répandues aujourd’hui de la diffusion d’images, une sorte d’interposition narquoise et allusive entre le public et nos images artisanales et archaïques.J’ai voulu un spectacle visuel et musical qui fasse directement appel à la sensibilité des spectateurs, et ce, avant toute approche intellectuelle, sans, bien entendu, jamais empêcher l’accès à cette dernière. Le texte y est largement présent mais j’ai voulu qu’il s’apparente, pour sa plus grande part, à la musique.Aussi l’ai-je composé comme une succession de fragments, chacun tentant de restituer un univers particulier, une atmosphère singulière, comme on le ferait, après tout, de toiles dans une exposition de peinture, de chansons dans un récital, de poèmes dans un recueil, c’est à dire tout à fait dissociables les uns des autres mais unis pour l’occasion, dans un souci de cohérence et d’harmonie. Ils opèrent comme autant de tableaux vivants, en perpétuel mouvement.C’est la forme qui me convenait le mieux pour vous dire, en une heure, ce que j’avais à vous dire.

Luc Amoros

Villeneuve-en-scène, un chapiteau dans la nuit ! 

Bon, on est de nouveau au lit bien trop tard et éreintées par tant d'émotions mais encore une fois, c'était une journée vécue intensément et qui était à vivre, surtout !!

12
juil

•○◇○• OFF : J'ai été mordue par une presse à gaufrer, d'après Colette •○◇○•

12h36, Théâtre de la Carreterie

Colette interprétée par Nathalie Prokhoris 

Mise-en-scène : Marie-Paule Ramo

Comédienne : Nathalie Prokhoris

Le mot « presbytère » venait de tomber, cette année-là, dans mon oreille sensible, et d’y faire des ravages. 

« C’est certainement le presbytère le plus gai que je connaisse… », avait dit quelqu’un. 

Loin de moi l’idée de demander à l’un de mes parents : « Qu’est-ce que c’est, un presbytère ? » 

J’avais recueilli en moi le mot mystérieux, comme brodé d’un relief rêche en son commencement, achevé en une longue et rêveuse syllabe… Enrichie d’un secret et d’un doute, je dormais avec le mot et je l’emportais sur mon mur. « Presbytère ! » Je le jetais, pardessus le toit du poulailler et le jardin de Miton, vers l’horizon toujours brumeux de Moutiers. Du haut de mon mur, le mot sonnait en anathème : « Allez ! Vous êtes tous des presbytères ! », criais-je à des bannis invisibles. 

Un peu plus tard, le mot perdit de son venin, et je m’avisai que « presbytère » pouvait bien être le nom scientifique du petit escargot rayé jaune et noir… Une imprudence perdit tout, pendant une de ces minutes où une enfant, si grave, si chimérique qu’elle soit, ressemble passagèrement à l’idée que s’en font les grandes personnes… 

- Maman ! Regarde le joli petit presbytère que j’ai trouvé ! 

- Le joli petit… Quoi ? 

- Le joli petit presb… Je me tus, trop tard. Il me fallut apprendre — « Je me demande si cette enfant a tout son bon sens… » — ce que je tenais tant à ignorer, et appeler « les choses par leur nom… » 

- Un presbytère, voyons, c’est la maison du curé. 

- La maison du curé… Alors, M. le curé Millot habite dans un presbytère ? 

- Naturellement… Ferme ta bouche, respire par le nez… Naturellement, voyons… 

J’essayai encore de réagir… Je luttai contre l’effraction, je serrai contre moi les lambeaux de mon extravagance, je voulus obliger M. Millot à habiter, le temps qu’il me plairait, dans la coquille vide du petit escargot nommé « presbytère… » 

- Veux-tu prendre l’habitude de fermer la bouche quand tu ne parles pas ? À quoi penses-tu ? 

- À rien, maman… 

… Et puis je cédai. Je fus lâche, et je composai avec ma déception. Rejetant le débris du petit escargot écrasé, je ramassai le beau mot, je remontai jusqu’à mon étroite terrasse ombragée de vieux lilas, décorée de cailloux polis et de verroteries comme le nid d’une pie voleuse, je la baptisai « Presbytère », et je me fis curé sur le mur.

Colette, « Le curé sur le mur », La Maison de Claudine, 1922.

Une pièce qui nous offre un plongeon dans l'intime univers de Colette, enfant. Ses préoccupations, relations avec son paternel, il s'agit ici d'amour, de transmission. Les pérégrinations littéraires et imaginaires d'une jeune écrivaine en devenir... très joli spectacle, envoutant, qui nous présente un instant du passé de Colette retracé et réinventé ! Merci pour ce joli moment de douceur !

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•○◇○• OFF : Littoral, Wajdi Mouawad •○◇○•

14h50, Espace Saint Martial

 Pardon ! J'ai tellement appris de noms par cœur, je ne suis plus capable de m'endormir sans en réciter quelques-uns quand je me couche, berceuse pour les éclopés, car le malheur est grand pour celui qui avance sans personne pour l'appeler par son nom. Simone. Simone. Tu entends comme ça résonne ? Longtemps j'ai marché en répétant mon prénom parce qu'il n'y avait plus personne pour le dire. Joséphine, Joséphine, Joséphine... J'ai l'impression d'être un bateau qui navigue en une mer inconnue, par temps sombre, sans port, sans étoiles.

Littoral, affiche de la Compagnie Esbaudie 

Compagnie : Esbaudie

Cette pièce qui interroge singulièrement le rapport à la nation, le rapport à la filiation, à la légitimité des actes, à la légitimité des choix, les rapports entre humains si différents puissent-ils être est grandiose ! Or on peut réellement affirmer que la Cie Esbaudie a saisi l'essence à transmettre pendant cette heure intense !

LE CHEVALIER. Quand tu étais petit, nous combattions les monstres cachés dans le couloir qui menait à la cuisine, quand, en pleine nuit, tu te levais pour aller boire un verre d'eau. Un monstre, c'est gros, c'est laid, c'est facile à combattre et nous sortions toujours vainqueurs. Aujourd'hui je suis un chevalier fatigué qui ne sait plus contre quoi il doit cogner son épée. Tu as grandi, Wilfrid, et les monstres sont devenus beaucoup trop forts. Mon épée ne suffit plus à te réconforter.

Magnifique. Une belle mise à l'honneur du texte, émouvante, fluide, virevoltante ! C'était de toute beauté et grandeur ! Des comédiens très pertinents dans leurs rôles : le père de Wilfrid excellent !

Pas une fausse note !

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•○◇○• IN :  Fictions France Culture •○◇○•

18h, Cour du Musée Calvet

 Lecture de "Un cheval entre dans un bar" de David Grossman

Avec JérômeKircher (Dovalé), Wajdi Mouawad (Avishaï Lazar) et les acteurs du groupe 43 de l’école du TNS

Il soupire. Racle de la main les îlots clairsemés de cheveux sur sa tempe. Il a l'intuition, bien entendu, que son show commence à prendre une mauvaise tournure. Il y a une branche qui pèse plus lourd sur l'arbre. Cela, les spectateurs le ressentent également. Ils se regardent, se trémoussent, angoissés. Ils comprennent de moins en moins ce à quoi on les contraints de participer ici. Je suis convaincu qu'ils se seraient depuis longtemps levés pour partir, voire qu'ils auraient sorti le clown de scène à coups de sifflets et de huées, n'était la tentation à laquelle il est si difficile de résister : la tentation de lorgner l'enfer d'autrui.

Des rencontres amusantes dans la file d'attente : hé oui, si on veut être sûr d'avoir sa place dans les premiers rangs, autant être là deux heures à l'avance pour un tel évènement : et ça nous a réussi puisque nous sommes parvenues à nous faufiler au second rang pour cette lecture sensationnelle et renversante, enrichie par ma première rencontre avec Wajdi Mouawad ! On ne peut plus rencontrer Victor Hugo que dans ses livres, ni Baudelaire ou Rimbaud, Anais Nin ou Marguerite Duras, si temporellement proche soit cette dernière de nous... Mais je peux rencontrer Wajdi Mouawad au-delà de mes lectures de son oeuvre, et c'est déjà extraordinaire, parce qu'il a l'étoffe d'un grand auteur !

13
juil

•○◇○• OFF : Forêt de Taliths •○◇○•

12h36, Théâtre de la Carreterie

*taliths : châles de prière de la tradition juive !


"N'aie pas peur ! "




L'art de conter en toute élégance et générosité. Doux écoulement, du bonheur, de la malice et un choix de textes très fins, si touchants ! Ode au judaisme et à l'humanité... Mitchélée nous offre, avec son spectacle, un véritable présent polyphonique qui virevolte longtemps dans la tête : on y entend les mots du Baal Chem Tov, de Rabbi Nachman de Braslav, de Moyshele Buchman, du Rabbi Isaac de Belleville, ou encore de Paul Celan, Christian Bobin, Edmond Jabès... Les langues, les mots, les poésies s'embrassent et s'entremêlent dans la lumière d'une présence artistique qui envahit la pièce !


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•○◇○• IN : Visite du Festival •○◇○•

À gauche et à droite : le Palais des Papes, au milieu : Cour du Cloitre Saint Louis

Et nous voilà embarquées dans une visite guidée du festival qui nous permet d'en retracer l'Histoire, à travers les grands lieux ( Cloître Saint-Louis, Maison Jean Vilar, l'église et le cloître des Célestins, la place des Corps-Saints, le lycée Saint-Joseph et le jardin de la Vierge, avant de finir en beauté par le palais des Papes ) où un guide fait résonner quelques grands noms !

Immergé dans l'envers du décors, on assiste même à une installation technique d'un spectacle qui se profilait alors !

Bon, il faisait un peu trop chaud et c'était vraiment dur de se concentrer mais je referais bien cette visite une prochaine fois par un temps moins lourd (ah, utopiste que je suis, je rêve déjà à une prochaine semaine de rêve !)...

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•○◇○• IN : Die Kabale der Scheinheiligen. Das Leben des Herrn De Molière •○◇○•

Un spectacle dont la mise-en-scène était grandiose : trois structures incroyablement grandes et mobiles se succédaient à l'avant de la scène, tandis que certaines parties filmées et retransmises en direct sur un grand écran étaient également impressionnantes.

Mais je n'ai pas compris la nature profonde de cette pièce qui m'a semblée trop tortueuse, bien que certains messages y fussent glissés, je n'ai pas réussi à me laisser aller dans les colimaçons de l'action, qui donnaient à voir la vie de Molière, tout en faisant, ponctuellement, de sinueuses références à un cinéaste que le peu de culture cinématographique qu'est la mienne ne me permettait pas de connaitre... d'autant plus que les comédiens n'avaient pas de micro la plupart du temps, donc... moi qui étais dans les derniers rangs, sous la climatisation qui rugissait monstrueusement, je ne comprenais pas la moitié (et finalement me contentais des surtitres lorsque les comédiens parlaient en allemand, bien que j'eusse préféré traduire par moi-même !)

Finalement, j'étais même un peu refroidie par les parodies que ma sensibilité trouvait trop vulgaires (en partie lascives) pour en rire, de scène du Bourgeois Gentilhomme ou même de parodies (sûrement censées singer les comédiens ayant adoptés une éloquence plate et faisant preuve d'un talent insipide), d'un extrait d'une pièce de Racine...


Bref, sans dénigrer le talent des artistes, qui ont fait un travail remarquable (j'ai d'ailleurs quelquefois ri lorsque, par exemple, les comédiens allemands, brisant impunément le quatrième mur, singeaient le "oh là là" français qui amuse beaucoup nos voisins de l'autre côté du Rhin), je dirais seulement que cette création n'était vraiment pas à mon goût !


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14
juil

•○◇○• IN : Five Truths •○◇○•

Maison Jean Vilar, 11h

Plongés dans une salle fermée durant un quart d'heure, on nous projette sur chaque façade des vidéo(s) différentes qui présentent la noyade d'Ophélie, épouse d'Hamlet dans la célèbre pièce éponyme de Shakespeare ! Pourquoi sont-elles toutes projetées simultanément ? Pourquoi chaque film est-il différent ? Parce que chaque film réalisé et ici projeté est inspiré par un metteur en scène célèbre : Brecht, Artaud, Grotoswski, Brook et Stanislavski !

L'ambiance déconcertante de toutes ces voix qui se mêlent, s'adonnant toutes à réciter le texte de Shakespeare en langue originale, profile parfaitement l'ambiance d'une pièce lue aux lumières d'un siècle bien tardif par rapport à la pièce !

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•○◇○• OFF : EXODES •○◇○•

Grand coup de coeur !

Théâtre de la Carreterie, 14h15


Une heure de voyage, de pérégrination, d'exode avec Olivier Morin et son musicien, Emmanuel Valeur qui nous embarquent généreusement dans son univers poétique à travers des rivages et des mirages d'humanité... On s'égare, on s'éprend et aussi touchants que sont les textes, touchés, les gens qui en sortent, tous les "s'en vont", s'en vont, au moins émus, si ce n'est bouleversés !


Et voici encore un des textes de ce poète que j'ai retrouvé sur internet :

Nous lèverons comme lèvent les grains le cœur battant et les réserves au corps les poings serrés pour affronter l’hiver et la poussière de l’été.

Nous lèverons pour affronter la vie et ses cris insensés avec nos mots à nous, nos mots chargés, nos mots gonflés, voulus, choisis, piochés dans nos granges greniers,dans nos viviers grouillants, dans nos besaces lourdes, dans nos cavernes ornées,

Nous lèverons nos mots pour découvrir des routes avec le verbe haut à fleur de canopée

Nous lèverons nos mots comme d’autres des drapeaux avec le feu dedans et des gerbes d’oiseaux

Nous aurons des mots de jour et d’autres pour la nuit,des mots fériés et des mots de septembre,des verbes liquoreux, d’autres incandescents,des mots de Méditerranée, de mer Egée, d’Adriatique et de Caspienne, mots d’océan et de marée tempête, des mots îliens et d’archipels, des mots volcans imprévisibles des mots germés, des mots semences, des mots levés, des mots croyance

Alors,

Nous serons les prairies de rêve où lèveront les grains.



Des mots d'espoir pour la Liberté, Olivier Morin

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Petite pause gourmande sur la terrasse d'un joli petit restaurant grec : la Taverne Avedis, place des Carmes !

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•○◇○• OFF : Un Rapport sur la Banalité de l'Amour •○◇○•

Théâtre La Luna,18h55

Pièce de : Mario Diament Avec André Nerman et Maïa Guéritte Régie Arnaud Bouvet

Très beau spectacle qui retrace une histoire d'amour peu commune, qui continue à interpeller les lecteurs de ces deux grands philosophes du XX° siècle : celle de Martin Heidegger et de Hannah Arendt ! La sensibilité tangible avec laquelle les deux comédiens parviennent à donner à voir cette pièce nous plonge dans cette période peu rassurante qu'est la montée, la traversée puis la fin de la période nationale-socialiste, de la seconde guerre mondiale !

Et il faut bien avouer que le choc est encore terrible : Heiddeger, nazi, peut-être pas, mais coupable de lâcheté et collaborateur, oui.... une pièce qui nous replace face à nous-même en tant qu'humain et non en critique supérieur bien qu'on méprise ici le refus d'Heidegger de se voir fautif de quoi que ce soit ; qui nous prévient de la lâcheté face au danger dont nous sommes capables, nous tous, humains ! Mais au delà de ce dilemme, un autre se pose car c'est une pièce qui nous fait aussi réfléchir à la passion inconditionnelle et qui en retrace les turpitudes !

Le metteur en scène a choisi de mettre en place un décor mobile et intelligent, qui s'efface au profit du texte et du jeu d'acteur ! Je dirais, pour finir sobrement que c'est une pièce qui parle d'ambiguité par elle-même, magistralement incarnée par deux comédiens assurément très doués !

Très beau moment qui puise sa richesse dans le bouleversement qu'il provoque !

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•○◇○• OFF : Oh les beaux Jours, Beckett •○◇○•

Bande annonce de Oh les Beaux Jours de Beckett 

Théâtre du Vieux Balancier, 21h15

Metteur en scène : Lucille Arnaud

Comédien(ne)s : Scarlett Wilson, André Lamorthe


Tout comme la période classique est incontournable dans l'Histoire du Théâtre, l'est celle de l'absurde également ! Bon, j'ai misé sur une pièce jamais encore lue de Beckett, qui s'est avérée être très bien jouée, d'autant plus que les personnages presque entièrement privés de mouvements, doivent tout miser sur l'intonation, et l'expression du visage ! Une pièce pas trop dure, bien qu'interrogeant le temps qui passe et la vieillesse sur le corps, l'esprit mais aussi sur la relation de couple ... un retour vers l'émerveillement qui prend des allures presque inquiétantes ! Un très beau jeu d'acteurs : on ne s'ennuie pas malgré le peu d'action physique !

15
juil



Et voilà... on quitte l'appartement ce matin, ménage rapide, valises faîtes dans la nuit précédente ! Après un petit déjeuner sur une jolie terrasse et avant de partir passer le week-end à quelques kilomètres d'Avignon, on file encore à travers les rues pour notre dernier spectacle ( ou presque 😉) ....



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•○◇○• OFF : LE MISANTHROPE VS POLITIQUE •○◇○•

Théâtre du Collège de la Salle, 12h15

Interprète(s) : Pierre Margot, Aurélie Noblesse, Emmanuel Lemire, Edgar Givry, Youna Noiret, Benoît Du Pac, Denis Laustriat, Annick Roux, Geoffroy GuerrierMetteur en scène : Claire GuyotAssistante : Anne RondeleuxLumières : Laurent BéalContact équipe artistique : Marie-Laure Chanet

Quelle mâle gaité, si triste et si profonde

Que lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer.

Musset, à propos du Misanthrope

Roland Barthes déclare, dans « Plaisir aux classiques », qu'« (…) il n'y a nulle part de plus fatigante obscurité, de silence plus térébrant que dans la pensée classique. Mais cela fait penser et penser indéfiniment. (…) Enfermées dans les limites de la perfection, les œuvres classiques sont des objets finis, complexes et admirables ; mais elles sont aussi des trames, des ébauches, des espoirs où l'on peut indéfiniment ajouter. »

Quant à la mise-en scène :

Ici, on s'adonne à la peinture d'un nouveau visage, plus moderne, plus contemporain pour la pièce si bien sentie qu'est le Misanthrope. On en oublierait presque les siècles qui nous séparent... bien que beaucoup de metteurs-en-scène aiment à rendre aux auteurs classiques une couleur contemporaine, peu touchent autant la justesse d'une mise-en-scène telle que celle-ci, qui se revendique dès le titre comme une relecture au sens contemporain de ce chef d'oeuvre, si je puis dire. Un espace épuré, qui ne présente que des objets très significatifs; luxueux : canapé design, bar, ordinateur de la marque apple... symboles d'une richesse certaine et insupportable. Un décor donc épuré, aseptisé, qui pourtant s'inscrit dans une cohérence globale.

Aurélie Noblesse joue une Célimène telle que je l'avais comprise, entre fragilité et provocation, magnifique et brillante ! Et que dire d'Alceste, qui, joué par Pierre Margot, atteint des degrés de finesse par sa prestance et son élocution ! Je pourrais citer chaque comédien tant l'interprétation de chacun était particulièrement réussie ! Je ne saurais dire que bravo car, vraiment, tant debout dans la salle durant les applaudissements, qu'à présent, devant mon ordinateur, j'ai été conquise par cette mise-en-scène brillante !

Quant à la pièce en elle-même :

Molière a cela d'avantageux, sur d'autres Hommes de théâtre, qu'il met l'accent sur la construction des personnages plutôt que sur les intrigues, et c'est en cela qu'il promet une certaine pérennité de son oeuvre. On a d'ailleurs trop souvent tendance à considérer les personnages de Molière comme manichéens, pardonnez-moi mais je suis absolument convaincue qu'ils ne le sont pas : c'est sans doute parce que Molière esquive habilement cet écueil que ses personnages sont encore si palpables et authentiques. Leur complexité intellectuelle, voilà où Molière sème le doute de sa propre position quant à eux (peut-on s'identifier entièrement à Alceste ? N'est-on pas parfois plus proche de Philinte ?), car tout comme nous le sommes, le personnage molieresque s'enlise parfois dans ses propres antagonismes. Ainsi, Alceste se voit épris d'une passion presque fatale pour l'incarnation même des valeurs qu'il abhorre : Célimène ! Plus particulièrement, si on constate que notre dramaturge pardonne aux légers personnages dont il se rit des défauts qu'il juge sans doute moindres et amusants, on ressent une toute autre amertume pour ce qui est de son traitement de l'hypocrisie. Il ne pardonne rien aux hypocrites et, intransigeant, condamne cette tare sévèrement. Le Misanthrope est donc une pièce qui acquiert une certaine gravité que, d'après ce que je ressens, ses autres pièces n'atteignent pas.

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Toutes émues, nous nous dirigeons à la sortie de ce dernier spectacle vers le pied du Rocher des Doms pour prendre la navette fluviale qui nous emmène sur l'île de la Barthelasse, presque déserte en ce bel après-midi.

Après-midi estivale... 

On trouve un joli champ de tournesols (Sonnenblumen en allemand, c'est plus joli, non ?) et là, on profite du calme et de la beauté du lieu devant une jolie assiette avant de nous étendre sur des transats libres, bercé par le chant des cigales et par l'ombre, valsant avec les vents légers... et nous quittons Avignon pour finir la soirée baignées dans des teintes chatoyantes, ah le sud !

10
sept

<<< Escapade au Pont du Gard ! >>>

Si près du pont du Gard, il serait dommage de ne pas profiter de l'émerveillement qu'il suscite ! Un après-midi de vacances moins culturel (quoique devant un des plus beaux vestiges romains que je connaisse !) que le reste de la semaine, mais agréablement oisif : plonger dans le gardon et lézarder au soleil devant la majesté de ce pont construit au Ier siècle et des oliviers tout aussi antiques qui l'environnent. 

Pont du Gard  et olivier né en l'an 908 ... 

•○◇○• OFF : Mesguich  •○◇○•

20H15, THÉÂTRE DE LA CARRETERIE

Et c'est le dernier retour à Avignon, pour une lecture ! Patchwork de textes que le metteur en scène a adopté, et qui, comme il le dit, le soutiennent toujours, le public est embarqué dans un voyage à travers les mots de tant d'Hommes de Lettres... Kafka, Proust, Baudelaire, Chateaubriand... et lui-même !

J'adhère et j'adore faire mes adieux à Avignon sur l'entrelacement de tant de chemins ouverts par tous ces auteurs, et malgré tout, c'est le coeur un peu serré qu'on quitte les remparts de la douce ambiance théâtrale et musicale qui règne partout ici....

Dans le train... merci Avignon !