Nous quittons Lima en fin de matinée pour Arequipa par un vol d’une heure et demie. A notre gauche : la Cordillère des Andes ; à notre droite : le désert littoral. Peu avant l’atterrissage, nous survolons les majestueux cônes volcaniques encapuchonnés de neige
Un beau ciel bleu et une ambiance méditerranéenne nous accueillent quand nous débarquons en ce début d’après-midi, cette région bénéficiant d’un climat sec et ensoleillé. Une navette nous conduit à notre hôtel avec d’autres voyageurs, une clientèle d’affaires pour la plupart. La ville n’offre pas d’emblée un aspect des plus séduisants. Avec plus d’un million d’habitants c’est la deuxième ville du pays, toutefois dix fois moins peuplée que la capitale, mais avec la même gangue de banlieues interminables et laides qui enserre le centre historique et touristique, lequel a heureusement beaucoup plus de charme.
Nous resterons quatre nuits au Libertador (*), un hôtel très bien situé, dans un quartier calme et aéré sur une hauteur de la ville, à quinze minutes à pied du centre historique. Ici encore ce fut une belle expérience culinaire. Nous étions les chouchous d’une des serveuses qui avait décidé d’apprendre un peu de français avec nous.
(*) Aujourd'hui c'est un hôtel de la chaîne Costa del Sol.
La chaleur estivale de ce premier jour est trompeuse. En effet la ville étant située à 2 300 mètres d’altitude, dès que le soleil décline (vers 18 heures), la température chute rapidement. Nous l’avons constaté à nos dépends le premier soir quand, insuffisamment habillés, nous avions regagnés à pied notre hôtel.
La
« ville blanche »
Contrairement à Cuzco à l’architecture métissée et où domine le rouge des toitures, Arequipa, c’est la « ville blanche » sur fond de ciel d’azur, à l’architecture résolument coloniale et baroque, évoquant quelque ville méditerranéenne. C’est ce qui fait le charme de son centre historique, autour de la Plaza de Armas. Comme sa consœur cuzquénienne, elle est classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Sa blancheur quasi immaculée est due à la couleur de la pierre volcanique, le sillar, qui a servi à la construction des édifices. Cette pierre est finement sculptée de motifs floraux tropicaux, de figures de la mythologie inca, d’angelots coiffés de plumes, etc. Les façades des édifices religieux arborent une véritable dentelle de pierre dans le style que l’on nomme churrigueresque, le baroque espagnol du XVIIe siècle. Les maisons coloniales aux balcons de fer forgé rivalisent dans la sculpture des frontons de leurs portails.
Les trésors d'Arequipa
Le
Monasterio Santa Catalina.
C’est le trésor d’Arequipa. S’il n’y avait qu’un seul lieu à voir absolument c’est ce monastère, une véritable ville dans la ville, édifié dès la fin du XVIe siècle, dédié à Sainte Catherine de Sienne et destiné aux cadettes des grandes familles. Dès que l’on a franchi le seuil, on est invité à respecter le silence. Il nous aura fallu pas moins d’une matinée entière pour déambuler dans ce labyrinthe de couloirs, de ruelles aux noms évoquant des villes d’Espagne, de patios, cloîtres, cellules, chapelles et recoins, jusqu’à la pinacothèque aux très riches collections. Un lieu de toute beauté et de sérénité, où il est bon de prendre son temps, une invite à la méditation.
Le
Museo de Arte Virrenal Santa Teresa.
Ce musée apparemment peu visité est en réalité un monastère carmélite qui conserve et expose des collections d’art colonial et religieux de l’époque de la Vice-Royauté. Nous y sommes restés une petite heure et étions quasi seuls pour profiter de l’ambiance de quiétude de son joli cloître fleuri, orné d’une fontaine et admirer un certain nombre d’œuvres de l’école de Cuzco, une étonnante crèche baroque en bois peint et doré, grouillante de personnages et surtout la salle capitulaire entièrement recouverte de fresques murales exquises aux motifs floraux et bucoliques, dans un état de conservation remarquable.
L’Iglesia
de la Compañia de Jesús.
La façade baroque de la plus belle église d’Arequipa est le modèle le plus achevé de la sculpture de style churrigueresque. Il y avait une cérémonie au moment où nous voulions visiter l’intérieur, donc nous ne nous y sommes pas attardés. En revanche nous avons attendu l’ouverture de la Capilla San Ignacio et nous avons bien fait, car c’est un chef-d’œuvre. La coupole et les murs sont entièrement recouverts de fresques aux couleurs chatoyantes représentant des scènes naïves dans la profusion d’un éden tropical. Nous n’avons pas manqué de faire un tour dans les deux cloîtres attenants à l’église dont les piliers sont eux aussi finement et abondamment sculptés dans le sillar. Dans ces havres de paix, sont aujourd’hui hébergés boutiques et restaurants.
Le
couvent de la Recoleta
Encore un monastère, situé celui-ci, à l’écart du centre historique, sur l’autre rive du Rio Chili, accessible à pied par le Puente Grau. « Un délicieux havre de paix, avec ses quatre cloîtres aux colonnes de sillar et aux ravissants jardins », selon le Guide Vert. Oui, mais une fois n’est pas coutume, nous étions loin d’être seuls, puisque des groupes de scolaires avaient investi les lieux. Rien à redire à cela, bien au contraire, ravis de constater que des jeunes puissent s’intéresser à leur patrimoine. Mais voilà, ceux-ci se sont révélés particulièrement bruyants et indisciplinés et leurs professeurs avaient bien du mal à capter leur attention. Bien plus intéressant était de faire des "selfies" que de regarder les vitrines consacrées à l’art précolombien ! De ce point de vue au moins, nous n’aurons pas été trop dépaysés… Cela a surtout perturbé la visite de la très belle bibliothèque, principal centre intérêt de ce monastère, laquelle conserve des cartes et ouvrages souvent anciens.
Les
"casonas"
Au hasard de nos flâneries dans les rues du centre historique, on ne peut que remarquer la splendeur architecturale d’un grand nombre de demeures patriciennes des XVIIe et XVIIIe siècles, notamment leurs portails baroques ouvragés. Parmi ces maisons coloniales, deux méritent une attention.
La Casa Tristan del Pozo (ou Casa Ricketts)
À une cuadra de la Plaza de Armas, calle San Francisco, on ne peut manquer le monumental portail sculpté de cette maison qui héberge aujourd’hui quelques services. L’entrée étant libre, nous avons pu jeter un coup d’œil rapide à ses deux patios.
La Casa del Moral
C’est à un mûrier centenaire (moral) qui trône au centre du patio principal de cette demeure baroque doit son nom. Tout autour de ce patio une succession de salles présentent du mobilier colonial et quelques peintures de l’école de Cuzco. La visite est intéressante, mais sans plus.
Petite escapade rurale autour
d’Arequipa.
Un taxi affrété par l’hôtel nous permit de découvrir au cours d'une matinée les environs immédiats de la ville. Notre chauffeur qui parlait un peu anglais s’est montré très sympathique et nous a servi de guide. Une balade intéressante pour les vues sur la ville et les volcans environnants, ainsi que pour deux belles églises coloniales en sillar .
Arrêtons-nous d'abord au Mirador de Yanahuara. Nous sommes dans la banlieue d’Arequipa. Une terrasse ornée d’arcades en sillar offre une vue assez moyenne sur la ville et les volcans. Non loin de là, la petite église baroque toute blanche ne manque pas d’allure.
Un peu plus loin, sur la place centrale de Cayma, l’église San Miguel Arcángel (XVIIIe siècle) montre sur sa très belle façade une profusion de motifs métisses sculptée dans le sillar. A l’intérieur, on remarque le contraste entre l’austérité de la lourde voûte en berceau et les ors du retable.
La matinée se terminera par une balade bucolique vers le Mirador de Cayma. Celui-ci, bien plus intéressant que le belvédère de Yanahuara, permet d’admirer les majestueux volcans qui dominent la ville : le Misti (5825 m) et Nevado Chachani (6 075 m). Le paysage est verdoyant, car les reliefs andins dispensent généreusement l’eau nécessaire à l’agriculture irriguée.
Cette agréable escapade fut avant-gout de notre excursion du lendemain vers l'altiplano.