Mexico: la Palais national à la tombée du jour après un bref épisode de pluieDécouverte du « zócalo »
Le Premier ministre canadien étant reparti, nous pouvons enfin découvrir le cœur battant de la capitale, la plaza de la Constitución surnommée el zocaló, c'est-à-dire « le socle ». Mais pourquoi un tel surnom ? En 1843, un socle fut érigé pour recevoir un monument de l’indépendance qui ne vit jamais le jour faute de crédits, avant de céder la place au grand mât qui déploie un immense drapeau dès le lever des couleurs chaque matin. Par analogie, on donna ce nom toutes les Plaza Mayor ou Plaza de Armas des villes du pays.
Ciudad de Mexico Cette place encore peu animée en ce début de matinée (pas très matinaux ces Capitalinos !) est immense. C’est une des plus grandes places du monde. Elle pourrait accueillir la pyramide du soleil de Teotihuacan, c’est dire ! Elle est le siège des pouvoirs politique et religieux de la ville et du pays. C’est là que se déroulent les grandes célébrations nationales et les festivités. C’est d’ailleurs sur cette place que le 16 septembre de chaque année se réunissent des milliers de personnes pour célébrer l’indépendance du Mexique. Par ailleurs elle est souvent choisie comme lieu de rassemblement lors des manifestations contre le pouvoir, comme ce fut le cas lorsque des milliers de partisans de López Obrador y ont bivouaqué plus de trois mois pour contester l’élection présidentielle de 2006.
Paco nous emmène à l’intérieur de la station de métro « Zócalo-Tenochtitlan », non pas pour nous rendre quelque part, mais pour voir les grandes maquettes qui reconstituent l’ancienne Tenochtitlan, la capitale de l’Empire aztèque. On peut ainsi se rendre compte comment les temples-pyramides et les palais ont cédé la place aux monuments actuels. On remarque aussi une céramique contemporaine illustrant le mythe fondateur de la ville aztèque. Selon les spécialistes, Tenochtitlan, signifie « l’endroit pierreux où abondent les figuiers de barbarie ». Étymologiquement, ce nom viendrait des mots nahuatl : te(tl) = pierre ; nochtli = figuier de barbarie (tuna en espagnol) ; tlan = abondance.
L'emblème de Mexico et du Mexique qui orne le drapeau mexicain : l'aigle sur le figuier de barbarie dévorant le serpentLa longue façade du XVIIe siècle du Palais national construit par Cortez sur les ruines du palais de Moctezuma occupe tout le côté oriental de la place (photo d'introduction ci-dessus). C’est aujourd’hui le siège du gouvernement fédéral du Mexique. On peut voir sous le fronton du portail principal au-dessus du balcon présidentiel la cloche que le Père Miguel Hidalgo fit sonner en 1810 pour appeler à l’insurrection au cri de « ¡Viva la Virgen de Guadalupe ! » Le 16 septembre de chaque année, le Président fait sonner cette cloche pour rappeler l’évènement.
Sur le côté sud du zócalo, les bâtiments du gouvernement de la ville dressent leurs belles façades baroques au-dessus de galeries ornées des blasons de céramique évoquant l’époque de la Nouvelle Espagne. À l’angle de la rue du 16 Septembre, le hall d’entrée du Gran Hotel mérite un petit coup d’œil pour sa superbe verrière Art nouveau. Le portier s’est fait un plaisir de nous y accueillir ; d’ailleurs en règle générale, nous avons remarqué que gentillesse, bienveillance et courtoisie caractérisent les Mexicains.
La grande verrière Art nouveau du Gran Hotel de la Ciudad de México La Cathédrale métropolitaine de Mexico
La cathédrale et le Sagrario Au nord de la place de dressent les tours élancées la cathédrale, elle-même flanquée du Sagrario, un sanctuaire dédié au saint sacrement. Ce monument un peu lourd, édifié avec les pierres prises sur les pyramides, manque d’harmonie. En cause, la durée de sa construction qui ne s’est achevée qu’au début du XIXe siècle, d’où des styles architecturaux disparates, notamment à l’intérieur où des piliers et les voûtes néoclassiques contrastent avec les retables baroques dorés. Le chœur quant à lui abrite deux impressionnants buffets d’orgue du XVIIIe siècle qui se font face. Mais il y a une messe, ce qui nous obligera à revenir. Les messes sont fréquentes au Mexique, même en semaine ; c’est le deuxième pays catholique au monde après le Brésil.
Les travaux sont continuels sur cet édifice et il y avait des échafaudages lors de notre visite. Ce lourd vaisseau s'est enfoncé inexorablement sur le sol marécageux depuis le XVIe siècle et la tour ouest piquait du nez (il y avait 2,50 m de dénivelé entre la façade et le chevet) jusqu'à ce que l'on renforce les fondations par de nouveaux pilotis dans les années 1990. Au centre de la nef, un gros fil à plomb suspendu à la voûte permet de vérifier en permanence la stabilité du monument (photo ci-contre).
Le sanctuaire du Sagrario attenant à la cathédrale affiche une façade baroque très exubérante de style churrigueresque, caractérisé par les estípites, des colonnes en forme d'obélisque inversé. Cette façade contraste avec l'intérieur plus sobre de style néoclassique.
La façade du Sagrario de style churrigueresque,
l’expression la plus exubérante
du baroque espagnol Le Templo Mayor
A deux pas de la cathédrale, s’étendent sur un quadrilatère encaissé entre les immeubles voisins, les ruines du Templo Mayor, qui fut détruit après la prise de Tenochtitlán par les conquistadors. Il fut redécouvert fortuitement en 1978 et des fouilles archéologiques furent alors entreprises.
Des passerelles aménagées permettent de circuler parmi les ruines et un musée conserve les objets trouvés sur le site. Ce champ de ruines laisse perplexe, car ces vieilles pierres nous parlent peu. Aussi sommes-nous heureux d'être accompagnés par notre guide préféré et de bénéficier de ses explications ! À mesure que l'on progresse sur le site, on remonte le temps. En effet le monument était un empilement de pyramides emboitées. Chaque empereur aztèque, pour affirmer sa puissance, enveloppait la pyramide précédente d'une « couche » supplémentaire de pierres volcaniques recouvertes de stuc rouge dont on peut voir quelques traces. En tout il y eut sept couches successives et la pyramide atteignait 80 m de côté et 42 m de haut.
Ci-dessous, en haut, de gauche à droite:
- Maquette éclatée du temple montrant le millefeuille des pyramides. Au sommet se trouvaient deux temples, l'un dédié à Tlaloc, le dieu lié à l'eau en opposition au feu, l'autre à Huitzilopochtli, le dieu lié au feu, en opposition à l'eau.
- Xiuhtecuhtli
- Tlaloc.
- Les ruines à base de la pyramide.
En bas: Quetzalcoatl ; à droite l'appareil de pierres volcaniques de la pyramide dont la plupart a servi à bâtir la cathédrale.
Les vestiges et le musée du Templo Mayor
La pièce maîtresse du musée : le monolithe de Tlaltecuhtli, la déesse de la Terre En fin de matinée, le zócalo s’anime. De temps à autre le son retentissant d’une conque nous interpelle. Des visiteurs mexicains font la queue. De quoi s’agit-il ? Ce sont des « chamans aztèques » emplumés qui pratiquent des rites de purification avec de l’encens de bois de copal en passant un bouquet végétal sur le visage et le corps de ces personnes. Cette animation populaire tranche avec l’austérité de cette vaste esplanade nue et sans charme. Il manque un square arboré, une fontaine centrale comme dans les autres villes du Mexique, du Pérou, de Colombie ou tout simplement comme à Mexico du début du XXe siècle, ainsi que le montrent de vieilles photographies.
Une cité
universitaire moderniste
La bibliothèque universitaire, œuvre de l'architecte Juan O'Gorman En début d’après-midi, cap au sud pour une balade pédestre à travers l’immense cité universitaire de l’UNAM (Universidad Nacional Autónoma de Mexico). L’UNESCO l’a inscrite sur la liste du Patrimoine mondial en 2007. Nous faisons un bond dans l’espace puisque nous sommes à la périphérie lointaine de Mexico, mais aussi dans le temps, passant du XVIe au XXe siècle.
Fondée en 1551 par Charles Quint, l’université de Mexico exerçait un rayonnement sur toute l’Amérique espagnole. Au milieu du XXe siècle il fut décidé de réunir les facultés disséminées dans toute la ville sur un même campus universitaire. Ce projet de grande ampleur mobilisa plus de soixante architectes, ingénieurs et artistes parmi lesquels Diego Rivera, David Alfaro Siqeiros ou Juan O’Gorman, précurseur du fonctionnalisme. Selon l’UNESCO, « le campus est un superbe exemple du modernisme du XXe siècle (…) Cet ensemble est devenu l’une des plus importantes icônes de l’urbanisme et de l’architecture modernes en Amérique latine, reconnue universellement ».
Et il est vrai qu’on ne peut qu’être ébahi devant la bibliothèque universitaire qui trône au milieu d’une vaste esplanade. C'est une œuvre de Juan O’Gorman. Le décor de mosaïques de pierres naturelles aux couleurs variées - volcaniques en particulier - évoque les grandes périodes de l’histoire du savoir et du Mexique. Sur ce bâtiment comme sur les autres, les architectes n’ont pas lésiné avec l’emploi de matériaux nobles comme l’albâtre.
Détail des mosaïques de pierres des façades de la bibliothèque. De Ptolémée à Copernic et à l'ère de l'atome En traversant de vastes esplanades et pelouses nous déambulerons durant une heure et demie entre les différents bâtiments du campus, du stade olympique décoré par Diego Rivera à la faculté de médecine. Mais que de marche à pied ! D’ailleurs nombreux sont les étudiants qui circulent à vélo, le campus étant sillonné de pistes cyclables. Devant le rectorat, une étudiante en toge universitaire se fait photographier, son diplôme de doctorat en main.
La tour du rectorat, centre administratif de l'UNAM (en haut), la faculté d'odontologie et la bibliothèque centrale
L'auditorium réalisé par José Chávez Morado: "La Conquête de l'énergie"
Des graffiti rappellent les sanglants évènements du 2 octobre 1968 sur la place des Trois CulturesSi cette visite est d’un grand intérêt, on peut toutefois déplorer le manque d’entretien des lieux, sans doute faute de moyens comme dans nos universités. Le béton subit des dégradations çà et là, les herbes folles s’invitent dans le moindre interstice et les feuilles mortes tombées depuis le début de la saison sèche ne sont pas déblayées. Dommage pour un site du Patrimoine mondial…
Coyoacán
Tout près de là se trouve Coyocacán, le quartier bohème et chic de Mexico. Enfin tout près, c’est vite dit car il y a tout de même cinq kilomètres de distance, mais tout est relatif dans cette métropole gigantesque. Et avec ce trafic intense il faudra un peu de temps pour nous y rendre !
Coyoacán, c’est le « lieu des coyotes » dans la langue nahuatl, ce que rappelle la sculpture de la fontaine du Jardín Centenario. On y vient avant tout pour visiter la maison de Trotski et surtout celle de Frida Kahlo. Nous ne verrons ni l’une ni l’autre faute de temps et de réservation car l’engouement est grand pour la compagne de Diego. D’ailleurs un peu partout des portraits de Frida, de plus ou moins bonne facture, sont proposés aux touristes. Sans doute est-ce sa mémoire qui a incité un grand nombre d’artistes à installer leurs ateliers dans cette sorte de Montmartre mexicain.
Coyoacán. La fontaines aux coyotes du Jardín Centenario, la maison de Cortés (devenue mairie) et l'église San Juan Bautista C’est ici que Cortés est venu s’établir avec sa maîtresse indienne, la Malinche, en attendant que Mexico émerge des ruines de Tenochtitlán, faisant de Coyoán la capitale provisoire de la Nouvelle Espagne. On peut encore voir la première résidence du conquistador qui est aujourd’hui l’alcadía (l’hôtel de ville). La voûte et les murs de l’église San Juan Bautista, la plus ancienne de Nouvelle Espagne, sont entièrement couverts de peintures d’inspiration sulpicienne que Paco ne manque pas de nous commenter par le menu.
Une atmosphère familiale, bon enfant et paisible règne ici, mais ce doit être très animé et festif le week-end quand on voit le nombre de boutiques et restaurants dédiées au tourisme. Ce quartier nous semble donc un peu surfait et, fatigués par cette longue journée, nous décidons de zapper le marché et de rentrer directement à l’hôtel pour nous reposer.
Dîner à La Casa de las Sirenas
Nous terminerons cette journée par une de nos meilleures expériences culinaires au cours de notre voyage au Mexique, dans un restaurant conseillé par Paco: La casa de las Sirenas. Il est situé près du zócalo, à deux pas du Templo Mayor, face au chevet de la cathédrale, sur le toit-terrasse d'une belle demeure historique. Il doit son nom aux deux sirènes sculptées aux extrémités de la corniche du XVIIIe siècle de la terrasse. De celle-ci la vue sur la cathédrale et le palais national est imprenable.
L'entrée de la Casa de las Sirenas et la vue sur le zócalo et le Palacio nacional depuis la terrasseUn cadre charmant, une cuisine mexicaine savoureuse et raffinée, une carte variée, un service impeccable et un prix doux. Je recommande vivement ce restaurant où nous sommes retournés. Au menu: aiguillettes de canard confit ; filet de vivaneau accompagné de légumes et de riz rose mexicain ; guacamole au fromage blanc et bien d'autres spécialités.