Cette nuit il a fortement gelé. La salle de bain est glaciale. Dehors, les collines ocre du désert sont recouvertes d’une mince pellicule de givre, donnant au paysage une ambiance irréelle, sous un immense ciel bleu. Après le petit-déjeuner pris dans la cantina locale, bien abusivement appelée « Parador », nous partons à la découverte de Tolar Grande dont nous aurons vite fait le tour : quelques maisons basses de part et d’autre de larges rues en terre battue, une église bien sûr, une école, un terrain de foot, un dispensaire, quelques maisons d’hôtes, c’est tout. Le paysage est surtout marqué par les vestiges des interminables installations ferroviaires de ce qui fut une gare importante au temps l’exploitation minière.
Le "Parador Llullaico" , la cantine populaire de Tolar Grande Tolar Grande
Lever des couleurs à l'école n° 4 622 à Tolar Grande
Une longue route nous attend au cœur de la puna en direction du sud. La piste commence par traverser le salar d’Arizaro, l’un des plus grands au monde. La croûte de sel très chaotique en surface, est mélangée à de l’argile qui donne au salar un aspect "sale" avec une couleur ocre, loin du blanc immaculé. Le nom d'Arizaro, « cimetière des vautours », fait référence à une époque où les arrieros (muletiers) conduisaient des caravanes d'animaux chargés de marchandises (lamas, vaches et chevaux) vers le Chili à travers ces lieux désolés. Les vautours pouvaient profiter des cadavres d'animaux morts pendant la traversée du salar.
Au loin on peut voir l'impressionnant alignement de volcans à la frontière chilienne, dont le Socompa (6 031 m) qui domine le col éponyme et le Llullaico (6 739 m). Au sommet de ce dernier, le National Geographic a découvert en 1999 les corps momifiés de trois enfants offerts en sacrifice aux dieux, parfaitement conservés par la glace et la sécheresse. Ces momies ainsi que les objets qui les accompagnaient sont exposés au musée archéologique de haute montagne (MAAM) de Salta. Nous l’avions visité et ce n’est sans doute pas ce que nous avions fait de mieux au cours de ce voyage : impressions mitigées à propos de ce musée, intéressant pour les objets rituels exposés (amulettes, poupées, vêtements), mais trop de voyeurisme.
Les volcans Socompa et LlullaicoAprès 70 km de piste nous parvenons sur la rive sud du salar d'Arizaro et là se dévoile un spectacle insolite: un cône parfait qui semble émerger du salar et dont la masse sombre contraste fortement avec l'étendue blanche environnante : c'est le Cono de Arita. Rien d'étonnant à condition de savoir qu'en langue aymara le mot arita signifie "pointu". L'origine géologique de ce cône n'est pas clairement établie, mais selon les vestiges archéologiques trouvés sur place, le lieu aurait été un centre de cérémonie pré-inca. Nous nous livrons au jeu habituel en ces lieux de l'illusion d'optique en faisant quelques photos. A proximité se trouve une carrière de marbre. En effet, la région regorge de minéraux de toutes sortes comme l'onyx et le marbre et l'on peut récolter quelques jolis échantillons éparpillés au sol.
Le cône d'Arita Nous poursuivons notre route vers l'oasis très isolée d'Antofalla, perdue au milieu du désert. Elle est dominée par le volcan éponyme. Ce toponyme est à la fois le nom d’un village, d’un volcan et d’un salar. Il est difficile de croire aux 6 437 mètres d’altitude du volcan Antofalla, car il ne s’élève « que » de 2 500 m au-dessus de la steppe de l’altiplano. C’est néanmoins le troisième plus haut volcan actif au monde. La vue de ses trois majestueux sommets couverts d’une calotte de neige ne nous laisse pas indifférents.
Le volcan Antofalla La modeste localité d'Antofalla peuplée d’une cinquantaine d’âmes, était autrefois une étape importante pour les caravanes de lamas qui reliaient le versant oriental des Andes à l’oasis de San Pedro de Atacama. L’oasis d'Antofalla est nichée dans une vallée verdoyante et arborée, arrosée par une source. Nous profiterons de la fraîcheur relative du lieu pour une pause pique-nique agrémentée des quelques fruits que Sebastián a réussi à ce procurer dans l'unique et minuscule échoppe du village.
L'oasis d'Antofalla L'oasis se situe près de la rive du salar d'Antofalla. Ce dernier s’étire dans une étroite dépression allongée sur plus de plus de 150 km, ce qui en fait le plus long salar au monde. Sebastián fait un petit détour pour nous montrer trois petites lagunes appelées Ojos del Campo qui offrent l'étonnante particularité d'être chacune de couleur différente. La première est bleue, la deuxième noire et la troisième rouge. Nous ne verrons que la première, les deux autres étant asséchées.
Le salar d'Antofalla Ojos del Campo Après avoir traversé le salar, la piste s’élève jusqu’à un col à 4 200 mètres avec de larges vues sur le volcan d’Antofalla et le salar. Un spectacle de fin du monde s’offre à nous, entre les montagnes rouges et les coulées de lave noires. Un paysage qui contraste avec celui de la Vega Colorada que nous découvrons après être redescendus du col. C’est une zone plus verdoyante qui sert de pâturage à une faune abondante: vigognes peu farouches par centaines, lamas, alpagas, ânes sauvages.
La Vega Colorada, habitat des camélidés et des oies des Andes
Vigognes dont la
robe ocre se confond avec le milieu ambiant, une manière de se camoufler des prédateurs.C’est ensuite un fascinant musée de formes volcaniques qui s’étend jusqu’à Antofagasta de la Sierra et aux alentours de cette dernière. Un festival de couleurs : du noir des laves volcaniques au bleu des lagunes, en passant par le rouge des volcans et le vert des prairies où paissent des centaines de camélidés. Antofagasta de la Sierra (à ne pas confondre avec la ville chilienne) est la plus grande oasis de la puna de Catamarca avec un petit millier d’habitants. Son nom signifie « le lieu où le brille le soleil», et c’est bien vrai !
Aux environs d'Antofagasta de la Sierra Au terme de cette longue journée de voyage à travers la puna, nous atteignons l’accueillante oasis d’El Peñón, à 3 400 m d’altitude. Ce fut une bonne surprise de trouver le confort au milieu du désert à l’Hosteria de Altura El Peñón. Cette "hosteria" gérée par l'agence Socompa de Fabrizio, offre des chambres spacieuses, confortables et très propres. Nous nous y installons pour trois nuits.
L'oasis d’El Peñón