Samedi 12 décembre 2015
C’est sous un ciel chagrin que nous effectuons la brève traversée du canal de Chacao par le ferry qui relie la province chilienne de Los Lagos à l’île de Chiloé. La pluie s'intensifie lorsque nous arrivons à Ancud, la première ville rencontrée en venant de Puerto Montt. Par ce temps pourri, cette ville paraît encore plus glauque qu'elle n'est. Aussi on ne s'y attardera pas et l'on reprendra immédiatement la route vers Castro.
Voilà qui s’annonce mal ! Il est vrai qu’avec 2 000 mm de précipitations annuelles, l’archipel de Chiloé se caractérise par son climat océanique très pluvieux et venteux. Et pourtant nous sommes au début de l’été ! Heureusement, cela ne durera pas et nous aurons pu bénéficier de belles éclaircies au cours de ces trois journées d’escapade insulaire, ce qui nous permettra de bien profiter des splendides paysages verdoyants et apaisants, notamment sur les petites îles du golfe d’Ancud.
Paysage verdoyant de l'ile de
Quinchao dans le golfe d'AncudChiloé est la deuxième plus grande île d’Amérique du Sud après la Terre de Feu. Elle est aussi la plus grande d’un ensemble d’une quarantaine d’îles formant l’archipel de Chiloé. Sa situation géographique et sa difficulté d’accès l’a longtemps isolée et donc préservée d’une colonisation massive, bien que précoce (dès 1567). Elle a ainsi pu conserver une forte identité, un particularisme et un patrimoine culturel singulier, qui la différencient nettement du reste du territoire chilien.
Le métissage de la population est un aspect de ce particularisme. Dans un premier temps les Chilotes furent issus du métissage entre les Chonos, la population originelle et les Huilliches appartenant à un groupe mapuche du sud, dont la langue, le mapudungún, s’est imposée. Plusieurs mouvements de révolte ont émaillé l’histoire de l’archipel pendant la colonisation espagnole, en relation avec la résistance mapuche. Par la suite, la population d’origine espagnole s’est également métissée avec les peuples d’origine chilote.
Slogans d'une école publique: "De Chiloé nous pensons au monde, mais le
monde oublie Chiloé. Ensemble protégeons notre archipel" ...Quant au patrimoine chilote, il est très riche. D’abord par son architecture vernaculaire tout en bois, notamment en cyprès de Patagonie (Alerce). On peut admirer d’anciennes maisons du XIXe siècle plus ou moins bien conservées, dont les façades sont recouvertes de tavaillons aux formes géométriques et disposés en écailles.
Ensuite et surtout par la soixantaine d’églises intégralement construites en bois et datant des XVIIIe-XIXe siècles. Seize d’entre elles sont classées au Patrimoine mondial de l'Humanité. À l’origine de ces magnifiques édifices religieux, l’action des missionnaires jésuites qui christianisèrent Chiloé dès 1608, relayés par les Franciscains après leur expulsion en 1767. En façade, ces églises sont construites selon un modèle unique : un porche en arcades soutenues par des piliers, surmonté d’un fronton triangulaire et d’une tour. Celle-ci pouvait servir d’amer aux marins, car un grand nombre de ces églises sont situées sur la côte est et les îles du golfe d’Ancud.
De nos jours l’activité principale, orientée vers l’exportation, est liée aux ressources halieutiques : la pêche, l’aquaculture (élevages de saumon et de coquillages) et la conserverie. Les ports de pêche ne sont pas rares, situés au débouché d’un estuaire ou au fond d’une baie, notamment face au golfe d’Ancud, comme Dalcahue, Achao ou Chonchi. Nous avons rencontré une Française expatriée à Santiago dont l’activité est tournée vers l’exportation des produits de l’aquaculture en direction de l’Europe. Toutefois cette activité n'est pas exempte de critiques en ce qui concerne son impact environnemental.