Carnet de voyage

Couleurs persanes

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La Perse s’étend jusqu’à la mer Australe, appelée mer Érythrée. Au nord de la Perse se situent le pays des Mèdes, puis celui des Saspires et, plus au nord, celui des Colchidiens… (Hérodote, Enquêtes)
Du 15 au 31 octobre 2018
17 jours
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Voyager en Iran, c’est mettre tous ses sens en éveil. Notre premier contact avec ce pays fut un véritable choc sensoriel et émotionnel. On est d’abord ébloui par son riche patrimoine historique, architectural et artistique : un festival de couleurs. Mais les « couleurs » sont aussi sonores, voire olfactives : bruit de l’eau omniprésente dans le jardin persan, mélodies du santur ou du setar, instruments de musique traditionnels, senteurs des épices, des fruits secs et des fleurs séchées proposés au chaland au bazar. Sans oublier les diverses saveurs : la savoureuse cuisine iranienne, les fabuleuses pâtisseries aromatisées à l’eau de rose ou à la fleur d’oranger, les confiseries persanes à la pistache. Même le toucher est sollicité, au contact du fameux tapis persan de soie ou de laine. Et puis il y aurait un sixième sens : celui du cœur ! La gentillesse des Iraniens, généralement accueillants et chaleureux, est sans pareil.







Effets de lumière dans la mosquée Nasir-ol-Molk à Chiraz



Jeu de miroirs au palais Qavam à Chiraz 


Le complexe Amir Chakhmaq à Yazd 





Conversation dans un jardin persan
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Céramique d'époque timuride (XVe siècle), Musée islamique, Téhéran 


Le bleu de Perse est une couleur turquoise, couramment utilisée sur les faïences émaillées qui recouvrent les monuments à partir des XIe-XIIe siècles et qui s’est généralisée sous les Safavides (XVIe-XVIIe s.) : mosquées, mausolées, palais, bassins des jardins, etc. La palette de couleurs va s’élargir avec d’autres nuances de bleu, notamment le bleu outremer, auxquelles s’ajoutent le blanc, jaune, le vert olive et d’autres couleurs. Les motifs décoratifs sont conçus en mosaïques de faïences. Mais cette technique jugée trop coûteuse et trop longue à exécuter fut remplacée par la technique dite de la céramique peinte en sept couleurs. Quoiqu’il en soit le bleu domine largement, surtout à Ispahan et l’on ne peut qu’être ébloui par tant de beauté !


Le bleu de Perse 


Masjed-e Shah, dite mosquée de l'Imam à Ispahan 


Mosquée de l'Imam, Madresseh, Ispahan 


Mosquée du Sheikh Lotfollâh, Ispahan 


Calligraphie, mosquée du Vendredi, Ispahan


Iwan de la mosquée du Vendredi, Ispahan. Dans les "stalactites" jaunes, calligraphies stylisées des noms d'Allah, Ali et Mohamed.


Mariage harmonieux des céramiques jaunes et bleues à la mosquée Agha Borzog (XIXe siècle), Kashan 

La petite ville de Natanz, dans la province d’Ispahan, héberge le très photogénique complexe funéraire d’un sheikh soufi, construit au XIVe siècle sous la dynastie ikhanide (issue de Gengis Khan) laquelle s’employa à couvrir le pays de merveilles architecturales. Au-dessus de la salle de plan cruciforme abritant le tombeau, s’élève une superbe coupole à muqarnas, caractéristique de l’ingéniosité de l’architecture persane. Il s’agit de trompes d’angle qui permettent de passer du carré au cercle. Si le lieu mérite amplement d’être photographié, en revanche il faut éviter de sortir l’appareil photo quelques kilomètres plus loin. En effet Natanz se situe à proximité d’un des sites nucléaires les plus sensibles du pays !



Natanz: magnifique coupole à "muqarnas" , motifs ornementaux en forme de nids d'abeilles


A Yazd, la mosquée du Vendredi, datant également du XIVe siècle, est une merveille architecturale, entièrement recouverte de faïences bleues. Ses deux minarets s’élèvent très haut au-dessus d’un élégant portail (pishtaq) à stalactites. A l’intérieur, on admire les décors de mosaïques de faïences du somptueux mirhab (la niche tournée en direction de La Mecque).


Les deux minarets très élancés de Masjed-e Jameh (mosquée du Vendredi) dominent la vielle ville de Yazd  


Yazd, mosquée du Vendredi 


Il n'est pas évident de déchiffrer les noms d'Ali et de Mohamed sur ces calligraphies de céramique !  


Le magnifique dôme du mausolée de Sayyed Roknadin (XVe siècle), à Yazd 


On retrouve le bleu de Perse dans les arts mineurs, bien représentés dans deux des plus beaux musées du pays, à Téhéran: le Musée d'Art islamique et le Musée du verre et de la céramique. Certains objets datent de l'époque médiévale.




Les Shahid

Bleu c’est aussi la couleur restante, celle du ciel, sur les portraits délavés des Shahid, les martyrs de la « Défense sacrée », la guerre avec l’Irak qui dura huit années (1980-1988) et fit un million de morts de part et d’autre. A l’entrée et à la sortie de chaque agglomération, même la plus modeste, s’aligne la longue suite des portraits de ces hommes tombés au combat, un peu à l’instar de nos monuments aux morts de la « Grande Guerre ». Et parmi eux, nombreux sont ceux qui n’ont encore ni barbe, ni moustache. Des gamins, « volontaires » pour le paradis promis, un mot d’ailleurs d’origine persane.


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Tapis de Kashan (XVIIIe siècle), Musée du tapis, Téhéran. 
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Tapis de soie 

Parmi les collections consacrées à l’art préislamique au Musée national d’archéologie Irân Bâstân, on peut remarquer quelques objets en or très anciens.

Le bleu de Perse est souvent associé au jaune dans la décoration des monuments. Tel est le cas du célèbre dôme (en cours de restauration lors de notre visite) de la mosquée du Sheikh Loftallâh à Ispahan. C’est un sommet de l’art de la faïence émaillée persane par l’harmonie des couleurs et la délicatesse des décors d’arabesques et de fleurs qui se détachent du fond jaune d’or. A l’intérieur on ne peut qu’être admiratif devant la hardiesse architecturale de la coupole qui surmonte la salle de prière et la somptuosité des décors où l’or domine. Le passage du cercle au carré se fait par un octogone au moyen huit arches qui descendent jusqu’au sol par de fines colonnes torsadées de faïence bleue.

La mosquée du Sheikh Loftallâh à Ispahan  


Le dôme de la mosquée du Sheikh Loftallâh à Ispahan 


La coupole  de la mosquée du Sheikh Loftallâh à Ispahan 


La magnifique salle des prières de la mosquée du Sheikh Loftallâh à Ispahan 
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Le lion et le soleil, symboles de la dynastie des Qâdjâr, ornant le fronton du Bagh-e Naranjestan à Chiraz  


Les roses de Kâshân


Les roses séchées, omniprésentes dans les bazars, servent à parfumer les boissons. 


Kâshân est une oasis en bordure du désert du Dasht-e Kevir. Le nom de la ville provient du mot farsi kâshi qui désigne la faïence. Kashan s’est donc illustrée dans la production de céramiques et de faïences dans le passé. Les tapis de Kashan sont également réputés, mais c’est surtout la culture des roses et la production d’eau de rose qui constituent aujourd’hui la principale activité. Il nous en est proposé à proximité des principaux sites touristiques comme la maison des Tabatabaei, une des grandes demeures traditionnelles des riches marchands, la ville ayant été une étape caravanière importante des routes de la soie. Évidemment, pour les roses, ce n’était pas la bonne saison.

Ci-contre: savon artisanal (bazar de Kashan)


La maison des Tabatabaei, demeure de marchands du XIXe siècle.


Le rose de Chiraz

Carreau de faïence raffiné de la mosquée Nazir-al-Mok, dite mosquée rose à Chiraz 

Chiraz est également la ville des roses, mais aussi des rossignols, de l’amour, des jardins, des poètes… et du vin, du moins jusqu’à la révolution islamique. C’est la ville la plus « libérale » du pays, où les femmes portent volontiers des vêtements plus colorés et montrent davantage leur chevelure. Les amoureux se rencontrent furtivement dans les parcs et les jardins et profitent de ces espaces de liberté relative.

Au XVIIIe siècle, Chiraz fut la capitale de la Perse sous le règne de Karim Khân, souverain de la nouvelle dynastie des Zand. Les monuments se couvrent alors de faïences aux motifs floraux et de nouvelles tonalités viennent enrichir la palette de couleurs où domine le rose. Au XIXe siècle, les souverains de la dynastie des Qâdjâr ayant voyagé en Europe, des paysages ou des personnages occidentaux apparaissent dans les décorations.

La mosquée Vakil ou mosquée du Régent, proche du bazar éponyme et construite à l’époque de Kharim Khân, appartient résolument à l’école de Chiraz par l’abondance de ses céramiques aux couleur rose et vert.


La mosquée Vakil, Chiraz


La mosquée Vakil



Quant à la mosquée Nazir-al-Molk, que l’on surnomme la « mosquée rose », elle est sans doute le monument le plus accompli et le plus raffiné de cette époque. Les vitraux qui filtrent et projettent la lumière matinale sur les tapis de la salle de prière, donnent une atmosphère très particulière. Naturellement les visiteurs y sont nombreux à se faire prendre en photo !

Mosquée Nazir-al-Molk, Chiraz 


Mosquée Nazir-al-Molk, Chiraz  


Mosquée Nazir-al-Molk, Chiraz  


Mosquée Nazir-al-Molk, Chiraz    


Certains carreaux de faïence sont ornés de motifs occidentaux 


Carreaux de faïence ornant un pavillon du jardin Nazar à Chiraz. 
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Tout au long des routes d’Iran, on peut voir un grand nombre d'étals de grenades proposées aux voyageurs. Ali, notre très sympathique guide-chauffeur et grand amateur de ces fruits, comme tous les Iraniens, s’est souvent arrêté pour faire des provisions. Personnellement nous avons préféré déguster ce fruit sous forme de jus.


Le kaki est également très présent en cette saison. Il est plus petit et plus rouge que celui que nous connaissons et sa chair est très tendre. L’Iran est un gros producteur de fruits : agrumes, raisin, pommes, melon vert, pastèque, etc.

Les figues sèches de la région d’Estahban dans la province de Fars sont très réputées. Amandes, noix, épines-vinettes, abricots et raisins secs sont produits en quantité en Iran et omniprésents dans les bazars des villes.

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Vitrail du pavillon du jardin Dolat Abad à Yazd 
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Abyaneh


Non loin de Natanz, à l’écart de la plaine semi-aride et de l’autoroute Téhéran-Ispahan, une route sinueuse de montagne nous conduit jusqu'au village d’Abyaneh situé sur un versant exposé au sud, au pied du Mont Karkas (3 894 m), sur les contreforts de la chaîne du Zagros. Nous sommes à près de 2 500 mètres d’altitude, l’endroit est venté et en cette toute fin d’octobre, il fait frais et une petite laine s’impose !

Les maisons s’étagent sur le versant et se serrent les unes contre les autres. Elles sont bâties en brique de pisé de couleur ocre rouge. Aux façades s’accrochent des balcons de bois accessibles par des escaliers. Ce village très photogénique est aussi assez touristique et l’on est sollicité le long de la rue principale, entièrement piétonne, par une offre de produits artisanaux, essentiellement textiles ou alimentaires, sur des étals ou dans des échoppes rudimentaires. On doit être vigilant et vérifier où l’on met les pieds, car cette rue est bordée par une canalisation non protégée. Quelques femmes ont revêtu le costume traditionnel : ici pas de tchador noir, mais des robes et des foulards fleuris et très colorés !




Le portail de la mosquée  




Il faut absolument descendre jusqu’au fond de la vallée et remonter de quelques dizaines de mètres sur le versant opposé où se trouvent les ruines d’une citadelle, pour bénéficier d’une vue saisissante sur tout le village, d’autant plus qu’en cette saison automnale l’or des peupliers et autres feuillus vient rehausser les couleurs du tableau ! La balade ne demande qu’un quart d’heure de marche.


Citadelle d'Abyaneh 


Abyaneh 


Abyaneh 
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Les kaluts (désert du Dasht-e Lut)

L’ocre jaune est la couleur dominante du désert. C’est aussi celle des constructions en pisé dans les agglomérations en bordure du désert (Kâshân, Ardestan, Na’in, Meybod, Yazd, Kerman) : habitat, mosquées, temples zoroastriens, tours du vent, réservoirs d’eau, glacières, citadelles, caravansérails, pigeonniers. Autant d’attraits pour le visiteur.

Sur le plan géographique l’Iran est constitué d’un vaste plateau central aride, encadré de hautes montagnes qui se rejoignent au nord-ouest du pays dans une sorte de nœud orographique: l’Elbourz au nord et le Zagros au sud. Toutes ces régions sont fortement sismiques et les tremblements de terre sont particulièrement meurtriers (Bam en 2003, Kermanshah en 2017, etc.). Deux déserts occupent le plateau central : au nord, le Dasht-e Kevir, ou Grand désert salé, et au sud, le Dasht-e Lut, ou Désert du vide. Ce dernier est un des endroits les plus chauds de la terre.


La sobre mosquée du Vendredi en briques d'adobe de Na'in  


Aux portes du désert, la petite ville de Meybod, près de Yazd, est réputée pour ses poteries. Sa forteresse qui domine la ville, son impressionnante glacière naturelle, vieille de 400 ans et récemment restaurée, son pigeonnier circulaire et son ancien caravansérail transformé en musée méritent amplement une halte prolongée.


La ville de Meybod vue de la citadelle et ses poteries  


La forteresse Narin, Meybod


Le caravansérail de Meybod 


L'entrée du réservoir d'eau de Meybod 


Le pigeonnier récemment restauré de Meybod. Il hébergeait jadis jusqu'à 4 000 volatiles. 


Meybobd, aux portes du désert. Au fond, à gauche: l'énorme dôme de la glacière. A droite: un réservoir et ses tours de vent.



La tour du vent, ou badgir, est un marqueur architectural du paysage. Le mot badgir signifie « capteur de vent ». On l’utilisa pendant des siècles pour créer une ventilation naturelle dans les bâtiments, afin de mieux supporter la chaleur des régions arides et chaudes du centre et du sud du pays. Une climatisation écologique en quelque sorte. Ce système fut d’abord associé aux réservoirs d’eau afin de ventiler l’eau et éviter sa stagnation. Puis il fut intégré à la pièce à vivre des habitations.

Badgir (tour de vent) de la citadelle Karim Khan à Chiraz 


La citadelle Karim Khan à Chiraz  


Tours de vent à Kashan et à Yazd 


Na'in: réservoirs d'eau et leurs tours de vent


En plein désert, à une heure de route de Yazd, les ruines du village en pisé de Khanaraq  qui fut habité durant 4 000 ans! 


La curieuse façade vide à trois étages du complexe, Amir  Chamkat, le monument le plus emblématique de Yazd


A 70 km de Yazd, le caravansérail de Zein-o-Din, transformé en hôtel, peut être une agréable étape sur la route de Kerman 

A cent kilomètres au sud-est de Kerman, une halte dans la bourgade de Rayen située au pied du mont Hezar enneigé (4 420 m), s'impose pour la visite d'une des plus intéressantes citadelles d'Iran, en partie restaurée.


La forteresse de Rayen et ses remparts. Au loin de mont Hezar 



Les Kaluts


A deux heures de route au nord-est de Kerman, dans le désert de Lut, le site des Kaluts, offre un spectacle étonnant et de toute beauté avant le coucher du soleil. L'ocre se décline alors dans toutes ses nuances, de l’or au brun en passant par le rose, colorant ainsi ces sortes de « châteaux de sable ». En réalité il ne s’agit pas de sable mais d’alluvions argileuses contenant du sel et du gypse. Les géomorphologues parlent de yardang, terme turco-mongol désignant de longues buttes parallèles de quelques dizaines de mètres de hauteur et de couloirs sculptés par l’érosion éolienne et le ruissellement. Une très belle balade qui commence par la visite du caravansérail de Shafi Abad, dernière oasis avant les solitudes du désert de Lut.

L'oasis de Shafi Abad 


Le caravansérail restauré de Shafi Abad 



Les Kaluts (désert du Lut) 




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Les dunes de Varzaneh

Une excursion facile à deux heures de route à l’est d’Ispahan. Certes ce ne sont pas les plus belles ni les plus hautes dunes que nous ayons vues, mais Varzaneh ne manque pas d’intérêt : une source, un temple zoroastrien, un lac salé rappelant les salars des hauts plateaux des Andes centrales, un pigeonnier, un pont ancien et deux sites étonnants : un puits à bœuf et un moulin à chameau ! On peut aussi y faire aussi de belles rencontres, puisque c’est une destination de loisirs privilégiée des habitants d'Ispahan le vendredi. Nous aurions pu nous éviter l’excursion en 4x4 dans les dunes, très secouée et sans aucun respect pour l’environnement ! Mieux vaut faire une petite randonnée pédestre dans les dunes.







Puits à bœuf et moulin à chameau  


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La couleur de l’islam

La cour de la mosquée du Vendredi (Masjed-e Jameh) à Ispahan pendant l'Achoura 



Mosquée du Vendredi à Yazd. Au centre de la coupole: premier cercle: "Ali", second cercle sur fond vert: "Mohamed" 

Depuis 1979 l’Iran est une République islamique et 80 % de la population appartient à la branche chiite de l’islam. Les chiites reconnaissent Ali, cousin et gendre du prophète Mahomet, comme le successeur de celui-ci et par la suite les descendants directs d’Ali, les douze imams (on parle de chiisme duodécimain). Pour les sunnites, majoritaires, la légitimité du pouvoir au sein de la communauté (l’Oumma) devait revenir aux califes (les Omeyyades) et Ali fut évincé puis assassiné.

Pour la communauté chiite, ce sont les douze imams qui donnent les grandes orientations permettant à la communauté de vivre en accord avec les préceptes de l’islam. Les pouvoirs temporel et spirituel ne font qu’un et seuls les religieux les plus instruits et les plus pieux sont légitimes pour diriger la communauté musulmane, ce qui est le cas depuis la révolution de 1979. En effet aux pouvoirs constitutionnels élus du président et du parlement se superpose un pouvoir supérieur, celui du « Guide suprême » détenu par un religieux, actuellement l’ayatollah Khamenei qui a succédé à Khomeiny, le fondateur de la République islamique. L’Iran est donc une théocratie.

Il n’est donc pas étonnant que les nombreux signes et symboles de l’islam chiite fassent partie du paysage, en particulier les portraits des deux Guides suprêmes omniprésents dans la sphère publique.

La période de notre voyage correspondait à l’Achoura, l’une des manifestations religieuses les plus importantes en Iran avec le ramadan. L’Achoura marque la mort du troisième imam, Hussein, lors de la bataille de Kerbala (en Irak), haut lieu de pèlerinage chiite. Hussein, considéré comme un martyre, suscite énormément de passion et de ferveur religieuse en Iran. C’est une période de deuil, marquée par de nombreux slogans religieux honorant la mémoire d’Hussein.

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Promenade dans le jardin persan


Vert, c'est bien sûr la couleur dominante des fameux jardins persans.

Lorsque nous franchissons l’enceinte du délicieux jardin de Fin (ou Bagh-e Fin) à la périphérie de Kashan, nous sommes accueillis par le chant de l’eau, la fraîcheur de l’ombre des cyprès et l’harmonie du lieu. L’atmosphère de sérénité et de douceur est la bienvenue après l’âpreté et la monotonie des paysages arides durant le long trajet pour y parvenir. Serions-nous au paradis ? Peut-être si l’on en croit l’étymologie du mot. En effet le mot grec paradeisos est emprunté au persan paridaiza, signifiant l’enclos. Le jardin persan est donc un lieu clos. Par extension la chrétienté en a fait le jardin d’Éden.

Outre l’enceinte, le jardin persan est doté de trois éléments : l’eau, le cyprès et le pavillon d’agrément.

L'eau

En provenance d’une source proche, elle circule dans des canaux et des bassins de marbre revêtus de carreaux turquoise. Des fontaines et des jets d’eau donnent de l’animation.

Le Bagh-e Fin à Kashan

Le Bagh-e Shahzade, jardin persan classé, agrémenté de jets d'eau et de cascades, à Mahan près de Kerman

L’alignement des cyprès

Ces arbres élancés forment la seconde composante du jardin. Cet arbre au feuillage persistant est emblématique de l’Iran. On le retrouve un peu partout dans les décors et ceci depuis les Achéménides, puisqu’il est représenté sur les longues frises en bas-relief de l’escalier de l’Apadana à Persépolis. La robustesse du cyprès qui plie mais ne rompt pas sous la tempête, symbolise la résilience d’un peuple qui a su, au cours de son histoire résister aux multiples coups de boutoir venus de l’extérieur et pérenniser une des plus anciennes civilisations du monde.


L'alignement de cyprès du Bagh-e Dolat Abad à Yazd 


Le cyprès, arbre symbolique en Iran. Vitrail du palais  Chehel Sotun à Ispahan et détail d'un bas-relief à Persépolis

Les pavillons

Situés aux extrémités du canal médian, ils constituent la troisième composante du jardin persan. Ils sont ornés de faïences, de stucs et de vitraux. Dans le cas du jardin de Fin, appelé aussi Bâgh-e Shâh, le « Jardin du Roi », il y en a deux. Le premier, conçu par le Shah Abbas 1er date du XVIe siècle, le second est d’époque Qadjar (fin XIXe siècle).


Un des pavillons du Bagh-e Fin à Kashan 



Le canal médian et le pavillon du ravissant Bagh-e Eram à Chiraz 


le pavillon inférieur du  Bagh-e Shahzade à Mahan (environs de Kerman)


Vue du pavillon très richement décoré du Bagh-e Naranjestan (ou jardin de l'orangeraie) à Chiraz (fin XIXe siècle) 


Le jardin d’Éden avec ses oiseaux, ses fleurs et ses cyprès, représenté sur des faïences de la mosquée de l'Imam à Ispahan  


Le jardin est un lieu propice pour des rendez-vous intimes. 



Les jardins persans sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

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Nous entrons ici dans le triste registre de la négation de la couleur…

Le tchador


Une des premières mesures prises par l'imam Khomeini dès son arrivée au pouvoir, fut d’imposer aux femmes le tchador noir recouvrant et cachant tout le corps de la tête aux pieds à l’exception du visage et des mains. Le code vestimentaire s’est considérablement assoupli depuis, et nombre de femmes ont remplacé le tchador par un simple foulard (le hijab islamique) et une tunique longue recouvrant les genoux (le manto). Ces vêtements parfois très colorés sont devenus des accessoires de mode et le foulard est parfois négligemment porté, laissant apparaître la chevelure, sans parler de celles qui l’enlèvent carrément, comme nous avons pu le constater dans un parc de Chiraz. Mais ces modes vestimentaires restent surtout visibles à Téhéran et dans les grandes villes comme Ispahan ou Chiraz.


En revanche le tchador est encore porté par une large proportion de la population féminine, réduite à des silhouettes informes. Un vêtement fort peu adapté dans un pays où les températures peuvent atteindre 40 ou 45°, voire davantage dans le désert, la couleur noire ayant la propriété d’absorber la chaleur, alors que les hommes sont en chemise. Je me suis laissé dire que c’est la tenue imposée par l’islam. Alors pourquoi le haïk traditionnel maghrébin est-il blanc ? D’ailleurs dans l’oasis de Varzaneh, le tchador est de couleur blanche, sans parler des foulards fleuris d'Abyaneh.



Quoiqu’il en soit avec ou sans tchador, les femmes ne sont pas nécessairement fuyantes ou réservées et échangent volontiers quelques mots aimables avec les étrangers dans la rue. De ce point de vue l’Iran n’est pas l’Arabie saoudite. On en a vu au volant de leur voiture et sans hijab, la voiture étant considérée comme un espace privé. Les Iraniennes sont bien éduquées et nombreuses sont celles qui ont fait des études supérieures.

Arbaïn

Noir, c’est aussi la couleur du deuil. Le deuil de la mort de l’Imam Hussein, assassiné à Kerbala, prend fin au quarantième jour (arbaïn signifie quarante) après l’Achoura. Arbaïn est alors un jour férié, marqué par des prières et des célébrations. Un grand nombre de chiites se rendent en pèlerinage à Kerbala. Nous avons d’ailleurs croisé à plusieurs reprises des bus transportant des pèlerins vers la frontière irakienne. Nous étions à Ispahan ce jour-là et tout était fermé, notamment le grand bazar. Nous avons donc fait cette excursion vers les dunes de Varzaneh (comme certaines familles peu religieuses, venues pique-niquer dans la nature). Chemin faisant nous avons croisé d’impressionnantes processions se rendant au lieu de la cérémonie, femmes en tchador d’un côté, hommes et enfants de l’autre, véhicules d’où étaient brandis des drapeaux noirs ou verts. On déploie des bannières funéraires, on offre ici et là du thé, des dattes ou des gâteaux. Il y a une proximité étonnante, même à quinze siècles de distance, entre les fidèles chiites et leur imam Hussein pour lequel ils ont de l’affection.

Sur cette banderole sur fond noir apposée à l'entrée d'un bazar, est inscrit: "Hussein Chaïd " (martyr) 
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Le timcheh du bazar de Kâshân avec sa coupole magnifiquement décorée formant un puits de lumière (XIXe siècle) 

Balade au bazar.

Retour à la couleur ! Une balade dans un bazar est toujours un temps fort lors d’un voyage en Iran. Le bazar est quasiment une ville dans la ville, constituée de multiples échoppes regroupées par quartiers spécialisés (épices, fruits frais ou secs, dattes, confiseries, tissus, tapis, cuivres, or, etc.). Mais le bazar n’a pas qu’une fonction commerciale. On y trouve aussi des caravansérails (khan), parfois transformés en maisons de thé, des hammams, des écoles coraniques (madraseh) et bien sûr des mosquées. Les allées sont couvertes d’une voûte de brique. Des halles (timcheh) surmontées d’une coupole abondamment décorée, accueillent des produits nobles comme les tapis ou les antiquités. Nous avons adoré flâner longuement dans ces labyrinthes, au hasard des allées, observer les artisans en activité (dinandiers, marqueteurs, miniaturistes, etc.) et évidemment se laisser tenter ! Et parmi la foule des chalands, il n’est pas rare de croiser un sourire ou d’entendre un mot de bienvenue à notre endroit.

D’ordinaire les bazars sont des lieux très animés par une cohue bruyante, mais lors de notre séjour en Iran, ils étaient moyennement fréquentés. Peut-être était-ce lié au mois de moharam ? Il est plus probable que cette morosité soit liée au marasme économique que subit actuellement le pays. On a vu nombre de bazaari endormis sur leurs tas de tapis ou occupés à consulter leur smartphone, attendant vainement de chaland. Le bazar de Kerman, particulièrement désert, a prolongé ses horaires d'ouverture nous a dit Ali, les commerçants ayant estimé que leur chiffre d’affaires de la journée n'était pas suffisant. Seuls les commerces alimentaires étaient très actifs. Serait-ce un signe ? Le bazar serait donc le thermomètre de l'activité économique du pays.




Notre préféré est le bazar Vakil à Chiraz édifié par Karim Khan Zand au XVIIIe siècle. Celui d’Ispahan est un peu plus touristique. Seul le bazar historique de Tabriz est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais ce sera pour un autre voyage…

Le bazar Vakil à Chiraz 


Le bazar Vakil à Chiraz  


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Persépolis

Lorsque l’on contemple les escaliers monumentaux, les magnifiques bas-reliefs, les colonnes et les portes imposantes des palais de Persépolis, on n’imagine pas que cet ensemble architectural était abondamment coloré. Les vestiges qui subsistent aujourd’hui ne sont que le pâle reflet d’un passé prestigieux. Mais les nouvelles technologies peuvent remédier à cela.

A l’entrée du site, il nous a été proposé un casque afin de « voir » la cité « reconstruite » en trois dimensions, à mesure que l’on passe par la Porte de Xexès, que l’on pénètre dans l’Apadama, ou dans le Palais des Cent colonnes, comme s’y l’on était au temps de Darius 1er (enfin presque !). Première impression : le gigantisme des lieux que ne laissent pas supposer les éléments architecturaux restés en place. Par exemple l’imposante Porte de Xerxès, flanquée de deux taureaux ailés androcéphales de type assyrien. Ces statues colossales qui mesurent pourtant 5,5 mètres de haut ne représentent que le tiers de la hauteur totale de la porte !

Seconde impression : la richesse chromatique. Les infographistes historiens n’ont pas lésiné sur la couleur lorsqu’ils ont réalisé une reconstruction virtuelle : des colonnes rouges, des chapiteaux bleus, des vantaux d’or, des plafonds écarlates, etc. Tout est polychromie ! En fait ces images virtuelles reposent sur un travail de recherche qui a permis de mettre en évidence de multiples couleurs sur de nombreux fragments attestant de la richesse et de l’omniprésence de peintures polychromes à Persépolis.

Évidemment mes photographies resteront tristement monochromes…

Persépolis, la porte de Xerxès, ou porte des Nations


Persépolis 


Très peu de trace de polychromie également dans les anciens palais de Bishâpur que nous avons visités au cours d’une escapade d’une journée, à deux heures de route de Chiraz. C’était l’occasion de découvrir un site sassanide peu visité, mais aussi un prétexte pour se balader en montagne et effectivement, le trajet à travers des paysages grandioses de gorges, de crêtes acérées et de vallées profondes valait la peine. On y visite les vestiges d'une cité sassanide en partie restaurée, un petit musée où nous avons bénéficié d'une visite privée par une archéologue iranienne, très passionnée et très bavarde à tel point qu'Ali n'avait pas le temps de tout traduire ! Nous avons pu remarquer que les Iraniens sont bavards et adorent converser entre eux ! L'intérêt du site réside surtout dans les bas-reliefs sculptés sur les parois d'une gorge, dont les thèmes sont traités à la manière des tombeaux de Naqsh-e Rostam près de Persépolis

Bishapur 


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Fresque du palais de Chehel Sotun, Ispahan

Les musiciens parlent souvent de couleur quand ils évoquent la manière d’interpréter une œuvre musicale. La musique classique persane est très ancienne. La harpe persane (chang), la flûte ou le luth étaient jouées dès l’époque sumérienne. Hérodote témoigne de l’importance de la musique dans l’Empire achéménide aussi bien à la cour que lors des cérémonies religieuses. Cependant les autorités religieuses islamiques n’ont pas toujours fait la promotion de la musique.

La tradition musicale classique persane s’inscrit dans le Radif qui est un répertoire constitué de centaines de motifs mélodiques appelés gusheh et qui nécessite un long apprentissage. Depuis 2009 le « Radif de la musique iranienne » est inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO

Le mois de moharam, période de deuil commémorant le martyr de l’imam Hussein, n’était pas le plus propice pour écouter musiciens et chanteurs dans les lieux publics. Toutefois nous avons pu apprécier le son du santur, du tar et du setâr à l’hôtel et surtout au Musée de la musique d’Ispahan.

Céramique du musée des bains publics à Kerman. Le târ et la harpe.

Le Musée de la musique d’Ispahan

Ce musée privé est situé dans le quartier arménien au sud de la ville. C'est un modèle de muséographie : les instruments y sont présentés dans des vitrines bien éclairées et de manière didactique. Nous avons bénéficié d’une visite privée par un guide, musicien professionnel, qui s’exprimait dans un français impeccable. Trois sections : la musique classique, la musique folklorique présentée par provinces et un petit atelier où l’on voit les luthiers au travail. Les instruments les plus emblématiques font l’objet d’une petite vidéo qui permet d’en avoir un échantillon sonore. Quelques instruments sont proposés à la vente. Pour qui est amateur de musique, ce musée de plus en plus visité, est vraiment à recommander !

www.IsfahanMusicMuseum.com

Les instruments exposés dans ce musée sont tous iraniens et d’origine persane, pour la plupart. Ils se sont largement diffusés dans l’aire arabo-musulmane, et même au-delà.


Les instruments à cordes.

Le chang

C’est une harpe très ancienne qui apparut dès l’époque sumérienne au IVe millénaire av. J.C. De forme angulaire, le chang était très populaire sous la dynastie sassanide où il était souvent joué à la cour, ainsi qu’en atteste une mosaïque retrouvée sur le site de Bishâpur.




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Le kamancheh

C’est un instrument de la famille des cordes frottées très ancien (IXe siècle), d’origine persane, répandu du Maghreb à l’Asie centrale en passant par les Balkans. Le mot kamancheh (ou Kamânche) signifie « petit arc » en persan pour désigner l’archet. La petite caisse de résonance ronde est faite en bois ou en courge, couverte d'une membrane fine en peau de mouton, de bœuf ou de poisson.

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Le târ

Le mot târ signifie "corde" en persan. C'est un luth à cordes pincées et à long manche, avec un corps en forme de double cœur. Depuis 2012, la facture et la pratique musicale du târ sont inscrits par l’UNESCO sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité



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Dotâr et setâr

Dotâr signifie en persan « deux cordes », et setâr, « trois cordes ». Ce sont des luths traditionnels à long manche d’origine persane que l’on rencontre également en Asie centrale. Les savoir-faire traditionnels liés à la fabrication et à la pratique du dotâr sont également inscrits par l’UNESCO en 2019.

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L’oud

L'oud est luth à manche court, angulaire au niveau des chevilles et en forme de demi-poire, très répandu dans les pays arabes, en Turquie, en Grèce et dans le Caucase. C’est un instrument de musique très ancien puisqu’il a son berceau Babylone vers 1800 av. J.-C.


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Le gheychak

Le gheychak est l'un des plus anciens instruments classiques iraniens. Il se joue avec un archet et s’apparente au kamancheh, sauf qu’il est doté d’une double caisse de résonance construite d’une seule pièce de bois, ce qui rend l'instrument beaucoup plus riche au niveau de la sonorité.




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Le santur

Le santour (ou santûr) est un instrument de musique d’origine iranienne, appartenant à la famille des cithares sur table, diffusé dans tout le Moyen-Orient. C’est un instrument de percussion qui se joue en à l'aide de deux petits marteaux placés entre les doigts. Le santûr d’Iran, d’une sonorité brillante, se caractérise par sa sobriété esthétique et sa petite taille. Sans doute est-ce pour mieux le cacher, car la musique n'est pas très bien perçue par les autorités religieuses chiites.

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Le qanun

Une autre cithare sur table en forme de trapèze, très répandue en Iran, dans le reste du monde arabo-musulman et dans les Balkans. A la différence du santûr, les cordes sont pincées et non frappées.

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Le rabâb

En Iran, le rabâb est un instrument à cordes pincées de la famille du luth, dont la table d’harmonie est constituée d’une peau.


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Les instruments à vent

Le sorna

Le sorna est un instrument à vent d’origine persane très ancien, puisqu’il remonte aux Achéménides. Le modèle présenté provient de l’Azerbaïdjan iranien.

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Balaban et duduk

Le balaban, appelé duduk en Iran, est un instrument à anche double de la famille des hautbois, essentiellement joué dans le Caucase : Azerbaïdjan iranien, République d’Azerbaïdjan, et surtout Arménie où il revêt une importance musicale symbolique.

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Les instrument à percussion

Le dâf

Utilisé pour accompagner la musique iranienne, le dâf est constitué d'un cadre de bois circulaire sur lequel est collée une peau, auquel s'ajoutent parfois des anneaux de métal ou des grelots sur le pourtour. Il y en existe de différentes tailles.



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Le tombak

Le tombak est un instrument à percussion, à frappes digitales d’origine persane. Il appartient à la famille des membranophones. Les percussionnistes iraniens parmi, lesquels Hossein Tehrani (1912-1974), sont parmi les plus virtuoses pour jouer le tombak;



Joueur de santur accompagné au dâf par une jeune musicienne dans un hôtel d'Ispahan.

Après la visite nous avons été invités à un concert de grande qualité durant 45 minutes. Il y avait trois musiciennes dans cet ensemble instrumental mixte. Or selon les soi-disant préceptes islamiques imposés par les autorités religieuses, les femmes n'ont normalement pas le droit de se produire devant un public masculin. Mais dans le cadre de ce musée, il s'agissait en quelque sorte d'un concert privé. Les Iraniens ont toujours su naviguer entre le biroun et l'andaroun, le dehors et le dedans, autrement dit ce qui relève de la sphère publique et de la sphère privée, concept important dans leur culture.

A écouter sur ces deux vidéos. De droite à gauche :

Dâf, kamancheh et voix, premier târ, second târ, tombak



Fresque du palais de Chehel Sotun, Ispahan: qanum, kamancheh et setâr


Dâf et dotâr. Miniatures sur os. 
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Les plus

Un patrimoine historique, culturel et artistique éblouissant. En Iran, il y a 22 sites culturels inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO et un site naturel (les Kaluts).

La gentillesse sans pareil des Iraniens, accueillants et chaleureux, toujours prêts à rendre service. Par exemple, mon épouse s’était fait une entorse dans la rue à Ispahan (en Iran, il vaut mieux regarder où l’on pose ses pieds, car il y a de nombreux « pièges »). Eh bien le personnel de notre hôtel est allé chercher une pommade à la pharmacie du quartier et a refusé tout paiement (non, il ne s’agissait pas de cette courtoisie à l’Iranienne appelée taarof !). Et lendemain, de demander à mon épouse des nouvelles de son pied.


L’Iran est un pays moderne. Nous avons été agréablement surpris par la qualité de l'hôtellerie, du réseau routier, voire du réseau internet (malgré la censure de certains sites comme « f »). Téhéran est une ville propre et aérée par des espaces verts.

Concernant les hôtels nous avons apprécié d’être hébergés dans des demeures historiques restaurées et transformées en hôtels de charme.


L'hôtel Saraye Ameriha à Kâshân 


L'hôtel Ghasre Monshi à Ispahan 

Pas de tourisme de masse. On rencontre quelques groupes plutôt discrets dans les sites majeurs de Chiraz, Ispahan ou Persépolis, mais rien de comparable avec ce que l’on peut subir à Versailles, Venise, Florence, Angkor, etc. Les Iraniens regrettent d’ailleurs que leur pays soit si peu visité. Le tourisme est quelque peu anémié par les sanctions américaines.

Pas de sollicitation agressive pour nous vendre quoique ce soit. Nous n’avons pas subi de tentative d’arnaque. Évidemment, à Téhéran ou Ispahan, comme dans toutes les grandes villes du monde, il faut être vigilant.

Enfin j’ai un peu honte de classer le cours du rial dans les « plus ». En effet si la chute drastique du cours du rial est un vrai plus pour nous voyageurs, pour les Iraniens, c’est une catastrophe !

Les moins

Téhéran et les grandes villes souffrent d’une pollution atmosphérique incommodante. Même chose sur les axes routiers à cause des poids lourds qui émettent d’épaisses fumées noires. Sans parler de la circulation infernale et de la difficulté pour les piétons de traverser une avenue

Les paysages arides qui défilent durant les longues heures de trajet sont d'une monotonie désespérante. Il est vrai que pour un premier voyage en Iran, nous avons fait un circuit classique dans la partie centrale du pays, marquée par l’aridité.

La mort de la rivière Zayandeh à Ispahan. L’eau ne coule plus désormais sous les fameux ponts de d’Ispahan. L’eau est devenue un problème crucial en Iran, suite notamment aux errements des autorités en matière de gestion de la ressource. Un paradoxe dans un pays qui a su maîtriser depuis des millénaires les techniques hydrauliques !

Le pont Khaju en 2010 (source: Wikimedia/Darafsh Kaviyani ) et en 2018 à Ispahan.

Ali, notre guide

Ce séjour iranien sera un de nos plus beaux voyages. Notre guide-chauffeur Ali a grandement contribué à la réussite de celui-ci. Nous avons apprécié sa grande compétence culturelle, sa discrétion, sa disponibilité et sa serviabilité. Parfaitement francophone il a su nous faire découvrir son pays à travers son histoire, sa culture, sa richesse architecturale. La succession complexe des dynasties de la Perse ancienne aux Qadjar n’a plus de secret pour nous, grâce à lui. Que ce soit l’ingénieux système hydraulique des qanats, celui des tours du vent, le zoroastrisme, les Achéménides, la coupole à muqarnas et bien d’autres choses, il a parfaitement su nous expliquer tout cela.

Ali dispose de son propre véhicule, une Iran Khodro Samand, un modèle iranien récent au logo à tête de cheval. Il travaille souvent avec des agences de trekking françaises bien connues, basées à Chambéry ou dans les Pyrénées. Il organise particulièrement des circuits « nature » et randonnées en montagne et dans le désert. En fait Ali ne fut pas qu’un guide mais aussi un compagnon de voyage des plus sympathiques. Je suis de temps à autre en contact avec lui depuis notre retour. Comme beaucoup d'Iraniens, son activité souffre actuellement non seulement de la pandémie mais aussi de la mauvaise situation économique de son pays.

Ali Tabatabaei

Téléphone +98 912 718 90 79


Courriel : [email protected]

Lectures

· Hélène Loveday & Frédéric Garouste, Iran, Guides Olizane.

· Stuart Williams, Iran, Le petit guide des usages et coutumes, Guides bleus, Hachette.

· Parinoush Saniee, Le voile de Téhéran, Robert Laffont, 2015 (interdit en Iran)

· Delphine Minoui, Je vous écris de Téhéran, Editions du Seuil, 2015

· Nahal Tajabod, Elle joue, Albin Michel, 2012


Symphonie de couleurs au hammam du Sultan Mir Ahmad (XVIe siècle), à Kâshân.