Les musiciens parlent souvent de couleur quand ils évoquent la manière d’interpréter une œuvre musicale. La musique classique persane est très ancienne. La harpe persane (chang), la flûte ou le luth étaient jouées dès l’époque sumérienne. Hérodote témoigne de l’importance de la musique dans l’Empire achéménide aussi bien à la cour que lors des cérémonies religieuses. Cependant les autorités religieuses islamiques n’ont pas toujours fait la promotion de la musique.
La tradition musicale classique persane s’inscrit dans le Radif qui est un répertoire constitué de centaines de motifs mélodiques appelés gusheh et qui nécessite un long apprentissage. Depuis 2009 le « Radif de la musique iranienne » est inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO
Le mois de moharam, période de deuil commémorant le martyr de l’imam Hussein, n’était pas le plus propice pour écouter musiciens et chanteurs dans les lieux publics. Toutefois nous avons pu apprécier le son du santur, du tar et du setâr à l’hôtel et surtout au Musée de la musique d’Ispahan.
Le Musée de la
musique d’Ispahan
Ce musée privé est situé dans le quartier arménien au sud de la ville. C'est un modèle de muséographie : les instruments y sont présentés dans des vitrines bien éclairées et de manière didactique. Nous avons bénéficié d’une visite privée par un guide, musicien professionnel, qui s’exprimait dans un français impeccable. Trois sections : la musique classique, la musique folklorique présentée par provinces et un petit atelier où l’on voit les luthiers au travail. Les instruments les plus emblématiques font l’objet d’une petite vidéo qui permet d’en avoir un échantillon sonore. Quelques instruments sont proposés à la vente. Pour qui est amateur de musique, ce musée de plus en plus visité, est vraiment à recommander !
www.IsfahanMusicMuseum.com
Les instruments exposés dans ce musée sont tous iraniens et d’origine persane, pour la plupart. Ils se sont largement diffusés dans l’aire arabo-musulmane, et même au-delà.
Les instruments à cordes.
Le chang
C’est une harpe très ancienne qui apparut dès l’époque sumérienne au IVe millénaire av. J.C. De forme angulaire, le chang était très populaire sous la dynastie sassanide où il était souvent joué à la cour, ainsi qu’en atteste une mosaïque retrouvée sur le site de Bishâpur.
Le kamancheh
C’est un instrument de la famille des cordes frottées très ancien (IXe siècle), d’origine persane, répandu du Maghreb à l’Asie centrale en passant par les Balkans. Le mot kamancheh (ou Kamânche) signifie « petit arc » en persan pour désigner l’archet. La petite caisse de résonance ronde est faite en bois ou en courge, couverte d'une membrane fine en peau de mouton, de bœuf ou de poisson.
Le târ
Le mot târ signifie "corde" en persan. C'est un luth à cordes pincées et à long manche, avec un corps en forme de double cœur. Depuis 2012, la facture et la pratique musicale du târ sont inscrits par l’UNESCO sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité
Dotâr et setâr
Dotâr signifie en persan « deux cordes », et setâr, « trois cordes ». Ce sont des luths traditionnels à long manche d’origine persane que l’on rencontre également en Asie centrale. Les savoir-faire traditionnels liés à la fabrication et à la pratique du dotâr sont également inscrits par l’UNESCO en 2019.
L’oud
L'oud est luth à manche court, angulaire au niveau des chevilles et en forme de demi-poire, très répandu dans les pays arabes, en Turquie, en Grèce et dans le Caucase. C’est un instrument de musique très ancien puisqu’il a son berceau Babylone vers 1800 av. J.-C.
Le gheychak
Le gheychak est l'un des plus anciens instruments classiques iraniens. Il se joue avec un archet et s’apparente au kamancheh, sauf qu’il est doté d’une double caisse de résonance construite d’une seule pièce de bois, ce qui rend l'instrument beaucoup plus riche au niveau de la sonorité.
Le santur
Le santour (ou santûr) est un instrument de musique d’origine iranienne, appartenant à la famille des cithares sur table, diffusé dans tout le Moyen-Orient. C’est un instrument de percussion qui se joue en à l'aide de deux petits marteaux placés entre les doigts. Le santûr d’Iran, d’une sonorité brillante, se caractérise par sa sobriété esthétique et sa petite taille. Sans doute est-ce pour mieux le cacher, car la musique n'est pas très bien perçue par les autorités religieuses chiites.
Le qanun
Une autre cithare sur table en forme de trapèze, très répandue en Iran, dans le reste du monde arabo-musulman et dans les Balkans. A la différence du santûr, les cordes sont pincées et non frappées.
Le rabâb
En Iran, le rabâb est un instrument à cordes pincées de la famille du luth, dont la table d’harmonie est constituée d’une peau.
Les instruments à vent
Le sorna
Le sorna est un instrument à vent d’origine persane très ancien, puisqu’il remonte aux Achéménides. Le modèle présenté provient de l’Azerbaïdjan iranien.
Balaban et duduk
Le balaban, appelé duduk en Iran, est un instrument à anche double de la famille des hautbois, essentiellement joué dans le Caucase : Azerbaïdjan iranien, République d’Azerbaïdjan, et surtout Arménie où il revêt une importance musicale symbolique.
Les instrument à percussion
Le dâf
Utilisé pour accompagner la musique iranienne, le dâf est constitué d'un cadre de bois circulaire sur lequel est collée une peau, auquel s'ajoutent parfois des anneaux de métal ou des grelots sur le pourtour. Il y en existe de différentes tailles.
Le tombak
Le tombak est un instrument à percussion, à frappes digitales d’origine persane. Il appartient à la famille des membranophones. Les percussionnistes iraniens parmi, lesquels Hossein Tehrani (1912-1974), sont parmi les plus virtuoses pour jouer le tombak;
Après la visite nous avons été invités à un concert de grande qualité durant 45 minutes. Il y avait trois musiciennes dans cet ensemble instrumental mixte. Or selon les soi-disant préceptes islamiques imposés par les autorités religieuses, les femmes n'ont normalement pas le droit de se produire devant un public masculin. Mais dans le cadre de ce musée, il s'agissait en quelque sorte d'un concert privé. Les Iraniens ont toujours su naviguer entre le biroun et l'andaroun, le dehors et le dedans, autrement dit ce qui relève de la sphère publique et de la sphère privée, concept important dans leur culture.
A écouter sur ces deux vidéos. De droite à gauche :
Dâf, kamancheh et voix, premier târ, second târ, tombak