Malgré des conditions météorologique qui la rendent parfois difficile d’accès en voilier, l'île Senja offre un terrain de jeu et des paysages incroyables pour pratiquer le ski de randonnée...
Avril 2018
10 jours
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Il y a quelques mois, Julien, guide chez Team Natur'All, me contacte pour faire des photographies de son nouveau séjour ski/voile en Norvège.

Des montagnes à 69° de latitude Nord...l'aventure est tentante, j'accepte sans hésitation.

L'objectif du voyage est de rallier l'île Senja par bateau et de sillonner les fjords en ski à partir de notre camp de base, un catamaran de 14 mètres appelé l’Arctic Princess.

Cette région, encore peu parcourue, présente des conditions météorologiques qui la rendent parfois difficile d’accès. Cependant, les fjords et les montagnes de l'île offrent un terrain de jeu incroyable pour le ski de randonné.

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Notre périple commence à Tromsø, au nord de la Norvège. Ce port est connu pour être le départ des grandes expéditions arctiques qui partent explorer le grand nord. Situé au-delà du cercle polaire, cette petite ville est un lieu de passage stratégique avant d'affronter les rudesses du grand nord.

Nous sommes tous impatients d'embarquer. Notre petite équipe est composée d'un skipper, de deux guides expérimentés et de trois skieurs avides de découvrir la Norvège.

L'heure du départ arrive, le moteur du catamaran démarre, nous quittons le port.

Le ciel se couvre et c'est sous des nuages menaçants que nous quittons la ville.

Pour arriver à l’île Senja, nous devons cheminer à travers un dédale d’îles et de presqu’îles. Les paysages sont magnifiques. De chaque côté, des sommets enneigés bordent les bras de mer. Au pied, de petits villages de pêcheurs semblent accrochés aux montagnes.

La mer devient plus mauvaise, notre petite équipe est secouée mais personne ne semble avoir le mal de mer. Au loin, une percée dans les nuages nous offre un splendide coucher de soleil qui nous laisse tous un peu rêveurs.

Nous jetons l'ancre de nuit dans un petit port de pêche appelé Botnhamm au nord de l'île.

Bercés par la légère houle, nous nous endormons; des images de paysages norvégiens plein la tête.

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Le grand jour. Le réveil se fait sous un soleil rayonnant, nous découvrons le panorama splendide qui s'étale autour de nous.

Nous chargeons le matériel dans le petit bateau à moteur qui va nous permettre le débarquement. C'est avec une légère inquiétude que nous montons dans le bateau avec nos bottes de ski. D'autant plus que Marc, notre ingénieux skipper, a dû bricoler un bouchon qui était manquant pour éviter que l'embarcation ne se remplisse d'eau.

L'arrivée au ponton se fera sans encombre dans ce petit port de pêche. Nous aurons par la suite quelques débarquements beaucoup plus sportifs.

Skis au sol, test des arvas et nous voilà partis pour notre première traversée de fjord à fjord.

Au fur et à mesure que nous nous élevons, nous constatons l'immensité des paysages. Au nord-ouest, la mer de Norvège se dévoile et nous découvrons une côte déchiquetée et sauvage constituée de petits îlots. La vue est à couper le souffle.

Au sommet, la neige rasante et le vent fort du large nous piquent le visage et les mains.

Nous redescendons, non sans avoir profité du panorama qui nous entoure.

La neige est splendide et notre équipe pousse des cris de joie dans la descente. Quelle journée!

Notre itinéraire nous amènera dans un petit canyon encaissé pour terminer...sur une plage de sable en ski. La scène me parait surréaliste.

Philippe, notre caméraman et second skipper semble préoccupé.

Pas de bateau. Le fjord dans lequel nous nous trouvons est désert et les perspectives de couchage sont limitées à quelques vieilles cabanes de pêcheur abandonnées.

Nos traversées obligent Marc, notre skipper, à faire de grands détours pour rallier nos points d'arrivée car ici les fjords sont démesurés et couvrent souvent plus de 10 kilomètres de long.

Nos appels téléphoniques restent sans réponse. Nous n'osons pas évoquer le passage difficile au milieu des hauts fonds et des îlots acérés que Marc devait traverser.

Le vent fort que nous avons rencontré précédemment ne participe pas non plus à notre tranquillité.

Silence radio.

Attente.

Un portable qui sonne.

Julien, notre guide décroche, c'est Marc, tout va bien. Les conditions de navigation lui ont imposé de faire un grand détour par une zone où le réseau téléphonique était inexistant.

Les visages se détendent, nous profitons de l'environnement et accueillons notre skipper en héros.

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Aujourd’hui, une grosse journée de navigation nous attend. Notre itinéraire nous oblige à contourner le nord de l’île où nous seront exposés aux caprices du large.

Au cours de notre traversée, le temps se couvre rapidement. Des nuages immenses nous surplombent et un vent fort se lève. Notre catamaran, chahuté par les vagues et le souffle arctique, présente un roulis important. La neige se met à tomber en suivant une trajectoire horizontale .

Autour de nous, les oiseaux ne semblent pas souffrir de la tempête et continuent leur activité de pêche malgré la force des éléments.

Ici, les falaises enneigées et abruptes plongent directement dans la mer, les vagues s’écrasent sur les rochers avec fracas à quelques centaines de mètres de nous, le spectacle est fabuleux et effrayant.

Après quelques heures d’intense navigation, nous entrons dans le fjord de Mefjorden qui abrite le port de Senjaopen. Le paysage enneigé et la brume nous plongent dans une atmosphère particulière. Les rues semblent désertes et les bateaux de pêche prennent des allures fantomatiques. A notre grande surprise l’eau du port est gelée en surface. Pour amarrer le bateau au quai, nous sautons dans 60 cm de neige fraîche. Au loin, derrière les montagnes, le soleil semble percer à travers les nuages.

Julien et Yannick décident de chausser les skis pour explorer un petit col qui surplombe la ville.

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Le lendemain, nous mettons le cap sur Steinfjorden pour continuer notre exploration de l’île. Dès la sortie du port, la mer prend une couleur noirâtre et les nuages s’accumulent. Marc notre skipper, relève des vents de plus de 50 nœuds. Nous sommes dans une tempête de force 10. Nous estimons les creux de vague à 2 mètres.

Notre capitaine prend la prudente décision de naviguer vers un autre port pour éviter la pleine mer dans ces conditions.

Nous rebroussons donc chemin vers le nord de l’île et bifurquons vers Øyfjordvær. Un ancien village déserté à cause des risques d’avalanche et d’autres catastrophes naturelles.

Le débarquement du matériel et des skieurs se fera sous la neige et le vent dans un canot secoué par les vagues.


Nous nous enfonçons doucement dans le vallon en direction du col de Skultran. Au loin, un aigle tournoie lentement et semble observer notre bateau.


De la tempête, nous passons à une atmosphère calme et un paysage d’une tranquillité absolue. Le soleil traverse de temps en temps la couche nuageuse et nous donne une lumière fabuleuse.

Les accumulations de neige des derniers jours nous rendent prudents. Nous avançons à pas de loup jusqu’à un col encaissé qui surplombe la vallée. Nous enlevons les peaux de phoque et descendons un par un dans les pentes chargées de poudreuse face à la mer. Le bonheur est total. A chaque arrêt, j’observe mes compagnons qui comme moi, ont le sourire jusqu’aux oreilles.

La descente se fera sans encombre. Arrivés sur la plage, nous déchaussons les skis. L’heure est à la réflexion. Comment embarquer dans notre zodiac sans l’échouer sur la plage ? Nous trouverons une première solution en sautant dans le bateau depuis un rocher couvert d’algues glissantes.

Nous sommes quatre skieurs sans compter le matériel de ski, ce nous oblige à réaliser deux rotations pour ramener tout le monde sur le bateau. Julien et moi restons sur la plage. En voyant Marc se faire chahuter par les vagues aux abords du rivage, nous décidons d’enlever les chaussures et de prendre un petit bain de pied arctique pour sauter plus facilement dans l’embarcation.

L’après-midi nous accostons au port de Husøy. Ce petit village, isolé sur une île, me paraît être un havre de paix et de tranquillité après notre journée riche en émotions.

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Aujourd’hui, les conditions météorologiques s’annoncent plus stables mais les pentes paraissent surchargées de neige. Sans attendre, nous partons d’Husøy en direction du col Fjellsenden qui surplombe la ville.

La montée est parfois difficile car l’augmentation des températures a alourdi la neige sur ce versant. Parfois, nous devons nous arrêter pour laisser passer quelques boules de neige assez conséquentes.

L’arrivée au col nous amène en haut de pentes larges que nous devons emprunter pour descendre le vallon. La perspective de skier dans ce relief avec le réchauffement m’inspire moyennement.

Nous descendons prudemment, un par un.

Yannick fait la première trace. Je le surveille avec une certaine tension. Notre petite équipe arrive dans le fond du vallon avec soulagement. Maintenant, nous recollons nos peaux trempées sur nos skis et repartons pour la dernière ascension de la journée.

Le col suivant débouche sur un nouveau fjord. Cette fois-ci, l’Arctic Princess nous a devancé et mouille tranquillement près de la plage.


La descente sera épique. La neige lourde et profonde nous coince dans des rails et mes trajectoires sont plus qu’approximatives.

Nous descendons dans une forêt d’arbustes. Ma technique de ski ne me permet pas de tous les éviter et je me retrouve souvent coincé dans les branches avec deux barres à mines fixées au bout des pieds. Ma fierté de skieur est au plus bas.

Malgré cela, notre équipe atteint la plage sans trop de difficulté. Le fjord est magnifique et paisible. Un petit bain de pied nous sera de nouveau nécessaire pour pousser le canot pneumatique du rivage.

Aussitôt dans le bateau, Yannick attrapera sa voile de parapente, les conditions de vent sont idéales.

Julien l’accompagnera jusqu’à un petit col situé dan le fond du fjord. Tandis que Yannick décolle et tournoie au dessus de la plage, j’observe Julien à la jumelle et le guide à la radio pour éviter une zone dangereuse de falaise et de cascade de glace. Le soir, nous improvisons un petit barbecue sur le bateau, sous le regard prudent de notre capitaine, prêt à agir. La houle ne nous permet pas de débarquer pour profiter de la plage de sable fin. Nous finissons la soirée par un festival d’aurores boréales. Je suis un peu frustré de ne pas pouvoir débarquer et poser mon trépied sur la terre ferme, mais ce sentiment est vite oublié tant je suis absorbé par la magie du spectacle auquel nous assistons.

La nuit, nous sommes secoués par des vents catabatiques. Marc veille une partie de la nuit pour surveiller l’amarrage du bateau. Pendant ce temps là, le reste de l’équipage dort à poings fermés.

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Le retour.


Notre petite équipe doit désormais rebrousser chemin. Tout nos objectifs ne sont pas réalisés mais nous sommes conscients que cette partie de la Norvège est soumise à de brusques changements de temps. Je pense personnellement que chaque voyage dans cette région de caractère est unique tant les visiteurs sont soumis aux aléas des conditions. Cela ne nous a pas empêché de découvrir des paysages magnifiques, d’une poésie incroyable. Nos journées ont été bien remplies et à l’heure où j’écris ces lignes, j’ai encore du mal à réaliser que certains événements se sont passés à quelques heures d’intervalle seulement.

Notre aventure ne s’arrête pas là. Sur le trajet du retour, Julien et Yannick nous réservent une dernière surprise. En effet, nous accostons dans une baie superbe bordée de falaises et d’une plage féerique. L’eau y est transparente et d’un vert émeraude. Au bord de l’eau, les maisons multicolores nous font face. L’endroit est tout simplement magnifique.


Nous sommes de l’autre côté du bras de mer qui longe l’île Senja que nous apercevons au loin. Nous débarquons au village d’Aglapsvik pour commencer l’ascension d’un petit sommet qui surplombe la baie.

Nous montons dans une petite forêt d’épicéas pour arriver sur le sommet dépourvu de végétation. Ce formidable belvédère nous offre une vue impressionnante. Le ciel est bleu azur et les conditions d’observation sont idéales. Nous en profitons pour faire quelques photos. Les montagnes et la mer s’étendent devant nous à perte de vue.

Le retour au bateau et teinté d’une note de nostalgie. Mais c’est sans compter sur la bonne humeur de Julien et Marc qui, une fois sur le bateau, réalisent un plongeon mémorable dans la mer de Norvège.

La baignade est de courte durée mais les plongeurs sont accueillis par les hourras et les applaudissements de l’équipage.

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