Par Gollum
FINIR !!!... Main dans la main, (... pour nos 60 ans !)
Novembre 2015
1 jour
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Ce bon mot, attribué à Woody Allen certainement par des anglophones mais plus vraisemblablement antérieur et emprunté à Franz Kafka, pourrait être entièrement transposable aux grandes épreuves d’endurance et au « Marathon ».

Effectivement, 42 kilomètres et 195 mètres : c’est long ! Et même aux States, avec seulement 26,2 miles, un marathon reste toujours aussi long !... Alors comment simplement réussir à finir un Marathon, à couvrir cette distance si mythique, sans risque ni blessure et avec un réel plaisir ?

le drapeau français sur ma casquette ? notre seul signe de reconnaissance au milieu des 55000 runners 

C’est l’objectif que nous nous sommes fixé pour célébrer, en couple, nos 60 ans : Marie le 26 novembre et moi quelques semaines plus tard en 2016 ! Nous avions déjà couru cette épreuve ensemble en 1995 pour nos 40èmes anniversaires respectifs. Pour ma part, c’était mon tout premier marathon; il sera resté le seul et unique jusqu’à… celui-ci ; alors que Marie a perdu le décompte exact de ses participations sur cette distance…

Son dernier date d’Istanbul 2008, célèbre pour relier les deux continents et découvert avec sa copine Laurence. Depuis ces sept années sans participation officielle auxquelles s’ajoute une sourde blessure à la cuisse, récurrente dans les efforts d’endurance, ont été propices à installer le doute même chez la plus aguerrie. Elle se demande souvent où est la Marie qui a terminé 62 fois des épreuves de 100 km, dont sa meilleure performance : en moins de 10 heures ?

Le sport, la course à pied et la compétition nous lient depuis longtemps : nous nous étions retrouvés, en 1987 après plus de dix années de perte de vue… Ce fût, à l’initiative de Marie : au départ d’une course de 100 km… moi, sur un vélo… je n’ai fait que suivre Marie… et ça fait bientôt trente ans que ça dure !

Tous les espoirs sont encore permis... 

Pour les néophytes, une petite révision s’impose : pourquoi un « Marathon » et pourquoi cette distance si bizarre ?

Selon la légende, en - 490 av. J.C., un messager grec Philippidès aurait parcouru la distance d’environ 40 km séparant le champ de bataille de la ville de Marathon jusqu’à Athènes pour annoncer leur victoire sur les Perses. A l’arrivée, il y serait mort d’épuisement après avoir pu délivrer son message. Cette belle anecdote a été controversée dès l’Antiquité… Les Jeux Olympiques modernes ont introduit cette épreuve sportive dès 1896 sur environ 40 km soit 26 miles. Mais ce n’est qu’en 1908 que la fantaisie va faire valoir ses droits : la course doit partir de la pelouse du château de Windsor pour faire plaisir aux enfants de la famille royale qui veulent assister au départ des concurrents (une petite douzaine !). On décide au dernier moment que l'arrivée doit se faire devant la loge royale où Edouard VII est présent. Du coup, la distance ne tombe plus juste. Le marathon sera pour toujours fixé à 26 miles et 385 yards, soit 42,195 km. (Source Wikipédia).

Célébrer ce soixantième anniversaire par une grande fête, comme pour nos 50 ans, n’était pas le souhait de Marie. C’est pourquoi nous avons décidé de partir courant novembre 2015… La date et l’objectif correspondaient à nos vœux : nous nous sommes inscrits pour le NYC Marathon… dès mai 2014 !

Malgré cette réservation précoce, un seul d’entre nous pouvait obtenir un dossard, précieux sésame pour prendre le départ : le second ne serait qu’accompagnateur. Plouf ! Plouf ! Ça sera moi, quelle malchance !...

C’était sans compter sur le pouvoir de persuasion de Marie (probablement facilité par la dégringolade de l'Euro) qui a réussi à convaincre notre organisateur français de m’obtenir un dossard (au passage, l’inscription la plus onéreuse de toutes ses courses… n’auriez-vous pas préféré, comme moi, offrir un menu gastronomique à l’Auberge de l’Ill ? ndlr : notre 3 *** Michelin). Du coup, me voilà passé du statut de simple supporter à celui de coureur ! Surtout, à ne pas répéter : quelle déveine !... Mais que ne faudrait-il pas endurer pour faire plaisir à sa chère et tendre ?

Depuis cette décision, Marie n’a de cesse de répéter : « Tout est dans la préparation ! Une préparation physique adaptée et un moral à toute épreuve ! ». Alors il ne me restait qu’à accorder une confiance aveugle à… mon coach privé !

Même pour débutants, les meilleurs plans d’entrainements prévoient un programme intensif sur 16 semaines, à raison d’un minimum de 3 séances hebdomadaires… Comment réussir à le respecter lorsqu’on a ni la motivation suffisante et ni la disponibilité nécessaire, le tout couronné, cette année, par un été beaucoup trop chaud… Une solution alléchante a été trouvée par Marie : « Puisque tu ne peux pas courir régulièrement, on ira marcher… longtemps et intensément ! »

KM
500

Et c’est ainsi que nous sommes partis en septembre sur un tronçon du long et magnifique Chemin de Saint-Jacques de Compostelle.

Pourquoi Saint-Jacques ? Vraisemblablement parce qu’en terre connue depuis notre première découverte qui s’était arrêtée à Figeac, pratiquement pour son offre d’hébergements appropriée à la randonnée, moralement pour sa très grande fréquentation, plus accessoirement pour la diversité des paysages traversés, et spirituellement pour sa sainte protection. Mais sportivement, avec un objectif inavoué au départ : atteindre Saint-Jean Pied de Port, ultime étape française, en seulement deux semaines de vacances (au lieu des trois selon la plupart des guides de randonnées).

Pari ambitieux mais réussi ! On est certainement passés pour des mécréants auprès des quelques vrais pèlerins doublés mais qui allaient, eux, jusqu’à Santiago… ? Peut-être pour des dingues parmi la multitude de randonneurs retraités et aguerris mais rapidement distancés… ? Ou pour de simples illuminés enthousiastes auprès d’une poignée d’hôtes admiratifs et bienveillants.

Près de 500 km, soit presque un marathon par jour, chaque jour pendant 7 à 8 heures de marche, rapide avec bâtons et sac à dos en autonomie. Dur… mais Saint-Jacques m’a probablement entendu : pour ne pas que je souffre le martyre pendant ces deux semaines, menées à un rythme plus infernal que sur certaines virées de trois heures dans nos marches populaires locales, Marie a rencontré dès la seconde journée et pour la première fois de sa vie sportive des problèmes aux pieds : elle est rentrée à la maison avec plus d’ampoules que sur le-magnifique-sapin-de-Noël-de-la-place-Kleber-à-Strasbourg, à cause d’un choix de chaussures de trail trop légères… sans évoquer les coussinets de ses plantes de pieds qui auront mis deux mois à s’en remettre ! Fort heureusement pour moi… Ainsi, j’ai pu tenir le rythme horaire et sa cadence quotidienne ! Nous aurons laissé, au cours de cette première grande épreuve, quelques kilos sur le Chemin et affûté nos muscles et notre mental.

Retour avec une super « pêche » et une motivation (commune) au top ! Nous ne recherchions pas la performance mais avant tout la préparation du corps à l’endurance et à la résistance, afin qu’il mémorise un effort régulier de plusieurs heures.

Au cours du mois d’octobre, Marie ne veut pas commettre l’erreur classique d’« en faire trop » durant les dernières semaines : « Une bonne préparation mais sans fatigue ! », dit-elle. Pour entretenir cet acquis nous doublons (seulement !), pendant nos week-ends, les sorties hebdomadaires : soit sur des parcours de marches populaires des environs, soit sur les berges du canal de Huningue… imaginant que ses longues lignes droites nous donneraient un avant-goût des avenues interminables de New York et que ses brumes matinales pourraient nous préparer à un éventuel hiver trop précoce…

… jusqu’au « grand départ » !

New York, nous voila !

Avec ses 250 membres, le contingent de l’Association Française des Coureurs de Fonds AFCF reste cette année encore le plus important de France parmi les sept voyagistes agréés par l’organisateur américain, le TCS NYC Marathon, devant Thomas Cook. Il me semble que nous étions plus de 900 en 1995 ! Et la France est la deuxième nationalité la plus représentée après les USA sur les 135 nations alignées sur la ligne de départ.

Nous arrivons le soir du 29 octobre à l’hôtel Edison, établissement des années trente en pur style Art Déco, situé en plein cœur de Times Square et sur Broadway Avenue et ses fameux spectacles, en pleines animations de la veille d’Halloween.Cette f ête d’origine celtique, importée par les irlandais, n’est probablement manquée par aucun vrai américain, ni par nous (même si en heure française il est déjà plus de 4 h du matin…). Nous profiterons pleinement pendant tout notre séjour de ce « point de départ » stratégique.

Dès l’arrivée à New-York, peut-être même dès l’aéroport où il aura fallu plus de trois heures pour franchir les contrôles de police, on prend pleinement conscience de l’envergure de cet événement. Partout, on croise des coureurs venus se mesurer à l’épreuve. La ville entière semble s’y préparer. Et nous sommes tous là pour LE marathon, avec nos quelques coéquipiers français… partis dès 6 h du matin, sur un footing matinal pour repérer sur environ 5 km la zone d’arrivée dans Central Park.

Notre première journée est ensuite exclusivement consacrée à la récupération de nos dossards au Jacob K. Javits Convention Center, où l'on découvre une partie du monde que cela rassemble, coureurs, volontaires et sponsors… Dans cet immense hall Expo « Fête du Sport », on visite, et on se prête aux tests et essais, aux animations et jeux, aux interviews, aux massages et autres préparations physiques… on reçoit des cadeaux et des échantillons, et on commence à faire chauffer la carte bancaire avec les premiers shoppings dont la magnifique nouvelle paire de chaussures Asics spécial NYC Marathon 2015 !

La veille de l’épreuve, Marie, en coach expérimentée, souhaite éviter l’erreur fréquente de trop longues marches entraînant une fatigue inutile. C’est pourquoi nous ne nous sommes pas inscrits à la course des 5 km, baptisée aujourd’hui «Dash to the Finish Line » (anciennement Course des Nations Unies) qui attire quand même entre 10 et 20 000 marathoniens et autres amateurs, ni à la Cérémonie Parade. La découverte de notre quartier et les derniers préparatifs de la course meublent cette journée, où tension et angoisse montent progressivement, au point de se coucher beaucoup plus tard que de raison, même en ayant évité de participer à la Pasta Party géante.

Fort heureusement, le passage à l’heure hivernale nous permet de bénéficier d’une nuit correcte malgré un réveil à 4 h pour prendre un bus privé juste devant notre hôtel dès 5 h. A cette heure, les sportifs en tenue croisent des monstres et autres morts-vivants, fêtards d’Halloween, un peu grisés changeant de night-clubs… Les autres coureurs devront faire la queue devant Grand Central Terminal (la gare centrale) d’où une noria de plus d’un millier de bus publics les ramassent pour les acheminer jusqu’à Staten Island. Merci l’AFCF pour ce petit plus !

Depuis les attentats de Boston, la sécurité et les contrôles sur l’aire de départ the Start Village se sont extrêmement renforcés, comme l’entrée d’un vaste aéroport mais à l’air libre. Les sacs à dos sont interdits, même les plus petits de type Camel-Back avec poche à eau. Les ceintures ventrales ne doivent permettre de transporter que des tubes, barres de céréales ou des mini-gourdes visibles de l’extérieur, et les seuls sacs autorisés sont ceux remis par l’organisation : transparents. Malgré tout, le flot incessant des 55 000 partants se dirige lentement vers les entrées.

Nous sommes équipés de nos veilles « bananes » ventrales et au passage des portiques de sécurité, du contrôle des sacs puis de la fouille manuelle par des rangées de policiers, nos cœurs battent la même chamade que dans la célèbre séquence de Midnight Express

Et si on ne pouvait pas prendre le départ, si on était arrêtés arbitrairement, envoyés vers un poste de contrôle (comme cela m’est arrivé en 2011 à Istanbul)… A cet instant très matinal, Turquie… Kafka… NYPD…. tout se mélange dans mon esprit.

Mais, ouf !… nous sommes passés.

Dans cet immense campement mi- réfugiés mi- Woodstock, en contrebas du pont Verrazano, à l’heure où la nuit commence déjà à lutter avec le matin, chacun commence à s’installer parterre, se blottir dans la paille étalée sur le sol et s’emmitoufler pour se protéger d’une petite brise marine et des 8°C.

Heureusement, on n’a pas la pluie !

Pendant que des journalistes TV et Radio réalisent des reportages et interviews, que des hélicos retransmettent mondialement en direct des vues aériennes, et que des sponsors nous distribuent des gadgets publicitaires (dont des bonnets polaires bienvenus !)…

… les coureurs, eux, finissent leur petit déjeuner ou préparent leur ravitaillement de course, pansent préventivement leurs pieds ou massent déjà leurs muscles, prennent des photos souvenir de groupe ou tout simplement se reposent et… attendent longtemps.

Cette longue attente est éprouvante : un peu plus que notre temps total d’effort en course pour nous, près du double pour d’autres plus rapides ! Rançon du succès et contrepartie d’une organisation irréprochable. Alors, patience… on ne se fatigue pas à repérer les lieux… on essaye de ne pas trop se refroidir. On jalouse un peu nos voisins, un couple de jeunes mexicains, camouflés jusqu’aux oreilles dans deux couvertures de survie jetables, en forme de sac de couchage : pratique et efficace ! (à retenir pour une prochaine fois…).

Nous, avec nos trois couches de vieux vêtements surmontées d’un imperméable jetable jaune fluo (et rapidement déchiré), nous ressemblons plus à des S.D.F. qu’à des sportifs, mais mieux lotis que certains rapidement frigorifiés…

Avant de monter dans le bus, nous n’avons pas pris de vrai petit déjeuner ni à l’hôtel ni même aux shops ouverts aux alentours. Nous avons simplement « grignoté » : yaourt, biscuit, fruit et… de l’eau.

A présent, sur les conseils de Marie, trois heures avant le départ pour bien digérer, on reprend en complément quelques barres de céréales, du concentré de fruits, une pomme, de l’eau… mais pas de café. Le stand des boissons chaudes est trop loin, pour bouger.

Le seul mouvement que nous nous autorisons, à tour de rôle pour conserver notre petite place, un peu abritée du vent, est un aller-retour… vers les toilettes.

Même si elles se sont nettement améliorées (et devenues chimiques) et considérablement multipliées en vingt ans, la file d’attente n’a pas diminué pour autant… avec près de cinq heures d’attente dans ce vaste enclos, même les moins angoissés devront y passer avant le départ, surtout qu’un haut-parleur ânonne régulièrement qu’uriner sur le parcours hors dispositifs serait… disqualificatif !

A bon entendeur, salut !

Pour endiguer un si grand nombre de personnes, croissant d’année en année, l’organisation a depuis quelques temps déjà prévu trois tracés de différentes couleurs, empruntant chacun des axes parallèles sur les cinq premiers kilomètres. Chaque coureur s’est vu attribué, au hasard, une couleur chacune correspondant à sa zone de départ du Village : bleue, orange ou verte. Nous sommes verts. La couleur fétiche de Marie !

Chaque couleur se répartit en corrals ou sas de départ, nous sommes dans le sas A, dans les premiers, jusqu’à F pour les derniers… Mais, depuis seulement deux ou trois ans, malgré cette répartition, l’organisation doit diviser le flot en quatre vagues de départs successifs à une vingtaine de minutes d’écart. Nous, nous sommes dans la quatrième et dernière vague, qui partira à 11 h. Ça c’est moins top pour nous…

Malgré tout, chaque coureur dispose dans son dossard d’une puce électronique qui enregistre son temps réel et personnel de départ, d’arrivée et intermédiaires. En 1995, époque où tous les coureurs partaient en même temps, et je souviens avoir mis plus de sept minutes à piétiner avant de franchir la ligne… de départ, avec seulement 32 000 partants.

Tout évolue… et aujourd’hui grâce à Internet, l’organisation met à la disposition des accompagnateurs, familles et amis non coureurs une application de traçage qui indique, sur ordinateur ou smartphone, le suivi d’un maximum de dix coureurs simultanément pendant toute la course, sur une carte précise au mètre près. Marie ne souhaitant pas s’imposer cette pression psychologique supplémentaire ne l’a dit à personne et m’a interdit de dévoiler cette possibilité. On apprendra plus tard que notre fille Lauriane et notre « mentor » Daniel, l’ont découverte par eux même et nous ont suivi pas à pas, en temps réel !

KM
0

L’hymne national américain enfin est chanté une première fois : à 9 h 50 pour les élites, immédiatement suivies de la première vague, qui s’élance sur les trois parcours de couleur en même temps, dans des cris de joie et un enthousiasme délirant sur le célèbre Pont Verrazzano-Narrows… qui en tremble encore.

Les deux autres vagues s’enchaînent assez rapidement, jusqu’à ce que la nôtre soit invitée en dernier à accéder aux sas de départ…

… en déposant nos « sur vêtements » dans des conteneurs où ils seront triés pour être redistribués à des associations caritatives.

Notre coup de canon retentit à 11 h 03 (17 h en France) et met en route le 4ème chrono officiel : nous voilà ENFIN libérés ! Partis dans un flot, dense mais régulier, adapté à notre allure, sans aucune bousculade, tout près du « lièvre » (pace team leader) ou meneur d’allure qui indique son temps objectif (à 2 minutes près) de 5 h 30.

Dans l’excitation, j’en ai oublié de déclencher mon chrono perso…

Seul regret, notre vague verte doit passer par en-dessous de ce pont mythique ! Dommage, c’est un des points fort de l’épreuve…

…le passage du pont reste pour un marathonien un moment jubilatoire inoubliable !

Par chance, nous nous trouvons au tout premier rang de notre vague qui doit probablement contenir encore plus de coureurs que la moitié de certains grands marathons internationaux !

Et dire que, pour ne pas avoir triché sur notre temps cible lors de l’inscription,

Marie craignait, de courir dans les derniers, totalement esseulée !

La traversée du pont nous amène, presque sans crier gare, au 2ème mile (1 mile = 1,609 km) soit déjà plus de 3 km, et contrairement à notre première expérience de 1995, nous n’avons pas été gênés par des vêtements abandonnés sur le parcours. Encore Merci aux organisateurs !

KM
5

Au km 5, atteint comme prévu en 35 minutes, les deux autres tracés bleu et orange, passés par-dessus le pont, retrouvent le nôtre; le flot se densifie énormément malgré la largeur impressionnante des voies.

Grâce à la casquette rouge Thermor (marque de mon entreprise) surmontée d’un drapeau français se balançant à 50 cm, Marie me repèrera toujours assez facilement droit devant, ou plus tard, lorsque je serai plus souvent derrière elle… par mon ombre portée.

En bon marathon international, en plus de chaque mile, chaque 5ème kilomètre a été indiqué sur le parcours : un bon repère pour nous, sans aucun effort de calcul mental… dans nos têtes trop brouillées par cette frénésie.

Pour l’instant, on court sans aucun essoufflement, presque en parlant, en tenant tranquillement notre allure de croisière de 8,5 km/h. L’ambiance est délirante, le public présent sans discontinuer et très enthousiaste nous porte littéralement.

KM
15

La remontée de Brooklyn, par sa 4ème Avenue, est très longue, mais de mile en mile, nous atteignons comme à l’entrainement le 10ème puis le 15ème km, à notre rythme : 35 minutes pour 5 kilomètres.

Et dire que pendant ce temps, l’élite et les premiers ont déjà franchi la ligne d’arrivée ou s’en approchent!

Ce flot sera ininterrompu pendant plus de 7 h 30…

L’engouement populaire et le succès exceptionnel de ce prestigieux marathon, est certainement dû, à côté de la renommée de la ville et de l’enthousiasme de son public, à ce temps limite exceptionnel de 7 h 30, qui sur d’autres grandes épreuves internationales, dépasse rarement les 5 heures.

En marchant (comme sur le Chemin de Compostelle) à 6 km/h, certains pourraient le finir presque sans courir…

Les orchestres, jazz bands, groupes rocks, gospels et chorales s’enchaînent les uns après les autres, dans des ambiances musicales variées et rythmant nos pulsations : 130 officiellement, soit 1 tous les 300 mètres !... sans compter les improvisés.

Les associations, les clubs et les églises de toutes obédiences ont regroupé leurs membres, à leurs couleurs, pour nous encourager chaleureusement. On regrette de ne pas pouvoir s’arrêter pour profiter parmi eux de l’ambiance.

De notre côté, nous avons aussi fait l’effort de courir sous les couleurs de notre organisateur : l’AFCF nous a fourni un tee-shirt blanc sur lequel France est inscrit en long sur la manche droite. J’y ai rajouté chacun de nos prénoms sur fond bleu-blanc-rouge.

Nous courrons tout près du public, massé derrière les barrières de sécurité, et contrairement à Marie qui reste très concentrée sur le parcours, moi, très à droite, je touche (presque !) toutes les mains, surtout celles des enfants heureux de découvrir et encourager des « athlètes », des vrais… dont je fais partie, aujourd’hui !

Je photographie. Je filme. Je « gambade ». Je suis galvanisé… C’est fou !

Marie est à côté, ou seulement quelques mètres derrière, sereine. Je suis en forme. Toutes mes sensations sont bonnes. Je n’ai mal nulle part. J’avale les miles sans m’en rendre compte, dans cette ambiance délirante.

L’exaltation est à son comble. Je voudrai aller plus vite, pas beaucoup mais juste un peu : améliorer mes 4 h 56 de 1995 ? Faire mieux 20 ans après ? Pourquoi pas, cette idée me trottine dans la tête et me motive ; dans Brooklyn j’y crois encore…

KM
20

Un panneau géant nous informe qu’on entre dans le deuxième des cinq quartiers traversés par le parcours : le Queens, et voilà déjà 20 km de parcourus : même pas mal !

Sur le Pulaski Bridge, on franchi le semi-marathon en 2h31. Fantastique !

On se félicite. On est exactement dans nos temps. Tous les deux, toujours côtes à côtes.

Même sur les deux ou trois seuls semis que j’ai courus dans ma vie, je n’avais guère fait mieux. Génial ! Petits calculs : multiplié par deux, ça ferait autour de… 5 heures ? En « grattant » quelques minutes sur la fin… ?

La vue des gratte-ciel au loin est grandiose. La skyline se découpe sur note gauche, comme à la télévision, mais aujourd’hui nous y sommes !

A nous Manhattan ! Les espoirs se mêlent encore à l’euphorie…

On a quitté la longue avenue, et le parcours vire encore deux ou trois fois, ce qui offre au public des points stratégiques pour nous suivre et nous encourager.

Deux à deux millions et demi de spectateurs sont dans les rues !

Notre peloton est dense, et la foule encore plus !

Une foule très populaire, de toutes les couleurs et religions avec beaucoup d’enfants. On crie, On nous encourage : « Allez France ! », « Go Dennis ! », « We love you !» c’est du jamais vu. On n’est pas sur le premier marathon du monde pour rien !

De ravitaillements en ravitaillements, les miles se succèdent très régulièrement.

Il est difficile d’échapper à la bienveillance et aux « offrandes » de nos volontaires ! Le prétexte, beaucoup plus que le besoin, de s’hydrater en Endurance Energy Drink (boisson gazeuse énergisante) me permet de marcher quelques pas, avant de repartir de plus belle.

Les quelques secondes perdues avec ce petit réconfort me semblent très vite rattrapées et compensées par le tonus que cela me procure.

KM
25

En plein milieu du Queensboro bridge, qui enjambe l’East River, on franchi le 25ème kilomètre.

Pour moi, c’est la limite de mes entrainements. Heureusement que j’ai fait beaucoup plus en marche. La montée du pont est vertigineuse et beaucoup de coureurs rentrent dans la zone rouge à ce moment-là. J’en double qui marchent déjà. Comme sur chaque pont, l’atmosphère change, devient étrange et pesante, car aucun supporter ne peut y accéder.

On entre enfin dans Manhattan, dans l’île, par le « Upper East Side », sur la 59ème rue. Et dire qu’en la continuant tout droit, on se trouverait pile-poil au bas de Central Park… tout près de la ligne d’arrivée.

Mais le tracé remonte immédiatement à droite par la 1ère Avenue, à partir du 16ème mile : une ligne toute droite de 6,5 km ! Aussi loin que le regard puisse porter, on n’aperçoit que des immeubles sur les côtés et jamais le bout de l’avenue. Je repense à nos entraînements sur les berges du canal…

Plus on avance, moins on semble avancer. Le début du calvaire…

On approche de 14h ; le soleil fait une belle percée, la température monte progressivement. Je mouille ma casquette à plusieurs reprises, et m’asperge régulièrement d’eau. A présent, Marie me devance et m’attend à chaque stand. J’ai troqué le gazeux contre de l’eau plate : la Poland Spring, eau minérale naturelle depuis 1845 ! Ça ne peut être que meilleur.

Je me concentre un peu plus sur mes efforts, et je me dis que tout va bien. Il faut continuer. Le plus long est fait, il ne reste qu’une quinzaine de kilomètres : l’équivalent d’un petit entraînement…

Mais les miles semblent de plus en plus longs. Le flot des coureurs semble aller plus vite, plus vite que moi. Des centaines me doublent. Quelle est la part du physique et du psychologique ? Mon allure diminue, ma fréquence cardiaque se met à accélérer : cercle vicieux dans lequel je sens que je m’enfonce peu à peu… Marie est devant, mais elle n’a aucun drapeau pour que je puisse la repérer. Où ? Loin devant? Pourvu que je ne la perde pas, pas maintenant…

A ce moment, malgré la densité du peloton et malgré l’enthousiasme du public, un sentiment d’immense solitude commence à m’envahir. Je n’entends plus les cris d’encouragement.

Je m’accroche à quelques furtives pensées pour des amis qui comptent pour moi ou m’ont marqué : coureurs, anciens coureurs, sportifs, marcheurs… les images remontent subitement et valsent : des Paul, Georges, Housseïn… des Marcel, Daniel et des Jean… et quelques autres qui ne peuvent plus aujourd’hui réaliser ce type d’effort : qu’auraient-ils fait ou dit à cet instant où le mental faiblit ? Rien que pour eux, je m’accroche.

Pourquoi mon moral flanche avant même de sentir la douleur ? Marie a raison, plus de 50 % de la réussite se passe dans la tête…

J’attends le Bronx. Quand est-ce qu’on arrivera enfin dans le Bronx ? Le Bronx, malgré sa mauvaise réputation (où parait-il, il ne doit pas être bon de s’y arrêter seul la nuit ?), c’est l’extrémité Nord du parcours : on y vire, une petite boucle ensuite on redescend vers Central Park et l’arrivée !

Je commence à avoir mal aux cuisses. Pas aux adducteurs, ni aux mollets, seulement sur le devant des cuisses qui commencent à raidir. Je m’arrête pour m’étirer souvent, mais ça revient très rapidement.

KM
30

Seulement 19 miles !? A peine 30 km… Encore 12 km ?!

Et cette avenue, longue, monotone, sans fin… est en faux plat ! Pour la première fois, les encouragements de la foule, plus nombreuse que jamais, n’y feront rien : je suis vraiment à la peine.

On arrive sur un pont. Encore un ! Sa pente douce et régulière semble une montagne à gravir.

De l’autre côté, l’inclinaison favorable de la pente ne semble pas me permettre d’aller plus vite, ni même de récupérer. Ces déclivités, même faibles, brisent l’équilibre et le rythme.

Mes douleurs sont de plus en plus fréquentes. Si j’insiste, je crains la blessure, la tendinite et peut-être l’abandon. Je repense à cette phrase lue en Chemin de Compostelle : la douleur n’est que passagère, l’abandon est définitif. C’est vrai, je suis ici que pour une seule fois.

Je dois m’accrocher : j’essaye de conserver le moral mais à présent je doute sur ma capacité physique à finir… et à finir sans blessure. Je dois veiller à ne pas atteindre le point de rupture.

J’ai vu des coureurs sur le côté, enlevant leurs chaussures, se massant les jambes, ou simplement arrêtés, quelques-uns en déjà échecs, effondrés, en détresse voire en pleurs.

S’arrêter, c’est prendre le risque de ne plus pouvoir repartir. Ma moyenne kilométrique a chuté vertigineusement. Les minutes s’égrènent. Adieu tous mes espoirs d’amélioration des performances passées. A cet instant, mon seul objectif devient : rallier la ligne d’arrivée, d’une manière ou d’une autre, dans les meilleures conditions possibles, même en marchant.

Marie… mais où est Marie ? Pourvu qu’elle ne me croit pas devant, et qu’elle accélère. Je ne pourrai plus la rattraper.

Ouf… de soulagement ! je la retrouve au ravitaillement suivant. Je lui raconte mes états d’âmes et physiques. Je lui demande de finir sans m’attendre. Moi, je marcherai…

« Non ! » catégorique, de Marie : « Cette fois-ci, on est venu pour finir : E N S E M B L E ! »

On décide alors de préparer un comprimé de vitamine, contre les contractures. Je fais une petite pause, m’étire une nouvelle fois et on repart ensemble, mais c’est dur.

Les coureurs expérimentés évoquent la barre du 30ème kilomètre : le mur ! The Wall !

A la fin des années soixante-dix, ce mot avait pour moi une toute autre résonnance…

Je suis en train de le vivre. Vais-je réussir à le franchir ? C’est un tournant et c’est statistique. Il survient au moment où généralement les glucides sont épuisés et la fatigue musculaire fait son apparition. Sans compter la déshydratation et un petit coup de chaleur.

Heureusement, j’ai beaucoup bu, même sans soif quelques gorgées à chaque fois, et me suis mouillé presque à chaque ravitaillement.

Je suis parti avec mon téléphone portable dans la « banane », pour tenter de prendre quelques photos souvenir sur le parcours et retrouver Marie à l’arrivée au cas où on se perdrait… lorsque son vibreur m’alerte d’un message. Je dégaine en courant, et le lit aussitôt: « ENCOURAGEMENTS ! Je ne sais pas si tu es connecté mais au cas où ce serait le cas : COURAGE ! » signé Daniel et Sylvie !!! Quel bonheur ! Quel immense bonheur ! A l’autre bout du monde des amis pensent à nous, partagent nos efforts et notre souffrance !

On apprendra, plus tard, qu’ils nous auront suivis pas à pas, avec le traqueur Internet, pendant plus de cinq heures (lorsqu’on a passé la ligne d’arrivée, il était 22h en France : Chapeau, les amis !)

On repasse un pont, encore un. Soulagement : une newyorkaise nous crie et brandit un panneau manuscrit « le dernier pont ! ». Super ! Merci Miss ! Mais il faut quand même le franchir…

Un petit groupe d’écossais en kilt marche en jouant de la cornemuse. Ambiance.

KM
0

On passe le 21ème mile. Je sais qu’on quitte le Bronx…

… pour rentrer de nouveau dans Manhattan par le Nord et par Harlem.

Moralement, c’est bon : ça sent la fin. Il était temps…

Mais que ces quatre ou cinq derniers miles ont été difficiles : le plaisir a vraiment fait place à la souffrance et au doute.

On aborde enfin la fameuse 5ème Avenue : la reine du shopping !

Programme identique à la 1ère pour sa longueur… mais en sens inverse. Ce qui ne m’enchante pas beaucoup, après les efforts que je viens de déployer…

Grâce ou à cause du Marcus Garvey Park, que l’on doit contourner, la perspective de cette longue artère est heureusement beaucoup moins angoissante que la 1ere Avenue, même si , pour l’avoir repérée auparavant, on sait qu’elle nous réserve presque 2 miles en montée, juste avant d’entrer dans Central Park. Ardu !

Les coaches sportifs nous enseignent que tout est question d’équilibre, base de la réussite, entre physique et mental : chez moi, en ce moment, le premier suit péniblement depuis déjà quelques kilomètres et le second se prépare toujours au pire à venir : un bon équilibre en sorte… mais par le bas !

A part ¼ de bananes ramassé à mi-parcours, les ravitaillements n’ont été que liquide et mes deux barres de céréales trop rapidement dégluties.

KM
35

Heureusement, avant le 35ème km, un sponsor distribue des rations énergisantes qui me permettent de reprendre un peu de force. Il faut avoir conscience que dans cet effort régulier et constant notre corps aura consommé en moyenne 180 à 200 calories à l’heure…

et qu’à ce stade, nos réserves de la veille et du matin commencent sérieusement à s’épuiser. Ces doses de glucose et fructose sont excellentes et rapidement efficaces ! Un vrai plaisir.

L’avenue longe le côté Est de Central Park, elle est bordée d’arbres et en pente douce mais régulière. On ne cherche même plus à en deviner son extrémité. Le nez pointe sur nos chaussures. Les jambes sont lourdes. Marie à mes côtés, malgré son expérience, souffre aussi sur ces derniers kilomètres. On continue d’avancer, un peu moins rapidement qu’au début mais toujours sous les applaudissements et les encouragements de la foule de plus en plus compacte. On re-dépasse des coureurs qui vont moins vite. Ça nous redonne du tonus. « L’important, c’est la régularité ! Il ne faut pas marcher mais toujours courir à notre rythme », qu’elle ne cesse de répéter.

KM
0


Au 24ème mile, on bifurque sur notre droite pour enfin entrer dans Central Park. On retrouve-là le parcours de reconnaissance qu’on avait couvert l’avant-veille. Le moral remonte, mais pas les forces…

Les couleurs de Central Park sont magnifiques en cette fin d’automne et notre flot toujours dense s’y écoule comme une rivière multicolore. Ça sent la fin, mais ce n’est pas encore finit ! Quelques petites bosses et dévers qui longent et contournent le vaste plan d’eau Reservoir restent à franchir : Insignifiant en temps normal, mais avec 40 bornes dans les pattes, même la descente est difficile. La « dernière ligne droite » est en fait la plus sinueuse et la plus vallonnée de la course… et elle semble ne pas finir…On vient de passer la barre des 5 heures. Adieu mes illusions du début de la course : perdre le moins de minutes possibles reste le seul objectif.

On sort enfin du Park sur la 59ème Rue, par laquelle nous étions rentrés dans Manhattan (près de deux heures auparavant). Orientée plein Est, dans le soleil rasant, la majestuosité des immeubles en ressort encore plus impressionnante.

Et le public omniprésent nous encourage comme si chacun d’entre nous était en tête de la course. Dans un regain d’effort, on double des coureurs partis dans les vagues précédentes; beaucoup finissent en marchant. Nous, on peut encore courir : ça nous motive ! On continue…

Ce petit bout de rue, jusqu’à Colombus Circle nous semble interminable : on sait qu’il faut encore rentrer dans Central Park, et passer encore deux bosses, avant la ligne « Finish ».

KM
0

Juste avant le 26ème mile, sous le regard explorateur de la statue de Christophe Colomb, dans une ambiance musicale assourdissante, on entame nos dernières centaines de mètres dans Central Park : public, barrières, banderoles, fanions, lumières, sono… tout nous indique une arrivée grandiose.

Enfin le grand portique bleu se dévoile droit devant nous mais toujours en légère montée…

Marie est un peu perdue dans cette ambiance. Quatre chronos géants égrènent leurs secondes électroniques. Le plus à droite indique 5 h 24, on se tend la main et on s’y dirige. On ne parvient plus à accélérer sur ces derniers mètres…

5 h 25, on recherche les photographes, pour immortaliser l’évènement, mais le nombre de coureurs devant nous est encore important : aucune photo officielle ne sera vraiment réussie.

5 h 26 et 17 s : FINI !

Le plus important est d’avoir franchi cette ligne d’arrivée E N S E M B L E ! Sur le coup, Marie ne réalise pas vraiment et cherche encore la ligne pourtant bien matérialisée qu’elle vient de passer. On s’embrasse et on se félicite rapidement, mais on évacue car ça continue d’arriver par centaines derrière nous. J’ai la sensation d’avoir atteint mes limites. Aurai-je pu courir dix mètres de plus ?

Cette arrivée symbolise l’aboutissement de plusieurs mois d’efforts et de doutes, mais c’est surtout une récompense et un cadeau pour Marie !

KM
42

On se dirige vers les grilles de sortie du parc. On nous remet notre médaille avec la photo officielle ! Ravitaillement… couverture de survie pour ne pas se refroidir… Le soleil disparaît rapidement… On s’assied parterre et on s’amuse à défigurer les autres coureurs : fatigue, souffrance et joie se lisent sur tous les visages … On prend enfin conscience qu’on est arrivé au bout, qu’on a atteint notre objectif : « We did it ! » (sms pour nos proches…). Et nous pouvons être fiers !

Pour tout dire, bien qu’on ait passé la ligne ensemble, main dans la main, quatre coureurs auront réussi à s’intercaler entre nous deux au classement général. On aura fini 40 634 et 5ème : il en reste plus de 15 000 derrière…

Avec mon petit drapeau français sur la casquette... 

On ne vient pas vraiment chercher une performance à New York. La difficulté du parcours fait perdre 3 à 4 minutes sur le record des meilleures élites…

On vient pour y partager une grande aventure collective. Pour nous, comme beaucoup d’autres en couple, ou pour célébrer un évènement particulier, partager beaucoup de plaisir et un peu de souffrance. Le plaisir d’avoir vécu ce moment ensemble, d’avoir découvert et poussé un peu plus loin ses propres limites, celles de son corps et celles de son mental pour trouver les dernières ressources dans l’adversité.

La souffrance quant à elle sera très vite oubliée : à peine fini, la plupart d’entre nous se demandent si on n’y reviendra pas l’an prochain ? Et si ce n’est pas sur ce marathon, ce sera sur un autre, une autre course, un grand trail ou une autre expérience de ce genre.

Notre principale différence, après vingt ans d’écart et en dehors de la petite déception de n’avoir pas réussi à améliorer le « record » personnel, est ressentie dès le lendemain matin : aucune courbature ni douleur. Exceptionnel !?

Dans la semaine qui a suivie : aucune difficulté à grimper les trottoirs ou aligner des kilomètres d’avenues à découvrir the Big Apple.

Et rien que pour ça, c’est une vraie réussite !

Merci Marie, Merci mon… coach !

Jusqu’au départ vers l’aéroport JFK, pendant toute la fin du séjour, on arborera fièrement sur la poitrine notre médaille, comme de vrais champions olympiques. Sans fausse modestie. We are « Finishers » !

Au Guggenheim Museum…

ou du haut du Rockfeller Center…

Ce qui nous incitera à donner une petite tape sur l’épaule ou un clin d’œil de reconnaissance aux autres marathoniens de toutes nationalités que l’on continuera à croiser. Ainsi qu’à recevoir de tous les newyorkais, dans la rue, le métro, les restaurants, les musées et les boutiques des « Congratulations ! » et autres « Great, you did it ! »… sincères qui nous vont droit au cœur !

On partage un sentiment de communion et d'exploit accompli...

Emile Zatopek disait : « Si tu veux courir, cours un kilomètre. Si tu veux changer ta vie, cours un marathon ».

Alors, peut-être qu’à présent, comme Forest (qu’on a redécouvert chez Bubba Gump) et comme Marie, ne vais-je plus jamais m’arrêter ?