Népal : dernière danse hauts les cœurs

L'Himalaya, des momos, le reste on verra.
Du 11 mars au 24 avril 2019
44 jours
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Une fois de plus j'ai pas fait mes devoirs! Je débarque à Katmandou sans trop savoir ce que je vais faire au Népal. Je sais juste que je vais rejoindre un Français rencontré au Vietnam dans une semaine.

Katmandou d'en haut 

L'atterrissage permet de réaliser que la ville s'étend à perte de vue, avec plein de ces maisons qui ressemblent à des mini immeubles cubiques. Les maisons se ressemblent mais ne s'assemblent pas souvent, à part en plein centre où la densité reprend ses droits.

Katmandou d'en bas 

La poussière en suspension dans les airs limite la visibilité et l'envie de prendre des grandes inspirations. Tout le monde tousse et crache partout dans les rues. Est-ce une mode? Un problème de santé publique? Vous n'en saurez pas plus en lisant ce blog.

Je trouve refuge dans un jardin en plein centre où le calme reprend ses droits et je fais comme tout le monde et bouquine un peu en paix. J'attaque ensuite la traversée de Thamel, le quartier touristique où on peut acheter des vrais faux habits techniques pour des prix plutôt élevés malgré la qualité.

Interlude momos

Mon objectif est d'arriver à New Road, la rue des magasins d'électroniques, où je dois trouver mon nouveau téléphone/appareil photo pour pouvoir immortaliser les paysages qui m'attendent. Je suis tenté de reprendre le même modèle une 4ème fois (...) parce qu'il est difficile de faire mieux en photo à ce prix mais la superstition me rattrape et je me décide sur un Huawei Y9 de 2018, qui devrait faire l'affaire. On est de toute façon loin d'un reflex dans tous les cas.

Dal bhat : le plat que je dois apprendre à adorer 

Je ne suis pas conquis par Katmandou. Les gens sont assez peu chaleureux, à part si on est un client potentiel. Trop de gens, trop de motos, de voitures, de klaxons, de poussière, et d'agitation en général. J'ai réservé 4 nuits dans une chambre d'hôte donc je me dis que je vais quand même visiter un peu la ville. Le problème c'est que je n'ai pas de clé de la maison donc je dois partir le matin à 9h et rentrer après 17h. Je suis encore un peu blasé par mon vol en Thaïlande et aimerais passer du temps tranquille, mais si je choisis de rester à la maison, je suis enfermé dedans, et sinon je suis enfermé dehors... Pas top. La famille est gentille bien qu'un peu trop insistante à vendre des tours et guides de randonnée. Je suis peu réceptif.

Je décide finalement de partir au bout de 3 nuits, en direction de Pokhara.

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Le trajet pour Pokhara dure seulement 6 heures dans un bus plutôt confortable. 6 heures, ça laisse le temps de buter sur environ 5000 nids de poule et de voir un ou deux népalais vomir par les fenêtres quand même. Je passe le voyage à côté d'une Américaine qui a gagné le concours de qui a la plus grosse durée de voyage avec 3 ans. Ça permet d'occuper le trajet à discuter de nos aventures!

Une fois arrivé, je me sens tout de suite mieux, il n'y a pas de voitures partout, on peut respirer, voir les montagnes et le grand lac au bord duquel je vais loger.

Les abords du lac sont magnifiques à toute heure de la journée 
Peu connu dans le monde : Disneyland Pokhara 
Le gardien de ma résidence : chien blanc. Il est féroce et vaillant mais préfère se faire gratter le ventre 

Avant de me bouger et partir randonner, je passe 3 jours à déguster différentes cuisines dans les restaurants de la ville. Je passerai un peu plus de temps à la French Crêperie, qui sert des supers galettes, crêpes et plateaux de fromage.

J'ai finalement repris du poil de la bête et me décide à partir randonner tout seul vers Panchase, un sommet où on peut avoir une belle vue de la chaîne des Annapurna.

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Le plan initial était ambitieux. La journée devait commencer à 4h par l'ascension de la montagne vers Sarangkot, pour voir le lever du soleil, avant de prendre un bus vers la rive sud du lac pour randonner 6h vers le mont Panchase, afin d'avoir le temps de me reposer et de redescendre à temps pour le festival Holi. Tout ça a bien sûr volé en éclat quand le réveil a sonné et que mon corps a décidé que se lever à 9h était plus humain.

Ma première journée est finalement à l'opposé car je décide de faire la randonnée en sens inverse. Je monte donc un bus local vers Ghatchhina. Le bus doit parcourir 10km, donc rouler 10 minutes d'après mon téléphone. C'est sans compter sur le fait que la majorité de la "route" est sur une "voie", que les moins téméraires n'emprunteraient pas avec leur VTT tout équipé. Après une heure de vertèbres tassées et de musique classique Népalaise (celle avec de la flûte de pan et des voix aiguës, pas du piano ou des violons), me voilà arrivé au point de départ de mon aventure!

Le bad boy qui n'a pas bronché face à sa jolie route 

J'ai bien géré mon timing, il est 11h, le soleil tape comme il faut. Je n'ai pas petit déjeuné ni bu de la journée et suis déjà déshydraté. Je m'arrête à une boutique avant de m'élancer pour me fournir en eau minérale. Je remplis mes 2 bouteilles, et prends de suite le pli des randonnées ici : une bouteille d'eau potable, une bouteille d'eau en traitement (les pastilles de traitement agissent en 30 minutes).

Je me mets désormais en route vers Bhanjyang, le dernier hameau avant le sommet, où je compte passer la nuit.

Le début du chemin se passe bien et les kilomètres défilent, malgré la chaleur et l'absence d'ombre la plupart du temps. Je me retrouve rapidement en vue d'un village : Sidhane.

Je n'y vois pas grand monde à part une mamie qui coud et un enfant qui pleure. Le petit semble interloqué par ma présence et s'arrête et reste bouche bée le temps que je disparaisse de son horizon. J'espérais trouver de quoi manger mais il n'en est rien. Je vais devoir tenir jusqu'au bout le ventre vide.

La suite de la randonnée se complique. Une mauvaise gestion de l'eau me fait passer un bon moment sans boire et le manque de nourriture se fait ressentir. Je décide qu'il est temps de me tromper de chemin et de m'ajouter quelques marches à gravir. Les deux derniers kilomètres sont remplis de soupirs, filets de transpiration le long du visage, et cris d'encouragement pour en finir.

Comme le disait un grand sage, quand on marche on finit toujours par arriver quelque part. En fait j'en sais rien ça m'est venu comme ça mais je finis par atteindre le village tant rêvé, qui sonne la fin de ma journée de marche.

Fanions, riz sauté, et moi 

Je m'autorise une petite douche glacée pour me rincer et me refroidir le corps. Ça a le don de bien faire rire les dames qui tiennent l'auberge, ainsi que les quelques touristes qui se demandent et me demandent pourquoi je m'inflige ça. Il est 15h, me voilà propre et rassasié!

Je prends un peu de repos mérité et réfléchis à lire un peu, ce qui était mon incroyable projet en venant au calme ici. Je me retrouve embarqué dans des conversations avec les voyageurs du jour, qui s'accumulent doucement pour atteindre une dizaine en fin de soirée. J'ai le temps d'échanger avec un Israélien, une Américaine, une Hollandaise, un Letton, des Népalais, un Italien et une Allemande. C'est un beau bouquet garni de nationalités et on a des discussions plutôt intéressantes, qui changent des présentations des voyages de chacun habituelles.

Je finis par retrouver de l'énergie et décide d'aller gambader dans le village et les collines aux alentours.

Une fois de plus, je peux compter sur le voyage du soleil dans le ciel (ou de la terre dans l'espace?) pour embellir les reliefs et faire redécouvrir les mêmes points de vue au fil des heures et des minutes.

Après un dîner copieux et l'enfilage de ma dernière couche de vêtements chauds, je décide d'aller me coucher à 20h pour profiter des couettes. Demain il faudra se lever tôt pour atteindre le sommet du Panchase avant les rayons du soleil.

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Comme prévu, ce matin le réveil sonne trop tôt et plein de fois. Je finis par me lever à 4h40 et me mets en route avec l'Allemande, avant d'être rattrapé par le Letton dans l'ascension. Nous arrivons au sommet du Panchase (2500m) avant que le soleil ne se lève. On a gagné cette course mais les nuages avaient décidé de ne pas s'embêter et ont campé dans le ciel toute la nuit. Ils nous accueillent avec (j'imagine) un grand sourire narquois, nous privant d'un lever de soleil sur l'Annapurna.

Oh regarde, le 7ème plus haut sommet du monde est derrière ce brouillard! 

Je me console avec cette statue de poisson trônant dans un énorme trou creusé pour l'occasion.

Je décide de redescendre car ça me semble peine perdue, laissant derrière moi les deux autres courageux du matin. Avant d'arriver au village je passe devant le petit étang dans lequel les buffles se désaltèrent. Le reflet parfait de l'eau attire mon regard et je décide de prendre le chemin des bovins pour faire une pause photo avant de rentrer.

Je crapahute dans le village à la recherche de jolis endroits à capturer avec le soleil, qui peint le ciel de teintes rosées et dorées. J'essaie de m'approcher des oiseaux pour profiter de leurs silhouettes mais ils sont un peu trop prudents pour que j'y arrive. J'aperçois l'Annapurna mais ça restera privé, mon téléphone n'étant pas assez performant pour restituer le subtil spectacle.

On peut aperçevoir le manteau neigeux dans les nuages juste au dessus de la maison 

Après une leçon de Japonais sur les collines ensoleillées, je me mets en route vers Bhumdi, potentielle escale nocturne avant mon retour vers Pokhara.

Poule de départ et buffle d'étape  

Le trajet se fait dans la forêt, qui n'est pas un spectacle particulièrement photogénique à mon goût. Je n'ai croisé presque personne et ai profité de ma musique tout en marchant d'un pas déterminé.

J'avais une petite crainte sur cette étape car j'avais lu des témoignages de gens s'étant fait racketter sur ce chemin peu fréquenté et j'étais donc sur mes gardes. La paranoïa invite les situations inquiétantes et il m'aura fallu seulement une heure de marche pour croiser 2 locaux avec des fusils me demandant de ne le dire à personne. Une heure plus tard je cherche mon chemin à tâtons dans la forêt quand j'aperçois un homme qui rôde vers moi avec une machette en criant "My friend" et quelques chose d'autre que je ne comprends pas. Après une petite montée d'adrénaline et une prière, je me rends compte qu'il veut juste m'indiquer le chemin et me demander une cigarette. Sorti de la forêt la vue se dégage et j'aperçois les montagnes enneigées un peu mieux que ce matin.

J'arrive et dépasse Bhumdi sans m'en rendre compte, je finirai donc ma journée à Pokhara. Le chemin continue et j'erre dans les villages à la recherche d'eau pour me ravitailler, que je trouve sur un chantier. Les gens me regardent bizarrement et l'un d'entre eux me demande si je voyage tout seul. Je réponds très intelligemment que oui, et réalise vite mon manque de discernement quand ils crient des trucs et que des gens commencent à me proposer de l'aide, et que ça ressemble à la manière dont des voyageurs se sont fait embêter. Je décide de m'éclipser immédiatement et continue mon chemin plus rapidement. Dans ce coin un peu reculé mais touristique quand même, les coups de mains sont rarement des actes de pure gentillesse malheureusement et je ne compte pas remettre ma malchance en jeu ici.

Je fais un bout de chemin, en partie accompagné de ce joli jeune chien, avant d'atteindre la Peace Pagoda, qui devrait me mettre en paix avec mes mésaventures passées.

Un peu de marche plus loin et j'arrive à hauteur du lac où je suis ramé jusqu'à l'autre rive, sur laquelle mon périple du jour s'achève. Neuf heures et pas loin de 30 kilomètres de marche auront eu raison de mes genoux et de ma motivation. Je décide de ne pas monter à Sarangkot comme initialement prévu et reporte le projet au lendemain. Je réserve toutefois un vol en parapente, qui sera mon moyen de retourner à Pokhara dans 2 jours!

Je m'offre encore quelques kilomètres de marche dans la ville pour récupérer mon sac et changer de logement. Ce soir je m'autorise une chambre avec salle de bain privée et me rends compte que ça fait plusieurs mois que je n'avais pas pu sortir d'une douche sans m'habiller au préalable. Ah, les bonheurs simples de la vie. Je continue sur ma lancée de bonheur et vais refaire le plein de calories dans un restaurant tibétain.

Crottes de pain accompagnées de leur curry et calzone frite

Une fois mon repas dégusté, il est déjà 18h et je vais m'échouer à mon hôtel. Demain, je remets mes genoux en jeu dans l'ascension de la montagne vers Sarangkot.

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Aujourd'hui pas de pression, la randonnée pour atteindre Sarangkot depuis Pokhara doit durer 3h à tout casser. J'ai failli prendre le bus car mes jambes étaient fatiguées mais au moment de partir, le propriétaire de l'hôtel me dit que le prochain bus est dans 2h. Ayant beaucoup de patience je décide immédiatement de partir en marchant, sans ma trousse de soin et de quoi traiter l'eau en cours de marche.

Je commence par longer le lac, dont la vue m'est familière avant de lever les yeux vers mon objectif : Sarangkot, le village sur le sommet le plus haut (1592m) dans la direction de l'Annapurna.

Je n'ai pas de photos du début de la marche. En prenant mon temps, je l'ai laissé au soleil pour transformer le côté sur lequel j'effectue mon ascension en un rotissoire. Je transpire trop pour tenir mon téléphone qui hérite de taches blanches sur l'écran après quelques centaines de mètres parcourus.

Je fais quand même l'effort de le dégainer pour une belle photo de la vallée en cours de route.

Un peu plus loin, la vue semble similaire bien qu'un peu plus haute. La vraie différence réside dans la présence de ce sourire : Hom, un Népalais habitant non loin.

Il discute avec un couple Australo-Américain et je suis rapidement inclus dans la conversation. Il mène des projets de culture bio et de raccordement de sa commune à l'eau courante et nous invite à venir boire le thé dans sa demeure.

Poules réglementaires 

Son lieu accueille régulièrement des woofers pour aider aux récoltes et autres travaux nécessaires au fonctionnement de la ferme. Il recherche au moment où nous venons des personnes pour récolter et décortiquer des plans de moutarde. Je suis plutôt intéressé par l'idée et me dis que je pourrais y revenir quelques jours plus tard. Avant que nous nous en allions, il nous explique qu'il a une réunion pile le lendemain matin et qu'il lui manque 20$ pour pouvoir être raccordé à la nouvelle conduite d'eau. On se regarde avec les autres touristes et sentons le traquenard mais on a déjà bu le thé. Le couple s'en sort car ils n'ont pas d'argent sur eux, je débourserai finalement de quoi payer raisonnablement le thé après ce qui me semblait être un accueil chaleureux et un moment de partage anodin.

Cet interlude poule et thé aura permis aux nuages de conquérir le ciel et de rafraîchir l'air pour la dernière partie de l'ascension qui m'attend. Le ciel s'assombrit chaque minute et j'entends quelques coups de tonnerre, je n'ai pas le temps de niaiser.

Je prends quand même le temps d'admirer les parapentistes qui rasent la montagne au dessus de moi. Je peux presque entendre de quoi ils parlent tellement ils sont proches.

Un petit garçon court vers moi pour me montrer le chemin vers le sommet et m'indique un chemin qui est plus long que ce que dit la technologie. Mais soit, ça semble lui faire plaisir. Il insiste ensuite pour que je le prenne en photo puis passe 5 minutes à regarder les photos que j'ai prises sur mon téléphone sans rien dire. Au bout d'un moment je lui explique que je dois marcher avant de finir trempé car la pluie arrive. Il me demande alors si j'ai des chocolats ou de l'argent pour lui. Je lui dit que j'ai de l'eau, mais ça ne semble pas l'intéresser et il semble déçu. Au moins il n'était pas agressif, comme d'autres enfants rencontrés la veille sur la montagne de l'autre côté du lac.

Après quelques poussées sur les jambes et deux ou trois refus face à de généreuses offres de marijuana, me voilà arrivé à mon logement du soir : Himalaya Crown Lodge. J'ai une belle chambre avec vue sur les montagnes et un balcon avec la même vue, si le cœur m'en dit. Le temps de prendre une douche et la pluie commence à s'abattre. Je m'en réjouis, car on m'a expliqué que ça dégagerait le ciel pour le lever de soleil et le parapente. La pluie ne dure pas et le soleil fait une belle percée, m'offrant le plus intense arc-en-ciel que j'ai jamais vu.

C'est la première fois que je vois aussi bien le violet et même une couleur au delà du violet (qui ressemble au bleu le précédant, si quelqu'un sait m'expliquer pourquoi).

Une fois la pluie calmée, je pars en expédition pour observer les vraies montagnes.

La pluie n'était pas vraiment calmée. 

Je vais me mettre au chaud et déguste des momos et autres spécialités à base de poulet, en compagnie d'une Danoise et de sa logeuse Népalaise. J'en profite pour récupérer des bonnes adresses de restaurants à Pokhara, que j'oublie aussitôt. Il est désormais temps de se coucher pour profiter du lendemain en pleine forme.

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La journée va être remplie. À l'ordre du jour : admirer le soleil commencer sa journée sur les montagnes, descendre sur Pokhara en parapente puis célébrer Holi en retrouvant Arnaud, le Français rencontré au Vietnam. Je commence par le lever de soleil, car personne ne semble motivé à se jeter de la peinture au visage à 4h du matin.

Une fois le soleil bien levé, je vais me perdre jusqu'à la rampe de décollage des parapentes, où je dois démarrer mon vol. Après avoir vu les premiers vols du jours démarrer sous mes yeux, j'ai hâte de me lancer moi aussi. La prise d'air ascendant du début a l'air impressionnante.

Le temps de rêver un peu et me voilà prêt à décoller avec ma pilote, une des rares pilotes féminines de la région. Elle me rassure en me disant que c'est son deuxième jour. Je ne saurai jamais si c'était vrai mais j'ai survécu alors ça va!

Ne faites pas ça, il faut courir debout et non assis 😀

J'ai passé 50 minutes dans les airs à naviguer au dessus des vautours, au son de l'altimètre de ma pilote qui essayait désespérément de composer une musique mais qui n'y parvint jamais. Je pensais être plus inquiet de l'altitude mais on est finalement bien installé dans le harnais et savoure le paysage sans trop se soucier de l'éventualité de finir comme une crêpe. Le temps passe en tout cas très vite et on est au sol en un rien de temps.

Une fois rapatrié au centre ville, les festivités d'Holi ont déjà commencé. A l'arrivée du printemps les gens décident de fêter cela en se tartinant la face à coup de peinture en poudre, rien de bien surprenant. Je dois toutefois parvenir à mon hotel pour changer mes habits sans subir trop de ces ravalements de façade. Tout se passe bien et je m'en sors finalement pas trop mal avec quelques saupoudrages sur la face, mais ma tenue a survécu. Je me mets ensuite au pas de course pour retrouver Arnaud et ses nouveaux compagnons de route du jour. Je tombe à pic pour prendre la bière gratuite que personne n'ose accepter. Je suis un peu le désamorceur de situations tendues en somme.

Arnaud un homme haut en couleurs (hohoho)

Je n'ai pas beaucoup de photos de l'évènement alors j'ai écrit un poème sur Arnaud et son t shirt de Holi.

Arnaud, tu es le jaune de mon œuf, tu me donnes la force d'avancer chaque jour depuis maintenant 48h (et ça en fait des jours).

Tu es le vert des pâturages dans lesquels je batifole.

Tu es le bleu du ciel qui m'accueille chaque matin,

Le rouge de chaque coucher de soleil qui me berce.

Tu es le violet de Donatello, la tortue ninja.

Toutes ces couleurs sur un t shirt, dans un cœur, un homme en or.

Bravo l'artiste.


Sinon Holi c'était des bières, de la danse, des revendications #giletjaune autant écoutées ici que dans l'hexagone, beaucoup de couleurs, un peu de pluie. En bref une super journée qui s'est finie par une raclette!

Nous voilà désormais fins prêts pour randonner sérieusement plus près de l'Annapurna.

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Nous y voilà, Arnaud et moi partons pour un trek assez touristique mais qui vaut le détour parait-il : Ghorepani - Poon Hill Track. Comme son nom l'indique, il doit nous emmener à Ghorepani, village duquel nous monterons jusqu'à Poon Hill. C'est un sommet culminant à 3210m, offrant une vue sur l'Annapurna, particulièrement prisée au lever du soleil.

Mais une bonne randonnée commence par une bonne préparation. La veille au soir, nous prenons donc une pizza pour 2 et une bière en regardant le retour du roi dans un cinéma en plein air de Pokhara!

Après ce faux-pas, le réveil sonne le matin, il est temps de se mettre en route. Nous prenons un taxi pour la gare routière puis sautons dans le bus qui nous emmène à Nayapul, où nous voulons démarrer la marche. Nous avions lu 150 roupies et 1h30 pour le trajet, c'est en fait 250 et 3h! L'inflation du prix n'est pas trop gênante, celle du temps un peu plus.

Des niveaux d'excitation légèrement différents pendant le trajet 

Une fois nos disques intervertébraux bien tassés par le trajet sur des chemins de terre/pierre, il est temps de faire tamponner nos permis, d'enfiler nos sacs, et de nous mettre en route.

Rééquilibre des niveaux d'excitation, pas de la focale. 

Nous partons en fait de Birethanti, le village après Nayapul sur la route du bus. Après avoir engloutis des samossas au plomb (emballés dans du papier journal), il est 11h, le soleil tape et la piste ne fait montre d'aucun point d'ombre.

Nous sommes un peu seuls sur le chemin et pour cause. La plupart des randonneurs choisissent de se défaire de ces premiers kilomètres sur piste en prenant une jeep pour arriver directement à l'ascension. On s'en fout, ils ont raté les poules et des petits hameaux qui voient passer plus de voitures que de piétons.

Oh les tricheurs! 

Une heure de marche et quelques gouttes de sueur plus loin, nous arrivons au début de l'épreuve. Pour atteindre Ghorepani, il va falloir monter 3200 marches, ce qui s'annonce une belle épreuve pour les jambes.

Et de 5! Plus que 3195. 
Le chemin est très varié, riche en ponts, poules et marches.  

Quelques heures, beaucoup de marches, de sueur et de grognements plus loin et nous arrivons à Ulleri, notre village étape pour la nuit.

Vue sur mer et décoration moderne sont au programme. 
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Pour ce deuxième jour, nous petit-déjeunons à 5h30 pour partir aux aurores, la météo indiquant de la pluie pour l'après-midi.

A 6h nous sommes lancés, équipés chaudement, le soleil étant absent. Sourires et signes tendances sont de la partie.

6h15, le soleil se lève. Nous avons gravi 50 marches et perdu 3 litres de sueur. En fait il fait pas si froid que ça à 2000m.

Une fois l'impair vestimentaire corrigé et nos impers retirés, nous gravissons la montagne. Cette deuxième étape est plus variée de par son relief et nous ne nous voyons pas infligé des marches constamment. La randonnée avance à bon train et nous voyons Ghorepani poindre plus vite que prévu. Nous tentons de rejoindre l'hôtel le plus en hauteur de la ville, qui doit logiquement jouir de la meilleure vue. L'ascension est vaine : l'hôtel est en fait mal positionné sur la carte (merci les internets!) et il n'y a rien que des toilettes et un guichet. Nous avons toutefois le droit à notre premier aperçu des Annapurna et c'est plutôt pas mal.

Nous redescendons un peu la montagne pour nous arrêter à la première loge trouvée, avec une super vue sur les montagnes. On arrive à 10h30, quand des gens commencent seulement leur journée. On a peut-être vu un peu large.

Le ciel se couvre vers midi et on est finalement contents d'être arrivés plus tôt, car il n'y a plus grand chose à voir, sauf si on aime les nuances de gris.

Des averses de pluie et de grêle plus tard, et malgré une couverture nuageuse peu encourageante, nous décidons d'aller observer le coucher de soleil depuis Poon Hill! Ça nous fera un entraînement avant de le gravir de nuit.

Tiens tiens, des marches. Ça nous avait manqué. 

Vu le mauvais temps, personne n'a fait le déplacement, nous croisons une personne qui descend et une autre en haut. Nous avons tout l'espace pour nous!

Essais artistiques, avec de très beaux modèles 

Le relief ne permet pas d'illumination incroyable. Le soleil se couche derrière les montagnes à l'ouest avant de pouvoir teinter de rose ou d'orange les Annapurna. Ça reste très plaisant, en particulier parce que je suis tout seul en haut de cette montagne. Le badaud et Arnaud ont disparu pendant que j'étais occupé à faire des photos dans les flaques d'eau.

En descendant, je retrouve finalement Arnaud et il m'offre un shooting photo incroyable sur une plaque de neige ayant survécu aux agressions quotidiennes du soleil.

Content 

Nous nous couchons en sachant que le temps du lendemain est pourri. Nos réveils sont mis à 5h30 sans vraiment y croire, nous allons sûrement rester un jour à Ghorepani car le jour d'après doit être totalement dégagé.

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Le réveil sonne, je trouve la force de tirer le rideau pour observer la montagne. Le ciel est plutôt dégagé et on s'en veut un peu de ne pas s'être levés pour gravir la montagne avec les 200 autres personnes. Nous petit-déjeunons et apprenons des gens qui descendent que les nuages avaient masqué le soleil. Pas de lever de soleil, on a finalement rien raté.

Aujourd'hui on ne fait rien, le ciel est menaçant et on a pas envie de se retrouver trempés inutilement, en l'absence d'habits de rechanges suffisants.

Chien du jour, mules en file et mule roulée

La journée se prête à la lecture et c'est ce que nous faisons chacun de notre côté.

Mais avant que la pluie ne vienne, nous nous offrons un grand plaisir. Les parents d'Arnaud lui avaient amené du pâté au Laos, qu'il a ramené au Népal rien que pour moi ( <3 ). Nous trouvons du pain de mie et du fromage de yak en ville. Ça ne vaut pas une bonne baguette et du conté, mais le tout est déjà super bon!

Une fois notre déjeuner dégusté, la pluie s'invite, nous chassant de la terrasse. Elle restera toute la journée. Finalement on a bien fait de ne pas précipiter la randonnée, la marche aurait été bien ennuyeuse vu l'intensité de la pluie et parfois de la grêle.

Nous mettons à nouveau nos réveils pour tôt le matin, avec cette fois-ci la certitude qu'il faudra répondre à leur appel.

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Le réveil sonne, on enfile nos couches de vêtements, qui vont être bien utiles quand on glandera en attendant le soleil (je me souviens que c'était compliqué même à la Réunion, alors ici...). L'ascension se fait trèèès doucement. Il y a beaucoup de monde, les gens font des pauses au milieu du chemin. Bref le ciel s'éclaire et on est toujours pas en haut. J'active le mode cabri, me glisse entre les bâtons de randonnée et me faufile tant bien que mal vers le sommet.

On arrive finalement encore assez tôt pour voir le soleil effectuer sa progression sur les reliefs.

Annapurna et Mont Fuji sur une seule photo. Incroyable. 

Pour être honnête, voilà quand même Poon Hill et sa population au lever du soleil. On est loin du coucher de soleil paisible 2 jours auparavant.

Une fois le spectacle capturé par nos rétines et nos appareils photos, nous redescendons tranquillement pour manger un bout avant de se lancer dans la suite de nos aventures.

La descente offre encore un beau spectacle sur les montagnes 

Pancakes, oeufs, pains tibétains, patates. Tout ça ingurgité et nos sacs organisés, nous sommes prêts à cambrioler la loge.

Finalement nous les épargnons et partons simplement pour notre randonnée. Au programme du jour : franchir le Deurali Pass (Deurali veut dire col en Népalais donc c'est un peu un pléonasme mais passons) à 3090m, passer par Ban Thanti à 3180m, puis faire escale à Tadapani à 2630m. De là, nous partirons chacun de notre côté.

Le col est atteint et avalé en une bouchée, non sans quelques regrets de la part d'Arnaud pour la cigarette du matin. La vue est magnifique, peut-être même mieux que depuis Poon Hill pour moi.

La face cachée du relief. Pas de sommets à 8000m, mais de belles collines tout de même.

Nous continuons notre chemin qui commence finalement à descendre. Ce n'est pas pour autant le plus simple, car le début est enneigé et mes chaussures n'agrippent pas grand chose pour ne pas dire rien.

La suite du chemin se passe tranquillement, à une montée finale prêt qu'on avait pas imaginée dans nos rêves les plus fous. Quand on croit être arrivé et qu'on doit monter 200m de marches raides, ça fait mal aux cannes, surtout quand on a décidé de fumer une cigarette 5 minutes plus tôt (petite pensée pour Arnaud).

J'arrive enfin à Tadapani et savoure la vue pendant qu'Arnaud en finit avec la montée. J'en profite pour commander du pain perdu, qui sera le bienvenu pour le reste de la journée de marche qui m'attend.

Après un au revoir avec Arnaud rempli d'émotion et de masculinité, il est temps pour moi d'attaquer la suite du trajet. Je pars de Tadapani à 2680m pour Sinuwa à 2340m. Mathématiquement ça semble simple, il va falloir descendre un peu. En réalité je vais devoir descendre plus de 1000 mètres et en remonter 800, que du bonheur en vue. Quand la journée sera finie j'aurai avalé 22km et 1400m de dénivelé positif, et je serai sûrement gratifié d'une belle nuit de sommeil.

Comme prévu, je descends pendant longtemps le relief des montagnes pour m'engouffrer dans la vallée. Je maudis chaque pas qui est presque autant que je vais remonter plus loin. Heureusement le spectacle fait oublier un peu l'effort et la fatigue grandissante. Je picore mes fruits secs et me ravitaille en eau quand c'est possible.

Je finis par arriver à Chomrong, point de départ du sanctuaire de l'Annapurna! C'est ici que je fais tamponner mon permis, et indique mon itinéraire au checkpoint : une nuit à Sinuwa, puis à Deurali, puis au MBC (Machapuchare Base Camp), puis ascension au ABC (Annapurna Base Camp) avant de redescendre la montagne. La garde m'indique juste de suivre un guide ou un porteur au delà de Deurali, par sécurité.

Début de l'ascension vers l'Annapurna Base Camp! En compagnie de Gaston et Marie-Lou

A Tadapani j'avais demandé sans trop de conviction au patron du restaurant si je pouvais trouver un bâton de marche dans le village. Il m'en avait filé un depuis un tas de débris. Il a très vite trouvé une place dans ma famille et a été baptisé Gaston le bâton. En arrivant au checkpoint, une deuxième canne a rejoint la troupe : Marie-Lou le bambou. Je n'ai jamais marché seul, et mes jambes m'en remercient grandement. Je ne pense pas que j'aurai pu tenir les grosses journées sans ces deux compagnons.

J'arrive finalement à Sinuwa, à bout de force, et suis bien content d'y trouver une douche chaude et une belle vue à apprécier depuis mon lit. Je fais une sieste, dîne, et me couche tôt car une autre grosse journée m'attend le lendemain.

Avant de me coucher je discute toutefois avec les autres résidents du jour. Une famille redescend de la montagne, où ils m'indiquent qu'ils ont dû faire demi-tour car les conditions étaient dangereuses. Ils ont eu du mal à redescendre car le relief était glissant au bord de ravins. Je discute ensuite avec un guide qui m'indique qu'il y a eu une avalanche sur le chemin à emprunter la veille. Il m'énumère tous les dangers potentiels plus haut, m'apprend comment sortir de la neige si tout mon corps tombe dedans, que si je me retrouve dans une avalanche il ne me reste plus qu'à courir et prier. La discussion dure et ma motivation pâtit un peu plus à chaque seconde. Je décide finalement de monter le lendemain, et de m'arrêter si je ne le sens pas.

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Réveillé un peu avant 5h ce matin, il me faut une demi heure pour m'extirper de mon lit. La marche et la discussion de la veille ont laissés des marques physiques et psychologiques. J'enfile mes habits pas trop chauds, allume ma lampe frontale et me lance dans la pénombre éphémère du matin.

Je pénètre progressivement dans la vallée, qui sera mon lieu de résidence pour les prochains jours. J'imagine un enfer de neige, avec des chemins techniques, un danger à chaque virage mais on en est bien loin.

Alors oui, la neige fait son apparition, et c'est sûrement pas drôle de marcher en chaussures de ville. Mais mes running trail font ici bien l'affaire et à part une ou deux zones où on peut être inquiet si on réfléchit trop, le chemin se fait sans danger apparent.

Parti tôt, j'arrive finalement tôt, à 10h et des poussières. Le guide qui m'avait flipper m'avait dit qu'il était plus sûr de ne pas être sur la neige après 11h, ce que j'ai suivi religieusement. Je me promène autour de ma loge, et admire le paysage somptueux.

Après un brunch (omelettes et nouilles), je pars faire une sieste, mon corps est épuisé. Au réveil deux heures plus tard, le ciel s'est couvert et la température chute déjà. Il faisait trop chaud au soleil pour moi avant, il fait désormais froid partout.

Je discute avec mes voisins de table qui s'avèrent être mes voisins de dortoir également. Un couple d'Allemands qui me partagent des prévisions météo différentes de celle qui ont façonné mon itinéraire. Demain semble être le dernier jour de beau temps avant au moins 4 jours de nuages et de neige, compliquant tout. Nous décidons alors de monter à l'ABC le lendemain matin et de redescendre au MBC y passer la nuit. Il n'est plus possible de dormir tout en haut, les loges ayant été détruites par une avalanche quelques semaines plus tôt. Après discussion avec un groupe d'Italiens retraités qui, eux montent l'ABC et redescendent à Deurali le jour même, sans gros sac donc, nous décidons de faire pareil.

Avec toutes ces discussions, mon séjour en altitude vient d'être raccourci de 2 nuits mais devrait me permettre de voir les montagnes dans de bonnes conditions.

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Ce matin, c'est réveil à 5h pour changer! J'ingurgite mon premier porridge, et me rends compte que j'aime beaucoup ça. Le temps de manger, se faire beau, et enfiler l'attirail du jour, il est 6h et me voilà lancé sur la neige.

Je commence par suivre le couple allemand et le groupe italien. Il me semble plus sûr de marcher en groupe plutôt que tout seul. Malheureusement leur rythme fait que je ne serai jamais rentré avant 11h si je reste avec eux. Je pars en solo, le chemin étant parsemé d'autres marcheurs.

Après moins d'une demi heure de marche j'approche d'une section qui passe sous une plaque de neige menaçante de par son angle et sa taille mais il n'y a pas le choix. Après l'avoir franchie j'entends un tonnerre retentir. Je me retourne et constate qu'il n'en est rien. C'est en fait une avalanche qui vient de se déclencher sur le relief haut, et est venue s'arrêter à 50m du chemin que j'ai emprunté plus tôt. Tout le monde reste immobile quelques temps, hébété par le bruit puissant et le spectacle. Chaque troupe reprend ensuite sa marche et j'en fais autant.

La marche continue. Je suis bien dans les montagnes, et non plus autour désormais. Je pense aux gens qui s'aventurent ici en chaussures de running ou même juste sans crampon. C'est presque déconcertant de facilité avec, et je suis bien content d'avoir investi.

J'ai bien cravaché et j'arrive vers 7h au MBC. On m'indique qu'il reste deux heures jusqu'en haut, une heure en allant vite. Je vise donc une heure et ne perds pas de temps avant de m'activer pour cette ascension finale. Au bout de 10 minutes, je peux voir le soleil descendre sur la montagne face à moi, à mesure qu'il s'extirpe de la couverture de celle dans mon dos.

Dès que les rayons m'atteignent, la température grimpe en flèche. Je retire mes dernières couches de vêtements et garde juste de quoi me protéger du soleil, qui tape doublement ici avec la neige. Le spectacle est encore superbe, et le soleil modifie le relief au fil des minutes. Voir toute cette neige sans la moindre trace de ski est un spectacle agréable.


Je m'attarde un peu au base camp, qui a été soufflé par une avalanche plus tôt en mars. La puissance d'une avalanche peut être mesurée par les dégâts infligés. Murs arrachés, toits pulvérisés, débris partout. Il ne reste pas grand chose de ces bâtiments qui n'avaient jamais connu tel sort auparavant. Par chance les lieux avaient été évacués avant l'incident et personne n'a été blessé. Il faudra quand même une année pour reconstruire les habitations, un gros coup dur pour leurs propriétaires.

Si le chemin de l'aller était motivé par le spectacle, celui du retour l'est plus par l'envie de vivre. Le soleil tape sur la neige, et le flanc que je dois emprunter est le premier ensoleillé chaque jour. En descendant vers le MBC, j'entends un nouveau tonnerre. En croisant des gens, ils me disent que c'était une avalanche qu'ils ont vu dans mon dos, sur l'Annapurna Base Camp que je viens de quitter. Je prends conscience que la majorité du chemin qui m'attend se situe sur ou sous des plaques pouvant céder, ce qui ne m'emplit pas de joie. Je marche à une vitesse soutenue, au rythme du crépitement du manteau neigeux sous la chaleur du soleil.

Le dernier épisode me restera en mémoire même s'il est finalement peu impressionnant vu de l'extérieur. Je m'approche de la première zone qui m'avait inquiété à l'aller, d'où j'avais pu observer la première avalanche. Un guide qui passe dans l'autre sens me dit de me méfier car l'endroit est particulièrement menaçant. Je lui demande ce que je peux faire par sécurité. Il me dit d'être prêt à courir. Me voilà rassuré. Il me suffit de faire cinq pas pour entendre un nouveau tonnerre, particulièrement proche cette fois-ci. Je lève les yeux et vois de la neige s'écouler doucement du relief supérieur sur la plaque que je ne veux pas voir fondre sur moi, dans tous les sens du terme. Je me précipite vers la hauteur d'où je viens, et observe ce qui se passe. Le filet de neige ne s'interrompt pas mais plus de bruit sourd à faire trembler la vallée. Je décide de prendre mes crampons à mon cou et marche très vite pour quitter dès que possible la zone.

A bout de nerfs, d'adrénaline, et de force, j'arrive finalement sain et sauf à l'auberge. Mon sourire est un mélange de bonheur et de soulagement. Ce jour-là comme à peu près tous les autres, tout le monde finit sa journée dans un lit et pas dans la neige. Mais je me rends compte que ça se joue à peu de choses désormais.

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Aujourd'hui, j'ai décidé de changer de rythme et de me lever à 5h. J'attends mon petit déjeuner qui ne vient pas, je pars à 6h. Ce retard pourrait me coûter cher car des orages sont prévus en début d'après midi et j'aimerais les éviter.

J'ai fait peu de photo de la première moitié du chemin, étant donné que c'est le même qu'à l'aller. J'ai rencontré plusieurs chiens, qui ont ponctué mon trajet à leur manière. Les voici.

Chien marron. Spécialités : marcher sur mes pieds, bloquer le chemin, me rentrer dedans en descente.
Chien noir. Spécialités : être un bon chien, m'abandonner pour un randonneur qui le caresse.
Chien dormant. Pas de spécialité décelée.
Gros chien. Spécialités : pelage foufou, regard de désapprobation. 

Sinon j'ai réussi à m'extirper du sanctuaire par le même chemin que celui emprunté pour y entrer. La montée finale vers Chomrong fut interminable. Un randonneur m'avait doublé en gambadant dans la descente. Ne pouvant courir avec mon gros sac je l'avais laissé filer. Je l'aperçois dans la montée et décide que je franchirai le checkpoint avant lui. S'ensuit une des ascensions les plus douloureuses de ma randonnée à sprinter jusqu'au sommet des marches, qui se trouve à chaque fois être le commencement d'une nouvelle série.

Fraîcheur de vivre 

Arrivant en haut, mon égo est satisfait, mon corps beaucoup moins. Je reprends mon souffle 5 minutes, tamponne mon permis pour la sortie du parc, et me mets en route vers Jhinu Danda, où je compte profiter des sources chaudes naturelles.

Les prévisions météo sont malheureusement bien correctes et le temps n'invite pas à rester dans la montagne, sachant qu'il ne va faire que s'empirer, avec plus de 20mm de pluie en 24 heures. Je décide de descendre jusqu'à Ghandruk pour prendre un bus vers Pokhara. Ça fait un total de 23km et 1600m de dénivelé, essentiellement négatif, et je dois parvenir à la station avant 15h, pour le dernier bus. Ça fait beaucoup de chiffres dans un paragraphe.

Bye bye le pont, à jamais! 

Je vais arrêter les chiffres et ça tombe bien, je ne connais pas la longueur ni la hauteur de ce pont, mais c'est environ beaucoup sur beaucoup. Il n'est pas question de tergiverser, le détour par la vallée prendrait des heures, et attendre ne ferait que renforcer ma peur du vide. Je me lance immédiatement sur le pont, et ne m'arrête pas pendant toute la traversée, qui a duré quelques minutes. Le tout finit par une montée plus rude que j'imaginais. Petite astuce si vous flippez comme moi : concentrez-vous sur les crottes de mules qui jonchent le pont.

Je sens l'énergie quitter mon corps, et le recharge tant bien que mal avec de l'eau, des barres des céréales et des fruits secs. Les morceaux de coco ont un goût de paradis. Mais le paradis ne semble plus nourrir mes jambes. Je dois compter sur Gaston et Marie-Lou pour faire le taf.

Heureusement c'est la fin des surprises! Ah non. Une demi heure après le pont je commence à voir de plus en plus de rochers de taille croissante sur mon sentier. Ils sont bien propres, comme s'ils étaient fraîchement tombés. Je vois aussi des traces de glissement de terrain. Tout ce qu'il me fallait après la journée de la veille. Je dois franchir par deux fois ce qui ressemble à des rivières de graviers, jonchées de plus gros rochers et de troncs à des angles relevant plus du toboggan que de la plateforme stable. J'hésite à traverser mais comme toujours, reculer ne gommera pas l'obstacle et je me lance, avec toute la sérénité possible, c'est à dire presque aucune. Un peu plus loin je remonte en suivant des traces de bottes et me rends compte de la raison de cette course d'obstacle : une piste est construite plus haut, et tous ces éboulis sont causé par l'homme.

La dernière péripétie de cette journée sera simplement l'heure qui avance couplée à la carte qui est complètement déconnectée de la réalité, le tout sous des averses orageuses. Je finis tout de même par gagner ma course contre la montre et saute dans le bus pour Pokhara à 14h.

A ce stade plus rien ne m'atteint, à part peut-être l'orage qui s'écoule partiellement par le câblage du toit du bus pile sur moi. Rien qu'une veste imperméable et du flegme ne puissent corriger toutefois.

La pression peut enfin redescendre. Les deux jours passés ont été éprouvant, en bien comme en mal. Je vais bientôt retrouver le confort d'une chambre d'hôtel, bien mérité. Le dernier moment fort sera mon arrivée à l'hôtel et cette phrase : "Il a plu toute la journée, la douche solaire sera sûrement froide, désolé!".

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Après avoir traîné à Pokhara, je me suis décidé à prendre un ticket pour Katmandou, en sachant que ça me forcerait à partir faire autre chose rapidement. Me voilà donc 3 jours plus tard dans un bus à destination de Shivalaya avec une idée générale d'où aller. La montagne s'appelle Pikey peak, PK peak, Pike peak, selon l'humeur. Elle se trouve près du chemin qui mène à l'Everest Base Camp sans prendre l'avion, et peu de monde s'y rend. Ça devrait donc être un bel endroit pour se promener tranquillement sans croiser trop d'autres touristes.

Le trajet doit durer 9-10 heures m'a-t-on annoncé dans le petit conteneur qui sert de guichet à la station de bus. La journée a bien commencé par un orage et des trombes d'eau à 5h du matin, ce qui devrait rendre la route plus simple à naviguer. J'ai eu la bonne idée de lire un blog la veille qui contait comment une personne avait failli voir son bus et sa personne tomber au fond du ravin sur ce trajet. Les paramètres sont en effet en faveur de petits accidents : une route pierreuse étroite, des virages pris à pleine vitesse, un bus dont tous les organes peuvent lâcher à tout moment, plein de véhicules à passer et dépasser, des précipices verticaux de plusieurs dizaines, voire centaines, de mètres, de la musique aiguë avec de la flûte qui rentre dans la tête. Bon le dernier élément ne dérange que moi je pense, je ne suis toujours pas habitué.

En bonus je suis assis à côté d'un malheureux enfant de 8 ans qui voyage seul et est malade comme pas possible. Il passe le trajet à tousser dans toutes les directions, celle de mon visage comprise, et occupe les temps morts par des vomissements. Le reste du bus n'est pas en reste et les "contrôleurs" doivent assurer un rythme soutenu de distribution de sacs plastiques tellement tout le monde est affairé à rendre les repas ingurgités au fil des escales du périple. Ils s'amusent de devoir tester plusieurs sacs pour en trouver un sans trou. Enfin ils distribuent des sacs dans lesquels ils ne trouvent pas de trous de la taille de leurs doigts, je n'ai pas vérifié l'étanchéité lors des différents remplissages. Je n'ai vu personne sortir avec un sac rempli, donc soit personne ne sait viser, soit tout le monde a allègrement jeté ses créations par les fenêtres comme tous les autres emballages. Au tour de France, les cyclistes jettent leurs gourdes, c'est juste un peu moins glam ici...

C'est un bus local mais j'ai eu de la chance quand même, il n'est pas bondé et ma place réservée m'était bien réservée. Il y a juste une dame qui occupe l'allée centrale, assise sur un seau. Elle a perdu à la chaise musicale j'imagine. Arrivé à Jiri, une heure avant ma destination finale, le bus se remplit cette fois-ci intégralement, voire même au double de sa capacité. C'est l'occasion de discuter un peu avec les gens, dont la condition se rapproche de la sardine en boîte, sans huile heureusement. Une dame me confie sa fille de 16 mois sur les genoux, qui me regarde hébétée deux minutes avant de se mettre à pleurer. Je rend l'appareil bruyant à sa génitrice qui parvient à l'endormir en deux minutes malgré le lessivage permanent des sauts du bus sur le chemin accidenté. J'hérite à nouveau de l'enfant pour le reste du trajet, qui restera sage et endormi.

Me voilà enfin arrivé à Shivalaya! Le trajet a mis plutôt 14 heures, mais je ne m'attendais pas à un miracle de ce côté là donc ça ne me dérange pas plus que ça. Je suis juste content de pouvoir réutiliser mes jambes.

Je me promène dans la petite bourgade de 200 mètres de long pour en apprendre un peu plus sur ses habitants et leurs coutumes.

Une tradition du village consiste à acheter un tracteur pour faire sa demande en mariage. C'est en fait la femme qui procure le tracteur qui servira à cultiver les terres de l'homme. On trouve alors beaucoup de tracteurs affublés de mots d'amour partout dans les rues. C'est bien sûr totalement faux et je n'ai aucune idée de l'histoire derrière ce tracteur mais "Dites-le avec des tracteurs" ça ferait quand même un super slogan pour la fête des mères ou la Saint Valentin.

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Une fois de plus les mathématiques sont intraitables. Shivalaya se trouve à 1790m au dessus du niveau de la mer, PK Peak à 4070. Il va donc falloir monter un peu pour y arriver!

Cette première journée à basse altitude me fait grimper un col avant de dégringoler dans une vallée, à remonter immédiatement derrière. Au bout de 5 minutes je constate que mes jambes ne sont pas du tout en forme et qu'il va falloir forcer sur les bras pour mener à bien la marche du jour. Sûrement pour tester ma propre volonté, je m'égare plusieurs fois du chemin pourtant signalisé par des ronds rouges placés assez régulièrement sur les arbres et rochers. Outre les ronds rouges, on y trouve des nombreuses espèces intéressantes.

Impossible de ne pas montrer des poules 
La chèvre est très représentée en ce premier jour 
Un chien câlin et un chien grognon. Si j'avais approché le second de plus près je n'aurais plus de main aujourd'hui 
Il y avait même une vache mignonne! 

Bien entendu il n'y avait pas que des animaux sur ce chemin. Il y avait également un cuiseur solaire, une pagode, une fraise des bois, et des montagnes enneigées en arrière plan.

Après être décédé trois fois mentalement et avoir rendu un vibrant hommage à mes cuisses qui sont vraisemblablement restées à Katmandou, j'ai vu poindre la loge du jour. Quelques poussées sur Gaston et Marie-Lou plus loin et me voilà arrivé. C'est une petite ferme avec 3 générations d'humains, 2 générations de vaches, chiens et chèvres, et un nombre incalculable de générations d'abeilles. Je suis le seul à m'être perdu ici aujourd'hui et fais le bonheur des plus jeunes qui sont contents de pouvoir parler anglais. En commandant des pains tibétains pour le goûter, j'en fais malgré moi profiter les enfants, le grand père décidant d'en faire pour tout le monde. Une fois toute cette huile agrégée par de la farine de riz ingurgitée, et avoir discuté et joué avec les enfants, je vais faire une sieste pour me remettre de mes émotions.

Au réveil plus de lumière du jour ou artificielle, le courant ne parvient plus à la ferme depuis quelques semaines apparemment. Je mange avec la famille dans la cuisine le dal bhat du jour, bois le thé au lait salé, et respire la fumée du feu de bois comme tout le monde. Je me rends ensuite dans mes quartiers pour dormir pour de bons, après une séance d'histoires d'horreurs avec Fuji-kun.

C'est toto qui va à la pharmacie pour acheter des suppositoires... 
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Mes jambes ont semble-t-il pris un hélicoptère et m'ont rejoint pendant mon sommeil. Je me sens un peu plus apte à continuer l'ascension et ça tombe bien, aujourd'hui je dois monter 1300 mètres jusqu'au base camp. Je démarre équipé chaudement, fais 200 mètres et enlève toutes mes couches car il fait déjà très chaud, alors qu'il n'est que 6h du matin.

Avec de la volonté, on peut inventer l'Everest dans cette vue 

Après un peu de marche j'arrive à la première étape, Ngamor Gumpa, un village sur le haut de la montagne avec un monastère bouddhiste que je ne visite pas. Je peux enfin apercevoir mon objectif : Pike Peak! La veille il était caché dans les nuages.

Pike peak, c'est la montagne avec le petit capuchon enneigé. 

A la fin de la journée je dois être à une heure du marche de ce sommet, donc j'ai du pain sur la planche! J'admire les paysages sur le chemin mais maintient aussi un rythme soutenu pour mener à bien ma mission du jour.

Les rhododendrons offrent un spectacle coloré partout dans le Népal en cette saison 

Je monte toujours et encore et arrive à Ngaur, dernier village avant le sommet. Je pense naïvement que le base camp n'est plus loin et m'engage donc sur le chemin indiqué. Celui-ci bifurque de la route directe vers le sommet, et n'est donc pas marqué par les ronds rouges habituels. Il n'y a toutefois qu'un chemin, difficile de se perdre donc.

Les inscriptions sur les rochers disent sûrement "bienvenue en enfer" 

En partant du postulat que le chemin restant est court, je me pose de plus en plus de questions en ne voyant pas arriver ma destination. Je commence à me demander si je n'ai pas passé le base camp en le prenant pour une simple ferme, et si je ne serais pas en route pour le sommet. Mes réserves d'eau et le timing ne sont pas très favorables si tel était le cas. Je croise par chance des porteurs partis chercher du yak à remonter qui me confirment que c'est bien la bonne route. En poussant un peu et passées quelques crises de foi (pas celles de Pâques), je finis par enfin arriver au base camp.

Je suis accueilli par un chiot touffu et un yak qui est en fait une vache. J'y fais la rencontre d'un couple de Français, Elsa et Arthur. Ça me fait sourire et me rappelle Turckheim. Nous discutons et ils ont sans surprise prévu l'ascension au sommet le lendemain matin pour tenter de voir l'Himalaya s'éveiller, au même titre qu'un autre couple, belge celui-ci. Les deux groupes ont pris un guide et je vais donc pouvoir m'incruster sournoisement avec l'un d'eux sur cette partie du chemin que je n'ai sur aucune de mes cartes.

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La troisième journée commence tôt, le réveil sonne à 4h10, 4h15, 4h20... Je me lève et mets le nez dehors pour voir pas grand chose. Un brouillard épais empêche de voir à plus de 10m, et encore. La belge sort et m'annonce que son guide a choisi de ne pas monter par manque de visibilité. Le guide des Français est plus téméraire et choisit de monter. Nous voilà donc partis dans la nuit gris-noir pour l'ascension finale avec, potentiellement au bout, une magnifique vue sur la plupart des hautes montagnes du Népal.

C'est raide, et ça ne s'arrête jamais de monter mais dans un sens c'est rassurant. On sera plus vite en haut. 45 minutes finissent finalement à venir à bout des 400 mètres qu'il restait à grimper ce matin. Nous sommes accueillis par le même brouillard que celui dans lequel nous avons marché.

Il faut faire un exercice mental et imaginer de magnifiques montagnes en arrière plan, on peut deviner l'Annapurna I, l'Everest, le Merapi, le Kachenzonga. C'est incroyable de voir toutes ces montagnes en même temps.

Fuji-kun pour l'échelle 
Le guide a tenté d'invoquer mère nature en brûlant tous les buissons à 100 mètres à la ronde, sans succès. 
Le soleil a fait quelques percées qui faisaient gagner 10° au ressenti général. Ils étaient les bienvenus. 

En passant 3h au sommet à espérer, sautiller, grelotter, pester, se résigner, on a fini par avoir le droit à quelques percées dans les nuages avec une magnifique vue sur des bouts des montagnes. J'ai vu l'Everest 30 secondes au cumul. La seule photo que j'en ai tiré laisse place à l'imagination. L'Everest est le triangle du milieu (si vous voyez trois sommets).

On a fini par accepter que nous n'aurions pas mieux comme spectacle et il restait du chemin à couvrir, donc tout le monde s'est mis en route.

Le ciel s'est bleui par endroits, mais jamais trop en direction des montagnes enneigées. 

La prochaine destination est, pour moi, Junbesi. Ce village se trouve à quelques heures de marche et un peu plus de 1000 mètres plus bas. Pour commencer, il faut franchir Pike Peak 2, car ils sont en fait deux. Les deux guides et leurs clients choisissent de passer par le flanc et non le sommet, je les suis donc, n'étant pas sûr de mon coup tout seul.

Nous sommes sur la façade Nord Ouest de la montagne, qui est encore bien enneigée car les nuages se lèvent souvent l'après-midi, empêchant la fonte du manteau blanc. On s'enfonce jusqu'à mi-cuisses par endroit, s'accroche à ses bâtons pour traverser des plaques de verglas à d'autres. Au bout de la traversée, 0% de perte, tout la monde a survécu, c'est un beau score.

Problème du jour 

Le problème ce jour-ci c'est mon état. Je n'ai pas assez bu la veille, ai dormi à 3600m, et ai renversé la moitié de mon eau au sommet ce matin. Une fois redescendu de l'autre côté je m'arrête à la première auberge pour manger et surtout boire beaucoup. Je reste prostré pendant une heure, incapable de me décider à bouger. Le problème est que je suis à 3500m et que mon mal de tête et ma déshydratation se régleront plus facilement en descendant. Je bois un troisième litre et me décide à m'élancer dans la dernière ascension du jour, me faisant remonter de 200 mètres avant d'entamer la grande dégringolade.

En arrivant en haut, je vois enfin mes premiers yaks! Ça faisait quand même un mois que je demandais aux Népalais si c'était un yak à chaque vache un peu touffue. Ceci étant fait je peux initier la descente.

J'ai rencontré des Français qui venaient de la monter (car oui, une descente peut aussi se monter, il suffit de se tourner à 180°). Ils m'ont indiqué que mes crampons me seraient utiles et effectivement, ça m'a simplifié la vie. La forêt présente encore de nombreuses zones neigeuses sur toute la première partie avec un bon dévers qui rend le tout glissant à souhait. J'hésite à garder mes crampons pour la boue glissante mais ça abîme le sentier et me résous donc à les ôter.

La seconde partie de la descente est plus douce et, sorti de la forêt, les paysages sont plus variés et colorés. Après des négociations avec pas mal de vaches pour savoir de quelle côté les contourner sans me prendre un coup de corne, patte, ou queue, j'atteins finalement Junbesi, quelques minutes avant la pluie. Ouf!

Cette stupa est occupée à juger tout le monde de façon espiègle

Après une bonne douche chaude, je me pose avec le sentiment que demain risque d'être une journée sans marche, vu l'état de mes hanches et genoux après ces trois journées rudes.

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Mes doutes de la veille se confirment, j'ai besoin de repos aujourd'hui. Je vais donc visiter Thupten Choling, un monastère qui accueille de nombreux moines et nones, à 80% des réfugiés tibétains.

Au programme : pleins de drapeaux de toutes les couleurs, des roues à prière hydrauliques, des moines, des nones, et un taureau.

Je n'ai pas pris de photo ou vidéo mais j'ai pu assister à la prière de groupe pendant quelques minutes et c'était un spectacle impressionnant. Plusieurs centaines de moines et nones chantaient la prière du matin, qui dure plusieurs heures semble-t-il. A intervalle régulier, le chant s'interrompait et tout le monde faisait sonner sa cloche, le tout étant accompagné de différents instruments à vent : de grands cors et des plus petites sortes de trompettes. L'ensemble du spectacle était enjolivé par les décorations de la salle, qui mêlaient dorures, statues et... guirlandes électriques clignotantes.

Je suis parti la fleur au fusil avec un gilet et de l'eau. L'heure du retour se fait sous la pluie et je me rends compte que j'aurais pu me passer de ma gourde, l'eau du ciel suffisant à m'hydrater, en l'absence de veste imperméable.

Le reste de la journée sera passé à lire au chaud, avec le bruit de la pluie sur le toit et les vitres. Le livre du jour, plus ou moins commencé et terminé d'une traite, s'intitule "Et tu trouveras le bonheur qui dort en toi" de Laurent Gounelle. Il m'a été gentiment prêté par Arnaud. Je n'étais pas convaincu par le titre et le quatrième de couverture mais ai finalement été agréablement surpris. L'aspect roman permet de traiter de sujets complexes avec une légèreté apparente. Le sujet de ce livre est finalement une analyse des religions modernes, particulièrement du christianisme (ou plutôt de la parole de Jésus originale) mis en parallèle avec le Bouddhisme. J'ai trouvé le livre intéressant en tout cas!

Le soir, au moment de me coucher, mes habits chauds me font de l’œil, me laissant comprendre que je pourrai reprendre la marche le lendemain, mon corps ne faisant plus montre de traumatismes particuliers.

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Suite à ma panne de la veille, j'avais décidé de rester dans le coin et de faire des petites journées de marche, d'être plus à l'écoute de mon corps. C'est donc tout logiquement que j'ai fait aujourd'hui ma plus grosse journée de randonnée à ce jour : pas loin de 30km, plus de 2000m de dénivelé, bref de la bêtise typique de ma part.

Les paysages étaient très jolis, commençant par une végétation rappelant les chaumes vosgiennes. J'ai aperçu quelques chevreuils, qui ont choisi de ne pas rester à moins de 30 mètres de moi donc pas de photo!

Pour abattre la distance du jour, qui n'était pas décidée à l'avance, je me suis transformé en robot marcheur, avalant la distance malgré un sol de plus en plus boueux et accidenté par les nombreuses mules qui sillonnent ce chemin. Je suis désormais sur la route qui va vers Lukla et Namche, les deux hubs de touristes randonneurs autour de l'Everest. Le relief est alors assisté de la pluie qui chaque après-midi creuse les crevasses et patinoirise l'ensemble. La marche devient donc un jeu où il faut deviner si on met le pied sur un caillou boueux ou un tas de boue dans lequel s'enfoncer. Souvent ce n'est d'ailleurs pas que de la boue, merci les mules.

Cette journée intense aura eu l'effet bénéfique de me laisser dans mes pensées et de m'ouvrir les yeux sur des envies de choses à faire à mon retour du Népal. Dans l'immédiat ça m'a aussi donné une raison d'aller à Lukla, me motivant à pousser aussi loin aujourd'hui.

A la fin de la journée, je m'arrête quand la pluie commence à se renforcer, sentant que je vais retourner dans la zone rouge et m'octroyer un nouveau jour de repos forcé si j'insiste. Je prends une douche chaude puis m'autorise un chocolat chaud, très apprécié à l'abri de la pluie qui crépite une nouvelle fois sur les tôles des toits. Si le rythme est maintenu, je serai à Lukla dès demain, alors que je pensais mettre 3-4 jours à m'y rendre!

20

Alors oui le titre ressemble aux mots clés d'un scénario catastrophe mais il s'agit d'éléments indépendants les uns des autres donc tout va bien, sauf la chèvre. Et un avion en fait. La chèvre va bien pour de vrai.

La journée commence comme les autres, vers 5h30 sur le sentier. Au delà de voir le jour se lever et les montagnes non encore recouvertes de nuages, c'est aussi l'occasion d'éviter les convois de mules pendant deux heures, et donc d'avoir une marche ininterrompue et un peu moins riche en crottin.

Les paysages étaient toujours aussi magnifiques avec une richesse de couleurs dont je ne me lasse pas. Sur le chemin vers Lukla, je suis tombé sur cette chèvre qui m'a fait beaucoup trop rire. J'ai essayé d'expliquer mon interprétation de la scène à la Népalaise qui s'occupait de ses enfants à côté mais, mon accents ou mes gloussements adolescent ont semble-t-il empêché le message de passer.

Je laisse chacun libre d’interpréter la scène.

Une dernière montée douloureuse qui tire sur les mollets et je suis arrivé à Lukla! C'est un des aéroports les plus dangereux du monde. L'approche se fait au milieu des montagnes, avec des avions peu équipés en assistances technologiques. La piste fait quelques centaines de mètre, avec un fort dénivelé pour permettre prise de vitesse et freinage. Un atterrissage raté se solde dans un mur, un décollage raté dans un ravin. Tout ça n'empêche pas les nombreuses liaisons quotidiennes d'afficher complet. La vue en vol est semble-t-il magnifique. J'observe quelques décollages et atterrissages, cet avion "stationné" sur le bord de la piste. Il n'est en fait pas stationné, et j'apprendrais quelques jours plus tard qu'il a en fait vrillé au décollage plus tôt le matin, finissant sa course dans deux hélicoptères, tuant malheureusement 4 personnes. Je suis finalement content d'avoir choisi de marcher.

Une fois le manège de l'aéroport observé, je me mets en quête des quelques éléments pour accomplir la mission qui m'a amené ici.

Certains ont peut-être déjà vu ce mouton. Je l'ai honteusement emprunté ad vitam eternam au Legoland de Copenhague lors d'un échange linguistique lorsque j'étais au lycée. Il m'a suivi partout où j'ai déménagé et voyagé, et j'ai senti l'envie de le faire voyager plus loin encore. Je lui ai donc dédié une page facebook et un site (que je dois mettre en place si les gens jouent le jeu). Je l'ai ensuite remis à des Allemands qui continuaient leur voyage avec comme instructions de prendre des photos avec et de les publier sur la page, avant de le remettre au suivant, etc. On verra si ça marche. Le site : c'est ici.

Le mouton remis, un burger ingurgité, et les avions vus, j'ai fait tout ce que je voulais à Lukla. Il est temps pour moi de redescendre.

Le chemin est toujours plus boueux et la montée est compliquée car très glissante. Les mules sévissent toujours et ça ne fait qu'empirer. Je fais un mini bout de route avec un sherpa un peu âgé qui semble en difficulté dans ce torrent de boue. Je lui remets donc Gaston, qui sera un appui bienvenu dans l'ascension. Je sens en tout cas le manque et déséquilibre qui en résultent. Je glisse plusieurs fois et repeins mes mains sur des zones qui, semble-t-il, n'étaient que de la boue et rien d'origine animale. Je pousse encore un peu mais me résous à me poser dans une auberge pour reposer mon corps et faire le plein de thé au lait. Il me reste désormais un peu moins de 40km, qui devraient pouvoir être couverts durant les deux prochains jours.

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Aujourd'hui est le première jour du reste de ma vie, sans Gaston, et sans le mouton. Quelle crise d'identité.

Les nuages du matin sont très beaux et viennent même dessiner une vague sur la montagne, qui n'est pas sans me rappeler cette estampe japonaise : La Grande Vague de Kanagawa. Ils ne m'ont pas rappelé le nom, que j'ai pompé sur google bien entendu.

Distrait et marchant sans trop réfléchir j'ai bifurqué du mauvais côté après 3 heures de marche. Au lieu de descendre à l'ouest, j'ai commencé à monter au sud ouest. Réalisant l'erreur après 20 minutes j'ai décidé qu'un chemin se présenterait pour corriger le tir tôt ou tard. Il n'est pas arrivé, et pas vraiment tôt non plus. Après deux heures à errer, vidant mes réserves d'eau et marchant en plein soleil, j'ai sorti ma carte et ai essayé d'en faire quelque chose pendant un quart d'heure. Malheureusement une carte 1:125000, la plus précise que j'ai trouvé de la zone, n'est presque d'aucune aide. J'ai finalement choisi de demander à tous les gens que je croiserai par où aller, et de compiler les informations contradictoires pour choisir le chemin le plus probable. Vu que personne ne dit qu'il ne sait pas, on ne sait jamais s'ils donnent une direction par politesse ou en connaissance de cause...

Après deux heures d'errance, j'ai finalement un bon candidat : descendre dans les cultures en terrasse et suivre un chemin qui doit m'amener à bon port d'après plusieurs mamies qui parlaient un peu anglais. Au bout de 5 minutes je croise un serpent vert qui semble être un de ceux qu'on ne veut vraiment pas embêter. Je me dis que je suis sur la bonne route, ça ne pourrait pas être trop facile. Et en effet, après peut-être 10 minutes seulement, ma situation se débloque et me voilà de retour sur le chemin principal.

Je croise rapidement la route de casseurs de cailloux, ces gens qui tapent des cailloux avec des marteaux ou masses de différentes tailles toute la journée. L'un d'eux m'invite à essayer. Je me retrouve donc debout sur un grand rocher plat, à lui asséner des coups de masse de 5kg. Je ne sais pas qui tremble le plus entre lui et moi. A chaque impact je manque de glisser au pied du rocher, qui fait quand même un ou deux mètres de haut.

Une fois l'expérience assimilée, je leur souhaite une belle journée et continue mon chemin. Il me reste quelques centaines de mètres d'altitude à reprendre pour atteindre Nunthala, mon objectif du jour. Je finis ma journée à destination dans un hotel où je suis le seul client. A la tête de l'hotel, une mamie qui gère tout toute seule. On discute et elle me gave comme une mamie le ferait, sauf que c'est moi qui l'ai demandé, et ai payé pour au passage. Je suis rassasié et paré pour mon dernier jour de marche.

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Si tout se passe bien, c'est mon dernier jour de marche! Ai-je besoin de donner l'heure de départ? Je ne crois pas. La marche du jour devrait être assez simple, commençant par 800m d'altitude à gagner, avant du plat et de la descente pour le reste de la journée.

Je fais la rencontre d'un super chien qui m'accompagnera pendant une partie de l'ascension du jour. Il commence par me suivre 10 mètres en arrière et au fil des carresses et des appels il a fini sa promenade à côté de moi. Malheureusement, arrivé au village suivant, il s'est fait courser par les chiens de la bourgade et je n'ai jamais pu lui dire au revoir. Si jamais tu lis ces lignes, au revoir chien.

La marche continue, sous un ciel voilé dont les nuages masquent le bout des montagnes. J'arrive au sommet et profite une dernière fois du point de vue, avant d'entamer la descente.

Je croise différentes bêtes sur la route, dont un enfant, avec qui je fais quelques passes de volley. En ratant une manchette, la balle finit presque au pied de la vallée, quelques centaines de mètres plus bas. Il me dit poliment bye bye et je comprends que je ne suis pas le partenaire rêvé. Je travaillerai mes manchettes avant de revenir au Népal.

Je croise aussi ce chiot qui servira de leçon sur comment apprivoiser un chien :

  • 1. se baisser
  • 2. tendre la main jusqu'à ce qu'il donne la patte
  • 3. le caresser

Si 2. ne fonctionne pas, cuisiner le chien.

Il y avait aussi bien sûr des vaches, des montagnes et des petites chèvres. Je n'ai pas eu le temps de prendre de photos, sans quoi j'aurais pu faire un tutoriel sur comment faire pour qu'un chevreau tête vos doigts (en vrai il suffit d'essayer de le caresser).

Sur la fin du chemin je croise un couple Australien. L'homme n'a pas de bâtons de randonnée. Je lui remets donc la garde de Marie-Lou en lui demandant s'il peut m'envoyer une photo avec elle devant l'Everest, où il doit se rendre. On verra bien si elle arrive à bon port (ou on dit à bon base camp? je ne sais pas). Les dernières montées sans aucun bâton me font comprendre que mes jambes ont fait leur maximum et que je n'aurais pas pu aller beaucoup plus loin. Le timing est donc parfait. C'en est fini pour les montagnes au Népal!