J0 : Arrivée sur Senaru - Lombok
Le moment tant attendu est arrivé : nous partons pour Lombok avec comme objectif l'ascension du volcan Rinjani. Nous avons rendu les scooters à Ubud et notre première mission est de trouver comment traverser la mer pour nous rendre sur l'autre île. Mais surtout nous devons trouver un moyen de nous rendre dans le village de Senaru qui est le point de départ de tous les treks pour Rinjani. Car si nous en croyons le guide, aucun bus ne s'y rend et les deux seules options sont : prendre un taxi pour 3h (bonjour le coût) ou prendre un scooter/taxi depuis un village sur la côte (sachant qu'avec nos gros sacs il nous en faudra deux donc pas evident...).
Nous partons à 7h du matin, à bord d'un mini van qui nous depose au port de Padangbai et de là nous découvrons que le seul port de Lombok desservit par le ferry, est celui de Lembar, tout au sud, alors que nous devons aller au nord... Tant pis, c'est 10 fois moins cher que les speed boats et en plus on retombe sur un couple de Français avec qui nous avions fait du snorkelling sur l'ile de Menjangan! Les 5 heures passent du coup plutôt vite en bonne compagnie et avec une tonne de choses à grignoter (nous avions été prévoyants^^).
Arrivés sur place il pleut des cordes et on se dit que ca ne va pas être de la tarte de trouver la gare routière et de négocier nos 3 correspondances. Heureusement, une fois n'est pas coutume, nous avons écouté le blabla d'un rabatteur qui s'est avéré proposer exactement ce que nous voulions et après une courte négociation, au prix que nous nous étions fixé. Nous avons donc payé 1million750 chacun (£100) pour nous faire transporter jusqu'à Senaru, pour faire le trek en 3 jours 2 nuits (3D2N comme on dit ici) et pour ensuite nous faire conduire jusqu'à Kuta, ville du sud de l'île réputée pour ses magnifiques plages. Malgré nos grignotages, nos ventres ont commencé à se faire entendre mais comme on sentait bien que le chauffeur de taxi était un peu pressé, on a mangé nos nasi goreng dans la voiture. 11h après notre depart d'Ubud nous arrivons enfin! Merci mes sea band (bracelets exerçant un point d'acuponcture chaque poignet), sans vous j'aurais été malade une bonne partie de ce voyage.
Traversée de Bali à Lombok et le Mont Rinjani qui se profile à l'horizon J1 : 1500m de montée pour arriver au 1er campement
Après une courte nuit dans un hotel très basic de Senaru, nous avalons un rapide petit déj et sautons dans le pick-up venu nous chercher avec les autres membres de notre groupe. Nous sommes 4 couples, Richard est le seul Anglais et je me dis "fais chier, encore des Français, j'en ai marre!". Mais en fait tout le monde parlait soit très bien anglais, soit avait envie de faire l'effort de s'y mettre. C'était d'ailleurs assez drôle d'entendre deux filles dire à leur chéri "vas-y! C'est une occasion géniale pour toi de pratiquer!".
Il y avait donc:
- Élodie et Nicolas, eux aussi en tour du monde pour un an (super pour s'échanger des conseils, des idées, nos blogs, ...)
- Mariz et Yoan, navigant entre l'Australie, la Nouvelle zélande et Bali. Ils voyageaient comme nous avec un scooter et leurs gros sac à dos. Le plus drôle c'est que nous les avions déjà croisés au temple sur le lac! Deux fois en deux jours que nous retombons sur des personnes que nous avons déjà vu. Ca fait un drôle d'effet!
- Amandine et Pierre-Alexandre, en vacances pour 3 semaines et venant juste de commencer
Après nous être enregistrés à l'office du parc, nous attaquons enfin le trek vers 9h30. Ca ne monte pas trop dur et on peut admirer le volcan en arrière plan (qui paraît bien loin...). La chose qu'on ne réalise pas vraiment avant de commencer, c'est l'effort incroyable que fournissent les porteurs. Pour notre groupe de 8 nous avions 4 porteurs, chacun chargé d'environ 30 kg sur une épaule (sachant qu'aucun ne doit faire plus de 60 kg)... Dingue. Parce que 3 jours de trek, ça veut dire, 1 tente par couple, des mousses, des duvets, des réchauds, des poêles, de l'eau (3L/jour/personne), la nourriture, ... Et comme si le poids n'était pas suffisant, pour ajouter à la difficulté ils marchent tous en tongs. En tongs! C'est du délire. Surtout après plusieurs heures de marche, quand nous-même avec nos bonnes chaussures de rando on pose doucement le pieds parce que c'est glissant/instable/trop pentu... et qu'eux nous doublent en trottinant.
Vers 12h on s'arrête pour la pause déjeuner, au niveau du "Pos II". Ca fait du bien de souffler et de se réchauffer autour d'un thé chaud. C'est aussi le premier vrai moment où on prend le temps de discuter, de se découvrir au sein du groupe. Le courant passe bien, on est assez similaire tout en venant de jobs très différents et on se met assez vite à parler plus librement. Mais l'heure tourne et on commence à s'inquiéter de voir tous les autres groupes repartir alors que chez nous, le repas en est encore au stade "coupage des légumes". Nous savons qu'il nous reste 4 bonnes heures de montée, que le soleil se couche à 18h15 et qu'il faut qu'on ait monté nos tentes et commencé la préparation du diner avant qu'il fasse nuit noire... Ba ça n'a pas loupé, le repas était excellent mais servi beaucoup trop tard du coup on a dû rattaquer à un rythme très soutenu, le ventre trop plein et en pleine digestion. Pas cool.
C'est dur, ça grimpe sacrément raide et on ne s'accorde pas de pause de peur de finir dans le noir. Le soulagement était intense quand nous avons enfin atteint le col où le campement est basé. La vue était à couper le souffle: nous étions sur le bord du grand cratère, au fond duquel se trouve un immense lac et un nouveau volcan, petit mais actif. On profite de la lumière dorée du soleil couchant pour faire des photos de groupe et couples (et prétendre qu'on joue de l'harmonica, genre trop détendu, c'était pas dur du tout). Par contre il commence à faire froid, et avec la sueur séchée dont on ne peut pas se débarrasser (pas de douches ou de rivière à cette altitude), on se met à grelotter. Heureusement, super groupe oblige, on se serre tous dans une des tentes, les uns sur les autres, et on commence une partie de carte, accompagné d'un merveilleux thé chaud. Royal.
On expédie le diner en 20 min et à 21h, plus rien ne bouge. Il faut dire qu'on est bien fatigués de cette première journée et qu'on sait que celle qui nous attend sera bien pire...
J2 : 11h de marche - ou la journée de l'enfer
Réveil à 1h45 du matin. Après une tasse de thé (vous saviez que c'était excellent pour se nettoyer le visage de la crasse de la veille?) et quelques biscuits, nous voici partis, frontales au front, polaires et anorak sur le dos, sommeil dans les yeux et les muscles. Rappelez moi pourquoi nous sommes là à cette heure indécente? Ah oui, nous voulons voir le levé du soleil depuis le sommet du volcan! ("Oui enfin on a déjà fait ça à Bali, pourquoi on se torture de nouveau? Alors qu'on pourrait gentiment rester au chaud dans les tentes et se réveiller à 9h?" "Tais toi petite voix malveillante! Si t'es pas contente t'avais qu'à rester sur la plage!")
Je pensais qu'on avait souffert pour le Mt Agung. Mais c'était avant de faire ça... En regardant un relevé topo de la randonnée, on se disait que ce n'était "que" 1100m de dénivelée positive, à faire en moins de 3h30 si on ne veut pas louper le lever du soleil. Dur mais faisable. Avec de la volonté, des muscles et des biscuits, on pouvait le faire. Sauf que ce que nous n'avions pas bien réalisé, c'est que cette partie du volcan est entièrement recouverte de sable volcanique. Essayez d'imaginer une minute que vous marchez le long de la plage. C'est déjà un peu dur non? Vos pieds s'enfoncent, ça demande un effort de se propulser vers l'avant. Bien, maintenant imaginer le même sable avec une pente à 45°, pas de caillou ou baton de marche pour vous soutenir. Là ça commence vraiment à être fatiguant. Et enfin, le tout dans le noir complet, votre frontale n'éclairent qu'à 3m de vous, et celà pendant 4h.... Voilà, vous avez une idée du calvaire que c'était.
Richard et moi n'arrivions pas à nous caller sur le même rythme et j'ai dû l'abandonner. Lui et le sac contenant notre eau et nos gateaux... Erreur. J'étais tellement obnubilée par ce ****** de lever de soleil que j'ai donné tout ce que je pouvais, allant jusqu'aux limites. Et avec tout ça j'ai quand même réussi à ne pas être au sommet à 5h45, mais seulement une heure plus tard. En chemin, j'ai quand même pris de belles photos que vous voyez ci-dessous.
Le sommet est à 3700m d'altitude, donc on ne reste pas longtemps si on ne veut pas se transformer en glaçon. Après une rapide photo preuve avec 3 autres membres du groupe (3 ne sont pas arrivés au bout et un avait décidé que son sommeil était plus précieux), nous redescendons la pente infernale de la fin. Et comme c'est facile! Le sable et l'inclinaison du sol qui rendait la progression si lente, si laborieuse, nous permet en descente de "surfer". Il faut se tenir éloigné les uns des autres parce qu'on déplace une tonne de poussière, mais on descend comme sur une piste de ski, en courant/glissant. La clé réside dans le fait de ne pas avoir peur de prendre de la vitesse et de ne pas s'arrêter.
Je retrouve Richard au pied de ces derniers 300m (qui m'auront pris 2h à grimper...), "confortablement" installé sur un rocher en train de grignoter. Il avait retrouvé deux de nos compagnons, Élodie et Nico, et ils avaient décidé de s'arrêter là pour profiter du lever de soleil et du lac en contre plongée. Et quand je vois la vue qu'ils avaient, je me dis que ça ne valait peut-être pas la peine de m'éreinter pour atteindre le sommet... Parce que la vue de là haut n'était pas particulièrement différente, et j'ai surtout usée une énergie folle pour y parvenir. Energie qui, je le sens déjà, va me faire défaut pour le reste de la journée. Ah oui parce que ça aurait été trop facile si ces 6h de marches et 1100m de dénivelé aller-retour avaient été les seuls de la journée! Maintenant on doit descendre dans le cratère (4h), déjeuner au niveau du lac et remonter de l'autre côté, pour le 2ème campement (3h).
Seuls au monde A peine le petit déjeuner avalé et le campement plié que nous nous retrouvons enveloppés dans les nuages. On ne voit plus le lac, plus le bord du cratère et pas à 10m devant soi. On ne traine pas, on sait qu'encore une fois on va être serré au niveau temps. Il est 10h, on doit marcher 7h, avec une heure de pause ça nous fait déjà arriver à 18h, donc quand le soleil se couche... Je crois que des ailes me poussent dans les mollets et je me mets à sauter comme un cabris dans cette descente faite de grosses pierres stables mais créant de sacrées marches. Se retrouver seule sur le chemin en ne voyant pas grand chose autour de soi, seulement les nuages recouvrant et découvrant à toute vitesse des pans entiers de montagne, c'est assez... féérique et hallucinogène.
Enfin le lac se dévoile et on peut poser nos sacs, s'étirer et aller se baigner dans les sources d'eau chaude pendant que les porteurs prépare le repas. L'eau des sources est en fait tellement chaude (je dirais vers les 60°C) qu'on ne peut pas vraiment se baigner, seulement s'asperger les jambes. Mais qu'est-ce que ça fait du bien! La chaleur détend les muscles et nous redonne à tous un coup de fouet.
Cependant certains dans le groupe ne sont vraiment pas en bon état (un couple parlait même la veille d'abandonner tellement ils trouvaient ça éprouvant) et commencent à émettre l'idée de poser le campement au niveau du lac et de faire la remontée le lendemain. C'est tentant mais ça veut dire que demain on va devoir se faire 3h de montée en plus des 5h de descente déjà au programme... Et un couple du groupe est un peu pressé par le temps, ils doivent reprendre la route dans l'après midi pour aller sur les îles Gili. On finit par couper la poire en deux : nous ferons 1h30 de montée cette après-midi et le reste demain en se levant à 5h.
C'était probablement la meilleure décision possible. Nous n'avons pas à nous presser, nous installons le campement en plein jour et j'ai même le temps (et le courage) de prendre une douche improvisée à l'aide d'une bouteille d'eau et d'un bouchon percé. Nous terminons la soirée autour d'un bon feu de bois et à 20h30 tout le monde fait dodo.
J3 : Descente tout schuss - quand tu sais que la fin du calvaire est proche
Il y a quelque chose d'assez magique psychologiquement à savoir que c'est la fin. Les muscles sont endoloris (malgré le massage consciencieux la veille à l'huile d'arnica), mais le moral est là. Et la vue... la vue! Nous partons aux premières lueurs du soleil et le lac se teinte progressivement d'un bleu de plus en plus turquoise. C'est juste sublime et ça en fait oublier les petites tensions de la veille (pas toujours évident d'être en groupe, surtout quand tout le monde n'a pas le même rythme et les mêmes capacités physiques).
Arrivée en haut on admire les îles Gili à nos pieds et dans le lointain le Mt Agung qui est en alerte maximale. Richard s'agite "regarde, regarde! On voit de la fumée!". Mais vu la distance je n'y crois pas et je lui dis que c'est seulement son imagination. Il s'avère qu'en retrouvant une connection internet le soir, on découvrira qu'il avait raison, que de la fumée s'élevait à plusieurs centaines de mètres au dessus du cratère...
La descente se fait assez facilement pour ceux qui ont encore l'énergie de courir. Ca évite de glisser, de prendre trop au niveau des genoux et de tétaniser les muscles des cuisses. Mais dès qu'on s'arrête, on le paye assez cher. On atteint la partie jungle après une bonne heure de descente et je trouve ça très reposant de changer de décor et d'être à l'ombre (même si au passage on récupère 10°C de plus...). Cette fois ci on presse les porteurs dans la préparation du déjeuner (des noddles, ça va, ce n'est pas trop compliqué et élaboré) pour être sûr de repartir à temps. Richard en profite pour nourrir les singes avec nos bananes écrasées, ce qui provoque une grande agitation, les singes essayant ensuite de voler de la nourriture auprès des différents campements. Oups...
Les deux dernières heures se passent sans encombre bien que très lentement de mon côté. Le moral a beau être là, quand les pieds souffrent, les pieds souffrent. Et puis je me retrouve avec Élodie et Nico, à discuter de tout un tas de choses, ce qui ne nous aide pas à aller vite ("Bon les filles accélérez un peu!" "Mais je peux pas, si j'avance trop vite je n'entends plus ce que vous dites!")
Vers 14h on passe enfin le portique indiquant l'entrée du parc.
On est mort, mais on est fiers!
PS: certaines photos proviennent des autres membres de notre groupe. Je ne peux pas écrire sous chaque photo le nom de l'artiste, mais je voulais tout de même leur rendre justice. Les plus beaux clichés viennent d'Elodie et Nico avec leur incroyable appareil, un Olympus OMD - Lentille 50mm
Infos Utiles:
- Le trek du mont Rinjani est physiquement très dur. On ne le planifie pas à la légère et sans bon matériel
- Matériel indispensable : chaussures de rando, vêtements chauds (veste polaire, pantalon, gants, bonnet), veste de pluie, lampe frontale, un bon sac à dos de journée, crème solaire
- Ne pas passer par une agence de voyage sur Bali ou les îles Gili pour booker le trek, mais le faire directement au port de Lembar ou dans la ville de Senaru (énorme économie)
- Un trek de 3 jours 2 nuits ne devrait pas coûter plus de 1.2 - 1.5 million par personnes
- Ne pas oublier de prendre de l'argent pour le pourboire des porteurs et guide. Compter entre 10 et 20 000 par personnes aidantes par jour
- Si physiquement vous ne vous sentez pas de faire le sommet, ne forcez pas. Et comme je le disais, je pense que s'arrêter juste avant la montée finale offre un vue bien suffisante.