Après 4 jours dans KL, il est temps de mettre les voiles et d’aller se perdre dans une nature un peu plus sauvage. Nous voici donc en route pour l’immense parc national (Taman Negara) qui abrite une fantastique faune comprenant elephants, tigres et rhinocéros pour les plus impressionnants. La flore quant à elle est une forêt primaire vieille de plus de 130 millions d’années (la foret amazonienne a 55 millions d’années - juste pour vous donner un point de comparaison).
La route pour rallier Kuala Tahan, la ville “frontière” marquant le début de la jungle et du parc, est complexe et doit se faire en deux étapes:
- en mini van jusqu’à la ville de Kuala Tembling, 2h30
- Par bateau “pirogue” remontant la rivière pendant 3h
On est bien comptant d’arriver vers 17h, nos fesses n’en pouvant plus. Parce que oui, c’est super exotique et excitant de monter dans un bateau à ras de l’eau, remonter “paisiblement” (si on fait abstraction du bruit du moteur) le cours d’eau, mais il faut bien avouer qu’après les 30 premières minutes, c’est toujours la même chose et on commence à se rendre compte que la planche en bois sur laquelle on est assis, n’est pas si confortable que ça.
On se retrouve dans une guest house toute mignonne, propre et offrant thés et cafés en libre service. Il y a même des étendoires à linge dans le jardin, parfait pour faire sécher en 2h notre lessive accumulée (ce n’est pas dans nos 5m2 de Kuala Lumpur qu’on allait laver quoi que ce soit).
Le village est construit sur la rive Est de la rivière et la plupart des restaurants sont montés sur des barges flottantes. Ca tangue à chaque bateau qui passe, et alors qu’on mange mon estomac n’est pas vraiment sûr d’aimer ça.
Depuis que nous sommes arrivés dans Taman Negara il pleut tous les soirs, les nuages s’accumulant dès la fin d’après midi et des éclairs déchirent le ciel et déversent des trombes d’eau (on a assisté impuissant au naufrage d’une colonie de fourmis qui migrait d’un arbre à un autre). Un peu trop confiants dans notre timing, nous sommes sortis un soir pour aller dîner, sans prendre nos K-way (“Mais non, pas la peine de les prendre, on va avoir l’air de touristes qui craignent de se prendre 3 gouttes d’eau sur le nez”).
Autant pour mes 3 gouttes d’eau, ce sont les chutes du Niagara qui nous sont tombées dessus! On a bien essayé d’attendre que ça passe, à l’abris chez Mama Chop, mais après 30min il a fallu se faire une raison. La patronne du restau a eu pitié de nous et a voulu nous dépanner. Seul problème: elle n’avait qu’un seul poncho... Pas de souci, on se serre dessous, Richard sortant la tête et moi me laissant guider par sa voie. Ca marche moyennement, surtout quand la route se transforme en torrent et essaye d’emporter ma tongue! Quelques fous rires plus tard, on arrive sur notre balcon, complètement trempés et on se dit qu’on aurait surement été dans le même état sans le poncho. Mais quelle rigolade!
Un autre soir en revenant de dîner, nous trouvions la route un peu sombre et avons décidé d’utiliser la torche de nos téléphone pour voir où nous mettions les pieds. Brillante idée puisqu’une minute plus tard nous manquions de peu un scorpion, se promenant tranquillement sur la route Oo
Si nous sommes venus à Taman Negara c’est pour une bonne raison: aller faire un trek de plusieurs jours dans la jungle. Les volcans, on commence à bien connaître et on a envie de se frotter à quelque chose de plus... inconfortable et légèrement effrayant. Après deux jours à lézarder sur notre terrasse et dans la piscine de l’hotel voisin, nous partons enfin pour notre 2 jours/1 nuit trek!
Nous partons de l’hotel (dont la gérante a accepté qu’on laisse tout notre bazar dans la chambre) le coeur plein d’entrain et les sacs à dos léger. Jusqu’à ce qu’on arrive au point de rendez-vous et qu’on se rende compte qu’on doit porter notre propre équipement: duvet, mousse, nourriture, eau. Bêtement, revenant de Rinjani et de ses hordes de porteurs, on n’avait pas pensé à ça... Le sac si léger devient un énorme poids de 8kg qui, après plusieurs heures de marche se fait vraiment sentir sur les épaules et dans les jambes. Enfin au moins nous, nous avons de bons sacs. Parce que les 5 autres personnes que nous rejoignons (2 Italiennes, 2 Espagnols et 1 Hollandaise) ne peuvent pas en dire autant ...
Le trek commence de l’autre côté de la rivière, qu’on atteint à bord d’un bateau/taxi. Il faut s’enregistrer au quartier général du parc, payer un permis pour entrer dans le parc national et pour le port d’un appareil photo et ensuite déclarer TOUT ce qu’on emmène avec nous: nombre de vêtements, chaussettes, batteries, emballages plastiques (oui il faut compter chaque paquet, les noddles, les biscuits, les bonbons, ...), bouteilles d’eau, ... L’idée de cet état des lieux est - en théorie - de contrôler les trekeurs au retour et de vérifier qu’ils reviennent avec autant qu’ils sont partis, donc pas de pollution dans la jungle. Ca prend des plombes et il n’y a pas de contrôle retour, mais j’aime beaucoup l’idée et clairement, les touristes ET les locaux font vraiment attention. Comparé aux allées de détritus sur le Mt Rinjani, ça fait vraiment plaisir de voir un environnement propre et respecté.
Il est difficile d’expliquer les sensations vécues dans la jungle à ceux qui n’y sont jamais allés. Tout le monde sait que c’est vert, dense, chaud et humide; mais ce ne sont que des mots, pas des sensations. Marcher dans la jungle, avec un sac de 8kg sur le dos, c’est comme vouloir faire du sport dans la salle tiède du hammam. Dans un hammam, la chaleur et l’humidité sont tels que même assis sur un banc, notre corps se met à transpirer à grosses gouttes. Alors dès qu’on se met en mouvement c’est comme si on venait de sortir de la douche: l’intégralité de notre corps est couvert de sueur qui coule en petits ruisseaux. Impossible de s’éponger le front parce nos mains, bras, épaules, sont dans le même état. Toute cette sudation demande un effort cardiaque assez important, sans compter que la jungle, ce n’est pas tout plat. Ca monte, ca descend, il y a des troncs d’arbres géants à escalader parce qu’ils sont tombés au milieu du chemin, ... Bref, après 6h de marche je suis aussi épuisée qu’après 9 sur un volcan.
Pour ajouter au fun, nous avons dû faire la (très) personnelle et désagréable rencontre avec des sangsues. Comme il a plu pendant les 4 précédents jours, ces êtres immondes ressemblant à des petits vers de terre noirs qui gigotent dans tous les sens, sont en pleine extase. Il y en a de partout et toutes les 2 minutes vous pouvez être sûr qu’une est en train de grimper sur votre chaussure et essaye d’atteindre votre peau. Les sangsues ne sont pas dangereuses et ne font pas mal. Elles s’accrochent à un point de votre peau, injectent un anticoagulant dans votre sang et se nourrissent. Quand elles sont rassasiées (après quelques minutes) elles se détachent d’elles mêmes et se laissent tomber. Le problème vient de la plaie qu’elles laissent sur le corps. Elle continue de saigner pendant longtemps à cause de l’anticoagulant, et c’est une porte ouverte pour des microbes/bactéries et présente donc un risque d’infection (et puis ça laisse une vilaine cicatrice pendant plusieurs semaines). Mais le vrai problème avec les sangsues est avant tout psychologique. Ces bestioles sont vraiment répugnantes et savoir qu’elles sont peut être en ce moment même en train de ramper sous votre jambe de pantalon pour trouver un morceau de peau, ça donne des frissons dégueux! Richard a retrouvé des plaies aussi haut que son nombril et son dos!!!! Du coup le 2ème jour j’ai décidé (après une nuit sans sommeil à peser le pour et le contre), de faire comme notre guide et de rester en short plutôt qu’en pantalon. De cette manière les sangsues n’essayent pas de remonter puisqu’elles ont la chair des mollets à disposition. Et puis ça permet de les voir beaucoup plus vite et de s’en débarrasser (une fois dépasser le dégout de les prendre avec ses doigts...) avant qu’elles ne percent la peau. Les sangsues ont fortement contribué à notre épuisement, nous demandant une attention constante sur nos pas et nous empêchant de faire des pauses, sous peine de se faire envahir en 2 minutes. Alors déjà qu’on sue comme des fontaines, mais en plus sans break, ça devient vraiment dur de suivre le rythme.
A part ces immondes créatures, nous n’avons pas vu beaucoup d’animaux. Des fourmis géantes, des thermites, des mille pattes. Ah si! Une bouse d’elephant et un serpent en train de tuer et manger une chauve-souris. Mais à cause de la pluie et de notre grand nombre, ce n’est pas vraiment étonnant.
Quand nous avons enfin atteint le campement (une immense grotte), le soleil était en train de se coucher et nous avons dû nous dépêcher malgré la fatigue pour aller chercher de l’eau au torrent (pour la cuisine), ramasser du bois pour le feu et faire notre toilette dans le même cours d’eau. A bas la pudeur! Je me suis retrouvée en culotte à m’asperger d’une eau fraiche et claire, lavant toute la sueur accumulée. Le tout à la lampe frontale parce que sous les arbres, il fait déjà nuit noire.
Le campement est rudimentaire: une bache plastique au sol et nos mousses serrées en rang d’onions pour qu’on tienne tous dessus. De toute manière c’est tellement intimidant de dormir dans une grotte qu’on n’a pas vraiment envie d’intimité, plutôt du contact rassurant de son voisin. Notre guide a placé des bougies à des points stratégiques - notamment pour qu’on retrouve le coin pipi dans la nuit- mais aussi pour tenir les animaux éloignés. Enfin ça c’était la théorie parce qu’une fois le repas terminé et tout le monde “confortablement” installé dans son duvet, on a pu voir des porc épics venir finir nos restes et ... voler nos bougies (allumées) placées juste autour des couchages Oo Apparemment ils aiment manger la paraphine...
Autre petite créature qui a tenu Richard éveillé une bonne partie de la nuit: les éléphants. Parce qu’il a plu des trombes d’eau pendant toute la soirée notre guide nous a dit qu’il fallait absolument qu’on ait un feu ou au moins de la fumée active parce que les grands pachidermes allaient chercher refuge et que cette grotte était assez vaste pour eux... Gloups! Je vous assure qu’on ne fait pas les malins quand on doit se relever au milieu de la nuit pour aller faire pipi et qu’on se dit qu’au détour de la roche on va tomber nez à nez avec quelque chose.
Après une petite nuit, réveillés par des choses bizarres qui nous tombaient dessus (“Oh des crottes de chauve-souris!”), on avale un rapide petit-déjeuner et on plie le campement. Notre guide nous met en garde : “Ca fait 5 jours qu’il pleut chaque soir alors le niveau d’eau a beaucoup cru. En temps normal nous n’aurions que des petits courts d’eau à franchir, mais je crains qu’aujourd’hui il ne faille nager dans certains...” Ok.... Quand il dit nager, il veut dire se mouiller jusqu’où? Aux cuisses non?
Ah ba non, quand il dit nager, il veut dire mettre son sac sur sa tête et avoir de l’eau jusqu’aux seins.
Ce qui est drôle c’est que le 1er jour on avait eu une rivière un peu profonde à passer (mi mollets) et qu’on avait tous décidé d’enlever nos chaussures pour ne pas avoir des poids morts à transporter à chaque pas. Mais comme le 2ème jour on en avait une dizaine comme ça, on savait qu’on n’avait pas le temps de déchausser/rechausser et on y est tous allés franco. Il fallait juste bien s’inspecter après chaque passage, les sangsues se trouvant aussi dans l’eau... Sans elles le passage dans l’eau aurait en fait été agréable, nous rafraichissant gentiment.
Cette deuxième journée était moins épuisante que la 1ère bien qu’on ait dû marcher de 9h à 14h sans pause, l’endroit habituel pour le déjeuner étant, bien évidemment, boueux et infesté de sangsues. Une fois arrivés au camp, sec donc sans monstre, on prend tous une bonne dizaine de minutes pour se déshabiller, se faire inspecter par les autres sur les parties qu’on ne voit pas, et retirer une à une toutes les intruses.
Si on devait faire un bilan de ce trek, je pense qu’on dirait que l’expérience “nuit dans une grotte au milieu de la jungle” était géniale, mais que dans l’ensemble, parce que la saison des pluies a commencé, ce n’était pas plaisant du tout, moralement éprouvant et physiquement assez dur, à cause de la boue qui nous faisait glisser à chaque pas. Donc on le referait sans problème, mais en saison sèche (d’avril à septembre), parce que quand même, s’enfoncer dans la jungle et se sentir tout petit, c’est à vivre.
Infos Utiles:
- Compagnie de bus pour faire Kuala Lumpur-Kuala Tahan : Han Travel. Coût : 85MR/personnes (£17). Pick up dans KL: China Town
- Il existe des bus public qui vont jusqu’à Jerantut et ensuite jusqu’à Kuala Tahan, cela coute beaucoup moins cher mais est plus compliqué à organiser
- Vous n’êtes pas obligés de prendre le bateau pour arriver jusqu’à Kuala Tahan, une route y mène et cela ne prend qu’1h45 en bus
- Guest House dans Kuala Tahan: Rainbow Guest House, 90MR/nuit (largement négotiable si vous restez plus de deux nuits) (on est descendu jusqu’à 65MR)
- Barge/restau différent des autres et bon: Mama Chop. Un peu cher mais sert de la bonne cuisine indienne.
- Xcape Resort dans Kuala Tahan: pour 10MR (£2) le staff vous laissera utiliser la piscine (toute la journée si vous en avez envie)
- Toutes les agences organisant des treks dans la jungle proposent les mêmes prix, il suffit d’en choisir une qui vous inspire
- Trek 2 jours/1 nuit = 230MR/personne (£45)
- Permis pour le parc = 1MR; Permis photo = 5MR