En préparant notre séjour au Laos, nous nous sommes longuement interrogés sur le parcours à emprunter, et dans quel sens visiter les deux pays restants au programme: le Vietnam et le Cambodge. En effet si vous regarder une carte de cette région, le Laos partage ses frontières avec ces 2 pays (plus la Thaïlande, la Chine et le Myanmar). On a donc longuement hésité à rester seulement au Nord du Laos, supposé être la plus belle partie du pays, et traverser directement au Nord du Vietnam - là aussi supposé être la meilleure partie - pour ensuite redescendre sur un mois et traverser la frontière Cambodgienne. Grace aux deux blogs de voyage que nous suivons, nous n'avons pas opté pour cette option, mais décidé de faire le Laos dans toute sa longueur et d'attaquer par le Cambodge. Et comme nous avons bien fait! Sans cela, nous aurions louper une part essentielle de ce voyage, à savoir une boucle à scooter de plus de 380km, étalés sur 4 jours.
Bienvenue dans la Thakhek Loop!
Bornes à la française le long de la route Cette boucle, maintenant lieu de tourisme à deux roues très réputé - et donc très fréquenté - était il y a quelques années seulement, un challenge pour motards aguerris. Des voyageurs-exploreurs, en quête de lieux vierges, se lançaient sur les routes non goudronnées du Laos central, s'enfonçant toujours plus loin et faisant ensuite part de leurs découvertes dans un log book conservé au Travel Lodge de Thakhek. Le gouvernement a pris conscience de l'intérêt touristique et économique que cela pouvait représenter et a investi dans certaines routes et la mise en place de panneaux signalant les lieux clés: grottes, lacs, rivières souterraines, ... On est donc loin des baroudeurs seuls sur leur motocross, se frayant un passage entre les lianes et tombant nez à nez avec un lac de montagne aux couleurs émeraudes. Mais on a gagné en sécurité et en temps. Chaque jour se sont une quarantaine de "loopers" qui s'élancent depuis Thakhek et se croisent et recroisent tout au long de la route. Cependant, les lieux à explorer sont si nombreux et la route si longue qu'on n'a pas l'impression de se marcher dessus.
Nous avions embarqué dans le bus de 10h partant de Vientiane, comptant arriver aux alentours de 15h, ce qui nous laissait amplement de temps pour 1/trouver un hébergement 2/louer un scooter 3/préparer notre itinéraire pour les 4 prochains jours.
Malheureusement, le bus local (et non un mini van pour touristes) s'arrêtait toutes les 15min pour prendre de nouveaux passagers et au lieu des 5h annoncées, en a mis 7h30... Et si vous vous demandez comment un bus peut se remplir en permanence pendant un si long trajet, c'est que vous n'avez jamais vu la technique du "on rajoute des tabourets en plastique dans la rangée du milieu". Voyage assez folklorique, avec des petites dames laotiennes mortes de rire pendant bien 10min après que Richard ait (assez inélégamment il faut l'avouer), gober une banane entière d'un seul trait. Leur grand jeu après cet épisode a été de faire répéter des phrases/mots laotien à Richard, qui n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien ânonner, mais se prêtait de bon coeur à l'amusement général.
7h30 plus tard, déposés dans une gare routière à 6km du centre ville, la nuit tombant et le sac à dos de Richard sentant le poisson ("Je crois que la boite en polystyrène négligemment posée sur mon sac contenait du poisson frais... Et je crois qu'elle a fui..."), on est donc complètement à la bourre et crevés pour remplir nos 3 étapes hotel/scooter/planification. On échoue dans une auberge très moyenne mais avec un lit décent et on se met en quête du centre ville et d'un magasin de location de scooter. Alors que Richard avait refusé de prendre un tuktuk et que mes épaules étaient en compote à cause du sac, la tension commençait à monter et lorsque le mec de la location nous a annoncé ne plus avoir de scooters pour le lendemain, j'ai bien cru que la coupe était pleine! Heureusement, la chance nous a souri, et un couple était en train de rentrer de leur boucle. Nous nous sommes précipités sur eux et après leur avoir assuré qu'on n'allait pas les dévaliser (Richard peut être un peu flippant quand il veut quelque chose^^), on a réussi à négocier leur scooter pour le lendemain matin. Hourra!
Carte de la boucle - source: Blog BloupTrotters On regarde rapidement quelles sont nos options pour le premier jour, on détermine vaguement nos étapes et on file se coucher. Il est déjà minuit, et on commence la journée du lendemain très tôt. En effet, suite à plusieurs accidents mortels sur la boucle - notamment dus à des conducteurs de camion complètement dingues qui n'en ont rien à faire d'un pauvre deux roues sur leur chemin - la préfecture avait ordonné la fermeture des locations de scooters. Mais comme nous sommes dans un pays ultra corrompus, tout le monde s'en fout tant qu'un peu d'argent est échangé. Cependant, il faut voir à ne pas se faire arrêter par les contrôles de police, placés aux abords de Thakhek et commençant dès 7h. Le propriétaire des scooters, pour ne pas avoir d'histoire, veut donc que tout le monde soit parti avant 6h30.
Bon ça c'était la jolie version du loueur... Qui en soit ne manquait pas de poser question: si la préfecture a imposé une fermeture, pourquoi ne vient-elle tout simplement pas vérifier que le magasin est fermé? Si les flics nous arrêtent, surement ce n'est pas notre problème, mais celui du loueur? Pourquoi imposer une fermeture au lieu d'un renforcement du contrôle du permis international? La moitié des "loopers" n'ont pas un tel permis et en théorie ne devraient pas avoir le droit de louer un scooter. On n'aura jamais le fin mot de l'histoire, mais après avoir croisé nos théories avec d'autres "loopers", on en est arrivé à la conclusion que c'était tout simplement plus profitable pour le business. Si on part à 7h du matin, les contracts étant de 24h, on ne voudra sûrement pas s'embêter à rendre le scooter à 7h du matin le jour suivant, donc on le rapportera la veille au soir pour ne pas payer un jour de plus. Le loueur retrouve donc tous ses scooters le soir et peut les louer aux nouveaux loopers se préparant pour le lendemain (comme nous).
Enfin, à part un réveil vraiment très matinal, ce n'était pas plus mal d'être sur la route si tôt: on a bel et bien évité les barrages de police et la lumière était superbe. Première étape, un lac de montagne avec une passerelle très bancale. On a bien eu envie de prendre le pont avec le scooter, mais on s'est dit que c'était un peu étroit ^^.
On commence déjà à retrouver des personnes croisées la veille ou le matin même; on échange des sourires, des conseils, l'ambiance est super sympa. La plupart sont Français, mais je ne cède pas et parle anglais avec tout le monde. Cela me vaudra un magnifique "Mais tu parles très bien français, où as-tu appris?" alors que je m'égarais en français avec une Québécoise. Ou encore "Non mais tu ne peux pas être Française, tu as un accent anglais quand tu parles!". Ca y est, j'ai basculé^^
Petit pause déjeuner où on arrive à commander végétarien. Ce sera omelette et riz collant, qu'on forme en petites boulettes et qu'on enroule avec un morceau d'omelette. Excellent. Le tout en observant des vaches se promener lentement sur la route au milieu des camions traçant à toute vitesse. C'est ça le Laos.
Le temps n'est pas fantastique, plutôt gris et un peu frisquet. Loin des récits de voyageurs qui disaient mourir de chaud après 9h du matin et avoir besoin de se baigner dans chaque lac. Pour nous se sera seulement pause photo et trempette des pieds. Mais en s'arrêtant à une cascade, nous en avons tout de même profiter pour assister à une partie de boule (oui oui, les Laotiens ont complètement adopté ce jeu et en on fait leur sport national. Aux dires de nos amis Marseillais rencontrés en route, mieux vaut ne pas faire les fiers et la ramener car ils ont un sacré niveau!). En grimpant le chemin menant à la "piscine" nous avons même pu voir un éléphant! Bon, quand on s'est rendu compte qu'il avait une chaine au pied et était utilisé pour des travaux de force comme déplacer des rochers ou troncs d'arbres, on a tout de suite trouvé ça moins mignon...
Nous arrivons vers 16h30 à notre guest house, charmant petit assemblage de bungalows, avec un grand feu de bois allumé dès qu'il commence à faire nuit et une excellente nourriture servie. C'est un peu triste à dire, mais comme à chaque fois les Français restent entre eux et les autres nationalités se réunissent et parlent en anglais. Bien sûr il existe quelques exceptions, comme nos nouveaux amis Kim et Dan, Français de nationalité, mais vivant en Asie depuis 6 ans et parlant parfaitement anglais. Notre petit groupe se compose donc d'une Sud Africaine, d'une Québécoise, d'un Portugais, de deux Anglais et 3 Français. Pas mal non? Bien sûr on parle de la boucle et de ce qu'on a prévu pour le lendemain, mais rapidement les conversations deviennent plus naturelles et on parle de nos différences culturelles, de l'Apartheid, des faux médicaments, de la lutte contre le SIDA, du ras le bol des noodles, du manque de pêches et abricots, ... On commence des amitiés au coin du feu et on va se coucher en se disant qu'on vit vraiment une vie de rêve.
Jour 2
Après une tentative ratée pour voir le lever de soleil (c'était couvert et je me suis rendue compte plus tard que je ne faisais pas face à la bonne direction... voila voila), je me console devant un pancake géant, arrosé de chocolat et de Nutella semi fondu. Comment mettre une Français de bonne humeur! Nous avions un peu peur que le temps soit couvert comme la veille et nous gâche la vue sur un des lieux les plus mythiques de la boucle: la foret inondée. Et bien non, les nuages ont bien voulu mettre les voiles et le soleil a pointé son nez au bon moment. Il fait carrément froid sur le scooter mais avec notre polaire et nos k-way, on tient le choc. Cette foret inondée est un phénomène très récent dû à la rupture d'un barrage. C'est sublime! Enchanteur ou à vous filer la chair de poule, tout dépend de la lumière. Avec le soleil, les arbres se reflètent et créés une incroyable illusion d'optique où ciel et eau se confondent. On penserait presque à sauter à pieds joints pour se retrouver la tête dans les nuages. Mais s'il fait gris comme hier, c'est plutôt à un film d'horreur que l'on pense, les arbres squelettiques ressemblant à des doigts décharnés. On préfère la première version^^
Ce que le gouvernement se garde bien de dire c'est combien de locaux se sont trouvés affectés (voire tués?) par cet accident. La surface inondée est vraiment énorme, ce qui a poussé les habitants à s'adapter et à circuler en barque plutôt qu'en moto et à se mettre à la pêche plutôt qu'à l'élevage de bovins.
Foret inondée aux alentours de Thalang
Alors qu'on redescend dans une vallée et que les températures redeviennent acceptables, on voit de drôles de bâches recouvertes d'une étrange matière marron/blanche. On a bien essayé de s'arrêter pour demander à une dame ce que c'était, mais impossible de se comprendre. Ca ressemble à du bois coupé en morceaux et laissé en décomposition... Vraiment étrange.
(Si vous lisez notre article à venir sur le plateau des Bolovan, vous aurez l'explication - vous pensez bien qu'on ne pouvait pas partir sans comprendre!)
Notre premier vrai arrêt de la journée est un petit lac aux superbes couleurs bleues/vertes appelé “Cool Springs” (les sources froides) qui vaut apparemment le détour. Grace à notre habitude de suivre maps.me, on arrête de suivre les panneaux sur la route et on prend un petit chemin caillouteux qui se transforme assez rapidement en piste puis en... digue entre des rizières asséchées et déjà récoltées. Je ne sais pas comment il est possible que cette voie ait été classée comme chemin praticable par le GPS, mais on ne va pas se plaindre, c’était éblouissant. Des paysages très arides entre le blanc du chemin, le jaune brulé des champs, la lumière brute du soleil de 11h, ...Et les montagnes au loin qui nous encerclent. Après 10 bonnes minutes de tape cul intense, on débarque dans un hameau et on retrouve la “vraie” route menant aux cool springs.
Route alternative menant aux cool springs (merci maps.me) Difficile de rendre en photo la beauté des lieux. Le lac n’est pas très large et on n’a pas vraiment de recul pour prendre une photo. C’est d’ailleurs pour ça que ce petit joyau a longtemps été préservé et emprunté seulement par les loopers aguéris qui suivaient les conseils d’anciens. Maintenant il faut payer l’entrée (quelques euros) et des infrastructures sont en train d’être construites aux alentours. En arrivant assez tôt pour éviter les autres loopers mais surtout les locaux venant picniquer avec bières et chaine stéréo, on arrive tout de même à être paisible et à profiter de la sérénité des lieux. L’eau est vraiment fraiche et il faut nager pour ne pas geler, mais quelle vue incroyable! L’eau est si pure qu’on peut voir le fond à plus de 7m de pronfondeur.
Cool Springs et libellule trouvant Richard a son gout Comme nous avons fini relativement tôt notre premier stop et notre déjeuner, nous décidons de revenir un peu sur nos pas et d’aller visiter la dragon cave. Sans l’avoir vraiment fait expres nous sommes à contre courant de la plupart des loopers et nous retrouvons donc tous seuls dans la grotte. Incroyable! Nous n’avions jamais été dans une grotte sans guide, groupe ou au moins avec des chemins clairement établis pour nous empêcher d’aller toucher les pierres. Ici rien de tout ça. On a l’endroit pour nous tous seuls et on se croirait sur la lune. On s’amuse à explorer et grimper le plus loin possible: on se sentirait presque comme les premiers spéléologues ayant découverts l’endroit! (Bon, les lumières roses et bleues mises à part^^).
Dragon Cave Maintenant il est temps d’entamer notre dernier morceau de route pour la journée, et il s’annonce costaud! Il ne faut jamais se fier aux distances dans ce pays! Nos seulement il peut s’agir d’une route de montagne, mais en plus l’état du tarmac sera tellement lamentable qu’il vous faudra avancer à la vitesse d’une tortue. C’est comme ça que nous avons failli nous faire surprendre par la nuit, pensant que les derniers 40km se feraient facilement en 40min. Ca nous a pris 1h30...
Etat des routes au Laos... Mes fesses sont tellement irritées à cause du frottement entre la selle et mon leggins que je finis en amazon, comme les locaux. Il me faut quelques minutes d’adaptation et les premiers virages sont un peu flippants, mais on s’y fait assez vite et pour la première fois depuis deux jours, je n’ai pas l’impression que mes jambes vont mourir nécrosées. Encore une fois, les paysages sont incroyables, surtout entre Nahin et Konglor, notre village étape pour la nuit. On voit des enfants rentrer de l’école en vélo, d’autres jouer au football, d’autres au “foot-volley” (volley ball avec les pieds et non les mains, très impressionnant!). La route est défoncée, alternant 100m de tarmac pour 300 de nid de poule. Ca secoue comme un prunier, mais on sait que la fin est proche alors on prend le temps pour démonter et prendre quelques photos.
Dernière section de route avant d’atteindre notre auberge à Konglor Ces deux premières journées ont largement dépassé nos attentes et nous nous couchons conquis, les yeux plein de vastes plaines, de vaches, de nids de poule, de lacs et de grottes. Et nous savons que ce qui nous attend sera du même niveau.
Infos Utiles:
- Pas besoin d’être un vrai motard pour faire la boucle, un scooter automatique (Zoomer X, Honda, dans notre cas) fait très bien l’affaire
- Location chez Wang-Wang: 80 000 kips/jour (£8)
- Prévoir des vêtements chauds pour les passages de montagne
- Prévoir des affaires de baignade (pour les locaux, se baigner en maillot de bain revient à faire du naturisme, donc prendre un long tee-shirt+jupe/short)
- Guesthouse à Thalang: Phousy Guesthouse, 70 000kips/nuit (£7)
- Guesthouse à Konglor: Chanta GH, 56 000 kips/nuit (£5,5)