Carnet de voyage

Iran/Azerbaïdjan

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Le récit de la partie Iran et Azerbaïdjan de mon long voyage à vélo.
Février 2018
240 jours
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15
avr

Altitude actuelle : 1550 m

Me voilà à Tabriz depuis 2 jours. Depuis vendredi soir je profite allègrement de l'accueil qui m'est réservé et je prévois de repartir sur la route mardi matin direction Téhéran.

Mais je me dois de retourner où je vous ai laissés, vendredi à quelques kilomètres de la frontière turco-iranienne.

Mon vélo dans le minibus 
Au revoir Turquie  

Ce poste de frontière était absolument chaotique, on ne sait pas où aller, on attend 2h sans savoir pourquoi, bloqué dans un décor post-apocalyptique constitué de tôles ondulées en guise de murs, de la boue partout, des marchands de thé qui on su profiter du désordre ambiant, des enfants errants... Une ambiance qui pourrait en décourager plus d'un d'entrer en Iran ! Mais à vrai dire, j'ai eu la chance d'avoir un traitement de faveur de la part des militaires, je ne sais pas si c'est le passeport français (ils n'avaient visiblement pas l'habitude d'en voir), ou le vélo, mais le fait est que j'ai dépassé tout le monde pour tamponner mon visa et que j'ai eu droit à une visite médicale assez superficielle. Je suis, en quelques dizaines de minutes devenu la star de la frontière. Quand les gens attendent, ils s'ennuient et parlent. Et les nouvelles vont vite. J'étais rapidement entouré de quelques curieux qui voulaient voir en personne le français à vélo. Le seul qui parlait anglais me posait les questions et traduisait à l'assemblée, pendant ce temps je devais garder l'œil ouvert sur les gamins aux pieds nus qui lorgnaient sur mon vélo, mais je ne sentais en fait aucune menace, que de la bienveillance, des sourires et des serrages de mains. Une fois retourné dans le minibus, les 3 autres passagers, ayant mieux compris mon histoire, se sont pris d'affection pour moi. Pour être plus clair, une dame m'a donné des sandwichs et des fruits secs, elle m'a acheté de l'eau et un thé. Une autre dame et son mari m'ont donné des gâteaux, offert aussi un thé et une autre bouteille d'eau. Ils ont ensuite tout fait pour m'aider à contacter mon ami à Tabriz, l'ont appelé pour moi et ont fixé le rendez vous... Tout était organisé, ne n'avais plus qu'à attendre d'arriver et retrouver au chevet du bus mon ami Sina.

La route côté Iran 
 Première soirée déjà dans le vif du sujet avec des amis de Sina. 

Pour la première journée, j'ai passé tout mon temps avec Sina et deux de ses amis, à qui j'ai donné des cours particuliers de français une bonne partie de la journée. Le fait est qu'ils commencent à apprendre le français car ils caressent le rêve de partir vivre au Québec.

Sina dans son salon, tout en simplicité 
Un défilé de Peugeot 405 !  

Oui, j'ouvre une parenthèse, j'ai été amusé de constater que la moitié des voitures sont des Peugeot 405, et sans doute les deux tiers sont des Peugeot. C'est tout ce que j'avais à dire, je referme la parenthèse.

Nous avons rendu visite à un de ses amis artisans  
Déjeuner ensuite dans un lieu difficile à décrire mais très agréable ! Le truc qui ressemble à du papier bulle c'est du pain.  

Après ma premier journée à Tabriz, j'ai appris une chose intéressante. Dans cette région, ils ne parlent pas le Persan entre eux. La langue locale est une langue turque assez proche de l'azéri, ce qui pour moi est un gros avantage car je peux me débrouiller avec les quelques bases de turc que j'ai été forcé d'apprendre pendant ce dernier mois.

Aujourd'hui a été une journée utile et agréable, Sina m'a emmené à vélo dans le centre pour faire un peu le touriste, et en profiter pour réparer mon dérailleur et changer des euros en Rials iraniens.

Concernant le vélo, on est tombé sur un réparateur qui a passé 45 minutes dessus et ne m'a pas demandé un centime au moment de régler. C'était gratuit, tout simplement. Je crois que je vais finir par trouver ça normal, le retour à Paris va être douloureux.

Au sujet de l'argent local, j'ai réussi, grâce à l'aide précieuse de Sina, de changer 100€ contre 6.200.000 Rials. Et oui c'est assez impressionnant de voir des billets de 500.000 dans sa poche ! J'ai eu aussi la chance de profiter d'une forte inflation du Rials ces derniers jours. Le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Avec la satisfaction du devoir bien fait nous avons été rejoint par une de ses amies et avons admiré les charmes de la ville.

Déjeuner traditionnel Iranien  
Tabriz  
Professeur émérite à l'université d'architecture qui était ravi de pouvoir pratiquer son français avec moi.  

Demain sera ma dernière journée à Tabriz.

17
avr
17
avr

Nombre de km : 56

Altitude actuelle : 1750 m

Plusieurs grandes premières aujourd'hui : premier jour de vélo en Iran, premier péage traversé à vélo, premier bain dans une piscine iranienne, premier grand tunnel traversé à vélo, première nuit de bivouac dans un parc en centre ville.

Mais avant de parler d'aujourd'hui, chaque chose en son temps, je n'ai rien dit hier soir, il va donc falloir remonter légèrement le temps et revenir à hier.

Matinée calme et reposante, j'ai acheté avec Sina une carte SIM iranienne, grâce à laquelle je peux publier ce soir sans avoir à rechercher la Wi-Fi désespérément. L'action à vraiment commencé courant de l'après midi quand une amie de Sina, Masi de son prénom, est venue me chercher en voiture pour prendre un café puis escalader une montagne sur les hauteurs de la ville. La vue était magnifique.

Non, ça n'est pas l'océan, c'est Tabriz 
La balade en montagne avec Sina, là haut il faisait très froid.  

Comme on peut le constater sur la photo ci-dessus, Sina n'est pas très sérieuse avec son voile. Il a une fâcheuse tendance à tomber tout seul, et il a fallu que je sois là plus d'une fois pour la rappeler à l'ordre car la Police veille !

Nous avons ensuite fait quelque chose de très illégal, à savoir récupérer un breuvage chez son frère que nous appellerons "thé à la menthe". Il faut savoir que dans ce pays, l'alcool est complètement interdit, encore plus que la drogue. Mais les gens trouvent tout de même le moyen de beaucoup boire grâce au marché noir. Avec ce "thé à la menthe" particulièrement gouleyant, nous avons retrouvé deux de ses amies pour entamer un intéressant Tabriz by night !

Couchez de soleil sur Tabriz  
Au restaurant (décidément le voile, chez certaines, est très sensible aux lois de la gravité) 

Après avoir partagé le "thé à la menthe", nous avons été dans un excellent restaurant offrant une vue panoramique sur toute la ville.

Un dernier thé (un vrai cette fois) et au lit 

Ce matin, j'ai bien pris mon temps avant de partir pour éviter un mauvais vent prévu pendant la matinée. La journée s'annonçait courte en kilomètres mais difficile car de la montée pendant la quasi totalité de la journée.

J'ai subit une sortie de Tabriz mouvementée, entre les camions qui nous frôlent, le bord de la route d'une qualité très médiocre et les voitures stoppées sur la bande d'arrêt d'urgence... Sans parler des scooter qui remontent l'autoroute en sens inverse.

Après la sortie de l'agglomération de Tabriz  
Je ne sais pas si ça se voit mais le berger sur son âne dormait. 

Je me suis arrêté pour déjeuner dans un restaurant de route qui a ouvert spécialement pour moi, j'étais le seul client. L'un des employés, tellement amusé par mon vélo a tenu à faire un tour avec, il a roulé entre les tables et est même entré dans la cuisine sous l'hilarité générale.


Il a même tenu à mettre mon casque pour rigoler, un vrai boute en train celui là ! On a rit... mais rit ! 
190000 rials le repas... Moins de 3€ 

La panse bien pleine, je suis remonté sur mon vélo prêt à attaquer la côte finale, et dépasser les 2000 m. C'est passé comme dans du beurre !

Ça va monter 
Un tunnel à traverser au sommet de la côte  

J'ai donc traversé un long tunnel avec mon vélo, une expérience amusante car quand il n'y a pas de voitures l'écho est très impressionnant, j'ai chanté du Johnny Hallyday, ça rendait pas mal.

Une fois arrivé à Bostanabad, j'ai suivi les conseils de mes amis à Tabriz et ai cherché un coin douillet pour installer mon QG pour la nuit. J'ai été assez vite pris d'assaut par des jeunes curieux qui s'intéressaient à moi et voulaient m'aider. Je leur ai dit que je voulais prendre une douche, ni une ni deux, ils ont appelé un de leurs amis qui m'a emmené à une sorte de Spa piscine naturelle. Pour être honnête, l'eau était marron, mais apparemment c'est une eau qui vient directement du sous sol, et elle est très bonne pour le corps selon les locaux. C'est la première fois que j'entrais dans une piscine avec exclusivement des hommes (évidemment ici les hommes et les femmes sont séparés). L'eau était chaude et très agréable, et en fait le goût de la terre est beaucoup plus supportable que le goût du chlore !

La piscine vue de loin  

A nouveau propre, j'ai pu préparer mon bivouac, sous les yeux des jeunes du parc qui ont tenu à faire des photos avec moi. Je ne me lasse pas de la vie de star internationale.

J'ai passé quelques dizaines de minutes avec ces jeunes 

Avant de rentrer définitivement dans ma tente j'ai passé un peu de temps avec ces jeunes qui ont été très sympathiques avec moi, m'ont posé plein de questions. Ils ont par exemple eu des étoiles dans les yeux en apprenant que le salaire minimum mensuel en France est d'un peu plus de 1000 €. Ça semblait pour eux une somme mirobolante, inaccessible, inconcevable... On sent que tous ces jeunes rejettent le pouvoir en place et rêveraient de vivre dans un pays occidental, un pays libre. Ils se sentent bloqués ici sans espoir. C'est passionnant de voir leurs réactions lorsque l'ont parle de notre pays. Ils m'ont aussi demandé si ça pouvait arriver de voir des couples s'embrasser dans la rue en public. Ma réponse les a bluffés. Ici il est interdit de montrer des signes d'attention impudiques, même envers sa femme. C'est là où l'on comprend comme il peut être difficile pour des personnes de cette culture de s'adapter à la vie occidentale. Un jeune doit être solide dans sa tête pour supporter cette opulence, cette abondance de tout, ses yeux sont en permanence sollicité par des biens de consommation, des femmes en mini-jupes et cheveux au vent, des couples qui s'embrassent... Difficile pour un jeune fraîchement débarqué d'Iran de ne pas devenir fou, en plus d'être déraciné !

Voilà, au moment où j'écris ces lignes, je suis dans ma tente et je m'apprête à passer une nuit très fraîche, proche des 0 degrés. Je ne vois rien de ce qu'il y a autour mais j'entends tellement de choses, trop pour mon imagination. Des sirènes de polices, des branches qui craquent autour de la tente, des jeunes qui crient, des voix étouffées dans l'ombre, des chats qui se battent, des crissements de pneus... Il va falloir trouver le sommeil maintenant !

18
avr

Nombre de km : 106 (record battu)

Altitude actuelle : 1125 m

J'ai quitté Bostanabad en sachant déjà ce qui allait m'attendre, en théorie : plus de 100 km avec un premier quart en côte et le reste en descente avec un vent très favorable l'après-midi. Concernant le vent, ce n'était que de la théorie.

La route du matin 

Je l'ai senti dès les premiers coups de pédales, mes jambes n'étaient pas au top de leur forme aujourd'hui. Dur d'avancer, dur de forcer sur les jambes. Il y a des jours comme ça. Seulement aujourd'hui il va falloir faire plus de 100 km, et donc compter sur les éléments extérieurs.

La suite du matin  

La partie en côte s'est passée tant bien que mal, même si aujourd'hui il fallait redoubler de vigilance car c'est une route à deux voies, donc peu de place pour moi. Et les camions adorent clacsonner amicalement au moment où ils passent à 1 m de mes oreilles, avec une corne de brume en guise de clacson. Ça fait sursauter violemment, et le problème c'est que quand on sursaute sur un vélo, le vélo sursaute avec nous ! Et ce n'est pas le bon moment de faire un écart de trajectoire lorsqu'un poids lourd nous dépasse à pleine vitesse.

Presque l'heure du déjeuner  

Je me suis trouvé à mi-chemin un petit coin tranquille pour déjeuner et j'ai été rejoint par un brave homme qui passait par là et voulait aussi se poser pour manger. Une rencontre imprévue comme j'en ai déjà fait beaucoup mais qui sont à chaque fois différentes. Cet homme s'est assis à côté de moi, on a échangé quelques mots, quelques gestes et de la nourriture. Il m'a offert du thé et moi je lui ai offert des amandes. 30 minutes plus tard il est reparti sur son chemin. C'est une rencontre simple, banale, mais pure et authentique. Comme la plupart de mes déjeuners durant ce voyage, je ne l'oublierai jamais. Un souvenir unique ne s'oublie pas.

Mon camarade improvisé pour le déjeuner  

J'ai continué ma route, entouré de montagnes évoluant au fil des kilomètres. Cette route était assez intéressante car pendant 70 km je suis descendu de 700 m. Ce qui veut dire que je descendait de 100 m tous les 10 km. Il en résultait des paysages en constant mouvement et le fond de l'air qui se réchauffait d'heure en heure.

Des montagnes qui évoluent peu à peu 

J'avais donc la chance d'être aidé par la pente comme prévu. En revanche le vent qui était sensé être à mes côtés comme vu sur la météo ne l'entendait pas de la même oreille. Il était complètement contre moi, et plus le temps passait plus il se renforçait. Ce qui a réussi à rendre mes 30 derniers km relativement pénibles. Surtout compte tenu du fait que je ne me suis pas économisé du tout sur les deux premiers tiers en ne pensant pas avoir à affronter ce vent. Je suis quand même arrivé à Miyaneh tant bien que mal et devais attendre mon hôte quelques heures car il ne sortait du travail qu'à 21h.

Sans doute le modèle de camion le plus répandu sans ce pays.  

Je me suis donc posé dans la première pizzeria venue pour prendre un thé. Le patron était très sympathique, et s'avérait être un ami de Reza, mon hôte de ce soir ! Il m'a présenté fièrement à tous les clients et amis qui passaient dans son restaurant, j'étais l'attraction. J'ai du serrer une bonne quinzaine de mains, partagé mon Instagram avec une dizaine de personnes et refusé qu'on m'offre un 2e repas. J'ai même rencontré un homme qui parlait très bien français, il l'avait appris il y a 15 ans et était heureux de pouvoir le pratiquer.

Mon ami francophone est celui de droite.  

Alors que j'attendais Reza, un ami du patron m'attendais dans sa voiture en face du restaurant pour m'emmener faire un tour de la ville, je n'ai pas pu refuser et suis entré dans la voiture à l'improviste sans savoir où on me conduisait, mes affaires et mon portefeuille étant toujours dans le restaurant... Mais j'ai appris à faire confiance à ces gens, peut être qu'un jour ça va se retourner contre moi, mais pour l'instant je préfère appréhender les rencontres en partant du principe que les gens sont honnêtes et bienveillants. Je pense que ça m'apportera beaucoup plus que ce que je risque peut être de perdre. Je suis sur d'y gagner énormément et les chances d'y perdre sont minimes, le choix est vite fait !

Après avoir été forcé d'accepter de ne pas payer ce que j'ai consommé au restaurant, j'ai retrouvé Reza qui m'a emmené chez lui. J'ai fait la connaissance de sa mère, mais alors que je voulais lui serrer la main elle n'a pas réagit, j'ai fini par comprendre après explications de Reza que les femmes musulmanes traditionnelles ne serrent pas la main des hommes. Quand je pense que j'ai hésité à lui faire la bise !

Le dîner avec la famille de Reza 

Reza m'a ensuite emmené à la piscine dans laquelle il y avait également sauna, hammam, jacuzzi... Tout ce qu'il faut. J'étais assez fier d'arriver à trouver la force de nager une bonne demi heure malgré les 105 km dans les jambes. Vint ensuite le jacuzzi, il était tellement brûlant qu'il m'a fallu 5 minutes pour y entrer. Ensuite le sauna, un moment assez intéressant car des hommes étaient en train de se masser mutuellement, entre amis. Ça aurait créé un malaise par chez nous mais ici c'est normal, rien de déplacé ou d'ambigu. En voyant cela j'ai pensé à la fameuse citation de Jean Dujardin dans OSS 117 : "j'aime quand on m'enduit d'huile", je crois que j'ai souri tout seul.

Dans l'eau et au séchage  

Nous avons ensuite dîné avec ses parents vers minuit et j'ai enfin pu trouver le temps de vous écrire ces quelques paragraphes malgré la fatigue, je vous assure que certains soirs ça n'est pas facile !

19
avr

Nombre de km : 70

Altitude actuelle : 1240 m

(cet article est le récit de ma journée d'hier que je n'ai pas pu publier hier soir faute de connexion internet, le deuxième, celui d'aujourd'hui, arrive dans la soirée)

Je suis parti tard sur la route ce matin car Reza tenait à ce que je prenne le petit déjeuner traditionnel avec ses parents, je ne l'ai pas regretté, mais il voulait aussi faire une interview de moi qu'il a publié sur son compte Instagram. Sur cette vidéo j'ai du donner mon impression sur l'Iran, comment l'image que j'en avait a évolué par rapport à avant. Etc. Évidemment je m'adressais à un peuple fier, j'avais donc tout intérêt à leur passer la brossé à reluire, et je n'ai même pas eu besoin de mentir !

Résultat, je suis parti sur la route à 11h, soit 2h plus tard que prévu. Mais ça n'a pas été un si gros problème, mon objectif était de faire 70 km, je suis arrivé à 16h30 à mon étape de ce soir sans trop forcer.

Comme toujours, j'ai traversé de magnifiques paysages 
Encore des tunnels à traverser. L'air était irrespirable.  

La route d'aujourd'hui a été à nouveau pour moi l'occasion de voir les paysages changer. Je suis actuellement dans une zone semi-désertique impressionnante de beauté.

Je suis tombé par hasard sur ce pont du 14e siècle  
J'ai fini par enlever mon casque tellement la route était vide, et avec cette chaleur ça fait du bien 

Comme il n'y a rien à dire de particulier sur la route d'aujourd'hui à part que c'était beau, je voudrais faire parler du rapport qu'ont les iraniens avec la nature. Tout d'abord je constate après une semaine que les routes sont beaucoup plus propres qu'en Turquie, c'est bien sûr à relativiser, les routes restent tout de même sales. Mais on sent tout de même un vrai respect et un amour des iraniens pour la nature. On croise énormément de traces de feux de camp le long des rivières, on ne compte plus les familles qui pique-niquent dans les montagnes ou à l'ombre d'un arbre sur le bord de la route. C'est pour l'instant un regard assez superficiel, j'aurai certainement une vision beaucoup plus aiguisée dans un mois.

Je me suis arrêté pour passer la nuit à côté d'un restaurant d'autoroute ouvert en continu. Rapidement je suis devenu l'événement auprès des employés du restaurant. Même si ils ne parlent pas un mot d'anglais ce sont des rencontres toujours sympathiques. Je n'ai jamais un moment seul ici, il y a en permanence un des employés qui vient me tenir compagnie, m'offrir à boire... Il y en a un qui vient même de me dire qu'il veut me donner de l'argent pour la suite de mon voyage en Iran. J'ai évidemment refusé, mais il jour il faudra que j'accepte l'offre pour voir la réaction du généreux personnage.

Ils voulaient tous leur photo avec moi. Je commence à m'habituer à cette vie de star internationale.  

Sans transition, j'ai hésité à parler de ce détail, mais je vais finalement le faire, ça fait partie des côtés désagréables de l'aventure. En général il n'y a pas de douches dans les stations service. Toutes les techniques sont donc bonnes pour se laver. Ça m'est arrivé de le faire à moitié dans ma tente, à moitié dehors avec une petite éponge imbibée d'eau froide, mais ce soir ce sera la deuxième fois que je le fais dans les toilettes turques. Oui, c'est répugnant car le principe c'est de soulager sa vessie sur le sol, et de poser sa grosse commission souvent à côté du trou prévu à cet effet, mais parfois on n'a pas le choix. Heureusement il y a souvent une sorte de jet d'eau (froide évidemment, mais dans cette situation c'est le cadet de mes soucis). Je m'arrange donc pour laver le sol des toilettes tant que je peux, et ensuite y poser délicatement mes pieds nus et me laver. Le plus dur c'est de passer le cap psychologique, accepter que les pieds sont nus au contact de ce sol. Une fois qu'on l'a fait ça passe sans problème pour la suite. Au final ce n'était pas la plus agréable douche de ma vie mais je suis propre, c'est bien le principal !


Mon bivouac de cette nuit  
20
avr

Nombre de km : 70

Altitude actuelle : 1750 m

Peu de photos sur la route aujourd'hui car j'étais trop occupé à lutter contre un terrible vent face à moi.

La route ce matin 

Les choses intéressantes ont commencé pendant ma pause déjeuner. Tandis que j'étais en train de pique-niquer à l'ombre d'un arbre sur le bord de la route, un groupe de cyclistes me voit et s'arrête à mes côtés. On discute un peu et je découvre que l'un d'eux est aussi de la communauté de Warmshowers et est un ami proche de la personnes qui devait m'accueillir ce soir. Il me propose de venir chez lui, j'accepte. Il restait 35 km à faire pour arriver à Zanjan, on les a fait ensemble, c'était dur car il y avait le vent, la côte et il fallait tenir le rythme de sportifs avertis qui avaient un vélo à peu près 4 ou 5 fois plus léger que le mien et beaucoup plus aérodynamiques car sans sacoches.

Mes compagnons de route  

Ashkan, mon nouvel hôte improvisé, m'a emmené chez l'un de ses amis artistes chez qui nous avons passé tout le reste de la journée jusqu'à tard dans la soirée. Ce brave homme a eu le bon goût de me dire que la France est le cœur culturel de l'Europe.

La maison de son ami 

C'était amusant car il y avait tout le temps du passage chez lui, des amis qui allaient et venaient. Une maison très vivante et chaleureuse. Nous avons bu une bouteille de vodka pour sceller cette bonne journée.

Lecture de poèmes perses au coin du feu 

Et maintenant je suis chez Ashkan et je pense y rester aussi demain car la prochaine journée me réserve 95 km avec un vent violent, et mes jambes ne sont pas prêtes pour ça, elles me réclament un peu de repos alors je vais leur accorder, avec toute ma clémence.

22
avr

Nombre de km : 100

Altitude actuelle : 1487 m

Après un petit déjeuner très matinal avec mes amis de Zanjan, je suis parti sur la route vers 7h30. Un minimum si je voulais affronter les plus de 100 km qui m'attendaient accompagnés d'un bien sympathique vent défavorable.

Dure journée... Même le décor n'était forcément paradisiaque  

La matinée à été moins venteuse que prévus, j'en ai donc profité pour avancer le plus possible avec ces conditions pas trop défavorables.

Mon vélo sous son meilleur profil

Je me suis arrêté dans une épicerie pour m'acheter des petites choses qu'il me manquaient pour mon pique-nique. Les hommes qui y travaillaient ont été ma rencontre du déjeuner, comme c'est la tradition ces derniers jours. Ils ont absolument tenu à m'offrir une omelette. Je n'ai pas pu refuser, je suis une personne bien éduquée. Je suis donc parti chercher ma gamelle pour y préparer les œufs sur leur gaz. Pour illustrer la scène, j'étais donc assis au milieu d'un petit supermarché d'une petite ville d'Iran, occupé à me préparer mon omelette entouré de clients qui marchaient autour de moi amusés et buvant les paroles du patron qui leur expliquait fièrement qu'un touriste français était en train de faire sa tambouille dans son magasin. Le plus compliqué, une fois l'omelette prête, fut de piloter mon vélo avec une main concentrée à conserver un équilibre précaire pour ne pas que l'omelette ne s'échappe de la gamelle. Une main sur la gamelle, l'autre sur le guidon.

Après le déjeuner, le vent a redoublé d'effort et a pris un bien malin plaisir à ralentir chacun de mes coups de pédales. J'ai pu faire une expérience intéressante : en voyant approcher un petit tunnel j'ai regardé ma vitesse avant d'y entrer, je culminais à 12 km/h en poussant fort sur les pédales, une fois dans le tunnel ma vitesse a dépassé facilement les 18 km/h en relâchant mon effort. Ça se passe de commentaires, mais je vais quand même en faire un : je déteste ce vent mais je finis par me faire une raison. C'est intéressant car en Europe, en ayant eu un tel vent défavorable, j'aurais pesté comme jamais, hurlé à l'injustice, essayé de trouver du sens à de telles difficultés inutiles, j'aurais insulté le vide et le vide n'aurait pas répondu. Je me serais senti seul au monde, à me dire que personne ne peut comprendre ma douleur, exagérer mes grimaces de souffrances au passages des voitures pour inspirer je ne sais quelle pitié ou empathie inutile. Mais ça c'était avant. Aujourd'hui plus que jamais j'ai pris le vent comme une information et j'ai accepté mon sort, il ne changera jamais de direction parce que je me plains. En revanche si ma tête tient le coup, mes jambes tiennent le coup, c'est d'une efficacité redoutable, la tête commande les jambes. Sans énergie dans la tête, pas d'énergie dans le corps, ça se vérifie à tous les coups !

Ça change des paysages désertiques d'ailleurs y a 3 jours  
L'arrivée à Abhar, on peut voir le vent sur les drapeau. C'est toujours un excellent indicateur. 

L'idée, une fois arrivé à Abhar était de contacter mon hôte Soheil pour qu'il me retrouve et m'emmène chez lui. Malheureusement, panne de crédit sur ma carte SIM iranienne. J'ai donc demandé de l'aide à quelqu'un dans la rue qui par chance parlait un peu l'anglais, suffisamment pour comprendre mon problème. Il me prête son téléphone, finit par s'impliquer et s'arrange directement avec Soheil pour fixer le lieu de rendez-vous. Pendant ce temps un autre homme s'arrête et voit que je suis un voyageur qui a besoin d'aide et me propose immédiatement de venir chez lui. Finalement je suis (du verbe suivre) le premier, il m'emmène dans son restaurant et m'offre à boire en m'expliquant que tout est organisé, mon hôte va venir me chercher en voiture. Le moment était venu pour enfin se reposer la tête.

L'homme qui m'a aidé, et moi avec ma tête de quelqu'un qui vient de rouler 100 km avec un vélo de 40 kg et un vent défavorable 

Finalement mon hôte est arrivé avec son frère et un de ses amis, tout le monde s'y est mis pour mettre mon vélo sur le toit de la voiture et on est parti direction le repos et la douche !

Soheil, son ami, moi et un épi.  

Après avoir repris des forces nous sommes partis visiter les quelques lieux à voir de la ville.

Ils aiment bien quand ça brille, pas de doute  

J'ai fini la journée avec un excellent dîner sur le tapis avec la famille de Soheil devant la chaîne France 24, ce qui m'a permis de me mettre légèrement à jour sur l'actualité en France... Grèves de la SNCF, c'est bien la France ne change pas en mon absence.

23
avr

Nombre de km : 80

Altitude actuelle : 1350 m

Après un copieux petit déjeuner en famille, des adieux et des promesses, je suis parti sur la route en regardant mes hôtes agiter leur mouchoir blanc. Ils m'ont offert au moment de mon départ un bon kilo de raisins secs de leur propre production, je pense qu'il m'en restera encore en Russie !

La route était ce matin assez pénible. Un léger vent défavorable, de la pluie, des routes en mauvais état et de la boue... Un vrai petit paradis.

Ma route du matin, rien d'inoubliable 
J'ai trouvé un petit coin de paradis pour ma première pause de la journée. De quoi faire des jaloux à Paris !  
Comme une odeur de mort par ici...  

J'ai déjeuné dans une petite ville répondant au nom de Takestan, ça pourrait être un pays d'Asie centrale.

Tandis que je roulais à Takestan à la recherche d'un restaurant pour ma pause déjeuner, je passai devant une sorte de bouis-bouis crasseux et ses occupants qui me faisaient des signes pour que je m'aventure dans leur antre. J'aime l'aventure, et je suis souvent attiré par ce qui respire le vrai, les lieux qui dégoulinent d'artifices me donnent la nausée. (ça marche aussi pour les femmes, d'ailleurs). Je pénètre dans ce lieu en leur expliquant avec des gestes universels que j'ai faim et que j'espère qu'ils ont de quoi satisfaire mon appétit de loup. Après maintes discussions, j'ai obtenu une omelette à la tomate avec du pain. Ce n'était pas le déjeuner dont je rêvais mais c'est tout ce qu'ils avaient. Au final je n'ai jamais su si ce lieu était un restaurant où autre chose. Le plus drôle c'est que tout les commerçants du coin venaient à leur tour pour me saluer et me regarder manger. J'ai eu l'espace d'un instant la sensation d'être dans la peau de Louis 14, tandis que la cour venait assister au repas du roi. Ça défilait, ça commentait, ça m'observait, ça riait, ça me serrait la main... Ça ne me dérange pas en fait, je m'y habitue, c'est amusant.

Mes copains du déjeuner. Ma cour. 

Après ce déjeuner finalement pas assez copieux j'ai repris la route avec une bonne et une mauvaise surprise. Je commence par la bonne, il ne pleuvait plus et le soleil daignait même traverser timidement des nuages de moins en moins épais. La mauvaise nouvelle... Le vent qui était pourtant annoncé pour une fois dans le bon sens pour moi s'est encore amusé à m'embêter, j'ai donc eu pour les 40 derniers km un fort vent défavorable, comme d'habitude !! Cela fait une semaine que j'ai tous les jours un mauvais vent, et le pire c'est que même quant je change de direction, il prend un malin plaisir à aussi changer d'angle pour bien me pourrir ma journée ! C'est vraiment dur psychologique, une bonne école de la vie. Demain le vent est annoncé bon pour moi. Je n'y crois plus.

Les paysages commencent à ressembler un peu à l'Afrique. 
Arrivée à Qazvin 

J'ai retrouvé mon hôte de ce soir, Navid, qui après un moment de repos et une bonne douche m'a emmené rendre visite à la famille de sa future femme, nous avons ensuite visité certains lieux historiques de cette ville qui est très importante dans l'histoire de la Perse, elle en était même la capitale il y a plusieurs siècles.

L'ancien bazar de la ville, étape importante de la route de la soie.  
Le tombeau de l'un des fils de Mahomet.

Après avoir visité le fameux tombeau de l'un des nombreux enfants du prophète, nous avons mangé une glace traditionnelle de la ville, photos :

La glace d'ici. Délicieux !  

Je suis à Téhéran dans leur jours. Un vrai repos m'y attend, à base de visites, demandes de visas, route en bus pour les villes du sud incontournables, Etc.

Vivement mercredi.

24
avr
24
avr

Nombre de km : 72

Altitude actuelle : 1200 m

Une grande surprise et une grande première aujourd'hui, mais je n'en dis pas plus, commençons par le commencement.

Après avoir pris le petit déjeuner avec Navid et avoir répondu à son interview filmée pour la montrer à la communauté de cyclistes de Gazvin, je suis monté sur mon vélo, j'ai donné un coup de pédales, puis un autre, j'ai laissé passer les chauffards et poussé un quatrième coup de pédales, non sans avoir salué les passants en guise de réponse aux aimables hurlements qui m'étaient destinés. La route était ouverte, je m'y suis engagé sans savoir où j'allais dormir ce soir.

Le début de la route 

Mon chemin était ouvert à la surprise et à la rencontre. Après 20 km de route sur un rythme assez élevé, je fais ma première pause. Je descends de mon vélo, commence à regarder ma carte, bois quelques gorgées d'eau et vois apparaître sur la route dans ma direction deux cyclo-touristes comme moi ! Pour la première fois de ma route j'ai croisé d'autres voyageurs à vélo qui allaient dans la même direction que moi. C'est un Couple suisse de la région de Zurich qui parlent suffisamment bien français pour que je laisse de côté la langue de Shakespeare. Après avoir discuté 10 minutes nous avons décidé de faire la suite de la route ensemble jusqu'à ce que nous routes se séparent. Nous avons pique-niqué ensemble à l'ombre d'un arbre, partagé nos victuailles et nos expériences. C'était très agréable de pouvoir échanger avec des voyageurs et constater qu'ils ont les mêmes ressentis sur énormément de détails du quotidien sur la route. On se sent enfin compris par quelqu'un, on peut se débarrasser de son surplus d'amour et de frustrations. On n'est plus seul avec ces émotions, elles trouvent un écho chez des étrangers que l'on ne connaissait pas le jour même, mais avec lesquels on se sent déjà si proche.

Déjeuner avec mes amis suisses 
La route à plusieurs c'est quand même plus agréable 

La route était très agréable. Quand on a des gens à qui parler pendant de longs km tout est plus rapide, plus doux, mais on se fait encore plus remarquer dans les rues.

En approche de l'étape du jour  

Mes amis n'avaient pas encore trouvé de plan pour la nuit, je leur ai donc proposé de m'accompagner chez mon hôte du jour (il venait de répondre positivement à ma demande). La plus grosse difficulté fut de trouver la maison. En réalité il nous a demandé de dormir chez l'un de ses amis en nous envoyant une adresse en lettres arabes, donc difficile pour nous simples européens à déchiffrer ! Nous avons passé près d'une heure à demander aux gens dans la rue où était ce lieu, il y avait un attroupement de gens autour de moi. Certains me parlaient en Perse, d'autres me prenaient par le bras, d'autres me faisaient des signes de la main pour indiquer la direction à suivre. Personne n'avait l'air d'accord et j'étais au milieu de ce chaos légèrement anxiogène en tentant de faire le point pour trouver la solution. Au final un aimable Iranien nous a accompagné en voiture, on n'avait qu'à le suivre à vélo. Une fois arrivés à l'adresse indiquée, dans une petite rue, nous avons été envahis de locaux pendant 20 minutes qui voulaient prendre des photos avec nous, nous proposaient de dormir chez eux ou de manger chez eux. C'est comme si pour eux recevoir un étranger à la maison est une fierté, un privilège à faire pâlir de jalousie tout le quartier.

 Des touristes ! Le quartier est en effervescence ! 

Notre hôte, Mustafa, a semblé avoir une hallucination en voyant cet attroupement devant sa porte, et ne paraissait pas apprécier ma chose. Il nous a ouvert, et avons passé la soirée avec lui et sa famille. Ils nous ont agrémenté de 2 dîners, parce qu'un seul ça aurait été un peu mesquin tout de même !

La famille de Mustafa et Cécile mon amie suisse  (en bleu)  

Demain lever tôt car il faut arriver à Téhéran et il va falloir traverser des dizaines de km de routes urbanisées, polluées et potentiellement dangereuses.

26
avr

Nombre de km : 90

Altitude actuelle : 1260 m

Aujourd'hui le récit relatera la journée d'hier et celle d'aujourd'hui. J'étais bien trop épuisé hier soir pour écrire quoi que ce soit.

Mercredi 25 avril :

Mes amis suisses et moi-même avons quitté la maison de la famille de notre hôte la panse suffisamment remplie pour affronter les derniers km qui nous séparent de Téhéran. Chose sympathique, notre hôte et son ami nous ont escorté à vélo jusqu'à la route principale.

Mes amis suisses sur la route  

Mes camarades ont imposé un rythme assez rapide, ce qui fait que l'on est arrivé très rapidement sur l'agglomération de Téhéran qui est gigantesques. Nous avons d'abord traversé très difficilement une première ville, Karaj, avec un trafic routier plus que dense, un air irrespirable et une manière de conduite très iranienne. A Karaj ou à Téhéran, il y a tout ce qui m'énerve quand je suis à vélo à Paris, mais en 100 fois pire. Il faut être extrêmement vigilant et concentré, le danger peut venir des quatre points cardinaux sans jamais prévenir... Mais j'écrirai un paragraphe plus étoffé sur ce sujet ultérieurement.

On s'approche de l'agglomération de Téhéran  

J'ai quitté mes amis sur la route de Téhéran pour faire une halte chez mon amie de Tabriz, Masi, qui a passé quelques jours à Teheran avec deux de ses amies. Après une bonne douche, elles m'ont emmené visiter le centre ville et plus particulièrement le grand Bazaar de Téhéran. Le temps de rentrer de cette première visite de la ville il aurait été trop tard pour remonter sur mon vélo pour dormir chez mon hôte à Téhéran (il aurait juste fallu prendre l'autoroute urbaine de nuit) j'ai donc dormi chez elle pour rejoindre mon hôte Mohammad le lendemain matin.

Un regard sur Téhéran  

Jeudi 26 avril :

Réveil à 7h ce matin pour prendre le petit déjeuner avec Masi et arriver avant 9h chez Mohammad. C'est la même ville mais 20 km séparent les deux appartements, et c'est le même coin de la ville ! Ce furent 20 km d'autoroute urbaine et de sprint. Je les ai avalés en 40 minutes, nouveau record.

Après avoir salué la famille de Mohammad comme il se devait, j'ai dégusté un deuxième petit déjeuner avec encore plus d'appétit que pour le premier et nous sommes partis ensemble pour un centre de l'armée pour faire rallonger la date de départ sur mon visa. C'est plus compliqué que prévu. Il va falloir le récupérer dimanche, sachant que je vais aussi en avoir besoin pour demander mon visa pour le Turkménistan et également pour aller visiter les villes du sud qui me tendent les bras ! Enfin je ne vais pas embêter mes lecteurs avec de bas problèmes administratifs et organisationnels, mais il semble que l'administration iranienne n'a rien à envier la bureaucratie française. Ils sont antipathiques à souhait, exigent un nombre incalculable de paperasses et on ne sait jamais à qui s'adresser.

Malgré la tête envahie d'un casse tête organisationnel pour les prochains jours, j'ai suivi Mohammad pour visiter un très joli parc du nord de la ville offrant une vue superbe sur les montagnes bordant le nord de l'agglomération.

Les embouteillages étouffants de Téhéran se marient plutôt bien avec le gigantisme de ses montagnes 
Mohammad et moi-même  

Après le parc et le pont suspendu au dessus des embouteillages qui offrait un merveilleux cocktail d'hydrocarbures à respirer sans modération, nous avons passé un bon moment dans un musée de l'armée et sommes tombés dans l'arrière boutique du musée à ciel ouvert. C'était une sorte de cimetière de tanks en tout genre, un merveilleux terrain de jeu pour le grand enfant que je suis. J'ai escaladé les carcasse, tourné des manivelles dans le vide, appuyé sur la gâchette des mitrailleuses en simulant le bruit des rafales de balles, attrapé 5 fois le tétanos en m'écorchant sur des morceaux de tôles rouillés et admiré les éclats d'obus en m'imaginant les derniers instants de ces engins de mort.

Le musée de la sainte armée de la République islamique d'Iran  
On s'amuse comme on peut 
Encore un tank... Garé dans la rue cette fois 
A droite un monument aux soldats inconnus morts pour la nation.  

Tous les deux épuisés, nous sommes ensuite rentrés chez Mohammad, et nous attendait un délicieux dîner préparé par sa mère et sa sœur.

29
avr

Me revoilà, après 3 jours d'absence. J'ai pu découvrir des endroits intéressants, marcher seul dans la rue le cœur ouvert à l'imprévu et à la différence. A suivre, récits et ressentis.

Vendredi 27 avril :

Après avoir pris le temps de flâner chez lui en profitant des merveilleux repas que sa maman nous a préparé, nous avons pris le premier taxi venu pour se diriger vers la Milad Tower. Cette tour mesure 435 m de haut et est tout simplement la 6e plus haute tour autoportante du monde. Le point de vue est à 280 m et offre un panorama à 360°. Magnifique !

La tour vue d'en bas 
La vue, de jour  

Anecdote intéressante. Les riches iraniens se réfugient dans les quartiers nord de la ville, plus proches de la montagne et loin de l'agitation du centre ville. Leurs habitations sont des somptueuse villas, souvent avec piscine, Porsche Cayenne et marbre apparent. Il se trouve que du haut de cette tour, l'on distingue très bien leurs maisons, et pour encore mieux en apprécier le luxe, il y a tous les 30 m des longues vues gratuites. Oui mais voilà, il y a une seule et unique longue vue qui n'est pas réglable sur la hauteur, c'est celle qui est en face des quartiers riches. Il est donc impossible d'admirer les maisons des riches. Je me suis posé la question, pourquoi ? Je ne crois pas que ça soit un problème de sécurité, on est bien trop loin pour ça. Je crois avoir la réponse, la loi islamique interdit toute exposition du corps féminin, si les longues vues autorisaient l'accès aux jardins de ces riches propriétaires, les hommes du haut de la tour pourraient avoir l'agréable surprise de découvrir par inadvertance une femme faire trempette dans un maillot de bain certainement pas validé par la Charia. Quelle belle chose que la pudeur iranienne !

Les quartiers riches 
Téhéran, à la tombée de la nuit  
Teheran la nuit  

Samedi 28 avril :

Je suis parti tôt le matin pour tenter de récupérer mon extension de visa et mon passeport au centre de l'immigration, ce fut un fiasco. Les gens m'ont presque insulté parce que je venais samedi alors qu'il était marqué en lettre arabes lundi sur mon papier. Je me suis dit "qui ne tente rien n'a rien" mais je ne savais pas comment leur expliquer ça en Perse. Après m'être fait sérieusement houspiller par un policier et le chef de la police en personne, ils ont accompagné mon départ d'un geste de mépris de la main qui voulait dire : "Dégage ! Ne me fais plus perdre mon temps !"

Je dois avouer que si on ne parle ni ne lit le Perse, c'est difficile de s'y retrouver. Tout est écrit en Perse, même pas en lettres latines. Heureusement que les gens qui attendent comme moi sont gentils et aidants.

Après cet échec cuisant, je me suis dirigé au hasard des rues. C'est à mon sens la meilleure manière de "ressentir" la ville et ses habitants.

Au hasard de la ville 

En apprenant avec joie qu'un bon déjeuner m'attendait chez la famille de Mohammad, je m'y suis précipité sans perdre une seconde... Une heure et demi plus tard (c'est une grande ville), j'ai pu déguster un excellent déjeuner avec la maman et la sœur de Mohammad, qui m'ont fait le plaisir de me faire la conversation une bonne partie de l'après-midi.

Le quartier où je suis hébergé. Un groupement d'immeubles construits par le Shah 

Mohammad m'a ensuite fait découvrir un agréable lac artificiel autour duquel nous avons eu plaisir de se promener dans l'un des seuls endroits calmes et paisibles de la ville.

Téhéran, à l'image d'Istanbul, est toujours en extension.  

Dimanche 29 avril :

Ce matin, j'ai pris mon courage à deux mains et je suis retourné dans ce centre d'immigration dans l'espoir de pouvoir enfin récupérer mon passeport. Je l'ai eu sans recevoir d'insulte et de postillons !

Le fameux sésame  

Sans transition, ayant beaucoup pris le métro ces derniers jours, je tenais à m'étendre un peu sur ce que l'on y voit. Car le métro est sans le savoir un miroir intéressant de l'état d'une société, de sa culture et des relations sociales.

Première chose, il y a des wagons réservés aux femmes. Bien loin de trouver cela choquant, bien au contraire, je pense que c'est un moyen sur de s'éviter les incalculables harcèlements dont les femmes peuvent être victimes dans le métro parisien. Ce pays au dangereux obscurantisme religieux semble mieux protéger les femmes que chez nous. D'ailleurs c'est amusant de voir que pendant les heures de pointes, les wagons des femmes sont des havres de paix avec bien plus de place que dans les wagons pour tous, dans lesquels on est entassés comme du bétail.

Une autre belle surprise du métro, les gens sont de bonne humeur, se parlent facilement. Si deux personnes engagent la conversation, les voisins vont spontanément écouter et même participer à la discussion pour donner leur avis. Et tout le monde aux alentours regarde les protagonistes, sans gêne ni honte. A Paris, les gens feraient semblant de ne même pas remarquer que des gens parlent autour d'eux, ils les écouteraient secrètement en regardant leurs chaussures ou leur smartphone.

Par ailleurs il y a un vrai respect pour les personnes âgées et les personnes diminuées. Dès qu'une personnes âgée entre dans le wagon, une ou deux places assises se libèrent immédiatement pour lui laisser la place. La même chose, même lorsqu'il s'agit d'un jeune avec un plâtre au bras.

Une autre forme de respect qui m'a intéressé, c'est envers les autorités religieuses. J'ai vu un Mollah entrer dans le wagon devant moi, les hommes faisaient presque une haie d'honneur pour lui. On poussait les gens pour lui laisser le passage, on l'aidait et on lui parlait. Dès qu'il avait un moment de répit, un homme venait d'adresser à lui pour lui parler de ses problèmes personnels, écouter ses conseils éclairés, tel un prêtre pendant la confession, sauf que la confession est à la portée de toutes les oreilles au beau milieu de la rame de métro.

Toujours dans le métro, j'ai été impressionné par le nombre de vendeurs ambulants en tout genre, des chaussettes, des écouteurs, de livres de coloriages, des chewing-gum, des gadgets divers, des pistolets pour enfants, des classeurs, des bracelets pour adolescents rebelles, des couches pour bébé... Ah oui, les couches pour bébé c'était de l'autre côté de la vitre blindée. La vendeuse de couches a bien ciblé son public, étant dans la zone "Women only".


Demain matin je vais faire ma demande préalable pour le visa turkmène avant de prendre le train pour Kashan, première destination de ma semaine de visite dans le sud.

1
mai

Lundi 30 avril:

Départ très tôt de chez Mohammad avec mon sac en direction de L'ambassade du Turkménistan pour faire ma demande préalable de visa. Tout s'est plutôt bien passé, je pourrai même venir le récupérer directement à la frontière, sous réserve d'acceptation de mon dossier. Je dois les rappeler à ce sujet dans une quinzaine de jours pour être fixé à ce sujet. Intéressant cette visite du quartier nord, une fois sorti du métro on s'aperçoit que la température a baissé d'environ 5 degrés, en réalité on est beaucoup plus en altitude dans ce quartier que dans le centre de Téhéran, déjà sur le flanc de la montagne.

Les indications à L'ambassade du Turkménistan, ça peut en intéresser certains  

Je me suis ensuite directement dirigé vers la gare, 500 m plus bas (en altitude). A la gare nous avions prévu avec mes 2 amis suisses de prendre le train ensemble pour Kashan. Seul problème, cette semaine est une semaine de congé importante en Iran. Par conséquent, tous les trains étaient pleins pour Kashan. Nous avons donc sauté en catastrophe dans un taxi pour la gare routière. Nous avons eu la chance d'y trouver un bus dans la demi-heure après avoir assisté à une scène digne de la bourse de Wall Street. Les vendeurs hurlaient à qui voulaient bien les entendre des noms de destination, des prix et tout un tas d'informations que je n'ai pas compris. Une cacophonie qui fait perdre ses repères. Mais le jeu en valait la chandelle, nous sommes entrés dans un bus d'un luxe rare. On y est aussi bien installé qu'en première classe en avion, pour l'équivalent de 3.50€ le trajet. Nous n'avons hélas pas pu profiter au maximum de ce luxe inattendu car sans endroit où dormir sur place, nous commencions à nous inquiéter à mesure que la ville d'approchait. Anecdote amusante, les chauffeurs du bus arrêtaient le bus à tous les carrefour en criant par la fenêtre "Kashan !", qui à l'oreille ressemble fortement à "cochon", à tel point que j'aurais pu fermer les yeux et me voir dans une chasse au sanglier.

La gare de Téhéran  
L'intérieur du bus VIP, avec mes amis suisses  
La route, le désert  

Une fois arrivés à Kashan, nous avons trouvé un taxi qui nous a arrangé une chambre d'hôte dans un endroit ravissant pour 11€ par personne. Peu cher pour des prix français mais exorbitant pour les standards iraniens. Soit, nous n'avons pas le choix et nous avons pris notre chambre, que nous avons partagé avec une autre suissesse allemande (quel hasard !).

Notre chambre d'hôtes  

Nous avons bien profité de la soirée à Kashan, et découvert de charmantes ruelles et un très beau bazar.

Kashan, et sa vie nocturne  

C'est la première vraie ville touristique d'Iran que j'ai visité, et la première mauvaise surprise a été le fait que les gens ne sont plus attirés par nous pour les mêmes raisons que dans les petits villages. Ici c'est bien entendu notre portefeuille qui les intéresse avant tout. Même les personnes inscrites sur Couchsurfing ou Warmshowers (deux sites internet qui m'ont aidé à trouver beaucoup d'hôtes formidables), nous demandent de leur payer la chambre. Grosse déception. Également il y a beaucoup plus de touristes partout et surtout beaucoup de français ! Un touriste sur deux est français, je n'ai pas encore découvert la raison mais je vais revenir dans quelques jours avec une théorie solide et éclairée à ce sujet. Je veux comprendre.

C'est d'ailleurs amusant de voir toutes ces touristes françaises de tous les âges peu à l'aise avec leur foulard sur la tête, en train de le remettre maladroitement toutes les 2 minutes pour se soumettre docilement à la loi islamique en vigueur.

Le bazar 

Mardi 1er mai :

Nous avons profité d'un délicieux et copieux petit déjeuner à l'hôtel, que nous avons partagé avec la suissesse qui occupait notre chambre. J'ai donc pour ainsi dire pris le petit déjeuner avec "les trois suisses".

Petit déjeuner avec mes 3 amis suisses  

Nous sommes ensuite partis tous les 4 visiter le maximum possible avant de prendre mon bus pour Ispahan.

Beaucoup de touristes mais une très jolie ville qui vaut le détour.

Kashan, sous toutes ses coutures  

Une jeune femme dans sa voiture à eu la gentillesse de s'arrêter pour me demander si elle pouvait m'aider, j'ai dit oui. Elle m'a donc rapproché de la station sans rien demander en retour. Il y a quand même des gens qui ne sont pas intéressés dans ces villes.

Une fois à la gare routière, j'ai eu l'effroi d'apprendre que tous les bus étaient pleins pour Ispahan, vacances oblige. Que faire ? Je n'étais pas le seul dans cette situation inconfortable. Je vois un touriste à vélo, comme moi, au type européen, qui se bat au comptoir pour les mêmes raisons que moi. Je me précipite sur lui et découvre qu'il est suisse (encore !), mais francophone cette fois, de Montreux. Nous sympathisons et un Iranien, constatant notre problème de bus s'est investi personnellement dans cette honorable mission: nous faire prendre un bus aujourd'hui pour Ispahan. Mission accomplie ! Nous avons pu avoir un billet pour un "extra bus" à 16:40.

Entre Kashan et Ispahan 

Après quelques minutes avec Mathieu (le suisse), j'ai appris qu'il allait à peu près prendre le même itinéraire que moi, nous avons donc décidé de se suivre et de mutualiser nos hôtes. C'est réussi pour Yazd, son hôte accepte aussi de m'accueillir. Une fois arrivés à Ispahan, nous avons eu la confirmation que mon hôte acceptait d'accueillir aussi Mathieu, nous avons donc pris un taxi pour le lieu de rendez-vous fixé par Ali Reza. Nous l'avons retrouvé en pleine distribution de nourriture à l'occasion de cette fête religieuse. Des dizaines de personnes étaient là, mangeaient, riaient et nous regardaient avec curiosité. Après la bataille, nous avons enfin pu passer un peu de temps avec lui. C'est un personnage assez atypique. Il a 24 ans et est le propriétaire d'une école privée occupant la totalité d'un grand immeuble moderne. Nous l'avons accompagné à son bureau et avions l'impression de passer du temps avec un parrain de la mafia.

Après avoir fait des feux d'artifice pour marquer le coup, nous sommes rentrés chez lui en voiture et avons pu apprécier ses talents de pilote et d'inconscience... Il dépassait les voitures par la droite à 140 km/h sur le périphérique, parfois se faufilant entre deux voitures, laissant 5 cm de marge de chaque côté. Je dois avouer que je ne faisais pas le malin. Je crois que je n'ai jamais vu une conduite aussi sportive et dangereuse de ma vie. Mais nous sommes sains et sauf c'est le principal !

L'épisode du feu d'artifice  
3
mai

Mercredi 2 mai :

Première journée à Ispahan pour Mathieu et moi, nous partions d'un pas décidé sur les rues de la ville, prêts à immortaliser chaque recoin d'église arménienne, chaque minaret de ces mosquée aux sublimes décorations, cependant la réalité nous a vite rattrapé. Oui, la ville est très belle, en revanche tout est payant ! Nous nous étions habitués à des budgets quotidiens si faibles, il a fallu réévaluer ses standards et accepter le fait que c'est une ville touristique et que les iraniens ont su en tirer bien des profits.

Première mauvaise surprise, nous avions l'ambition naïve de visiter la cathédrale arménienne qui paraît-il abritait de magnifiques peintures murales d'une ancienneté rare. Mais le tarif pour l'entrée était de 300.000 rials, soit presque 6 €. Dans l'absolu c'est déjà un tarif onéreux pour un standard européen, mais le plus beau reste à venir. Dans toutes les billetteries y a un tarif pour touriste écrit en anglais et un tarif pour Iranien écrit en lettres perso-arabes. Et le tarif Iranien était en moyenne 7 fois plus faible que le tarif touriste, ce qui a eu le don de nous énerver pour toute la journée et d'aiguiser nos talents de négociation. Après des tentatives infructueuses de passer pour des iraniens afin d'obtenir leur tarif spécial, nous avons fait demi tour à la recherche d'une autre église tout aussi jolie mais un peu moins chère.

L'église arménienne  

Après la visite de cette somptueuse église contenant plus de caméras de surveillance que de fidèles, nous sommes partis en direction du fleuve... Du moins ce que nous pensions être le fleuve. C'est en réalité un lit de rivière aride et craquelé sur lequel trône tristement de superbes ponts, tels des rois sans royaume, beaux mais inutiles, majestueux mais sans reflet. Un spectacle d'une infinie tristesse.

Le pont et les pédalos sur un lit aride

Un peu déprimés par cette vision apocalyptique, nous avons traversé des jardins publics envahis de famille iraniennes en train de pique-niquer en cette journée fériée. Tandis que nous passions devant une famille assise sur l'herbe, un homme nous a fait signe de nous joindre à eux, un peu hésitants, ne voulant pas déranger leur quiétude familiale, nous avons fini par céder après insistance de ces gens. L'hospitalité iranienne, encore et toujours ! Ils nous ont offert un thé, et de fil en aiguille, nous sommes restés presque 2 heures avec eux, ils nous ont offert à manger, à boire, parlé avec eux, rit ensemble, joué avec leur enfants. Nous avions eu cette exceptionnelle, mais si habituelle impression de faire partie de leur famille.

Un pique-nique en famille 

Ce fut difficile de les quitter après un moment si agréable à leurs côtés, mais il nous fallait continuer la visite, et une superbe place nous attendait les bras ouverts.

La place Naqsh-e Jahan, centre de l'ancienne capitale Perse. 

En découvrant que chaque visite est payante, nous avons décidé de nous limiter à ce qui vaut vraiment le coup et avons opté pour la mosquée du Shah. La négociation à l'entrée fut difficile mais efficace. Nous somme allés directement voir l'homme qui vérifiait les tickets à l'entrée pour lui expliquer que nos moyens sont limités, que l'on voudrait payer le tarif Iranien... Les talents de négociateur de Mathieu ont fait la différence. Après 2 minutes d'une âpre discussion, l'homme nous a laissé passer sans payer en nous disant que nous lui mettrons dans la poche la moitié du prix du billet pour touriste. Après 15 minutes passées à l'intérieur de cette mosquée d'une incroyable beauté, il nous a retrouvé et nous lui avons donné son "pourboire".

La visite de la mosquée du Shah, on s'y est fait des copines 

En cette journée de fête religieuse, la mosquée a organisé un espace destiné à la rencontre entre des musulmans et les touristes pour parler de l'islam et casser les clichés souvent négatifs que les occidentaux cultivent à l'égard de la religion musulmane. Nous avons parlé au Mollah en personne, il nous a offert gentiment des bonbons et un verre de jus de fruits, et avons commencé à discuter. Ce qui m'a choqué c'est que cet homme qui, en pensant changer une hypothétique mauvaise image que nous aurions à l'égard de l'islam, nous a abordé avec le même genre de préjugés à l'égard des pays occidentaux. On sentait que dans son esprit il s'adressait à des européens, et donc des pêcheurs menant une vie de débauche et de fornication loin de toute forme de spiritualité. Quand j'essayais de lui expliquer que mes valeurs de catholique ne sont pas si éloignées que les siennes, c'est comme si je ne pouvais pas franchir un mur de préjugés qui lui fermait les yeux et les oreilles. Cela semblait hors de son entendement que des européens ne soient pas d'affreux pêcheurs à remettre dans le droit chemin, il nous regardait avec ses yeux tristes et condescendants comme si il était malheureux pour nous et pour ce qui nous attend après la mort. Peut être que je me trompe dans mon interprétation mais c'est réellement l'impression que j'en ai gardé, comme un mauvais goût qui reste au travers de la bouche. Après cette discussion fermée et sans réel échange, nous avons continué la visite de la mosquée.

Nous avons remarqué une tradition amusante dans cette ville. Les nombreux arbres qui jalonnent les rues sont chargés de baies sont les habitants raffolent. Toute la journée nous voyons les gens manger les fruits dans les arbres, en faire des stocks pour chez eux, secouer les branches au dessus d'une nappe ou même franchement casser une grosse blanche pour accéder plus facilement aux fruits tant désirés, et la laisser traîner béante au milieu de la rue. Un petit problème, ces fruits jonchent le sol des rues et font des trottoirs de vraies patinoires, comme si tintin avait déposé derrière lui des dizaines de peaux de bananes pour stopper les méchants gangsters. Le résultat aurait été le même. J'ai failli tomber une bonne dizaine de fois dans la journée !

Sur la route avec Ali. Ici le kitch n'est pas un gros mot 

Nous avons ensuite retrouvé notre hôte, Ali, pour un dîner dans le plus grand centre commercial de la ville, un lieu rutilant, temple de la consommation, qui semble attirer en masse les iraniens en mal d'occidentalité.

Je maîtrise assez bien la musique traditionnelle Perse.  

Jeudi 3 mai :

Nous avons commencé la journée par une visite d'une mosquée éloignée du centre mais très particulière, je dirais même unique au monde. Parmi les plus anciennes de la région elle est dotée d'une technologie anti-sismique. Les deux minarets ont cette particularité de ne pas être accrochés au sol et à la structure de la mosquée, c'est un élément séparé qui bouge en un bloc. Un homme est monté en haut d'un minaret et a fait une démonstration surprenante en arrivant à secouer l'ensemble de la structure du minaret, qui oscillait de 20 cm de gauche à droite. On dirait un décor en carton alors qu'il s'agit d'un très ancien minaret en briques.

La mosquée au minaret qui tremble 

Nous sommes ensuite retournés dans le centre pour pique-niquer devant le pont, puis avons visité le bazar et testé le métro d'Ispahan vieux de 2 mois et pas tout à fait terminé. Nous avons aussi eu la chance de tomber sur un autre cyclo-touriste avec qui nous avons pris un verre pour partager nos expériences et nos impressions. C'était Christian, un Danois qui faisait un tour de la région sur une dizaine de jours.

Pique-nique devant le "fleuve"  
Visite du bazar 
Christian Le Danois 

Dans tous ces endroits touristiques, on a pu remarquer qu'enormement de gens nous parlent en nous abordant tout le temps de la même manière : "Hello, where are you from ?". Nous avons commencé à jouer à un jeu très amusant, nous inventer des nationalités. Je me suis fait passer pour un chinois, puis un birkinabé... Ça n'a pas eu l'air de prendre. En revanche des origines australiennent semblaient plus crédible à leurs yeux. C'est un art difficile car il faut arriver à imiter un accent en anglais en se retenant de rire.

Sous une pluie inattendue, nous nous sommes dirigés vers un pont magnifique offrant de superbes lumières la nuit tombée.

Le fameux pont éclairé  

Nous avons, pour la soirée, préparé un bon dîner à Ali et nous sommes couchés pour un réveil très tôt pour prendre le bus vers Yazd le lendemain.

Le diner avec notre hôte  
5
mai
Bienvenue à Yazd 

Vendredi 4 mai :

Départ tôt le matin d'Ispahan pour Yazd par bus pour arriver à une heure normale et profiter de notre vendredi. (ici le vendredi c'est le dimanche). Nous sommes finalement arrivés vers 15h00 chez notre hôte, et après la présentation avec sa famille, ses poules et sa tortue, il nous a emmené avec son frère faire une escapade à vélo dans le centre de la ville. Nous avons traversé d'innombrables vieilles ruelles, un véritable labyrinthe de rues, de passages et d'impasse dans lequel il est très facile de perdre son orientation et de ne plus retrouver le chemin de la sortie. Très agréable balade toutefois, qui nous a offert un spectacle magnifique de mosquées resplendissantes de beauté, de bazars et de ruelles ombragées.

Yazd à vélo  

Nous avons passé la fin de la journée livrés à nous même dans cette ville digne des contes des mille et une nuits. Pédaler dans cette ville était pour moi une expérience délicieuse qui me rappelait Paris, mon jardin, mon terrain de jeu quotidien qui me manque sans me manquer. Je roulais dans ces rues étrangères, presque dans une autre planète, tout en ayant l'impression d'être chez moi. Je roulais à domicile mais dans un cadre féerique et j'étais bien, la température était parfaite, le vent rafraîchissant et de l'eau en abondance pour hydrater une gorge en permanence desséchée par un taux d'humidité de l'air proche de 0.

Jour, nuit, jour, nuit...  

Cette ville, cet oasis en plein désert, est plus qu'ailleurs un repaire à touristes français. Je n'ai toujours pas compris pourquoi, mais plus de la moitié des touristes que l'on croise sont des français. Peut être que si l'on creuse dans l'histoire et l'ADN de notre peuple, on peut y découvrir une longue lignée d'aventuriers, de découvreurs, de navigateurs, alpinistes, et autres missionnaires. C'est peut être en nous, ce désir de l'autre, de l'inconnu, de ce qui nous complète et nous transporte. Notre lourd passé colonialiste est un témoignage éloquent de ce besoin de découverte. On ne peut pas échapper à cet héritage, cet atavisme précieux qui fait de nous des gens curieux et passionnés par essence.

Samedi 5 mai :

Le plan de ce samedi était de visiter le centre ville par nous même, tenter de monter sur les toits du bazar et partir en fin d'après-midi pour un désert de dunes à 100 km de Yazd.

Deuxième visite à Yazd 

Après plusieurs tentatives nous avons réussi à accomplir l'un de nos principaux objectifs en demandant à des locaux où se trouvait la porte secrète pour accéder aux toits du bazar. Après 5 minutes sur les toits, on a vu marcher vers nous un militaire, talkie-walkie à l'oreille, matraque et menottes à la ceinture. Notre première réaction fut : "M... ! On va avoir des problèmes !", mais on a joué un jeu assez habile avec ce brave soldat en mission de surveillance, qui devait s'ennuyer ferme sur son toit. On s'est approché de lui tout sourire, en prenant l'air le plus avenant et sympathique sans prendre un faux air innocent. Nous savions que l'endroit n'était pas forcément autorisé et on l'assumait. On s'est présenté, on lui a serré la main et on est tombé sur un jeune homme très gentil qui effectivement était là pour nous demander de quitter les lieux, mais nous a fait la faveur de nous montrer d'autres endroit très beaux du toit avant de nous demander poliment de redescendre.

Sur les tours du bazar 
Le passage secret vers le toit... Peut être pas si secret que ça.  

En se promenant sur d'autres toits de la ville (autorisés cette fois) en quête de la meilleure vue possible, nous avons fait la connaissance d'une touriste Marocaine très sympathique avec laquelle nous avons bavardé pendant un bon quart d'heure. Je voyais ça comme une petite victoire de la francophonie. Une marocaine, un suisse et un français qui parlent la même langue. Une langue qui rapproche et qui relie, comme si une grande partie de notre identité était cachée dans cette langue commune qui nous donnait cette délicieuse impression de parler avec des compatriotes. Des compatriotes de l'esprit.

De retour chez Hedayat, nous avons fait quelques courses pour le pique-nique et sommes partis en direction du désert à bord d'une peugeot 405 qui m'a rappelé celle de mon oncle Olivier pendant mon enfance.

Sur la route des dunes 

Le désert de dunes était pour moi tout simplement un rêve de gosse qui s'est réalisé 30 ans plus tard. Ces dunes de sable, cette immensité et cette solitude ont toujours été, depuis tout petit, un désir profond.

Un rêve se realise 

C'était magnifique, Mathieu et moi étions absolument seuls dans ce cadre féerique. Nous avons escaladé à pied la plus haute dune visible et avons admiré ce coucher de soleil que l'on oubliera jamais. Mais il ne faut pas sous estimer les dangers de cet endroits, l'air est extrêmement sec, marcher dans le sable mou demande deux fois plus d'efforts, et dès que le vent se lève, le sable si doux et agréable au pied se transforme en des milliers de mini projectiles qui fouettent le visage sous forme de multitudes de toutes petites piqûres et entre abondamment dans les vêtements, les yeux et la bouche. On comprend mieux l'accoutrement des bédouins.

Un petit coucou aux chameaux du coin 
La famille de Hedayat  
Petite visite de la mosquée avant de dormir 

Par la suite, nous avons retrouvé des personnes de la famille de Hedayat avec qui on a dîné et passé le reste de la soirée. Mais il fallait rentrée tôt pour prendre le bus tôt le lendemain matin pour Shiraz. Prochaine étape et prochain article.

8
mai

Dimanche 6 juin :

Après une courte dernière nuit à Yazd, nous nous sommes levés de bonne heure pour prendre notre bus en direction de Chiraz, dernière étape de ce rapide tour des villes du sud de l'Iran.

6 heures de route plus tard, dans une longue traversée de montagnes, de déserts et d'oasis éparses, notre bus nous a laissé sur le bord de la route, à proximité de la ville dans laquelle nous attendait notre hôte de ce jour Mojtaba.

La route Yazd - Chiraz 
Mathieu, se faisant des amis dans le bus 

Au milieu de nulle part, nous voyons un homme de type européen à l'ombre d'un petit abris semblant attendre quelque chose. Nous l'abordons en anglais, avant de se rendre rapidement compte qu'il était français de Paris. La coïncidence ne s'arrête pas là. Il attendait un taxi pour aller chez ce même Mojtaba dans la même ville que nous. Nous avons donc partagé le taxi pendant que Mathieu y allait à vélo. Nous allions donc chez Mojtaba. Une fois chez lui et sa famille, j'étais avenant mais un peu sur la réserve car les derniers hôtes nous ont montré que c'était parfois plus notre argent que l'échange culturel qui motivait leur accueil. Personne ne nous a rien volé mais ils trouvent toujours un combine pour nous faire payer quelque chose, par exemple la participation à la location d'une voiture pour nous emmener dans un endroit qu'ils tiennent à nous montrer. Bref, nous étions chez ces braves gens et nous leur parlions de notre idée d'aller visiter Persepolis et ses environs dans l'après-midi, quand Mojtaba a dit la phrase qui a tout cassé, à partir de ce moment il n'était plus à nos yeux un hôte désintéressé mais un guide touristique camouflé. Voici ce qu'il nous a dit : "si nous voulez je peux vous emmener en voiture à Persepolis et vous emmener faire la visite, mais il faudra que je loue à mon oncle sa voiture pour ça, il faudra juste que vous participiez un peu financièrement. Aussi demain matin j'aimerais beaucoup vous montrer un village qui est dans les montagnes, il est loin, il faudra aussi y aller en voiture". J'ai tout de suite compris, et ai cherché sur l'application Uber locale pour vérifier les tarifs de chez lui jusqu'à Persepolis. Un tarif dérisoire. J'ai donc préféré lui dire tout de suite dans les yeux mais en prenant un faux air naïf : "c'est très gentil à toi de proposer mais je viens de trouver un taxi qui peut nous emmener pour un prix très faible, partagé par 3 c'est quasiment gratuit pour nous. Je ne veux donc pas que tu gâches ton après-midi pour nous et que tu déranges ton oncle pour ça, nous allons nous débrouiller par nous même." J'ai tout de suite senti la surprise et la déception dans son regard, j'ai vu des échanges de regards entre lui et sa femme et son visage se fermer. Mais il n'a pas bronché et m'a dit qu'il comprenait. Au moment de prendre le taxi il a tout tenté pour nous faire perdre du temps, comme si il voulait absolument qu'on le rate. Il a d'ailleurs réussi son coup, mais au final on a pu faire de l'auto-stop jusqu'à Persepolis ! Sans le vouloir il nous a même fait gagner de l'argent. Il faut replacer une chose dans son contexte car c'est important. Nous n'avons rien demandé à ce garçon pour l'hébergement, c'est lui qui nous a trouvé sur le site Couchsurfing, car nous avions posté un message public pour trouver des hôtes dans d'autres villes. Il nous a tous contacté avec le même message en copié collé pour nous dire que nous étions les bienvenus chez lui et sa famille. En général je n'aime pas quand c'est trop facile et quand les gens viennent me chercher mais je n'avais nulle part où aller à Chiraz, donc j'ai fini par accepter son invitation insistante.

Nous sommes donc partis visiter tous les trois l'ancienne cité de Persepolis, tout en appréhension à l'égard de la soirée qui allait nous attendre chez ces gens.

Persepolis  

Persepolis est l'ancienne capitale de l'empire Perse Achéménide. Ces superbes ruines datent de 500 à 300 avant JC, et ont été détruites partiellement par Alexandre le Grand en 331 avec JC. Plus amusant, on peut lire des dizaines de noms et de dates gravés sur les pierres de certains monuments de la cité. Des écritures anciennes, des noms anglais, des noms français et des dates allant du 18e siècle au début du 20e siècle. Fascinant de lire la trace laissée par ces voyageurs européens il y a plusieurs siècles et d'imaginer la fascination qu'ils ont du ressentir en voyant ces mêmes vestiges que je suis en train de regarder.

La trace des anciens voyageurs. Des vrais aventuriers, ceux là !  

Nous avons ensuite trouvé un taxi pour nous emmener à une magnifique nécropole creusée directement dans la roche de la montagne, la négociation avec le chauffeur fut dure mais il a fini par céder pour notre prix.

La nécropole de Naqsh-e Rostam

Il faut savoir qu'ici presque tout est négociable, les taxis, les marchandises dans les bazars, le prix des entrées dans les musées et lieux historiques... Nous en avons usé et abusé.

A notre retour chez Mojtaba, il a tout fait pour exploiter nos compétences dans son intérêt personnel et a eu l'audace de demander à Pierre, qui est développeur internet, de lui créer un site internet dans la soirée, ce qui évidement est impossible, surtout avec la faible connexion internet dont il avait accès. Il m'a demandé au passage de faire le design de son site, je m'en suis bien sorti en prétextant à juste titre que j'avais besoin au moins de Photoshop ou Illustrator, par chance il ne les avait pas, et il a demandé à Mathieu de régler sa télévision. Tout cela nous a laissé un désagréable goût dans la bouche, comme s'il avait besoin de rentabiliser chaque invitation. On est loin de l'esprit originel de Couchsurfing, qui est d'accueillir l'étranger chez soi sans rien n'attendre en retour, la récompense étant dans le fait de partager, d'ouvrir ses horizons, de s'enrichir intérieurement... Donner c'est recevoir.

Au lieu de cela, Mojtaba, par son avidité, à réussi à créer une ambiance détestable et une tension très lourde durant toute la soirée, car j'ai aussi oublié de dire qu'il a tenté de nous faire changer de l'argent, des dollars, des euros, des francs suisses... Tout était bon à prendre. Nous avions beau expliquer que l'on avait pas besoin de changer d'argent, que l'on avait assez de Rials pour le reste du voyage, il continuait à insister lourdement. Et j'avoue que ses équipements dernier cri ne m'ont pas aidé à ressentir un quelconque sentiment de pitié.

Lundi 7 juin :

Au moment du petit déjeuner, je reçois un message de Mojtaba sur mon téléphone (qui a du s'absenter tôt) pour me dire que sa maman nous apprécie tellement qu'elle serait heureuse si on pouvait lui laisser un petit cadeau en souvenir de nous, ou bien de l'argent. Nous n'avions pas grand chose et franchement pas le cœur à laisser quoi que ce soit mais avons donné docilement un sac rempli de feuilles de verveine et une tablette de chocolat Milka. Au moment de partir, son père est revenu à la charge, et sans un sourire au moment des adieux faisait des gestes qui voulaient dire : "donne nous de l'argent, on t'a accueilli chez nous". J'ai fait semblant de ne pas comprendre en lui disant : "c'est très gentil à vous de m'inviter à revenir, ce sera avec plaisir !". On a fini par se sortir de ce bourbier.

Nous avons trouvé un taxi qui a bien voulu nous emmener tous les 3 plus le vélo à Chiraz pour 200.000 rials soit un très bon prix. On lui précise la destination précise sur la route, et il ne semble pas broncher. Cependant, il décide de s'arrêter sur un rond point à l'entrée de la ville en expliquant que le deal était de nous emmener à Chiraz, et nous sommes à Chiraz. On argumente comme on peut mais il ne veut rien entendre et nous réclame notre argent. On ne veut pas lui donner. Quelques curieux se rapprochent de nous et participent au débat, les esprits s'échauffent, le ton monte. 5 minutes passent, c'est l'impasse. On accepte de ne lui donner que 150.000 car il n'a pas rempli complètement sa mission, il jette les billets par terre. C'est alors qu'un palier supplémentaire est franchis, le taxi commence à prendre à la gorge Pierre qui entre tout d'un coup dans un état de fureur incontrôlable, lui donne un violent coup de pied et hurle en français au visage de ce chauffeur qui semble effrayé par la réaction inattendue de Pierre. En continuant à hurler, Pierre s'éloigne et s'arrête à 50 m de nous, qui somment toujours dans ce fragile pourparler avec le taxi et ses nouveaux copains du rond point. Ayant perdu assez de temps et d'énergie, nous finissons par lui donner son argent et le moment du départ fut un spectacle assez inoubliable. Mathieu, tenant à serrer la main du chauffeur, obtient sa poignée de main. Un serrage de main de deux minutes d'une tension extrême pendant lesquelles Mathieu, d'un sourire noir, proférait en français les pires insultes qu'il ait pu trouver dans son vocabulaire, et le chauffeur semblait faire exactement la même chose de son côté, ce que faisait bien rigoler les curieux qui ont assisté à la scène. Je ne vais bien entendu pas répéter les mots de Mathieu.

Enfin débarrassés du chauffeur, nous allions enfin pouvoir commencer à visiter cette ville.

Cette dernière photo est un sanctuaire interdit aux non musulmans. J'ai donné mon appareil photo à une dame qui y entrait. 
Chiraz, en vrac 

Chiraz est une superbe ville regorgeant de belles mosquées et de maisons anciennes aux cours boisées faisant office d'oasis en plein cœur de l'agitation de la ville.

Le calme dans la ville 

Cette visite de la ville fut aussi l'occasion de confirmer mes statistiques. Il y a véritablement une majorité de touristes français, ça en devient frappant. Et le plus drôle c'est que l'on retrouve régulièrement les mêmes visages dans les différents lieux touristiques. Nous avons même passé la fin de la journée avec une famille de Toulouse qui faisait le tour du monde (avec un enfant de 7 ans et un de 10 ans). Quelle chance pour les enfants, qu'elle expérience déjà si jeune !

Le bazar 

Après le dîner avec les toulousains, Pierre et Mathieu, je suis parti pour la gare routière où un bus de nuit devait me ramener à Téhéran. Très mauvaise nuit d'ailleurs, enfin je suis arrivé à bon port. Demain je repars pour Babol, aussi en bus, il y a des très hautes montagnes à franchir. Des amis iraniens m'y attendent et m'ont organisé un petit week-end en montagne dans leur chalet. J'ai hâte de raconter tout cela.

12
mai

Mardi 8 mai :

Arrivé pour l'heure du déjeuner chez ma famille de Téhéran, toujours un plaisir de passer du temps avec eux. Après midi repos et détente chez eux dans le quartier d'Ekbatan.


Mercredi 9 mai :

Départ à 8h pour prendre le bus pour Babol. Petit inconvénient, Téhéran est une grande ville. J'ai du traverser la ville pendant presque 25 km pour arriver au terminal de bus. 25 km de bouchons, de queues de poisson, de clacsons... Enfin pas les 25 km les plus amusants de ma vie. À la gare routière, je semblais être l'événement pour ma compagnie de bus. Des employés que je n'avais jamais vu m'abordaient en m'appelant par mon prénom et ils étaient tous heureux de m'aider, de prendre des photos avec moi et de partager leur instagram. Seul bémol, ils ont tenté de me faire payer 200.000 rials pour le vélo dans la soute, que j'ai tout de même réussi à négocier à 100.000 rials. Je me répète, ici quasiment tout est négociable ! Anecdote croustillante, j'ai été dans les toilettes du terminal pour anticiper sur les 5h de route, et j'ai eu la surprise de découvrir une sorte de petite ouverture, un petit vasistas creusé dans ma porte et dans toutes les autres. Des gens pleins de bon sens on jugé astucieux de créer ces ouvertures dans le but de savoir plus facilement si les toilettes sont occupées ou pas. L'idée étant que si on aperçoit un homme accroupi au dessus du trou des toilettes, ça veut dire que c'est occupé et qu'il faut vérifier la porte suivante. Quelle admirable idée ! On devrais tenter de l'exporter en Europe, ça ferait sûrement fureur. Je précise également qu'on est très à l'aise à l'idée qu'à tout moment un curieux peut nous regarder à l'ouvrage dans cette position peu avantageuse.

Les toilettes avec le petit trou sur la porte pour les curieux 

La route entre Téhéran et Babol fut un spectacle naturel impressionnant. Il faut traverser une chaîne de montagnes à peu près haute comme les Alpes, et nous passons en quelques minutes d'un paysage de hautes montagnes à des montagnes arides, puis la jungle, et enfin la plaine avec ses rizières et la mer. Mais je donnerai plus de détails sur les particularités de ces montages dans le récit des jours suivants car j'ai eu la chance de les revoir de beaucoup plus près.

 La chaîne de montagnes entre Téhéran et Babol 

J'ai été heureux de retrouver Arash et sa femme, que j'ai accueillis chez moi à Paris il y a presque deux ans. Cette fois c'est son tour de me montrer sa ville et sa culture... Il ne s'en est pas privé ! Après un délicieux déjeuner Iranien, il m'a emmené en voiture faire un petit tour de la ville et de ses alentours. Il m'a par exemple montré une des villes privées qui bordent la mer Caspienne. (nous avons pu y entrer car sa tante y réside). Il s'agit de villes pour les personnes très aisées de Téhéran, entourées de barbelés avec gardiens et hautement sécurisée. On peut y trouver de fastueuses villas dans de grandes allées bordées de palmiers, on se croirait à Beverly Hills. Tout est là, petits cafés et restaurants sur front de mer, supermarché et petites boutiques. A note que derrière ces murs la loi islamique est beaucoup plus tolérante... Le voile n'est plus aussi systématique et l'alcool coule à flots. Mais si par malheur la police s'aventure par là, elle ferme les yeux pudiquement, montre qu'elle est là pour la forme et passe son chemin.

Les villes privées de la région  

Arash est ensuite passé chercher un de ses amis pour aller tous les 3 dans un bon restaurant de la ville y déguster un excellent cocktail (alcoolisé) et un récipient à thé rempli de la vodka locale. C'est assez simple, il suffit de connaître un peu le patron, de lui glisser dans l'oreille ce dont on a envie, et le serveur arrive comme une fleur nous servir de ce thé transparent. Il n'y aura pas de photos des lieux pour ne pas compromettre le restaurant en question.

Jeudi 10 mai :

Le jeudi étant ici l'équivalent du samedi, c'est le début du week end. Nous sommes donc partis à 3 profiter du chalet de l'ami d'Arash pour la soirée.

Après quelques courses pour le barbecue du soir, nous sommes partis pour une heure de route ponctuée de chansons iraniennes d'avant la révolution. J'ai refait la route vers la montagne et admiré à nouveau les changements de climat, de paysages avec cette manière si brutale ! On ferme les yeux 5 minutes, on se retrouve d'un coup au milieu de la jungle, c'est vraiment surprenant !

Changement brutal de paysage  

Nous nous sommes retrouvés dans son village à près de 2300 m d'altitude avec une vue superbe sur le mont Damavand, la plus haute montagne d'Iran (5700 m), qui en fait est un volcan.

Devant le point culminant d'Iran 
Le village, la montagne  

Une bonne balade au grand air dans les jambes, nous étions fin prêts pour débuter une bonne soirée barbecue bien arrosée au pied des montagnes.

Préparation du délicieux barbecue qu'on appelle ici Kebab. Une grande tradition en Iran.  

Vendredi 11 mai :

Réveil matinal pour bien profiter de la journée, et du programme qu'ils m' ont préparé.

La vue au reveil 

Arash et son ami m'ont emmené dans un autre village au pied du volcan dans lequel on peut y trouver une multitude de bains chauds naturels. On s'est baigné dans l'un d'eux, ça sentait le souffre et l'eau était vraiment très chaude, voire brûlante.

Le bain à l'eau chaude du volcan, réservé aux hommes bien entendu.  
Le village. Le tuyaux sur le sol sont remplis de cette eau directement puisée à la source du volcan. 

Après cette très intéressante expérience de l'eau volcanique, ils m'ont emmené prendre un petit déjeuner traditionnel qui avait plutôt l'allure un vrai déjeuner complet. Le plus étonnant était notre état physique après ce bain. J'étais là assis en tailleur devant le déjeuner, avec cette impression apaisante de sortir de la douche après une séance de sport intensif. C'est sans doute du à la chaleur extrême de ce bain, mais mon corps était imbibé d'endorphine. Je me sentais parfaitement bien, détendu, presque "stone".

Le petit déjeuner après le bain 

Nous sommes ensuite descendu un peu vers la vallée et sommes passés devant une montagne remplie de trous creusés par des hommes il y a bien longtemps, des habitations troglodytes qui ressemblent fortement à celles que j'ai pu voir en Cappadoce il y a quelques semaines.

Devant mon insistance, mon ami Arash m'a accompagné pour explorer les lieux, en me mettant en garde car ce genre de grottes peut être un refuge d'animaux sauvages et de serpents. Nous nous sommes donc rapprochés prudemment et avons pu pénétrer dans certaines petites grottes sans faire de mauvaises rencontres.

C'était fascinant de voir que tout était connecté à l'intérieur de cette montagne, des couloirs énormes reliaient les différents orifices qui constellaient ce mur.

Les grottes troglodyte  

Nous avons ensuite rejoint la vallée et le lit de la rivière où nous attendait une jolie balade au pied des falaises

Dernière balade dans la montagne  

J'ai appris à cette occasion que les arabes ont tenté de nombreuses fois de franchir ces montagnes, sans succès. Il se dit que pas un seul arabe n'a réussi à traverser cette frontière naturelle. Évidemment cette statistique fantaisiste n'est plus d'actualité, les riches touristes arabes, bien que peu appréciés, ne sont plus accueillis à coups de flèches et de sabres. Aujourd'hui, les roses et les salamalecs tapissent leur passage.

Ce qui était fascinant dans ces 24h en montagne c'est cette impression d'avoir été dans plusieurs climats, saisons et continents différents. En l'espace de 30 minutes, on débute avec un climat très chaud et relativement humide, proche de la mer, puis un climat quasi tropical avec une végétation surabondante sur les premières montagnes, puis un climat très sec, des montagnes arides et une température qui se refroidit, et enfin des températures quasi hivernales accompagnées de pluies éparses. Je le répète, tout ça en 30 minutes de voiture en conduite iranienne... Peut être qu'en conduite française ça ferait plutôt 45 minutes.

La fin de la journée fut dédiée au repos, après cet éprouvant vendredi.

Retour dans la jungle 

Samedi 12 mai :

Étant plus livré à moi même ce jour ci, et ne souhaitant pas perdre le rythme du vélo, je suis parti à la plage, pour 40 petits km de vélo aller-retour. Hélas le temps n'étant pas au beau fixe, je me suis contenté de m'asseoir 1h, contempler la mer Caspienne, faire légèrement trempette, observer les gens et rentrer à la maison.

Première rencontre avec la mer Caspienne  

Dimanche 14 mai :

Dernier jour à Babol, le plan de la journée est de nettoyer mon vélo, faire les entretiens et réparations nécessaires, appeler L'ambassade turkmène (sans résultat), écrire mon article (ce qui fut un enfer car les téléphones étrangers sont de plus en plus bloqués par le gouvernement Iranien mais j'ai pu trouver un VPN performant !) et me préparer à reprendre la route demain matin après une bien trop longue pause ! Cap vers l'est.

15
mai

Lundi 14 mai :

Toujours sans nouvelle de L'ambassade de Turkménistan de Téhéran, il fallait tout de même partir sur la route et ne plus perdre de temps. Par chance mon hôte à ma prochaine étape, Zavood, allait travailler à proximité de Babol et m'a proposé de venir me chercher en voiture avec mon vélo et mes bagages et de m'emmener à son travail et ensuite chez lui. Il est photographe professionnel et sa journée de travail consistait à aller dans un endroit en pleine nature pour prendre en photo des couples de jeunes mariés qui venaient spécialement habillés et maquillés comme pour le jour de leur mariage, ils prennent des poses d'amoureux les yeux scrutant l'horizon, ou arborant des sourires forcés pas toujours droits, mais qui seront évidemment Photoshopés le soir même.

Shooting pour les jeunes mariés  

Pendant que mon ami travaillait, j'ai étudié la faune locale et y ai découvert des dizaines de serpents dans l'étang, ne le rendant pas forcément accueillant.

Les gentils serpents de l'étang  

En revanche l'étang était aussi rempli de tortues, j'ai même réussi à en capturer une petite, encore trop jeune pour être méfiante.

Mon amie la tortue, que j'ai fini par relacher

Je me suis fait ensuite d'autres copines, de race humaine cette fois. Trois jeunes femmes qui, en me voyant commencer à parler aux tortues, m'ont charitablement invité à prendre un thé avec elles sur leur petite nappe à pique-nique.

Mes amies improvisées  

Une fois rentré chez mon hôte je m'aperçois que j'ai reçu un e-mail de la part de L'ambassade de Turkménistan. Ce que je vais vous annoncer va avoir des conséquences considérables sur le reste de mon voyage : ma demande de visa pour le Turkménistan a été rejetée. Pas moyen de retenter le coup, ils m'ont confirmé que le résultat serait le même, sans même me donner d'explication. Il a fallu prendre une décision très vite. Contourner par l'Afghanistan ? Les iraniens me le déconseillent fortement. Prendre un avion pour l'Ouzbékistan ? Bien trop cher. Continuer à l'est par le Pakistan et oublier le reste du parcours ? Possible, mais j'aurai aussi l'incertitude du visa, et la route au Pakistan est aussi réputée dangereuse. Une seule alternative crédible, rebrousser chemin immédiatement, repasser par Babol et longer la mer Caspienne vers l'ouest en direction de la capitale de l'Azerbaïdjan, Bakou. Ma première idée est d'y prendre un ferry pour le Kazakhstan, de l'autre côté de la mer, et de là bas continuer à contourner la Caspienne jusqu'à la Volga, la remonter jusqu'à Volgograd, puis Moscou, et le reste de mon parcours.

Devant l'insistance de mon ami Zavood, j'accepte de rester chez lui une nuit de plus pour réorganiser mon itinéraire.

Zavood et moi devant les rizières 

Mardi 15 mai :

La matinée fut marquée par un petit tour en moto dans la jungle avec Zavood.

C'est parti pour un tour dans la jungle 
Je deviens un vrai Iranien... Mis à part la marinière  

J'ai ensuite accompagné Zavood pour une nouvelle après midi de travail avec un autre couple de jeunes mariés.

Les mariés du jour, dans une rutilante peugeot 405. 

Toute l'équipe du shooting et moi sommes ensuite rentrés se détendre chez l'un des garçons du groupe pour y fumer un narguilé, pendant que Zavood retouchait les photos sur Photoshop, ajoutait les floutés artistiques et rendait les gens beaux par son talent.

Après l'effort, le réconfort.  

Cette soirée fut un moment de partage avec des cyclistes polonais que Zavood a accueilli ce soir. J'ai failli être tenté de les suivre sur leur route mais cela bouleversait beaucoup trop radicalement mon parcours. Je reste sur mon idée de l'Azerbaïdjan, même si ce n'est pas celle que j'aurais préféré en premier lieu. Bref, demain je retourne chez mes amis de Babol, c'est la bonne nouvelle !

Le diner de ce soir.  
17
mai

En avant propos, je tenais à dire que je suis désolé du retard que je prends sur mes publications mais ces derniers jours ont été un enfer avec internet. J'ai écrit cet article sur plusieurs jours, luttant à chaque fois avec une connexion digne des îles Kergelen. Bref, voici le résultat de luttes infernales pendant 3 jours.

Mercredi 16 mai :

Nombre de km : 90

Altitude actuelle : 15 m sous le niveau de la mer

Poses de boys band, et petit déjeuner  

Après un long petit déjeuner avec nos hôtes, mes nouveaux amis polonais et moi avons commencé la route ensemble, et ce n'était pas du luxe, avec le vent contraire qui nous faisait face, on avait intérêt à se coller de près.

Départ sur la route avec mes camarades du jour 

La route était assez bonne, même si il fallait en permanence répondre aux salutations des gens, caresser la tête des enfants et chasser les chiens agressifs.

Sur la route avec les polonais 

Nous avons trouvé un joli coin pour pique niquer, ils ont préparé un délicieux porridge qui, je dois avouer, à été un carburant très efficace pour faire face au vent pendant l'après midi.

Pique-nique avec mes nouveaux copains polonais  

Nous nous sommes séparés au milieu de l'après midi, j'ai terminé ma route jusqu'à Babol où je commence à avoir mes habitudes. J'ai retrouvé mon ami Arash et sa famille avec un grand plaisir, d'autant plus qu'Arash avait organisé un petit programme bien ficelé pour la soirée. Après quelques minutes de repos et une bonne douche, je suis monté en voiture avec lui en direction des fameuses villes privées du front de mer. Nous y avons retrouvé sa tante et d'autres membres de sa famille pour un petit barbecue accompagnée de vodka locale. C'était très agréable de retourner dans cette ville dans la ville, avec ses rues bordée de palmiers, ses voitures de luxe et ses fastueuse villas. Ici il y a tout de la Californie. Et pour couronner le tout, nous avons échangé quelques papiers sur le terrain de basket, puis avons été stoppé dans notre élan par des jeunes qui jouaient au volley-ball et nous invitaient à se joindre à leur partie. Nous avons ensuite enchaîné sur une partie de foot sur le bitume et de sympathique discussions. C'était amusant de voir ces représentants de la jeunesse dorée iranienne. Les filles ne portaient pas forcément de voile, les garçons étaient habillés à l'américaine, et ils se déplaçaient en quad pour faire 100 m. Deux d'entre eux résidaient d'ailleurs en Californie et revenaient ici régulièrement pour les vacances.

La Californie iranienne 

Un saut rapide à la maison pour se remplir le ventre et nous sommes répartis pour le coffee shop préféré d'Arash dans lequel nous avons pu regarder Marseille se faire écraser par Antoine Griezmann à l'occasion de la finale de la ligue Europe.

Jeudi 17 mai :

Nombre de km : 100

Altitude actuelle : 24 m sous le niveau de la mer

Lever très tôt (deuxième nuit à moins de 5h de sommeil), pour s'occuper de problèmes sur la connexion internet de ma carte Sim iranienne qui n'aura posé que des problèmes depuis le premier jour !

Petit déjeuner, nouveaux adieux, puis départ pour l'ouest après ce faux départ vers l'est qui m'a fait perdre 3 jours. C'est foutu pour le Turkménistan, je l'ai accepté.

Différents paysages sur la route 

Aujourd'hui la route a été très monotone car elle longe une sorte de ville de front de mer qui n'en finit jamais, et les plages sont rarement accessibles à cause des nombreuses villes privées qui les monopolisent franchement. Voilà, la route c'est ça : des villas, des rizières, des palmiers, des centres commerciaux, des agences immobilières, parfois un bout de plage, et rarement, un oasis d'originalité. Je suis tombé sur l'un de ces rares endroits pour ma pause déjeuner, juste après avoir crevé ma roue arrière.

Mon ami du déjeuner  

C'était une sorte d'atelier à ciel ouvert dans lequel deux braves hommes créaient des personnages, animaux ou autres comme élément décoratif de grande taille, en les faisant en fibre de verre dans une structure en fils de fer. Je leur ai demandé si je pouvais déjeuner sur leur petite table à l'ombre, ça n'a pas posé de problème. Ils ont en fait été adorables avec moi, m'ont rempli mes gourdes d'eau, offert un thé vraiment excellent avec des notes florales (tellement bon que je n'ai pas eu besoin de rajouter de sucre !), m'ont servi deux verres de lait chaud, bavardé un peu, pris des photos et je suis reparti le cœur plus grand. L'un des deux avec qui j'ai vraiment parlé, à eu envie de m'expliquer qu'il n'aimait pas les Mollahs et que la religion ne l'intéressait pas, et tant pis pour le Ramadan. Ah oui j'ai oublié de le préciser, aujourd'hui est le premier jour du Ramadan, c'est loin d'être un détail sans importance dans mon cas ! Il faut que je mange et boive plus discrètement qu'à l'accoutumée, c'est quand même drôle cette impression dans ce pays d'être tout le temps en train de faire un acte transgressif. Boire de l'alcool, aller sur Facebook, faire le signe de croix, pédaler en short, serrer la main d'une femme, regarder des chaînes de télévision interdites, boire et manger pendant le ramadan... Je suis devenu un véritable rebelle dans ce pays.

Concernant les iraniens et pour revenir sur ce que me disait ce charmant monsieur, je n'ai pas rencontré un seul Iranien (je ne parle pas du Mollah avec qui j'ai tenté de débattre), qui ne déteste pas le gouvernement en place et les Mollahs. Malgré un grand respect en apparence, ils sont dans le privé très très critique envers ces derniers et envers la religion musulmane de manière plus générale. Ils ne s'y sentent pas si proches. N'oublions pas qu'il s'agit de la religion de l'envahisseur arabe, qu'ils ne tiennent pas dans leur cœur. Certains ont même gardé l'ancienne religion zoroastrienne.

L'après midi fut une succession d'auto encouragement, de coups de fatigue tels que je piquais du nez sur mon vélo, au risque parfois de faire des écarts de trajectoire. Le mode automatique ne fonctionne pas si bien sur un vélo.

La route de l'après-midi 

Ne sachant pas où j'allais dormir, j'ai continué le plus longtemps possible jusqu'à faire 100 km pile pour m'arrêter devant une plage sur laquelle se louaient de petites cabanes en bois avec vue sur la mer Caspienne pour 0,5 € la nuit. Je n'ai pas hésité longtemps ! A peine arrivé, une famille d'iraniens de Téhéran m'ont offert de la pastèque et invité à passer un moment avec eux, thé et narguilé étaient de mise. Au moment où je les ai quittés pour prendre une douche plus que nécessaire pour le bien être de mon entourage, il m'ont donné une assiette remplie de riz et de poulet. Délicieux en plus !

Ma vue ce soir 
Ma cabane et la vue de l'interieur

Je suis ravi de cette soirée: un cadre magnifique, des gens adorables, de la bonne nourriture... Une personne normalement constituée n'a pas besoin de plus.

Mes amis de Téhéran qui m'ont réchauffé le cœur ce soir 
19
mai

Vendredi 18 mai :

Nombre de km : 93

Vue du lever de soleil depuis ma cabane 

Le départ de ce matin a été marqué par la tentative d'arnaque du propriétaire des cabanes en location. Il s'est mis en tête de me demander 300.000 rials alors je nous nous étions mis d'accord la veille pour 30.000. Face à mon aplomb et ma certitude que je ne payerai pas cette somme il s'est rétracté, a fait semblant de me faire une fleur et est revenu sur le prix de base. Il a juste tenté le coup, à la recherche du doute dans mes yeux qui lui offriraient une belle fenêtre de tir pour s'y engouffrer et ne plus la lâcher. Je ne lui ai pas fait ce plaisir. Ici c'est comme ça, on tente des prix énormes, si ça marche tant mieux, si ça ne marche pas tant pis, c'est oublié deux minutes après. Ce n'est pas du vol, c'est le marché, en profitant légèrement de la méconnaissance du touriste pour ce marché.

Au moment du départ  

Je suis parti sur la route, sans rancune, pour y rencontrer à tour de bras d'autres sortes de serpents... Des serpents écrasés qui jonchaient le bord de la route, sans doute écrasés pendant la nuit. Le tout premier fait un certain effet, mais ça devient rapidement d'une froide banalité.

La route 

L'une des missions de ma matinée sur la route était de trouver une boutique de téléphonie mobile pour régler une énième fois mon problème d'internet. Je l'ai trouvé, ai rajouté du crédit, internet marche, on se dit d'un espoir naïf que cette fois c'est la bonne...

J'ai fait une grosse erreur à l'heure du déjeuner, ne voyant pas beaucoup de restaurants ouverts à cause du ramadan, je me suis précipité dans le premier venu des que la faim s'est fait sentir. C'était une sorte de fast food aux tarifs exorbitants pour l'Iran qui m'a pris 2 jours de budget. Je me suis juré de pique-niquer tous les jours jusqu'à l'Azerbaïdjan !

Une pause déjeuner à oublier 

Pendant cette pause déjeuner, alors que je voulais profiter de cet internet enfin retrouvé, une surprise qui n'en était pas une m'attendait : plus d'internet ! "Jamais je ne pourrai publier cet article !" me disais-je.

J'écourte ma pause déjeuner à la recherche d'une nouvelle agence de téléphonie, persévérant, mais sentant la frustration et le découragement s'installer peu à peu. Il me fallait absolument avoir internet avant ce soir pour contacter mon hôte pour la soirée, je n'avais pas son adresse exacte. Ne trouvant pas de boutiques, je finis par m'arrêter et demander au hasard à un brave homme de l'aide. Ce qui va se passer me donnera pour le reste de la journée une énergie physique et psychologique étonnante. Ne parlant pas l'anglais mais tenant à m'aider, cet homme arrête tous les gens qu'il trouve à la recherche d'une personnes comprenant l'anglais. Il finit par demander aux occupants d'une voiture se garant devant nous, par chance les deux jeunes de la banquette arrière répondaient à ce critère. Ils se sont impliqués pendant, 10 minutes pour m'aider, m'ont fait recharger à nouveau ma carte, ont ajouté des codes incompréhensibles sur mon téléphone, et finalement ont sauvé mon internet. Le plus drôle c'est qu'un attroupement s'est formé autour de nous, de gens voulant aider, curieux de voir un français en vrai. J'ai fini par partir en remerciant tout le monde, puis au bout de 5 minutes cette même voiture avec les jeunes et leurs parents s'est mise à mon côté pour m'arrêter. Ils voulaient m'inviter à déjeuner chez eux, hélas je leur ai dit que mon estomac était déjà plein, il m'ont alors proposé de visiter la montagne avec eux pour la journée. Je leur ai dit que si je n'avais pas un engagement avec un hôte ce soir, je serai resté volontiers avec eux, d'autant que leur voiture SUV dernier cri me laissait présager qu'ils n'en auraient pas pour mon argent !

Le cœur rechargé à bloc avec la certitude que plus je vais vers les autres, plus j'y gagne, j'ai retrouvé une énergie physique que je ne soupçonnait même pas. Je me répétait cette phrase qui prenait plus de sens que jamais : "la solution, c'est les autres. Ils ne sont pas des dangers potentiels, ils sont des chances, des grâces potentielles"

Je suis arrivé à Tonekabon très en avance. J'avais deux ou trois bonnes heures pour me poser sur la plage, me détendre un peu, manger un melon et terminer l'article avec ma nouvelle connexion internet. J'y ai rencontré une iranienne très entreprenante qui m'a fait plusieurs fois d'étonnants compliment sur mon nez, en me demandant si j'ai fait mon opération en France. Surpris par cette question, je lui ai dit que la chirurgie esthétique n'est pas aussi banale en France qu'en Iran, elle m'a ensuite expliqué qu'elle a fait refaire son nez, que les nez iraniens ne sont pas beau comme les nez français... Je ne savais pas quoi répondre à cela. Son anglais était trop faible pour comprendre ce que j'avais envie de lui dire, mais comme j'ai envie de le dire à quelqu'un ce sera pour vous. "les nez européens ne sont pas plus beaux que les nez iraniens, ils sont juste différents. Vos références, vos canons de beautés sont bases sur des critères occidentaux, européens. Ça n'a pas de sens, vous êtes qui vous êtes et vous êtes beaux. Votre nez est peut être plus volontaire, moins fin que le nôtre, mais il vous donne votre singularité, votre distinction et votre richesse. Quelle pauvreté de vouloir ressembler à des européens pour au final ressembler à tout le monde puisque maintenant une minorité des iraniennes n'a pas recours aux artifices de la chirurgie esthétique."

Voici dans des mots moins édulcorés ce que je lui aurais dit. Mais quand les critères de beauté sont ancrés dans la tête des gens il faut bien du temps pour les changer.

Petite pause melon en attendant que mon hôte rentre chez lui 

En me dirigeant tranquillement vers la maison de mon hôte, je vois sur le chemin un autre voyageur à vélo, je m'approche, on se parle un peu, c'est un marseillais de 35 ans répondant au prénom de François. Il est au début d'un tour du monde de 5 ans ! Et le hasard fait qu'il dors chez le même hôte ce soir. Nous l'attendons donc ensemble, et au cours de la discussion découvrons que nous visons tous les deux Bakou pour prendre le ferry vers le Kazakhstan. Seul petit problème, il prends beaucoup plus son temps que moi. Nous allons tout de même faire de la route ensemble et voir comment ça se passe, si on peut s'adapter l'un à l'autre.

Après avoir accepté un sac rempli de gâteaux de la part d'un passant qui promenait son chien (ça ne nous étonne plus), la maman de Farzaneh nous a ouvert la porte. Nous découvrons avec surprise que notre hôte est en fait une fille.

Premier repas avec François le français et Farzaneh 

Après une grosse journée au soleil, je ne me sentais pas au meilleur de ma forme pour repartir sur la route dès le lendemain. Nous avons donc décidé de rester une nuit de plus chez elle pour nous reposer aujourd'hui entre de bonnes mains.

Samedi 19 mai :

Aujourd'hui fut typiquement une journée repos comme on les aime tant. Juste besoin de se reposer entre les mains bienveillantes de nos hôtes, manger ce qu'on nous donne à manger, s'asseoir sur le canapé en attendant le thé et les nombreuses sucreries et douceurs en tout genre, se laisser emmener en voiture dans des endroits splendide, apprécier le moment, leur montrer, sourire, échanger, être soi même, ne pas aider (ils ne nous laissent pas faire) et attendre qu'ils voient par eux même ce dont on a besoin avant même que l'on ne s'en aperçoive nous même. C'est devenu une agréable habitude dans ces contrées lointaines. On n'est même plus mal à l'aise quand tout le monde s'agite autour de nous pour satisfaire nos besoins et que notre seule obligation en retour est d'être détendu et d'apprécier le moment.

A gauche c'est François, mon compagnon de route de ces prochains jours  

Plus concrètement, après un excellent déjeuner, après avoir dévoré des gâteaux et englouti des litres de thé, puis fait une bonne sieste bien méritée après tous ces efforts, ils nous ont conduit dans la forêt au début de la montagne, un endroit magnifique et apaisant.

Séance de thé dans la forêt au bord de la rivière  
Vue sur la mer... Bon en fait là on ne la voit pas, elle est très loin 
Là on voit un peu mieux la mer 

Ce qui est unique dans cette zone géographique c'est que l'on est pris en sandwich entre des hautes montagnes enneigées et la mer Caspienne. Pour illustrer ça plus explicitement, de la salle à manger de chez nos amis, si l'on regarde à la fenêtre arrière on distingue largement les sommets enneigés, et sans bouger de sa chaise, juste en se retournant, on voit par la fenêtre opposée la mer Caspienne. Je crois que je n'avais jamais vu ça dans une maison.

Le coucher de soleil sur la plage à 50 m de la maison 

Nous avons eu l'honneur de boire de la vodka avec le maître de maison, et avons même trinqué en plein pendant le chant de l'appel à la prière du muezzin, ce qui a eu le chic de faire bien rire nos hôtes. Demain nous ferons la route ensemble avec François, je pense que nous allons bivouaquer sur la route, ou pas. Surprise.

20
mai

Nombre de km : 94


Des adieux déchirants et quelques larmes plus tard, François et moi sommes partis sur la route.

Le moment du départ  

C'est intéressant de rouler avec François car il a un style assez différent de moi, plus solitaire, plus Robinson Crusoe. Tandis que je recherche de la chaleur humaine parmi les populations locales à la fin de mes étapes, François se contente d'un bel endroit pour se poser au calme, lire ses livres, faire son feu et savourer son indépendance et sa liberté. Rouler avec lui est inspirant.

Sur la route avec François 
Pique-nique devant la mer 

Nous avons eu la joie de pique niquer devant la mer, et nous avons aussi trouvé une plage à notre goût pour y installer nos quartiers pour la nuit. Il y avait même des petits morceaux de bois ça et là, juste ce qu'il fallait pour se préparer des pâtes au thon et à la crème fraîche.

Préparation du diner 
Le "gardien" de la plage, qui nous a donné de l'eau  
21
mai

Nombre de km : 60

Réveillés ce matin par un magnifique lever de soleil un peu trop matinal à notre goût, nous avons pris des photos et nous sommes recouchés. Surtout après l'horrible nuit à la belle étoile, envahi de moustiques mais avec une trop grande chaleur pour s'emmitoufler dans son sac de couchage.

Le lever de soleil 

Après cette nuit trop courte, nous nous sommes levés d'un pied volontaire mais faible et sommes partis sur la route pour affronter un léger vent défavorable qui donne l'impression d'être sur du faux plat pendant toute la route. On a vérifié, l'altitude était bloquée à -25 m, sans commentaire.

Alors aujourd'hui, en plus des traditionnels chiens et serpents écrasés, j'ai découvert une nouvelle catégorie : les tortues écrasées. C'est triste à voir mais j'en ai remarqué 4 ou 5 sur la journée.

Pour la pause déjeuner, nous avons trouvé un petit coin à l'ombre entouré de cabanes, et tenté par la même occasion de rattraper notre nuit, mais la sieste s'est soldée d'un échec cuisant. François a été réveillé par les piqûres de fourmis toutes les 2 minutes, et moi ce sont les moustiques qui m'ont choisi comme repas. Difficile de fermer les yeux sereinement dans ces conditions.

Pause déjeuner  

Notre forme physique n'étant pas au top, nous avons décidé de raccourcir la journée de vélo et de trouver rapidement un lieu de bivouac. L'heureux élu sera un petit coin à l'abri des arbres à 50 m de la mer. De l'ombre, du bois, la mer, tout est là !

Une petite baignade dans la Caspienne en guise de douche convient assez bien, l'eau est trois fois moins salée que l'eau de mer normale.

Notre lieu de camp  

Petite anecdote, en allant chercher du bois je suis tombé sur une branche un peu plus courbée que les autres, et me suis rendu compte suffisamment tôt pour ne pas la prendre dans mes mains qu'il s'agissait d'un serpent couleur bois. Il était assez épais au niveau du haut de son corps, c'était en fait le plus gros serpent que je voyais dans la nature de ma vie. Je me suis rapproché prudemment pour essayer de le prendre en photo. Il m'a regardé et n'a pas réagit, légèrement bougé. Je me suis renseigné par la suite sur internet et il paraît ressembler dangereusement au Cobra Caspien, qui est l'un des serpents les plus vénéneux de la planète. Voici la photo, si il y a des spécialistes des serpents, je serai curieux de savoir si je viens de risquer ma vie pour cette photo !

C'était des gros arbres, le serpent était impressionnant  

Après cette petite montée d'adrénaline, nous avons dégusté d'excellentes pâtes au thon et crème fraîche puis apprécié la beauté et le calme de la mer avant la tombée de la nuit.

La mer Caspienne à la tombée de la nuit  
22
mai
22
mai

Nombre de km : 70

Une journée somme toute assez similaire aux précédentes donc peu de choses nouvelles et croustillantes à raconter. Nous avançons vers la frontière Azerbaïdjanaise en dormant là où la route veut bien nous porter, en cherchant de préférence des beaux endroits, avec du bois et de l'ombre. Ce sont les trois paramètres principaux. L'idéal étant une forêt, et si elle a le bon goût d'être située à côté de la mer, c'est un plus ! Je dois dire que les bains dans la mer Caspienne ces deux derniers jours après une longue journée de vélo sous le soleil ont été des moments de plaisir intense.

Départ sur le sable  

Le départ a été donné sur le sable, pour retrouver assez rapidement une route civilisée. La matinée a été marquée comme d'habitude par les curieux qui viennent nous parler, les camions et voitures qui clacsonnent amicalement dans nos tympans, les animaux écrasés, le soleil, le vent, les rizières et les paysans courbés qui rappellent l'Asie, les vendeurs de pastèque, les voix qui hurlent dans notre direction sans que l'on sache s'il s'agit d'un avertissement hostile ou d'un message de bienvenue, les enfants qui pédalent à côté de nous, les saluts continus... Ça devient une habitude mais ça a le mérite d'être vivant.

Pause déjeuner (désolé pour ma tête, on ne peut pas se concentrer sur le cadrage et faire en même temps son meilleur sourire) 

Nous avons trouvé pour la pause déjeuner un endroit absolument parfait. Une vieille cabane surélevée avec un matelas presque pas complètement sale sur la plage vide. Si nous avions eu une plage déserte, avec des transats et un parasol, le résultat aurait été le même ! On en a profité pour faire une petite sieste histoire de faire passer le pic de chaleur.

On se rapproche de l'Azerbaïdjan 
Des rencontres qui donnent toute sa saveur au voyage 

Ces braves gens que vous voyez sur la photo sont des hommes qui nous ont arrêté pour nous donner de l'eau, et après quelques échanges, nous ont offert à chacun un mini cactus, qui malheureusement ne risque pas de survivre très longtemps sur nos vélos.

Nous avons trouvé pour la nuit un coin très agréable au milieu d'une forêt qui pourrait très bien être en France. La seule différence étant le nombre de moustiques, la taille des araignées et les serpents... Et aussi, chose étonnante, les troupeaux de vaches qui viennent se balader en forêt la nuit tombée, sans maître, livrées à elles mêmes.

Notre forêt pour cette nuit  

Encore une surprise étonnante, alors que je soulevait une bûche pour la mettre dans mon beau feu, j'y découvre un serpent qui dormais paisiblement. Pour ne pas le réveiller, j'ai reposer délicatement la bûche. Petit problème, c'était au beau milieu de notre campement, je ne l'ai pas revu mais il va falloir faire attention où on marche dans cette forêt.

Mon feu qui a fait office de télévision toute la soirée 

Demain soir nous auront un hôte, j'attends impatiemment la douche.

24
mai
24
mai

Mercredi 23 mai : Nombre de km : 80

La journée d'hier fut marquée par une chaleur plus étouffante que les autres jours, l'impression de chaleur étant renforcée par le taux de l'humidité de l'air qui grandit à mesure que la jungle des montagnes se rapproche de nous.

Trouver de l'ombre !  

Nous avons déjeuné dans un restaurant en apparence fermé pour respecter le jeune du ramadan, mais qui nous a fait signe d'entrer en nous voyant passer. On a déjeuné sans lumière dans une grande salle pouvant accueillir une vingtaine de tables, sous les yeux très observateurs des restaurateurs. Toute la famille qui scrutait nos moindres faits et gestes, nous regardaient comme des animaux en cage. Je ne savais pas si ils nous observaient comme on admirait manger Louis XIV pour le repas du roi ou bien si ils regardaient avec curiosité deux fauves dans un zoo. C'était un peu gênant mais on finit par avoir sérieusement l'habitude d'être observé par tout le monde comme des bêtes de foire.

La pause déjeuner  
La route 
Des admirateurs 

Nous avons retrouvé notre hôte Mohammad en fin d'après midi, pris notre première vraie douche depuis 4 jours, rencontré ses parents, ses amis, sa maison... La maison de ses parents est peut être la plus charmante de toutes les maisons que j'ai ou voir en Iran. Un joli jardin, du bois, des tapis, des fleurs partout, rien n'est parfait, pas d'opulence, pas de signe de richesse apparente, mais tout est authentique, rien de ment, tout est à sa place pour une bonne raison, et c'est fait avec goût.

La nature évolue légèrement  
La maison de nos hôtes  

Mohammad et ses amis nous ont emmené sur la plage, à 5 minutes à pied de sa maison, puis nous avons serré une bonne quinzaine de mains en 20 minutes et on nous a proposé de venir jouer au foot sur la plage. C'est sans doute le plus beau décor que j'ai pu rencontrer pour une partie de foot, à égalité avec l'esplanade des Invalides... Non, encore mieux que ça. François n'a pas voulu jouer, moi je me suis laissé prendre au jeu, et j'ai marqué les deux buts de mon équipe. C'était difficile de trouver de la ressource après avoir fait 80 km sous une chaleur presque tropicale.

Le foot sur la plage 
Avec les copains  

Le soleil commençant à se coucher, il était temps de rentrer à la maison pour que Mohammad puisse enfin boire et manger après toute une journée de jeune. On a mangé ce repas libératoire devant la télé, en revanche ce n'était pas devant la Roue de la Fortune, mais plutôt la chaîne nationale religieuse qui diffusait en direct les prières de fin de jeune, avec chants, prières et incantations. Je ne sais pas quel programme impose plus le respect, chacun est libre de son jugement.

Nos amis nous ont ensuite emmené voir un match de football entre deux équipes locales. C'était très intéressant. Que des hommes, par centaines, et surtout l'étonnement de voir des français. Et comme les bruits courent très vite dans ce genre de petite ville, beaucoup savaient déjà qui on était et des gens nous saluaient sans que l'on sache à qui on s'adressait. Le plus drôle c'est que François, avec son look ne passait clairement pas inaperçu tandis que moi, avec ma barbe de Mollah et mon bronzage d'afghan, je me fondais plutôt bien dans le paysage. Je revois encore la scène, avec 15 personnes autour de François qui lui parlaient ou juste l'observaient sans rien dire comme une bête bizarre. On aurait dit que ces gens voyaient un français en vrai pour la première fois de leur vie. Certains enfants, particulièrement fascinés par le look peu conventionnel de François, le regardaient sans cligner des yeux plusieurs dizaines de minutes d'affilée en le suivant partout. C'était amusant pour une fois de voir ça de l'extérieur.

Jeudi 24 mai :

Pas de vélo aujourd'hui, il s'agit d'une journée de repos avant l'arrivée en Azerbaïdjan et les adieux avec l'Iran. Nous nous sommes malgré tout levés assez tôt pour donner des cours d'anglais à deux classes d'enfants de 10 à 16 ans. Une expérience intéressante, le professeur était là mais nous étions au centre de la salle pour poser des questions aux enfants et répondre à leurs questions. Bien sûr il s'agissait de répondre à des questions assez basiques mais c'était amusant de se mettre dans la peau d'un professeur d'anglais en Iran pendant deux heures.

Premier cours 
Deuxième cours 

‌En rentrant, nous avons déjeuné et fait une petite sieste. Puis Mohammad nous a emmené en vélo vers une montagne du coin qu'il voulait nous montrer. La route était charmante, nous faisait passer par des petits villages traditionnels où les gens semblaient déjà nous connaître. On disait "hello" ou "I love you" à notre passage... On ne s'étonne plus de rien. ‌Tandis que j'escaladais à vélo une zone sur terre assez abrupte, je roule sur une branche, et une brindille se coince dans le dérailleur, le tordant complètement et le bloquant entre deux rayons. Un coup de malchance invraisemblable que je ne croyais pas possible. Bien sûr j'évacue la colère à coups de noms d'oiseaux destinés à cette petite branche sans prétention mais qui a l'audace de tenter de compromettre mon voyage. La roue arrière étant complètement bloquée j'étais obligé de porter mon vélo sur 1 km pour rejoindre François qui étais resté en contrebas. Heureusement il avait les outils qu'il fallait pour porter les premiers secours à mon vélo, et oui permettre d'avancer en roue libre jusqu'à la boutique du réparateur. Par chance là route était en grande partie en descente, et lorsque je n'avais plus assez d'élan François et Mohammad se relayaient pour me pousser et me redonner de l'impulsion. On a réparé mon vélo avec les moyens du bord, mais ça passe pour le moment. En prime on a eu droit à quelques minutes de gloire dans le quartier et autour de la boutique du réparateur, et quelques selfies avec des curieux et surtout un vélo prêt pour repartir au combat.

Le réparateur et le quartier  
Oui, je profite des photos de François  

s'en suivit une petite halte devant la plage et un bon dîner avec la famille de Mohammad. Car il faut préciser que notre hôte, avec toutes ces aventures n'a rien mangé ni bu de toute la journée. Et en plus il nous apportait à boire et à manger quand l'envie le prenait. Il ne laissait pourtant jamais apparaître le moindre sentiment de souffrance ou de privation. Il ne s'exprimait à ce sujet que lorsqu'on lui posait la question. Quelle force, à 18 ans seulement !

25
mai

Nombre de km : 76

Et voilà, j'ai passé tout à l'heure la frontière de l'Azerbaïdjan et clôturé par la même occasion un mois et demi de séjour en Iran. Difficile de faire un bilan objectif de l'Iran tellement ce pays est complexe, ambivalent et varié. Je tenterai de faire un bilan dans les règles plus tard car je préfère avoir le recul nécessaire pour en parler avec la lucidité que ce pays mérite... D'autant que certains sujets que je pourrais aborder sont potentiellement clivants et dangereux.

Pour en revenir à la journée, nous avons quitté avec regret Mohammad, qui nous a fait le plaisir de nous accompagner sur le début de notre route avec son vélo. La suite de la route jusqu'à la ville frontière était surtout marquée par le besoin de dépenser des derniers Rials. J'ai donc été au supermarché et ai acheté au hasard quelques provisions en espérant que le prix ne dépasse pas mon argent restant, je suis tombé pile poile à ce qui me restait en espèces ! Coup de chance ou coup de génie, mon cœur vacille.

Derniers paysages d'Iran 

Au niveau de la frontière François a tenté de changer ses derniers rials contre de la monnaie Azéri, mais le taux était tellement bas, il a fallu se faire une raison.

Change avec des employés de la frontière (photo à ne pas mettre entre toutes les mains)  

Le passage à la frontière a été long, on nous a fait passer par des portes insoupçonnées qui semblaient s'ouvrir spécialement pour nous. Nous étions parmi les rares personnes à passer de l'Iran à l'Azerbaïdjan, les douaniers avaient donc tout le temps de s'occuper de nous. Certains militaires nous arrêtaient même juste pour nous parler, pour s'occuper, en profitant de leur statut. Au final nous avons passé la frontière sans encombres et les douaniers Azerbaidjanais étaient même très sympathiques, même si ils nous ont demandé droit dans les yeux : "est ce que vous avec des substance illicites ? ", "combien d'argent avez vous sur vous ? ", "est ce que vous apportez de l'or ou de l'argent ? ". J'ai passé le test même si je les ai vu tiquer plusieurs fois sur le tampon de l'Arménie sur mon passeport que j'ai obtenu lors de mon voyage il y a presque 3 ans. Il a fallu leur expliquer que ce n'était qu'un voyage d'agrément.

Après le passage au poste de frontière, nous voilà en Azerbaïdjan, quelles surprises nous attendent ? Après seulement 300 m, le regard de François d'arrête net devant une tireuse à bière et ne résiste pas à l'envie de prendre sa première bière depuis un bon moment. Personnellement je préférais profiter d'une bonne bière pendant la prochaine pause déjeuner. Petite information, la pinte de bière est ici à 50 centimes d'euros, je crois que c'est officiellement l'un des pays où la bière est la moins chère.

François et sa bière tant attendue 

Quelle surprise en faisant nos premiers kilomètres dans ce pays ! Les femmes ne sont plus voilées, on voit leurs cheveux et même leurs jambes ! La bière est donnée, les gens sont encore plus avenants qu'en Iran, quasiment tout le monde nous salue amicalement, nous parle où sourit, les maisons sont différentes, les voitures sont différentes, tout paraît plus libre et plus riche.

Premières impressions sur la route en Azerbaïdjan  

Nous nous sommes arrêtés pour déjeuner dans une sorte de troquet tenu par une famille qui s'est mise en quatre pour nous servir à manger et à boire. C'était adorable. Ce n'était pas vraiment délicieux, un poisson séché avec du pain et des tomates, mais on se sentait à la maison et la bière était fraîche. Et après 45 jours en Iran, la bière est une denrée que l'on apprécie tout particulièrement.

Notre restaurant pour le déjeuner  
La route longeait la voie ferrée et la mer Caspienne  
On voit les montagnes derrière ? C'est ça qui est joli en fait... Ça rendait mieux en vrai  

Nous avons ensuite roulé sur un rythme rarement atteint, sans doute grâce à la bière, et sommes arrivés à destination vers 15h. Suffisamment tôt pour trouver un hôtel pour la nuit, s'acheter une carte sim, tirer de l'argent et boire des bières en grande quantité pour rattraper le temps perdu.

Demain seront les adieux avec François qui va rester plus longtemps sur place tandis que je vais reprendre la route pour Bakou.

26
mai
26
mai

Nombre de km : 105

Une journée à deux vitesses, et surtout un entraînement intéressant pour le désert du Kazakhstan. Vous allez comprendre.

Ce début de matinée était triste car c'était le moment des adieux avec François. Il va rester beaucoup de temps en Azerbaïdjan tandis que je suis toujours un peu dans le mouvement, ne pouvant pas me permettre de perdre trop de temps. C'est un peu dommage mais c'est mon choix.

J'ai ensuite enfourché mon vélo et suis reparti sur la route en solitaire. J'ai eu la chance pendant toute la matinée d'avoir un vent favorable qui m'a fait rouler à une moyenne de 25 km/h sans trop forcer.

Une sortie de la ville mouvementée. Je n'ai jamais su ce que c'était.  
Une première pause très bucolique  

Tandis que je réparais mon dérailleur vers le km 35, je découvre un passage menant à une autoroute en construction dont on m'avait déjà parlé, j'y vois un panneau Bakou et je réfléchis... Je décide de prendre le risque et de m'engouffrer sur cette autoroute vide en attendant de voir ce qui allait se trouver sur ma route. La principale inquiétude était de ne pas trouver de ravitaillement d'eau et de devoir faire demi tour devant une éventuelle fin de route ou barrage.

J'y vais quand même, apprécie la solitude, le calme, mais me rends vite compte que l'eau va devenir rapidement un besoin urgent car la chaleur devenait écrasante, le ciel toujours plus bleu, et pas le moindre bout d'ombre pour se mettre à l'abri. Ça a duré comme ça sur des kilomètres, heureusement le vent était mon allié et m'aidait à avancer assez vite à peu de frais physiques. Sur les premiers km, mes seuls camarades de route étaient les serpents écrasés par centaines, me laissant entendre qu'il y a quand même des voitures qui passent parfois. Effectivement, l'autoroute pourtant pas encore ouverte officiellement était déjà empruntée par quelques petits malins. J'ai d'ailleurs profité de la présence d'un groupe arrêté pour demander le restaurant ou supermarché le plus proche, l'un d'eux m'a très gentiment guidé en voiture, je n'avais qu'à le suivre. On est sortis de l'autoroute et j'ai roulé 2 km.

L'entrée sur l'autoroute  

J'ai fait le plein d'eau au cas où j'aurais besoin de camper sans ressources autour de l'autoroute. J'y retourne, et après une dizaine de km, le vent commence à se retourner peu à peu contre moi et à se renforcer. Ma vitesse diminue à vue d'œil. Je finis par passer de 20/25 km/h dans la matinée à 10/15 km/h dans l'après midi en forçant plus sur les jambes. C'était un enfer, mais j'ai appris à supporter l'enfer en Europe. J'avance et ne plie pas.

Une autoroute pour soi, ça ressemble à ça  

Vu de l'extérieur ça peut paraître étonnant mais j'ai fait beaucoup de rencontres sur l'autoroute. Tous les ouvriers qui y travaillaient me saluaient, et souvent me demandaient de m'arrêter. Je l'ai fait 3 ou 4 fois, ils m'ont offert le thé, demandé si j'avais besoin d'eau, discuté un peu. A un moment donné, tous les ouvriers sont venus me parler, c'est à dire une petite vingtaine, évidement pas un seul ne parlait un mot d'anglais, il a fallu jongler entre mes faibles bases de turc et de russe.

Mes copains de pause, au milieu de l'autoroute  

Je continue tant bien que mal multipliant les pauses et buvant plus que jamais, et finis par tomber sur une sortie d'autoroute menant à la route que j'aurais du prendre normalement, mais qui me rallongeait mon itinéraire de presque 20 km. J'ai pris le risque de prendre l'autoroute, j'ai gagné le pari, j'étais content. En revanche le vent devenait juste insupportable et ça ne servait plus à rien d'insister, à part gâcher son énergie pour culminer à 10 km/h. Je décide donc de m'arrêter à un petit café sur le bord de la route.

Le café est sur la gauche  

Le patron a évidemment accepté que je plante ma tente dans le petit jardin bordant son commerce et j'ai passé pas mal de temps avec lui et son employé, qui s'est fait un plaisir (très stressant pour moi) de rouler avec mon vélo autour du café. Un mauvais moment à passer.

Mon camp de ce soir 

Je me suis préparé mon dîner avec leur gaz, et me suis couché pour vous écrire ces quelques lignes, voilà, vous savez tout !

29
mai

Dimanche 27 mai :

Journée de doutes, de frustrations, de stress et de souffrances qui aura eu le mérite de bien finir. En voici les détails:

Après une pluie et un vent violent toute la nuit, la pluie s'est arrêtée... Pas le vent. Un vent parfaitement orienté pour être en face de moi qu'elle que soit la portion de route que je vais prendre dans mon itinéraire. J'ai beaucoup réfléchis dans la matinée et j'ai décidé de ne pas partir sur la route et d'essayer de me trouver un camion qui va à Bakou. La perspective de lutter contre les éléments pour faire du 10 km/h de moyenne en pleurant pendant 7 ou 8h ne m'enchantait pas particulièrement. Les gérants du restaurant de route près duquel j'ai posé ma tente m'ont soutenu dans ce choix, expliquant qu'à l'heure du déjeuner il y a beaucoup de routiers qui s'arrêtent pour déjeuner, et que je trouverais forcément un véhicule. J'ai fait l'erreur de leur faire confiance. J'ai attendu dans un stress infini que des camions veuillent bien s'arrêter jusqu'à 13h30 ou 14h. N'ayant vu s'arrêter que 2 voitures en 5 heures d'attente interminables, je décide de partir. Tant pis, j'ai perdu toute la matinée mais si j'attends plus je ne partirai jamais. Je pars donc sur cette route impossible, et croise au bout de 500 m un autre restaurant plus gros avec un pick-up et un camion garés devant. Je tente le coup, demande au patron de m'aider à trouver un véhicule, il accepte mais me propose en attendant de me poser à sa table, m'offre à manger et me donne de la Vodka pour accompagner tout ça. C'était très gentil mais dans cet instant, le verre de vodka était loin d'être ma première préoccupation ! J'attends ici 30 minutes, 30 minutes perdues en plus. Je repars sur la route à nouveau bredouille et affronte ce vent infernal.

Je ne sais pas si on voit le mouvement des arbres, ils sont déformés par le vent 

Cette route a été l'un des pire moments depuis cet hiver de l'enfer que j'ai connu lors de mes premières semaines en Europe. Pour résumer, le vent soufflait très fort pile face à moi à tel point que j'avais du mal à garder des trajectoires droites. J'étais tout le temps déporté à gauche ou à droite. La route était d'une qualité plus que médiocre, et les camions me dépassaient sans prendre la peine de faire un écart pour m'éviter, la solution la plus efficace pour eux étaient de claironner très fort dans mes oreilles 5 secondes avant un éventuel impact. En entendant cela, je me décalais par réflexe sur le bord de la route, donc sur les cailloux, la boue et la terre, pour éviter ce montre arrivant sur moi à pleine vitesse. Ajoutez à cela les passants qui me parlent, me demandent de m'arrêter pour prendre des photos, ou me font des grands signes incompréhensible, cette route était un vrai chemin de croix. Et j'ai porté ma croix longtemps.

Mon chemin de croix... En photo ça n'a pas l'air si hostile, il faut le vivre pour comprendre  

Mon état psychologique oscillait en permanence entre la frustrations du temps perdu, la tension ultime due aux conditions de route et l'espoir de trouver tout de même une bonne âme pour m'emmener à bon port et m'éviter une journée entière de souffrances. L'espoir renaît quand j'aperçois une station-service, mais après 25 minutes d'attente stérile je retourne en enfer conscient d'avoir encore perdu inutilement du temps. Je continue ma route en commençant à accepter que je ne dépasserait pas 30 km dans la journée et croise un café dans lequel le patron me fait signe de m'arrêter pour un thé. Après tout pourquoi pas, j'avais besoin d'un petit peu de réconfort psychologique. Je leur demande au passage quand est la prochaine station service, me disant que je pourrai camper par là. 4 km, c'est plus qu'accessible ! J'arrive à la station, leur dis tout de même que je suis à la recherche d'une camion pour me rapprocher de Bakou et me faire éviter ces conditions impossibles, je commence au passage à réfléchir à mon lieu de camps. Où mettre la tente... Soudain un habitué s'arrête et après de longues discussions je finis par comprendre que c'est un taxi non officiel, et qu'il me propose de m'emmener avec le vélo à Bakou pour 80 Manats (40€). Après de dures négociations avec le taxi et les employés de la station, j'arrive à descendre le prix à 40 manats, soit deux fois moins. Résigné et séduit par l'idée de passer la soirée à Bakou, j'accepte.

C'est parti pour une virée en Lada !  

Le chauffeur semblait connaître chaque âme qui vive dans un rayon de 20 km. Il s'arrêtait et clacsonnait à tous les commerces que l'on croisait.

Mon chauffeur m'a offert un thé ici 
Il s'est arrêté pour montrer mon vélo à ses copains  
La route pour Bakou 

Il me laisse à quelque 5 km de l'auberge de jeunesse que j'ai réservé sur internet pendant le trajet après de dures négociations. Sa première idée était de me laisser à 20 km du centre, non merci.

Arrivée à vélo à Bakou 

En arrivant à Bakou, j'ai tout de suite été choqué par le fossé qui le sépare des capitales voisines. Tout est propre, tout a l'air riche, les immeubles sont en pierre de taille, les femmes ne sont pas voilées du tout, cette ville a l'air plus européenne qu'Istanbul !

La ville à la tombée de la nuit  

Pour ma première soirée je suis sorti dans un bar avec des copains tous frais de l'auberge de jeunesse, une première soirée très sympathique et qui donnait la bizarre impression de retourner en Occident après 3 mois en Orient. La bière coûtant 1.5 manats (75 centimes), elle a coulé à flots ce soir.

C'est pourtant pas très loin de l'Iran !  

Lundi 28 mai :

Le plan de la journée pour moi était de visiter la ville et appeler la compagnie des ferries pour savoir si il y aurait un bateau qui part prochainement. Oui, concernant le ferry pour le Kazakhstan c'est un peu compliqué. On ne sait que je jour du départ si il y a un ferry, et il part quand il est plein. Donc on peut être amené à attendre plusieurs jours sur le port. Sympathique.

J'ai donc pris le temps de me promener dans les principales attractions de la ville dont voici le résultat en images.

Bakou 

Ensuite j'ai retrouvé les copains pour manger un bon kebab dans un parc et je suis reparti pour aller chez un réparateur de vélo pour y faire changer mon pneu arrière, ma chaîne, retendre mes rayons et réparer mon problème de dérailleur.

Nous sommes ensuite sortis faire une petite balade, puis j'ai dîné au restaurant avec un anglais, un écossais, un gallois, un autre Français et un tchèque. C'est aussi très agréable et enrichissant de rencontrer d'autres voyageurs sur la route. Chacun vient avec sa propre histoire, ses propres rêves, on échange, on s'inspire et on en ressort plus grand. Échanger des bien physiques est un marché qui a ses limites car on perd ce qu'on donne à l'autre. En revanche, échanger des idées et des rêves est inépuisables et on ne peut rien perdre dans ce partage, tout le monde est gagnant. Et si la prochaine monnaie était le savoir et les idées...

Promenade à la tombée de la nuit  

Après le dîner nous avons couru pour arriver à voir un bout du feu d'artifice pour la fête nationale (chance).

C'était beau 

Mardi 29 mai :

Pas de ferry aujourd'hui, je vais rappeler ce soir pour savoir pour demain. La journée a donc été plutôt reposante, rythmée par la visite d'un superbe bâtiment d'architecture moderne. J'ai été à vélo pour visiter ce monument et ai eu la surprise de découvrir une autre facette de la ville. Lorsqu'on s'éloigne du centre ville si touristique, propre, international, occidental, on découvre des rues plus sales, des immeubles moins bien entretenus mais plus de vie, plus d'âme que dans ce centre ville standardisé où rien ne dépasse.

D'autres quartiers de la ville 
Vérifier l'orthographe de sa parfumerie en français : 30 secondes sur Google. 

Ce monument en question est le Heydar Aliyev center, perché sur une petite butte, offrant un joli panorama mais aussi un vent impressionnant.

Heydar Aliyev center  

J'ai passé une bonne partie de la journée avec Aldo le français et Nick l'anglais.

Aldo et moi sur le balcon de l'hostel  

J'ai appelé pour le ferry, il y en a un normalement qui part le lendemain. Je me prépare donc pour le nouveau départ, et ça va être sportif !

30
mai
30
mai

Nombre de km : 70

Au réveil je n'étais pas encore fixé sur la tournure qu'allait prendre ma journée. Tout devait dépendre des informations que j'allais pouvoir obtenir au sujet de ce fameux ferry. J'ai donc demandé à la réceptionniste de l'hostel d'appeler le port pour moi, mais la réponse ne fut pas celle que j'attendais : "le port n'a pas l'information, je dois rappeler à 13h". Je réfléchis, vérifie le vent, qui est souvent d'une aide précieuse pour prendre certaines décisions... Le verdict est sans appel : les prévisions me donnent un vent favorable vers le sud jusqu'au début de l'après midi, où le vent va commencer à se retourner contre moi. Je n'hésite pas une seconde, me change en 4e vitesse, range mes affaires, prépare mon vélo, règle l'hostel et pars sur la route le ventre vide mais le cœur plein d'énergie.

J'en étais le premier étonné mais j'ai avalé ces 70 km quasiment d'une traite, sans pause, en 3h. Je ne pensais pas avoir autant d'énergie sans avoir mangé depuis la veille et après une nuit si courte.

Sur la route, que des raffineries et foreuses de pétrole et une terre semi-aride. 

Avant d'arriver au port, je m'attendais à une industrie, une cohue désorganisée dans un brouhaha infernal dans lequel les passagers se battent au couteau pour obtenir le graal, le billet tant espéré. Mais la réalité fut bien différente de cette projection fantaisiste ! Je me suis approché du "border and custom check point 2", et mis à part des centaines de voitures et camions en attente d'embarquement, je ne voyais pas beaucoup d'âmes, jusqu'à ce que je voie cachés derrière des centenaires 3 autres cyclo-voyageurs, un jeune suisse allemand et un couple d'anglais d'une soixantaine d'année avec lesquels je me suis tout de suite senti à l'aise. C'est drôle mais le fait de croiser d'autres cyclistes donne l'impression de croiser des membres de notre famille, de notre petite communauté. C'est un cercle fermé d'aventuriers avec lesquels on partage les même rêves, les mêmes passions. Tellement d'expériences à échanger à chaque rencontre. Chaque personne est une nouvelle inspiration, une autre demarche et d'autres attentes. Chacun a sa propre manière de voyager et ses propres raisons, le pourquoi du voyage est si propre à chacun. Il n'y a pas d'universalité dans le désir d'aventure, que ce soit un besoin de fuir, de découverte de l'autre, de quête de soi même, une simple soif d'aventure irrépressible ou la recherche de la liberté absolue. Chaque projet est singulièrement beau et sincère, jamais dans la superficialité de notre époque, il est dans la recherche de la vérité de ce monde si vaste et inaccessible, si différent et complexe. Quelle richesse !

Le camp de transit des cyclistes 

Cette longue attente était le temps rêvé pour faire les vérifications techniques sur les vélos, faire sa lessive, préparer des stocks de nourriture partager ses expériences.

Étendre son linge au chevet d'un mur de barbelés  
Une sieste bien méritée dans le seul endroit frais du terminal. 

Mon copain français de Bakou nous a rejoint ensuite plus tard dans l'après midi pour compléter notre joyeuse bande. C'est un motard mais on l'a quand même accepté dans la communauté, enfin si je ne l'avais pas pistonné...

Aldo en pleines réparations 
Notre petit squatt, la nuit tombée  

Petite anecdote nocturne, un chien errant a dématé ma tente en se prenant les pattes dans une ficelle. Après avoir entendu un petit jappement, j'ai senti la tente bouger brutalement et s'affaisser sur moi. Réveil peu commun.