Nombre de km : 86
Bien. Je croyais avoir déjà largement usé et abusé des superlatifs, mais il m'en restait encore dans ma besace en cas de conditions extrême. Ce fut le cas.
Mon compagnon le froid ne m'a pas fait d'infidélité aujourd'hui, il était plus que jamais présent à mes côtés. Toujours avenant, prêt à se faire remarquer à tout moment, le sacripant ! Il aime l'humour aussi, adore me chatouiller les pieds des heures durant jusqu'à ce que je ne les sente même plus. Il éprouve souvent ce besoin de me serrer la main fraternellement, un peu trop fort parfois, malgré les gants on sent bien la douleur. Mais l'un de ses jeux préférés c'est de geler l'eau de mes gourdes à ne même plus pouvoir les ouvrir, quel farceur celui là ! Sa dernière trouvaille a été de cristalliser la condensation de ma respiration sur ma barbe, le résultat donne des morceaux de glace tout autour de la bouche. Il ne manque pas d' imagination ce coquin !
Je profite de ce ton légèrement satirique pour ajouter une réflexion qui m'es venue alors que j'étais en pleine lutte contre mon frère ennemi de ces derniers jours, le froid. Voilà, je me suis rendu compte que lorsque l'on voyage en solitaire, que l'on passe la majorité de son temps seul sur son vélo, notre instinct d'animal social est soumis à rude épreuve. On en vient donc à s'inventer des amis, ou plutôt des compagnons de route, et on leur parle. On se prend à personnifier un élément, un phénomène météorologiques ou un objet. En quelques jours, ils leur apparaît une personnalité, une manière de communiquer, un sens de l'humour. Voici une liste non-exhaustive de mes camarades de route : le soleil, le vent, le froid, la neige, le Danube, le GPS, mes jambes, mon dos, le vélo... Certains sont plus mes copains que d'autres. Par exemple le soleil c'est mon grand pote, il m'a sorti de bien des galères, en accélérant la fonte de cette satanée neige par exemple ! Le froid, lui je ne l'ai jamais trop apprécié. Il est arrivé discrètement au tout début, et a trop rapidement pris ses aises. Il ne me lâche plus. Je lui ai pourtant dit poliment de prendre un peu l'air mais il se sent bien avec moi. Allez comprendre ! Il y a aussi certains qui sont plus complexe, ils peuvent être votre ami un jour et votre pire ennemi le lendemain. J'ai nommé : le vent ! Et ces jours-ci, non seulement il m'amène le froid mais en plus il me ralenti terriblement, il ne m'aime pas trop mais je saurai lui faire changer d'avis. Bref, après cette parenthèse trahissant un début de dérèglement psychique, il faut que je vous conte ma journée.
Avec une température sous les -10° toute la journée il fallait pédaler pour se réchauffer ! Ce que j'ai fait, j'ai traversé de nombreux villages, et première surprise, les autrichiens sembles plus ouverts et agréables que les allemands, les gens me parlaient spontanément dans la rue pour le dire que j'étais courageux, qu'il fait trop froid etc. Ça n'arrivait jamais en Allemagne.
J'ai longé le Danube sur de longs km sur une route superbe bordée de collines, chacune ayant son petit château à elle !
Je parlais en introduction des superlatifs, il va être temps de les révéler. La route m'a fait éviter une sinueuse partie le long du Danube en coupant directement par la montagne. C'est un choix, mais le mauvais. Le GPS qui n'a pas été mon ami aujourd'hui, m'a fait prendre un chemin très escarpé à travers forêt pour monter plus vite en haut la colline. La pire côte de ma vie ! Le chemin était très raide par moments, bourré de grosses pierres, et surtout de la neige, et même des parties totalement glacées ! Certaines zones étaient même difficiles à traverser sans vélo, je vous laisse imaginer avec un vélo de 40 kg qu'il faut pousser de toutes ses forces pour ne pas qu'il tombe en arrière en essayant de limiter la casse sur la glace, le tout sur une vitesse moyenne de 1,5 km/Heures. En arrivant en haut, j'ai pris le premier restaurant venu et je me suis arrêté pour une pause déjeuner plus que méritée. En retirant mes différentes couches je le suis aperçu que j'étais littéralement trempé de sueur sur tous les vêtements, jusqu'au manteau.
La suite a été longue mais plus accessible dans l'ensemble.
Ce soir je suis chez Andreas et sa femme, qui ont une très grande maison à Linz. Le bain chaud que j'ai pris chez eux ce soir à sûrement été le plus délicieux de ma vie !