Carnet de voyage

Moscou - Paris

37 étapes
11 commentaires
Et voici la dernière ligne droite de mon voyage. La cerise sur le gâteau. Un mois et demi pour faire 3300 km entre Moscou et Paris en passant par l'Ukraine, la Pologne et l'Allemagne.
Août 2018
10 semaines
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30
juil

Bienvenue dans ce dernier carnet de voyage qui va venir clôturer plus de 8 mois de voyage à travers l'Europe, la Turquie, l'Iran, l'Asie centrale et la Russie. Mais ce n'est pas encore fini, loin de là. Je ne suis qu'à Moscou, et c'est le début de la dernière ligne droite. Un dernier sprint avec la Russie et l'Europe en toile de fond. Si le plan initial était de passer par la Scandinavie et Cap Nord, j'ai fini par changer d'avis pour m'orienter vers le sud des Balcans. Je me suis rendu compte en voyageant que les rencontres étaient devenues la clé de voûte de mon aventure. Les visites, les paysages et le challenge sportif sont des points importants mais de plus en plus périphériques. Le vélo est maintenant plus un moyen qu'un but en soi.

Mais retournons au récit de ces derniers jours. Comme chacun le sait, j'étais dans le transsibérien entre Novossibirsk et Moscou. Je vous ai fait part du début du récit, en voici la suite.

Passion photo inintéressante

Rien de véritablement passionnant à raconter sur ce voyage. C'est extrêmement monotone alors on remarque des détails sans intérêt, on les analyse et on les écrit pour le bonheur de ses lecteurs... Ou pas.

Les paysages évoluent peu malgré les milliers de km traversés  


Une femme me donne à manger. Elle me fait signe qu'elle a trop. Il faut très chaud. Des hommes torse nu avec des tatouages à moitié effacés par les décennies regardent passivement défiler les paysages. Un homme joue des airs traditionnels à la guitare, des gens chantent avec lui. Des enfants jouent aux cartes, l'un d'eux porte fièrement un t-shirt "I'm siberian". Je suis étonné car il est expliqué sur internet que prendre le transsibérien l'été est l'assurance de se retrouver entouré de touristes. Ici il n'en est rien, je crois être le seul étranger du wagon. J'ai même l'impression que personne ici ne parle un seul mot d'anglais. Peut être que les touristes recherchent un peu plus de confort et prennent d'assaut les 2e et 1e classes.

Les arrêts dans les villes peuvent facilement durer plus d'une heure 

Belle surprise à l'arrivée à Moscou, les gens plient leurs draps et vont respectueusement les apporter au personnel du wagon. Inutile, mais beau.

La chaleur. Tout le monde aide à plier ses draps et à les rendre au personnel de wagon. Autre aspect troublant, le train a beau avoir traversé le plus grand continent du monde d'est en ouest, il est arrivé à Moscou à l'heure prévue... À la minute près !


Me voilà donc à Moscou. Première impression très positive. Ça a beau être une grande métropole, la vie y est agréable, et la ville est plus belle que je ne l'imaginais. J'ai la chance aussi de passer beaucoup de temps avec des locaux car je loge chez mon amie russe Tanya. Elle partage un appartement avec deux autres personnes dans un quartier assez huppé de la ville.

Cette ville est pour moi un choc, après avoir vécu en profondeur pendant 3 ou 4 mois dans des pays musulmans, en vivant quotidiennement l'austérité, la sobriété et la pudeur à l'extrême, me voilà catapulté dans une ville où les femmes en tenue légère arpentent les rues, où l'alcool coule à flot, et les comportements déviants ont pignon sur rue.

J'ai pu profiter au maximum de la ville sur ces 4 jours, en voici la preuve en images :

Mon premier jour de visite.  A pied. 
Moscou by night 
Ici quand il pleut... Il pleut.  
2e journée de visite. A vélo et avec le beau temps.  

Et voilà, je suis fin prêt à repartir sur ma monture, cap sur l'Ukraine ! Il y aura un article demain soir si j'ai assez de réseau internet. Ça devrait a priori être la nuit dans la tente et dans la forêt. Selon la météo, un vent favorable m'attend demain, je vais donc faire un maximum de km pour profiter de ces bonnes conditions.

31
juil

Nombre de km : 125

Première chose, j'ai battu aujourd'hui mon record de distance. Le vent favorable pendant la matinée m'a bien facilité les choses.

La sortie de l'agglomération de Moscou à été très longue et difficile. Il faut toujours faire attention sur les sorties et entrées d'autoroute. La ville n'en finit jamais, même quand les dernières barres d'immeubles semblent passées, et qu'elles sont remplacées par des forêts, de nouvelles barres font leur apparition. Sur la route, pas d'animaux écrasés comme dans les précédents pays de ma route, mais des stations services tous les 5 km ! Elles poussent même au milieu des bois. Soit dit en passant elles n'ont pas trop le choix car la forêt au sud de Moscou est absolument omniprésente... Et ornée de panneaux d'interdiction de faire des feux. Je vais essayer d'être discret aux prochains bivouacs.

La forêt longe la route sur des dizaines de km 

Petite anecdote amusante, longeant l'aéroport, l'autoroute était constituée de 3 feux, sans doute pour laisser sortir des convois exceptionnels. Il se trouve que les voitures étaient bloquées aux feux... Des feux qui semblaient bien inutiles. Ils ne se passait rien, pas de mouvement du côté de l'aéroport, et un silence de mort malgré la présence de plusieurs centaines de voitures dociles. Je décide de griller doucement les 3 feux. La suite fut très amusante. Les voitures étant toujours bloquées aux feux, j'ai eu pendant 10 minutes une autoroute de 4 voies pour moi tout seul, quel bonheur ! (Photos à l'appui) 3e fois que j'expérimente ça. Pour rappel, la première fois c'était en Turquie à l'occasion d'un barrage militaire dans la zone kurde, et la deuxième c'était sur une autoroute en construction en Azerbaïdjan. J'y avais littéralement croisé plus de serpents écrasés que de voitures.

Mon autoroute privée  
Petite pause à l'ombre 

Après 125 km de route, je m'arrête à Maloyaroslavets, où une famille russe m'attend de pied ferme. Leur accueil a été magnifique ! Ils m'ont fait goûter toutes sortes de choses délicieuses, et ont insisté pour m'emmener voir les endroits intéressants de la ville. Je n'ai pas regretté le détour. A vrai dire, je me suis arrêté vraiment pas hasard dans cette ville, et j'y découvre de magnifiques églises et monastères, et surtout (attention, instant culturel) il semblerait que c'est dans cette ville même que Napoléon a stoppé son avancée et est rentré en France, terrassé par le froid. Apparemment il y aurait même marqué le nom de cette petite ville sur l'Arc de Triomphe. J'y ai trouvé des mémoriaux, dont un écrit en français, et des impacts de balles sur un monastère qui sont censés avoir été tirés par l'armée napoléonienne. Oui, oui, les photos, voilà.

Les hommages au passage de napoléon par cette terre.  
Le fameux monastère de la ville 
Ils ont volontairement gardé les impacts de balle tirés par les soldats de napoléon, pour ne pas oublier.  
Sous le coucher de soleil, ça a aussi de la gueule.  

J'ai ensuite passé quelques moments très agréables avec Helena et ses parents, qui m'ont véritablement accueilli comme un membre de leur famille. Ça va être difficile de repartir demain matin, mais il va falloir trouver la force.

Helena et moi  
2
août
2
août

Mercredi 1er août : Alors que j'étais prêt à partir pour la route et que je prenais le petit déjeuner avec mes adorables hôtes, je sens que je dois vraiment me faire violence pour partir, ma motivation était au point mort... Quand s'ils m'ont proposé de rester une nuit de plus, j'étais trop faible pour refuser ! Ça me faisait tellement plaisir de rester une journée de plus avec Elena et ses parents que j'ai tout de suite accepté tout en me promettant fermement de suivre plus scrupuleusement le rythme que je voulais m'imposer pour les prochains jours. Et puis après tout, j'avais fait 125 km la veille. En Europe, au début de mon périple, j'aurais été content de faire cette même distance en deux jours. J'ai donc profité de cette journée pour me reposer et visiter un peu plus cette ville qui décidément vaut le détour, même si je doute qu'elle soit connue des guides touristiques. Même les amoureux de Napoléon ne s'aventurent pas jusqu'ici. J'ai visité un mini musée qui faisait la reconstruction de la fameuse défaite (pour les français) devant le monastère, qui a obligé napoléon à rebrousser chemin et repartir plein ouest. La gardienne du musée était tellement heureuse d'avoir un français devant elle en chair et en os qu'elle a insisté pour que j'écrive un mot en français dans le livre d'or. Voici, de mémoire, ce que j'ai écrit : "Aujourd'hui je suis triste. Triste de voir que tant de français ont perdu la vie sur cette terre, mais je suis heureux d'avoir eu la chance inouïe de tomber par hasard sur cette ville à l'histoire si riche. Merci pour cette magnifique reconstitution historique. VIVE LA FRANCE ! VIVE LA RUSSIE ! " Je leur ai bien sur fait la traduction en anglais, puis mon amis l'a traduit en russe, ils étaient ravis !

2e visite de la ville 

Anecdote au passage, la ville semble avoir un lien étroit avec la guerre en général. Il y a une place dans le centre où l'on peut trouver des vieux tanks désaffectés qui servent maintenant de terrain de jeu aux enfants. L'on peut donc y voir de petites nattes blondes innocentes à robe rose jouer à la guerre assise au poste de mitrailleuse lourde en haut d'un tank soviétique. Délicieuse dualité.

Le terrain de jeu des enfants du quartier 

La suite de la journée fut composée de repos, paresse et mangeages à toutes heures.

Jeudi 2 août :

Nombre de km : 110

Retour sur la route ce matin sous un grand soleil et un vent neutre décevant car la météo m'annonçait un vent favorable. Un rythme assez solide dans la matinée m'a permis de faire ma pause déjeuner après plus de 70 km d'écoulés. L'après midi, sans doute aidé par le soleil écrasant, à été plus difficile et le rythme beaucoup moins impressionnant. Les jambes ne poussaient plus et les fesses devenaient de plus en plus douloureuses, je ne sais plus quelle position avoir sur la selle pour ne pas que ça brûle. On verra demain si ça s'améliore.

La route 
Pause déjeuner  

Je commence à remarquer une différence de comportement entre la Russie et les autres pays que j'ai pu traverser. Tout d'abord les russes sont beaucoup moins avenants et accueillants (au premier abord) que dans les mais musulmans. Aucun clacson pour me saluer, aucun bonjour sur la route... J'ai même tenté de saluer un groupe de travailleurs assis sur le bord de la route, ils m'ont juste regardé sans répondre. Pourtant, je pense que c'était des ouvriers tadjiks. Bref, on se sent un peu seul sur la route mais c'est comme ça, on l'accepte. Et ça sera sans doute très différent dans les Balcans. Finalement mon seul ami en ce moment, c'est ce soleil infatigable, qui a l'élégance parfois de laisser quelques menus nuages m'offrir le repos et la fraîcheur de leur ombre éphémère.

Petite pause à l'ombre 
Avec le soleil, ce copain fidèle.  

Ce chemin a été aussi marqué par une grande Incertitude qui risque fort d'être la règle dans les prochains jours : où dormir ? Dans la forêt ? Chez l'habitant ? Près d'une station service ou restaurant ? La solution de ce soir a été le restaurant routier. Il présente plusieurs avantages. Le premier, c'est qu'il y a de l'eau à profusion. Je n'ai eu qu'à la transporter jusqu'à mon campement pour me laver. Le deuxième, c'est qu'il peut y avoir de quoi recharger son téléphone. Le troisième, c'est qu'il y a de quoi manger chaud pour le dîner. Et le quatrième est qu'on peut rencontrer des gens. Dans les faits, j'ai installé ma tente à cent mètres dans les fourrés derrière un champ. Je suis discret tout en profitant des avantages du lieu.

Mon lieu de camp 
Un type du coin qui m'a offert à prendre le café dans sa cabane. Il m'a aussi donné 2 tomates.  
La vue depuis le restaurant de route. Ça fait vraiment no man's land !  

Et me voilà donc dans ma tente, seul à une centaine de mètres du restaurant routier. Le soleil vient de me fausser compagnie, je n'ai donc plus d'amis ici. Les ténèbres s'installent peu à peu et m'inviter à dormir vite car je sais que ce sacripant de soleil a la fâcheuse habitude de se lever très très tôt dans ce pays ! Finalement l'idée de prendre la route aux aurores ne me déplaît pas. Si je peux éviter la chaleur de l'après midi, ça m'arrange !

3
août

Nombre de km : 123

Dès le début de la journée, je sentais que je n'avais pas les mêmes jambes que la veille. Il était difficile de pédaler, le vent n'était pas si favorable que ça, mes fesses me faisaient de plus en plus mal, et il faisait déjà très chaud. A part ça tout va bien !

Petite pause en lisière de forêt  

Sentant toutes ces difficultés s'accumuler, et ne voyant pas les kilomètres défiler aussi vite que d'habitude, je décide de réduire mes ambitions de la journée. 90 km sera déjà bien. Mais voilà, il y a ce que l'on prévoit et il y a la réalité du terrain.

La route, le soleil, la chaleur 
Des forêts sans fin 
J'ai eu un petit problème technique avec une sacoche, 15 min pour réparer.  
La fin de la route, toujours ces lignes droites dont on ne distingue même pas le bout. 

La fin de l'après midi aura été bien laborieuse et pénible. Dans un premier temps je me suis approché du café que j'avais repéré sur la carte, mon plan étant d'y dîner et de prendre assez de stocks d'eau pour camper dans les environs. Malheureusement le terrain alentours ne me mettait pas en confiance, c'était un village avec une sorte de gare routière. Impossible de camper discrètement dans ces conditions. Je me décide donc à repartir à la recherche d'un meilleur endroit. Je tente la rivière qui était marquée sur ma carte... Elle n'existe pas. Je ne perds pas espoir, je vois que dans 5 km il y a une sorte de restaurant... Il est désaffecté. Là je suis fatigué, le derrière me brûle, je sens aussi les caresses viriles du soleil sur mon visage après ces quelques heures d'exposition, et mon stock d'eau commence à s'approcher de la réserve, il faut vite trouver un endroit où il y a de l'eau. C'est devenu la nouvelle priorité. Je prends donc mon courage à deux mains et je repars sur la route pour faire 22 km de plus en direction d'une station service. J'y arrive en mille morceaux, achète de l'eau et remplis une autre bouteille avec de l'eau non potable qui me servira pour ma toilette. Je pénètre dans la forêt, et me fais immédiatement dévorer par des moustiques énormes. Je rebrousse vite chemin et choisis de me laver près de la station, caché derrière une grande poubelle. (Cette fin de journée est laborieuse, et ce n'est pas fini !)

Une fois à peu près propre, je m'habille de manière à couvrir au maximum ma peau, et je repars au front dans cette forêt. Je cherche partout le bon endroit et ne trouve rien de mieux que des tessons de bouteille, des zones impraticable, des marais... Rien de bien accueillant. Je fais donc demi-tour, emportant avec moi des dizaines de piqûres. Oui, ces moustiques aux si belles proportions ont la qualité merveilleuse de pouvoir piquer au travers des vêtements, la nature est quand même bien faite.

Chou blanc de ce côté. Je tente donc de tenter ma chance de l'autre côté de la route. Effectivement je trouve un petit sentier qui laisse apparaître des zones plus planes, je projette déjà la possibilité de planter ma tente dans le coin. Ce n'est pas idéal au niveau discrétion, mais il commence à être tard et je ne suis pas sur de trouver mieux. Je plante donc ma tente, attaqué de partout par ces mêmes moustiques. Pas facile comme exercice... A peu près aussi difficile que de lire Emmanuel Kant en se faisant chatouiller les pieds. J'ai tout de même réussi. La mission suivante était de me faire un feu pour préparer ces pâtes dont je rêve depuis mon départ de Moscou. J'ai tenté 10 minutes mais il suffisait que je reste immobile 10 secondes pour avoir déjà plein de moustiques posés sur moi en train de se régaler de mon sang gavé de sucre (j'ai fait l'erreur de boire un coca avant). Je finis par abandonner, considérant à juste titre que la seule place où les moustiques ne me suivront pas, c'est dans la tente. Je mets toutes les affaires que je peux dans la tente, dont moi, je picore ce que je trouve et j'écris ces quelques lignes. Et me voilà maintenant en direct, j'ai remonté le temps de la journée jusqu'à maintenant. Je me sens très seul et j'ai hâte d'être demain matin pour repartir sur la route loin de cette forêt qui m'offre en cadeau des bruits inquiétants incessants. J'ai tout le temps l'impression que quelqu'un ou quelque chose est en train de s'approcher de la tente. Je ne peux en plus pas vérifier de mes propres yeux, et si je tente une sortie je vais me faire dévorer tout cru par l'armée de moustiques qui attend dehors, un peu comme un taureau qui va entrer dans l'arène. Il fait nuit maintenant, le sommeil m'appelle. Je resterai dans ma tente. Tant pis pour les bruits, ce ne sont que des branches qui tombent, ou un ours.

4
août

Nombre de km : 77

Je ne suis pas au bout de mes peines.

Aux aurores, j'ai quitté le plus vite possible ce nid à moustiques mangeurs d'hommes, tentant de plier ma tente tout en faisait des gestes improbables pour chasser les intrus qui rodaient en bande autour de moi. J'allais jusqu'à me frapper moi-même le visage dans l'espoir qu'un moustique se trouve par chance entre ma main et ma joue. Mais impossible d'échanger les rôles... La proie ici, c'était moi. Je suis donc parti avec mes affaires accrochées très approximativement au vélo, le but étant de quitter au plus vite cet endroit. Je suis rapidement retourné à l'abri de la station service du coin, où j'ai pu me changer et prendre mon petit déjeuner.

Prêt à lever le camp et fuire cette invasion de moustiques  
Petit déjeuner à la station service  

Et c'est parti sur la route. A l'image d'hier, je ne me sentais pas particulièrement en jambes. Il me fallait pédaler deux fois plus fort pour le même effet que lors d'un bon jour.

On n'en voit même pas la fin 

Mais un petit mot sur la route, d'un ennui mortel, je n'ai fait encore aujourd'hui que traverser des dizaines de kilomètres de forêts interminables sur des routes toutes droites qui montaient et descendaient en permanence. Oui, la région est un peu plus accidentée que je ne l'imaginais, et même si il ne s'agit que de petites collines, il est assez épuisant à la longue de supporter ces changements de rythmes constants. La route, d'ailleurs, a commencé à être particulièrement dangereuse car il n'y a, depuis une soixantaine de km, plus de zone de sécurité sur le côté de la route, à l'exception d'un bas côté truffé de pierres ou de sable. Petit problème, les poids lourds parfois n'ont pas d'autre choix que de me frôler. Heureusement que j'ai un rétro viseur que je consulte régulièrement car ça m'a permis d'éviter l'impact avec des camions arrivant sur moi à pleine vitesse, et ne comptant visiblement pas faire l'écart nécessaire pour m'éviter la mort. J'ai fait moi-même l'écart forcé dans le bas côté, avec les risques de crevaison et la perte de vitesse qui va avec. Il arrive aussi assez souvent que les voitures qui doublent dans l'autre sens m'obligent à jeter mon vélo sur le côté pour éviter l'impact. On m'avait prévenu que les Russes sur la route avaient peu de considération pour les vélos, les voyants à peu près comme des mouches sur leur pare-brise... Je vois que ça n'était pas caricatural. Cette route est encore d'actualité, j'espère qu'elle ne durera pas trop longtemps.

Nouvelles conditions de route (même si sur ces photos ça n'a pas l'air si terrible, ça s'est aggravé ensuite)  

Autre difficulté, et pas des moindres, mon corps commence à saturer. J'ai des signaux de partout, ça clignote dans tous les sens mais il faut continuer à avancer. Pour résumer, mes fesses ont beaucoup de mal à s'adapter à ma nouvelle selle et continuent à me faire très mal, mes mains commencent également à devenir douloureuses, tout comme le dos. Comme je dois répartir le poids de mon corps pour ne pas trop peser sur la selle, j'en mets plus que d'habitude sur les bras, et les mains n'aiment pas beaucoup. Pas de solution miracle, espérons que le corps s'adapte car je me vois mal faire 5000 km dans ces conditions.

Obligé d'enchaîner les pauses pour ménager mon corps

J'ai décidé d'arrêter les frais et de me poser plus tôt que prévu. J'ai trouvé pour ça une station service qui fait aussi restaurant. Il y a tout à disposition, de l'eau pour la toilette, de quoi recharger mon téléphone, de quoi manger chaud, des gens avec qui communiquer, et un peu d'herbe dans un endroit discret pour poser ma tente. Si toutes mes étapes pouvaient être comme ça, ce serait un petit paradis, malheureusement tout ceci est très aléatoire, c'est sans doute aussi cela qui rend la chose plus belle !

Dans les toilettes de la station. Ça m'a fait rire.  
Là où j'ai posé ma tente. La vue n'est pas si vilaine !  
5
août

Nombre de km : 84

Les rayons du soleil matinaux russes ont eu raison de moi ce matin. Réveillé à 6h30, j'étais bien décidé à faire un maximum de kilomètres pendant la matinée, quitte à ne pas rouler de l'après-midi pour reposer au maximum mon derrière.

Il est 6h30 du matin 

Bonne surprise sur la route, l'étroite voie de sécurité sur le côté de la route s'est élargie, pour atteindre les 40 à 50 cm. C'est peu mais suffisant pour me sentir plus en sécurité. La route du petit matin était agréable, peu de trafic et une délectable fraîcheur lorsque je roulais au milieu de ces forêts, encore à l'ombre des arbres.

Quand la nature reprend ses droits. Si je l'avais vu plus tôt, j'aurais bien passé la nuit là dessous.  


La chaleur revient, et les lignes droites aussi 

La fin de la matinée a été plus pénible. Grosse chaleur sur ces lignes droites toujours aussi interminables, et toujours les mêmes douleurs qui ne s'arrangent pas malgré quelques réglages de selle. Mais j'avance malgré tout... Je me suis retrouvé à 10 km de la frontière à un endroit particulièrement accueillant qui m'a convaincu de rester pour la nuit.

Mon campement d'aujourd'hui, dernière nuit en Russie 

J'ai donc posé ma tente dans le jardin d'une sorte de motel russe disposant d'un café (en Russie café veut dire restaurant). Je passe donc mon après-midi à récupérer des forces pour demain et le passage de frontière. Un passage de frontière ne ressemble jamais à un autre, ça risque donc de me donner du grain à moudre pour l'article de demain. (surtout entre la Russie et l'Ukraine)

6
août

Nombre de km : 88

Réveillé en pleine nuit par un inattendu orage accompagné du déluge qui va avec. Ce fut l'occasion de tester la résistance à l'eau de ma nouvelle tente. Test réussi.

Au réveil, j'ai eu droit à un grand soleil mais une tente qu'il fallait faire sécher. Ça m'a retardé légèrement mon départ, ce qui n'était pas le bienvenu car j'allais avoir la frontière à traverser, et on se sait jamais le temps que ça peut prendre.

A l'approche de la frontière  

Nous y voilà justement. 10 km après mon départ, je vois apparaître une longue file de poids lourds attendant d'être pris en charge. Je dépasse tout ce beau monde et m'arrête devant un homme qui me demande de patienter derrière une grille avec d'autres hommes. Après 15 minutes on traverse un long couloir entre des grilles, tout se passe bien, on n'est même pas fouillé. Puis c'est au tour du poste de douane ukrainien. A l'entrée je suis stoppé par un militaire qui me demande de voir les pièces en euro que j'ai, car il en fait collection. Je lui ai tout montré sauf la pièce de 2 €, il les avait toutes, j'ai fini par lui montrer toutes les pièces qui me restaient de mon voyage et nous sommes tombés d'accord sur une pièce du Tadjikistan. Il était content et moi j'allégeais un peu mon portefeuille.

Quelques photos interdites... Instants volés dans ces merveilleux endroits que sont les postes de frontière.  

Autre anecdote amusante, au custom control c'est un officier ukrainien d'origine Turque qui m'a contrôlé, je lui ai jeté au visage toute la palette de mots turcs que j'avais encore en mémoire. Que ces mots sortent de ma bouche semblait à ses yeux d'une délectation sans précédent. Je lui ai fait sa journée, et moi j'ai pu avancer rapidement.

Plusieurs km de poids lourds attendant patiemment d'entrer en Russie 

C'est parti sur la route ukrainienne ! Les seules différences notables sont le vent, qui est devenu très défavorable, et les gens qui semblent plus ouvert. En voici un exemple parfait : tandis que je roulais sur une longue route toute droite, brodée d'arbres et rythmée de côtes et descentes successives (tiens, ça me rappelle la Russie !), une voiture me dépasse, s'arrête quelques dizaines de mètres devant moi et un homme en treillis militaire sort de la voiture en me regardant, se positionnant sur la route de manière à ce que je comprenne qu'il a envie de me parler. Je m'arrête, il me serre la main et m'explique qu'il est lui même passionné de cyclisme, qu'il fait des courses en amateur, et de fil en aiguille, il en vient à me proposer de prendre un café chez lui. Il était 12h30 et j'avais déjà repéré sur la route un restaurant, j'insiste donc pour que l'on aille plutôt ensemble dans cet endroit car j'avais besoin de déjeuner. Il accepte, roule à mon rythme et nous y arrivons. Le repas était tellement bon et copieux que je n'ai pas eu l'énergie nécessaire pour le stopper quand il a voulu absolument me payer mon repas. Hasard amusant, cet homme était officier à la douane que je venais de traverser. Mais nous ne nous étions pas vus.

Mon ami du déjeuner  
Bienvenue en Ukraine 

Les journées se suivent et se ressemblent pourtant. Les 40 km qui me restaient à parcourir pour atteindre mon objectif du jour étaient une longue et lente agonie. Toujours plus chaud (je crois même avoir frôlé l'insolation), toujours plus mal aux fesses et aux mains, je crois que j'ai du changer de position à peu près toutes les minutes pour diminuer temporairement la douleur. Le réglage de selle n'a pas servi, je crois qu'il va me falloir une bonne pause pour que ma peau reprenne des forces et s'endurcisse.

Une ligne droite et une pause  

J'en viens donc à cette hésitation : je suis actuellement à 260 km de Kiev, où j'aimerais faire ma pause et peut être voir ce que je peux faire pour ma selle. Oui, mais il me reste cette distance à faire dans ces conditions, soit 3 jours de souffrance. Je me suis décidé à avancer demain sur la route, et si je vois que ça devient vraiment insoutenable, je tente l'auto-stop jusqu'à Kiev. Au passage, j'ai vérifié le vent pour demain, il va être encore pire qu'aujourd'hui, et encore plus contre moi. c'est un paramètre qui peut aider à prendre ce genre de décisions.

Mon campement pour la nuit 

Voilà j'ai trouvé un café en lisière de forêt avec de l'eau, de la nourriture et de l'électricité, ma tente est plantée. La nuit porte conseil, paraît-il.

7
août
7
août
Un hôtel sur la route

Le baptême du vent d'ouest

Nombre de km : 100

La nuit dernière, je vous ai parlé de mon emplacement proche d'un café de route, près de la ville. J'ai planté ma tente au tout début de la forêt, encore proche du café. C'était une très mauvaise idée. Toute la nuit j'ai entendu hurler des ukrainiens ivres et pisser à deux mètres de ma tente sans se préoccuper de ma présence. A un moment donné, vers 2h du matin, l'un d'eux est même tombé juste devant ma tente et semblait avoir perdu un objet. Il y a donc eu 5 hommes éméchés qui essayaient de trouver un objet en bousculant parfois ma tente. J'avais juste l'impression qu'elle était transparente ! J'essayais de faire du bruit pour signaler ma présence, mais à part récolter quelques rires et commentaires en ukrainiens, le résultat était absolument nul. Je suis tout de même parti tôt le matin, fatigué mais on n'a pas le choix.

Hier j'étais incertain quant à la finalité de cette journée. Face aux douleurs que je subissais depuis quelques jours, je me sentais bien incapable de continuer sans faire de l'auto-stop. Et bien j'ai finalement trouvé une autre solution. J'ai posé astucieusement ma serviette de toilette en coussin de complément sur ma selle, et des chaussettes d'hiver sur mon guidon.

Customisation de mon vélo contre les douleurs

Ça n'a pas supprimé définitivement la douleur mais ça l'a suffisamment diminuée pour que je me sente d'attaque pour faire les 100 km prévus, sans aide extérieure.

Le seul "monument historique" de la route

Ça n'a tout de même pas été si facile aujourd'hui car j'avais vraiment un vent très défavorable qui est devenu particulièrement fort pendant l'après-midi. Là si je voulais avancer je ne pouvais pas m'économiser. Mais finalement je me rends compte que mes jambes ont largement pris le rythme et assurent le coup à chaque fois. Les principaux freins restent les douleurs aux mains et au derrière.

J'aime bien photographier les paysages et les routes  

Petite chose que j'ai remarqué sur ma route, ce sont les champs de maïs ou de tournesol OGM. On les remarque aux écriteaux devant chaque rangée ainsi qu'à leur perfection inquiétante. Toutes les plantes sont identiques, ont la même taille et le même rendement tandis que sur le champ classique d'à côté il y a des imperfections, certaines plantes sont plus courtes, moins belles. Ça fait peur.

Mmm... Ça sent les OGM.  

J'ai choisis de m'arrêter dans un hôtel sur la route. Pour 8€ j'ai une chambre avec douche, climatisation et un vrai lit. Tout ce dont j'avais besoin. C'est à peu près depuis Moscou que je n'avais pas dormi dans un vrai lit, c'est un vrai bonheur ! Quelle joie parfois d'apprendre à réapprécier ces choses simples de la vie moderne ! Il ne faut pas oublier que c'est un luxe rare d'avoir un lit, une douche, l'eau courante. Etc. Ce voyage m'a appris entre autre que dans beaucoup de pays, ces choses qui nous semblent si basiques et essentielles sont de l'ordre de la science fiction pour une grande partie de leur population. Par exemple, cette halte imprévue dans ce village de montagne au Tadjikistan que j'ai tant adoré m'a montré comment vivaient ces gens dans la réalité. Ils ne se lavent que partiellement le matin avec l'eau de la rivière, il n'y a pas de salle de bain, tout se fait sur la terre devant la maison, on n'a pas de lit, on dort sur plusieurs couvertures que l'on pose sur le sol, et toute la famille dort comme ça, souvent tous dans la même pièce. Mais ils sont heureux, ce ne sont pas des déracinés chroniques comme nous. Ils vivent et meurent dans le village de leurs ancêtres et restent extrêmement attachés aux traditions...

Je ferme la parenthèse sur ce moment très enrichissant de mon voyage...

Arrivée au repos bien mérité  

Me voici donc dans cet hôtel, prêt à dormir comme un bébé, et repartir tout frais sur la route demain matin avec, je l'espère, un vent plus clément. Réponse demain soir.

Des ukrainiens jouent au volley-ball  
8
août

Nombre de km : 105

Cette journée n'a rien de passionnant je dois avouer. Tout était comme d'habitude, des grandes lignes droites, un soleil inlassable, des arbres, des champs d'OGM et des douleurs. Il devient difficile de continuer à garder le cap et la motivation dans ces conditions mais je sais que j'arrive très bientôt à Kiev et que je pourrai me reposer 2 nuits ou plus chez mon ami Oleg. Sans cette perspective rassurante j'aurais beaucoup de mal à avancer. Ça va être mon premier jour de repos après 8 jours d'affilée sans pause depuis ma journée de repos à Maloyaroslavets après Moscou. C'est la première fois de mon voyage que je fais une session aussi longue d'affilée, et finalement les jambes suivent bien. C'est surtout la tête et les fesses qui ont un besoin urgent d'une bonne pause !

 Je viens de remarquer sur la photo l'orientation des rayons du soleil. Ça donne confiance. 
Un avion dans un champs 

Je dois vous parler au passage de deux petites fiertés personnelles. Sur la route cette après-midi, j'ai fait deux bonnes actions : la première, en roulant j'ai remarqué beaucoup de fumée qui se dégageait de l'herbe de l'autre côté de la route. Je me suis arrêté, traversé prudemment l'autoroute et ai constaté qu'il y avait plusieurs départs de feu dans les broussailles, qui s'orientaient dangereusement vers les arbres, puis la forêt. Ce n'était pas encore très fort et quelques étouffements de flammes à coups de chaussures ont suffi, mais 3 bons mètres carrés étaient déjà calcinés et je pense que les conséquences auraient pu être assez lourdes. La deuxième bonne action, en roulant de remarque sur la route 3 bûches de bois coupées traînant au milieu de la file de droite. Les véhicules les évitaient jusqu'ici mais ça ne durerait peut-être pas toute la journée. Je les ai jetées sur le côté de la route. Voilà j'étais assez fier d'avoir ces deux modestes bonnes actions à me mettre sous la dent. Je me sens un peu moins parasite inutile des pays que je traverse !

Un compagnon de route improvisé  
Intéressant cimetière de voitures 

‌Le choix du lieu pour passer la nuit a été très difficile. Je crois avoir passé presque 2h pour ça. Un peu traumatisé par l'épisode des attaques de moustiques dans la forêt, je me suis un peu fixé sur les alentours des stations service ou restaurants de route. Mais là, rien ne m'inspirait confiance, ou bien quand le lieu convenait c'est les propriétaires du lieu refusaient que je campe sur leur terrain. Au final j'ai trouvé une station service après avoir roulé pas mal pour trouver le bon endroit. Je me suis posé dans un champs à 50 m de la station. Ces kilomètres non prévus ont pour conséquence de m'avoir bien épuisé (d'où mon manque d'inspiration ce soir), mais aussi de m'avoir fait gagner de la distance pour demain. Au final je ne suis plus qu'à 50 km de Kiev, ce qui va m'offrir une tranquille matinée de vélo, et toute l'après midi pour commencer à me reposer. (oui, c'est ma lubie du moment)

Une magnifique Lada de compétition  
Mon lieu de camp ce soir 
11
août

Nombre de km : 50

Le jour de mon arrivée à Kiev, il ne me restait que 50 petites km à parcourir. Une formalité qui m'a fait arriver avant midi chez mes amis Oleg et Olena. Une après midi placée sous le signe du repos et de la réflexion.

Arrivée en bas de l'immeuble de mes amis 

Et oui, la réflexion. Car pour être honnête, je me sentais de moins en moins la force mentale de continuer vers le sud pour franchir de nouvelles montagnes et traverser les Balkans. A vrai dire tout ce petit monde parisien me manque et il commence à me tarder de rentrer pour leur raconter mes aventures. Je pense pouvoir dire que j'en ai fait suffisamment pour cette fois, et même plus que prévu. Mission accomplie, je peux donc rentrer la tête haute, et le plus vite possible. Au lieu de partir plein sud vers la Moldavie, je vais donc repartir plein ouest vers la Pologne, puis l'Allemagne et enfin la maison... La France ! Selon mes calculs, un retour vers la mi-septembre est très envisageable.

Durant cette petite pause de deux jours et demi à Kiev, hormis cette réflexion fertile, il m'a fallu trouver une solution durable pour ma selle, car je n'ai pas l'intention de rouler encore des milliers de kilomètres avec le postérieur en feu. Je me suis donc déplacé chez 4 vendeurs différents, j'ai fait 3 fois le tour de la ville, empruntant toutes les lignes de métro (il n'y en a pas beaucoup non plus) pour trouver la boutique providentielle. Ils avaient la machine qui permet de calculer l'espace entre les ischios. Pour expliquer, les ischios sont les deux os du bassin sur lesquels tout le poids se concentre lorsque l'on s'assied. Si vous vous asseillez sur vos mains, vous sentirez forcément ces deux gros os. Et bien il paraît que l'espacement entre mes deux ischios est supérieur à 13 cm, c'est à dire au-dessus de la moyenne, ce qui m'oblige à avoir une selle adaptée et plus large. J'ai donc acheté une 3e selle très onéreuse, en espérant que celle-ci sera la bonne. Verdict demain soir.

Parlons de Kiev, c'est la 3e fois que je visite cette ville. Encore une fois j'ai été conforté dans mon opinion. La ville est très agréable, très verte, beaucoup de nature, de collines, un patrimoine historique architectural très riche, un coût de la vie dérisoire, et on se sent respirer. Tout est assez espacé, on a la place, il y a une île sur le fleuve au milieu de la ville avec de vraies plages naturelles occupées par quelques personnes. A Paris ce serait un déferlement de parisiens en mal de vacances ! Je suis pas mal sorti avec des gens des milieux hipster. A l'exception de ma barbe qui était la bienvenue dans la communauté, j'étais un peu l'exception qui n'avait pas de tatouage et de t-shirt arty. Hélas pas beaucoup de photos de tout cela, mais voici ce que j'ai pu retrouver.

Pendant un concert de musique hipster 
Un peu de Kiev  
La vue depuis chez mes amis 

Rendez-vous demain soir pour ma première étape en direction de la Pologne. Selon mon nouveau programme, la prochaine pause de deux nuits sera à Cracovie, chez mes amis sur place.

12
août

Nombre de km : 75

Petite journée en terme de kilomètres pour la reprise après deux jours de pause, l'idée était de se remettre dans le bain et surtout d'évaluer ma nouvelle selle, voir si des réglages de position sont nécessaires. Etc

Verdict, je crois que j'ai besoin d'une deuxième journée comme ça pour vraiment savoir si elle me convient. J'ai ressenti moins de douleurs que sur l'ancienne, la chose est sure, en revanche je n'étais jamais vraiment bien confortablement installé. Je crois que ça n'arrivera jamais, il va falloir s'y faire.

Sur une très longue avenue de Kiev  

Après les 25 km nécessaires pour quitter l'agglomération de Kiev, la route était toute la journée sur une autoroute très fréquentée mais visiblement toujours autorisée aux vélos alors j'en profite. J'ai eu droit à une crevaison après le déjeuner, rien de méchant, une petite averse au début de l'après midi (la première depuis Novossibirsk en Sibérie), et une voiture qui m'a littéralement frôlé en pleine vitesse, croyant être plus malin que tout le monde en faisant ses dépassements par la bande d'arrêt d'urgence... Heureusement que j'étais bien sur le côté, car si j'avais été au milieu de la voie le conducteur n'aurait pas eu le temps de m'éviter, il allait à peu près deux fois plus vite que tout le monde. Je n'ai pas envie d'appeler ça de la folie, ces gens sont en pleine possession de leurs moyens psychologique, j'appellerai ça plutôt de l'inconscience et de la bêtise humaine. Ces gens ne sont pas fous, ils ne pensent juste pas aux potentielles conséquences de leurs actes. Ils ne pensent pas que ce désir d'adrénaline et de sensations forte n'implique pas uniquement leur propre vie. Et le jour où ils y pensent, c'est souvent malheureusement trop tard.

Mon déjeuner  
Ma crevaison 

J'ai trouvé pour la nuit une station Shell très correcte avec des employés qui on l'air de bien m'aimer. J'ai installé mes quartiers dans les fourrés à une centaine de mètres de la station à l'abri des regards et des voleurs. Pendant que je terminais ma bière dans la station, un homme qui comme moi restait plus longtemps que la normale est venu me parler. Il s'agissait d'un homme de 37 ans vivant à Lviv, blond, ayant en sa possession un accent anglais à couper au couteau régulièrement accompagné de longues phrases en russe qui ne me facilitaient pas forcément la tâche. Mais le courant est bien passé, il a même dépassé les frontières linguistique et il m'a invité à rester dormir chez lui et sa famille quand je ferai mon escale à Lviv, c'est à dire ce vendredi. Attention, je me moque de son accent mais c'est déjà exceptionnel que quelqu'un parle anglais dans ce pays en dehors de la capitale !

Bref, il a récupéré son covoiturage et j'ai récupéré mon abri de fortune pour terminer ces quelques lignes et m'abandonner dans les bras de Morphée, qui sont ce soir particulièrement accueillants. On n'est jamais à court de rêves...

Mon campement 
13
août

Nombre de km : 75

Difficile de trouver tous les jours un angle d'attaque captivant. Je tiens à m'excuser d'avance car mes articles quotidiens jusqu'à Paris risquent d'être de moins en moins passionnants à mesure que je me rapprocherai de notre capitale. Moins d'exotisme, moins d'aventures, moins d'imprévus et de rencontres improbables. Malheureusement, tout risque de bien se passer jusqu'à Paris, ce qui m'offrira peu de grain à moudre, de moins en moins de matière brute, moins de surprises... C'est triste à dire mais la sécurité n'offre pas la meilleure des inspirations. Peut être devrais-je me mettre plus en danger pour être plus dans le ressenti, dans l'instant mais ne pense pas que tout le monde soit d'accord avec ça. Je vais donc devoir me renouveler, changer l'identité de mes textes qui s'appauvrissent avec le temps en les axant plus sur des réflexions intérieures, des prises de recul par rapport à mon voyage, peut être des analyses plus poussées vis à vis d'un événement, d'un détail remarqué au détour d'une forêt. Je dois arriver à écrire sans être dans le ressenti immédiat comme j'avais l'habitude de le faire, ce qui était à la fois facile et intuitif. Détail intéressant, ce dernier paragraphe est comme le miroir de ce que je viens d'écrire, une mise en abîme de ma pensée.

Première pause 
Beaucoup de marchands en plein milieu de l'autoroute (photo de droite)  
Pause déjeuner dans un restaurant redoutablement mauvais

Pour revenir à du factuel, la route s'est à peu près déroulée sans encombres, toujours le même soleil à ma gauche qui me donne un bronzage de camionneur, toujours l'autoroute, mais des zones beaucoup plus peuplées que sur la route entre la Russie et Kiev qui était absolument perdue. ‌Tiens, j'ai mangé une pomme que j'ai cueilli sur un pommier qui bordait la route. Ça n'a l'air de rien comme ça, mais c'est une réelle satisfaction naturelle et simple qui révèle l'immensité cosmique de notre rapport au monde et à la nature. Le geste le plus ancestral qui soit, tellement ancré dans nos gènes que l'on ressent cet acte comme l'accomplissement une mission, une des choses pour laquelle nous sommes sur terre. Tout simplement manger le fruit de la terre là où il se trouve apporte une certaine assise, il semble que cela enracine notre être sur une terre donnée. Et si c'était juste ça le sens de la vie d'humain, se réenraciner, retrouver ce rapport perdu à la terre, à nos ancêtres, manger le fruit de cette terre et appartenir à nouveau à un tout cosmique qui n'est pas régi par l'avoir mais par l'être... Non je ne suis pas en train de créer une nouvelle secte, c'est juste une réflexion que ce mangeage de pomme a provoqué en moi.

Arrivée à Jytomyr. J'ai pu laisser mon vélo et mes affaires en lieu sûr pour visiter librement la ville  
Jytomyr sous toutes ses coutures 

Retournons au récit de la journée. J'ai atterri à Jytomyr, ville secondaire d'Ukraine qui n'est pas vilaine du tout ! Je suis accueilli ici par Ania, qui ne peut pas m'ouvrir les portes de sa maison avant 22h30 car elle travaille dans un café, ce qui me laisse toute la journée pour me promener, boire des pintes de bières à moins d'un euro, regarder les filles passer et écrire cet article. Ces villes ukrainiennes sont vraiment des endroits où il fait bon vivre. Bien sûr je vois cela en plein été, je suppose bien que l'impression ne sera pas la même au mois de janvier, mais globalement le ressenti que j'en garde est que ce sont des villes étendues dans lesquelles on ne se sent pas étouffer comme à Paris. Beaucoup d'espaces verts, une architecture épargnée par les guerres contrairement à une grosse partie de la Pologne, des prix dérisoires, et des gens... Bon; il faut briser la glace avec eux, mais après ils sont très généreux et honnêtes. Ici on ne fait pas de prix spécial pour touriste comme c'est l'usage en Iran par exemple. Je pense sans trop m'avancer que si l'Ukraine sort de ces tensions avec la Russie et acquiert une certaine stabilité, elle sera la prochaine grosse destination touristique à la mode, surtout pour ses villes. L'Europe centrale est déjà prise d'assaut depuis de longues années par les touristes de tous bords et a perdu de son âme, l'Ukraine est encore à peu près vierge, c'est le moment d'y aller. Avis aux amateurs.

Moi à la nuit tombée, en pleine réflexion existentielle, une prune pas mûre à la bouche 
14
août

Nombre de km : 96

Un départ forcé aux aurores pour respecter les horaires de mon hôte m'a fait battre un record : déjà 50 km de parcourus à 10h du matin ! J'ai donc décidé de ralentir un peu la cadence, d'autant que certaines douleurs musculaires et de genoux commençaient à se manifester. Les fantômes de mes genoux agonisants en février sur les routes enneigées viennent encore hanter mon chemin.


Le soleil du matin, pas encore trop agressif

Je me suis donc autorisé plus de pauses, et y aller plus tranquillement, ce qui m'a tout de même fait arriver vers 14h30 à mon point de chute pour la nuit, malgré une bonne pause déjeuner sur la route.

Marketing et réalité. 

Chose amusante, j'ai traversé une ville qui semblait habitée exclusivement de militaires. La moitié de ses habitants étaient des hommes et femmes en uniforme. Laissez moi vous dire que mon vélo, avec son look camouflage, a fait tourner bien des regards. J'avais l'impression de traverser la ville au volant d'une Ferrari.

La ville des militaires et ses belles affiches publicitaires  

Juste à la sortie de la ville, une scène saisissante contrastant avec le caractère de la ville, le vois une vieille femme traire sa vache sur le bord de l'autoroute. Sur le moment, me suis demandé si c'était autorisé en France, et si ils avaient pensé à développer un panneau de signalisation à l'entrée des autoroutes pour signifier qu'il est interdit d'y traire sa vache. J'ai rit intérieurement et j'ai continué à avancé.

Je me suis arrêté à la fin de mes 96 km dans un petit motel sans prétentions sur le bord de la route. "Sans prétentions" est un euphémisme car dans la réalité c'est un lieu crasseux, moche, où tout semble à moitié à l'abandon... Je ne pensais pas qu'il y avait encore des hôtels comme ça en Europe. Pour entrer dans les détails, cette auberge moyenâgeuse est le paradis des mouches, à défaut d'être celui des humains. Il y en a par dizaines par endroits, créant un bourdonnement en continu et des mouches tout le temps sur le corps à en devenir vexant. La décoration est d'un vieillot pas encore assez vieux pour que ça soit vintage. C'est juste vilain. Les rubans attrape mouche astucieusement disposés au dessus des tables de la salle à manger mettent tout de suite en appétit. La moitié des lampes ne fonctionne pas, permettant habilement de créer une pénombre pudique cachant la crasse inquiétante des lieux. Une plante ayant perdu ses feuilles fait office de verdure et en guise de tableau je peux admirer une sorte de bas relief de toute beauté représentant un homme le pied posé sur un tonneau de bière, un fusil dans une main et une choppe de bière dans l'autre.

Mais passons aux autres pièces qui valent aussi le coup de s'y attarder. Les toilettes du rez-de-chaussée doivent bizarrement rester verrouillées en permanence, peut être pour les réserver aux clients du restaurant. Ce qui fait que quand j'ai expliqué à la patronne que je voulais y aller, elle m'a donné une pièce de monnaie pour ouvrir le verrou de l'extérieur. J'ai prié pour que les toilettes ne soient pas occupées par un camionneur ukrainien... Vide, ouf !

Des dizaines de cigognes occupent le champs voisin  

La douche est une pièce commune, et ça se remarque. Je ne crois pas que la patronne y fasse le ménage régulièrement, en fait sans doute jamais. En prenant ma douche j'ai presque eu peur d'en ressortir plus sale quand y entrant, d'autant plus que la pression de l'eau (froide bien entendu) était extrêmement faible, voire absolument inexistant par alternance. La pression a eu par exemple la bonne idée de se couper au moment crucial où mon corps était intégralement savonné et plein de mousse. Il ne restait plus qu'à rincer et plus d'eau ! Je n'ai pas paniqué, j'ai un peu pesté tout de même pour la forme, mais avec un peu de patience, l'eau est revenue après une petite minute. Une minute qui m'a semblé être une éternité ! En sortant de la douche, j'ai eu la mauvaise idée de regarder si les toilettes étaient propre... Et bien non seulement elles ne l'étaient pas mais il semblait que mon prédécesseur ait oublié de tirer la chasse après avoir fait le gros œuvre. A vue de nez, il s'agirait de l'ouvrage d'un mâle d'un beau gabarit dans la force de l'âge.

Mais passons à des choses plus inspirantes. A l'heure du dîner, ce que la patronne me proposait ne me convenait pas, j'ai donc pris la décision de lui apporter mon manger pour qu'elle le prépare. Je n'ai jamais fait ça dans un restaurant, mais comme ils semblent assez souples avec les règles dans cet établissement, je me suis dit que ça pourrait passer. Et bien oui ! La patronne amusée a donc préparé mes pâtes, et est même venu à ma table avec une pâte aux bout d'une fourchette qu'elle m'a mis elle même dans la bouche pour que je puisse évaluer la cuisson. Elle y a ajouté ma boîte de thon et ma crème fraîche, j'avais mon dîner. Ça a eu le don de beaucoup la faire rire, son mari aussi. Ça m'a fait plaisir car quand on ne les connaît pas il est difficile d'obtenir même un sourire de la part ces gens là.

Mes pâtes sur le bar 

La nuit ne va peut-être pas être très agréable, car il fait une chaleur terrible, qu'il n'y a pas se fenêtre dans ma chambre, et les ressorts du matelas ne passent pas inaperçus.

Demain je vais encore tenter de partir le plus tôt possible malgré tout car il n'y a rien de pire que de rouler sous le soleil et la chaleur étouffante.

15
août
15
août

Nombre de km : 93

Aujourd'hui peu de choses à dire sur cette route monotone. En revanche une population de plus en plus amicale à mesure que je me dirige vers l'ouest. Je n'ai pas la force d'écrire ce soir alors les photos parleront pour moi.

La campagne ukrainienne 
Mon vélo perdu dans l'immensité  
Un voyageur motard slovaque que j'ai croisé sur la route. Il revenait aussi de l'Asie centrale.  
La ville de Rivne 

J'ai été accueilli par Maria et son copain dans leur appartement, c'était comme d'habitude très agréable et instructif d'être accueilli par des locaux vraiment natifs de la région. Et toujours aussi difficile de partir demain matin quand on commence à créer des liens et à apprécier les gens.

Mes hôtes de cette nuit 
16
août

Nombre de km : 112

La route et la nature simple et sauvage d'Ukraine 
Encore la route  
On trouve ce genre de croix partout sur la route  
Photo intéressante  

La route d'aujourd'hui a été très longue et éprouvante, à la fois physiquement et psychologiquement. C'était ce genre de journée interminable où l'on réalise dans sa chair à quel point le fait de voyager seul, et en particulier rouler seul, est un combat quotidien à mener. Voyager à plusieurs rend l'expérience et la perception du temps radicalement différente. Par exemple, lorsque je dois passer 6 heures de ma journée seul sur mon vélo à pédaler, il faut pour chacune de ces 21.600 secondes trouver une motivation, une envie, une pensée qui pendant quelques secondes ou quelques minutes fera oublier l'effort, la douleur parfois. Alors on improvise, on pense à beaucoup de choses... A son passé, à soncx futur, on refait l'histoire, on chante, on prie, on récite des extraits de films par cœur et on se fait rire tout seul, on se fait des sketchs, on parle tout seul en prenant des accents difficiles à assumer dans la vie en société... Quand cela devient vraiment difficile et que notre esprit n'a plus envie de se distraire, il ne pense plus qu'au moment présent et au fait d'optimiser le moindre km/h, le moindre coup de pédale, on regarde chaque km défiler un par un et on rêve de la prochaine pause tout en bénissant le poids lourd qui vient de nous doubler et qui va nous porter dans son aspiration pendant ces 10 petites secondes qui n'ont pas de prix. Et on sait surtout que l'on va devoir être en forme pour refaire la même chose demain, et après demain, et ainsi de suite. Le plus difficile dans ces voyages au long court est de résister à l'épreuve du temps, à la répétition, savoir continuer à être concentré sur son objectif, ne jamais en dévier ni en douter une seconde. Lorsque l'esprit et le corps sont fatigués, ils cherchent la moindre faille, la moindre petite fissure pour s'y engouffrer et pour s'auto-convaincre que l'objectif est fait pour être dépassé, que le plus important est la route, et non la destination... Oui, mais sans destination, plus de route. Il faut donc colmater les trous d'air le plus vite possible et penser au jour d'après, penser aussi à la prochaine pause. En parlant de ça, c'est demain que je fais ma prochaine pause. Je vais arriver à Lviv après une grosse journée et je compte y rester 2 nuits pour récupérer.

Vivement demain soir !

Une fourmilière dans la forêt ou je campe. La plus grosse fourmilière que j'aie jamais vue de ma vie  ! 
Mon campement 
18
août
18
août

Nombre de km : 112

La route pour Lviv et ses derniers kilomètres sont passés plus facilement que je l'imaginais. J'ai eu la surprise et la joie de découvrir au cours de la journée des paysages sauvages et de plus en plus vallonnés (je parle de petites collines, on est encore loin des Carpates), et même des monuments comme des églises et des châteaux étonnamment beaux. Jusqu'à tard dans la matinée, le soleil perçait péniblement le léger voile nuageux qui laissait passer une luminosité digne d'un lever de soleil. Le tout accompagné d'une très légère brume, j'avais l'impression qu'il était 6h du matin pendant toute la matinée !

J'ai très bien roulé toute la journée, m'autorisant peu de pauses, ce qui me fit arriver vers 15h au lieu de rendez-vous à Lviv. Je devais retrouver à son lieu de travail Andriy pour que l'on s'organise ensemble pour la suite. Ah oui, Andriy c'est cet homme que j'ai rencontré quelques jours plus tôt dans une station service sur ma route. Il m'avait spontanément proposé de m'accueillir chez lui à Lviv. Pour le présenter un peu, c'est un ukrainien originaire de Lviv de 38 ans qui travaille à Lviv loin de sa famille, sa femme et sa petite fille de 2 ans vivant malheureusement à Kiev à cause de leur travail respectif.

Arrivée à Lviv 

J'ai donc attendu dans le centre ville qu'il finisse de travailler, et me suis laisser surprendre par un orage très violent accompagné d'un déluge comme j'en ai rarement vu. Sans exagérations, la rue était une rivière. Les voitures ne pouvaient plus rouler et devaient s'arrêter au risque de noyer le moteur. Les hommes couraient, les femmes criaient et les enfants riaient. A voir la réaction des gens dans le café où je me suis réfugié, tout ça n'avait rien d'habituel, ça m'a rassuré.

Après le deluge 

J'ai retrouvé ensuite mon ami et nous nous sommes donnés rendez-vous à quelques kilomètres de là, dans la banlieue sud. Je suis arrivé très en avance et je l'ai attendu au pied d'une barre d'immeuble qui aurait fait trembler de peur n'importe quelle personne tenant à la vie si cette scène s'était passée en banlieue parisienne. Pourtant ici, tout a l'air sale et délabré, mais les gens semblent heureux, ils se saluent cordialement, discutent, donnent à manger aux chats, jouent avec les enfants. J'en suis venu à la réflexion que ce n'est pas forcément les conditions de vie du lieu qui conditionnent les gens comme on nous le rabâche depuis bien longtemps au sujet des problèmes en banlieue, mais peut être que ce sont aussi et surtout les gens qui font le lieu dans lequel ils vivent. Tout respirait le respect de la personne avec une certaine pudeur et une dignité slave, et les gens du quartier avaient eux même planté des fleurs en bas de leurs tours... C'est un symbole qui me plaît.

Le rendez-vous en bas des tours  

J'ai donc passé ma première nuit chez un ami d'Andriy qui est policier. Nous avons partagé une bonne bouteille de vodka et nous sommes sagement couchés.

Aujourd'hui était une journée de repos, attendue comme le messie depuis plusieurs jours. Pas si reposant que cela d'ailleurs, j'ai dû changer de maison pour rejoindre Andriy chez lui, m'obligeant à rouler encore 5 km par la forêt, la boue et des côtes inattendues.

Une fois arrivé chez mon hôte, il m'a invité à déguster un bon déjeuner, puis nous sommes partis visiter la ville. Nous avons déambulé dans le centre avec avec l'un de ses amis, et j'ai eu ce plaisir de découvrir pour la deuxième fois une ravissante ville, pleine de charme, avec des petites collines et énormément de nature dans la ville. La culture religieuse de la ville est à moitié catholique (depuis l'influence polonaise) et orthodoxe, ce qui donne un style assez particulier à la ville.

Mes édifices catholique de la ville 
La beauté de Lviv 
Avec les copains dans le plus ancien bar de la ville 
D'autres photos de la ville 

Nous avons continué à marcher avec mes amis jusqu'au début de la soirée, ce qui a fait que cette journée de repos n'étais pas si reposante. Départ tout de même très tôt demain matin pour traverser la frontière.

19
août

Nombre de km : 125 à vélo + 94 en voiture

Une journée pleine de surprises, des belles et des moins belles, mais au final une grande distance parcourue et un jour de gagné sur ma route vers Cracovie. Voici comment ça s'est passé :

Tout d'abord je suis parti de chez Andriy assez tôt, je savais que 3 grosses journées m'attendaient jusqu'à Cracovie. D'autant que le lieu d'où je partais étais à l'opposé de ma route, j'ai donc du faire tout le tour de la grande couronne, ce qui m'a rallongé de 10 bons kilomètres ma route, comme si j'avais besoin de ça !

La route du matin 

J'ai pu découvrir aussi dans les villages que je traversais une charmante tradition. Tout le monde célébrait une fête religieuse aujourd'hui, ce qui faisait que les gens étaient majoritairement habillés en vêtements traditionnels et se dirigeaient vers des églises déjà pleines à craquer avec des bouquets de fleurs et de fruits dans des papiers. Il était intéressant de noter que dans cette partie de l'Ukraine, les populations sont à la fois catholiques et orthodoxes, par conséquent, dans le même village il y avait les deux églises des deux confessions qui avaient leur messe en même temps à quelques centaines de mètres l'une de l'autre. Et dans les deux églises, des hauts parleurs pour les personnes à l'extérieur qui n'ont pas pu trouver de place dans l'église. Voilà un problème que les églises françaises aimeraient bien avoir !

La tradition ukrainienne 

Après 80 km dans cette jolie et pittoresque campagne ukrainienne, la frontière avec la Pologne était en vue. Je déjeune rapidement dans une station service et je reprends la route en doublant voitures et camions qui devaient faire la queue depuis des heures en plein soleil. Je m'approche de la grille de la douane et le militaire me demande de reculer, puis il m'explique que j'ai un problème. "cette frontière est une frontière pour voitures et camions, on ne peut pas la passer à vélo. Soit vous trouvez une voiture pour passer la frontière en mettant votre vélo dedans, soit vous prenez l'autre frontière qui est 40 km plus au sud." (en anglais très basique dans le texte). J'insiste un peu pour la forme, m'énerve un peu et commence à démarcher les voitures. Une camionnette vide passe devant moi, je me dis que c'est du gâteau et demande au chauffeur qui me rétorque sans honte qu'il n'a pas la place. Malheureusement pour lui, ses vitres laissaient facilement distinguer le vide derrière lui. J'ai insisté un peu lourdement et il s'est fermé comme une huître, impossible de recroiser son regard ensuite. Je crois que si j'avais pu voir ses yeux, c'est le regard de la honte que j'aurais distingué. Mais qu'à cela ne tienne, trois minutes plus tard une autre petite camionnette s'arrête devant la grille, j'y vais et ils acceptent que je m'installe dans la voiture avec mon vélo, il y avait toute la place et ça leur a fait de l'animation pendant la longue attente à la douane, tout le monde y gagne. Il y avait trois ukrainiens, 2 hommes et 1 femme qui allaient à Varsovie. Je pense que c'était un covoiturage. Pendant l'attente il me vient cette idée... Je suis dans leur véhicule, mon vélo et mes affaires sont déjà dans leur véhicule, et si je continuais un peu avec eux, quitte à gagner 20 km ce serait déjà une aubaine ! Je demande par où ils passent, et si je peux rester un peu avec eux, la réponse est oui, et surtout ils peuvent m'avancer de 90 km avant de bifurquer pour Varsovie ! J'étais aux anges, car cette distance de parcourue avec eux m'a fait tout bonnement gagner une journée. Au lieu de 3 jours, je vais donc tenter Lviv Cracovie en 2 jours. Ce qui m'oblige à tout de même beaucoup rouler sur les deux jours, mais après il y a le repos qui m'attends donc la motivation est intacte. Après les avoir quitté, j'ai donc fait 42 km de plus sur la route pour ne pas avoir à faire une distance inhumaine demain. Si mes calculs sont bons il me restera donc environ 130 km à parcourir, ce qui sera mon record.

Danger en approche  

Pendant que je terminais ma journée de route, je continuais à avancer tranquillement à la recherche d'un lieu correct pour planter ma tente. La pluie qui s'approchait dangereusement m'a forcé à improviser au milieu d'une zone semi-urbaine. J'ai réussi à trouver un champ avec quelques arbres pour la discrétion en contrebas de la route, j'ai dû traverser des champs d'orties dont je sens encore les piqûres, et il m'a fallu monter ma tente pendant que le vent redoublait de forces et que les premières gouttes de pluie entraient en scène. J'ai encore une fois échappé au déluge in-extremis, et j'en ai finalement fait un avantage. J'ai décidé de me mettre en maillot de bain et de me savonner sous cette douche naturelle quelque peu fraîche, la pluie était si forte que ça a très bien fonctionné. Une vraie douche écologique. Le sommeil m'attend.

22
août

Nombre de km : 130

Réveil avec le soleil 

Et oui, un nouveau record battu en termes de distance ce lundi ! En revanche, il faut maintenant je vous explique dans quelles conditions... Sachant que j'allais avoir 2 jours complets de repos à Cracovie, je ne me suis pas ménagé, et heureusement. Sans cet espoir de repos, je n'aurais pas été capable d'aller au bout de cette journée d'une rare intensité.

Sur la route de Cracovie  

Tout d'abord il faisait très chaud, ensuite le vent était défavorable, et troisième problème, la route bordant les premières collines du Nord de la chaîne des Carpates, j'ai du affronter toute la journée des successions de côtes et de descentes. De vraies montagnes russes. Il faut savoir que ces conditions sont épuisantes car elles cassent continuellement le rythme et atteignent profondément la motivation. Plus concrètement, à chaque fois que j'escaladais une nouvelle côte, il y avait toujours la surprise de ce que j'allais trouver de l'autre côté, en espérant évidemment que la suite soit plus plate et régulière. Ce n'était que rarement le cas. En réalité, une côte laissait place à une autre côte qui a son tour offrait un beau panorama sur une nouvelle succession de côtes et de descentes, qui elles même donneront naissance à de belles côtes bien dodues... Aujourd'hui je préfère en rire mais sur le moment c'était extrêmement usant.

Les montagnes russes  

Je suis finalement arrivé à Cracovie vers 16h avec quelques plumes en moins et des jambes qui avaient du mal à soutenir le poids de mon corps. Mais tout allait pour le mieux, j'étais entre de bonnes mains chez des amis polonais.

J'ai profité de ces deux jours de repos pour organiser la route de mes prochains jours, racheter des stocks de nourriture et faire des petites balades dans la ville. C'est intéressant car j'avais l'habitude de voir Cracovie plutôt hors saison. J'ai du y aller déjà une petite quinzaine de fois, mais l'impression est tellement différente quand on vient en plein été. Cette ville est en ce moment un musée a ciel ouvert, bourrée à craquer de touristes de toutes origines. C'est bel et bien devenu une grande destination touristique, et tant mieux pour la ville.

Pas vilain n'est ce pas !  
Groupe de musique traditionnelle pour touristes  

Les prochains jours vont être plus tranquilles car je me suis fixé comme date de retour le samedi 15 septembre dans l'après-midi. Ce qui me laisse une bonne marge pour avancer tranquillement à 85 ou 90 km de moyenne.

Mes amis polonais qui m'ont accueilli ces 3 nuits 
23
août

Nombre de km : 85

C'est reparti sur la route ! Aujourd'hui j'ai roulé entre Cracovie et Katowice. C'est assez intéressant car cette région est extrêmement dynamique et très densément peuplée, ceci en grande partie grâce à son héritage de l'industrie du charbon et de la métallurgie, c'est la Silésie.

Ici, l'un des rares moments de nature de ma journée  
Une rivière au milieu de la ville. Oui, on est bien au milieu de la ville même si ça ne se voit pas 
En voilà un panneau bien placé.   

Par conséquent je n'ai vu que peu de véritable nature pendant ces 85 km. Comme si j'avais traversé toute la journée une gigantesque zone urbaine.

Katowice est assez jolie dans son style, les anciens immeubles en briques pour ouvriers sont la norme ici.

Katowice et sa culture hip-hop que les américains jalousent tant. 

Je me suis arrêté à Chorzow, une ville qui fait partie de cette grande agglomération, à 8 km du centre de Katowice. C'est ici que mon hôte du soir m'a accueilli, et oui, aujourd'hui j'ai droit à une douche, un repas chaud, un vrai lit et de la bonne compagnie. Ce sera comme ça aussi pour les deux prochaines nuits.

24
août

Nombre de km : 94

94 km sur la route nationale 94... Marrant. Cette route m'a enfin offert un spectacle plus naturel même si j'ai traversé de nombreuses charmantes petites villes et villages.


Enfin un peu de nature 

Aujourd'hui était surtout le jour où les éléments ont décidé de se déchaîner sur ma petite personne. Pendant les deux tiers de ma journée un vent de côté vent a soufflé particulièrement violemment, ça n'a l'air de rien mais ça déstabilise violemment le vélo et ça le ralentit malheureusement considérablement, le plus drôle est quand il y a le combo vent + camion qui double, alors là on ne sait plus ce qui se passe, on est ballotté à gauche puis à droite, puis poussé... Il faut attendre et tenir le cap du mieux que l'on peut.

La nature et les villages 
Mon ombre qui fait coucou 
On ne se sent pas si seul sur la route  

Mais ce vent n'était que l'annonce d'une intempéries bien pire. Il m'a amené en pleine figure une pluie de tous les diables, un déluge comme j'en ai rarement vu. Et bien celui-ci, je l'ai vu de très près. Je voyais bien que le ciel s'obscurcissait dangereusement, mais j'étais loin de m'imaginer la violence de la pluie qui m'attendait. Tandis que je pénétrais dans la forêt il a commencé à pleuvoir, puis de plus en plus fort, jusqu'à ce que je sois trempé de la tête aux pieds et que je ne puisse même plus distinguer la route à 50 m à cause de l'intensité du déluge. (enfin aussi à cause de la pluie dans les yeux !). Mais je continuais à avancer en toutes circonstances, sous les yeux étonnés des automobilistes et routiers. Je roulais parfois dans des flaques tellement profondes que je pédalais les pieds dans l'eau ! Alors pour ne pas attraper froid j'ai chanté... Ou plutôt crié des chansons, et j'ai pédalé plus fort. Et ça marche.


Désolé, vous n'aurez pas de photo de ce déluge, j'avais peur de noyer mon téléphone.

Moi, trempé après le déluge, à mon arrivée à Opole 

Je suis finalement arrivé à Opole trempé jusqu'aux os, mais j'ai vite pu me réchauffer chez mon ami Piotr qui m'a accueilli généreusement ce soir. Il m'a ensuite fait visiter la ville, qui n'est pas grande mais très agréable et charmante, et nous avons rejoint des amis à lui qui donnaient un concert de musique polonaise.

La charmante ville d'Opole 

Demain, selon la météo, un mauvais vent très défavorable m'accompagnera toute la journée jusqu'à Wroclaw. C'est très gentil à lui mais il ne fallait surtout pas se déranger, je peux rouler seul sans escorte ! J'ai hâte.

26
août

Nombre de km : 90

J'ai pris la route hier pour Wroclaw (à prononcer Vrotsouav, en roulant le "r") en entamant les 30 premiers kilomètres sous la pluie, et pour faire face à la fraîcheur qui accompagnait cette petite douche j'ai du remettre ma veste imperméable qui était en train de prendre la poussière toute seule au fond de mon sac.

Quelques photos de la route 

Sur la route, je suis tombé sur un village qui avait une tradition intéressante. Les villageois ont installé avec beaucoup de soin et de créativité des faux personnages en paille accompagnés de fruits et légumes fraîchement cueillis. Il paraît que c'est une sorte de fête pour célébrer la moisson. Presque chaque maison avait sa propre petite mise en scène.

Drôle de tradition tout de même... Ils sont fous ces polonais.  

Sur la fin de la route, étant en avance pour mon rendez-vous avec mes hôtes à Wroclaw, j'en ai profité pour prendre mon temps et passer par des petits sentiers champêtres et des petits villages. C'est plus long que la route nationale mais tout de même bien plus agréable !

Sur les sentiers, loin de la civilisation  

Radek et son amie m'ont très gentiment accueilli dans leur appartement qui ne manque pas de charme et m'ont préparé un délicieux dîner avec les légumes de leur jardin. J'ai décidé de rester une nuit de plus pour me reposer et visiter un peu la ville que je découvre pour la première fois.

Radek, mon ami de Wroclaw  

Cette journée de dimanche à donc été consacrée au repos et à la visite de Wroclaw. J'ai eu la chance de découvrir une ville qui ne manque pas de charmes, avec beaucoup de rivières de canaux et d'espaces verts. Elle mérite vraiment le détour.

Premiers signes de l'automne en approche 
Wroclaw  

Je repars demain matin très tôt et ne prévois plus de pause avant Leipzig.

27
août

Nombre de km : 90

J'annonce que de ce côté de l'Europe, l'automne a commencé à pointer le bout de son nez. La matinée était tellement fraîche que j'ai été obligé de mettre ma veste jusqu'à 9h et que le froid attaquait mes mains sur les premiers kilomètres. C'est vrai que j'étais sur la route dès 7h30 mais tout de même !

Un peu de réconfort  

J'ai eu droit à de bien mauvaises conditions de routes pendant la majeure partie de la journée. Elles n'étaient heureusement pas à l'image des paysages, qui ont su embellir ma journée. Pour revenir à cette route, elle n'avait quasiment jamais d'espace pour moi. Et il n'y avait très souvent pas assez de place pour un camion dans chaque sens et pour mon vélo. Les camions ayant rarement la patience d'attendre d'avoir la voie libre pour doubler, il fallait avoir les yeux en permanence sur le rétroviseur pour surveiller ce qui arrive et rouler sur le bas côté de la route si nécessaire... C'est à dire sur la terre, les cailloux ou l'herbe. Les petites routes sont certes plus sûres, mais le problème est que si je les prends ça va rallonger mon trajet d'au moins 30%. Mais que tout le monde se rassure, et moi le premier, demain est la dernière journée de vélo en Pologne, je vais franchir la frontière Allemande. Et le réseau routier est tellement développé en Allemagne que je pourrai même faire moins de kilomètres en empruntant les petites routes tertiaires. A vérifier dans la réalité mais mon GPS est plutôt encourageant sur ce sujet.

Ma petite voie cyclable de 5 cm 
J'ai eu droit à de beaux paysages et endroits aujourd'hui 
Ah oui, petit fait divers... J'ai crevé aujourd'hui  
Ça ce sont les montagnes tchèques que l'on peut distinguer d'ici 

J'ai atterrit après environ 90 km sur une station service au milieu de la campagne et ait été très bien accueilli par les employés. Ils ont accepté que je pose ma tente derrière leur bâtiment et m'ont même offert du thé. Je dois dire que ça ne m'était pas arrivé depuis l'Iran... Ou peut être le Tadjikistan... Enfin un pays comme ça.

Bref, pour dire autrement, c'est la première fois que l'on m'offre le thé sur ma route en Europe.

Mon lieu de camp ce soir, la station et mon dîner d'épicurien 

Demain est donc mon premier jour en Allemagne et une grosse journée en perspective, avec le retour des montagnes. Peut être pas l'Himalaya mais des collines non négligeables qui risques de me faire à nouveau subir ces montagnes russes que j'aime tant.

28
août

Nombre de km : 89

J'étais prévenu, le vent allait être très défavorable toute la journée. Le café que m'ont offert les employés de la station service m'a apporté un petit surplus d'énergie et d'envie, mais que ce fut dur !

Un réconfort sur la route, les pommiers 

3 éléments difficiles ont accompagné ma route. Déjà la route en elle même était comme hier, sans aucun espace pour mon vélo, ensuite à l'approche de l'Allemagne c'est devenu de plus en plus vallonné, et donc de plus en plus de côtes et de descentes, et le troisième problème était ce vent de face qui m'a bien usé les jambes et les nerfs pendant toute la journée. C'est assez épuisant psychologiquement d'avoir l'impression de pédaler fort pendant des heures et de voir que la vitesse moyenne est sous les 15 km/h.

La route 

A vrai dire, le clou de la journée était le passage en Allemagne. C'était très intéressant car la frontière est délimitée par un fleuve passant au milieu d'une ville. Cette ville est donc d'un côté polonaise (Zgorzelec) et de l'autre allemande (Gorlitz). Une seule et même ville qui a un moment de l'histoire à été séparée entre deux pays, ce qui permet de voir comment les deux côtés de la ville ont évolué, quelles en sont les différences, les similitudes... C'est très amusant d'être dans un pays qui parle une langue slave, qui a une autre monnaie et une toute autre culture, et après avoir franchi 50 m de pont se retrouver de l'autre côté de la ville avec des gens qui parlent allemand, des voitures plus clinquantes, où tous les prix sont en euros, les bâtiments historiques et immeubles anciens sont plus entretenus et où l'on voit apparaître quelques femmes voilées. (chose qui m'a marqué car je n'en avais pas vu autant depuis l'Iran). Enfin bref, me voilà en Allemagne !

A gauche l'Allemagne, à droite la Pologne 
Gorlitz, la frontière  

J'ai avancé sur 10 km en quête d'un endroit où camper, en faisant le plein d'eau dans un kebab tenu par des turcs très sympathiques, ce qui m'a fait le temps de 5 minutes revenir quelques mois en arrière.

En passant par le village de Markersdorf, je suis encore tombé par hasard sur un haut lieu de l'épopée Napoléonienne ! Ici a eu lieu la bataille de Bautzen en 1813, bataille qui vit mourir le Maréchal Duroc le 22 mai. Et bien en remontant une côte je suis tombé nez à nez avec un monument en l'honneur de Duroc qui ressemble même à une sorte de pierre tombale. Je me suis renseigné, et apparemment ses cendres sont aux Invalides, mais il est effectivement mort dans ce petit village que j'ai traversé tout à fait par hasard. Décidément Napoléon me suit partout... Ou c'est peut être plutôt moi.

La plaque de Duroc à Markersdorf  

J'ai trouvé le lieu idéal. Un coin avec des hautes herbes confortables caché derrière un bosquet, et une jolie vue dégagée sur la prairie. Et clou du spectacle, au moment où je me suis approché du lieu pour l'explorer, je suis tombé nez à nez avec deux chevreuils en train de dormir dans le petit bosquet. Ils étaient à à peine 4 mètres de moi, le vélo est apparemment un bruit qu'ils n'ont pas encore identifié comme bruit humain. Quand ils m'ont vu ils se sont mis à s'enfuir, quel spectacle de les voir courir à toutes enjambées vers l'horizon !

Pas loin de mon campement 
Mon campement, mon bosquet  
Mon dîner  

Demain soir sera une nuit chez l'habitant à Dresde, à presque 100 km d'ici et toujours plus de collines. Encore une grosse journée en perspective.

29
août

Nombre de km : 100

Journée épuisante (je préfère prévenir tout de suite que je tombe de fatigue, et que écrire ces lignes est pour moi le dernier effort intense de la journée). Pourtant tout avait très bien commencé, je redécouvrais avec plaisir les pistes cyclables qui accompagnent certaines routes d'Allemagne, j'appréciais la fraîcheur matinale devant un soleil d'automne qui magnifiais divinement les paysages alentours, mettant en valeur les "géants des collines". Plus prosaïquement, ce que j'appelle les géants des collines, ce sont les éoliennes qui peuplent le paysage allemand. Elles sont partout, font du bruit, mais je dois avouer que je ne trouve pas ça si affreux que dans le passé, je crains que ce voyage m'ait violemment boboïsé... Encore quelques mois et je vais devenir un abominable végétarien mangeant des graines en regardant Arte pendant que mon compost transforme les épluchures de mes fruits et légumes bio en un formidable engrais naturel pour mon potager partagé.

La lumière du matin  
Voie pour vélo et éoliennes. Pas de doute je suis bien en Allemagne ! 
Beaucoup d'arbres fruitiers sur la route, aujourd'hui j'ai eu une belle récolte de prunes. 

Retour au direct. Les villages que j'ai parcouru étaient pleins de charme et certaine villes valaient même le coup de s'y attarder quelques heures, mais je n'avais pas ce luxe. Au fur et à mesure que la route avançait, tout devint de plus en plus difficile. Le vent changeait de direction et de force pour devenir vraiment un problème, le paysage devenait de plus en plus vallonné et certaines routes n'avaient, encore une fois, pas d'espace pour moi. En revanche petite différence en Allemagne par rapport aux précédents pays, ici les voitures attendent sagement derrière moi tant qu'elles n'ont pas 2 m de marge pour me doubler. Presque personne ne me dépasse à moins de 1 m de moi, c'est appréciable et vraiment dépaysant... J'avais perdu l'habitude de ce genre de comportements sur la route.

Voilà ce qu'on croise par hasard sur la route. Ici c'est une ville qui s'appelle Bautzen

Autre caractère très Allemand, j'ai rencontré un brave paysan sur la route qui m'a arrêté tandis que je montais une énième côte. Il ne parlais pas un mot d'anglais mais j'ai compris en gros ce qu'il m'expliquait :"monsieur, vous ne devez pas prendre cette route, il y a une piste pour vélo à 100 m d'ici, on ne l'a pas construite pour les chiens, je ne vous laisserai pas continuer sur cette route." Il a donc fallu que je négocie mon passage, expliquant que j'ai beaucoup voyagé et que cette route est vraiment sans danger, mais merci beaucoup. Il ne voulait rien savoir et m'obligeait à rejoindre cette piste pour 200 mètres plus loin reprendre à droite pour rejoindre à nouveau la route principale. Ça n'avait aucun sens pour moi mais le sens de la discipline chez certains allemands est plus fort que la logique. C'est donc avec un peu de honte que je vous avoue que j'ai cédé, et que j'ai pris cette voie, et que j'ai roulé 200 m de plus pour rien. Cet homme ne voulait rien entendre, il paye des impôts pour construire ces routes, si les cyclistes ne l'empreintent pas, c'est la chienlit !

Je suis arrivé tout de même non sans efforts à Dresde, ville qui a l'air très jolie, je l'ai juste parcourue des yeux mais ce que j'ai pu voir m'a agréablement surpris.

Le peu de photos que j'ai de Dresde.  

En attendant mon hôte de ce soir je me suis posé dans un parc pour enfants et ai été étonné de voir deux hommes m'aborder chacun leur tour pour me demander d'où je viens et m'offrir de m'aider si besoin. C'est la première fois en Europe que je croise ce genre de considérations spontanées de la part des autochtones.

Mon hôte de ce soir Ulrike est très gentille et drôle, elle vit avec sa petite fille, son chien et ses deux chats et m'a préparé un bon dîner bien mérité.

Journée épuisante, donc, mais qui n'est que peu de choses face à ce qui va m'attendre demain. Vent fort pile en face pour toute la journée et plus de 105 km à prévoir. Mais je serai à Leipzig et je resterai deux nuits là bas.

31
août

Nombre de km : 105

Je crois que je vais reprendre une formule du début de mon voyage : "chaque journée est un combat". Cette journée jusqu'à Leipzig était la plus longue de toutes en terme de temps passé sur le vélo. Comme je l'avais annoncé la veille, il y avait déjà une bonne distance mais aussi et surtout un très mauvais vent bien en face de moi. Ma vitesse moyenne a donc rarement du dépasser les 12 ou 13 km/h. Le secret dans ces cas là, c'est d'accepter la situation, et de bien prendre conscience que l'on va arriver tard. Il faut assumer le fait que l'on va rouler à une allure d'escargot, et ça passe. Il faut surtout avoir l'esprit occupé, les pensées doivent nous permettre d'être ailleurs, de nous évader de cette réalité, et surtout oublier le vent. C'est très important d'oublier ce vent, qui peut vraiment devenir épuisant pour les nerfs. Il faut juste l'accepter, continuer à pousser sur les jambes, avancer et penser à autre chose.

Début de la route, déjà sous la pluie (même si ça ne se voit pas)  

En plus de ce vent insupportable, j'ai eu droit à une route bien pluvieuse, enfin ce n'était pas la meilleure journée de vélo de ma vie. Pourtant tout n'avait pas si mal commencé, au début de la journée je suivais une charmante piste cyclable sous la pluie le long de l'Elbe et j'ai même eu la chance d'être doublé par un autre cycliste qui m'a servi de lièvre sur une petite dizaine de kilomètres. Je me suis tout simplement collé derrière lui, à l'abri du vent, c'était un vrai régal, et la différence est impressionnante ! Parfois j'envie honteusement les cyclistes qui partent à plusieurs... Tout est tellement plus facile.

Quand on colle discrètement un autre cycliste 
Une ville sur la route et son château  
Quand les éolienne tournent en regardant dans le même direction que vous, c'est mauvais signe. 
Petite technique pour déjeuner à l'abri de la pluie 

Je suis donc arrivé épuisé chez Matthias, un père de famille de 54 ans avec qui j'ai eu de nombreuses et intéressantes conversations. Il m'a offert un excellent dîner et nous avons partagé une bouteille de vin rouge Allemand qui était étonnamment bon.

J'ai donc passé ma journée d'aujourd'hui à me reposer et visiter un peu la ville de Leipzig après un excellent petit déjeuner préparé par Matthias.

Le petit déjeuner  

Leipzig est une ville assez intéressante sous plusieurs aspects. Par exemple, certains quartiers comme Lindenau est l'absolue quintessence du quartier bobo. Il en est même la magnifique caricature. Tout y est, des embouteillages de vélo aux petites terrasses hipster, en passant par les jeunes papa en dreadlocks et les murs envahis d'affiches et de tags en tous genres. Les graffiti, parlons-en : certains murs d'immeubles anciens d'un certain standing sont envahis de toutes sortes de graffitis à l'intérêt plus ou moins évident. Oui, mais ici on laisse la rue s'exprimer, on n'efface pas les tags. Il ne faut pas bâillonner merveilleuse énergie si brute et spontanée ! Bon je taquine un peu mais je dois reconnaître que le quartier était très agréable et que les gens semblaient heureux d'y vivre. Il y avait à peu près une terrasse tous les 20 m, ce qui était aussi très appréciable.

Un énorme monument à la gloire de la bataille de Leipzig ou "bataille des nations" gagnée contre Napoléon en 1813 (il me suit !) 
Quelques monuments de la ville.  
L'intérieur de la fameuse gare de Leipzig  
Illustrations de ce qu'est le quartier dont je parlais plus haut 
Vu du ciel  

Leipzig dans son ensemble est une assez jolie ville, même si beaucoup a été détruit pendant la 2e guerre mondiale, comme la majorité des villes allemandes. Cette ville a la particularité d'avoir la plus grande gare d'Europe. Sa façade extérieure fait 300 m, et les gens viennent y flâner comme dans un centre commercial sans même avoir de train à prendre.

Même ici les enfants ont des maillots à l'effigie de Griezmann  

J'ai passé la soirée avec Matthias, nous avons eu de passionnantes discussions tout en dégustant quelques bières locales sélectionnées par ses soins.

Prêts ?... Partez !  
Matthias et moi 
1
sept

Nombre de km : 100

J'ai quitté ce matin Matthias avec regrets, c'était un vrai plaisir de rester chez lui pendant ces deux jours, nous avons eu beaucoup de discussions riches et passionnantes. C'est en rencontrant des personnes comme lui que l'on grandit et que l'on devient soi-même une meilleure personne. Ça restera une des rencontres marquantes de ce voyage.

J'ai donc pris la route en direction de Hanovre, qui est à trois jours de vélo. Mon plan est donc de faire deux nuits de bivouacs dans la nature et trouver un hôte à mon arrivée à Hanovre, ville où je compte m'arrêter deux jours.

Début de journée  
Je suis passé par la ville de Halle. 

Aujourd'hui au moins le temps était au beau fixe, en revanche le vent m'a encore une fois mis des bâtons dans les roues. Encore et toujours un vent défavorable qui a rendu la journée assez pénible mais j'apprends de plus en plus à l'accepter et à faire face.

Un joli petit abri parfait pour la pause déjeuner 
Le vent, toujours le vent 

Le clou de la journée a été incontestablement le lieu de bivouac. Un petit coin de paradis terrestre perdu au milieu des champs. Cette oasis est comme un no man's land agricole, une zone de non droit où la nature est maîtresse absolue des lieux. C'est une petite zone d'un hectare maximum avec des fossés, des buttes, des arbres fruitiers en abondance offrant des baies de sureau, des pommes et des prunes, du bois sec brûlant à merveille, des hautes herbes et des étranges monticules de pierre qui semblent avoir été créés par l'homme. J'ai aussi trouvé, en faisait le tour le "l'île", des sortes de vestiges de dalles de béton armé qui ressemblent fortement à des morceaux de bunkers allemands. Ça m'a fait réfléchir et j'ai décidé de retourner prudemment à mon campement, de peur de marcher sur une vielle mine antipersonnel ou un obus égaré. C'est peut être pour cela que le lieu est si anormalement accidenté et vallonné, ce que je prenais pour des petits fossés étaient tout simplement des anciens trous d'obus visant le bunker en question. Bref, ce petit coin de paradis est en réalité un ancien champs de bataille où des gens sont très probablement morts. Je vais essayer de ne pas penser à ça pendant la nuit !

Mon lieu de camps 
J'ai pu me faire un petit feu et déguster mon Chili con carne devant un appréciable coucher de soleil 
2
sept

Nombre de km : 84

Une route tout de même plus facile aujourd'hui même si j'ai encore eu un mauvais vent pendant la matinée, mais visiblement pris de remords il a fini par changer son angle de quelques degrés pour me pousser légèrement en fin de journée. Vieux vaut tard que jamais !

Les paysages deviennent intéressants... Même si cette photo est un mauvais exemple 

Aujourd'hui j'ai surtout été marqué par deux choses. La première c'est que les paysages deviennent beaucoup plus sauvages qu'avant, plus vallonnés, plus variés, ils m'offrent un spectacle d'un tel attrait que j'ai du mal à garder le nez sur la route. Heureusement, je suis passé aujourd'hui par beaucoup de petits sentiers donc je pouvais à loisir regarder autour de moi sans me soucier des voitures. Ces petites routes caillouteuse m'ont offert une merveilleuse abondance de poires, de pommes et de prunes, à tel point que mon grand jeu de la journée était d'essayer d'attraper un fruit tout en restant en équilibre sur mon vélo en marche. Et l'autre plaisir que conditionne cette multitude de fruits est de croquer dans un fruit 1, 2 ou 3 fois et de le jeter au loin alors qu'il a à peine été entamé, dans l'espoir d'en trouver un autre plus sucré. C'est un luxe qu'on ne s'autorise pas lorsque l'on achète ses fruits, on se force toujours à le terminer.

Ah les petits sentiers champêtres !  
Il y a plus de montagnes qu'hier  

L'autre chose qui m'a marqué dans cette belle région du cœur de l'Allemagne, ce sont les nombreux villages qui ont tapissé ma route, et surtout leur charme. Ils sont très entretenus, et les vieilles maisons à colombages magnifiquement rénovées. Il y a toujours de jolies églises médiévales qui trônent au dessus du village. J'aurais du faire la liste des villages à visiter, ils étaient vraiment tous ravissants. Je pense en particulier à la petite ville de Quedlinburg qui en plus avait un magnifique château en haut d'une butte au milieu de la ville. On se croyait vraiment retourner au moyen-age en se promenant dans ses ruelles, un moyen-age beaucoup plus aseptisé tout de même.

Les villages d'Allemagne  

Aujourd'hui, j'ai aussi franchi l'ancienne frontière entre la RFA et la RDA. J'ai enfin quitté virtuellement les anciens territoires du bloc communiste (ou nommées aussi "démocraties populaires") pour la première fois depuis le 25 mai, date à laquelle je suis entré en Azerbaïdjan par l'Iran. Me voilà donc enfin retourné en territoire capitaliste ! Terre de l'abondance et de la consommation, société du spectacle et du loisir, du désir, de la frustration et de l'artifice. Société de l'avoir et de l'image à défaut d'être une société de l'être et de la vérité... Plus sérieusement, je n'ai pas vu de différence en traversant cette frontière virtuelle. Je dois d'ailleurs être le seul qui ressent encore quelque chose en traversant ces pointillés sur la carte.

Et voilà le panneau marquant l'ancienne frontière  
Mon lieu de camp pour le soir 

Demain marquera mon arrivée à Hanovre, où je resterai deux nuit.

4
sept

Nombre de km : 80

Une journée de vélo somme toute assez calme pour rejoindre Hanovre. Une distance raisonnable à parcourir et mes hôtes ne pouvaient pas m'accueillir avant 18h à Hanovre, j'avais donc pour mission de bien prendre mon temps. Ce qui n'est pas si facile que ça ! S'arrêter à loisir pour cueillir des fruits, prendre deux heures pour déjeuner, faire des pauses indécentes, tous les moyens sont bons, mais ça n'a pas suffit... Je suis arrivé avec deux heures d'avance et me suis donc prélassé dans un parc de la ville en attendant l'heure fatidique.

Sur la route 
Une de mes nombreuses pauses forcées pour faire passer le temps 

J'ai donc été chaleureusement accueilli par Volker et son amie qui est iranienne, ce qui nous a donné bien des sujets à développer et tellement d'anecdotes à raconter sur l'Iran. Ce pays est tellement passionnant que l'on pourrait en parler pendant des heures. C'est drôle mais c'est là que j'ai réalisé que l'Iran et en particulier les pays musulmans me manquent. L'adhan, l'appel à la prière du Muezzin est un son, une mélodie et des mots dont on s'habitue et qui deviennent presque addictifs ! Oui ça me manque... Loin de moi l'idée de vouloir faire de la France un pays musulman, bien au contraire, mais j'ai envie de retourner en terre d'Islam au plus vite. C'était ma petite réflexion de la journée.

Arrivée à Hanovre. Les cyclistes font la queue au feu, scène surréaliste pour le parisien que je suis.  
Ma première photo a Hanovre  

J' ai donc visité Hanovre aujourd'hui avec mes hôtes. C'est une ville charmante, entourée de forêts et d'eau avec quelques jolis vestiges de l'avant guerre mais malheureusement les alliés on généreusement bombardé le centre ville, il ne reste donc plus grand chose d'origine. Ça reste une ville très agréable.

La vue de chez mon ami Volker 
Hanovre 
Nous avons fait tous les 3 une belle balade à vélo dans la ville et les alentours.  
Petite pause coupe de glace.  

‌La prochaine étape urbaine sera Münster dans deux jours. Ce qui signifie une nouvelle nuit dans la nature demain soir.

5
sept

Nombre de km : 125

Pour commencer, j'avais déjà écrit cet article hier soir dans ma tente mais n'ayant pas de connexion je l'ai gardé au chaud pour le oublier aujourd'hui. Seul problème, je l'ai supprimé bêtement en faisant une fausse manipulation. Je vais donc tenter de l'écrire à nouveau mais il sera certainement moins détaillé !

La matinée a été un vrai bonheur. Un vent favorable, enfin ! J'ai ainsi ou apprécier concrètement ce que ça fait d'avoir le vent dans le dos et surtout réaliser dans quelles proportions le vent influe sur les performances et les difficultés du parcours. Le vent n'a jamais dépassé les 20 km/h, mais c'est tout de même une énorme différence. J'ai donc assez facilement pu tenir une moyenne de 22/23 km/h sans forcer et j'ai même fait l'exploit de prendre ma pause déjeuner avec près de 100 km derrière moi. J'ai fini la journée avec 125 km, l'après midi à été un peu plus compliquée, à cause de 3 crevaisons, des côtes à répétition, du vent qui ne m'a plus aidé, et de douleurs au coccys qui devenaient gênantes. Malgré tout, pendant cette matinée bénie, j'ai réalisé que si le vent avait été en face de moi, pour le même effort j'aurais à peine fait plus de la moitié de cette distance. Et pourtant je suis en train de parler d'une légère brise dans prétentions... Maintenant je vous laisse imaginer ce qui se passe avec un vent de 70 km/h. Si il est avec moi, je suis au paradis, j'avance sans même avoir à pédaler, mais si il est en face c'est un cauchemar, rien à faire à part forcer comme une brute pour péniblement dépasser au mieux les 7 ou 8 km/h. Le problème est aussi que ce vélo est le contraire d'un objet aérodynamique. Les sacoches avant et arrière ont une énorme prise au vent, et en font un véhicule extrêmement vulnérable et sensible au vent.

Première pause après 40 km dans un endroit charmant et jovial.  
Cet endroit est la gorge de Porta Wesfalica. Un passage entre les collines creusé par le fleuve. Tout passe par ici. 
Pause déjeuner  
Énième crevaison 
On croise vraiment de tout sur la route 

J'ai fini par me trouver un joli coin pour poser ma tente dans un petit bois proche de la route après avoir fait le plein d'eau chez une gentille fleuriste qui avait un chien un peu trop jeune pour comprendre qu'il ne faut pas mordre les clients, mais un peu trop grand déjà pour que ça ne soit pas douloureux... L'équilibre parfait ! J'ai quitté sa boutique les mains en sang mais les bouteilles pleines.

 Il y a de plus en plus de ces piste cyclables à côté des routes.  
Ma maison pour la nuit. Vous remarquerez le camouflage très élaboré.  

Ayant fait une grande partie de la route pour Münster, il ne me restait que 50 km à faire le lendemain. Du gâteau, en théorie.

7
sept

Nombre de km : 50

Avec la distance que j'ai parcourue la veille, il ne me restait plus beaucoup de travail pour achever la route entre Hanovre et Münster. Mais malgré cela, ces quelques 50 petits kilomètres m'ont semblé très longs. Je les ai vécus comme un signal d'alarme que mon corps m'envoie. Tout était difficile et laborieux.

La difficile route de ce jour vers Münster  

Pour commencer j'ai crevé ma roue avant une nouvelle fois. Et la raison de cette crevaison est, avec le recul, finalement assez drôle et ridicule. Je vais vous la compter car depuis le temps que je vous révèle les aspérités et les failles de ma personne dans des circonstances souvent invraisemblables, je ne suis plus à une situation grotesque près. Voilà, je roulais à une allure honnête sur une piste cyclable entre la route et la forêt, quand il me prit l'envie de regarder le bois qui défilait à ma droite. C'est alors que mon regard s'est fixé sur un petit chat noir et blanc recroquevillé sur lui même en train de dormir dans la forêt de bon matin... Et moi de dire tout haut : "Ooohh, un petit chat !" (véridique). Mes yeux ne le quittaient plus, comme hypnotisés, tandis que mes jambes continuaient à pédaler comme par réflexe. Ne regardant plus que derrière moi, j'ai fini par perdre l'équilibre et rouler sur le bas côte de la piste qui était un amas d'herbe et de cailloux. J'ai senti que j'ai roulé sur une pierre qui a bien trop fait de remous pour que ça reste inoffensif. Je regagne la route en pestant, et je constate les dégâts : ma roue avant était complètement vidée, plus rien. Pour que l'air se libère de la chambre à air il n'y a qu'une seule bonne raison, il faut que le pneu trop sous-gonflé se soit pincé des deux côtés entre la jante et la pierre. J'ai jeté mon vélo de rage en m'insultant moi-même. Me demandant comment on pouvait être aussi stupide... Tout ça à cause de ce petit chat ! Je crois avoir répété frénétiquement "mais quel c** !" une bonne quinzaine de fois.

La crevaison 

Enfin j'ai réparé les dégâts avec mon avant-dernière rustine et je suis reparti sur la route avec un vent beaucoup moins favorable que la veille, et surtout, comme j'ai commencé à l'aborder au début de ces lignes, des signaux inquiétants de mon corps. En particulier mon coccys, qui commençait déjà à bien me faire mal à Hanovre, mais il a atteint un nouveau stade sur la route ce matin. Tout effort était cause de douleur, je ne pouvais plus m'asseoir sur une chaise, me tenir debout et marcher était douloureux. J'ai donc décidé de rester un jour de plus chez mon hôte à Münster pour me reposer un peu plus et voir comment ça évolue.

La vue depuis la chambre de mon ami Dogu (mon hôte)  

Mon hôte à Münster est un turc d'Istanbul qui est venu en Allemagne pour ses études mais qui s'y plait beaucoup et se sent finalement de plus en plus proche de la culture de son pays d'accueil. Ayant moi même beaucoup fréquenté les deux cultures, je dois dire qu'il était assez germanisé, même de personnalité. Il restait toutefois un mélange harmonieux des deux cultures. Si ça pouvait fonctionner comme ça avec tous les étrangers qui s'installent dans un pays ce serait beau. Nous avons eu des discussions passionnées sur la Turquie, et finalement le fait que je reste un peu plus longtemps nous a permis de nous connaître un peu mieux, dépasser la surface et entrer dans l'intime.

Préparation des crêpes pour tout le monde 
Partie de pétanque. La bière a fait office de Pastis.  
Dogu qui joue de la guitare.  

Le soir de mon arrivée nous avons regardé avec ses colocataires le match Allemagne-France qui s'est soldé d'un très diplomate match nul. Le lendemain nous avons joué à la pétanque avec ses amis allemands et je leur ai préparé des bonnes crêpes bien françaises qui ont, je crois, régalé tout le monde. C'était tellement un plaisir de rester avec ce petit monde que je n'ai même pas pris le temps de me balader un peu dans le centre ville de Münster, mais c'est vrai que je connaissais déjà.

L'idée, encore vague était donc soit de partir le lendemain matin tôt en direction d'Eindhoven aux Pays-Bas (2 jours de vélo) en espérant que mes douleurs se seraient calmées, soit de prendre un bus directement pour me reposer un peu plus et aussi m'éviter un vent qui s'annonce redoutable et pile dans ma direction pour les prochains jours.

Verdict au prochain article. (moi je sais déjà ce qui s'est passé, il y aura des surprises !)

9
sept

Et oui, me voilà à Maastricht. Grosse surprise pour moi également. Laissez moi vous conter comment ça s'est passé.

La matinée de mon départ, je sentais que mon coccys, même s'il me faisait moins mal, avait encore besoin de repos. Il me fallait également respecter ma date d'arrivée, le 15 septembre. J'étais donc dans l'obligation d'avancer coûte que coûte. C'est ainsi que j'ai acheté un billet de bus sur internet pour Eindhoven. J'attends sagement le bus en pensant que le problème du vélo n'allait être qu'une formalité, je vais juste devoir payer un supplément auprès du chauffeur pour le vélo, il y a toujours un emplacement pour les vélos sur les bus de cette compagnie. Je suis donc plutôt serein. Je vois un bus arriver, sans marque apparente dessus, pendant qu'il ne s'agit pas du mien je vérifie tout de même la pancarte près du chauffeur. Il s'agissait d'un prestataire extérieur qui devait être sous contrat avec FlixBus. Les conséquences étaient qu'il n'y avait pas cet emplacement prévu pour transporter les vélos à l'arrière du bus. Je commence à enrager intérieurement, et me dirige tout de même vers le chauffeur qui avait déjà repéré mon vélo. Il me dit directement, avant même qui je lui adresse la parole "Kein fahrrad", ce qui signifie "pas de vélo". Il ne parlait pas anglais et était sans toute la personne la plus fermée à la discussion que j'ai pu rencontrer. J'ai pu me faire aider d'un jeune allemand pour la traduction, j'ai tout tenté, mais il me répétait sans cesse la même phrase. Je me disais que ce n'était pas possible, j'ai payé ma place, rien ne m'a précisé lors de l'achat de billet que ce bus n'était pas compatible pour les vélos. Le plus difficile à supporter était de voir que la soute à bagages était à moitié vide, et qu'il aurait très sur bien pu faire une petite entorse à la règle, mais impossible de discuter avec cet homme. Je l'ai généreusement insulté en français, il ne comprend pas mais sa soulage. Sur le moment j'ai repensé à toutes ces situations où j'ai pu mettre sans problème mon vélo dans un bus ou dans une voiture, en Iran et en Asie centrale. Dans ces pays il y a toujours moyen de s'arranger, on passe outre les règles sans se créer de problèmes inutiles. J'ai pensé à ce jour au Tadjikistan où j'ai trouvé un taxi pour aller à Douchanbé par les montagnes, il s'agissait d'une petite Opel Corsa, et le chauffeur ainsi que les passagers se sont tous mis en 4 pour que je puisse faire entrer mon vélo dans le coffre. Les autres clients étaient véritablement en train d'aider le chauffeur à démonter mon vélo pour le faire entrer dans un petit coffre pendant que je les regardais en subissant complètement la situation. C'est un gouffre abyssal qui sépare cette situation avec celle de ce chauffeur qui refuse de mettre mon vélo dans son énorme coffre à peine rempli, uniquement parce qu'il y a des règles et qu'il faut les respecter. Je voyais si peu d'humanité et d'empathie dans son regard, comme si la machine avait pris le dessus sur son libre arbitre et son cœur et qu'il l'avait accepté. Tel un homme qui aurait vendu son âme au diable. Une machine efficace mais triste et sans relief, le regard sans vie ni humanité. Cet homme a même eu le culot de me reprocher de ne pas parler allemand ! Je lui ai simplement répondu en anglais le ton de plus en plus agacé : "tu n'as jamais vu de touriste de ta vie ? Je suis un touriste, désolé de ne pas parler ta langue !"

Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour que je remette mes sacoches sur le vélo et que je roule en direction de la gare pour tenter le coup avec les trains. Au guichet le mieux que l'on avait à m'offrir était un voyage avec 3 changement pour 65 €. J'ai refusé immédiatement, suis sorti de la gare et je me suis posé au calme pour réfléchir. Je commençais à me résigner, il va falloir remonter sur le vélo et faire ces deux jours de route qui me séparent de Eindhoven. Je pense à mes stocks de nourriture, au fait que demain sera dimanche et que tout sera fermé, je pense au vent qui est vraiment contre moi, j'envisage une route de nuit pour avoir un vent plus doux, je pense au temps de vélo que j'ai déjà perdu sur cette journée... Et puis je me demande pourquoi je devrais me bloquer à Eindhoven, juste parce que j'ai trouvé hôtes sur place. Je peux juste annuler et aller ailleurs ! Je regarde les possibilités de bus avec Maastricht qui est aussi sur la route de Paris et je tombe sur un bus direct qui accepte les vélos et qui est en plus moins cher que le premier bus. Seul problème, il fait arriver à 2h du matin à Maastricht. Qu'à cela ne tienne, au pire je dormirai sur un banc jusqu'à ce qu'il fasse jour, et puis je me ferai peut être des copains parmi les SDF du coin, et en prime j'aurai peut être droit à un petit coup de gnôle gratuit. Ces perspectives bien réjouissantes m'ont convaincu : je vais à Maastricht ! Je réserve le bus, rappelle mon ami Dogu et retourne chez lui pour y déjeuner et passer l'après-midi.

Dogu nous préparant le déjeuner  

Je profite de ce temps pour envoyer quelques demandes et je trouve rapidement une hôte française pour m'accueillir ces deux nuits à Maastricht. Tout s'arrange finalement pour le mieux, et j'aurai vraiment le temps de reposer mon corps pour faire la dernière ligne droite dans les meilleures conditions physiques.

Ce dimanche fut donc une journée de repos quoique assez physique car j'en ai bien sûr profité pour faire un tour de Maastricht. C'est une ville que j'avais déjà visité à plusieurs reprises mais jamais aussi en détails. J'ai découverts de nouvelles ruelles, de nouveaux coins charmants, toutes ces surprises urbaines que j'affectionne tant. Et aujourd'hui était une journée spéciale avec toutes sortes de concerts à chaque coin de rue.

Maastricht  

J'ai retrouvé ensuite Chloé, mon hôte française et deux de ses amies pour voir le match France / Pays-Bas dans un pub du coin qui était envahi de français !

Le match au pub  

Demain sera le retour sur la route et l'heure de vérité car le vent sera encore très défavorable. On verra comment mon corps supporte tout ça.

10
sept

Nombre de km : 102

Après une très anecdotique partie aux Pays-Bas, je suis arrivé tôt en Belgique (la banlieue de Maastricht touche la frontière belge), prêt à affronter la route.

Il fallait effectivement être prêt, car le vent était redoutable et complètement dans mon axe, il pouvait dont difficilement être plus défavorable. Ajoutez à cela les côtes qui sont légions dans cette partie de la Belgique. Oui, la chanson de Jacques Brel "le plat pays" est soit un terrible mensonge soit une mauvaise connaissance de la géographie de son propre pays, car je n'ai rien vu de plat aujourd'hui. Uniquement des collines à perte de vue, d'accord ça dépasse rarement les 200 m d'altitude, mais passer toute la journée à jongler entre 100 m et 200 m comme des montagnes russes donne à la fin de la journée des statistiques vertigineuses de gain et de perte totale d'altitude. (ma phrase est un peu confuse mais je me comprends !)

Le plat pays... J'ai envie de le rebaptiser : le pas très plat pays.  
On croise des jolies choses sur la route  
Des vergers de pommes et de poires à perte de vue  

L'évènement de la journée était l'entrée en terre francophone. Première fois depuis 7 mois que je suis dans un pays qui parle le français, quelle joie ! Je crois qu'en franchissant ce panneau de la Wallonie, j'avais un sourire niais qui m'a suivi une bonne quinzaine de minutes. J'avais envie de dire bonjour à tout le monde, juste pour le plaisir de parler en français à des gens dans la rue. Tout prétexte était bon pour demander un renseignement et boire les mots de ces braves gens. Quel délice ! On réalise là à quel point la langue est un vecteur de culture, d'identité, de communauté. Je me sentais comme à la maison, enfin. Comme si ces gens qui parlaient le français étaient tous de ma famille, je me sentais proche d'eux, j'avais une irrépressible envie de sourire à ces gens. En fait en franchissant cette frontière linguistique qui coupe la Belgique en deux, c'est comme si j'avais quitté les Pays-Bas pour entrer en France. Je l'ai ressenti comme ça.

Pause déjeuner  
Entrée en Wallonie !  

Une fin de route compliquée, largement favorisée par le vent qui ne faisait que se renforcer. J'ai eu du mal à trouver un lieu correct pour planter ma tente, c'est aussi pour cela que j'ai fait tant de distance, mais j'ai finalement fini sur un champs en lisière de forêt à l'abri des regards mais avec une jolie vue dégagée.

Une route agréable sur la fin et surtout qui protège partiellement du vent !  
Mon campement  

La bonne nuit.

11
sept

Nombre de km : 54

Heureusement que j'ai bien roulé la veille car le vent de ce jour était vraiment fort, et complètement dans mon axe, ce qui a rendu les 54 km très pénibles et difficiles à parcourir. A titre de comparaison, sur terrain plat je voyais des personnes de plus de 70 ans faire leur petite balade à vélo dans l'autre sens me croiser en allant deux fois plus vite que moi en pédalant à peine. Vous remarquerez certainement que j'insiste beaucoup sur le paramètre du vent, c'est pour que vous ayez vraiment conscience de l'influence considérable, voire capitale, qu'a le vent sur ce genre de voyage et particulièrement sur un vélo de randonnée chargé de bagages.

État du vent ce mardi à 13h 

J'ai donc passé la journée à me battre contre lui désespérément en remerciant le ciel d'avoir tant roulé la veille.

Pour se protéger du vent le but est d'être le plus possible dans les bois, caché derrière des murs ou des champs 
La route était charmante aujourd'hui  
Un château à l'architecture intéressante  


Je suis finalement arrivé à Mons, ma destination finale, qui est une ville très jolie avec un centre ville qui vaut le coup d'œil. Mais je ne me suis pas arrêté là car mes hôtes de ce soir habitaient plus loin dans la banlieue de Mons sur la route de la France.

Mons 
Sur les hauteurs de Mons 

Je suis tombé sur une famille adorable, un couple franco-belge (lui est belge et elle est bretonne) qui se sont installés ici avec leurs deux enfants. Lui est officier de police à Mons et elle travaille en France en tant qu'indépendant.

La petite famille au travail  

Ils m'ont préparé une excellente tarte au maroilles après avoir dégusté une forte mais savoureuse bière belge. Nous avons ensuite regardé le match Belgique / Islande, car mon hôte est amateur de football, ce qui nous a valu quelques débats intéressants au sujet de la défaite des belges contre les bleus à la coupe du monde et le jeu qu'offrent les bleus.

12
sept

Nombre de km : 87

J'ai eu le loisir de pouvoir prendre mon temps avant de partir sur la route car mon hôte à Saint Quentin ne pouvait pas me recevoir avant la fin de l'après-midi. J'ai donc profité du début de la matinée avec Christophe, écouté ses conseils éclairés pour ma route, et suis parti, prêt à retrouver la France après 7 mois d'absence.

Le début de la route a été marqué par un chemin pavé qui a été construit sur une ancienne voie romaine. Ce chemin était assez pénible et a réveillé des vieilles douleurs de dos, mais il m'a donné l'impression d'être un coureur du Paris-Roubaix, même si je ne dépassais pas les 12 km/h. Disons que j'aurais pu me comparer à un coureur du Paris-Roubaix non dopé.

Les pavés du côté belge. Pas forcément un plaisir.  

Mais cette zone somme toute assez pénible s'est stoppée net pour être remplacée par du bon bitume bien de chez nous à un endroit bien précis : la "frontière" entre la Belgique et la France. Frontière étonnante car il n'y avait même pas de panneau pour marquer l'entrée en France, seul un panneau de limitation de vitesse à l'esthétique bien française trahissait l'arrivée sur la terre de France, tout comme l'odeur de fromage, le chant du coq et cette impression d'être submergé par l'art de vivre, le génie et la flamboyance qui flotte dans l'air de cette France éternelle. Bref, beaucoup d'indices m'ont fait comprendre que j'étais revenu à la maison après ces 7 mois d'absence. J'étais dans la pénombre, et je viens de retourner dans la lumière. J'étais mort, et me voilà revenu à la vie tel un enfant prodigue. Fils de cette terre qui ne m'a jamais manqué jusqu'à ce que ses effluves sacrées me reviennent aux narines, ces odeurs qui ne parlent pas mais qui font ressentir les richesses infinies d'un territoire et d'un peuple dont on ne peut comprendre le dessein sublime qu'à l'aune d'une divinité réhabilitée et respectée. Je m'emporte un peu...

Première image de la France, le panneau 70 km/h 
Pour illustrer ce que je disais un peu plus haut 

Je me demandais si je verrais des différences sur la route avec les précédents pays traversés, et bien première chose, les voitures. Elles sont beaucoup moins prudentes qu'en Belgique, Allemagne ou en Pologne. Elles me dépassent à quelques centimètres très régulièrement. Autre différence, les gens sont peut être un petit peu plus ouverts sur la route, plus de bonjours. En dehors de ces détails, peu de choses différencient un français d'un allemand quand ils voient passer dans leur village un étranger en short moulant pédalant avec un vélo aux allures de caravane. Partout les mêmes regards circonspects et fermés.

Ma France  
Arrivée en Picardie  

J'ai roulé jusqu'à Saint Quentin, et étant arrivé un peu en avance j'en ai profité pour visiter le centre ville, sa basilique et ses alentours.

Une jolie ville sur la route, pas encore Saint Quentin 
Petites cartes postales de Saint Quentin.  

J'ai passé la soirée et la nuit chez Martine, une mère de famille dont les enfants, déjà grands, sont partis étudier dans des contrées lointaines. Elle m'a réservé un superbe accueil dans une maison typique du style de la région pleine de charme et de vie. Un vrai plaisir avant de partir le lendemain matin pour Compiègne, où une véritable pause en famille m'attend.

14
sept

Nombre de km : 70

Le début de ma route était très calme, sur les conseils de Martine j'ai suivi le canal sur un bonne dizaine de kilomètres. J'avais la certitude que le terrain allait être plat, même si c'est pour faire un peu plus de distance, ça vaut toujours le coup.

Le long du canal  

J'ai traversé une bonne partie de la Picardie sous un léger voile brumeux qui a renforcé le caractère des lieux. Peu de choses à dire sur cette route, pas de rencontres particulières, pas d'accident ou de crevaison, rien d'exceptionnel à raconter, ça n'est pas l'Asie centrale ! Le but principal de ma route était d'arriver à temps à Compiègne pour le déjeuner, ma cousine Laurence m'y attendait avec ses enfants.

Cette petite rivière c'est la Somme ! Pas grand chose à voir avec la gigantesques baie de Somme. 
La route, la brune, le vide.  
Compiègne  

Quel plaisir de la retrouver ainsi que ses enfants qui ont bien grandit depuis le temps. J'ai pu voir sa petite dernière pour la première fois et j'ai eu mes premières conversations avec les deux aînés... Pas encore des conversations de haut vol mais à leurs âges on ne peut pas trop leur en demander !

La petite famille 

Ma pause à Compiègne a donc été une très belle occasion pour passer du temps avec cette petite famille que je n'ai pas toujours l'occasion de voir, m'occuper des enfants en bon oncle que je suis et déguster les bons petits plats de Laurence.

A défaut de vraiment me reposer la tête, je me suis bien reposé les jambes et j'étais fin prêt pour la dernière journée de route, celle du 15 septembre, celle de mon arrivée à Paris, la fin.

15
sept

Nombre de km : 90

Au revoir Compiègne  

Il est 8h06 du matin, je regarde Laurence me faire ses adieux derrière la barrière. Je suis déjà un peu triste et mélancolique, on s'attache vite aux enfants des autres ! Mais après quelques mètres de vélo mon regard change de direction et se tourne vers Paris, le Champs de Mars, mes amis... La nostalgie se transforme en joie et en énergie. C'est la dernière journée de route, celle où vont se marier harmonieusement toutes les pensées, les joies des 8 mois écoulés et les projets et espoirs de la vie qui m'attend. Quelles leçons tirer de ce voyage ? Il est évidemment trop tôt pour y penser, et je suis encore sur la route après tout... Il reste 90 km à parcourir et toute la banlieue nord à traverser, ma dernière aventure, ma dernière errance.

Première chose que je remarque au sud de Compiègne, c'est le style des maisons qui change, les vieilles pierres ont remplacé ces fameuses briques rouges qui ne me quittaient plus depuis la Silésie en Pologne.

Finies les briques, place à la pierre.  
La campagne à l'approche de Paris 

Alors que je quittais à peine Compiègne, je tombe sur un groupe de 10 cyclistes conduisant tous un bon vélo de course sans le moindre bagage, l'un d'eux est venu me parler et j'ai appris qu'ils allaient aussi à Paris après un trajet de 4 jours de Londres à Paris au profit d'une association caritative. Ce sont donc tous des anglais, le groupe entier est d'une bonne quarantaine de coureurs et c'est une sorte de voiture balais qui transporte leurs affaires, la nourriture et tout. Je m'attarde un peu sur eux car c'est un groupe qui va prendre le même itinéraire que moi et que je recroiserai à de nombreuses reprises. En voici un bel exemple : je roulais tranquillement quand un groupe de 5 cyclistes anglais me dépasse en me saluant, puis un autre cycliste, plus équipé (caméra au casque), l'air plus sportif, m'aborde et commence à rouler à mes côtés et me demandant si je suis ce fameux cycliste qui roule depuis 7 mois. Moi, étonné mais flatté, je dis oui, c'est alors qu'il me serre la main en me disant que c'est un honneur, que lui même n'a jamais fait une chose pareille et que c'est très inspirant pour lui de croiser des voyageurs comme moi. Encore plus flatté, je le remercie, et il retourne vers son groupe. Pendant plusieurs dizaines de kilomètres, je vais être amené à croiser un grand nombre de cyclistes de ce groupe qui vont me reconnaître, me saluer toujours et me parler parfois. Pour mieux vous expliquer la situation, je ne suis pas devenu par miracle une star chez nos amis outre-manche, il s'agit simplement (selon mon interprétation) du premier cycliste qui est venu me parler, et à qui j'ai expliqué mon parcours, qui a ébruité ma présence auprès des autres cycliste lord de l'une de leurs nombreuses pauses groupées.

J'ai essayé de prendre en photo certains de mes camarades anglais 

C'était ma foi fort agréable de les croiser par intermittence, j'avais l'impression de ne pas rouler tout seul, et parfois certains me donnaient quelques confiseries ou autre pâte énergétique.

Détail intéressant, le groupe n'était pas loin lorsque l'itinéraire a commencé à nous faire pénétrer dans certaines banlieues dites "chaudes", c'était l'occasion de vérifier par soi-même la température. Je roulais donc à proximité de cités peu engageantes quand je tombe sur deux cyclistes anglais du groupe, pied à terre, en train de soigner l'un des deux qui s'était écorché le coude et le genou en faisant une petite chute. Petit problème, il n'a pas choisi le meilleur endroit pour tomber car nous étions en face d'une belle barre d'immeubles accompagnée d'un petit groupe de jeunes qui commençaient à regarder dans notre direction avec un peu trop d'insistance à mon goût. Eux, naïvement, restaient sur place sans se soucier des alentours. Je me suis donc senti obligé de leur préciser discrètement : "that would be better if you don't stay here too long... This place is not the best". Ils ont compris, m'ont remercié de leur avoir parlé en anglais mais restaient pour se soigner. Je suis resté deux minutes avec eux et j'ai fini par partir, ils étaient aussi sur le départ. Rien ne s'est passé, mais je préférais prévenir que guérir, la faune qui nous observait n'avait pas l'air de vouloir nous offrir un thé chez eux, comme c'est pourtant l'usage dans leurs cultures d'origine lorsque l'on croise un étranger.

Quand on observe le ciel à 60 ou 70 km de Paris, il y a un chose qui marque le regard et finalement donne la direction de Paris, c'est le voile de pollution qui stagne au dessus de la capitale. Comme un léger nuage marron tout fin qui trahit la gravité de l'état de l'air que l'on respire toute la journée. Je ne me laisse tout de même pas intimider et je continue à avancer. A une trentaine de km je commençais déjà à distinguer Montmartre et la Tour Eiffel. J'avance de villes en villes, je traverse Villiers le Bel, Sarcelles, Stains, Saint Denis, Aubervilliers... Et finalement j'entre dans Paris.

On distingue la tour Eiffel sur la photo, à droite du château d'eau. 
Pause sandwich au bord de la route à 3 km de Villiers le Bel  
Le début de la "banlieue"  

J'avais tant imaginé ce moment, tant fantasmé cette émotion que je ressentirai en entrant dans la capitale, en retrouvant les rues, les odeurs, les gens, les bruits de la ville... Mes sens étaient pourtant grands ouverts, j'étais à l'affût de tout ce qui m'entourait, à la recherche de cette émotion unique, mais elle n'est pas venue. Comme si j'étais revenu à la maison après une petite semaine de vacances. Tout est à sa place, je suis parti, et je suis revenu, la boucle est bouclée et le livre est fermé, voilà. Comme si le temps ne faisait rien à l'affaire. Le suis parti et je suis revenu, c'est tout. Le voyage, pourtant encore officiellement en cours jusqu'à mon arrivée sur le Champs de Mars commençait à faire partie du passé, et moi je viens de me reconnecter avec le présent, avec la vie réelle. Comme si ces longs mois à l'aventure, à l'étranger n'étaient plus qu'un souvenir abstrait... Étrange sensation. Mais je m'attarderai plus tard sur le bilan de ce voyage. (le prochain article)

J'accelère un peu le temps et je passe devant l'opéra Garnier, je descends l'avenue de l'Opera, passe sous le porche du Louvre et je me retrouve avec une nuée de touristes au milieu de la cour du Louvre. Je prends mon vélo en photo, je sais que ça lui fait plaisir. Je remonte les quais jusqu'à la Tour Eiffel, réponds à quelques messages me demandant où j'en suis... Mes amis sont déjà sur place. Je passe à côté de la Tour Eiffel et découvre qu'on ne peut plus passer sous la tour sans prendre un ticket. Ils ont installé des vitres géantes tout autour de la Tour, sans doute une mesure anti-terroriste, dommage. Je remonte le Champs de Mars jusqu'au mur de la Paix, je les cherche des yeux et je vois au loin mon cousin qui hurle "le voilà" et qui me montre du doigt. Je ne peux plus faire marche arrière, j'avance dans leur direction sur le gazon, l'air fier et valeureux, il commencent à entonner mon nom, en brandissant un panneau de bienvenue et un drapeau français. J'avais l'impression d'être un coureur cycliste à l'arrivée du Tour de France, j'ai donc joué le jeu et suis passé à côté d'eux comme un cycliste passerait la ligne d'arrivée. Après avoir mis pied à terre, j'étais tellement heureux de revoir tous ces visages familiers entremêlés, que j'ai même oublié de leur dire bonjour. Revoir tout le monde était un véritable plaisir et j'ai eu l'impression étrange de ne jamais être parti.

L'arrivée à Paris 

Je suis ensuite remonté sur mon vélo pour les derniers kilomètres en direction de la rue Bayen dans le 17e arrondissement, chez mon père. Les 5 vraies dernières bornes de ce voyage. Je suis arrivé en bas de l'immeuble avec mon vélo chargé comme une mule et j'ai croisé un voisin qui m'a tout de suite parlé par curiosité pour mon vélo si rempli et était étonné d'apprendre que j'arrivais tout juste de mon voyage, je venais de faire le dernier coup de pédale et je m'apprêtais à franchir le seuil de la maison. Cet homme avec qui j'ai parlé trois minutes aura été ma toute dernière rencontre du voyage. Cette rencontre m'a rappelé à quel point le vélo de voyage était un puissant vecteur de rencontre, que les gens nous parlent plus facilement et spontanément, l'angle d'approche étant évidemment mon vélo et le supposé voyage qui va avec. Les questions étant souvent : "vous en avez un beau vélo, c'est un vélo de randonnée ?", et surtout "vous allez où comme ça ? ", " vous venez d'où ? "... Dans toutes les langues, les questions restent les mêmes.

Bref, je monte l'escalier avec mon vélo, les affaires dans l'ascenseur, j'atteins le deuxième étage, je mets la clé dans la porte, j'entre, je ferme la porte... C'est fini.

5
oct

A l'heure où j'écris ces lignes, je suis encore à Paris, prêt à repartir dans 3 jours pour l'Argentine. Il est donc grand temps je dresser enfin le bilan de ces 8 mois.

Tout d'abord je voudrais parler de ce blog que j'ai alimenté aussi assidûment que possible. Ça peut sembler étonnant mais il a eu un rôle très important dans mon aventure, et il m'a beaucoup aidé. Il m'a aidé énormément à extérioriser des frustrations, des souffrance, et des joies, il a été le compagnon de voyage que je n'avais pas. Tous les soirs il a été ma bouée de sauvetage, ce lien vers la réalité et vers mes proches. Grâce à lui, je n'étais jamais complètement seul, quand ça n'allait pas il était là pour tout entendre et tout ressentir avec moi. Il ne m'a jamais abandonné, toujours présent dans les bons et les mauvais moments. Ce blog c'était vous, lecteurs. C'était à vous que je m'adressais en évacuant mes émotions à qui voulait bien les entendre. Et vous étiez toujours là, vous m'avez envoyé ces messages de soutien dont je ne répondais pas toujours mais qui ont été si précieux pour moi. Je les lisais comme on reçoit une lettre du bout du monde, avec une immense joie. Un message d'encouragement me suffisait parfois pour retrouver du courage et affronter mes craintes.

Merci pour vos remerciements. Beaucoup de personne m'ont dit merci pour le blog et pour avoir fait l'effort d'écrire autant que possible, c'était immense de voir que vous aviez conscience de l'effort que cela exigeait. Car je dois le dire, j'ai très souvent dû me faire violence pour écrire. Quand par exemple j'ai roulé 100 km au soleil d'Iran et que j'arrive chez des gens charmants mais très demandeurs, après avoir passé toute la soirée avec eux et que je me couche vers 11h avec cette dernière mission d'écrire sur le blog le récit de ma journée, il faut vraiment du courage pour ne pas s'écrouler tout habillé sur son lit (quand on en a un). Mais je le faisais car je savais que je ne l'écrivais pas que pour moi. Je savais qu'il y avait du monde dernière, des gens inquiets pour moi, et c'était mon devoir de les rassurer et de partager mes souvenirs encore frais de ma journée. Il me fallait les écrire au plus vite car je savais que le ressenti s'évapore à mesure que le temps passe. L'émotion à chaud est le premier souvenir qui meurt, je devais donc la cueillir le plus vite possible avant que mon récit devienne forcé et perde son âme.

Initialement, le but de ce voyage était de sortir de ma zone de confort et d'affronter la réalité du monde en me transcendant physiquement. La dimension sportive de mon aventure était très importante, presque capitale. Mais sur la route j’ai compris très vite que l’aspect le plus important était la rencontre avec l’autre, et que l’itinéraire et les longs kilomètres n’étaient en réalité qu’un prétexte. Il s’agissait de créer un contexte favorable à la rencontre, à l’ouverture à l’altérité. Comme on le dit souvent, “en voyage, le plus important n’est pas la destination, c’est la route”.

J’ai donc petit à petit oublié le challenge sportif. Jour après jour j’ai appris à accepter le fait de prendre le temps d’apprécier l’instant dans les endroits et avec les personnes qui le méritaient. Mes plus grandes émotions humaines sont apparues sur la route, très souvent par hasard. Les aléas de la route sont une source inépuisable de rencontres inattendues, de magnifiques surprises et de grâces.

J’ai appris à accepter l’imprévu. Mes moments les plus mémorables sont souvent apparus quand j’étais en difficulté, quand j’avais besoin de l’aide des populations locales. J’ai appris à faire confiance en l’autre, à abandonner mon destin, et ma vie parfois, entre les mains d’étrangers dont je ne savais rien. J’ai appris que si une personne a confiance en vous, vous pouvez aveuglément avoir confiance en elle. J’ai appris que l’homme est bon, quoi que l’on en dise. J’ai vu de la beauté et de la bienveillance, de la générosité et de l’honnêteté chez la grande majorité des humains que j’ai rencontré, qu’il soit cadre supérieur allemand, vétéran de l’armée turque, universitaire kurde, policier iranien, paysan tadjik, routier kirghize, enfant kazakhe ou étudiant russe. J’ai appris à apprivoiser la solitude et à en faire une force. J’ai appris à supporter les moments de détresse et d’extrême tension pour qu’ils finissent par devenir des compagnons de voyage peu sympathiques, mais que j’ai peu à peu toléré à mes côtés comme on accepterait de rouler trempé sous une pluie battante par habitude.

On s’habitue à tout, et notre esprit ne se laisse plus perturber par quelque enrayement de parcours. Evacuer une souffrance, une frustration, se fait comme machinalement. Tout est huilé, même ça. Et comment ça se passe ? Rien de plus trivial. On crie plus fort que jamais, tout doit sortir dans cet intense et rare instant où la frustration se transforme en colère, et cette colère se mêle à du soulagement presque instantanément. Si ça ne suffit pas, on recommence encore et encore à s’en briser la voix. Personne ne nous entend au milieu de nulle part. Et si quelqu’un nous entend… ça ne change absolument rien. On se sent mieux, tout est sorti, on se surprend même à sourire de soi-même alors que 20 secondes plus tôt on hurlait à la mort.

Oui, on s’habitue à tout. On s’habitue aux serpents morts sur les routes, on s’habitue à l’odeur de la chair en décomposition, on s’habitue au froid sibérien et aux chaleurs étouffantes du désert, on s’habitue à la diarrhée, on s’habitue à la misère des gens, on s’habitue au chant du Muezzin à en devenir une drogue, on s’habitue à l’insécurité et à la crainte de ne pouvoir trouver un endroit où dormir, on s’habitue aux attaques de chiens, on s’habitue à la solitude, on s’habitue au vent défavorable (même si j’ai eu du mal avec celui-là!), on s’habitue aux véhicules qui nous frôlent, on s’habitue aux militaires et leurs Kalashnikovs chargées… mais on s’habitue aussi à la beauté infinie des paysages, on s’habitue aux ciels surchargés d’étoiles, aux montagnes enneigées surplombant les déserts, à l’immensité des steppes et à cette impression de liberté qui doit être le quotidien des peuples nomades, on s’habitue à la bonté et à la générosité des gens, on s’habitue à cette impression d’être la star locale dès que l’on pose les pieds dans une bourgade peu touristique, on s’habitue aux sourires et aux saluts des gens, on s’habitue à ce sentiment de joie et de fierté d’avoir franchit un col, traversé un pays ou dépassé une difficulté...

Mais il y a une chose dont on ne s’habitue pas, c’est la magie des rencontres. Chaque rencontre est unique. Chacune laisse sa propre saveur, son petit goût qui reste un moment, avant de s’évaporer au bénéfice d’autres rencontres plus marquantes. La sélection se fait toute seule, comme naturellement. On n’oublie aucune de ces rencontres, mais les plus riches, les plus belles, gardent cette saveur unique et peuvent marquer notre être pour toujours.

Quand je suis arrivé à paris, j’ai réalisé que tout ce qui me restait de concret de mon voyage, ce n’était pas les photos, ni les objets, ni les souvenirs. ce qui survit au voyage et qui est encore réel à mon retour, ce sont ces fameuses rencontres, ces amitiés fulgurantes. Une fois rentré, lorsque j’ai eu la joie de recevoir un message d’une personne rencontrée sur la route (voyageur ou local), j’ai eu cette sensation certaine d’avoir bien fait ce voyage et d’y être encore, comme si il allait me suivre toute ma vie. Un voyage éternel. Ces amis sont le lien magique entre mon moi présent et le voyageur que j’étais. Comme une machine à voyager dans le temps. Grâce à eux, tout ce que j’ai vu, expérimenté, aimé est maintenant hors du temps et peut être même hors de l’espace. C’est gravé dans mon âme pour l’éternité.