Pour moi, Brest, BREST est une séquence essentiellement féminine.
Cela commence par La Belle-Poule, cette nef royale de haut-bord et à trois ponts, galbée, stylisée, pleine de voussures et de dorures, pompeuse de la pomme du grand mât à la quille, et qui livra sous Louis XVI un si galant combat aux Anglais et qui exposa en rade de Brest, le feu à la sainte-barbe, ses batteries tirant à boulets rouges, toutes voiles dehors, la fleur de lys, la banderole, la flamme au vent.
(Blaise Cendrars, Bourlinguer)
26km000 – 6h15
Je ressens la fin de ma Diagonale.
J’y suis presque !
Je suis partagé entre la saveur de la prouesse, la satisfaction d’avoir réussi et l’inquiétude du retour.
Le soleil est revenu, bien remis de ses pluies qui hachaient ces dernières étapes. Un dernier morceau de route, qui me fait croiser un couple en voiture qui, paradoxe, me demande de les aider à retrouver leur route. D’où l’avantage d’avoir des cartes et de savoir les lire… un excellent sens de l’orientation est vraiment un atout pour un vagabond.
Je me retrouve enfin sur un élégant sentier qui se promène sous une belle voûte feuillues, entre deux haies de fougères, tantôt en bordure de prés, tantôt en traversant des lagunes asséchées ; dernières joies d’une errance dans une végétation souriante.
A la pointe de l’anse de Penfoul, je frappe à la porte d’une maison de pierre et de fleurs, pour solliciter un peu d’eau… et je me vois offrir le repas de Marie-Clotide et Pascal qu’il partage avec un grand appétit de connaître la motivation d’une telle folle Diagonale et quelques récits de cette aventure. Un dernier rendez-vous avec la générosité qui m’a accompagné toutes ses semaines au long de mon parcours.
Plougastel-Daoulas est un bourg immobile, aujourd’hui banlieue de Brest, au Sud de sa rade. Le calvaire est effectivement un récit sculpté de la vie liturgique qui dit combien la religion fut tenace en cette presqu’île hostile à la République et à son enseignement laïque.
Calvaire de Plougastel-DaoulasJ’arrive trop tard ; la saison des fraises est terminée.
Je franchis le Pont Albert-Louppe, superbe œuvre qui saute l’Elorn en trois arches monumentales, dont nos toujours fanatiques allemands n’ont pu s’empêcher d’en détruire une.
Pont Albert LouppeJe prends un bus pour finir, trop effrayé par la circulation sur ces voies rapides.
Le port est inactif et la ville rasée est toute en béton, sans âme… j’ai aussi l’impression d’avoir laisser la mienne quelque part dans les herbes, à l’ombre d’un bel arbre sur mon chemin.
Brest : son Chateau, sa Tour Tanguy, son béton et sa fureurJe devrais être bouleversé par ma performance et fier ; ce que je suis, mais mon esprit flotte… je n’ai plus les pieds sur terre.
C’est la fin de cette folle Diagonale de Menton à Brest.