Comment se rendre en Ecosse sans s'aventurer sur l'île de Skye ? Ses contrées verdoyantes, ses cottages du bout du monde et ses montagnes à nulle autres pareilles. En marche pour le Skye Trail !
Avril 2022
4 jours
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À peine arrivé à Portree, la plus grande ville de Skye, je décide de prendre un logement pour les deux prochains jours. La raison ? Il va faire beau sur la plus grande île des Hébrides Intérieures. Si ces conditions azuréennes sont agréables pendant un trek, je préfère la jouer plus mélodramatique et attendre que les nuages reviennent. J'ai toujours admiré les panoramas écossais pour leur faculté à se sublimer quand le ciel se charge d'un voile sombre. Ah mystique Écosse ! Je vais donc prendre mon mal en patience et bien préparer mon itinéraire.

Avec ses maisons colorées et sa ribambelle de pubs, Portree -littéralement le port du Roi- peut se targuer d'une douceur de vivre qui rendrait jaloux un chat de salon. On y boit à perdre la raison, on s'essaye au mets locaux et les fish'n chips de chez Chippy Portree sont un must du coin !

Manger c'est bien, partir à l'aventure c'est encore mieux. Après m'être empiffré de sandwiches au cabillaud et de sticky toffee cake (un régal de caramel), je peux enfin nouer les sangles de mon sac. Le ciel parant finalement une teinte plus sombre...

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Portree et ses maisons colorées donnant sur le port de pêche..
Portree et ses maisons colorées donnant sur le port de pêche..
Demeures colorées de Portree jouxtant son port de pêche..
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Lever aux aurores. Panse pleine. Lacets de chaussures noués. C'est l'œil humide et la bouche encore pâteuse que je prends le premier bus en direction du sud de l'île aux brumes. J'opte pour une version plus courte du Skye Trail. Je décidai ainsi de choisir pour point de départ Loch Coruisk, au Sud ; et de remonter Skye sur tout son versant Est en direction de Flodigarry, plein Nord. Voilà pour les explications pompeuses, maintenant place au spectacle.


Pour atteindre les eaux secrètes de Loch Coruisk, il me faut traverser Glen Sligachan. Après avoir dépassé de rares touristes qui photographiaient le Sligachan Bridge, je me retrouve dans une vallée en proie au silence. N'en déplaise aux Cuillins. Et j'ai comme la sensation que ce massif dont le plus haut sommet s'élève à 992m me surveillera du coin de l'œil pour les 12km de cette première étape.


De taille modeste, ces pics n'en restent pas moins intimidants et c'est peu de le dire : leur dénivelé est tel que les alpinistes les plus aguerris font leurs armes ici avant de partir au Népal à la conquête de l'Himalaya. C'est tout naturellement que les locaux ont surnommé les Cuillins " les petites himalayennes ".

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Sligachan old Bridge marquant l'entrée de la vallée éponyme, avec en fond, les Cuillins.
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C'est sous le regard de ces pics que je parcours aisément ces douze premiers kilomètres tant le dénivelé est plat. Pas l'ombre d'un loch à l'horizon, et la carte ne mentait pas quand elle m'indiqua un unique col à franchir. Deux chemins s'offrent à moi et je réalise trop tard avoir pris le moins bon. Si toutes les routes mènent à Rome, ce soir je ne dormirai malheureusement pas dans un Bothy, ces charmants refuges écossais laissés en libre accès aux marcheurs.


Après avoir franchi cet unique col, je l'aperçois : LOCH CORUISK.

Il faut le voir pour le croire : ce lac gris cristallin parsemé d'îlots est littéralement magnifié par la montagne, l'entourant de ses canines comme une mise en garde à tout homme osant interrompre la troublante quiétude des lieux ! Rarement ai-je eu la sensation de ne pas avoir été invité par Mère Nature.

Outre la majesté des lieux, Loch Coruisk est aujourd'hui encore sujet à de nombreuses légendes comme celle du Kelpie s'étant emparé du loch. Mi-cheval mi-sirène, cette créature ondine bien connue du folklore gaélique a la force de 10 chevaux et s'avère mortelle pour qui s'aventure près de ses eaux. Mieux vaut faire attention où bivouaquer ce soir...


Juste derrière : l'Océan Atlantique.

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Grand bol d'air frais à consommer sans modération !
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Deuxième journée.

Me voilà soulagé de ne pas avoir été englouti par un Kelpie.. Le soleil est déjà haut dans le ciel lorsque je daigne sortir de ma tente. Le temps pour moi de faire chauffer popote, d'admirer la surface étincelante du loch et de réaliser la chance d'avoir pu dormir dans pareil théâtre.

Je retourne sur mes pas et parcours les 12km en sens inverse qui me séparent de Portree. J'entame désormais ce trek dans le bon sens en direction du Nord et retrouve les Cuillins qui ne me lâchent pas du regard. Je croise deux jeunes anglais. Quelques courtoisies puis ils me disent qu'ils sont originaires d'un comté réputé pour son Cheddar. Jamais entendu parler...

J'aperçois de nouveau le vieux pont de pierre de Sligachan et un début de civilisation avec les quelques photographes cherchant la meilleure prise de vue. De retour à Portree, je décidai de me ravitailler en eau (mais surtout en whisky...) avant la reprise des hostilités.


Lendemain matin.

Œil humide et bouche vaseuse.

Encore.

Mais l'excitation est là, qu'importe les apparences. Cette seconde étape du Skye Trail m'emmène à flanc de falaise. 20km de roches abruptes avec vue sur l'océan.

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Vue sur l'île de Raasay.
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En admiration devant ces paysages époustouflants, il faut rester vigilant tant le sentier lèche le vide. À la vue d'une carcasse de mouton gisant à mes pieds, l'île me rappelle l'implacable rudesse de sa nature. L'île m'avertit qu'en dehors des bourgs, c'est le Sauvage qui règne.

Alors que je peine dans la bruyère, j'aperçois mon terrain de jeu pour la nuit : OLD MAN OF STORR.

Cette formation rocheuse -une fois n'est pas coutume- est un haut lieu de légendes dont celle de son pinacle rocheux haut de 50m ressemblant étrangement à la face d'un vieil homme. D'aucuns prétendent qu'il s'agit du pouce d'un géant, relevé vers le ciel au crépuscule de sa vie..

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Encore un géant qui n'a pas fait attention au soleil..
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Chaque jour, le vieil homme de Storr attire de nombreux visiteurs étrangers. Les innombrables anfractuosités de granit donnent à ce tableau son aura rude et enchanteresse tant on a l'impression d'être observé du coin de l'œil par ces colosses de basalte.

Par chance, je me retrouve seul dans cette contrée martienne. Amant de Dame Nature du couchant au levant.

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 J'ai l'étrange impression d'être épié du coin de l'œil ici..
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Ces entités basaltiques témoignent de l'activité volcanique qui a façonné l'île de Skye il y a 2 800 millions d'années. Elles marquent aussi le début de la crête du Trotternish. La suite du trek sera une succession de dénivelés positifs et négatifs tels des montagnes russes. Le repos sera de rigueur.

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Seul, mais en bonne compagnie. 
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Lendemain matin. Réveil avant l'aurore. Des voix tout près de ma tente m'arrachent à Morphée et je maudis je ne sais quel génie pour avoir donné à ces photographes de la première heure l'irrésistible envie de capturer le lever de Dieu Flamme. Zip de tente ouvert, j'assiste comme eux au spectacle et n'en suis finalement que plus reconnaissant.

Chaque matin c'est le même rituel. Faire bouillir le thé. Plier la tente. S'assurer de n'avoir rien laissé. Remercier Dame Nature pour la location des lieux.

Objectif de la troisième étape : parcourir les 25km qui me séparent du QUIRAING ! Un plateau géologique façonné par la lave et le vent. Cette étape s'avère la plus exigeante sur le plan psychologique. Le sentier, en l'absence de balisage, n'est plus et je dois me repérer à la carte. Je perds un couple d'heures à chercher la direction à emprunter et rebrousse chemin..

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Impasse dans le vide. Il est temps d'ouvrir la carte.
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Physiquement, le passage de la crête du Trotternish ne m'aura pas fait de cadeau. C'est alors que s'enchaînent rudes ascensions et pentes abruptes alternant avec des plateaux plus hauts les uns que les autres. Décidément, le Skye Trail joue avec nos peurs et porte bien son nom. Que je m'élève ou que je m'enfonce, j'admire la splendeur de l'île et compte le nombre de plateaux restants. 5. 4. 3. 2. Plus qu'un ! Je suis à bout de souffle mais je m'en fous. Ce décor là vaut bien toutes les dyspnées.

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The Trotternish Ridge, étape la plus éprouvante du Skye Trail.
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La journée avançant et son soleil déclinant, j'arrive finalement au Quiraing. Né d'un glissement de terrain, ce plateau volcanique impressionne par ses formations rocheuses taillées dans le vent. On saisit alors l'immensité des lieux à la vue du minuscule serpentin de bitume que forme la route zigzaguant à travers le plateau fascinant du Quiraing.

Je décide de 'pitcher' ma tente ici et de profiter de la majesté des lieux. Ma flasque de whisky vide, je porte mon choix sur un thé fumant. Engoncé dans ma polaire, je songe aux 5 petits kilomètres qu'il me reste à parcourir jusqu'à Flodigarry, point final de mes pérégrinations écossaises.

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The Quiraing.
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A vélo, à pied ou en Van, le sentiment de débarquer sur une exoplanète fascine le voyageur. 
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Et avec un grand A majuscule je déclare mon Amour aux Hébrides Intérieures.


FIN.







Neyl B.