Remonter vers le Nord, ces terroirs puissants façonnés de briques, frôlés par une mer d'ardoise, de la Normandie à la Belgique et les Pays-Bas.
Octobre 2017
15 jours
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C’est au Lac de la Tricherie que nous avons fait halte pour le déjeuner, très très bon spot pour les camping-caristes en quête de campagne et de calme. Des jeunes gens y vivent dans leur camion sans doute une partie de l’année. A noter également le sympathique et inattendu "The Bigoudi’s pub" à Mesnard-La-Barotière, où l’on peut manifestement se faire une bonne coupe tout en dégustant une pinte… à tester une autre fois. Etape du soir le long de la Sarthe à Saint-Jean d’Assé, au lieu dit le Boulay, où l'on trouve un barrage et un parcours de pêche très prisé. Tous seuls dans la campagne humide, le moulin toujours en activité veille sur notre équipage. A notre réveil, le ciel a retrouvé sa couleur de brume, la veille ayant été marquée par une ambiance apocalyptique avec des cieux jaunes, plombés, un soleil perçant à l’orange vif… tout l’Ouest vire au sepia par les effets conjoints de l’ouragan Ophelia, des sables du désert et des fumées des incendies portugais… Melancholia ?

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Alençon, petite ville en travaux, nous laisse apercevoir quelques unes de ses vieilles bâtisses, son château, un maillon entre Maine et Normandie. Traversée de la très touffue forêt d’Ecouves où se déroule une chasse à courre dans les règles de l’art. Costumes et chiens à l’unisson, "oldschool" et vieilles familles… le cheval, la star de l’Orne est bien la star du coin. A Sées, découverte de « la plus belle cathédrale » de Normandie. Oups, nous lui préférons les vestiges de l’abbaye adjacente.

Sées, cathédrale, abbaye et drôles de bonhommes...

Un détour obligatoire par le Haras du Pin, Versailles du cheval en déliquescence, qui attend patiemment les 10 millions d’euros promis par les collectivités locales pour retrouver son prestige. Y’a du boulot !

Petite pause clin d’œil au village de Camembert, l’un de nos fromages préférés, qui a ici son musée... malheureusement clos... hors saison ?

Arrivée à Lisieux pour découvrir la colossale basilique Saint Thérèse de l’Enfant Jésus, dédié au culte de l’une des rares doctoresses de l’église Universelle, morte dans le quasi anonymat à 24 ans. Pie XI l’a mise en lumière et les pèlerins ont glorifié sa mémoire en lui construisant un édifice impressionnant aux faux airs de Sacré Cœur. Mention spéciale aux mosaïques intérieures chatoyantes.

Quelques haras et paysages équestres plus tard, arrivée à Honfleur. Chouette de visiter ce port de charme hors saison, dans le calme des ruelles. Colombages ou briques ? Entre Normandie et Pays de Caux, les maisons racontent toutes des histoires de mer. Champlain y organisa son départ pour l’Acadie. Le parking de la rue du Petit Saint Pierre, idéalement situé pour la balade, nous accueillera aussi pour la nuit. Ne pas manquer la très belle église toute de bois vêtue et ses deux nefs.

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Quelques kilomètres nous séparent du Pont de Normandie dont la fière allure se dresse dans la grisaille matinale. Nous choisirons d’entrer au Havre par son estuaire et son port aux portiques géants, témoins du commerce mondial et du manège sans fin des boites métalliques qui le caractérise. Surréaliste et affolant !

Nous nichons le fourgon dans une rue gratuite près de la Maison du Tourisme pour y réserver LA visite à ne pas manquer : l’appartement témoin de Perret, le re-créateur de la ville anéantie par la guerre.

Eglise Saint Joseph. L’extérieur est imposant, l’intérieur à couper le souffle ! Une tour de béton aux vitraux originaux s’érige à plus de 100 mètres, ascenseur moderne vers Dieu. Tout est spectaculaire, y compris la forme en demi-cercle pour accueillir les croyants, sur des fauteuils dignes des cinémas 50’. La nouvelle église a des airs de sanctuaire « post-moderne ».

Déambulation en ville via la halle, les immeubles Perret et l’Hôtel de Ville d’Edouard Philippe, jusqu’à la belle église moderne Saint Michel qui clôt le périmètre classé par l’UNESCO. Retour au fourgon pour une escale technique, loin, très loin du centre ville, dans l’unique aire de services, qui offre néanmoins une belle vue sur la ville.

Nous avions du temps, mieux vaut réserver à l’avance la visite de l’appartement témoin de Perret que nous ferons à 17h30. Et c’est l’apogée de cette belle journée ! Rendez-vous avec Auguste Perret et sa vision de l’architecture utile, à l’atelier éponyme. Autant l’accueil à la Maison du Tourisme est agréable, autant ici, deux "millenials" campés derrière leur comptoir ont dû se tromper de vocation… à l’opposé de la guide conférencière pétillante et passionnée qui va nous donner les clés pour comprendre la démarche du maître du Corbusier. Fait n°1 : Le Havre est une ville martyr qui a perdu la quasi-totalité de son hyper centre. Fait n°2 : il faut reloger les habitants en leur ouvrant les portes du confort moderne. A 71 ans, Auguste Perret et son équipe sont retenus pour le sens de l’innovation et de la valorisation du béton. Imprégné des chefs d’œuvres antiques, Perret revendique la colonne comme le plus bel ornement architectural. Air, lumière, espace et calme seront ses mots d’ordres pour concevoir les îlots d’habitation. Chaque îlot est organisé autour de la cour intérieure où la lumière entre toute la journée. Pour faire entrer la lumière, chaque appartement sera doté de portes-fenêtres aux chambres donnant sur cour. L’innovation : la préfabrication et des modules béton de 6,24 m permettant de soutenir l’ensemble. Perret réalisera quelques îlots « types », charge à la centaine d’architectes embarqués dans le projet de reproduire, avec plus ou moins de réussite, l’idée du Maître.

Après quelques marches, nous investissons l’appartement de 99 m². La cuisine, accessible dès l’entrée, a pour objectif de « libérer la ménagère » dès son arrivée des courses, ha, ha. Elle se veut ultra moderne, véritable laboratoire intégrant la fine fleur de l’électroménager de l’époque, cocotte jaune signée Raymond Loewy en sus, maman a la même ! Les cloisons mobiles offrent l’avantage de pouvoir faire évoluer les espaces en fonction des activités de la famille… génial, tout simplement ! Partout, rangements astucieux et mobilier revenu au top de la tendance donnent l’envie d’habiter là, ici, tout de suite. Le couple de japonais n’en perd pas une miette, mètres de couturier et appareil photo à l’appui.

Après un petit thé dans notre fourgon, impeccablement parqué face au bassin de l’ancien port, nous reprenons la route pour arriver à Etretat entre chien et loup. La célèbre falaise est remarquablement éclairée par la municipalité. La station balnéaire est pimpante, truffée de villas normandes absolument coquettes voire luxueuses. Et de quelques excentricités dont un marché couvert en bois qui a l’air sorti tout droit du moyen-âge ainsi qu'un manoir tortueux, copie conforme de la maison d’un alchimiste de Lisieux, La Salamandre… ésotérique ! Les auberges éclairées de néons multicolores donnerait presque à l’ensemble un air de "Disneyland by night". Nuit parfaite sur le parking de l’ancienne gare désaffectée, d’un calme olympien, entourés d’une poignée d’autres camarades.

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On ne résiste pas à l’envie de refaire un petit tour d’Etretat au matin, où la plage de galets, envahie des pêcheurs, donne un nouveau visage au panorama.

La côte d’Albâtre est assez spectaculaire avec la Manche tranquille et les falaises abruptes côté pile, des champs à perte de vue, ventés mais fertiles côté face. Betterave, blé et autres colza, en semences ou en labour, les champs transpirent d’une vie agricole intense. Arrêt à Yport, petite station "chiccissime", très belles villas de citadins venus prendre les bains ou plus sûrement le grand air.

On passe Fécamp et Dieppe pour arriver au Tréport, plus populaire. Une barre type HLM construite entre plage et quartier de maisons anciennes vient couper le vent, mais aussi la lumière, aux dites maisons d’ouvriers venus eux aussi profiter des bienfaits balnéaires… autres temps, autres mœurs ;) Un astucieux funiculaire nous propulse en haut de la falaise pour un panorama exceptionnel de la baie sous le soleil. Pause déjeuner sur le parking du port, ouvert à nos engins gratuitement, avantage du voyage en arrière-saison.

Nous avalons les kilomètres ensuite jusqu’à Arras, enchaînant les champs cultivés immenses et les quelques cimetières militaires anglais. Halte dans la cité à l’architecture flamande qui augure de notre entrée dans les terres du Nord. Un coup d’œil aux deux célèbres places aux maisons flamandes toutes différentes et pourtant toutes harmonieuses, c’est très beau.

Le parking 15’ le long de la mairie suffira à notre escale avant de repartir en direction de Bruxelles. Les champs de betteraves laissent peu à peu la place aux champs de patates et le ballet incessant des tracteurs qui livrent leurs denrées au pays des friteries, miam !

On suit le tracteur chargé des précieux tubercules... 

Les maisons en pierre et colombages cèdent la place à la brique, de plus en plus sombre. Nous sommes dans le Noooord ;) dirait Galabru ! Terrils le long de l’autoroute et bientôt, les voies éclairées de la Belgique. Nuit calme le long d’une rivière à Enghien, sous les arbres, en mode furtif (Face n° 3 Bd d’Arenberg Laan pour les intéressés).

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C’est par la route nationale que nous choisissons d’entrer dans Bruxelles, cernée d’autoroutes noueuses et encombrées. Un « chemin de traverse » qui nous permet de découvrir Halle et les premiers faubourgs bruxellois… Un rapide contrôle de la politie au passage pour vérifier la qualité de notre convoi et de son conducteur. Traçabilité belge sur ses nouveaux entrants… c’est OK ! Banlieue de Bruxelles par la face sud : immeubles de briques noircies, pauvreté, poubelles éventrées et détritus, la capitale européenne offre un visage peu réjouissant. Des travaux partout et un réel problème de gestion des déchets que nous constaterons pendant tout notre séjour. Malgré une circulation un chouia anarchique et un GPS capricieux, nous arrivons sans encombres via la Porte de Namur dans l’entrée de la résidence universitaire de l’ULB où nous attend ma fille étudiante, parée pour deux jours d’exploration de sa nouvelle ville. Résidence idéalement située dans le quartier d’Ixelles où nous squatterons pendant une nuit et demie, un gardien frappeur nous incitant à opérer un déménagement nocturne dans la nuit. Qu’à cela ne tienne, nous trouverons un nouveau spot, certes plus bruyant, dans une avenue à proximité, vive le fourgon ! Une péripétie qui nous fait vivre la « nuit » bruxelloise et ses vendeurs de substances illicites en voiture et en quête de clients, sous couverture d’un véhicule en panne qui nécessite crick et outils... ils ont essayé, nous n'avons pas cédé !

C’est en métro que nous investissons le "centrum". On émerge Place de la Bourse où Amnesty International tient un meeting au concept indéfini mais qui fédère de nombreux jeunes, grosse ambiance ! Des travaux encore, Bruxelles est définitivement « work in progress », les piétons se frayent un chemin parmi les machines de chantier. Plus de calme mais pas moins de monde dans l’îlot sacré UNESCO autour de la Grand Place, majestueuse. Un salut à Jeanneke Pis, honneur aux dames, et au Mannekepis, les spots préférés des Chinois pour réaliser selfies et autres instas, dans des poses plus ou moins avantageuses. Galeries Royales : belles boutiques, chocolats, bières et LE Délirium café, mythique, qui occupe tout un pâté de maison à lui seul. Des touristes du monde entier viennent s’y imbiber de Flandre attitude. Et partout, des frites et des gaufres géantes, of course !

Après le cœur névralgique de la Grand Place, le quartier Sainte Catherine, revisité aujourd’hui par les bobos et jeunes créateurs. Là se cache un Doguekepis de très belle facture ! Dégustation d’une bière fraîche aux Halles Gery, relookées en bar branché avec expos et soirées animées. A quelques pas, le restaurant Nordzee nourrit en continu les bruxellois de poisson frais servi à la bonne franquette et l’église Sainte Catherine.

Quelques emplettes dans les belles boutiques mondialisées de la rue Neuve, puis marche rythmée jusqu’à la cathédrale Sainte Gudule, où nous trouvons porte close ! Et oui, il est 18h et en Belgique, c’est apéro time, même pour le clergé ;) Retour près de la Grand Place où nous choisissons le café Georgette pour faire bombance des spécialités locales : fricadelles, carbonade, boulettes et frites fraîches. La maison ne cuisine que du frais et l’accueil est hyper chaleureux, rab de frites et limoncello offert en fin de repas… les patrons savent recevoir ! Retour via la Grand Place éclairée, c’est beau Bruxelles la nuit… déjà animée par les jeunes belges grisés et costumés, qui se préparent à passer une soirée… très arrosée. Retour en métro et petite marche pour digérer.

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Bus 71 : c’est le bus qu’il vous faut pour visualiser la ville et accéder rapidement aux principaux points d’intérêt. On descend Porte de Namur. A la BNP où je retire quelques deniers, c’est la fête, ambiance anniversaire avec viennoiseries et sympathique agent qui nous fait chausser un casque VR pour une immersion immédiate dans les profondeurs de l’Océan. Surprise et cadeau à la clé, nous repartons avec un mini casque VR et des joujous multimédia, sans grande utilité ce que l’usage nous prouvera ! Happy quand même.

Revenons à l’objectif de la matinée : quartiers Sablons et Marolles. Le soleil et le vent, toujours avec nous, nous cheminons vers le palais de justice… en travaux, passant par d’innombrables musées, dont le Magritte, une église place Royale où se tient une manifestation d’anciens combattants. On monte vaillamment la rue …. Pour une vue méritée sur la ville depuis l’esplanade du palais de justice. Première waffle, gaufre caramélisée croustillante à souhait de chez Paulino et son food-truck old school que l’on retrouvera dans d’autres lieux de la ville.

Descente dans Marolles par un ascenseur efficace qui nous dépose au cœur du quartier populaire-bobos où se tient le marché aux puces… essoufflé, mais où prospèrent des cafés branchés. Le nôtre se nomme Le Bistrot qui pique, ses prix aussi ! Le thé est heureusement excellent. Remontée par l’artère des antiquaires et designers, jusqu’à l’église Notre Dame de la Chapelle où est enterré Brughels. Il s’y déroule un rituel étrange, une espère de communion générale mais les aubes blanches ont laissé la place à des toques de bachelors de grandes écoles et les chapelets à des paniers en carton façon Mac Do ?

Pause déjeuner chez Pistolet dans le quartier Sablons, chaudement recommandé par le gratin bruxellois dont Alex Vizorek, vous pensez ! On y déguste les sandwichs du même nom mais sans ressemblance avec l’objet. L’endroit à la mode est blindé, le produit est bon, frais et pas trop cher. Nous repartons rassasiés pour arpenter le quartier du Palais Royal et de l’OTAN.

Le tram (ou métro ?) 94 nous téléporte de la Porte … à Heysel et son tristement célèbre stade. C’est aussi le quartier du parc expo, aux allures de vaisseau communiste des années 50 et de l’Atomium, prouesse architecturale et porte drapeau du savoir-faire belge en matière de construction métallique, créé tout spécialement pour l’Exposition Universelle de 1958.

42 millions de visiteurs, le grand rendez-vous de l’innovation d’après guerre. Ça parait kitch, c’est réellement emballant ! Accueil et organisation conviviale, merci aux Bruxellois pour leur sourire et leur sens de l’échange. Après avoir pris la pose avec un Spirou – nous renoncerons à l’achat de ce souvenir impérissable pour la modique somme de 20 € les 4 articles dont un porte clé remarquable – nous patientons pour vivre « l’ascension la plus rapide du monde » … en 1958 ! Chouette aussi en 2017 pour une vue panoramique de la belle européenne et descente pour… remonter via des escalators et escaliers et déambuler dans les différentes boules de l’atome géant : genèse du projet, présentation des protagonistes, ambitions et expos souvenirs de cette Exposition Universelle très particulière, la première d’après guerre.

Surprise dans l’une des sphères : une exposition temporaire dédiée à Magritte ! Scénographie élégante, accessible et poétique, d’une grande qualité artistique, et qui ouvre les portes de l’univers si particulier du peintre bruxellois. On y touche du doigt son obsession pour ce qui est caché et l’imaginaire que cela peut produire dans l’esprit de ce solitaire qui voyageait dans sa tête. Fascinant !

Pas d’achat à la boutique puisque il est 18h et qu’en Belgique, même si l’Atomium est encore plein comme un œuf, c’est l’heure de l’apéro ;) Retour en tram par les beaux quartiers flamands, les riches habitants y possèdent de grandes demeures aux atours impeccables, et par le quartier de l’ULB aux restos sympathiques et boutiques insolites. Quelques achats chez OKAY, filiale du belge COYLRUPT, où nous faisons le plein de spéculos et de sardines.

Plaisirs défendus ? 
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Nous filons vers Bruges sous la pluie battante. Sortie de Bruxelles via l’emblématique Mölenbecke et nos désormais rituelles routes secondaires qui évitent les 4 voies affolantes et les embouteillages du même acabit.

Dès la sortie de la capitale belge, l’ambiance est bucolique quoique nordique : maisons de briques proprettes aux extérieurs soignés, buis sculptés et pistes cyclables de qualité – partout en Belgique d’ailleurs. Toilettage de notre fourgon "Julieta" dans une bourgade vers Alost, entre riantes demeures, tracteurs et bovidés, toujours présents dans les villes-rues typiques de la Flandre. Visite de Gand en camion. Pas simple, mais l’on voit l’essentiel et on continue sur la Nationale 9 vers notre but : Bruges. Le parking gratuit face à la gare nous accueille pour l’après-midi… idéal ! Une averse phénoménale marque notre entrée dans ce qui fut le principal espace de commerce de Flandre, en témoigne la richesse de ses demeures et son beffroi, preuve du dynamisme de la cité et de son autonomie accordée par les seigneurs médiévaux. Vieilles ruelles et maisons typiquement flamandes à redents.

Et voici l’église Saint Sauveur… en travaux, qui en jette avec ses deux orgues et sa chaire tout en statuaire. Moins de chance à la basilique du Saint Sang, carrément inaccessible, dont nous ne verrons qu’une vierge à l’enfant dans toutes ses dorures.

Balade en canot avec un "captain" digne de Tintin pour mieux comprendre l’organisation de la ville devenue piège à touristes… éventuellement amoureux. Histoires de fantômes, de marchands et de béguinages, genre de « monastères » pour femmes laïques esseulées lors des croisades. Et quelques bons mots pour amuser la galerie, retenons le « pimail », message envoyé par pigeon à l’époque, ha, ha nous rîmes !

Le beffroi et ses 366 marches se fait un peu désirer… affluence oblige, mais mérite l’attente et sa réputation. D’abord parce que l’on y bénéficie d’un panorama à 360° et surtout pour l’accès exceptionnel au carillon, cloches et machineries de précision. Nous vivrons en direct le ¼ mélodieux et sonore, ça envoie !

Retour au fourgon par les ruelles, les musées qui donnent une nouvelle vie aux bâtisses ancestrales, sur des thématiques aussi truculentes que Dali, les diamants ou la bière. Et le lac d’Amour, nouvellement baptisé pour coller à la thématique de la Venise du Nord, avec ses cygnes et canards repus. Nous reprenons la route vers Anvers.

Nuit à Rieme, dans un quartier résidentiel, toujours en « stealthy camping », il s’agit d’être discret dans ses contrées où les camping caristes sont tenus d’aller passer la nuit dans les campings… et nulle part ailleurs ;) Nous accueillons pourtant si bien nos très nombreux amis néerlandais camping-caristes... espérons avoir plus de bienveillance dans l'avenir 😉

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Nuit calme dans cette banlieue d’Anvers mais réveil en fanfare avec les machines de travaux routiers qui s’activent au bout de la rue. Il est temps de lever l’ancre pour Anvers. Dès la sortie du village, les éoliennes nous saluent, moulins modernes magistralement intégrés à la vie quotidienne des flamands. Et déjà, on sent la Hollande proche, ou plutôt les Pays Bas, la Hollande n’en constituant que l’une des 12 provinces. Rieme est au cœur d’usines électriques vertes, surprise ! Route vers Anvers, constellée de poids très lourds, valse incessante dans cette région multimodale. Son karma : transporter ! Anvers offre à ses visiteurs les atours d’une ville dynamique… en travaux. Et là, c’est du lourd ! Le boulevard intérieur est à cœur ouvert, projet d’une vaste esplanade pour la réappropriation d’une mobilité plus douce. Julieta trouve une place de choix en marge de cette partie de boulevard « Italieli », Olifjtak Straat (Vive les fourgons de moins de 6 mètres, bis repetita..).

De là, on pointe directement vers le centre historique en zappant pour une fois la Cathédrale payante – à 5 € quand même, les voies du seigneur sont impénétrables pour nos portes-monnaies – et l’église Saint André, fermée et cernée de… chantiers, vous l’aurez deviné. Maisons de guildes et Hôtel de Ville composent la Grand Place à l’ensemble harmonieux, à l’image de nombreuses cités flamandes, organisées au cordeau.

Anvers est aussi et avant tout une agora plein de vie, agréable et fort bien dotée de cafés aux terrasses accueillantes et de placettes chaleureuses, toutes équipées des fameux « radians » qui offre au consommateur la chaleur en extérieur.

Si les quais sont sans doute à découvrir l’été et la nuit, les quartiers du centre, de la Grote Markt à Saint-André respirent le bien être, malgré des travaux en cours, partout. La rue Nationale et le Meir Leysstraat, aux boutiques de luxe – même le Zara a des faux airs de Haute Couture – et la magnifique galerie Stadsfeesthall, aux relents des années folles, clôturent notre parcours en apothéose.

Un dernier coup d’œil à la sculpturale Gare Centrale et nous rejoignons notre maison roulante pile poil dans les temps imparti par l’horodateur : 3h max. Anvers nous laissera l’envie d’y revenir plus longuement.

Suite du voyage vers la Nordzee et ses îles gagnées sur la mer. Sortie sans problème de la grande ville ceinte d’éoliennes et de voies rapides où valsent à nouveau les camions et gros transporteurs du Monde entier. C’est fluide et vite, on est à la campagne avec quelques moutons, vaches et les premières maisons aux bardages de bois noir, chic et design. Nous traversons champs et canaux aux grandes péniches chargées de mystérieuses cargaisons. Pause dans la banlieue de Middelburg où pas moins de 3 supermarchés voisinent avec respect. L’enseigne néerlandaise est un peu chère pour nos bourses et c’est au Lidl que nous faisons le plein de spéculoos de toutes formes. Surpris par le rayon de légumes tous pré-préparés, nous nous rabattons sur des carottes en boite, les râpées n’étant manifestement pas un produit consommé localement. Provision faite, nous garons le fourgon le long du canal principal pour explorer Middelburg. C’est une ville de marchands aux habitations élégantes et au patrimoine entretenu. C’est simplement beau, propre et apaisant. Partout des terrasses et leur foyer intégré aux tables des bars, tous dehors ! Les péniches du canal rivalisent d’effets, du plus hype au plus bucolique.

Séduits, nous repartons pour retrouver la Mer du Nord à Domburg, notre escale pour la nuit. Sur la route, nous ressentons toujours ce sentiment de calme, de détente… et remarquons que depuis plusieurs kilomètres, nulle publicité n’est venue polluer le paysage ! Incroyable, ici pas de panneaux et autres mobiliers urbains, la pub c’est hyper cadré, avec une signalétique minimaliste et standardisée. Le ramassage des poubelles est entièrement automatisé dans les petites bourgades et les pépiniéristes sont légions, signe de l’intérêt des habitants de cette province de Zélande pour leur environnement. Les charrettes de citrouilles disposées ça et là le long des fermes nous rappellent que c’est bientôt Halloween, célébrée avec entrain.

Après avoir tourné et viré, recherche de la plus grande discrétion possible –il est interdit de dormir en camping car aux Pays Bas, sauf dans les campings plutôt onéreux – nous optons pour une rue calme, en bordures de maisons coquettes, un peu éloigné du centre bourg. Plein feux sur les intérieurs, illuminés en soirée, et qui, à la « hollandaise », ne cachent absolument rien des aménagements chics et design des foyers flamands. Pas de volets ni de rideaux, les familles s’exposent comme dans un film de Tati. En ce début de soirée, la station balnéaire a des allures de village de montagne distingué. Curiosité pour nous autres de la côte Ouest, la mer ne dégage pas d’odeur iodée et nous avisons quelques baigneurs et surfeurs que les premiers frimas de l’hiver ne découragent pas. Deux bières pressions locales plus tard, nous regagnons notre logis mobile pour déguster une boite de … coquillages Saint Jacques de Concarneau.

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Il bruine sur Domburg et nous quittons la station avec l’objectif de passer près des barrages anti-tempête spectaculaires paraît-il ! Une vilaine déviation nous éloignera du site convoité et c’est en vain que nous rechercherons la Nationale 57… Nous traversons la Zélande par la Nationale 59 qui offre aussi une expérience de choix avec le passage du pont de Zélande, le plus long des Pays Bas, au dessus de l’Escault occidental, immense bras de la Mer du Nord qui n’a pas été barré par les travaux du plan Delta. Près de 5 km en plein estuaire, les flots agités en dessous, impressionnant ! Les villages de belles allures se succèdent avec Halloween en fil rouge… amoncellements de citrouilles et autres courges à l’entrée des fermettes. Les fenêtres aux grandes baies sont savamment mises en scène avec des objets à vocation artistique, décorations florales ou évocations plus kitch comme ses splendides laveurs de vitres, invite à plonger dans les intérieurs librement offerts à la vue des passants. En approche de la grande Rotterdam et de son périphérique digne des entrelacs routiers américains ou chinois, toujours aucune pollution publicitaire ! En ville, un Lidl ou un KFC seront signalés par une enseigne minimale… bien joué les néerlandais !

Tout est pensé pour un mode de vie doux et, quelque soit le temps, le vélo est roi, encore et toujours. La visite de la cité portuaire se fera en fourgon : il pleut vaillamment et les camping-cars y sont franchement « non grata », à moins de se parquer à plus de 6 km de la ville au look 70’ : constructions après-guerre, buildings futuristes se toisant les uns les autres, avenues minimalistes arborant quasi toutes des sculptures « contemporaines », l’image d’une certaine modernité, et aujourd’hui d’un futur qui tutoie le ciel. L’axe central de Coolsingel/Schiedamsedijk nous servira de guide aller/retour via le « cygne », pont emblématique au dessus de la Nouvelle Meuse. Ça bouillonne, ça commerce à max et ça pédale en tout sens… étourdissant.

Contraste saisissant avec l’étape suivante : Delft, écrin patrimonial des rois des Pays Bas, dynastie d’Orange. L’église Neuve héberge le tombeau des rois depuis Guillaume d’Orange dit le Taciturne, héros national, libérateur du joug espagnol. Le leader fut assassiné par un salaud de Français qui mourut dans d’atroces souffrances.

Delft est parsemé de petits canaux qui font le charme de la Hollande Méridionale. Nous avons astucieusement parqué le fourgon dans LA zone gratuite très convoitée, en pleine « cité » - enfin façon hollandaise soit au carré – Bieslandsekade ! Impec pour visiter les deux églises et une balade dans la ville.

A deux pas, La Haye, la capitale du Pays et siège de la Cour Internationale de Justice qui a tant à faire ces temps-ci. On entre là dans un autre monde, riche, très riche. Villas et palais au charme robuste et désuet s’enfilent comme des perles le long du grand canal. La circulation est intense, plus d’un million d’habitants s’entrecroisent dans ce mouchoir de poche que constitue le triangle Rotterdam/La Haye/Delft avant la bouillonnante Amsterdam.

Passage sur la côte à Noordwijk, surprenante : les palaces illuminés sont « sur le pont », près à recevoir la haute société hollandaise. Un vent à décrocher la lune souffle et le remblai engourdi vivote avec quelques clients acharnés dans des restaurants sans âme.

Nuit au camping de Duipan cette fois, pause technique oblige, moyennant 25 € quand même ;)

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Toilettage complet de Julieta et direction Haarlem, capitale historique de la province de Hollande Méridionale et banlieue résidentielle aisée d’Amsterdam. De là, on attrape le train express qui dessert vite et bien la ville aux canaux pour 19,50 € A/R à deux. L’épisode « rotterdamien » nous a convaincu d’éviter tout contact avec les grandes agglomérations néerlandaises avec notre fourgon… Julieta est bannie, et avec la prochaine interdiction des véhicules diesel dans les principales cités européennes, nous ferons nôtre cette stratégie. Parking dans une jolie ruelle aux maisons de briques 😉

10’ plus tard, nous arrivons dans la Gare Centrale. La foule ! Nous sommes littéralement happés par une multitude cosmopolite qui vaque en tout sens. Amsterdam se résume en 3 mots : des gens, des vélos, des canaux.

Première halte au Musée du sexe, histoire de se mettre dans l’ambiance. Un business juteux si j’ose dire, vu l’affluence ! Belles pièces d’antiquités côtoient des objets au goût plus douteux mais l’ensemble hétéroclite représente assez bien la passion de l’humanité pour « la chose ». On frise parfois la foire du trône version "porn" avec quelques mannequins animés du plus bel effet : prostituée et son marin, exhibitionniste, mère maquerelle sortant de sa boite à surprise, qui amusent au plus au point un sympathique groupe de "silver mamies" hollandaises venues titiller leur libidos.

Nous suivrons ensuite le parcours proposé par le guide vert Michelin, bien conçu pour la découverte d’Amsterdam en une journée. Rues commerçantes grouillantes, Spui, jolie place qui mène au marché aux bulbes de fleurs, place Rembrandt, balade le long des canaux puis quartier des cofee shop où, si on ne peut plus consommer, on peut toujours renifler 😉

Remontée par le célèbre quartier rouge où « les dames » de tout âge et nationalité sont bien au rendez-vous, parées des dernières tendances en lingerie hot derrière leur vitrine, avec en toile de fond, le réduit et la couche au plaisir. Les groupes de jeunes gens ricanent bêtement, certains regardent l’œil en coin… peu d'entre eux entament l’échange pour accéder à l’extase. Au moins pas d’hypocrisie, seulement la gêne des étrangers, asiatiques pour beaucoup. Une bière sur l’une des jolies placettes et la déambulation se termine près de l’Amstel et son port, promesse de voyages inconnus, où la tour des pleureuses veille encore.

Ça chauffe à la Gare Centrale, heure de pointe ! Les milliers de vélo retrouvent leur propriétaire, ce qui tient sans doute du miracle ou d’une organisation bien rodée, Hollande oblige…

On saute dans un train qui ne part pas… un "dutch cheminot" se fait copieusement sermonner par les passagers, une poubelle fume, ça panique chez les hommes du rail ! On suit le mouvement, tous dans le train d’en face. Nous arriverons sans encombre à Harlem où nous attend notre fidèle fourgon… sans contredanse, il faut savoir vivre dangereusement 😉 Nous quittons Haarlem et sa « hype attitude » pour chercher un coin pour la nuit. Pas simple dans ce pays qui prône liberté et tolérance, sauf pour nos maisons roulantes ! Il faut dire que l’organisation urbaine et même rurale ne laisse aucune place aux cachettes et autres abris discrets. On passe des routes rectilignes aux maisons rangées devant des rues aux emplacements réservés. Une place de village dans la banlieue de Noorwijk sera notre refuge nocturne. Belle journée, seul bémol, nous ne visiterons pas les maisons flottantes d’Ijburg à Amsterdam. Accès trop complexe avec le camping car.

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Réveil matinal sur cette place où de nombreux artisans démarrent leur journée. On lève le camp pour petit déjeuner à Noordwijk aan zee, sur le parking du remblai et sous le regard bienveillant de la « politie » locale qui passera deux fois devant nous pour checker notre savoir-vivre. Balade ventée mais douce le long des palaces, dans le va et vient d’énormes engins de chantiers qui démontent les restaurants de plage.

On repart vers l’ultime étape hollandaise : Kinderdijk et ses moulins de barrage. Vers 12h, encore de la place sur le petit parking à l’entrée du site. 5 € pour un temps illimité, chouette. Nous en profitons pour faire une longue promenade dans cet espace hors du temps, protégé par l’UNESCO. En s’éloignant d’un groupe d’anglais et de chinois, on respire, c’est calme… place à la contemplation rythmée par les canards qui prolifèrent dans le coin.

Au retour, un sympathique retraité francophone nous explique le fonctionnement astucieux de ce dispositif qui préservait autrefois les habitants des inondations. Aujourd’hui, de grosses turbines ont remplacé l’action des moulins avec efficacité : près d’un million de litres d’eau peut être évacué par minute. Les néerlandais payent tous leur écot, le prix de leur sécurité.

Retour par la petite ville éponyme où nous découvrons… la première aire réservée au camping-car de notre voyage ! Habilement logée près du petit port de plaisance, elle accueille d’imposants engins et des portefeuilles bien garnis : plus de 20 € la journée, nuit/douche/taxe de séjour en sus… bref nous passons notre chemin et déjeunons sur une aire d’autoroute, il faut tracer maintenant ! Sortie à Courtrai dont le Petit Futé vante l’incroyable dynamisme commercial avec un « mall » de renom et des boutiques de luxe. Là, c’est la déconvenue ! Le centre commercial « K In Kortrijk » est d’un ennui mortel, les boutiques à moitié vides. En ville, ambiance tout aussi morose… mais que font ces magasins haut de gamme dans cette cité en souffrance ? Question de saison ? Erreur de positionnement ? Le choc est rude après la riche et soignée Hollande Méridionale…

La bonne surprise sera la visite du Béguinage, typique des Flandres et lui aussi labellisé par l’UNESCO. Ici, au XVIIe, les femmes esseulées, veuves ou célibataires, vivaient pieusement, sans forcément prononcer leurs vœux, en marge des autorités religieuses ou familiales. Pas toujours au goût du clergé ou des institutions, ces dames indépendantes ! A Courtrai, le béguinage est un petit village dans la ville avec une quarantaine de maisonnettes coquettes avec patios intérieurs, églises, lieu de rencontre, bref tout pour vivre en autarcie, tranquille ;)

Passage de la frontière dans la soirée et nuit à Carvin, sur le parking du centre médical « Mots à Maux », un modernisme insolite dans cette bourgade du Nord.

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Petit tour de Carvin, ancienne cité minière à la mine tristounette malgré le soleil. On redescend vers le circuit des cathédrales par des autoroutes blindées. Quelle vie que celle des routiers engloutis dans ce piège inextricable que constituent les voies des capitales du Nord. Arrêt à Amiens, ville sombre et ventée en ce début d’automne. A cette période, la capitale de la Picardie n’est guère accueillante. La cathédrale vaut le déplacement, surtout son portail extérieur, somptueux.

Quelques champs de patates plus tard et voici Rouen qui nous met une claque ! La tête de pont de la Haute Normandie est au top : centre historique animé, sublime, entre maisons à colombages remarquablement préservées et boutiques de marques élégantes, tout comme les passants. La cathédrale est grandiose, extérieurs sculptés finement, statuaires à foison, intérieur à l’unisson.

Nous nous laissons tenter par la visite du musée multimédia « L’historial de Jeanne d’Arc ». Nous sommes captés par la scénographie habile construite autour du procès en réhabilitation de la Pucelle. Rien à lire ou presque, tout à vivre via des projections immersives sur les murs de l’abbaye transformée pour l’occasion en tribunal virtuel où témoignent les protagonistes de 1456. Bien fait, casting réussi, le public est embarqué. Et l’on comprend vite dans cette narration les enjeux que porte, aujourd’hui encore, la jeune bergère de Domrémy.

Passage obligé place du Vieux Marché, lieu de trépas de la jeune femme. Plus de bûcher mais une église, moderne et spectaculaire, entièrement dédiée à sa mémoire.

Retour par la porte de l’horloge classée, les bâtisses médiévales et les ruelles étroites qui cachent des merveilles. Garés près de l’avenue de l’Alsace Lorraine, nous quittons Rouen par sa face moderne, digne des belles cités des Flandres.

Nuit à Evreux, on change d’univers… nous zapperons la cathédrale pour prendre la route du retour via La Flèche, la belle sarthoise.