Dernier jour marrakchi ! Et l’on se perd encore dans le labyrinthe médinesque, virevoltant entre piétons, vélos, cyclos, gagnant en souplesse et anticipation ;)
On passe devant l’énooorme mosquée Ben Youssef et l’école coranique renommée… la Medersa Ben Youssef, en restauration elle aussi !
Nous devenons expert dans l’art d’esquiver rabbateurs et menteurs – ne jamais accepter de se faire accompagner pour se rendre quelque part, demandez à un artisan, une femme dans la rue… évitez les enfants aussi, c’est triste mais même les locaux vous le dirons – et pointons vers le quartier des tanneurs, via des ruelles populaires, sans touristes. Le cœur marrakchi bat ici, entre sortie d’école et marché de rue. Happés par un jeune rabatteur « de la famille », nous saisissons l’occasion de visiter sa tannerie vraiment dans son jus, et ce n’est pas qu’une image ! Où l’on apprend les différentes étapes de ce métier ancestral par la voix des hommes épuisés qui le pratiquent avec fierté. Pas de chlore ici, les cuirs sont traités au bain d’excréments de pigeon, à la chaux vive, avant la terrible phase de grattage de la graisse… Puis moult lavages dont l’ultime à l’eau de mimosa pour parfumer un peu. Séchage et grattage par un forçat du cuir, musclé comme un gladiateur. Pas de coloration à cette saison : elle ne s’opère qu’en août pour s’assurer qu’aucune humidité ne viendra contrarier le bon séchage des 3 couches successives de couleur, « toute la différence avec les cuirs de Fès » nous livre notre guide, un brin chauvin.
Naturellement, en fin de visite, nous voici livrés en pâture à la boutique familiale « sans obligation » 😉Nous prenons l’information à la lettre et devisons sur les tendances en matière de sac à dos. Le fabricant réalise des commandes spéciales pour l’Allemagne, de belle facture, pour les bobos à vélo. Quelques dirhams donnés à notre jeune guide qui nous sollicite à nouveau : pas d’achat, il faut gonfler un peu le backchich. OK, notre découverte les vaut bien !
Retraversée du souk par la belle mosquée Ben Selah au zellige bleu.
Intéressés par les tapis Boucherouite, tendances dans les magazines déco français, nous avons mis sur notre liste de visite le Musée Boucharouite. Nous voulons en savoir plus sur ces réalisations des vieilles femmes berbère, à partir de tissus recyclés. Avec Patrick de Maillard, le propriétaire des lieux et créateur/conteur du musée, nous passons plus de 2 heures captivantes, à la rencontre de ces merveilles tissées dont il fut l’un des « découvreurs » avec son ami Soufiane Zarib, l’un des commerçants les plus « en vue » de Marrakech. Désœuvrées à un âge avancé où les travaux sont trop pénibles, les vieilles berbères se lancent dans ses tissages personnels en « upcyclant » vieux vêtements, robes de fêtes, toutes de coton ou polyester, la laine est trop noble pour ces tapis « perso ». Dans cette production hétéroclite se révèlent de grandes artistes qui vont, à travers ces ouvrages, raconter leur vie, la Nature, la famille, les fantasmes… le résultat est stupéfiant de beauté, de poésie et d’émotion. Il faut savoir décrypter les codes berbères, choix des couleurs, formes, tout ici veut dire l’histoire et invite à en inventer de nouvelles. Les « sindekhs », tissés sur la trame fournie par les sacs de riz et autres denrées venues de Chine dans les souks des montagnes, servent de tapis d’éveil pour les bébés berbères : matières, couleurs, odeurs, pour attiser les sens.
Quant au riad qui sert d’écrin au musée, quelle élégance, quelle sobriété, une restauration assurée par les architectes Karl Fournier et Olivier Marty (le musée YSL, ce sont eux !), amis de Patrick. Prendre le temps d’un délicieux thé sur la terrasse, accompagné de sablés fondants… la vie marocaine à l’état pur !
Nous quittons ce paradis par une incursion dans la partie privée où Patrick nous dévoile quelques acquisitions du mobilier art déco de La Mamounia, vendu aux enchères pour le remplacer par le sacro-saint « desiiiiign » !
Sortie de la ruelle pour retrouver la touffeur de la médina et le vacarme du souk, poussiéreux à souhait à cette heure chaude. Un léger détour pour une visite éclair du complexe artisanal, officiel celui-là, dépeuplé aussi, qui offre un sas de fraîcheur au milieu des artisans aux ordres pour satisfaire le touriste, à l’affût quand même de quelques dirhams pour une démo. Intéressant cependant pour connaître les justes prix et les conseils techniques.
Chou blanc à La Mamounia citée précédemment, où la visite des incontournables jardins n’est ouverte aux tenues « décontractées » (en gros le bermuda) que dans la journée. Après 17 heures, tenue correcte exigée ! Nous retrouvons des amis à l’hôtel voisin, proche des travaux de la grande bibliothèque. Le programme de rénovation de Marrakech promet un nouveau visage de la cité, à redécouvrir lors d’un autre voyage. Sur la route du retour au riad, la Koutoubia illuminée se fait admirer, jeux d’eau et fontaines savamment orientées pour des perspectives flatteuses.
Dernière soirée avec une salade de légumes croquants, un tajine au bœuf et pruneaux et des oranges à la canelle. Au revoir plein d’émotions avec Slimane Falah, notre hôte toujours souriant, un brin rêveur, une chouette rencontre avec ce jeune berbère tiraillé entre le poids des traditions et la friction continue avec la jeunesse européenne, qui ouvre pour lui de nouvelles perspectives… on salue le riad Errabii, une étape confortable, authentique, gourmande, une adresse fortement recommandée 😀