2020, été masqué, besoin d'air pur et d'immensité : cap sur les Grandes Alpes, les lacs, les cols et les monts, d'Annecy au Léman, Chamonix, Megève, Briançon, le patrimoine toujours en fil rouge !
Août 2020
15 jours
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Ça chauffe. Départ de Cholet et sa contemporaine église du Sacré Cœur, dans la touffeur de juillet avec nuit d’étape à Turquant, pays des Mousseaux qui, dès le XIIe, investissent grottes et galeries pour (sur)vivre, travailler, vinifier le vin… les troglos comme on dit, réservent toujours une chouette ambiance, balade dans les lumières vespérales de la Loire.

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Route des bords de Loire puis de la Vienne. Samedi noir. Les chemins de traverse offrent des paysages sublimes sous le ciel assombri par l’envie d’orage. S’enchaînent Chinon, la ville aux caves enfermées sous la roche, l’Ile Bouchard entre 3 bras de la Vienne, et Loches (oui, celle de la blague lourdingue des grosses têtes de Bouvard). Et pourtant, quelle merveille ! La cité royale se fait belle, chantiers patrimoniaux vont bon train, un investissement nécessaire pour conserver ces trésors, témoins du passage de femmes puissantes : gisant d’Agnès Sorel, oratoire d’Anne de Bretagne et tapisserie à la Jeanne… d’Arc venue implorer Charles VII de lui prêter main-forte. Très jolie ville qu’affleure l’Indre, où nous croiserons de nombreuses familles en mode « slow tourism ».

Prochaine halte à Montrésor, un château encore, d’un mécène polonais plutôt étonnant, le comte Xavier Branicki. Bucolique le cadre où coule l’Indrois, verte rivière valorisée par des « balcons », sentiers fleuris et légendés qui offrent une vue imprenable sur les tours qui s’élancent en haut, tout en haut. Là aussi, familles, jeunes couples et groupes d’amis goûtent avec délice la douceur et la fraîcheur du lieu, loin du tumulte autoroutier de cette journée de chassé/croisé.

Avant notre spot du soir au bord du lac de Mareuil-s/Arnon, nous passons Valençay et son château un peu trop onéreux pour notre bourse mais ne manquons pas une visite de la basilique d’Issoudun, toute au Sacré Cœur dévouée, lieu de pèlerinage fervent et d’accueil de missionnaires du Monde entier. Covid oblige, c’est un peu vide cet été mais les occupants nous laissent découvrir après l’heure l’ensemble de ses bâtiments initiés par le Père Chevalier, vénéré aujourd’hui comme un saint.

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Cap vers Moulins via nos petites routes délaissées, à l’image des villes traversées, aux volets clos et boutiques à l’abandon. Tiens, encore une basilique à Châteauneuf-sur-Cher à deux pas d’un château du bon Colbert, au devenir incertain. Le lieu de culte est ici dédié aux enfants et une grappe de paroissiens y prient en chœur, c’est dimanche ! On passe « le centre de la France » à Bruère-Allichamps, pauvre colonne de pierre sise au carrefour du village dépeuplé, et longeons la belle abbaye de Noirlac pour rejoindre St-Amand-Montrond. La petite cité du Cher baigne dans un jus vintage plutôt sympathique, les bars bien emplis… c’est dimanche bis !

A quelques kilomètres, nous nous enfonçons dans la spectaculaire futaie de Tronçais, aux chênes vénérables et protégés. Pause délectable au bord de l’étang de pêche où deux amis taquinent la carpe, sans beaucoup de résultat mais l’essentiel n’est pas là. Les anciennes forges envahies par la végétation semblent sorties d’un autre temps, où le lieu affichait sa position de pôle majeur de la métallurgie. De magnifiques mûres nous font de l’œil, nous repartons les mains pleines.

Dernière halte dans le berceau des Bourbon à… Bourbon l’Archambault où se dressent les vestiges d’un château féodal de premier plan. Ville thermale prisée par la Montespan, fan de cures rhumatismales, elle y mourut malgré tout.

Nuit à Moulins qui « fait le show » selon la promesse d’une affiche à l’entrée de l’aire de camping-car en bord de l’Allier. Le fleuve a charrié d’énormes troncs d’arbres stoppés net sous le pont. Déjà un air de land art et nous cédons à l’appel des projections nocturnes sur les principaux spots du patrimoine moulinois, le nouveau dada des municipalités en quête d’animation.

Mention spéciale pour la création autour du Centre National du Costume de Scène narrant l’histoire du lieu. Sans aucune signalétique ( ?), le digital roi oublie pannes de batteries et zones blanches. Idem sur l’affiche qui ne donne aucune indication. Nous reviendrons au bon vieux « demande aux passants » pour découvrir les autres propositions.

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Moulins et son Centre National du Costume de Scène, nous sommes fans ! Cette année, l’expo temporaire propose un voyage avec les couturiers de la danse. Comme toujours, la scéno impeccable en 13 tableaux montre la relation intime et artistique entre le ballet et la haute couture. Heidi Slimane, JP Gaultier, Maria Grazia Chiuri, Lacroix… 130 costumes s’offrent à notre regard ébloui, prouesses de techniques et de créativité pour sublimer le danseur dans son art de conteur d’histoires. Versace clôture en majesté la déambulation avec la présentation de costumes de 6 ballets habillés par le couturier pour le grand Maurice Béjart. Fantastique !

Notre route reprend vers Macon avec quelques étapes « vite faites » : la ville thermale de Bourbon Lancy, Paray-le-Monial la sainte de Bourgogne, toute consacrée à Marguerite Marie et ses apparitions, Charolles et Macon, cité viticole un peu désuète mais bien arrimée à la Saône, toute en largesse. Nuit à Pont-de-Veyle, charmante bourgade maconnaise.

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Pont-de-Veyle s’avère être un contournement très prisé des routiers. Dommage car l’eau s’y glisse joliment autour d’un château heureusement rénové par la communauté de communes. Départ tardif pour rejoindre les prémices de la Savoie et les monts de l’Ain.

On passe Bourg-en-Bresse vide d’activité en ce mois d’août, faisons un saut au monastère de Brou à la belle église bâtie par une reine en l’amour de son défunt roi… Midi, trop tard, les portes se ferment pour découvrir l’intérieur récemment « digitalo-rescénarisé ».

On pique vers Nantua, promesse d’un lac romantique et d’une sauce aux écrevisses spéciale quenelle, petite madeleine personnelle. Hélas, les beaux jours de la station sont très, très loin. Le lac clapote sous le vent, très beau site fort mal exploité. Place aux demeures fantômes, la végétation prend le pas sur les vestiges des loisirs anciens… triste ambiance. Désœuvrés, les jeunes gens et messieurs en quête d’une vie meilleure s’échouent sur ces rivages obscurs. Le magasin d’usine de la marque locale Cotelac apparaît en total décalage avec ses pièces soldées à plus de 100 € minimum.

On file bien vite vers la montagne. Stop à la glacière de Sylans, les ruines comme on les aime d’une belle entreprise 1900 qui, chaque hiver, livrait de la glace jusqu’à Lyon et Paris. Quand l’épaisseur de glace du lac voisin atteignait plus de 15 cm, le propriétaire hissait drapeau et usait de la corne de brume pour prévenir les paysans de radiner fissa afin de tailler en pain la glace miraculeuse.

Avant de mettre le cap vers Seyssel, on se déroute pour contempler l’incroyable barrage hydro-électrique de Génissiat, prouesse d’architecture industrielle, notre dada. Avec ses 700 000 tonnes de béton, il retient le Rhône sur 23 km, 53 millions de m3 d’eau. Sous les pylônes à haute tension, ça grésille sec ! En dessous, le dénivelé extravagant dévoile des gorges profondes. Pas de visite cause Covid. Nuit à Chanay, calme village marqué par son centre de santé pour ados, vaste bâtisse religieuse à la vue imprenable sur les Alpes lointaines.

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Sous le soleil revenu, nous passons par les 2 « Seyssel », entre Ain et Haute-Savoie. Changement de décor au passage du pont charmant, la route longe le Rhône pour une arrivée spectaculaire sur le Lac de Bourget et la thermale Aix-les-Bains, encore dans son jus 1900.

Le casino a préservé ses mosaïques art nouveau et quelques hôtels, devenus résidences, rappellent les splendeurs passées.

Les quartiers populaires ont cernés la ville qui réserve une plage publique à tout ce petit monde hétéroclite et intergénérationnel. Le tour du lac réserve une belle découverte de la route des vins de Savoie, vignoble escarpé qui grille sur les coteaux des monts du Chat.

Nous passerons les deux prochains jours sur le site fantastique d’une ancienne poudrière, transformée en atelier d’une artiste « femme des bois », Mireille Fulpius. Tout est beau ici, la vue, les œuvres, les objets soigneusement chinés et restaurés par les hôtes des lieux.

Cette ancienne friche industrielle vibre aujourd’hui des ondulations des machines de la sculptrice prolifique, après avoir livré par millier les mèches empoudrées, ultime ingrédient des explosions d’antan. L’eau de la montagne transperce l’espace, délicatement en amont pour jaillir en une cascade affolante, fraîche et massante, avant de filer à nouveau vers le village. Vergers et jardin ombragé viennent compléter le tableau, quel paradis !

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Balade matinale aux confins du Jura vers le col de la Biche. Une marche sous un soleil montant avec le Mont Blanc étincelant pour compagnon : le site est idéal pour contempler la chaîne des Alpes, majestueuse. Autre chemin, autre panorama, vers le Grand Colombier et la chartreuse en ruine qui dominait le coin. Reste les randonneurs qui font étape au gîte qui a remplacé les moines. Un jardin « des simples » rend hommage aux religieux.

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Le thermomètre monte, la canicule guette. Nous traversons à nouveau les 2 « Seyssel » et ses charmants bourgs pour s’engouffrer dans le Val de Fier qui serpente vers Rumilly à l’urbanisme galopant… on s’approche d’Annecy ! Chance, une place se libère pour notre camion à deux pas du lac tant convoité. Le site remarquable est envahi d’habitants et de touristes en quête de fraîcheur, le lac face A : pédalos, planches, paddles, bateaux en tout genre, ici, le lac s’offre à tous les budgets, pourvu que ça vogue.

Face B : la vieille ville, port du masque obligatoire cet été, pour déambuler dans les ruelles piétonnes aux ancestrales bâtisses entrelacées par les canaux. On contourne encore pour accéder à la vue la plus sublime de ce site enserré dans des monts rocheux aux crocs acérés.

C’est au Crêtoux, dans un camping de montagne au dessus de Saint-Jorioz, que nous atterrissons pour une nuit qui promet calme et baisse du thermomètre.

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Après un ravitaillement complet à Faverges, nous tournons le lac vers Talloires quand un chantier nous offre un parking opportun pour une baignade salvatrice, la température est déjà exponentielle. L’eau du lac est plus appétissante qu’à Annecy et la route semée de nombreux véhicules.

Bon spot pour déjeuner puis halte à La Clusaz dans ses habits d’été ...

... et pèlerinage au Chinaillon, petit village savoyard devenu station grandiose au milieu du domaine skiable du Grand-Bornand.

La montée du col de la Colombière est splendide et au bien-nommé « Le Reposoir », nous trouvons un coin tranquille avec vue sur la chaîne éponyme. Petit torrent qui transit les pieds, bière fraîche et serveuse enjouée, le soleil décline sur fond de carmel contemplatif.

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Cap sur le lac Léman via l’industrieuse cité de Cluses, siège du géant Mobalpa et la tournoyante route des Grandes Alpes. On jette un œil à Morzine, station d’été réputée depuis les années 40… Stupeur, le village savoyard est le siège d’une nouvelle tribu de cyclistes casqués et bottés, prêts à dévaler les pentes dans la fureur de leurs grosses roues.

Nous retrouvons la torrentueuse Dranse de Morzine pour la prochaine étape : les gorges du pont du Diable. L’éboulement de roches glacières dessine un paysage saisissant de cavités et grottes englouties par la végétation. Même phénomène qu’en forêt de Huelgoat en Bretagne avec ici, un dénivelé de 110 m. Encore plus impressionnant quand l’eau monte à moins d’un mètre des passerelles ! Havre de calme, la remontée nous pousse bien dans nos retranchements cardiaques, moiteur et escaliers escarpés ne faisait pas bon ménage.

A suivre, Thonon-les Bains avec arrivée sur le brumeux lac Léman, on se croirait sur la côte d’Azur ! La charmante bourgade nous réserve trois surprises : une basilique et une église collées, baroque et gothique mêlés,

une expo croisée David Hockney/Marion Charlet, jeune artiste inspirée par le maître : « de la couleur avant toute chose » nous emballe par ses gammes chromatiques, ses jeux de perspectives et ses sujets entre quotidien et imaginaire.

Autre découverte, l’architecte Maurice Novarina et son théâtre avant-gardiste posé en 1961 au cœur de la ville.

A Evian, les riches familles d’antan (dont celle des frères Lumière) aux résidences 1900 ont depuis longtemps quitté les rivages. Reste une station thermale en mutation. Ô tempora, ô mores… casino saccagé par le bling, hôtels « désétoilés », la ville tente cependant de préserver ce qui lui reste de patrimoine : rénovation en cours de la célèbre « buvette Cachat », berceau de la source miracle pour les maladies de rein et de vessie !

Le soleil chauffe à blanc en cette fin de dimanche et nous décidons de retrouver la fraîcheur à Abondance, au cœur des célèbres ruminantes et de leur fromage à l’arôme fleuri.

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Pour visiter « la reine des neiges », Chamonix, nous contournons la montagne par la Suisse et ses villages surfleuris de géraniums aux balcons. Champêtre ! Un salut aux autorités qui ne manquent pas de s’enquérir de la raison de notre présence sur le territoire helvète. En transit : circulez ! De l’autre côté du Pas de Morgins, l’industrie règne en maître : Monthey et Martigny investissent la vallée d’usines chimiques et pharmaceutiques dans un ensemble sans charme si ce n’est celui des montagnes qui encerclent le tout. Retour en France par le col de la Forclaz et, dans la descente, déjà la sublime chaîne du Mont Blanc, encore enneigée.

Parking au pied du rutilant glacier de Bosson qui offre encore ses reflets bleutés. Chamonix trépigne sous la chaleur et les milliers de touristes masqués venus pédaler, marcher, courir, parapenter, voler… ou sauter dans les trains et autres téléphériques pour toucher du doigt les sensations des alpinistes du début du siècle.

L’orage menace et les montées interrompues précipitent tout ce petit monde vers le centre ville où rivalisent les marques de luxe et techniques, pour tous les sportifs.

On croise les augustes silhouettes de pierre et de bronze des premiers explorateurs du XVIIIe, fascinés par ce mont blanc, le guide Balmat, le mécène Horace Bénédict de Saussure et, pionnier de l’ascension, Michel Paccard, le médecin-alpiniste.

Cette activité battante, on le sent, fatigue la montagne. On connaît le déclin inexorable de la mer de glace et de l’enneigement. L’orage gronde sur l’aiguille des Grands Montets et la rivière l’Arve passe du blanc calcaire au gris boueux en quelques secondes, le débit est impressionnant.

On remonte avec le soleil pour une nuit aux Houches, face au Mont Blanc qui rosit de plaisir.

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Sympathique station, Les Houches ont failli nous proposer près du lac « Le Grand Bain » en ciné de plein air. Le ciel en décide autrement, il pleut des cordes. Le matin nous accueille avec une belle éclaircie et un lac déjà actif : pêche et escalade au programme des familles.

Nous faisons route vers Megève et Passy et son viaduc géant. L’industrieuse héberge un « Mountain Store Décathlon » imposant, littéralement dévalisé !

Et nous voici à Megève, la chic et chère, où le jambon/melon à 18 € n’a d’égal que la baguette à 1,85 €. On est « entre soi » et c’est ainsi qu’on le reste. Sans touristes asiatiques (idem à Cham’), Megève nous offre son charme d’autrefois, le choix du tout piétonnier favorisant la balade. Les grandes maisons de luxe maintiennent patrimoine et artisanat de belle facture : Arpin, Allard, tiens, Ladurée et Hermès, grandes marques françaises pour jet-set étrangère qui a désertée les lieux, bien vide dans les boutiques…

La petite chapelle recèle en son chœur une œuvre superbe. Dans l’église baroque, c’est le chemin de croix contemporain du photographe Patrick Wack qui saisit le visiteur, des instantanés surprenants

La route des Grandes Alpes passe par Les Saisies, encore une station d’été où les familles pédalent à gogo...

... et Beaufort bien sûr ! Baroque aussi l’église de Beaufort et sa chaire, toute de bois sculptée.

Nous nous avitaillons en saucisson « garatton » maison et tarte à la myrtille, dévorée au goûter près d’un torrent qui alimente le lac fabuleux de Roselend, une splendeur d’eau d’un bleu profond.

Au Cormet de Roselend, les tarines font le show, ça broute goulûment dans un vacarme de cloches.

Nuit aux Chapieux où camping-cars, tentes et autres hébergements roulants ont élu domicile, belle vallée encaissée où tournoie le torrent des glaciers.

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Les Chapieux sont tout au camping sauvage dédiés ! Véritable « hub » pour tous les randonneurs qui partent à l’assaut des montagnes et des sentiers torrentueux. Resto/guinguette, produits de la ferme, chevaux, chèvres et même un couple de cochons noirs, quel paradis au cœur d’une vallée des glaciers… impressionnante !

Nous nous précipitons sur la navette qui longe la route escarpée du torrent des glaciers pour nous poser à la Ville des glaciers, nom un peu surdimensionné pour ce patelin de quelques maisons dont un producteur de Beaufort à 1 790 mètres d’altitude. C’est le point de départ d’une gentille randonnée à notre niveau, environ 1h avec pause au refuge des Mottets, si bien aménagé qu’on aimerait être des pros de la rando !


Interviews télé sur le chemin sur la prévention en montagne – sans doute repérés sans bâtons ni sacs à dos, nous livrons nos impressions, reconnaissant volontiers ne pas être de grands randonneurs haha, le treck en navette, ça nous connaît ! Nous goûtons avec délice au spectacle magistral de ces derniers glaciers et profitons encore du spot en bas en dégustant une tomme de brebis à la croute fleurie, du cru.

Les nuages s’amoncellent… nous aurons le temps de profiter de la gratuité du funiculaire de Bourg-St-Maurice pour visiter Arc 1600 : un urbanisme visionnaire, une architecture inspirée menée par une équipe de pionniers dont la grande Charlotte Pierrand, Jean Prouvé et Pierre Faucheux. Toujours futuristes, les appartements gardent le style d’époque et l’ergonomie des lieux est bluffante.

L’orage éclate alors que nous « magasinons ». Le déluge grossit vite les torrents, ouf, le spot des Chapieux a dû se vider à toute vitesse et nous avons une pensée pour les randonneurs chevronnés toujours en montagne.

Nous passons Tignes et son église au mobilier sauvé des eaux, qui se dresse toute de pierre vêtue et donne le style à cette station escarpée, à flan de roches et au bord de l’énorme barrage qui noya l’ancien village, le plus haut de France à 180 mètres. Nuit à Val d’Isère, station minérale fière de ses champions.

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Le soleil du matin nous autorise quelques belles prises de vues sur l’immeuble de la Daille, une architecture d’acier et de bois signée par l’urbaniste Jean-Claude Bernard. Il fait écho à la minéralité de la station insérée entre deux crocs rocheux aux reflets d’argent. La pierre est grise ici, les chalets s’en habillent presque entièrement, jusqu’à la lauze épaisse de leur toit robuste.

Direction le col de l’Iseran à 2770 mètres avec un au revoir à la chaîne du Mont Blanc via la route des Grandes Alpes toujours spectaculaire. On retrouve l’architecte Maurice Novarina, croisé à Thonon-les-Bains, avec une chapelle marquant le sommet, élancée !

Petit tour du village de Bonneval-sur-Arc avant de nous lancer sur la petite route du hameau de l’Ecot, départ prisé des randonneurs vers les montagnes frontalières à l’Italie. A mi-chemin, les éboulements rocheux et les cascades ont lentement façonné des gouffres aux eaux enchanteresses, attention, le danger guette aussi à la moindre montée intempestive… Les Abondances qui y pâturent en estive s’y abreuvent avec délice. Au bout de la route, oups, parking géant plein à craquer !

Nous redescendons vite pour une halte à Bessans, commune « camping-car friendly » ce qui n’est pas fréquent dans la région. Le village de La Maurienne recèle une chapelle aux fresques remarquables. Nous y faisons une rencontre truculente avec Madame Roux et son compagnon de route. Les deux natifs du coin, évoquent fièrement leurs ancêtres bâtisseurs de chapelle qui, outre liées au culte, délimitaient habilement les zones d’avalanche, sage prévention des risques vue par les anciens. Richement décorées de bois sculptés et dorés à l’or, elles ont fait l’objet de spoliation en règle par des brocanteurs peu scrupuleux, dupant les naïfs habitants sur la valeur de ce patrimoine. Décidément en verve, le couple du cru nous livre quelques anecdotes cocasses sur le diable de Bessans ou le curé de 90 ans qui gravit chaque 15 août le mont d’en face… et la redoutable Madame Roux finit par nous vanter son gîte 1 étoile, idéalement situé près de l’école en nous indiquant les tarifs, sait-on jamais 😉 Bessans est devenue une charmante petite station hiver/été. Cap sur Briançon en passant par la route créée par Napoléon qui nous offre un morceau de Piémont. Au col du Mont Cenis, chapelle pyramidale pour le moins interpellante, une commande d’EDF en compensation des lieux de culte immergés par le barrage éponyme. Chapelle et presbytère de font qu’un dans ce bâtiment brutaliste conçu par Philippe Quinquet et livré en 1967. Le chemin de croix en argile, très épuré, sur fond de béton, est une réussite. Le lac a des airs de « Ness », on se croirait en Irlande avec une couverture nuageuse presque palpable.

Petit bain d’Italie entre Susa et Cesana avec ce qu’il faut d’automobilistes en « free style » pour nous rappeler la dolce vita ;)

Arrivée sous la pluie d’orage à Briançon, la visite sera pour demain.

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Notre nuit au parking au pied de la citadelle fut rythmée par les trombes d’eau d’un orage rédempteur côté fraicheur car la ville de Vauban convoque résistance et ardeur pour la contempler de bas en haut et vice-versa. Balade intra-muros dans les ruelles escarpées, ruisselantes des eaux de sources qui sillonnent la ville. L’église baroque est en plein préparatif des fêtes du 15 août, ça s’active entre les ors et les tableaux.

On monte encore pour arriver à la citadelle, un classique de Vauban, ici au top de son art défensif, en investissant pas moins de 3 spots, protection de la vallée oblige ! Un panorama à 360 récompense nos efforts.

On reprend la route pour admirer la dernière géante de notre road-trip alpin : La Meije, scintillante de soleil. Elle s’offre à nous grandiose par un petit détour au hameau des Terrasses.

En poursuivant la route vers Le Chatelet, nous tombons sur un village bondé de randonneurs et autres treckeurs, trailers qui partent à l’assaut de ces escarpements rocheux.

Halte à Grenoble, longtemps passée. On se parque à proximité du grand parc qui fut le théâtre en 1920 d’une expo internationale au titre symbolique « de la houille blanche et du tourisme » ! Les cimentiers de la région invitent le grand Perret à créer un monument emblématique de l’événement : ce sera une tour remarquable, fermée en 1960 pour péril. Sa rénovation longtemps promise est annoncée, las, nous constatons avec effroi que c’est l’ensemble du patrimoine grenoblois qui part à volo.

Une ville taguée, partout, et pas que du beau. Quelques quartiers rénovés luttent contre cette triste image, le potentiel est pourtant là, avec de beaux ouvrages de l’architecture contemporaine du XXe. Nous visitons pour la première fois une cathédrale sous vidéo-surveillance renforcée, des rondes policières en pleine vieille ville et des « oiseaux siffleurs » en bas des immeubles Art déco qui longent le parc, signe d’un business en cours !

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Montbrison. La cité médiévale et judiciaire se déploie jusqu’à sa rivière charmante et sa majestueuse église de pierre, gothique flamboyante : grand orgue, croix de chemin vernaculaire en majesté dans le chœur.

Entre deux cérémonies, le lieu palpite entre stage d’orgue et visite de gamins costumés, l’ambiance est bienveillante. Déambulation entre les maisons Renaissance ou médiévale, aux escaliers préservés. Notre camp sur les hauteurs du palais de justice a la vue panoramique sur les Monts du Forez.


En route pour une escapade vintage en autorail des années 50 : le X3800 surnommé par les cheminots « Picasso » en raison de sa cabine de pilotage décentrée 😉 Fans de train, nous grimpons dans la « bétaillère » qui permet le voyage en plein air à travers cette belle région du Forez-Livradois. Un trajet déglinglo où nous crions à l’unisson des gosses dans les tunnels qui rythment la traversée dans les forêts millénaires, entre Douglas, Pins Sylvestres et autres épineux. L’autorail tressaute dans un vacarme d’enfer, on adore !

Il livre sa flopée de touristes à la gare de la Chaise-Dieu, abbaye papale sauvée par un festival de musique classique impulsé par Georges Cziffra. On y admire la danse macabre, les dimensions spectaculaires de l’abbatiale, les sculptures porteuses du grand orgue, qui évoquent les figures de proue des navires. Dernière tarte à la myrtille au goûter, on y prend goût, et hop, c’est reparti pour le trépidant trajet retour, saluant au passage les badauds venus faire « coucou » à ce train mythique.

La balade dans la capitale de la fourme est rapide, toujours ces boutique à l’abandon et quelques commerçants « new look » qui prennent le pari de réanimer les belles endormies, un challenge permanent ! C’est le terme de notre virée alpine, cap vers la mer…

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La Roche-Posay : de l'eau pour la peau. Douce et bienfaisante, la source Roche-Posay s'écoule énergiquement au coeur du petit village, entre moyen-âge et 1900. On y croise une "rando-chiens" qui nous laisse perplexe...


Châtellerault : de l'armement au tiers-lieu. Parfait exemple des mutations des villes dites "moyennes", la cité de Nouvelle Aquitaine rénove son centre-ville et réinvente l'ancienne manufacture d'armes en un lieu protéiforme où se mêle patinoire, école du cirque, espace muséal industriel et services... un geste architectural soigné pour ce nouveau quartier.

Château d'Oiron : l'amour de l'art inscrit dans la pierre. Humaniste et mécène, le grand écuyer de François 1er, Claude Gouffier y crée l'une des plus belles galeries peintes : l'histoire de Troie. L'art contemporain s'y épanouit aujourd'hui avec Curios & Mirabilia, une collection imaginée en sa mémoire... décoiffant !

Cholet. De l'abstraction géométrique de Morellet au vestiges de l'industrie textile... la fabuleuse collection du Musée d'Art et d'Histoire nous emporte dans les volutes psychédéliques des maîtres du genre.

Au musée du textile, c'est toute la rudesse des métiers qui happe le visiteur transporté dans ces temps où femmes, hommes et enfants trimaient dans la vapeur des cuves de blanchiment des toiles.