Une balade en Centre Bretagne, Pays du roi Morvan, du Poher et du Léon, entre Vallée des Saints, forêt légendaire et enclos paroissiaux... pleine d’imaginaires, le granit en fil rouge.
Mai 2019
3 jours
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Des Sables d’Olonne, direction Nantes et Vannes pour l’autoroute bretonne qui nous mène en quelques heures vers Auray, premier point d’étape où déjà, les rivières serpentent entre Armor, la mer, et Argoat, la terre. Nous retrouvons notre spot favori pour passer la nuit sur les hauteurs du Port de Saint-Goustan, un parking face au cimetière recommandé par Park4night. Dès les premiers rayons du soleil, en route pour Le Faouët et la chapelle St Fiacre au jubé finement ciselé dans le bois, frontière symbolique entre les hommes du clergé et leurs ouailles.

Le Faouët s’anime d’un marché un peu dégarni en ce mercredi matin, sous des halles spectaculaires, à la charpente intégralement rénovée… le temps doit faire son œuvre pour retrouver l’ambiance médiévale promise.

Jolies routes dans la campagne jusqu’à Carnouët, où une bande de doux-dingues s’est mis en tête de réanimer les Saints bretons sous la forme de géants de pierre, une « île de Pâques » breizo-granitique érigée au cœur d’un panorama à couper le souffle. 15 sculpteurs venus du monde entier, des histoires insensées des Saints sortis de leur oubli et un site vivant, au service du patrimoine breton ! Ça plaît, c’est gratuit, les gamins gambadent entre les statues et les seniors se régalent, guide de visite en main.

Emplis de toute cette sainteté, nous repartons plein d’allégresse vers le Pays du Poher, au pied des Monts d’Arrée. Huelgoat accueille les voyageurs roulants dans un super parking face au camping municipal le long de l’Argent, la rivière qui aliment le lac puis la forêt au féerique chaos rocheux. Un pot sur la terrasse sympathique du bar La Grotte qui offre une vue agréable sur l’entrée du site forestier. La visite sera pour demain. Le bourg est moins sémillant, boutiques fermées et maisons à vendre… les anglais sont sur le coup !

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Notre deuxième journée démarre à l’office du tourisme pour récupérer le plan de visite de la forêt auprès d’une équipe accueillante et prolixe en conseil, ce qui ne nous empêchera pas de nous perdre… il parait que la signalétique disparaît régulièrement, méfaits de quelques fées maléfiques ? Passé le moulin et le chemin gorgé de blocs de granit, véritable filtre vers la forêt légendaire d’Huelgoat, on est transporté dans une ambiance enchanteresse, Brocéliande est ici, c’est sûr ! Le chaos granitique chatouillé par l’Argent, rivière torrentueuse et agile, offre un tableau envoûtant. On arpente avec excitation chemins creux à la végétation étrange pour découvrir, aux détours, des mares féeriques et sources scintillantes. Une balade poétique avec arbres, roche et eau pour compagnons, sous les chants des oiseaux… seuls au monde ?

Le retour par l’ancienne mine de plomb se transforme en périple sauvage, la signalétique défaillante nous perd dans les méandres de la forêt dont nous sortons encore vigoureux, merci le GPS ! Fiers de nos 10 kilomètres de randonnée, nous regagnons le fourgon affamés et heureux, l’effet immédiat d’une sylvothérapie matinale 😀 L’étape suivante nous élève au point culminant de la Bretagne : Roch Trevezel à 384 mètres, une lande désertique et ventée.

Descente vers le Léon et ses enclos paroissiaux remarquablement remis en valeur par des collectivités locales aux petits soins. Ne pas manquer le Centre d’Interprétation de Guimiliau qui offre une scénographie épatante pour comprendre ce qui se joue ici : les paroisses, enrichies par le commerce de la toile des crées, cette toile de lin exportée en Angleterre ou en Espagne par les Bretons du Léon, rivalisent de sculpture et d’architecture pour montrer leur position sociale et la force de leur dévotion. L’enclos est aussi un parcours, de l’arc de triomphe où l’on entre dans le sanctuaire, à l’ossuaire qui rappelle la mortalité de l’Homme, au calvaire plus ou moins statufié, mémoire de la passion du Christ, à l’église où l’on expie ses pêchés. Bestiaires chimériques, statues granitiques emplies de symboles, le catholicisme breton dans toute sa puissance, les légendes en sus. Notre coup de cœur va à Comana, son enclos bucolique, son baptistère chamarré.

Nous passerons la nuit à Saint-Servais dont l’enclos n’est pas en reste, son ossuaire arborant une porte de bois remarquable. Le peintre Yan d’Argent est enterré dans le cimetière. Natif de la commune, il y fut décapité post-mortem afin que sa tête rejoigne l’ossuaire des ses aïeux. Autres temps, autres mœurs… Le café L’inattendue nous accueille pour un demi et du pain croustillant, au milieu de bouilles autochtones bien sympathiques, le flyer du prochain festival bien en vue, le fond sonore rock’n breizh assorti. Nuit tranquille sur le parking dédié au camping-car avec borne de services, merci la mairie 😀

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L’installation de son téléphérique urbain, le premier de France, a eu un retentissement médiatique mérité. Le centre ville et la célèbre rue de Siam sont maintenant reliés à l’atelier des Capucins, le nouveau tiers lieu qui rivalise allégrement en volume avec les nefs nantaises ou le projet Darwin bordelais. L’espace y est gigantesque, déjà investi par associations – on arrive à point nommé pour le festival des carnets de voyage – clubs sportifs avec un mur d’escalade au top, médiathèque et espaces de co-working où quelques étudiants occupent les rangs.

Du bel espace oui, mais celui dédié au commerce laisse songeur… parti-pris design/créateur haut de gamme, tarifs à l’unisson, on retrouve là ce que l’on voit déjà partout dans les grandes villes d’Europe, du concept-store mondialisé réservé aux portes-monnaies bien garnis. On ne se bouscule pas d’ailleurs, ni à l’intérieur, ni en terrasse. De belles idées quand même, dont une expo de dessin sur cintre qui ambiance habilement la salle du resto.

Envol retour avec vue imprenable sur la rade, la Penfeld et la Marine Nationale toujours active en contrebas. On remonte en tram vers le « vieux Brest » qui se mortifie, chaque station arborant son lot d’ex-boutiques aux portes closes, rideaux baissés, tags fatals, le changement de cœur de ville opère-t-il déjà ?

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L’autoroute retour file entre rias et abers. Une dernière étape à Saint-Nazaire pour profiter de l’estuaire de la Loire qui, au crépuscule, réserve une atmosphère toute particulière, entre pêcheries et zone portuaire industrielle aux paquebots monstres – 4 sont actuellement en construction. Le quai des marées propose encore une halte accueillante aux camping-cars, non loin de l’usine élévatoire où là aussi, la gentrification est en marche : le projet de réhabilitation prévoit une brasserie de houblon très tendance affublé d’un hôtel 4 étoiles « décalé », promesse d’une clientèle qui détonnera sans doute avec le Petit Maroc voisin 😉