Carnet de voyage

L'Ivresse Africaine (Part One)

10 étapes
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L'ascension du toit de l'Afrique au pays du Roi Lion en Février 2018. Une semaine magnifique riche de découvertes et de partages...
Février 2018
2 semaines
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Me voici à la moitié de mon séjour en Tanzanie et c'est pourtant à ce moment que débute mon carnet. C'est la véritable raison de ma présence à cet instant au Babylon Lodge à Marangu, la réalisation de mon objectif initial de ce voyage. Je suis installé confortablement avec un vrai lit pour la nuit prochaine et une bonne douche chaude. A partir de demain les conditions seront un peu plus roots.

Babylon Lodge: très sympa! 
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A notre arrivée un peu plus tôt, nous avons été accueillis par les chants des porteurs d'un groupe de randonneurs qui venait de redescendre. Ça met un peu la pression.

Les chants africains... Ils nous ont accompagné tout au long de ces 2 semaines.
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C'est étrange ce questionnement au moment de rédiger ce carnet: quel était le véritable objectif? Pourquoi gravir cette montagne, ou les autres au cours de mes différents treks? Pourtant je sais que je vais souffrir un peu. Toujours cette volonté, cette curiosité de découvrir, d'aller au delà des limites que je connais.

Ces limites qui se dressent devant quelquefois, autant d’obstacles qui me contraignent. Il y a tellement de chose au delà. Il n'y a qu'un pas pour les franchir et continuer le chemin et explorer. C'est vrai certaines sont difficiles à dépasser, voir impossibles, mais il y a toujours quelque chose derrière... A chaque étape l'apprentissage, l'expérience permettent d'entrevoir d'autres possibilités... Et puis demeure l'espoir d'aller encore plus loin la prochaine fois. En tout cas je mesure vraiment la chance que j'ai, même si je ne suis jamais rassasié, j'en veux toujours plus. Ma santé, mon passeport français, accessoirement mon job (lui il me donne les moyens, comme il me freine.), font tomber les premières barrières.

En fait je crois que la principale motivation, au delà de découvrir un peu plus ce fabuleux monde qui m'entoure (et qu'est ce que ça vaut le coup!), de ressentir la joie de réaliser un rêve, cette fierté, ces émotions d'avoir atteint un objectif, ce "Sel de la vie", c'est de continuer à se découvrir. Se dépasser? Je ne pense pas, je vais chercher mes capacités insoupçonnées, j'apprends à chaque fois un peu plus. Élargir le monde autour, tout en se recentrant sur soi.

Je suis un boulimique frustré du monde qui m'entoure, frustré de ne pouvoir le découvrir plus souvent, tout en ayant conscience que ce (et ceux) qui se trouve juste à côté pourrait suffire à mon bien être. Prendre le temps et savourer ce que j'ai... Mais sans s'endormir... Heureux ceux qui ont atteint cette harmonie ... Je m'égare, revenons au Kili.

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Pourquoi le Kilimandjaro? Je ne sais pas pourquoi Il y a des noms que l'on connait depuis toujours. Le Kilimandjaro... ce nom m'est familier et pourtant je ne connaissais pratiquement rien de lui. Il a connu la célébrité de diverses manières, il est souvent cité: comme cette chanson "les neiges du Kilimandjaro" que tout le monde connait. Qui pourrait instantanément me donner le nom de son interprète Pascal DANEL? (spéciale dédicace à Stéphane), au cinéma ou dans la littérature avec notamment Ernest Hemingway que je n'ai jamais lu, ou encore dans cette expression "le toit de l'Afrique" sans avoir une idée de l'altitude de son sommet ni véritablement sa situation géographique, en Tanzanie. J'aurais parié sur le Kenya.

Ou cette photo d'un troupeau d'éléphants au premier plan et qui est si souvent utilisée pour en faire la promotion: elle est en fait prise depuis un réserve au Kenya. Il n'est pas possible de faire ce cliché en Tanzanie.

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Au delà du mythe, je voulais poser mon empreinte sur un point remarquable de notre belle planète. Après avoir traversé le cercle polaire arctique il y a 2 ans et de m'être approché le plus près possible du Pôle Nord en Europe au NordKapp en Norvège, il me permettait de faire un 180° et de me retrouver pratiquement sous l’Équateur tout en me proposant de faire ce que j'aime: grimper et en prendre plein les yeux (et c'est rien de le dire...), de m'élever à des altitudes qui commencent à compter, "faire l'un des Sept" sans expérience, sans nécessité d'avoir les compétences techniques d'un alpiniste. Merci Franck de m'/nous avoir emmené là haut. Juste la volonté de faire un pas devant l'autre comme je sais si bien le faire. Et en prime le faire dans ces conditions et des températures largement accessibles: -10°C au sommet et quelques températures un peu fraiches en sortant de mon duvet au cours de certaines nuits. Le reste du temps des conditions climatiques optimums sans souffrir de la chaleur sur les hauts plateaux tanzaniens et des températures très agréables tout au long du séjour. Et enfin d’avoir pu le partager avec mes compagnons de circonstances et de passer avec eux de très bon moments.

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Mon choix au moment d'étudier les aspects d'organisations s'est porté sur l'UCPA. Une première pour moi.

Avec l'avantage d'offrir deux activités bien distinctes: cet objectif de l'ascension et en bonus une semaine de safari, pour plonger dans l'univers du « roi lion » et de découvrir l’Afrique, quelques tranches de vies locales avec un budget "plus contenu" (pour ceux que cela intéresse, j'ai les coordonnées de notre guide Franck, pour éviter des intermédiaires et pour personnaliser si besoin: vous pouvez y aller les yeux fermés, c'est un super pro). Pour le même budget avec une autre agence de voyage je n'aurais fait que l'ascension avec pratiquement les mêmes prestations puisque sur le Kili il n'y a pas d'hôtels "quatre étoiles". Cela reste roots et ceux qui ne supportent pas de dormir sous tente et de bénéficier d'une douche chaude tous les jours, fuyez!

Avec l'inconvénient de ne pas pouvoir choisir sa date de départ et de retour: il faut que cela colle pile poil avec les contraintes de congés, n'est-ce pas Claire? J'avais tenté l'aventure l'année passée, cela ne l'avait pas fait. Sans regrets.

Avec l'inconnu pour moi de partager ce voyage avec un groupe et d'être peut-être en "décalage". J'avais, comme beaucoup, entendu quelques anecdotes sur les stages UCPA. J'ai pleinement confiance à mes capacités d'adaptation mais à ce niveau j'ai pas eu véritablement besoin de puiser dans le réservoir. Merci Lucie, Anaïs, Yvette (oui ça existe encore... Je taquine.), Marion, Claire, Catherine, Thomas, Pierre, Vincent, Étienne, Sylvain, Frédéric et Stéphane. Merci à Toi Franck et tout "ton Staff". Je suis très heureux d'avoir partagé ce séjour avec vous tous. Je me suis permis de vous emprunter quelques clichés par-ci par-là.

Nous avons tous atteint le sommet. Une fierté pour tous.
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Le Kili a répondu à toutes ces attentes et bien au delà. Et pourtant le séjour une semaine plus tôt n'a pas débuté comme cela était prévu: un départ retardé de 24h pour un problème sur l'avion juste avant l'embarquement et avec le bonheur de visiter Roissy city. Il a failli également tomber à l'eau hier au petit matin: je me suis retrouvé sans mon sac et tout mon matériel. Il avait disparu (j'y reviendrai dans la seconde partie.). J'ai rapidement relativisé, mais quelle déception. Bon j'ai pas trop eu le temps de gamberger, il est réapparu quelques dizaines de minutes plus tard, bien assez pour se poser encore de multiples questions. En tout cas moins longtemps que pour Vincent.

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Le Kilimandjaro est constitué par 3 volcans dont le Kibo, situé au centre. C’est un énorme dôme qui est posé sur les plateaux tanzaniens qui culminent à 1700 mètres d'altitude. C'est ce qui fait sa particularité, son attractivité et son côté spectaculaire. Il n'y a pas de montagne autour. A son sommet (5895 mètres) "on surplombe" une plaine située à 4200 mètres plus bas. C'est magique, indescriptible. Le plus beau "roof" qui m'a été permis de fouler jusqu'à présent. Cette sensation d’avoir le monde à ses pieds.

C'est aussi un parc national très réglementé.

Il y a 6 routes et 2 camps de base: 4 routes pour monter et 2 pour descendre.

Notre itinéraire: la voie Rongai pour la montée et la voie Marangu pour la descente. La dernière ascension par la face Est. 6 jours de trek, 4,5 jours d'ascension et 1,5 jours pour la descente.

Les différentes voies 

Cet itinéraire est réputé plus facile pour accéder au camp de base de Kibo Hut (situé à 4700 mètres) et cependant plus compliqué pour la dernière ascension: 2 sommets intermédiaires avant d’arriver à Uhuru Peak.

Le gouvernement tanzanien impose d'être accompagné par des guides diplômés: un "chef guide" et des guides assistants en fonction du nombre de participants. Il n'est pas obligatoire de "prendre" des porteurs" mais vivement conseiller. Dans ce cas le nombre est défini là aussi par les autorités: pour notre groupe pas moins de 39 porteurs et 5 guides... Un vrai petit village à notre service!!!

Si vous envisagez de vouloir emmener quelques groupes là haut, il vous faudra pendant un minimum de 2 ans porter leur sac et matériels, puis de bénéficier d'une formation incluant forcément les règles de sécurités. Le principal danger le mal des montagnes qui peut avoir des conséquences dramatiques: vous devrez être à l'affut de ses premiers signes et effets sur votre groupe, réagir au plus tôt (je ne l'ai jamais ressenti, mais je sais que nous étions observés sans cesse). Il vous faudra également des qualités organisationnelles (c'est vous qui recrutez vos porteurs), de bonnes compétences managériales (mener un groupe de 43 "employés" tout en s'assurant que les 14 "touristes’" que vous accompagnez ne manquent de rien et ce pendant 6 jours, disponible 24h/24 si besoin...). Il vous restera ensuite l'ultime épreuve physique de faire l'aller-retour jusqu'au sommet avec 50 kg sur la gueule dans un temps limité (ça j'ai pas retenu mais il me semble que c'est de l'ordre de 2 jours). Sans oublier d'être polyglotte. Après tout ça vous serez prêt. A 28 ans Franck.... RESPECT.

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6 jours plus tôt je me suis déjà approché à quelques centaines de mètres du sommet. Notre pilote nous a fait gentiment ce cadeau en se détournant de la route directe, prolongeant ainsi le vol de quelques minutes: l'avion est passé "en rase motte" sur sa face Est. Impressionnant. Et 300 passagers qui se précipitent sur le côté droit de l'avion.

Le Sommet: le but à atteindre et si possible sans nuages.
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Départ du lodge lundi 19 février au matin. RDV dans un premier temps à "Marangu Gate" (qui sera notre point d'arrivée dans 6 jours) pour remplir les formalités et surtout régler la taxe gouvernementale: 800 dollars US par personne. On a participé à l'effort national tanzanien.

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On reprend le bus pendant deux heures jusqu'à Rongai Gate, point de départ de notre trek à 1800 mètres d'altitude environ.

Pendant que les porteurs se répartissent le chargement (20 kg par porteur plus leurs affaires personnelles) et commencent leur ascension, nous prenons des forces avant le départ.

Le seul pique-nique du séjour!! Nous avons toujours mangé à table, servis matin, midi et soir 
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Quand je revois les porteurs chargés, je repense à mes trek en autonomie avec 12 à 13 kg (sans l'eau) et en ayant optimisé à mon sens le poids au maximum. Jusqu'à présent je me suis souvent demandé comment font ceux qui optent pour "l'ultra léger" avec un sac de 08 kg. Je crois que pour les prochains, je vais tenter de m'en approcher au maximum: Je fais la comparaison avec ce trek où j'ai probablement porté 6 kg au max avec l'eau. L'effort n'a rien à voir, les dénivelés sur les premières étapes s'avalent avec une facilité! Mais je fais pas le malin, je redoute les effets de l'altitude dans les prochains jours.

A notre tour de partir, ballade dans la forêt avec un dénivelé de 800 mètres au total pour la journée. Tranquille. Arrivé en fin d'après-midi, le camp est déjà prêt.

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Simba Camp. Le sommet n'est pas très loin... 28 km...
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Il a plu cette nuit. Je me lève avant le levé du jour. Il ne fait pas chaud, le ciel est dégagé et petit à petit la plaine se dévoile avec une vue sur le Kenya. Je me tourne et je me trouve face à lui, face au Kibo. Les précipitations de la nuit lui ont donné cette fine pellicule blanche. Le levé du soleil est magnifique.

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Il ne suffit que de quelques minutes pour que l’atmosphère se réchauffe. Le village se réveille,le camp est démonté le temps que nous prenions un petit déjeuner au soleil. Excellent!

C'est fou la somme de matériel montée à dos d'hommes. 
Le chant du matin... 
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Nous reprenons la route. Nous avons quitté la forêt tropicale pour traverser une végétation dense constituée au départ de grands arbustes. Petit à petit la végétation est moins haute. Les nuages remontent. Le rythme est "Polé Polé", très lent. On suit nos guides qui rythme cette ascension. l'objectif est d'habituer au maximum l'organisme à l'altitude.

Les porteurs qui sont à présent chargés de tout notre matériel nous dépassent aisément.

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Arrivé à "Second Cave" (3400 mètres). J'ai explosé mon record d'altitude sans véritablement m'en rendre compte, je n'ai pas l'impression que cela monte.

Puis "Kikelewa Camp" (3600 mètres), le campement pour la prochaine nuit. Encore une fois le camp est déjà prêt. Le temps d'arriver, les bassines d'eau chaude nous sont apportées. Pas de douche, ni d'eau courante: c'est ce que nous aurons à disposition le matin et le soir. Du luxe compte tenu de l'endroit où on se trouve.

Un balcon sur la plaine africaine. Magique! 
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Toujours un réveil avant l'aube, il fait encore moins chaud. C'est encore plus magique que la veille. Aucun nuage.

Une étendue infinie, j'aperçois la courbe de l'horizon. 
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Encore un petit déjeuner en terrasse. Ce sera le dernier dans ces conditions, faut pas abuser. Les suivants seront pris sous la tente, mais toujours à table. La vaisselle est faite 3 fois par jours!

The Best Place. 
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Il sera dans notre dos aujourd'hui. 
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Le temps de nous donner nos gourdes remplies d'eau et de les désinfecter avec nos pastilles, nous reprenons le chemin en nous éloignant de notre objectif: nous prenons la direction du Mawenzi.

Le Mawenzi à l'Est 
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Nous dépassons la ligne alpine à partir de laquelle pratiquement plus rien ne pousse. Nous atteignons également l'altitude de 4000 mètres que nous franchissons tous aisément. Les nuages montent avec nous et avec l'air chaud qui se réchauffe plus bas.

Je sonde régulièrement mon physique pour déceler éventuellement les premiers signes du MAM (mal aigu des montagnes). Tout est OK.

Les porteurs nous ont dépassé depuis longtemps. 
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Je m’efforce également de boire les 3 litres d'eau conseillés pendant les phases d'ascension. La sensation de soif est absente, il fait bon mais à notre allure et avec un poids mesuré le cardio ne monte pas. Au total c'est 5 litres d'eau par jour au minimum que nous devons boire. l’hydratation, le meilleur remède pour éviter au maximum les symptômes du MAM. De la soupe à tous les repas, plus du thé et café plusieurs fois par jour.

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Arrivée vers midi au campement du jour: "Mawenzi Tarn Hut" 4300 mètres!

ça calme... Le sommet à 17 km. 
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Malgré l'altitude plus haute que la veille (700 mètres), nous devrions avoir moins froid protégés du vent par le Mawenzi 
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Après le déjeuner il est temps de nous faire la démonstration du caisson hyperbare et de nous expliquer l'organisation de nos accompagnateurs. C'est carré.

Espérons que nous n'en ayons pas besoin...
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Toujours ce MAM qui est susceptible de trainer pas très loin. Pour l'éloigner et se donner le maximum de chance pour continuer l’ascension, on monte jusqu'à 4500 mètres dans l'après-midi pour une séance d'acclimatation. On restera sur ce spot une heure environ avec cette superbe vue et la chaleur du soleil. Un très bons moment.

On s'essaye aux chants locaux.
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Notre progression. Sympa! Images prises par Stian et son ami: des randonneurs norvégiens. 
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Le camp 200 mètres plus bas. 
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La journée se termine , une nuit étoilée nous attend, encore un truc de fou. Demain la journée sera longue. 
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Encore une fois un levé de soleil que je ne suis pas certain de revoir un jour, un truc énorme. Une mer de nuage pratiquement à 2600 mètres sous nos pieds. Je ne me lasse pas de revoir ces photos, elles m'aident à me remémorer ces sensations, revivre ces souvenirs.

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Au programme ce matin une randonnée de 9 km avec un dénivelé relativement faible, 400 mètres. Le camp de base apparaît très tôt dans notre champs de vision.

C'est Franck qui ouvre la route aujourd'hui. Toujours Polé Polé. 
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Cette fois-ci on file droit dessus. 
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Nous apercevons également la principale difficulté de la nuit prochaine : "Gilman's Point" à 5685 mètres. Finalement cela ne paraît pas si haut que ça.... Bon il y a quand même pratiquement 1000 mètres de dénivelé. L'altitude écraserait t'elle les distances? Ses premiers signes?

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Nous changeons encore une fois d'environnement, on traverse un désert, il n'y a pratiquement pas de végétation et c'est relativement plat. La température est très agréable, j'ai quand même gardé la doudoune aujourd'hui.

Cela fait un moment que je vois l'objectif du jour, mais il se fait désirer. Les pas se succèdent sans avoir l'impression de véritablement progresser.

Dans notre dos le Mawenzi. 
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Enfin l'arrivée à la mi-journée, dernier faux plat. Il ne reste plus que 200 mètres et c’est à cet instant précis que je ressens les premiers effets de l'altitude: je n'ai pas du tout l'impression d'être fatigué, mais d'un coup j'ai du mal à monter cette petite pente. Mes jambes me semblent lourdes. Très étrange cette sensation, la tête est bien là mais les jambes ont du mal à suivre.

KIBO HUT, un des deux camp de base du Kili. 
Tout le monde est là. 
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Il y a beaucoup plus de monde sur ce camp: c'est aussi le point de RDV d'une seconde voie, la voie Marangu qui est surnommée la voie "Coca-Cola". Réputée plus facile, elle est la plus utilisée. D'ailleurs les randonneurs bénéficient généralement d’hébergements "en dure". Je préfère largement nos tentes.

Le camp fourmille de porteurs. 

C'est aussi le point d'arrivée de nos porteurs. Ils n'iront pas plus loin et attendront notre retour. Ils ont 24 heures à tuer, 24 heures de repos bien méritées. C'est fou, ils ne sont pas autorisés à monter plus haut, seuls les guides peuvent aller plus loin. Monter si souvent sans jamais atteindre le sommet. J'imagine la frustration et je m'interroge sur la façon dont nous sommes perçus. Je sais qu'ils comptent tous sur notre pourboire dans 2 jours...

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Ils nous ont encore installé dans un super endroit. Mon sac m'attend déjà dans ma tente. ça le fait vraiment. 
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Nous prenons notre repas de midi sous la tente (il fait beaucoup moins chaud).

Le repas type qui nous a été servi tous les jours: soupe, une viande (poulet, chèvre, bœuf), des féculents (riz, pâtes, polenta), légumes et fruits (mangues ou pastèque: oui ils ont monté des pastèques jusqu'à 4700 mètres d'altitude). Et toujours du thé et du café.

La sieste "imposée" nous attend. RDV à 17h00 sous la tente dans laquelle nous prenons habituellement nos repas. Je me repose mais je ne dors qu'une heure environ.

17h00, l'heure de la collation de l'après-midi. Franck entre dans la tente avec les 4 guides assistants. C'est la première et la seule fois que les guides assistants se joignent à nous sous la tente. Il va se passer quelque chose. Franck a l'habitude de faire un débriefing de la journée et le briefing pour le lendemain. Il le fait à chaque étape, tranquille. Là c'est différent, ambiance militaire, on va partir à minuit, en file indienne. A chacun d'entre nous est désignée un place. Je serai en onzième position.

Une petite nuit nous attend: 18h00 - 23h00. Il va falloir trouver le sommeil. Puis ce sera le repas avant de partir.

Le soleil se couche sur le Kilimandjaro, une mer de nuage enveloppe le Mawenzi petit à petit. Quoi qu'il arrive il n'y aura rien à regretter. Quelle vue, quel spectacle!

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Je contemple une dernière fois Gilman's Point. Je le gravirai de nuit, je ne le verrai pas au cours de la montée. Une fois atteint ce sera gagné, UHURU PEAK sera alors à ma portée. Il est temps d'aller se coucher.

Je contemple une dernière fois Gilman's Point. 
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23H00... Le "jour J"... J'ai peu dormi. Je me prépare rapidement, le froid me saisi. C’est le moment que j’aime le moins lorsque je suis en randonnée: sortir de mon duvet relativement chaud quand il fait froid à l’extérieur. J'enfile quatre couches de vêtements techniques pour lutter au maximum contre les températures négatives. Je prends également mon passe-montagne, gants et moufles. Sous l'équateur...

Je me force à manger.

C'est le départ à 00H00, dans l'ordre défini quelques heures plus tôt. On aperçois des files indiennes de frontales parties avant nous et d’autres qui nous précèdent. La nuit est claire, le ciel étoilé est splendide. J'avance sûrement, concentré sur moi, à mon écoute. Ce n'est pas la même ambiance que les autres jours. Pour le moment tout va bien, je ne ressens pas le froid non plus. Nous dépassons l'altitude du Mont Blanc.

On progresse dans le noir et dans les éboulis à la lueur de nos frontales et des étoiles. Quelquefois des randonneurs accompagnés d’un guide nous croisent dans l'autre sens. Ce ne sera pas pour eux aujourd'hui. Nous en verrons un certain nombre aujourd’hui, certains à la limite de la syncope.

Les intervalles entre deux pauses sont de plus en plus courtes. Tout va bien pour moi jusqu'à 5600 mètres environ. Au cours des derniers mètres avant d'atteindre la crête à Gilman's Point, nous avons traversé les seuls terrains dans lesquels j'ai eu besoin de grimper avec mes membres supérieurs et où j'ai apporté une attention particulière à mon équilibre aidé de mes battons. Jusqu'à présent je ne les utilisais que pour répartir l'effort et soulager mes jambes. Puis la fatigue, le froid, l’altitude engourdissent mon esprit. Comme un état second qui me gagne.

Je ressens les signes de l'Ivresse des montagnes: en fait ces moments là, je ne m'en souviens plus vraiment, en tout cas pas de façon continue, il me reste des flashs. Cela a duré une heure environ le temps de traverser la ligne de crête (pratiquement plate) jusqu'à Stella Point à 5756 mètres. Jusqu'à ce que les premières lueurs du jour apparaissent, jusqu'aux premiers rayons de soleil sur le mont Warenzi. Je suis épuisé, j'ai tellement envie de m'allonger. Je lutte à la dernière pause pour ne pas m'endormir, je sais que si je cède je ne repartirai pas.

Je suis ennivré, fatigué, assommé. Mais je ne suis pas malade. Ma respiration est rapide, en quête d'oxygène alors que les efforts ne sont pas violents. Si je peux tenter de définir cette nuit, j'ai connu les différents états que l'on peut ressentir au cours de ces soirées qui se prolongent, de ces fêtes arrosées, mais pas dans le même ordre. Elles se passent "habituellement" de cette façon: l'excitation, l'ivresse, et avec un peu trop d'abus, un état comateux sans ne plus pouvoir lutter contre le sommeil. Cette nuit là, l'Ivresse et l'excitation sont arrivées après. Dès les premières lueurs sur le Mawenzi, dès que le paysage s'est dévoilé à Stella Point, j'ai pris un énorme shoot d'adrénaline.

L'énergie revient d'un coup. J’ai beaucoup moins froid. Nous ne progressons plus en file indienne, j'accélère, le terrain s’élargit, je dépasse nos guides. L'excitation me gagne, toujours paradoxalement avec un esprit un peu "embué". Je sais à présent que je vais atteindre mon but, j'étais encore dans le doute quelques minutes avant.

Je suis dans un autre monde, je plane. Nous sortons de la nuit. Le plus beau levé de soleil que j'ai vu jusqu'à présent. Il n y a plus rien à dire...

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Clichés de nos amis norvégiens partis quelques minutes avant nous. 
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Nous atteignons UHURU PEAK vers 07h00 du matin.

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La modélisation de l’ascension: merci Sylvain! 
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Je ne me lasse pas de la vue, un truc de fou. Les pensées, les émotions s'entrechoquent dans ma tête.

Nous sommes pratiquement tous en bonne forme, ce qui nous permet de rester un bon petit moment là haut. Je profite des moindres secondes, ces moments sont si rares mais tellement intenses. Ces souvenirs seront à jamais gravés.

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Voici une vidéo de 10 minutes (trouvée sur YouTube) qui reflète bien l'ambiance et qui résume bien l’ascension.

Les regards en disent long.  "Africa Must Wake Up": trop bien.
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Le Mont Méru au loin (4565 mètres). 
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Le cratère (on est bien sur un volcan) et les derniers glaciers. 
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Il est temps de redescendre.... Chacun à notre rythme de façon désordonnée. Mais toujours "sous surveillance".

Le soleil qui se lève petit à petit nous dévoile la beauté des lieux. 
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Nous sommes sur une arrête qui borde le cratère au loin à notre gauche 
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On aperçoit le camp de base. 
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Nous repassons Stella Point de jour, je n'ai qu'un vague souvenir de l'avoir croisé cette nuit, comme les crêtes jusqu'à Gilman's Point. J'en profite au maximum, je prends mon temps, la fatigue est oubliée.

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Les seuls "terrains" un peu techniques de ce trek. 
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Je ne me lasse pas du spectacle. 
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On descend tout droit dans les éboulis: le sol meuble amortit les effets de la pente .
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ça laisse songeur...
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Nous arrivons en fin de matinée, les uns après les autres en petits groupes dispersés. Un repas et une sieste d'une heure nous attendent. La journée n'est pas finie. Le soleil chauffe, un régal. Je contemple cette montagne, je l'ai conquise, je me suis découvert un peu plus.

Retour au camp de base. Fier... 
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Après un peu de repos, nous reprenons notre route: le Warenzi est face à nous, mais rapidement nous prenons à droite. Nous sommes passés sur sa face Nord à la montée, nous plongeons au Sud par la voie Marangu. Le rythme n'est plus "Polé Polé", nous marchons normalement.

8 km avant d'arriver à notre prochain camp. La végétation réapparait petit à petit, toujours aussi surprenante.

Arrivée en fin d'après-midi. Une très longue et grosse journée aujourd'hui: 1200 mètres de dénivelé positif et 2200 mètres en négatif. Ce soir c'est une vrai douche, froide mais ça fait du bien.

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Notre dernier campement: Horombo Hut. 
Le Kibo et Uhuru Peak: le sommet .
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Dernier jour de ce fabuleux trek. Le dernier levé de soleil. Je ne m'en lasse pas.

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18 km à parcourir et 1800 mètres de dénivelés négatifs. Les paysages sur cette voie Marangu sont toujours aussi beaux et si différents de ceux traversés sur la voie Rongai. Pourtant elles ne sont séparées que de quelques kilomètres.

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Arrivée pour le déjeuner à Mandara Hut. Les randonneurs qui empruntent cette voie bénéficient d'une belle infrastructure.

Un joli "camp de vacances". 
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Les derniers kilomètres dans la forêt tropicale et la fin de la voie Marangu. Retour à notre point de départ 6 jours avant.

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Nous retrouvons l'ensemble des porteurs. Ils nous attendent... Nous et la récompense qui est traditionnellement promise. Ce soir retour au Babylon Lodge. On va pouvoir fêter ça.

This is the END. 
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Plus de 2 mois se sont passés entre mon retour d'Afrique et la réalisation de ce carnet. Il est un peu long. Merci si vous avez eu la patience de le parcourir jusqu'à la fin. Même si il est fait pour être partagé, de tenter de vous faire toucher du doigt le plaisir que ce trek m'a procuré, comment je l'ai ressenti, de donner envie et d'en convaincre certains pour tenter eux aussi l'aventure, je l'ai fait aussi pour moi.

Cette intervalle et toutes ces réflexions pour le rédiger me permettent de réaliser à présent ce que nous avons eu la chance d'accomplir. Ce n'est pas si commun. Ce n'est pas non plus si difficile. J'avais hésité pour plusieurs raisons à me lancer. Je ne le regrette pas du tout. Ça c'est fait... Et quoi qu'il arrive personne ne pourra jamais me l'enlever. D'une certaine façon je l'ai gravé, c'est une sorte de sauvegarde.... On ne sait jamais....

Une semaine après, Frank nous a adressé cette vidéo du sommet: elle est magnifique avec ces paysages enneigés, mais comme souvent avec le revers de la médaille: il a beaucoup plu au cours des jours précédents.

Magnifique, merci Franck!
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J'ai visionné différentes vidéos sur le Kili, je me rends compte que nous avons bénéficié de supers conditions.

Je rajoute à ce carnet celle-ci qui résume une ascension par la voie Machame: Les images en 4k sont superbes.

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Allez! un peu de Teasing en attendant la suite...