Dans la brume qui enveloppe les collines vertes. Dans les vapeurs qui effacent la frontière que des hommes venus d'ailleurs ont dessinée pour eux. Dans la fumée dissoute entre les toits rouges et verts de ces temples familiaux. On verrait presque les contrebandiers traverser les ruisseaux, éclairés à la torche. Pour un commerce illicite sur lequel aucune autorité n’avait d’emprise et que seule l’espace Schengen a pu arrêter. Tant de jeunes hommes que les villages connaissaient bien mais dont on taisait les noms. Comme un voile de plus jeté dans la brume des montagnes. Un secret parmi les milliers qui peuplaient les histoires de famille et qui hantent encore les jeunes basques.
"Le monde de mon père termine aux limites de sa ferme qui renferme son ciel et sa terre. Il s’y sent libre." ALSIER ALTUNA, Amama, 2015
Dans ces villages, le temps semble s’être arrêté. Seule l’aiguille du clocher continue de trotter inlassablement. Et pourtant, ces maisons sont si chères à leurs habitants qu’ils en ont pris les noms. Ces maisons ont vu naître, grandir, mûrir, vieillir et mourir tant de basques. Si les maisons n’ont pas changé, des destins s’y sont joués. Certains ont dû les fuir. Mais dans leur exil, ils auraient donné tout l’or du monde pour y revenir. Ces maisons comme des foyers où le feu brûle encore malgré le temps qui passe, des familles qui se font et se défont parfois. Ces murs qui portent les cris de joie et de douleurs de trop de départs et trop de retrouvailles. Ces charpentes qui craquellent d’avoir entendu ces familles chanter les saisons, chanter la liberté et la fête, chanter leur pays. Ce bois qui résonnent encore de tous les fandangos qu’ils ont vu danser. Ces maisons ne tomberont que lorsque le dernier basque mourra.
" Alors un vieil homme, tout couturé, tout basané, qui attendait ce signal, emboucha son clairon et sonna « aux champs » " PIERRE LOTI, Ramuntcho, 1897